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Document 62017CJ0169

Arrêt de la Cour (première chambre) du 14 juin 2018.
Asociación Nacional de Productores de Ganado Porcino contre Administración del Estado.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunal Supremo.
Renvoi préjudiciel – Articles 34 et 35 TFUE – Libre circulation des marchandises – Restrictions quantitatives – Mesures d’effet équivalent – Protection des porcs – Produits préparés ou commercialisés en Espagne – Normes de qualité pour la viande, le jambon, l’épaule et le filet de porc ibérique – Conditions pour l’utilisation de la dénomination “de cebo” – Amélioration de la qualité des produits – Directive 2008/120/CE – Champ d’application.
Affaire C-169/17.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:440

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

14 juin 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Articles 34 et 35 TFUE – Libre circulation des marchandises – Restrictions quantitatives – Mesures d’effet équivalent – Protection des porcs – Produits préparés ou commercialisés en Espagne – Normes de qualité pour la viande, le jambon, l’épaule et le filet de porc ibérique – Conditions pour l’utilisation de la dénomination “de cebo” – Amélioration de la qualité des produits – Directive 2008/120/CE – Champ d’application »

Dans l’affaire C‑169/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), par décision du 27 février 2017, parvenue à la Cour le 3 avril 2017, dans la procédure

Asociación Nacional de Productores de Ganado Porcino

contre

Administración del Estado,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, J.‑C. Bonichot, S. Rodin (rapporteur) et E. Regan, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mars 2018,

considérant les observations présentées :

pour l’Asociación Nacional de Productores de Ganado Porcino, par Mes J. M. Rodríguez Cárcamo, abogado, et N. Olmos Castro, abogada,

pour le gouvernement espagnol, par M. M. A. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mmes M. Patakia et I. Galindo Martín, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 34 et 35 TFUE ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, sous a), et de l’article 12 de la directive 2008/120/CE du Conseil, du 18 décembre 2008, établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs (JO 2009, L 47, p. 5).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Asociación Nacional de Productores de Ganado Porcino (ci-après l’« association ») à l’Administración del Estado (administration de l’État, Espagne) au sujet d’un décret royal, adopté par le gouvernement espagnol, portant approbation des normes de qualité pour la viande, le jambon, l’épaule et le filet de porc ibérique.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 7 et 8 de la directive 2008/120 énoncent :

« (7)

Il est donc nécessaire d’établir des normes minimales communes pour la protection des porcs d’élevage et d’engraissement pour garantir le développement rationnel de la production.

(8)

Les porcs doivent disposer d’un environnement correspondant à leur besoin d’exercice et à leur nature d’animal fouisseur. Leur bien-être semble être compromis en raison de l’espace très restreint dont ils disposent. »

4

L’article 1er de cette directive se lit comme suit :

« La présente directive établit les normes minimales relatives à la protection des porcs confinés à des fins d’élevage et d’engraissement. »

5

L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :

« Les États membres veillent à ce que toutes les exploitations respectent les exigences suivantes :

a)

chaque porc sevré ou porc de production élevé en groupe – à l’exception des cochettes après la saillie et des truies – dispose obligatoirement d’une superficie d’espace libre au moins égale à :

Poids de l’animal vivant (en kilogrammes)

m2

Jusqu’à 10

0,15

Plus de 10 et jusqu’à 20

0,20

Plus de 20 et jusqu’à 30

0,30

Plus de 30 et jusqu’à 50

0,40

Plus de 50 et jusqu’à 85

0,55

Plus de 85 et jusqu’à 110

0,65

Plus de 110

1,00

[...] »

6

L’article 12 de cette même directive dispose :

« En ce qui concerne la protection des porcs, les États membres peuvent, dans le respect des règles générales du traité, maintenir ou appliquer sur leur territoire des dispositions plus strictes que celles prévues par la présente directive. Ils informent la Commission de toute mesure dans ce sens. »

Le droit espagnol

7

L’article 1er du Real Decreto 4/2014 por el que se aprueba la norma de calidad para la carne, el jamón, la paleta y la caña de lomo ibérico (décret royal 4/2014, portant approbation des normes de qualité pour la viande, le jambon, l’épaule et le filet de porc ibérique), du 10 janvier 2014 (BOE no 10, du 11 janvier 2014, p. 1569), est ainsi libellé :

« Ce décret royal a pour objet de définir les normes de qualité que les produits provenant de la découpe de carcasses de porcs ibériques, préparés ou commercialisés non transformés, tels que le jambon, l’épaule, le filet de porc ibérique, produits ou commercialisés en Espagne, doivent respecter pour ouvrir droit aux dénominations de vente établies dans les présentes dispositions, sans préjudice de la réglementation générale applicable.

