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Document 62013CJ0002

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 6 février 2014.
Directeur général des douanes et droits indirects et Chef de l’agence de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières contre Humeau Beaupréau SAS.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour de cassation (France).
Tarif douanier commun – Classement tarifaire – Nomenclature combinée – Chapitre 64 – Importation d’éléments nécessaires à la fabrication de chaussures destinées à l’activité sportive – Position 6404 – Chaussures à semelles extérieures en caoutchouc, matière plastique, cuir naturel ou reconstitué et dessus en matières textiles – Position 6406 – Parties de chaussures – Règle générale 2, sous a), pour l’interprétation de la nomenclature combinée – Article incomplet ou non fini présentant les ‘caractéristiques essentielles de l’article complet ou fini’ – Article ‘présenté à l’état démonté ou non monté’ – Note explicative pour l’interprétation du système harmonisé – Opérations de ‘montage’ à l’exclusion de toute ‘opération d’ouvraison de nature à parachever la fabrication des éléments destinés à être assemblés’.
Affaire C‑2/13.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:48

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

6 février 2014 ( *1 )

«Tarif douanier commun — Classement tarifaire — Nomenclature combinée — Chapitre 64 — Importation d’éléments nécessaires à la fabrication de chaussures destinées à l’activité sportive — Position 6404 — Chaussures à semelles extérieures en caoutchouc, matière plastique, cuir naturel ou reconstitué et dessus en matières textiles — Position 6406 — Parties de chaussures — Règle générale 2, sous a), pour l’interprétation de la nomenclature combinée — Article incomplet ou non fini présentant les ‘caractéristiques essentielles de l’article complet ou fini’ — Article ‘présenté à l’état démonté ou non monté’ — Note explicative pour l’interprétation du système harmonisé — Opérations de ‘montage’ à l’exclusion de toute ‘opération d’ouvraison de nature à parachever la fabrication des éléments destinés à être assemblés’»

Dans l’affaire C‑2/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 4 décembre 2012, parvenue à la Cour le 2 janvier 2013, dans la procédure

Directeur général des douanes et droits indirects,

Chef de l’agence de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières

contre

Humeau Beaupréau SAS,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Borg Barthet (rapporteur), président de chambre, M. E. Levits et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour Humeau Beaupréau SAS, par Me F. Puel, avocat,

pour le gouvernement français, par M. D. Colas et Mme C. Candat, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme L. Keppenne et M. B.‑R. Killmann, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la règle générale 2, sous a), pour l’interprétation de la nomenclature combinée constituant l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), dans sa version en vigueur au moment des faits (ci-après la «NC»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le directeur général des douanes et droits indirects ainsi que le chef de l’agence de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanière à Humeau Beaupréau SAS (ci-après «Humeau»), société de droit français, au sujet du classement dans la NC d’éléments nécessaires à la fabrication de chaussures destinées à l’activité sportive et importés de Chine, entre le mois de mai 1998 et celui de novembre 2000.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

La NC, instaurée par le règlement no 2658/87, est fondée sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le «SH»), élaboré par le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes (OMD), et institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983 et approuvée au nom de la Communauté économique européenne par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO L 198, p. 1). Elle reprend les positions et les sous-positions à six chiffres du SH, seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions qui lui sont propres.

4

La première partie de la NC comporte un ensemble de dispositions préliminaires. Dans cette partie, sous le titre I, consacré aux règles générales, la section A, intitulée «Règles générales pour l’interprétation de la [NC]», dispose:

«Le classement des marchandises dans la [NC] est effectué conformément aux principes ci-après.

1.

Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les règles suivantes.

2.

a)

Toute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article même incomplet ou non fini à la condition qu’il présente, en l’état, les caractéristiques essentielles de l’article complet ou fini. Elle couvre également l’article complet ou fini, ou à considérer comme tel en vertu des dispositions qui précèdent, lorsqu’il est présenté à l’état démonté ou non monté.

[…]

6.

Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. […]»

5

La seconde partie de la NC inclut une section XII, laquelle comprend notamment le chapitre 64, intitulé «Chaussures, guêtres et articles analogues; parties de ces objets».

