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Document 62012CC0425

Conclusions de l'avocat général Wahl présentées le 18 septembre 2013.
Portgás - Sociedade de Produção e Distribuição de Gás SA contre Ministério da Agricultura, do Mar, do Ambiente e do Ordenamento do Território.
Demande de décision préjudicielle: Tribunal Administrativo e Fiscal do Porto - Portugal.
Procédures de passation des marchés publics dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications - Directive 93/38/CEE - Non-transposition en droit interne - Possibilité pour l’État d’invoquer cette directive à l’encontre d’un organisme concessionnaire d’un service public en l’absence de transposition de cet acte en droit interne.
Affaire C-425/12.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2013:623

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 18 septembre 2013 ( 1 )

Affaire C‑425/12

Portgás – Sociedade de Produção e Distribuição de Gás SA

contre

Ministério da Agricultura, do Mar, do Ambiente e do Ordenamento do Território

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal administrativo e fiscal do Porto (Portugal)]

«Procédures de passation des marchés publics dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications — Directive 93/38/CEE — Absence de transposition en droit interne — Possibilité pour une autorité étatique d’invoquer certaines dispositions de la directive 93/38/CEE à l’encontre d’un organisme concessionnaire d’un service public ayant la qualité d’entité adjudicatrice»

1. 

Alors que la Cour vient de commémorer le cinquantième anniversaire de son emblématique arrêt van Gend & Loos ( 2 ), les débats portant sur les conséquences de la consécration de l’effet direct du droit de l’Union sont loin d’être clos. Il en va particulièrement ainsi s’agissant de la portée de l’effet direct des directives. En témoigne la présente affaire, qui offre à la Cour une nouvelle occasion de rappeler les conditions d’invocabilité d’une directive non transposée en droit interne.

2. 

L’affaire pose, plus précisément, la question de savoir si, et, le cas échéant, dans quelles conditions, l’État peut invoquer à l’encontre d’un organisme concessionnaire d’un service public, ayant par ailleurs la qualité d’autorité adjudicatrice, un certain nombre de dispositions de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications ( 3 ), telle que modifiée par la directive 98/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998 ( 4 ), en l’absence de transposition, dans les délais requis, de cet acte en droit interne.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

3.

L’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/38 est ainsi libellé:

«La présente directive s’applique aux entités adjudicatrices:

a)

qui sont des pouvoirs publics ou des entreprises publiques et qui exercent une des activités visées au paragraphe 2;

b)

qui, lorsqu’elles ne sont pas des pouvoirs publics ou des entreprises publiques, exercent, parmi leurs activités, l’une des activités visées au paragraphe 2, ou plusieurs de ces activités, et bénéficient de droits spéciaux ou exclusifs délivrés par une autorité compétente d’un État membre.»

4.

Parmi les activités mentionnées à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/38 figure la mise à disposition ou l’exploitation de réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution de gaz.

5.

L’article 4, paragraphes 1 et 2, de cette directive dispose:

«1.   Pour passer leurs marchés de fournitures, de travaux et de services ou organiser leurs concours, les entités adjudicatrices appliquent les procédures qui sont adaptées aux dispositions de la présente directive.

2.   Les entités adjudicatrices veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services.»

6.

Conformément à l’article 14, paragraphe 1, sous c), i), de ladite directive, celle-ci s’applique aux marchés passés par les entités adjudicatrices qui exercent des activités dans le domaine du transport ou de la distribution de gaz, lorsque la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») de ces marchés égale ou dépasse 400000 euros.

7.

En vertu de l’article 45, paragraphe 2, de la directive 93/38, la République portugaise était tenue d’adopter les mesures nécessaires pour se conformer à ladite directive et les appliquer au plus tard le 1er janvier 1998. S’agissant des modifications apportées à cette directive par la directive 98/4, elles devaient, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de cette dernière, être transposées dans l’ordre juridique interne portugais au plus tard le 16 février 2000.

B – Le droit portugais

8.

Le décret-loi no 223/2001, du 9 août 2001 ( 5 ), a transposé la directive 93/38 dans l’ordre juridique portugais. Conformément à son article 53, paragraphe 1, le décret-loi no 223/2001 est entré en vigueur 120 jours après la date de sa publication.

II – Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

9.

Portgás – Sociedade de Produção e Distribuição de Gás SA (ci-après «Portgás») est une société par actions de droit portugais qui est active dans le secteur de la production et de la distribution de gaz naturel ( 6 ).

10.

