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Document 62015CC0685

Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 9 mars 2017.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:201

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 9 mars 2017 ( 1 )

Affaire C‑685/15

Online Games Handels GmbH e.a.

contre

Landespolizeidirektion Oberösterreich

[demande de décision préjudicielle formée par le Landesverwaltungsgericht Oberösterreich (tribunal administratif régional de Haute-Autriche, Autriche)]

«Articles 49 et 56 TFUE — Jeux de hasard — Monopole sur les jeux dans un État membre — Violation — Législation nationale imposant à la juridiction de procéder d’office à l’examen des faits (Amtswegigkeitsgrundsatz) — Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales — Article 6 — Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Article 47»

1. 

La présente demande de décision préjudicielle s’inscrit dans le cadre de la Glücksspielgesetz (loi sur les jeux de hasard), du 28 novembre 1989, telle qu’elle s’applique, notamment, aux personnes physiques ou morales qui exercent le droit d’établissement (article 49 TFUE) ou la libre prestation des services (article 56 TFUE), et des règles de procédure applicables aux procès devant les tribunaux administratifs de cet État membre. Dans ce contexte, il est demandé à la Cour d’interpréter les principes fondamentaux énoncés à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), à la lumière de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( 2 ). La question qui se pose est celle du droit de la personne poursuivie à ce que sa cause soit entendue équitablement, tel qu’il est garanti par l’article 47 de la Charte, dans des circonstances où la juridiction saisie de l’affaire doit non seulement statuer définitivement sur le fond, mais également réunir des preuves d’office.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

2.

L’article 49 TFUE (qui fait partie du chapitre 2 du titre IV, intitulé « Le droit d’établissement ») dispose ce qui suit :

« Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux. »

3.

L’article 52, paragraphe 1, TFUE dispose ce qui suit :

« Les prescriptions du présent chapitre et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l’applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique » ( 3 ).

4.

Aux termes de l’article 56 TFUE (qui fait partie du chapitre 3 du titre IV, intitulé « Les services ») :

« Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.

Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent étendre le bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services ressortissants d’un État tiers et établis à l’intérieur de l’Union. »

5.

L’article 62 TFUE dispose ce qui suit :

« Les dispositions des articles 51 à 54 inclus sont applicables à la matière régie par le présent chapitre. »

La Charte

6.

L’article 47 de la Charte dispose ce qui suit :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

[…]. »

La CEDH

7.

L’article 6, paragraphe 1, de la CEDH dispose ce qui suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle […]. »

Le droit autrichien

8.

En vertu de la loi sur les jeux de hasard, seuls les opérateurs titulaires d’une concession peuvent organiser des jeux de hasard impliquant des machines à sous.

9.

Dans sa version en vigueur à l’époque de la première affaire dont est saisie la juridiction de renvoi dans la procédure au principal, l’article 50 de cette loi prévoyait que la compétence pour connaître des infractions à cette loi appartenait, en première instance, aux Bezirkverwaltungsbehörden (autorités administratives cantonales, Autriche) et, en deuxième instance, à l’Unabhängiger Verwaltungssenat (chambre administrative indépendante, Autriche) [devenu le Landesverwaltungsgericht (tribunal administratif régional, Autriche)] de la région concernée. Les organes du contrôle public, y compris les autorités fiscales, étaient tenus de collaborer avec ces autorités et avaient le droit de contrôler d’office le respect des dispositions de cette loi.

10.

En vertu de l’article 52, paragraphe 1, de cette loi, les infractions les moins graves constituaient des infractions administratives que les autorités administratives cantonales pouvaient sanctionner par des amendes pouvant aller jusqu’à 22000 euros. Conformément à l’article 52, paragraphe 2, la procédure prévue pour les infractions au Strafgesetzbuch (code pénal) s’appliquait aux infractions aggravées. L’article 53 donnait aux autorités administratives le pouvoir d’ordonner la confiscation des machines de jeux lorsqu’elles soupçonnaient l’existence d’une violation du monopole sur les jeux de hasard que cette loi accordait à l’État.

11.

À la suite des modifications apportées à la loi sur les jeux de hasard qui sont entrées en vigueur en 2014 et qui s’appliquent donc à la seconde affaire dont est saisie la juridiction de renvoi dans la procédure au principal, l’article 52 de la loi prévoit que toute infraction est passible uniquement de sanctions administratives.

12.

En vertu de l’article 90, paragraphe 2, de la Bundes–Verfassungsgesetz (loi constitutionnelle fédérale), les procédures pénales sont contradictoires. En ce qui concerne les recours en annulation de décisions des autorités administratives cantonales formés devant les juridictions administratives régionales comme la juridiction de renvoi, l’article 130, paragraphe 4, de la même loi prévoit qu’en appel ces juridictions se prononcent elles-mêmes sur le fond du litige.

13.

En vertu de l’article 46, paragraphe 1, de la Verwaltungsgerichtverfahrengesetz (loi sur la procédure devant les juridictions administratives), la juridiction administrative doit réunir les preuves nécessaires à la solution du litige.

14.

Conformément à l’article 25 de la Verwaltungsstrafgesetz (loi pénale administrative), la juridiction administrative doit poursuivre d’office les infractions. Elle doit prendre en considération tant les circonstances atténuantes que les circonstances aggravantes.

Les faits, la procédure et la question préjudicielle

15.

La demande de décision préjudicielle concerne deux affaires pendantes devant la juridiction de renvoi. Je les décrirai séparément.

La procédure à l’encontre d’Online Games Handels GmbH

16.

Après avoir reçu des informations d’une source anonyme, la Bundespolizeidirektion Wels [qui fait désormais partie de la Landespolizeidirektion Oberösterreich (direction régionale de la police de Haute‑Autriche, ci-après la « direction de la police »)] a demandé aux organes exécutifs du Finanzamt Linz (administration fiscale de Linz, Autriche, ci-après l’« administration fiscale ») d’effectuer un contrôle dans le café « SJ-Bet Sportbar » situé à Wels (Autriche), ce qui a été fait le 8 mars 2012. Dans les locaux se trouvaient huit machines à sous dont il a été considéré qu’elles enfreignaient le monopole fédéral inscrit dans la loi sur les jeux de hasard. Les fonctionnaires chargés de l’enquête ont été informés que l’une de ces machines appartenait à Online Games Handels GmbH (ci-après « Online Games »), une société de droit autrichien. Il est apparu par la suite que l’organisateur des jeux en question était une société anonyme établie à Brno (République tchèque). Toutes les machines à sous ont été saisies et, par décision du 17 avril 2012, la direction de la police a ordonné leur confiscation.

