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Document 62017CJ0608

Arrêt de la Cour (première chambre) du 19 juin 2019.
Skatteverket contre Holmen AB.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Högsta förvaltningsdomstolen.
Renvoi préjudiciel – Impôt sur les sociétés – Groupe de sociétés – Liberté d’établissement – Déduction des pertes subies par une filiale non-résidente – Notion de “pertes définitives” – Application à une sous-filiale – Législation de l’État de résidence de la société mère exigeant une détention directe de la filiale – Législation de l’État de résidence de la filiale limitant l’imputation des pertes et l’interdisant l’année de la liquidation.
Affaire C-608/17.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:511

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

19 juin 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Impôt sur les sociétés – Groupe de sociétés – Liberté d’établissement – Déduction des pertes subies par une filiale non-résidente – Notion de “pertes définitives”– Application à une sous-filiale – Législation de l’État de résidence de la société mère exigeant une détention directe de la filiale – Législation de l’État de résidence de la filiale limitant l’imputation des pertes et l’interdisant l’année de la liquidation »

Dans l’affaire C‑608/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour suprême administrative, Suède), par décision du 5 octobre 2017, parvenue à la Cour le 24 octobre 2017, dans la procédure

Skatteverket

contre

Holmen AB,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, Mme C. Toader, MM. A. Rosas, L. Bay Larsen et M. Safjan, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 octobre 2018,

considérant les observations présentées :

pour le Skatteverket, par Mme M. Andersson Berg, en qualité d’agent,

pour Holmen AB, par M. H. Andersson, en qualité d’agent,

pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk, A. Alriksson, C. Meyer-Seitz, H. Shev, H. Eklinder, L. Zettergren et J. Lundberg, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, initialement par MM. T. Henze et R. Kanitz, puis par M. R. Kanitz, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. M. Hoogveld, en qualité d’agents,

pour le gouvernement finlandais, par M. S. Hartikainen, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par M. K. Simonsson ainsi que par Mmes N. Gossement, E. Ljung Rasmussen et G. Tolstoy, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 10 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE, lu en combinaison avec l’article 54 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Skatteverket (administration fiscale, Suède) à Holmen AB au sujet de la possibilité pour celle-ci de déduire, au titre de l’impôt sur les sociétés, les pertes d’une sous-filiale établie dans un autre État membre.

Le cadre juridique

Le droit suédois

3

Le régime des transferts financiers intragroupe est régi par les dispositions des chapitres 35 et 35a de l’Inkomstskattelag (1999:1229) [loi (1229:1999) relative à l’impôt sur le revenu].

4

En vertu du chapitre 35, une filiale qui subit des pertes peut les transférer fiscalement à sa société mère, directe ou indirecte.

5

Cet avantage peut, en vertu du chapitre 35a, être accordé lorsqu’une perte est définitive au sens du point 55 de l’arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, ci-après l’ « arrêt Marks & Spencer , EU:C:2005:763), s’agissant d’une filiale détenue à 100 % ayant son siège dans un État membre de l’Espace économique européen (EEE), à condition, notamment, que la filiale soit détenue directement, qu’elle ait été liquidée et que la société mère n’exerce pas, par une société liée, d’activité dans l’État de la filiale à la date de la liquidation.

Le droit espagnol

6

Il ressort des indications de la décision de renvoi que le régime espagnol d’intégration fiscale permet de compenser, sans aucune limitation, des bénéfices par des pertes d’entités du même groupe. Les pertes qui ne sont pas utilisées peuvent être indéfiniment reportées et imputées sur des bénéfices futurs.

7

Toutefois, depuis l’année 2011, une partie seulement des bénéfices d’un exercice fiscal peut être imputée sur des pertes d’exercices antérieurs. Les pertes qui ne peuvent pas être déduites en raison de ce plafonnement restent reportables sur les exercices ultérieurs, au même titre que les autres pertes non utilisées.

8

Par ailleurs, en cas de dissolution d’un groupe fiscal en raison d’une liquidation d’une ou plusieurs des sociétés qui le composent, les pertes restantes du groupe sont, le cas échéant, attribuées aux sociétés qui les ont subies.