Le 7 juillet 2001, Portgás a conclu avec la société Soporgás – Sociedade Portuguesa de Gás Lda un contrat portant sur la fourniture de compteurs de gaz. La valeur de ce marché était de 437053,20 euros hors TVA (soit 532736,92 euros).

11.

Le 21 décembre 2001, Portgás a présenté une demande de cofinancement communautaire dans le cadre du Fonds européen de développement régional, qui a été approuvée. Le contrat d’attribution d’aides financières visant à couvrir les dépenses éligibles du projet POR/3.2/007/DREN, dont faisait partie l’acquisition des compteurs de gaz, a été signé le 11 octobre 2002.

12.

Le 29 octobre 2009, à la suite d’un audit du projet effectué par les services de l’inspection générale des finances, le gestionnaire du Programa Operacional Norte (programme opérationnel Nord) a ordonné la récupération du concours financier qui avait été accordé à Portgás dans le cadre du projet POR/3.2/007/DREN, au motif que, ladite société ayant manqué aux règles du droit de l’Union relatives à la passation de marchés publics, l’intégralité des dépenses faisant l’objet du cofinancement public devait être considérée comme étant inéligible.

13.

Portgás a introduit une action administrative spéciale devant le tribunal administrativo e fiscal do Porto en vue d’obtenir une déclaration de nullité ou l’annulation de cette décision au motif que l’État portugais ne pouvait exiger d’elle, en tant qu’entreprise privée, de se conformer aux dispositions de la directive 93/38. Étant donné que cette directive n’avait pas encore été transposée dans l’ordre juridique portugais au moment des faits litigieux, ces dispositions ne pourraient produire aucun effet direct à son égard.

14.

Le ministério da Agricultura, do Mar, do Ambiente e do Ordenamento do Território (ministère de l’Agriculture, de la Mer, de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire, ci-après le «ministère»), partie défenderesse au principal, a, pour sa part, relevé devant la juridiction de renvoi que la directive 93/38 s’adresse non seulement aux États membres, mais également à toutes les entités adjudicatrices, telles que définies par cette directive. Selon ce ministère, en sa qualité de concessionnaire de service public exclusif dans la zone couverte par la concession, Portgás était soumise aux obligations de ladite directive.

15.

Éprouvant des doutes quant à l’interprétation des dispositions du droit de l’Union invoquées dans le litige au principal, le tribunal administrativo e fiscal do Porto a, en date du 26 juin 2012, décidé de suspendre la procédure et de soumettre à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 4, paragraphe 1, et 14, paragraphe 1, sous c), i), de la directive 93/38 […], telle que modifiée par la directive 98/4 […], ainsi que les autres dispositions de ces directives ou les principes généraux du droit communautaire applicables, peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils créent des obligations pour les particuliers concessionnaires de services publics [notamment une entité relevant de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 93/38] alors que ladite directive n’a pas été transposée en droit national par l’État portugais, le non-respect desdites obligations pouvant être invoqué à l’encontre de cette entité concessionnaire particulière par l’État portugais, dans un acte imputable à un de ses ministères?»

16.

La requérante au principal, le gouvernement portugais ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites à la Cour.

17.

Des questions écrites et une demande de concentration de plaidoiries ont été adressées aux parties. L’audience de plaidoirie s’est tenue le 4 juillet 2013.

III – Analyse

18.

Je rappelle que la présente demande de décision préjudicielle trouve son origine dans un litige opposant Portgás au ministère au sujet d’une décision ordonnant la récupération de l’aide financière qui avait été octroyée à ladite société dans le cadre du Fonds européen de développement régional, au motif que, lors de l’acquisition de compteurs de gaz auprès d’une autre société, Portgás n’avait pas respecté un certain nombre de règles du droit de l’Union applicables en matière de marchés publics.

19.

Portgás conteste ladite décision en soulignant que, eu égard à sa qualité d’entreprise privée, les dispositions de la directive 93/38, laquelle n’avait pas encore été transposée en droit interne au moment des faits, ne pouvaient pas produire d’effet direct vertical à son égard. Estimant que la directive 93/38 a pour destinataires non seulement les États membres, mais également toute entité adjudicatrice au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, le ministère soutient, pour sa part, que celle-ci comporte des obligations pour toutes les entités visées par cette disposition, notamment celles bénéficiant de droits exclusifs conférés par un État membre. Ce serait précisément le cas de la société requérante en tant que concessionnaire d’un service public.

20.