17.

Online Games a formé un recours contre cette décision devant le prédécesseur de la juridiction de renvoi, l’Unabhängiger Verwaltungssenat des Landes Oberösterreich (chambre administrative indépendante du Land de Haute‑Autriche). Par une décision du 21 mai 2012, cette juridiction a rejeté le recours. Online Games a alors fait appel de ce jugement devant le Verwaltungsgerichtshof (cour administrative, Autriche), qui a annulé le jugement par arrêt du 1er octobre 2015. L’affaire est revenue devant la juridiction de renvoi [devenue entre-temps le Landesverwaltungsgericht Oberösterreich (tribunal administratif régional de Haute-Autriche)]. Dans cette procédure, Online Games conteste la compatibilité de la loi sur les jeux de hasard avec le droit de l’Union, en particulier avec les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services énoncées respectivement aux articles 49 et 56 TFUE.

Sur la procédure à l’encontre de Frank Breuer e.a.

18.

Saisis d’une dénonciation par un tiers, les organes exécutifs de l’administration fiscale ont effectué un contrôle dans le « Café Vegas » à Linz, le 14 août 2014. Ils ont confisqué huit machines à sous qui leur paraissaient être utilisées en violation de la loi sur les jeux de hasard. Un employé de l’établissement les a informés que ces machines appartenaient à Franck Gastro s.r.o., une société de droit tchèque. La direction de la police a par la suite infligé des amendes de 24000 euros à M. Franck Breuer et aux deux autres parties à la procédure devant la juridiction de renvoi en raison de l’organisation présumée ou de la participation présumée à l’organisation des jeux dans l’établissement concerné. M. Breuer est le représentant d’une société à responsabilité limitée établie en Slovaquie ( 4 ).

19.

Les parties ont contesté ces amendes devant la juridiction de renvoi. Elles soutiennent que le monopole fédéral mis en place par la loi sur les jeux de hasard est contraire au droit de l’Union.

Sur la question préjudicielle

20.

Lorsqu’elle se prononce sur les litiges qui lui sont soumis, la juridiction de renvoi est consciente de la jurisprudence de la Cour concernant la loi sur les jeux de hasard énoncée dans l’arrêt Pfleger e.a. ( 5 ) et, en particulier, de ce qu’indique la Cour au point 50 de cet arrêt à propos des obligations imposées à un État membre qui cherche à se prévaloir d’un objectif propre à légitimer l’entrave à la libre prestation des services ( 6 ). La juridiction de renvoi considère que cette affirmation s’applique également aux restrictions à la liberté d’établissement, étant donné qu’il convient également d’interpréter la loi sur les jeux de hasard comme dérogeant à cette liberté ( 7 ). Dans ce contexte, elle se demande si le rôle actif que les juridictions administratives autrichiennes sont tenues de jouer dans l’obtention des preuves dans les affaires dont elles sont saisies ( 8 ) et le rôle correspondant, relativement passif, des autorités répressives dans ces affaires peuvent être contraires à la jurisprudence de la Cour.

21.

La juridiction de renvoi a par conséquent décidé de demander à la Cour de statuer à titre préjudiciel, en vertu de l’article 267 TFUE, sur la question suivante :

« L’article 56 TFUE et les articles 49 et suivants TFUE doivent-ils, à la lumière de l’article 6 de [la CEDH], lu en combinaison avec l’article 47 de [la Charte], être interprétés en ce sens qu’eu égard à l’objectivité et à l’absence de préventions que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme exige d’une juridiction [voir, en particulier, l’arrêt qu’elle a rendu le 18 mai 2010 dans l’affaire Ozerov c. Russie ( 9 ), § 54] ils font obstacle à une réglementation nationale conformément à laquelle les preuves qui doivent être fournies dans le cadre d’une procédure pénale administrative pour justifier le régime de quasi-monopole du marché national des jeux de hasard sanctionné par le droit pénal doivent, à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (voir, en particulier, l’arrêt qu’elle a rendu le 30 avril 2014 dans l’affaire Pfleger e.a., C‑390/12, EU:C:2014:281), être, dans un premier temps, désignées et délimitées d’une manière totalement indépendante et être ensuite recherchées et appréciées de façon autonome non pas par l’autorité répressive (ou tout autre organe de l’État chargé des poursuites) dans sa fonction de représentant de l’accusation, mais par la juridiction appelée à statuer sur la légalité de la mesure de droit pénal contre laquelle le recours est dirigé agissant de sa propre initiative et indépendamment du comportement des parties à la procédure (et agissant en qualité d’une seule et même personne) dans l’exercice d’une seule et même fonction ? »

22.

Online Games, M. Breuer e.a., les gouvernements belge et autrichien ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Ces parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions de la Cour lors de l’audience du 10 novembre 2016.

Analyse

Sur la recevabilité

23.

Le gouvernement autrichien considère que la présente demande de décision préjudicielle est irrecevable.

24.

Tout d’abord, il invoque le caractère hypothétique de la question préjudicielle. La « réglementation nationale » à laquelle elle fait référence n’existe pas, puisque l’interprétation de la loi nationale que fait la juridiction de renvoi est erronée et qu’il convient de lui préférer la sienne.

25.

Accepter la position du gouvernement autrichien reviendrait à dire que la Cour est obligée de considérer que l’interprétation correcte du droit national est celle qu’un gouvernement présente dans ses observations plutôt que la situation que décrit une juridiction dans sa décision de renvoi. Cette position est manifestement erronée et il est clair que l’argument du gouvernement autrichien sur cette question est totalement dépourvu de fondement. Je ne m’y attarderai pas ( 10 ). Il est évident que la question déférée ne peut pas être qualifiée d’« hypothétique » sur cette base.

26.

Ensuite, le gouvernement autrichien soutient que, dans sa décision de renvoi, la juridiction n’a pas fourni suffisamment d’éléments de fait et de droit pour que la Cour puisse se prononcer.

27.

Selon une jurisprudence constante, les questions posées par le juge national bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ( 11 ).

28.

Il est vrai que le statut exact de la loi sur les jeux de hasard en droit national n’est pas clair, tout au moins en ce qui concerne les éléments invoqués devant la Cour, et ce malgré les questions qui ont été posées aux parties au cours de l’audience. Selon moi, les informations relatives au contexte juridique et factuel du litige devant la juridiction de renvoi dont dispose la Cour sont néanmoins suffisantes et la portée de la question préjudicielle est claire. En outre, ni la Commission ni les États membres qui ont présenté des observations n’ont rencontré de difficultés à formuler leurs observations sur la base de la décision de renvoi ( 12 ).