9

Enfin, l’année de la liquidation, ces pertes ne peuvent être utilisées que par la société qui les a subies.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

Holmen est la société mère d’un groupe de droit suédois. Elle détient en Espagne, par l’intermédiaire d’une filiale, plusieurs sous-filiales actives dans les domaines de la papeterie et de l’imprimerie, le tout formant un groupe fiscal intégré. L’une des sous‑filiales ayant accumulé depuis l’année 2003 des pertes de l’ordre de 140 millions d’euros, Holmen envisage la cessation de ses activités espagnoles.

11

Elle a demandé un rescrit au Skatterättsnämnden (commission du droit fiscal, Suède), afin de savoir si, une fois la liquidation menée à son terme, elle serait autorisée, sur le fondement de la jurisprudence issue de l’arrêt Marks & Spencer, à procéder en Suède à un dégrèvement de groupe pour ces pertes, qui, sans cela, ne seraient déductibles ni en Espagne, en raison de l’impossibilité juridique de transférer des pertes d’une société liquidée l’année de la liquidation, ni en Suède, en raison de la condition de détention directe de la filiale accusant des pertes définitives.

12

Holmen a, plus précisément, sollicité l’avis de la commission du droit fiscal dans deux hypothèses, l’une, de liquidation de la filiale et des deux sous-filiales espagnoles, l’autre, d’une absorption inversée de la filiale par sa sous-filiale déficitaire espagnole, suivie d’une liquidation du nouvel ensemble. Dans les deux scénarios, Holmen n’exercerait plus d’activité en Espagne pendant la liquidation et n’y conserverait plus d’activité par la suite.

13

Le rescrit rendu par la commission du droit fiscal contient un avis défavorable pour la première option et un avis favorable pour la seconde.

14

La commission du droit fiscal a admis que son avis défavorable sur la première option engendrerait une restriction à la liberté d’établissement, mais a estimé que, conformément à la jurisprudence issue de l’arrêt Marks & Spencer, cette restriction peut être justifiée sous réserve que le principe de proportionnalité soit respecté et, partant, que les pertes en cause ne relèvent pas de l’une des situations visées au point 55 de cet arrêt, où les pertes sont dites « définitives ».

15

Tant l’administration fiscale qu’Holmen ont contesté ce rescrit devant le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour suprême administrative, Suède).

16

Cette juridiction considère que la jurisprudence de la Cour, ne précise pas, d’une part, si le droit à déduction des pertes définitives présuppose que la filiale soit détenue directement par la société mère, d’autre part, si, pour apprécier le caractère définitif des pertes de la filiale, il convient de tenir compte des possibilités offertes par la réglementation de l’État de résidence de la filiale à d’autres entités juridiques de prendre en compte ces pertes et, dans l’affirmative, comment cette réglementation doit être prise en considération.

17

Dans ces conditions, le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Le droit – découlant notamment de (l’arrêt Marks & Spencer) – pour une société mère établie dans un État membre de déduire, en vertu de l’article 49 TFUE, les pertes définitives d’une filiale établie dans un autre État membre présuppose‑t‑il que la filiale soit détenue directement par la société mère ?

2)

Convient‑il également de considérer comme définitive la partie d’une perte qui, du fait de la réglementation de l’État de la filiale, n’a pas pu être imputée sur les bénéfices réalisés dans cet État au cours d’une année donnée, mais a pu en revanche être reportée afin de pouvoir être éventuellement déduite une année ultérieure ?

3)

Aux fins d’apprécier si une perte présente un caractère définitif, faut-il tenir compte des restrictions, prévues par la réglementation de l’État de la filiale, à la possibilité pour une entité autre que celle ayant subi elle-même la perte de déduire cette dernière ?

4)

S’il convient de tenir compte d’une restriction telle que celles qui sont visées dans la troisième question, faut‑il prendre en considération la mesure dans laquelle la restriction a effectivement eu pour conséquence qu’une partie quelconque des pertes n’a pas pu être imputée sur les bénéfices réalisés par une autre entité ? »

Sur les questions préjudicielles

18

Il y a lieu, à titre liminaire, de rappeler que, aux points 43 à 51 de l’arrêt Marks & Spencer, la Cour a jugé qu’une restriction à la liberté d’établissement tenant à une limitation au droit d’une société de déduire les pertes d’une filiale étrangère, alors que cette déductibilité est accordée pour une filiale résidente, est justifiée par la nécessité de préserver la répartition équilibrée des pouvoirs d’imposition entre les États membres et de faire obstacle aux risques de double emploi des pertes ainsi que d’évasion fiscale.