Sont admis, dans les mêmes conditions, les produits préparés au Portugal, sur la base des accords signés entre les autorités espagnoles et portugaises sur la production, la préparation, la commercialisation et le contrôle des produits ibériques.

Par ailleurs, les produits bénéficiant d’un label de qualité reconnu au niveau de l’Union européenne (appellation d’origine protégée ou indication géographique protégée) qui entendent utiliser les dénominations de vente contenues dans les présentes dispositions ou l’un quelconque des termes qui y figurent devront remplir les conditions qui y sont établies. »

8

L’article 3, paragraphe 1, du décret 4/2014 énonce :

« La dénomination de vente des produits concernés par ce décret se compose obligatoirement de trois éléments, qui doivent figurer dans l’ordre indiqué ci-après :

a)

Désignation par type de produit :

i)

Produits préparés : [...]

ii)

Produits issus de la découpe de la carcasse commercialisés non transformés : [...]

b)

Désignation par l’alimentation et le mode d’élevage :

i)

“De bellota” : pour les produits issus d’animaux abattus immédiatement après un engraissement obtenu exclusivement à partir de ressources naturelles de pâturages forestiers.

ii)

Pour les produits provenant d’animaux dont l’alimentation et le mode d’élevage, jusqu’à leur poids d’abattage, diffèrent de ceux du point précédent, les désignations suivantes sont utilisées :

1.   “de cebo de campo” : il s’agit d’animaux qui, bien qu’ils aient pu utiliser les ressources des pâturages forestiers ou de pâturages, ont aussi été nourris avec des aliments pour animaux constitués essentiellement de céréales et de légumineuses, et qui ont été élevés dans des exploitations extensives ou intensives en plein air, étant entendu qu’une partie de la superficie peut être couverte. […]

2.   “de cebo” : dans le cas d’animaux nourris avec des aliments pour animaux constitués essentiellement de céréales et de légumineuses, et dont l’élevage a été réalisé dans des systèmes d’exploitation intensifs, conformément à l’article 8.

c)

Désignation par race [...]

[...] »

9

L’article 8, paragraphes 1 et 2, de ce décret, intitulé « Conditions d’élevage pour les animaux dont proviennent les produits portant la dénomination “de cebo” », dispose :

« 1.   Sans préjudice des conditions d’élevage établies dans le [Real Decreto no 1135/2002, relativo a las normas mínimas para la protección de cerdos (décret royal no 1135/2002 relatif aux normes minimales pour la protection des porcs), du 31 octobre 2002 (BOE no 278, du 20 novembre 2002)], les animaux de production qui, vivants, ont un poids de plus de 110 kilogrammes et dont sont issus les produits portant la dénomination “de cebo” doivent chacun disposer d’une superficie totale minimale d’espace libre de 2 m2 lors de la phase d’engraissement.

2.   L’âge minimal à l’abattage est de dix mois. »

10

La troisième disposition additionnelle dudit décret prévoit :

« Les exigences posées par la norme de qualité adoptée ne seront pas applicables aux produits légalement fabriqués ou commercialisés selon d’autres spécifications dans d’autres États membres de l’Union européenne, ni aux produits originaires des pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE), pas plus qu’aux parties contractantes de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ou aux États parties à un accord d’association douanière avec l’Union européenne. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11

Le décret royal 4/2014 a fait l’objet d’un recours contentieux administratif ordinaire introduit par l’association devant la juridiction de renvoi, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne).

12

Au soutien de ce recours, l’association fait valoir que le décret en cause provoque une distorsion de la concurrence au niveau de l’Union en imposant une augmentation des coûts de production du porc ibérique en Espagne. Ainsi, l’association considère que cette réglementation constitue une restriction quantitative aux exportations contraire à l’article 35 TFUE, étant donné que les producteurs concurrents, établis dans d’autres États membres, ne doivent pas supporter de coûts engendrés par une mesure telle que celle imposée par le gouvernement espagnol.

13

En outre, l’association fait valoir devant la juridiction de renvoi que le décret royal 4/2014 viole l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/120, lu en combinaison avec l’article 12 de cette même directive, dès lors que les mesures introduites par ce décret ne visent pas à protéger les porcs, mais ont comme objectif l’augmentation du prix du porc ibérique.