La Cour est, pour l’essentiel, saisie de la question de savoir si et dans quelles conditions les dispositions de la directive 93/38 peuvent être invoquées à l’encontre d’un concessionnaire de service public ayant la qualité d’entité adjudicatrice dans l’hypothèse où cette directive n’a pas été transposée en droit interne.

21.

Si, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence bien établie, la question de l’invocabilité d’une directive à l’encontre d’une entité ayant la qualité de concessionnaire de service public est loin d’être inédite, la présente affaire revêt une certaine particularité en ce que cette invocabilité est revendiquée par une autorité étatique.

22.

D’emblée, je relève que n’est nullement débattue la question de savoir si les dispositions de la directive dont l’application est demandée, à savoir les articles 4, paragraphe 1, et 14, paragraphe 1, sous c), i), de la directive 93/38, remplissent les conditions «techniques» de précision, de clarté et d’inconditionnalité pour pouvoir être invoquées à l’encontre de l’État ( 7 ).

23.

Au demeurant, il ne me semble guère faire de doute que ces dispositions remplissent les critères requis. En effet, s’agissant des marchés de fourniture et de services dont la valeur estimée hors TVA égale ou dépasse 400000 euros, ces dispositions mettent à la charge, notamment, des entités adjudicatrices exerçant des activités dans les secteurs de transport ou de distribution de gaz une obligation précise et inconditionnelle, selon laquelle la passation desdits marchés doit être conforme aux dispositions et procédures prévues par la directive 93/38 et doit être réalisée sans qu’il y ait une discrimination entre fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services. Aucune mesure particulière de mise en œuvre n’apparaît nécessaire pour s’assurer du respect de ces exigences. Cette appréciation trouve, à mon sens, un appui solide dans la jurisprudence portant sur des dispositions comparables en matière de passation des marchés publics ( 8 ).

24.

En revanche, est discuté le point de savoir si Portgás peut se voir opposer lesdites dispositions en sa seule qualité de concessionnaire d’un service public ayant la qualité d’entité adjudicatrice au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/38. De même, se pose la question de savoir si, indépendamment de la possibilité de considérer Portgás en tant qu’émanation de l’État au sens de la jurisprudence, il est possible pour une autorité étatique de revendiquer l’application d’un certain nombre de dispositions de cette directive.

25.

En l’occurrence, je considère donc que, pour répondre à la question posée, il convient, dans un premier temps, de déterminer si Portgás peut se voir opposer, en sa seule qualité de concessionnaire d’un service public, les dispositions de la directive 93/38 et, dans l’affirmative, de s’interroger sur le point de savoir si les autorités administratives d’un État membre peuvent revendiquer l’application à son encontre des dispositions de ladite directive qui, à la date des faits litigieux, n’avaient pas été transposées dans l’ordre juridique.

26.

En d’autres termes, une fois résolue la question de savoir à l’égard de qui peut être invoquée l’application des dispositions de la directive non ou mal transposées, encore faut-il déterminer qui peut se prévaloir desdites dispositions et, le cas échéant, à quel titre.

A – Sur la possibilité d’invoquer les dispositions de la directive 93/38 à l’encontre de Portgás en sa seule qualité de concessionnaire d’un service public et d’entité adjudicatrice au sens de l’article 2 de ladite directive

27.

En l’occurrence, deux conceptions s’affrontent.

28.

D’une part, la demanderesse au principal fait valoir, en substance, que, la directive 93/38 n’ayant pas encore été transposée en droit interne à la date de conclusion du contrat de fourniture en cause, les autorités administratives portugaises ne pourraient pas invoquer à son encontre les dispositions de ladite directive. Elle rappelle que, selon une jurisprudence constante, les directives non transposées ne sauraient créer des obligations pour les particuliers. Or, elle aurait précisément la qualité de particulier, nonobstant le fait qu’elle a la qualité de concessionnaire d’un service public. Elle souligne, à cet égard, qu’elle ne dispose d’aucune prérogative exorbitante du droit commun.

29.

D’autre part, le gouvernement portugais et la Commission soutiennent, pour l’essentiel, que Portgás, en sa qualité de concessionnaire exclusif d’un service public et d’entité adjudicatrice au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 93/38, était tenue de se conformer aux dispositions de cette directive, et ce même si cet acte n’avait pas encore été transposé en droit interne à la date de conclusion du contrat de fourniture litigieux.

30.

Il me semble important de rappeler que la reconnaissance de l’effet direct des directives repose, en définitive, sur deux objectifs complémentaires: la nécessité de garantir efficacement les droits que les particuliers peuvent tirer de ces actes ainsi que le souhait de sanctionner les autorités nationales qui ont omis de respecter l’effet obligatoire et d’assurer une application effective de ceux-ci ( 9 ).