19

Au point 55 dudit arrêt, la Cour a toutefois précisé que, même s’il s’agit d’une restriction en principe justifiée, il n’en reste pas moins disproportionné pour l’État de résidence de la société mère d’exclure la possibilité pour celle-ci de prendre fiscalement en compte à son niveau des pertes d’une filiale non-résidente, alors qualifiées de définitives, dans une situation où :

la filiale non-résidente a épuisé les possibilités de prise en compte des pertes qui existent dans son État de résidence au titre de l’exercice fiscal concerné par la demande de dégrèvement ainsi que des exercices fiscaux antérieurs, le cas échéant au moyen d’un transfert de ces pertes à un tiers ou de l’imputation desdites pertes sur des bénéfices réalisés par la filiale au cours d’exercices antérieurs, et

il n’existe pas de possibilité pour que les pertes de la filiale étrangère puissent être prises en compte dans son État de résidence au titre des exercices futurs soit par elle-même, soit par un tiers, notamment en cas de cession de la filiale à celui-ci.

Sur la première question

20

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de pertes définitives d’une filiale non-résidente, au sens du point 55 de l’arrêt Marks & Spencer peut s’appliquer à une sous-filiale.

21

Cette question se pose dans le contexte de la législation suédoise en cause au principal, qui conditionne un dégrèvement de groupe en cas de pertes d’une filiale non-résidente à l’existence d’un lien direct entre la société mère qui en fait la demande et la filiale non-résidente subissant les pertes.

22

Il y a lieu de rappeler qu’une telle condition, qui conduit à exclure un dégrèvement de groupe transfrontalier dans certaines hypothèses, est susceptible d’être justifiée par les raisons impérieuses d’intérêt général mentionnées au point 18 du présent arrêt.

23

En effet, ainsi que la Cour l’a jugé aux points 45 à 52 de l’arrêt Marks & Spencer, la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres peut rendre nécessaire l’application, aux activités économiques des sociétés établies dans l’un de ces États, des seules règles fiscales de celui-ci, en ce qui concerne tant les bénéfices que les pertes. De ce point de vue, donner aux sociétés la faculté d’opter pour la prise en compte de leurs pertes dans l’État membre de leur établissement ou dans un autre État membre compromettrait sensiblement une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, l’assiette d’imposition se trouvant augmentée dans le premier État et diminuée dans le second, à concurrence des pertes transférées. Par ailleurs, les États membres doivent pouvoir, en excluant le dégrèvement transfrontalier, faire obstacle tant au risque de double imputation des pertes qu’à celui que des groupes de sociétés pratiquent des transferts organisés de pertes en direction de sociétés établies dans les États membres appliquant des taux d’imposition élevés et dans lesquels, par conséquent, la valeur fiscale des pertes est plus importante.

24

Encore faut-il, néanmoins, qu’une condition à un dégrèvement de groupe telle que celle en cause au principal soit propre à garantir la réalisation des objectifs poursuivis et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre.

25

Il y a lieu, à cet égard, de distinguer deux cas de figure.

26

Le premier concerne l’hypothèse dans laquelle la ou les filiales interposées entre la société mère demandant le bénéfice d’un dégrèvement de groupe et la sous-filiale subissant des pertes susceptibles d’être regardées comme étant définitives ne sont pas établies dans le même État membre.

27

Dans ce cas, il ne peut être exclu qu’un groupe puisse choisir l’État membre d’utilisation de pertes définitives, en optant soit pour celui de la société mère faîtière, soit pour celui de toute filiale potentiellement interposée.

28

Une telle possibilité d’option serait de nature à permettre des stratégies d’optimisation des taux d’imposition du groupe, susceptibles de remettre en cause la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et de leur faire courir un risque d’imputation multiple des pertes.

29

Il n’est alors pas disproportionné de la part d’un État membre de poser une condition de lien direct au dégrèvement transfrontalier, quand bien même toutes les autres impossibilités mentionnées au point 55 de l’arrêt Marks & Spencer seraient établies, et ce d’autant moins que l’exception prévue à ce point s’applique, en tout état de cause, à l’État membre de la filiale détenant directement la sous-filiale qui se trouverait saisi d’une demande de dégrèvement transfrontalier afférent aux pertes de cette dernière.