29.

J’en conclus que la demande de décision préjudicielle est recevable.

Questions préliminaires

Sur l’applicabilité de la Charte et de la CEDH

30.

Pour que la Charte soit applicable, il faut qu’un État membre « mette en œuvre le droit de l’Union » au sens de l’article 51. Comme je l’ai expliqué dans les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Pfleger e.a. ( 13 ), lorsqu’un État membre édicte une mesure dérogeant à une liberté fondamentale garantie par le TFUE, cette mesure entre dans le champ d’application du droit de l’Union. La prérogative de déroger dans certaines circonstances à la liberté fondamentale garantie par le droit de l’Union est une prérogative que les États membres conservent et que le droit de l’Union reconnaît. Néanmoins, l’exercice de cette prérogative est circonscrit par le droit de l’Union. Lorsqu’une juridiction, que ce soit une juridiction nationale ou la Cour, contrôle si une législation nationale restreignant l’exercice d’une telle liberté fondamentale relève de la dérogation du traité (et peut donc être admise), ce processus de contrôle est effectué en référence et en vertu des critères qui découlent du droit de l’Union, et non du droit national. Par conséquent, un État membre doit être considéré comme « mettant en œuvre le droit de l’Union » au sens de l’article 51 lorsqu’il met en place une dérogation à une liberté fondamentale. Il en découle que la Charte s’applique ( 14 ). Comme la disposition nationale en cause dans la procédure au principal « met en œuvre » le droit de l’Union parce qu’elle relève du champ d’application de ce droit, elle doit être interprétée à la lumière de la Charte. Il importe peu, selon moi, qu’à la différence de l’affaire Pfleger e.a. la présente affaire porte sur les règles de procédure que la juridiction nationale doit appliquer lorsqu’elle statue sur l’affaire et non sur la validité de la mesure de dérogation elle-même.

31.

Selon la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH s’applique aux infractions administratives et à la procédure pénale administrative correspondante de droit autrichien ( 15 ). Ces infractions doivent donc être considérées comme « pénales » au sens de cette disposition ( 16 ) et, par extension, au sens de l’article 47 de la Charte.

L’arrêt Pfleger e.a.

32.

La question dont est saisie la Cour dans la présente affaire s’inscrit dans le contexte de l’arrêt Pfleger e.a. ( 17 ). Dans cette dernière affaire, il était demandé à la Cour de répondre à une série de questions posées par l’Unabhängiger Verwaltungssenat des Landes Oberösterreich (chambre administrative indépendante du Land de Haute-Autriche), le prédécesseur de la juridiction de renvoi, concernant essentiellement la validité de la loi sur les jeux de hasard à la lumière du principe de proportionnalité tel qu’il s’applique dans le cadre de l’article 56 TFUE relatif à la libre prestation des services. La Cour a considéré que l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que la loi sur les jeux de hasard, « dès lors que cette réglementation ne poursuit pas réellement l’objectif de la protection des joueurs ou de la lutte contre la criminalité et ne répond pas véritablement au souci de réduire les occasions de jeu ou de combattre la criminalité liée à ces jeux d’une manière cohérente et systématique » ( 18 ).

33.

Pour parvenir à cette conclusion, la Cour a considéré, en particulier, ce qui suit :

« 43

[…] il convient de rappeler que les restrictions imposées par les États membres doivent satisfaire aux conditions de proportionnalité et de non‑discrimination les concernant, telles que dégagées par la jurisprudence de la Cour. Ainsi, une législation nationale n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif invoqué que si elle répond véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique […].

44

La seule circonstance qu’un État membre a choisi un système de protection différent de celui adopté par un autre État membre ne saurait avoir d’incidence sur l’appréciation de la proportionnalité des dispositions prises en la matière. Celles-ci doivent seulement être appréciées au regard des objectifs poursuivis par les autorités compétentes de l’État membre concerné et du niveau de protection qu’elles entendent assurer […].

[…]

47

[…] l’identification des objectifs effectivement poursuivis par la réglementation nationale relève, dans le cadre d’une affaire dont est saisie la Cour au titre de l’article 267 TFUE, de la compétence de la juridiction de renvoi […].

48

De plus, il incombe également à la juridiction de renvoi, tout en tenant compte des indications fournies par la Cour, de vérifier si les restrictions imposées par l’État membre concerné satisfont aux conditions qui ressortent de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne leur proportionnalité […].

49

En particulier il lui incombe de s’assurer, notamment au vu des modalités concrètes d’application de la réglementation restrictive concernée, que celle-ci répond véritablement au souci de réduire les occasions de jeu, de limiter les activités dans ce domaine et de combattre la criminalité liée à ces jeux d’une manière cohérente et systématique […].

50

À cet égard, la Cour a déjà jugé que c’est à l’État membre cherchant à se prévaloir d’un objectif propre à légitimer l’entrave à la liberté de prestation des services qu’il incombe de fournir à la juridiction appelée à se prononcer sur cette question tous les éléments de nature à permettre à celle-ci de s’assurer que ladite mesure satisfait bien aux exigences découlant du principe de proportionnalité […].

[…]

52

[…] la juridiction nationale doit effectuer une appréciation globale des circonstances entourant l’adoption et la mise en œuvre d’une réglementation restrictive, telle que celle en cause au principal. »

34.

Dans cette affaire, la Cour s’est prononcée au regard de la liberté fondamentale de prestation des services énoncée à l’article 56 TFUE. Dans la présente affaire, la question porte non seulement sur cette liberté, mais également sur la liberté d’établissement énoncée à l’article 49 TFUE ( 19 ). Toutefois, dans la mesure où les dispositions des articles 51 à 54 TFUE qui permettent à un État membre de déroger à cette dernière liberté s’appliquent également à la libre prestation des services en application de l’article 62 TFUE, j’estime que les principes énoncés dans l’arrêt Pfleger e.a. ( 20 ) s’appliquent de la même manière aux deux libertés.

Sur le rôle de la juridiction de renvoi et la nature des infractions prétendument commises par les parties requérantes dans la procédure au principal

35.

La juridiction de renvoi relève du régime de droit administratif autrichien. Techniquement, elle doit être qualifiée de juridiction d’appel en deuxième instance, les infractions administratives étant traitées en première instance par les autorités administratives ( 21 ). Les recours contre ses décisions doivent être formés devant la Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative).

36.