14

Par ailleurs, l’association soutient que l’objectif d’augmentation de la qualité des produits, expressément visé par le décret royal 4/2014, ne peut pas être atteint par les mesures envisagées par celui-ci, dans la mesure où, d’une part, il n’est pas établi que le doublement de la superficie totale minimale d’espace libre par animal augmentera la qualité du porc et, d’autre part, la fixation de l’âge minimum pour l’abattage à dix mois, alors que le poids optimal pour l’abattage des porcs est atteint autour de huit mois environ, aura pour effet que seront offerts à la vente des produits présentant un poids trop élevé, qui n’auront pas de débouchés sur le marché et pour lesquels il ne sera pas possible d’obtenir une augmentation du prix proportionnelle à l’augmentation du poids.

15

La juridiction de renvoi estime que les producteurs espagnols de produits portant la dénomination « ibérico de cebo » sont désavantagés par rapport aux autres producteurs de l’Union, dans la mesure où ils doivent supporter des coûts de production plus élevés que ces derniers. En outre, les producteurs de l’Union seraient découragés d’exporter leurs produits vers l’Espagne, dès lors qu’ils ne peuvent pas se voir attribuer ladite dénomination pour leurs produits, ceux-ci n’ayant pas été obtenus à partir de porc élevé conformément aux conditions établies par le décret royal 4/2014. Toutefois, elle admet que, en vertu de la troisième disposition additionnelle de ce décret, l’Espagne sera tenue d’admettre la commercialisation, sur son territoire, de produits portant des dénominations similaires, semblables ou identiques provenant d’autres États membres, même s’ils n’ont pas été élaborés conformément aux exigences dudit décret, à condition qu’ils respectent les normes de qualité propres à ces autres États membres.

16

En outre, la juridiction de renvoi émet des doutes quant au fait que la directive 2008/120 constitue une base juridique valable pour le décret royal 4/2014, dans la mesure où l’article 12 de cette directive permet l’adoption de mesures nationales plus strictes, uniquement lorsqu’elles tendent à une meilleure protection des animaux, alors que ledit décret vise non pas la protection des porcs, mais l’amélioration de la qualité des produits. En tout état de cause, la juridiction de renvoi doute de la compatibilité dudit décret avec l’article 12 de la directive 2008/120, dès lors que ce dernier article permet des mesures nationales plus restrictives, seulement applicables sur le territoire national.

17

Dans ces conditions, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Les articles 34 et 35 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une règle nationale, telle que l’article 8, paragraphe 1, du [décret royal 4/2014], qui subordonne l’utilisation du terme “ibérico” pour les produits préparés ou commercialisés en Espagne à la condition que les éleveurs de porcs de race ibérique pratiquant un système d’élevage intensif (de porcs) augmentent, en la faisant passer à 2 m2, la superficie totale minimale d’espace libre par animal vivant de plus de 110 kg, bien qu’il ressorte – le cas échéant – que l’objectif de la règle soit d’améliorer la qualité des produits concernés ?

2)

L’article 3, paragraphe 1, sous a), de la [directive 2008/120], lu en combinaison avec l’article 12 de cette même directive, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle nationale, telle que l’article 8, paragraphe 1, du décret royal 4/2014, qui subordonne l’utilisation du terme “ibérico” pour les produits élaborés ou commercialisés en Espagne à la condition que les éleveurs de porcs de race ibérique pratiquant un système d’élevage intensif (de porcs) augmentent, en la faisant passer à 2 m2, la superficie totale minimale d’espace libre par animal vivant de plus de 110 kg, bien que l’objectif de la règle nationale soit d’améliorer la qualité des produits et qu’elle ne vise pas spécifiquement à améliorer la protection des porcs ?

En cas de réponse négative à la question précédente, l’article 12 de la directive [2008/120], lu en combinaison avec les articles 34 et 35 TFUE, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle nationale, telle que l’article 8, paragraphe 1, du décret royal 4/2014, qui exige des producteurs des autres États membres, dans l’objectif d’améliorer la qualité des produits préparés et commercialisés en Espagne – et non la protection des porcs –, qu’ils respectent les mêmes conditions d’élevage des animaux que celles qui sont exigées des producteurs espagnols pour que les produits issus de leurs porcs puissent bénéficier des dénominations de vente régies par ledit décret ?