6

La position 6404 de la NC, intitulée «Chaussures à semelles extérieures en caoutchouc, matière plastique, cuir naturel ou reconstitué et dessus en matières textiles», comprend la sous-position 6404 11 00 ainsi libellée:

«Chaussures de sport; chaussures dites de tennis, de basket-ball, de gymnastique, d’entraînement et chaussures similaires»

7

La position 6406 de la NC est intitulée «Parties de chaussures (y compris les dessus même fixés à des semelles autres que les semelles extérieures); semelles intérieures amovibles, talonnettes et articles similaires amovibles; guêtres, jambières et articles similaires, et leurs parties».

8

La sous-position 6406 10 couvre les «Dessus de chaussures et leurs parties, à l’exclusion des contreforts et bouts durs».

9

La sous-position 6406 20 correspond aux «Semelles extérieures et talons, en caoutchouc ou en matière plastique».

10

L’article 249 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO L 311, p. 17, ci-après le «code des douanes»), dispose:

«Le comité [du code des douanes] peut examiner toute question concernant la réglementation douanière qui est évoquée par son président, soit à l’initiative de celui-ci, soit à la demande du représentant d’un État membre.»

Les notes explicatives du SH

11

L’OMD approuve, dans les conditions fixées à l’article 8 de la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, les notes explicatives et les avis de classement adoptés par le comité du SH.

12

La note explicative relative à la règle générale 2, sous a), pour l’interprétation du SH [ci-après la «NESH relative à la règle 2, sous a)»], règle qui est formulée de manière identique à la règle générale 2, sous a), pour l’interprétation de la NC, est ainsi libellée:

«I)

La première partie de la Règle 2 a) élargit la portée des positions qui mentionnent un article déterminé, de manière à couvrir non seulement l’article complet mais aussi l’article incomplet ou non fini, à condition qu’il présente, en l’état, les caractéristiques essentielles de l’article complet ou fini.

[…]

Articles présentés à ľétat démonté ou non monté

V)

La deuxième partie de la Règle 2 a) classe, dans la même position que l’article monté, l’article complet ou fini présenté à l’état démonté ou non monté. Les marchandises présentées dans cet état le sont surtout pour des raisons telles que les nécessités ou les commodités de l’emballage, de la manutention ou du transport.

VI)

Cette Règle de classement s’applique également à l’article incomplet ou non fini présenté à l’état démonté ou non monté dès l’instant où il est à considérer comme complet ou fini en vertu des dispositions de la première partie de la Règle.

VII)

Est à considérer comme article présenté à l’état démonté ou non monté pour l’application de la présente Règle, l’article dont les différents éléments sont destinés à être assemblés soit à l’aide de moyens comme des vis, boulons, écrous, etc., soit par rivetage ou soudage, par exemple, à la condition cependant qu’il s’agisse seulement d’opérations de montage.

À cet égard, il n’y a pas lieu de tenir compte de la complexité de la méthode de montage. Toutefois, les différents éléments ne peuvent subir aucune opération d’ouvraison de nature à parachever leur fabrication.

Les éléments non montés d’un article, qui sont en nombre excédant celui requis pour la constitution d’un article complet, suivent leur régime propre.

VIII)

Des cas d’application de la Règle sont donnés dans les Considérations générales de Sections ou de Chapitres (Section XVI, Chapitres 44, 86, 87 et 89 notamment).

IX)

Compte tenu de la portée des positions des Sections I à VI, la présente partie de la Règle ne s’applique normalement pas aux produits de ces Sections.»

Le droit français

13

Aux termes de l’article 443, paragraphe 1, du code des douanes français, tel que modifié par la loi no 77‑1453, du 29 décembre 1977, accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière (JORF du 30 décembre 1977, p. 6279):

«La commission de conciliation et d’expertise douanière comprend:

un magistrat du siège de l’ordre judiciaire, président;

deux assesseurs désignés en raison de leur compétence technique;

un conseiller de tribunal administratif.

En cas de partage des voix, la voix du président est prépondérante.»