Les infractions qui sont reprochées aux parties requérantes dans la procédure au principal sont des infractions administratives de droit national et la procédure qui leur est applicable est celle qui est appliquée en matière de procédure administrative. Cette procédure impose à la juridiction appelée à se prononcer sur l’affaire d’examiner d’office les infractions ( 22 ). Dans les procédures engagées devant les juridictions administratives, telles que la juridiction de renvoi, l’autorité administrative qui a rendu la décision pénale endosse la fonction du ministère public ( 23 ). Comme indiqué au point 31 des présentes conclusions, les infractions que les parties requérantes dans l’affaire au principal sont supposées avoir commises doivent être qualifiées de « pénales » au sens de l’article 6 de la CEDH.

Sur le fond

37.

Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour de l’éclairer sur l’application de l’article 6 de la CEDH et de l’article 47 de la Charte aux procédures juridictionnelles relatives à une infraction alléguée à une règle nationale qui, pour être valide, doit remplir les conditions applicables aux dérogations à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services prévues respectivement par les articles 49 et 56 TFUE et appliquées dans la jurisprudence de la Cour, en particulier dans l’arrêt Pfleger e.a. ( 24 ).

38.

Dans la procédure que l’on qualifie généralement de contradictoire ( 25 ), les rôles du ministère public et du juge sont clairement séparés, au moins en théorie. Il appartient au premier de dégager et de présenter les éléments sur lesquels il appuie sa position et au second de se prononcer sur ces éléments à la lumière, notamment, des arguments soulevés pour le compte de la défense. Si une juridiction devait exercer les fonctions du ministère public dans une telle procédure, cela constituerait une atteinte inacceptable à son rôle juridictionnel et toute décision rendue serait presque certainement réformée en appel.

39.

Dans les procédures devant la juridiction de renvoi, cette dernière est tenue d’examiner d’office les éléments dont elle dispose ( 26 ). Une telle procédure, qui implique une répartition des tâches fondamentalement différentes entre le ministère public et le juge, est traditionnellement appelée « procédure inquisitoire » ( 27 ).

40.

Il a été constaté qu’il est difficile de trouver aujourd’hui un système juridique qui soit exclusivement contradictoire ou exclusivement inquisitoire ( 28 ). Tels qu’ils sont décrits par le gouvernement autrichien dans ses observations écrites, les éléments essentiels du système qui s’applique devant la juridiction de renvoi sont les suivants. Premièrement, la juridiction doit, d’office, rechercher la vérité des faits à l’origine de l’infraction en rassemblant les preuves nécessaires sans tenir compte des allégations et conclusions des parties. Ce faisant, la juridiction est tenue de mettre en œuvre tout ce qui est en son pouvoir pour faire éclater cette vérité. Elle doit par conséquent soigneusement exploiter toutes les sources susceptibles de l’éclairer et, en particulier, réunir toutes les preuves qui se présentent dans l’affaire dont elle est saisie et qui sont susceptibles de se révéler utiles à la solution de celle-ci. Elle doit examiner tous les éléments de fait susceptibles d’influencer sa décision, sans restriction aucune et en parfaite autonomie.

41.

Une partie du raisonnement de la juridiction de renvoi suggère que la Cour devrait juger que, par sa nature même, le système inquisitoire contrevient aux exigences énoncées à l’article 6 de la CEDH et à l’article 47 de la Charte.

42.

Pour étayer sa position, la juridiction de renvoi fait référence à certains arrêts de la Cour EDH ( 29 ), aux conclusions des avocats généraux de la Cour dans deux affaires ( 30 ) ainsi qu’à un avis du Conseil consultatif de juges européens et du Conseil consultatif de procureurs européens ( 31 ).

43.

Il est vrai que l’on peut trouver dans chacun de ces documents des principes ou des observations qui soulignent fortement l’importance d’une justice impartiale. Dans les arrêts de la Cour EDH ainsi que dans l’avis no 12 (2009) et l’avis no 4 (2009), les auteurs insistent également sur la nécessité d’éviter toute confusion des rôles entre le ministère public et le juge ( 32 ). Néanmoins à aucun endroit ils n’indiquent que le système inquisitoire devrait ou pourrait, en lui‑même, être considéré comme dangereux.

44.

Je ne pense pas non plus qu’adopter l’approche de la juridiction de renvoi serait justifié ( 33 ).

45.

Il me semble qu’en réalité tant le système contradictoire que le système inquisitoire peuvent, si l’on n’y prête pas attention, engendrer des difficultés de compatibilité avec l’article 6 de la CEDH et l’article 47 de la Charte. Dans le premier système, une représentation trop faible d’un accusé peut porter atteinte au droit à l’égalité des armes. Dans le second système, l’absence de distinction claire entre le rôle du ministère public et celui du juge peut entraîner un estompement des deux fonctions, ici aussi au détriment de l’accusé. Néanmoins, lorsqu’ils sont organisés correctement, chacun de ces systèmes permet de découvrir la vérité ; simplement, ils y parviennent différemment. Je reviendrai sur le rôle du ministère public dans les procédures inquisitoires plus loin dans ces conclusions ( 34 ).

46.

Je réfute dès lors l’idée selon laquelle il faudrait considérer que, par sa nature, le système inquisitoire contreviendrait aux exigences de l’article 6 de la CEDH et de l’article 47 de la Charte.

47.

Cela ne signifie cependant pas qu’aucune indication utile ne puisse être fournie à la juridiction de renvoi en réponse à sa question.

48.

En particulier, la question de savoir comment appliquer l’arrêt Pfleger e.a. ( 35 ) dans le cadre d’un système national tel que celui décrit au point 40 des présentes conclusions demeure.

Sur le point 50 de l’arrêt Pfleger e.a.

49.

À cet égard, le gouvernement autrichien propose une interprétation de cet arrêt qui, selon moi, omet pour l’essentiel de tenir compte du point 50. Il se concentre plutôt sur les points 48, 49 et 52. La Cour y expose son interprétation des obligations d’une juridiction appelée à se prononcer sur la validité de ce qu’elle décrit comme « une réglementation restrictive » ( 36 ). Sortis de leur contexte, ces paragraphes peuvent, à tout le moins potentiellement, être compris comme appuyant l’idée que les problèmes soulevés par la juridiction de renvoi sont sans fondement. L’État membre et ses autorités n’ont aucun rôle à jouer. C’est à la juridiction nationale qu’il revient de jouer le rôle principal.

50.

Néanmoins cette interprétation laisse de côté le point 50 de l’arrêt et néglige ainsi une partie importante de l’analyse de la Cour. Je ne crois pas qu’il convienne de le faire. Il est également important de garder à l’esprit que le raisonnement présenté sous ce point reflète la jurisprudence constante de la Cour à cet égard ( 37 ).

51.