3)

Les articles 34 et 35 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une règle nationale, telle que l’article 8, paragraphe 2, du [décret royal 4/2014], qui impose, dans le but d’améliorer la qualité desdits produits, un âge minimum d’abattage de 10 mois pour les porcs à partir desquels sont élaborés les produits de la catégorie “de cebo” ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et troisième questions

18

Par ses première et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 34 et 35 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant que la dénomination de vente « ibérico de cebo » ne peut être attribuée qu’aux produits obéissant à certaines conditions imposées par ladite réglementation.

Sur l’article 34 TFUE

19

À titre liminaire, la Commission européenne conteste la pertinence de la question préjudicielle sur la compatibilité du décret royal 4/2014 dans la mesure où, d’une part, la requérante au principal n’a pas soulevé ce moyen d’annulation devant le Tribunal Supremo (Cour suprême) et, d’autre part, tous les éléments du litige au principal sont cantonnés à l’intérieur de l’État membre.

20

À cet égard, d’une part, il convient de rappeler qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (arrêt du 21 juin 2016, New Valmar, C‑15/15, EU:C:2016:464, point 23 et jurisprudence citée).

21

D’autre part, il y a lieu de relever que toute mesure nationale susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce au sein de l’Union doit être considérée comme une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives au sens de l’article 34 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2012, Elenca, C‑385/10, EU:C:2012:634, point 22 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 octobre 2015, Capoda Import-Export, C‑354/14, EU:C:2015:658, point 39 et jurisprudence citée).

22

Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que cette disposition a vocation à s’appliquer non seulement aux effets actuels, mais également aux effets potentiels d’une réglementation. Elle ne peut être écartée pour le motif qu’il n’existe jusqu’à présent aucun cas concret présentant un lien avec un autre État membre (arrêt du 22 octobre 1998, Commission/France, C‑184/96, EU:C:1998:495, point 17 et jurisprudence citée).

23

Partant, il y a lieu de considérer que la question de savoir si l’article 34 TFUE s’oppose à une réglementation nationale telle que le décret royal 4/2014 est pertinente pour la solution du litige au principal, de telle sorte qu’il y a lieu d’y répondre.

24

À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’une législation nationale soumettant des marchandises en provenance d’autres États membres, où elles sont légalement fabriquées et commercialisées, à certaines conditions pour pouvoir utiliser la dénomination générique communément utilisée pour ce produit et imposant ainsi, le cas échéant, aux producteurs l’utilisation de dénominations inconnues ou moins appréciées par le consommateur n’exclut certes pas, de façon absolue, l’importation dans l’État membre concerné de produits originaires d’autres États membres. Elle est néanmoins susceptible de rendre leur commercialisation plus difficile et, par conséquent, d’entraver les échanges entre les États membres (arrêt du 5 décembre 2000, Guimont, C‑448/98, EU:C:2000:663, point 26 et jurisprudence citée).

25

Or, en l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour, d’une part, que la réglementation nationale en cause au principal ne porte pas sur une dénomination générique communément utilisée sur le territoire de l’Union et, d’autre part, que cette réglementation ne contient pas d’interdictions d’importation ou de vente des produits issus du porc ibérique sous des dénominations autres que celles prévues par ladite réglementation.

26

En effet, la réglementation en cause au principal contient une disposition, interprétée par la juridiction de renvoi en ce sens que les produits issus du porc ibérique et élaborés conformément aux règles applicables dans d’autres États membres de l’Union sous des dénominations semblables, similaires ou identiques à celles contenues dans le décret royal 4/2014 peuvent être importés et commercialisés sur le marché espagnol sous de telles dénominations, alors même qu’ils ne satisfont pas totalement aux exigences prévues par ce décret. Cette disposition ainsi interprétée garantit que la réglementation nationale en cause au principal ne constitue pas une entrave au commerce interétatique (voir, a contrario, l’arrêt du 22 octobre 1998, Commission/France, C‑184/96, EU:C:1998:495).

27

En outre, ainsi que le rappelle la Commission, la législation de l’Union manifeste une tendance générale à la mise en valeur de la qualité des produits dans le cadre de la politique agricole commune, afin de favoriser la réputation desdits produits (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2000, Belgique/Espagne, C‑388/95, EU:C:2000:244, point 53, et du 8 septembre 2009, Budějovický Budvar, C‑478/07, EU:C:2009:521, point 109).