14

L’article 450 de ce code, tel que modifié par la loi no 96‑314, du 12 avril 1996, portant diverses dispositions d’ordre économique et financier (JORF du 13 avril 1996, p. 5707), dispose:

«1.   Lorsque des contestations relatives à l’espèce, à l’origine ou à la valeur sont soulevées après le dédouanement des marchandises lors des contrôles et enquêtes effectués dans les conditions prévues notamment par les articles 63 ter, 65 et 334 ci-dessus:

a)

l’une ou l’autre partie peuvent, dans les deux mois suivant notification de l’acte administratif de constatation de l’infraction, consulter pour avis la commission de conciliation et d’expertise douanière […]

[…]

d)

en cas de procédure subséquente devant les tribunaux, les conclusions rendues par la commission de conciliation et expertise douanière dans le cadre de la consultation visée aux a et b du présent article sont versées par le président de cette commission au dossier judiciaire.

2.   Dans tous les cas où une procédure est engagée devant les tribunaux, qu’il y ait ou non consultation préalable de la commission de conciliation et d’expertise douanière, l’expertise judiciaire, si elle est prescrite par la juridiction compétente pour statuer sur les litiges douaniers, est confiée à ladite commission.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15

Humeau a pour activité la fabrication de chaussures. Entre le mois de mai 1998 et celui de novembre 2000, elle a importé de Chine des éléments nécessaires à la fabrication de chaussures destinées à l’activité sportive.

16

Ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, les éléments suivants ont été importés en quantités identiques:

tiges, déclarés en douane comme relevant de la sous-position 64 06 10 90 de la NC;

semelles extérieures, déclarées en douane comme relevant des sous-positions 6406 20 10 et 6406 20 90 de la NC;

semelles intérieures, déclarées en douane comme relevant de la sous-position 6406 99 80 de la NC, et

lacets, déclarés en douane comme relevant de la sous-position 6307 90 99 de la NC.

17

Les semelles, extérieures et intérieures, ainsi que les tiges ont fait l’objet de droits à l’importation, à hauteur de 3,3 % en 1998, puis de 3 % à partir de 1999, tandis que les lacets ont été taxés à hauteur de 6,3 %.

18

À la suite d’un contrôle dans les locaux de Humeau, les autorités douanières françaises ont considéré, en application de la règle générale 2, sous a), pour l’interprétation de la NC, que ces marchandises devaient être classées, en tant que chaussures présentées à l’état non monté, sous la position tarifaire 6404 11 00. Ces autorités ont ainsi estimé que ces marchandises nécessitaient, après leur importation, non pas une ouvraison, mais uniquement un montage, de sorte que le droit de douane pertinent était celui applicable au produit fini auquel lesdits éléments étaient destinés, soit 17,6 % en 1998 et 17 % à partir de 1999. En conséquence, elles ont, le 5 juin 2001, établi un procès-verbal de constat d’infraction.

19

Le 24 juillet 2001, Humeau a saisi la commission de conciliation et d’expertise douanière. Par avis du 2 juillet 2002, cette dernière a considéré que les éléments importés par Humeau devaient être classés en tant que parties de chaussures. Elle a en effet estimé, «après examen des échantillons et présentation du processus de fabrication, que deux des quatre éléments importés, la tige et la semelle extérieure, ont subi des opérations d’ouvraison, en l’occurrence le galbage du contrefort avec humidification en ce qui concerne la tige et le cardage tant de la tige que de la semelle, ‘de nature à parachever leur fabrication’, ce qui, par application de la [NESH relative à la règle 2, sous a)], empêche de considérer l’article litigieux ‘dont les différents éléments sont – comme en l’espèce – destinés à être assemblés’ comme présenté à l’état démonté ou non monté au sens de cette règle».

20

Le 8 juillet 2004, les autorités douanières ont toutefois considéré que les marchandises en cause au principal relevaient de la position tarifaire 6404 11 00 et ont, en conséquence, émis un avis de mise en recouvrement pour un montant de 349517 euros.

21

Par courrier du 30 juillet 2004, Humeau a formé un recours administratif devant ces autorités, par lequel elle conteste le bien-fondé de cet avis.

22

Parallèlement, lesdites autorités ont saisi le comité du code des douanes de la question du classement tarifaire des marchandises en cause au principal. À l’issue de la réunion des 6 et 7 mars 2008, celui-ci a considéré que «l’assemblage des éléments non assemblés est réalisé exclusivement par des opérations d’assemblage [voir le paragraphe 1 et la première phrase du paragraphe 2 du point VII de la NESH relative à la règle 2, sous a)] et que l’article non encore fini a le caractère essentiel de l’article fini au sens de la première partie de la règle générale 2[, sous a),] pour l’interprétation de la NC».