30

Le second cas de figure concerne l’hypothèse dans laquelle la ou les filiales interposées entre la société mère demandant le bénéfice d’un dégrèvement de groupe et la sous-filiale subissant des pertes susceptibles d’être regardées comme étant définitives sont établies dans le même État membre. Tel semble être le cas dans l’affaire au principal, dès lors que tant la filiale interposée de Holmen que sa sous-filiale accusant des pertes ont leur siège en Espagne.

31

Dans de telles circonstances, les risques d’optimisation du taux d’imposition du groupe par le choix de l’État membre d’imputation des pertes et de prise en compte multiple de celles-ci par plusieurs États membres sont du même ordre que ceux constatés par la Cour aux points 45 à 52 de l’arrêt Marks & Spencer.

32

Il serait alors disproportionné pour un État membre de poser une condition de détention directe telle que celle en cause au principal lorsque les conditions énoncées au point 55 de l’arrêt Marks & Spencer sont remplies.

33

Il convient, par suite, de répondre à la première question préjudicielle que la notion de pertes définitives d’une filiale non-résidente, au sens du point 55 de l’arrêt Marks & Spencer, ne s’applique pas à une sous-filiale, à moins que toutes les sociétés intermédiaires entre la société mère demandant un dégrèvement de groupe et la sous-filiale subissant des pertes susceptibles d’être regardées comme étant définitives ne soient résidentes du même État membre.

Sur la troisième question

34

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi souhaite, en substance, savoir quelle pertinence il convient d’accorder, dans l’appréciation du caractère définitif des pertes d’une filiale non-résidente, au sens du point 55 de l’arrêt Marks & Spencer, à la circonstance que l’État membre dont relève la filiale ne permet pas de transférer des pertes d’une société à un autre assujetti l’année d’une liquidation, mais autorise néanmoins le transfert de telles pertes sur d’autres exercices fiscaux de la même société.

35

La Cour est ainsi appelée à préciser si une situation telle que celles envisagées par Holmen, dans laquelle, l’année d’une liquidation, l’État membre de la société non-résidente permet seulement l’utilisation fiscale des pertes par la société qui les a subies, est au nombre de celles, mentionnées par la Cour au point 55, second tiret, de l’arrêt Marks & Spencer, dans lesquelles il n’existe pas de possibilité de prise en compte des pertes de la filiale étrangère dans son État de résidence au titre des exercices futurs.

36

Or, il suffit, à cet égard, de rappeler que les motifs retenus par la Cour au point 55, second tiret, de l’arrêt Marks & Spencer ont expressément envisagé que l’impossibilité conditionnant le caractère définitif des pertes puisse se rapporter à leur prise en compte au titre des exercices futurs par un tiers, notamment en cas de cession de la filiale à celui-ci.

37

Il en résulte que, dans une situation telle que celles envisagées par Holmen, et quand bien même toutes les autres impossibilités mentionnées au point 55 de l’arrêt Marks & Spencer seraient le cas échéant établies, des pertes ne sauraient pour autant être qualifiées de définitives s’il reste possible de faire valoir économiquement ces pertes en les transférant à un tiers avant la clôture de la liquidation.

38

En effet, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale aux points 57 à 63 de ses conclusions, il ne peut être d’emblée exclu qu’un tiers puisse prendre en compte fiscalement les pertes de la filiale dans l’État de résidence de cette dernière, par exemple à la suite d’une cession de celle-ci pour un prix intégrant la valeur de l’avantage fiscal que représente la déductibilité des pertes pour le futur (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2013, A, C‑123/11, EU:C:2013:84, points 52 et suivants, ainsi que arrêt de ce jour, Memira Holding, C‑607/17, point 26).

39

Par conséquent, dans une situation telle que celles envisagées par Holmen, à défaut pour cette dernière de démontrer que la possibilité mentionnée au point précédent est exclue, la seule circonstance que le droit de l’État de résidence de la filiale ne permet pas le transfert de pertes l’année d’une liquidation ne saurait être, en elle-même, suffisante pour regarder les pertes de la filiale ou de la sous-filiale comme étant définitives.