L’obligation que la Cour impose aux États membres au point 50 est à la fois importante et lourde. Lorsqu’il est question d’une dérogation à l’une des libertés fondamentales, l’État membre est tenu de présenter des motifs clairs et convaincants pour la justifier.

52.

Par leur nature, ces motifs sont probablement complexes et requièrent des connaissances particulières qui auront dans la plupart sinon dans tous les cas un lien particulier avec l’État membre qui souhaite la dérogation. Ils seront presque toujours fondés sur la réalité sociale et économique ainsi que sur les politiques sociales et économiques propres à l’État membre en question. On peut s’attendre à ce que cet État membre ait examiné avec attention la (les) justification(s) qui sous‑tend(ent) la mesure avant de l’adopter. C’est dans ce contexte que la référence de la Cour aux « objectifs effectivement poursuivis par la réglementation nationale » ( 38 ) au point 47 de l’arrêt Pfleger e.a. ( 39 )doit selon moi être comprise.

53.

La tâche de présenter cette justification ne peut incomber, selon moi, qu’à l’État membre concerné ( 40 ). Il n’appartient pas à d’autres parties à la procédure, y compris la juridiction nationale ou la partie qui conteste la validité de la mesure nationale mettant en œuvre la dérogation en cause, de le faire. En d’autres termes, on ne peut pas attendre d’elles qu’elles « devinent » le raisonnement qui a amené l’État membre à adopter cette mesure.

54.

Si, et dans la mesure où, il n’existe pas déjà une obligation de cette nature dans le système juridique de l’État membre concerné, elle se superposera aux règles de procédure qui seraient par ailleurs applicables. Cela ne doit évidemment pas porter atteinte aux droits de la défense, et devrait les consolider en permettant d’accéder plus aisément et plus complètement au raisonnement qui a conduit l’État membre à adopter la dérogation en question.

55.

Bien entendu, la juridiction nationale a toujours l’obligation d’évaluer et de se prononcer sur les éléments présentés par l’État membre. Il en est ainsi qu’il s’agisse d’une procédure juridictionnelle de type contradictoire ou de type inquisitoire. Dans ce dernier cas, la juridiction sera également (ou pourrait également être) tenue de mener des enquêtes d’office et cette obligation continuera à s’appliquer en tout état de cause. Les éléments présentés par l’État membre interviendront pour compléter ces investigations ; sous réserve de ce que je dirai ci-dessous ( 41 ), ils ne les remplaceront pas.

56.

Il appartient dans une large mesure à la juridiction nationale de déterminer la manière dont elle conduit son enquête, pour autant qu’elle respecte les exigences énoncées dans la CEDH et dans le droit de l’Union, en particulier les principes d’équivalence et d’effectivité ( 42 ) et, le cas échéant, la Charte. La nature de cette tâche variera inévitablement (dans certains cas considérablement) d’une affaire à une autre et d’une juridiction à l’autre ; il n’appartient pas à la Cour d’intervenir dans des domaines qui relèvent uniquement du droit interne ( 43 ).

57.

Il convient toutefois d’examiner deux questions particulières qui ont été soulevées dans la décision de renvoi et dans les observations présentées à la Cour.

58.

Tout d’abord, l’obligation pour la juridiction de mener des enquêtes que décrit le gouvernement autrichien est considérable, pour ne pas dire herculéenne ( 44 ). De quels moyens disposent les juridictions nationales pour entreprendre de telles enquêtes ? Cette première question peut être plus théorique que réelle dans des affaires simples concernant des questions que la juridiction nationale maîtrise déjà très bien. Néanmoins, dans des affaires telles qu’en l’espèce, qui sont susceptibles de poser des questions compliquées d’analyse scientifique et statistique, il me paraît clair que la juridiction nationale ne peut pas s’acquitter seule de cette tâche. Les éléments fournis par des experts constituent une partie essentielle de cet exercice.

59.

Dans sa décision, la juridiction de renvoi indique qu’en Autriche les tribunaux administratifs régionaux ne disposent pas de leurs propres experts indépendants et qu’ils sont obligés de consulter d’abord des experts appartenant à l’un des services administratifs nationaux (qui sont susceptibles d’appartenir à l’institution qui est partie à la procédure devant la juridiction nationale).

60.

Si c’est effectivement le cas ( 45 ), cela me semble poser quelques problèmes importants au regard de la conformité à l’article 6 de la CEDH et, par extension, à l’article 47 de la Charte. L’article 6, paragraphe 1, de la CEDH prévoit qu’« un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi », décide du bien-fondé de toute accusation pénale dirigée contre une partie. Vu l’obligation de procéder d’office à l’examen des faits qui est imposée aux juridictions administratives en Autriche, il est probable que, tout au moins dans les affaires d’une certaine complexité, ces juridictions doivent recourir à l’avis d’un ou de plusieurs experts afin de conclure définitivement. Il me paraît évident que ces experts doivent eux aussi être indépendants et impartiaux. Ils doivent également être suffisamment compétents pour pouvoir examiner et analyser des points de vue conflictuels. En fin de compte, leur tâche est d’assister la juridiction dans l’exercice de ses fonctions. Lorsqu’elle a examiné l’impartialité, la Cour EDH a souligné le fait que cette exigence présente un aspect subjectif et un aspect objectif ( 46 ). Selon moi, il doit exister au moins un risque que des experts provenant des services administratifs nationaux ne remplissent pas le premier critère et il est presque certain qu’ils ne remplissent pas le second. Il en découle que les juridictions nationales doivent pouvoir faire appel aux services d’experts réellement indépendants et impartiaux.

61.

La seconde question est celle de savoir si la juridiction nationale peut se fonder sur les documents explicatifs ( 47 ) de la législation nationale mise en cause et sur les procès-verbaux de la procédure parlementaire qui a abouti à son adoption. Le gouvernement autrichien suggère que la juridiction pourrait s’inspirer des premiers et le gouvernement belge fait de même pour les seconds. La juridiction nationale peut-elle s’appuyer sur l’une de ces sources, ou sur les deux, qui sont déjà dans le domaine public, éliminant ainsi la nécessité pour l’État membre de présenter sa justification comme l’indique la Cour au point 50 de l’arrêt Pfleger e.a. ( 48 ) ?

62.