23

Le 11 juin 2008, les autorités douanières ont rejeté le recours administratif.

24

Par la suite, Humeau a, le 29 juillet 2008, intenté un recours devant le tribunal d’instance du 11e arrondissement de Paris, tendant à l’annulation dudit avis de mise en recouvrement. Par un jugement rendu le 16 mars 2010, ce tribunal a fait droit à la demande de Humeau, estimant notamment que «la constatation de l’infraction reposait sur une prise en compte erronée des opérations nécessaires pour aboutir au produit fini».

25

Statuant sur l’appel interjeté par les autorités douanières, la cour d’appel de Paris a également jugé que la description par l’administration des douanes des opérations nécessaires permettant, à partir d’un ensemble de pièces, d’aboutir au produit fini, et selon laquelle «techniquement, un collage suffit pour reconstituer les chaussures», ne correspondrait pas à la réalité.

26

Considérant que certaines des pièces devaient subir des transformations, comme le cardage de la semelle extérieure et de la partie inférieure de la tige ainsi que des opérations de finition sur la tranche des semelles, que certaines opérations ne relevaient pas d’un simple assemblage, même complexe, comme la mise en place et la tension sur une forme et la mise en forme du contrefort, la cour d’appel de Paris en a déduit que l’infraction douanière imputée à Humeau reposait sur une prise en compte inexacte des opérations nécessaires pour aboutir au produit fini et a, en conséquence, annulé l’avis de mise en recouvrement du 8 juillet 2004.

27

Les autorités douanières se sont pourvues en cassation devant la juridiction de renvoi, soutenant notamment que, en considérant que le cardage de la tige et de la semelle extérieure importées ainsi que le galbage du contrefort inséré dans la tige constituent des opérations d’ouvraison de nature à parachever la fabrication des tiges et des semelles extérieures importées, alors qu’il ne s’agirait que d’opérations d’assemblage d’éléments préfabriqués en vue de constituer une chaussure, la cour d’appel de Paris a violé la règle générale 2, sous a), pour l’interprétation du SH ainsi que le point VII de la NESH relative à cette règle.

28

Dans ces conditions, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Dans le processus de fabrication d’une chaussure, les opérations de galbage du contrefort d’une tige et de cardage de cette tige et d’une semelle extérieure, préalables à leur assemblage, doivent-elles être qualifiées d’‘opérations de montage’ ou d’‘opérations d’ouvraison de nature à parachever leur fabrication’, au sens du point VII [de la NESH relative à la règle 2, sous a)]?»

Sur la question préjudicielle

29

Par sa question, la juridiction de renvoi demande si, dans le processus de fabrication d’une chaussure, le galbage du contrefort ainsi que le cardage du dessus et de la semelle extérieure préalablement à leur assemblage constituent des «opérations de montage» ou des «opérations d’ouvraison de nature à parachever leur fabrication», au sens du point VII de la NESH relative à la règle 2, sous a).

30

À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la première phrase de la règle générale 2, sous a), pour l’interprétation de la NC, toute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article même incomplet ou non fini, dès lors que celui-ci présente, en l’état, les caractéristiques essentielles de l’article complet ou fini. Aux termes de la deuxième phrase de cette règle générale 2, sous a), relève également de cette position l’article complet ou fini, ou à considérer comme tel en vertu de cette première phrase, lorsqu’il est présenté à l’état démonté ou non monté.

31

Le point VII de la NESH relative à la règle 2, sous a), précise, à cet égard, qu’est à considérer comme étant un article présenté à l’état démonté ou non monté celui dont les différents éléments sont destinés à être assemblés, à la condition cependant qu’il s’agisse seulement d’opérations de montage et que les différents éléments ne subissent aucune opération d’ouvraison de nature à parachever leur fabrication.

32

Or, si les notes explicatives élaborées par l’OMD constituent un instrument important aux fins de garantir une application uniforme du tarif douanier commun et fournissent, en tant que telles, des éléments valables pour son interprétation (voir, notamment, arrêt du 20 juin 2013, Agroferm, C‑568/11, point 28 et jurisprudence citée), celles-ci sont néanmoins dépourvues de force obligatoire en droit (voir, notamment, arrêts du 11 juillet 1980, Chem‑Tec, 798/79, Rec. p. 2639, point 11; du 16 juin 1994, Develop Dr. Eisbein, C-35/93, Rec. p. I-2655, point 21, et du 15 novembre 2012, Kurcums Metal, C‑558/11, point 30).