28

Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que l’article 34 TFUE s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant que la dénomination de vente « iberico de cebo » ne peut être attribuée qu’aux produits obéissant à certaines conditions imposées par cette réglementation nationale, dès lors que cette dernière permet l’importation et la commercialisation des produits en provenance d’États membres autres que celui ayant adopté ladite réglementation nationale, sous les dénominations qu’ils portent selon la réglementation de l’État membre de leur origine, même si elles sont semblables, similaires ou identiques aux dénominations prévues par la réglementation nationale en cause au principal.

Sur l’article 35 TFUE

29

Il est constant qu’une mesure nationale applicable à tous les opérateurs agissant sur le territoire national qui affecte en fait davantage la sortie des produits du marché de l’État membre d’exportation que la commercialisation des produits sur le marché national dudit État membre relève de l’interdiction énoncée à l’article 35 TFUE (arrêt du 21 juin 2016, New Valmar, C‑15/15, EU:C:2016:464, point 36 et jurisprudence citée).

30

En l’occurrence, il convient de relever que la réglementation en cause au principal n’opère pas de distinction entre les produits destinés à être vendus sur le marché national, d’une part, et les produits destinés pour le marché de l’Union, d’autre part. En effet, tous les producteurs espagnols qui souhaitent vendre leurs produits issus du porc ibérique sous les dénominations de vente établies par le décret royal 4/2014 sont tenus de respecter les exigences dudit décret, indépendamment du marché sur lequel ils désirent vendre leurs produits.

31

Partant, il y a lieu de constater que l’article 35 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que le décret royal 4/2014.

Sur la deuxième question

32

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/120, lu en combinaison avec l’article 12 de celle-ci, s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui subordonne l’utilisation de certaines dénominations de vente pour les produits issus du porc ibérique élaborés ou commercialisés en Espagne au respect, par les producteurs, de conditions d’élevage du porc ibérique plus strictes que celles prévues à cet article 3, paragraphe 1, sous a), et un âge minimum d’abattage de dix mois.

33

Pour répondre à cette question, il y a lieu de relever que l’objectif de la directive 2008/120, ainsi qu’il ressort de son article 1er, est l’établissement des normes minimales relatives à la protection des porcs confinés à des fins d’élevage et d’engraissement. Ces normes visent, selon le considérant 7 de cette directive, à assurer la protection des porcs d’élevage et d’engraissement pour garantir le développement rationnel de la production. À cette fin, ainsi qu’il ressort du considérant 8 de cette même directive, celle-ci prévoit diverses règles tendant, notamment, à assurer que les porcs disposent d’un environnement correspondant à leur besoin d’exercice et à leur nature d’animal fouisseur.

34

Or, il y a lieu de relever que la réglementation nationale en cause au principal a pour objectif non pas la protection des porcs, mais l’amélioration de la qualité des produits, de telle sorte qu’elle ne relève pas du champ d’application de la directive 2008/120.

35

Toutefois, en augmentant les minima tant de la surface au sol dont les porcs doivent disposer que de l’âge d’abattage, cette réglementation n’est pas susceptible de nuire au bien-être des animaux et n’est donc pas incompatible avec ladite directive.

36

Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/120, lu en combinaison avec l’article 12 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui subordonne l’utilisation de certaines dénominations de vente pour les produits issus du porc ibérique élaborés ou commercialisés en Espagne au respect, par les producteurs, de conditions d’élevage du porc ibérique plus strictes que celles prévues à cet article 3, paragraphe 1, sous a), et un âge minimum d’abattage de dix mois.

Sur les dépens

37

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

1)

Les articles 34 et 35 TFUE doivent être interprétés en ce sens que :

l’article 34 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant que la dénomination de vente « iberico de cebo » ne peut être attribuée qu’aux produits obéissant à certaines conditions imposées par cette réglementation nationale, dès lors que cette dernière permet l’importation et la commercialisation des produits en provenance d’États membres autres que celui ayant adopté ladite réglementation nationale, sous les dénominations qu’ils portent selon la réglementation de l’État membre de leur origine, même si elles sont semblables, similaires ou identiques aux dénominations prévues par la réglementation nationale en cause au principal.

l’article 35 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal.

 

2)

L’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/120 du Conseil, du 18 décembre 2008, établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs, lu en combinaison avec l’article 12 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui subordonne l’utilisation de certaines dénominations de vente pour les produits issus du porc ibérique élaborés ou commercialisés en Espagne au respect, par les producteurs, de conditions d’élevage du porc ibérique plus strictes que celles prévues à cet article 3, paragraphe 1, sous a), et un âge minimum d’abattage de dix mois.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.

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