Cette solution semble par trop simpliste. Alors que les autorités nationales compétentes souhaiteront certainement commenter ces documents dans les observations qu’elles présentent à la juridiction, toute contestation portera probablement sur l’un ou l’autre aspect plus précis de la législation en question. Il appartient à l’État membre d’indiquer à la juridiction nationale sur quels éléments de sa justification plus large celle-ci devrait se concentrer pour pouvoir se prononcer sur l’affaire. Cet État membre pourrait souhaiter (et il pourrait lui être nécessaire de) fournir des informations plus complètes et plus détaillées pour étayer la justification sur laquelle il fonde ses observations. De plus, par définition, ces sources ne peuvent pas être considérées comme étant totalement complètes ou fiables lorsque, comme c’est le cas pour la loi sur les jeux de hasard, la Cour a fortement suggéré que la législation en cause ne répond pas aux exigences du droit de l’Union ( 49 ).

Sur le rôle du ministère public lors des audiences

63.

L’absence de rôle clair du ministère public lors des audiences préoccupe la juridiction de renvoi. Celle-ci indique en particulier que, dans des procédures telles qu’en l’espèce, il est exceptionnel qu’un représentant du ministère public participe aux audiences. Sa place est occupée par un représentant du pouvoir exécutif qui, de surcroît, joue un rôle exclusivement passif au cours de ces audiences ( 50 ). La principale préoccupation de la juridiction de renvoi à cet égard semble être la confusion entre les fonctions de juge et d’accusateur, avec les conséquences importantes qu’elle peut avoir sur l’indépendance et l’impartialité du juge. Elle renvoie à cet égard à trois arrêts de la Cour EDH. L’arrêt Kyprianou c. Chypre est le premier de ces arrêts ( 51 ). Cette affaire portait sur une procédure d’outrage au tribunal (contempt) menée sous forme de procédure sommaire par les magistrats qui avaient fait l’objet des critiques du requérant en audience publique. L’accusation avait été menée par les juges eux-mêmes. La Cour EDH a considéré que la confusion des rôles pourrait à l’évidence susciter des craintes objectivement justifiées quant à l’impartialité du tribunal qui a conduit la procédure ( 52 ).

64.

La deuxième affaire évoquée est l’arrêt Ozerov c. Russie ( 53 ). Dans cette affaire, le requérant avait été condamné pour une infraction pénale par une juridiction de première instance. Aucun représentant de l’accusation n’avait assisté au procès, bien que la participation du procureur de l’État ait été ordonnée. Il s’agissait d’une procédure contradictoire et, conformément à la législation nationale applicable à l’époque, le procureur devait assister à l’audience lorsque sa présence était requise. S’il avait été présent, le procureur aurait pris part à l’examen des éléments de preuve et aurait présenté des observations. La Cour EDH a jugé que la juridiction nationale avait confondu les fonctions d’accusation et de juge, et avait donc suscité des appréhensions légitimes quant à son impartialité ( 54 ).

65.

La troisième affaire sur laquelle s’appuie la juridiction de renvoi est l’affaire Karelin c. Russie ( 55 ). Le requérant avait été condamné pour une infraction administrative et avait fait appel de sa condamnation. Aucun représentant du ministère public n’avait assisté au procès en première instance ni en appel. La juridiction de jugement avait modifié les charges pesant sur le requérant durant l’audience. La Cour EDH a indiqué qu’en l’absence de la partie poursuivante la juridiction de jugement n’avait pas d’autre choix que d’accomplir la tâche consistant non seulement à présenter l’accusation, mais aussi à produire des éléments à l’appui de celle-ci lors de l’audience. Elle a conclu que l’absence de la partie poursuivante, en première instance et en appel, constituait une violation de l’exigence d’impartialité ( 56 ).

66.

Pour arriver à cette conclusion, la Cour EDH a procédé à un examen complet de sa jurisprudence relative à la crainte de partialité que peut susciter l’absence de ministère public lors d’audiences devant les juridictions. Ce faisant, elle n’a pas établi de distinction particulière entre procédures contradictoires et inquisitoires ( 57 ). La Cour EDH a également examiné des questions qui peuvent se poser lorsqu’une affaire est entendue en appel plutôt qu’en première instance. Elle a considéré que la situation pourrait être différente en appel, notamment lorsque l’affaire ne porte que sur certains points de droit et que, de ce fait, le rôle du ministère public pourrait être perçu comme « moins impérieux ». Elle a toutefois ajouté que l’exigence d’impartialité doit néanmoins être respectée à ce stade ( 58 ). La Cour EDH a aussi considéré que, lorsque la tenue d’une audience est jugée opportune pour qu’un tribunal puisse statuer sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale dirigée contre une personne, la présence d’une partie poursuivante « est, en principe, nécessaire pour éviter des doutes légitimes qui, en l’absence de cette partie, pourraient surgir quant à l’impartialité de la juridiction » ( 59 ).

67.

Je n’aperçois pas de lien spécifique entre toutes ces observations si ce n’est l’exigence impérieuse que l’instance juridictionnelle appelée à se prononcer sur la culpabilité de l’accusé, que ce soit en première instance ou en appel, doit être, objectivement, perçue comme indépendante et impartiale. En d’autres termes, je ne pense pas qu’il soit possible d’énoncer des règles strictes et précises relatives à la présence du ministère public dans ce genre de procédure, sauf à observer que la Cour EDH considère, en général, que cette présence est « nécessaire ». Bien que cette affirmation s’inscrive dans le contexte d’une audience en première instance et que la procédure devant une juridiction telle que la juridiction de renvoi soit qualifiée d’appel en droit national, cette procédure est de nature à apparaître comme la première occasion durant laquelle une juridiction se prononcera sur le fond du litige. En outre, l’objectif de l’audience est de permettre un dialogue entre les parties à la procédure et, par ce dialogue, d’assurer une meilleure information de la juridiction. Si l’accusation n’est pas présente, ce dialogue ne peut pas, ou pas totalement, avoir lieu ( 60 ).

68.

J’aimerais ajouter qu’en raison de l’exigence impérieuse d’indépendance et d’impartialité, dès que surgit le moindre doute à ce sujet, la juridiction nationale qui est appelée à se prononcer doit donner la priorité au respect de cette exigence. Si cela doit signifier que, dans certaines affaires, la juridiction nationale doit s’abstenir de soulever des questions qui pourraient bénéficier à l’accusation au détriment de l’accusé, ainsi soit-il. Je soulignerai encore qu’il est formellement exclu qu’une juridiction qui se trouve dans une situation telle que celle de la juridiction de renvoi soit obligée de se substituer à l’État membre pour fournir la justification que, aux termes du point 50 de l’arrêt Pfleger e.a. ( 61 ), ce dernier a l’obligation de fournir. Si cette justification n’était pas fournie (comme ce sera le cas à chaque fois que l’accusation ne remplit pas une obligation qui lui incombe, du fait de son absence, de sa passivité ou pour toute autre raison), la juridiction nationale peut tirer toutes les conséquences qu’impose le défaut de justification.