33

Il y a lieu, dès lors, de reformuler la question posée en ce sens que, par celle-ci, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la règle générale 2, sous a), pour l’interprétation de la NC doit être interprétée en ce sens qu’un dessus, une semelle extérieure et une semelle intérieure relèvent, en tant qu’article présenté à l’état non monté ayant les caractéristiques essentielles de chaussures, de la position 6404 de la NC, lorsque, postérieurement à leur importation, le dessus et la semelle extérieure doivent faire l’objet d’une opération de cardage préalable à leur assemblage et qu’un contrefort, inséré dans le dessus, doit faire l’objet d’une opération de galbage par humidification.

34

Les caractéristiques d’une chaussure résident essentiellement dans la combinaison d’un dessus et d’une semelle extérieure. Ces éléments représentent en effet la majeure partie de l’article complet auquel ils sont destinés et confèrent à ce dernier l’aspect d’une chaussure. En outre, ils entourent et protègent le pied de l’utilisateur, permettant ainsi à la chaussure de remplir sa fonction première.

35

Est également significatif à cet égard le fait que, pour déterminer la position tarifaire sous laquelle doivent être classées des chaussures, il y a lieu, conformément aux termes des positions 6401 à 6405 de la NC, d’examiner leur dessus et leur semelle extérieure.

36

Enfin, selon le libellé de la position 6406 de la NC, les dessus constituent des «parties de chaussures», même lorsqu’ils sont fixés à des semelles autres que les semelles extérieures. Il s’ensuit, a contrario, qu’un ensemble constitué d’un dessus de chaussure fixé à une semelle extérieure ne saurait être classé dans la position 6406 de la NC et relève, dès lors, de l’une des positions 6401 à 6405 de la NC qui correspondent à des chaussures complètes.

37

Partant, un ensemble constitué d’un dessus, d’une semelle extérieure et d’une semelle intérieure doit, en application de la règle générale 2, sous a), première phrase, de la NC, être regardé comme présentant les caractéristiques essentielles d’une chaussure.

38

S’agissant, ensuite, de la question de savoir si les marchandises importées par Humeau doivent être considérées comme étant des chaussures «non montées» au sens de ladite règle, il convient de constater que la NC ne contient aucune définition de la notion d’article «non monté» au sens de la règle générale 2, sous a), de cette nomenclature.

39

En revanche, les notes explicatives du SH qui, selon la jurisprudence rappelée au point 32 du présent arrêt, constituent un instrument important aux fins de garantir une application uniforme du tarif douanier commun et fournissent, en tant que telles, des éléments valables pour l’interprétation de ce tarif, indiquent au point VII de la NESH relative à la règle 2, sous a), qu’«est à considérer comme article présenté à l’état démonté ou non monté l’article dont les différents éléments sont destinés à être assemblés […], par rivetage ou soudage, par exemple, à la condition cependant qu’il s’agisse seulement d’opérations de montage». En outre, «les différents éléments ne peuvent subir aucune opération d’ouvraison de nature à parachever leur fabrication».

40

En ce qui concerne, tout d’abord, l’opération de cardage du dessus et de la semelle extérieure, il ressort des observations écrites déposées par la République française et la Commission européenne que, dans le processus de fabrication d’une chaussure, une telle opération consiste à abraser la partie du dessus et celle de la semelle extérieure qui sont destinées à entrer en contact aux fins du collage.

41

Dès lors, si, comme le soutiennent la République française et la Commission, cette opération est uniquement destinée à améliorer l’adhésion entre le dessus et la semelle extérieure, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, elle doit être considérée comme une étape du processus de collage et, en tant que telle, elle ne saurait être qualifiée d’«opération d’ouvraison de nature à parachever la fabrication» desdits éléments au sens du point VII de la NESH relative à la règle 2, sous a).