40

Il convient, par suite, de répondre à la troisième question que, aux fins de l’appréciation du caractère définitif des pertes d’une filiale non-résidente, au sens du point 55 de l’arrêt Marks & Spencer, la circonstance que l’État membre dont relève la filiale ne permet pas de transférer des pertes d’une société à un autre assujetti l’année d’une liquidation n’est pas déterminante, à moins que la société mère ne démontre qu’il lui est impossible de valoriser ces pertes en faisant en sorte, notamment au moyen d’une cession, qu’elles soient prises en compte par un tiers au titre d’exercices futurs.

Sur les deuxième et quatrième questions

41

Par ses deuxième et quatrième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble et en dernier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans l’hypothèse où la circonstance mentionnée dans la troisième question deviendrait pertinente, il conviendrait de tenir compte du fait que la législation de l’État de la filiale accusant des pertes susceptibles d’être qualifiées de définitives a eu pour conséquence qu’une partie des pertes a dû être reportée en raison d’une limitation à l’imputation des pertes sur la même entité, ou n’a pas pu être imputée sur les bénéfices réalisés par une autre entité du même groupe.

42

À cet égard, et ainsi qu’il a été dit dans le cadre de la réponse à la troisième question, les restrictions, quelles qu’elles soient, au transfert de pertes découlant de la législation de l’État de résidence de la filiale ne sont pas déterminantes tant que l’impossibilité de voir utiliser les pertes par un tiers, notamment après une cession dont le prix intégrerait la valeur fiscale des pertes, n’a pas été établie par la société mère.

43

Si une telle preuve est apportée, et que les autres conditions mentionnées au point 55 de l’arrêt Marks & Spencer sont par ailleurs réunies, les autorités fiscales sont tenues de considérer que les pertes d’une filiale non-résidente sont définitives et qu’il est, partant, disproportionné de ne pas permettre à la société mère de les prendre en compte à son niveau.

44

Dans cette perspective, est sans incidence, aux fins d’apprécier le caractère définitif de pertes, la mesure dans laquelle la société déficitaire a été limitée dans ses possibilités de report en avant des pertes, ou celle dans laquelle d’autres entités du même groupe également situées dans l’État de résidence de la filiale déficitaire auraient pu être limitées dans leurs possibilité de se voir transférer des pertes de la filiale.

45

Il convient, par conséquent, de répondre aux deuxième et quatrième questions que, dans l’hypothèse où la circonstance mentionnée dans la troisième question deviendrait pertinente, est indifférente la mesure dans laquelle la législation de l’État de la filiale accusant des pertes susceptibles d’être qualifiées de définitives a eu pour conséquence qu’une partie de celles-ci n’a pas pu être imputée sur les bénéfices courants de la filiale déficitaire ou sur ceux d’une autre entité du même groupe.

Sur les dépens

46

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

1)

La notion de pertes définitives d’une filiale non-résidente, au sens du point 55 de l’arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763), ne s’applique pas à une sous-filiale, à moins que toutes les sociétés intermédiaires entre la société mère demandant un dégrèvement de groupe et la sous-filiale subissant des pertes susceptibles d’être regardées comme étant définitives ne soient résidentes du même État membre.

 

2)

Aux fins de l’appréciation du caractère définitif des pertes d’une filiale non-résidente, au sens du point 55 de l’arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763), la circonstance que l’État membre dont relève la filiale ne permet pas de transférer des pertes d’une société à un autre assujetti l’année d’une liquidation n’est pas déterminante, à moins que la société mère ne démontre qu’il lui est impossible de valoriser ces pertes en faisant en sorte, notamment au moyen d’une cession, qu’elles soient prises en compte par un tiers au titre d’exercices futurs.

 

3)

Dans l’hypothèse où la circonstance mentionnée au point 2 du présent dispositif deviendrait pertinente, est indifférente la mesure dans laquelle la législation de l’État de la filiale accusant des pertes susceptibles d’être qualifiées de définitives a eu pour conséquence qu’une partie de celles-ci n’a pas pu être imputée sur les bénéfices courants de la filiale déficitaire ou sur ceux d’une autre entité du même groupe.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le suédois.

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