Conclusion

69.

Je propose donc à la Cour de répondre comme suit à la question posée par le Landesverwaltungsgericht Oberösterreich (tribunal administratif régional de Haute-Autriche, Autriche) :

Lorsque la législation d’un État membre entend déroger à une liberté fondamentale de l’Union européenne, y compris la libre prestation des services visée à l’article 56 TFUE et la liberté d’établissement visée à l’article 49 TFUE, ni l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle, lors de procédures administratives pénales, la juridiction appelée à se prononcer sur la validité de cette dérogation au regard du droit de l’Union est tenue d’enquêter d’office sur les infractions. Il appartient toutefois à l’État membre qui se prévaut de la dérogation de présenter la justification de la mesure concernée de manière à ce que la partie accusée d’avoir commis l’infraction soit informée de la nature de celle-ci et de manière à ce que la juridiction en question puisse l’apprécier et rendre une décision. Dans ce cadre, les éléments supplémentaires suivants peuvent également être pertinents :

pour parvenir à se prononcer, la juridiction est habilitée à faire appel, si elle l’estime nécessaire, à des experts indépendants et impartiaux ;

bien qu’aucune règle générale ne requière la présence d’un représentant de l’autorité répressive lors de la procédure en question, une telle présence est, en général, nécessaire pour éviter des doutes légitimes qui, autrement, pourraient surgir quant à l’impartialité de la juridiction.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

( 3 ) Je tiens à souligner que la loi sur les jeux de hasard semble constituer une dérogation générale à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services. En tant que telle, elle ne prévoit pas de « régime spécial pour les ressortissants étrangers ». Toutefois, comme la législation nationale en cause dans cette affaire est la même que celle dans l’affaire Pfleger e.a. (arrêt du 30 avril 2014, C‑390/12, EU:C:2014:281) et que la présente affaire porte sur des questions de procédure qui découlent de l’interprétation de cette législation par les juridictions administratives nationales, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner cette question plus en détail.

( 4 ) Voir note 19 des présentes conclusions.

( 5 ) Arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281).

( 6 ) Voir point 33 des présentes conclusions.

( 7 ) Voir, pour une analyse des restrictions à la libre prestation des services que cette loi entraîne, points 49 et suiv. des conclusions que j’ai présentées dans cette affaire (C‑390/12, EU:C:2013:747).

( 8 ) Voir, notamment, point 14 ainsi que points 40, 58 et suiv. des présentes conclusions.

( 9 ) Cour EDH, 18 mai 2010 (CE:ECHR:2010:0518JUD006496201).

( 10 ) Voir aussi, à propos de la recevabilité d’une décision de renvoi dans une situation où les juridictions nationales ont des positions différentes quant à l’interprétation d’un arrêt de la Cour, ordonnance du 15 octobre 2015, Naderhirn (C‑581/14, non publiée, EU:C:2015:707).

( 11 ) Voir, notamment, arrêt du 22 juin 2010, Melki et Abdeli (C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

( 12 ) Voir, notamment, arrêt du 25 mars 2004, Azienda Agricola Ettore Ribaldi e.a. (C‑480/00 à C‑482/00, C‑484/00, C‑489/00 à C‑491/00 et C‑497/00 à C‑499/00, EU:C:2004:179, point 74).

( 13 ) C‑390/12, EU:C:2013:747.

( 14 ) Voir aussi, à cet égard, arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281, point 36).

( 15 ) Voir également Cour EDH, 20 décembre 2001, Baischer c. Autriche (CE:ECHR:2001:1220JUD003238196, § 22).

( 16 ) Voir décision de la Cour EDH, 4 juillet 2002, Weh et Weh c. Autriche (CE:ECHR:2002:0704DEC003854497).

( 17 ) Arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281).

( 18 ) Voir arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281, point 56 ainsi que dispositif).

( 19 ) La décision de renvoi n’expose pas tout à fait clairement le lien précis entre les faits de la procédure au principal et la liberté d’établissement. Je suppose toutefois qu’il porte sur l’implication de la société slovaque à laquelle il est fait référence au point 18 des présentes conclusions.

( 20 ) Arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281).

( 21 ) Voir, en ce qui concerne l’Unabhängiger Verwaltungssenat (chambre administrative indépendante), prédécesseur du Landesverwaltungsgericht (tribunal administratif régional), décision de la Cour EDH, 4 juillet 2002, Weh et Weh c. Autriche (CE:ECHR:2002:0704DEC003854497). Le gouvernement autrichien a confirmé durant l’audience que le Landesverwaltungsgericht (tribunal administratif régional) occupe une position similaire.

( 22 ) Voir point 14 des présentes conclusions.

( 23 ) C’est du moins ce qui ressort des observations écrites présentées par le gouvernement autrichien. Voir, en ce qui concerne l’Unabhängiger Verwaltungssenat (chambre administrative indépendante), prédécesseur du Landesverwaltungsgericht (tribunal administratif régional), décision de la Cour EDH, 4 juillet 2002, Weh et Weh c. Autriche (CE:ECHR:2002:0704DEC003854497). Dans ses observations relatives à cette affaire, la juridiction de renvoi indique que l’article 51 d de la Verwaltungsstrafgesetz (loi pénale administrative) sur lequel la Cour EDH a fondé son analyse a été abrogé sans être remplacé. Je note toutefois que le procès-verbal de l’affaire Online Games devant à la juridiction de renvoi (qui est inclus dans le dossier de l’affaire transmis à la Cour) fait référence à la direction de la police en tant que partie défenderesse (belangte Behörde), même s’il a été constaté qu’aucun représentant de cette autorité n’a comparu lors de l’audience et qu’aucune explication n’a été fournie sur cette absence.

( 24 ) Arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281).

( 25 ) J’utilise ces termes pour désigner une forme de procédure dans laquelle les parties développent et présentent leurs arguments, et réunissent et transmettent leurs éléments de preuve, contrôlant ainsi, dans le respect de certaines règles, la procédure. Le juge des faits, qu’il s’agisse d’un magistrat ou d’un jury, demeure neutre ou passif tout au long de la procédure. Je ne l’utilise pas dans l’acception plus large que retient parfois la Cour EDH pour désigner une procédure qui garantit l’égalité des armes [voir, notamment, Cour EDH, 16 février 2000, Rowe et Davis c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2000:0216JUD002890195, § 60)].

( 26 ) Voir points 14 et 36 des présentes conclusions.