42

S’agissant, ensuite, de l’opération de galbage par humidification du contrefort, il importe de relever d’emblée que, ainsi qu’il ressort du dossier, les contreforts ont, à la différence des dessus et des semelles intérieures et extérieures, fait l’objet non pas d’une importation, mais d’une acquisition intracommunautaire.

43

Or, il découle des points VI et VII de la NESH relative à la règle 2, sous a), que, dans le cas d’un article incomplet présenté à l’état non monté, l’exigence selon laquelle l’assemblage des différents éléments doit consister en des opérations de montage uniquement, à l’exclusion de toute opération d’ouvraison de nature à parachever la fabrication desdits éléments, concerne les éléments qui ont été présentés aux autorités douanières aux fins de leur dédouanement.

44

En revanche, il importe peu que des éléments qui, à l’instar du contrefort en cause dans le litige au principal, ont fait l’objet d’une acquisition intracommunautaire soient soumis à ouvraison avant d’être assemblés aux éléments importés.

45

Dans le cas contraire, en effet, la classification tarifaire des éléments importés dépendrait d’une circonstance qui n’est pas inhérente à ces marchandises, les autorités douanières n’étant pas en mesure de vérifier si des éléments qui n’ont pas été présentés en douane doivent ou non faire l’objet d’une ouvraison avant de pouvoir être assemblés aux éléments importés, ce qui aurait pour conséquence de porter atteinte à l’objectif tenant à la facilité des contrôles douaniers et à la sécurité juridique qui doit présider à ladite classification.

46

Il s’ensuit que, dans le cadre du litige au principal, l’opération de galbage par humidification du contrefort est, quelle que soit sa qualification au regard du point VII de la NESH relative à la règle 2, sous a), sans incidence aux fins de l’application de la règle générale 2, sous a), pour l’interprétation de la NC.

47

En revanche, il importe d’examiner, enfin, si l’ajout du contrefort implique une quelconque opération d’ouvraison des éléments importés.

48

À cet égard, il n’apparaît pas, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, que l’opération consistant à ajouter un contrefort dans le dessus de la chaussure implique davantage que l’insertion et la fixation de cet élément entre la partie extérieure et la doublure du dessus de la chaussure.

49

Si tel est effectivement le cas, cette étape relève d’une opération d’assemblage et, en tant que telle, celle-ci ne saurait être regardée comme une opération d’ouvraison de nature à parachever la fabrication du dessus, au sens du point VII de la NESH relative à la règle 2, sous a).

50

À cet égard, le comité du code des douanes, à l’issue de la réunion des 6 et 7 mars 2008, a considéré, à propos des marchandises en cause au principal, que «l’assemblage des éléments non assemblés est réalisé exclusivement par des opérations d’assemblage».

51

Or, les conclusions du comité du code des douanes, si elles sont dépourvues de force obligatoire en droit, n’en constituent pas moins des moyens importants pour assurer une application uniforme du code des douanes par les autorités douanières des États membres et peuvent, en tant que telles, être considérées comme des moyens valables pour l’interprétation dudit code (voir, notamment, arrêt du 22 mai 2008, Ecco Sko, C-165/07, Rec. p. I-4037, point 47).

52

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que la règle générale 2, sous a), pour l’interprétation de la NC doit être interprétée en ce sens qu’un dessus, une semelle extérieure et une semelle intérieure relèvent, en tant qu’article présenté à l’état non monté ayant les caractéristiques essentielles de chaussures, de la position 6404 de la NC lorsque, postérieurement à l’importation de ces éléments, un contrefort doit être inséré dans le dessus et que la semelle extérieure ainsi que le dessus doivent faire l’objet d’une opération de cardage aux fins de leur assemblage.

Sur les dépens

53

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

 

La règle générale 2, sous a), pour l’interprétation de la nomenclature combinée constituant l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa version en vigueur au moments des faits, doit être interprétée en ce sens qu’un dessus, une semelle extérieure et une semelle intérieure relèvent, en tant qu’article présenté à l’état non monté ayant les caractéristiques essentielles de chaussures, de la position 6404 de ladite nomenclature combinée lorsque, postérieurement à l’importation de ces éléments, un contrefort doit être inséré dans le dessus et que la semelle extérieure ainsi que le dessus doivent faire l’objet d’une opération de cardage aux fins de leur assemblage.

 

Signatures


( *1 )   Langue de procédure: le français.

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