( 27 ) Bien que cette expression figure dans la décision de renvoi et qu’elle apparaisse également dans les observations écrites du gouvernement autrichien, au cours de l’audience, le représentant du gouvernement autrichien a formulé quelques doutes sur sa pertinence dans le contexte du système autrichien en cause dans la procédure au principal. Je tiens donc à préciser que j’utilise cette expression de manière descriptive plutôt que comme une expression consacrée.

( 28 ) Voir Armenta-Deu, T., « Beyond Accusatorial or Inquisitorial Systems : a Matter of Deliberation and Balance », dans Visions of Justice, Ackerman, B., Ambos, K., et Sikirić, H. (éd.), Duncker & Humboldt, Berlin, 2016, p. 57 à 75.

( 29 ) Cour EDH, 15 décembre 2015, Kyprianou c. Chypre (CE :ECHR :2005 :1215JUD 007379701, § 118, 121 et 126 à 128) ; 18 mai 2010, Ozerov c. Russie (CE:ECHR:2010:0518JUD006496201, § 51 à 54), et 20 septembre 2016, Karelin c. Russie (CE:ECHR:2016:0920JUD000092608). Ce dernier arrêt ayant été rendu après la date de la décision de renvoi, la juridiction de renvoi l’a communiqué séparément à la Cour.

( 30 ) Il s’agit des conclusions que l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a présentées dans l’affaire Kaba (C‑466/00, EU:C:2002:447, points 90 et suiv.), ainsi que des conclusions que l’avocat général Cruz Villalón a présentées dans l’affaire X (C‑507/10, EU:C:2011:682, points 20 et suiv.).

( 31 ) Voir avis no 12 (2009) du Conseil consultatif de juges européens (CCJE) et avis no 4 (2009) du Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) à l’attention du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur juges et procureurs dans une société démocratique, points 3 et 7. Ce document peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/ccje/textes/avis_FR.asp

( 32 ) Voir, en particulier, Cour EDH, 15 décembre 2005, Kyprianou c. Chypre (CE:ECHR:2005:1215JUD007379701, § 126).

( 33 ) Je dois souligner que, contrairement à ce qu’a soutenu le conseiller d’Online Games lors de l’audience, je n’ai pas suggéré dans les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2013:747) que la procédure inquisitoire serait contraire à la CEDH ou au droit de l’Union.

( 34 ) Voir points 63 et suiv. des présentes conclusions.

( 35 ) Arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281).

( 36 ) Arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281, point 52).

( 37 ) Voir arrêts du 8 septembre 2010, Stoß e.a. (C‑316/07, C‑358/07 à C‑360/07, C‑409/07 et C‑410/07, EU:C:2010:504, point 71) ; du 15 septembre 2011, Dickinger et Ömer (C‑347/09, EU:C:2011:582, point 54), ainsi que du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C‑98/14, EU:C:2015:386, point 65). Voir également arrêt du 13 mars 2008, Commission/Belgique (C‑227/06, non publié, EU:C:2008:160, points 62 et 63 ainsi que jurisprudence citée).

( 38 ) Mise en italique par mes soins.

( 39 ) Arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281).

( 40 ) Je devrais préciser que, en faisant référence dans ce contexte à un « État membre », je ne veux pas dire qu’il appartient au gouvernement de cet État membre de fournir lui-même la justification nécessaire. Cette dernière doit toutefois être présentée par une partie représentant cet État membre ou ayant qualité à le faire.

( 41 ) Voir point 68 des présentes conclusions.

( 42 ) Voir à cet égard, notamment, arrêt du 22 janvier 2015, Stanley International Betting et Stanleybet Malta (C‑463/13, EU:C:2015:25, point 37).

( 43 ) Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union [voir en ce sens, notamment, arrêt du 18 mars 2010, Alassini e.a. (C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146, point 47)].

( 44 ) Voir point 40 des présentes conclusions.

( 45 ) Lorsqu’il a été interrogé à ce propos au cours de l’audience, le représentant du gouvernement autrichien n’a pas nié que tel est le cas, préférant plutôt se concentrer sur l’obligation qu’a la juridiction de renvoi d’examiner toutes les circonstances pertinentes.

( 46 ) Voir, notamment, Cour EDH, 15 décembre 2005, Kyprianou c. Chypre (CE:ECHR:2005:1215JUD007379701, § 118 et 119). Il faut souligner, pour écarter tout doute, que dans la présente affaire rien ne suggère l’implication d’un quelconque élément de l’aspect subjectif de ces critères.

( 47 ) En allemand, Erläuterungen.

( 48 ) Arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281).

( 49 ) Voir arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281, point 56 ainsi que dispositif).

( 50 ) Voir également note 23 in fine.

( 51 ) Cour EDH, 15 décembre 2005 (CE:ECHR:2005:1215JUD007379701).

( 52 ) Cour EDH, 15 décembre 2005, Kyprianou c. Chypre, (CE :ECHR :2005 :1215JUD 007379701, § 127 et 128).

( 53 ) Cour EDH, 18 mai 2010 (CE:ECHR:2010:0518JUD006496201).

( 54 ) Cour EDH, 18 mai 2010, Ozerov c. Russie (CE:ECHR:2010:0518JUD006496201, § 52 à 55).

( 55 ) Cour EDH, 20 septembre 2016 (CE:ECHR:2016:0920JUD000092608). Comme indiqué à la note 29 des présentes conclusions, la juridiction de renvoi a communiqué cet arrêt séparément.

( 56 ) Voir Cour EDH, 20 septembre 2016 (CE:ECHR:2016:0920JUD000092608, § 84).

( 57 ) Cour EDH, 20 septembre 2016, Karelin c. Russie (CE:ECHR:2016:0920JUD000092608, § 53 et suiv.).

( 58 ) Voir Cour EDH, 20 septembre 2016, Karelin c. Russie (CE:ECHR:2016:0920JUD000092608, § 81 et 83).

( 59 ) Voir Cour EDH, 20 septembre 2016, Karelin c. Russie (CE:ECHR:2016:0920JUD000092608, § 76).

( 60 ) Dans ses observations écrites, le gouvernement autrichien insiste fortement sur le fait que, dans des affaires comme la procédure au principal, l’autorité administrative qui a infligé la sanction administrative joue le rôle de l’autorité répressive (voir point 36 des présentes conclusions). Il n’y a donc pas de confusion entre les fonctions de l’accusation et du juge. J’observerai que l’appréciation de l’importance de cet élément suppose inévitablement une corrélation entre la mesure dans laquelle cette autorité joue un rôle actif dans toute procédure et un rôle purement passif.

( 61 ) Arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281). Voir points 51 et suiv. des présentes conclusions.

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