31.

Envisagé sous cet angle et ainsi que la Cour l’a constamment rappelé, le caractère contraignant d’une directive sur lequel est fondée la possibilité d’invoquer celle-ci devant une juridiction nationale n’existe qu’à l’égard de «tout État membre destinataire». Il s’ensuit qu’une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier et qu’une disposition d’une directive ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à l’encontre d’une telle personne ( 10 ). Une autorité nationale ne peut pas se prévaloir, à charge d’un particulier, d’une disposition d’une directive dont la transposition nécessaire en droit national n’a pas encore eu lieu ( 11 ).

32.

En d’autres termes, et nonobstant les doutes qui ont pu légitimement naître à cet égard ( 12 ), l’effet direct des directives ne peut être que de nature «verticale» et «ascendante», en ce sens qu’il ne peut jouer qu’à l’occasion d’un recours introduit par un particulier à l’encontre d’une autorité étatique. Cette règle a pour corollaire que l’obligation pour le juge national d’interpréter les règles du droit national en conformité avec les dispositions d’une directive trouve ses limites lorsqu’une telle interprétation conduit à opposer à un particulier une obligation prévue par une directive non transposée ( 13 ).

33.

Cette limitation est cependant contrebalancée par le fait que les entités qui peuvent se voir opposer les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d’une directive européenne revêtent de multiples formes et qualités. Il est, en effet, également bien acquis que la notion d’«État membre» à l’encontre duquel peuvent être invoquées les dispositions d’une directive est conçue de manière tout à la fois fonctionnelle et extensive.

34.

Elle couvre, tout d’abord, l’ensemble des organes de l’administration publique, y compris les autorités décentralisées ( 14 ). Par ailleurs, lorsque les justiciables sont en mesure de se prévaloir d’une directive à l’encontre de l’État, ils peuvent le faire quelle que soit la qualité en laquelle agit ce dernier, employeur ou autorité publique. Dans l’un et l’autre cas, il convient, en effet, d’éviter que l’État ne puisse tirer avantage de sa méconnaissance du droit de l’Union ( 15 ).

35.

Cette notion vise plus largement l’ensemble des personnes publiques ou privées entretenant des liens particuliers avec l’État, à savoir, pour reprendre la formule consacrée par l’arrêt Foster e.a. ( 16 ), et maintes fois rappelée depuis lors ( 17 ), les organismes et entreprises qui, quelle que soit leur forme juridique, ont été chargés en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui disposent, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers.

36.

La Cour a ainsi jugé qu’une personne morale de droit privé pouvait se voir opposer les dispositions d’une directive susceptibles d’avoir un effet direct lorsque l’État a confié à cette personne morale une mission particulière et qu’il contrôle directement ou indirectement cette personne morale ( 18 ).

37.

En revanche, il ne me semble pas découler de la jurisprudence que le seul fait qu’une entité dispose de la qualité d’autorité adjudicatrice, au sens de la réglementation européenne, implique que celle-ci soit considérée comme faisant partie de l’État.

38.

Si, selon la jurisprudence de la Cour, les dispositions d’une directive peuvent produire un effet direct à l’égard d’un organisme chargé d’accomplir, sous le contrôle de l’État, un service d’intérêt public, encore faut-il que cette entité dispose de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables aux rapports entre particuliers.

39.

Or, si, ainsi que l’a mentionné la Commission, la qualité d’entité adjudicatrice n’est, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 93/38, reconnue qu’aux entités privées qui «bénéficient de droits spéciaux ou exclusifs délivrés par une autorité compétente d’un État membre», cette qualité n’implique pas nécessairement que lesdites entités bénéficient de «pouvoirs exorbitants» au sens de la jurisprudence Foster e.a., précitée, telle que précisée, en particulier, par les arrêts précités Collino et Chiappero ( 19 ) ainsi que Rieser Internationale Transporte ( 20 ).

40.

Je suis, par ailleurs, loin d’être convaincu qu’il faille étendre l’invocabilité des directives au titre de l’effet direct à l’encontre d’une telle entité.

41.

Tout d’abord, il faut souligner que, de manière générale, le fait qu’une entité relève du champ d’application personnel d’une directive n’est pas un élément déterminant pour que celle-ci se voie opposer les dispositions non transposées de ladite directive ( 21 ), puisque ce qui importe c’est que, en vertu de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, seuls les États sont destinataires de celle-ci. Dès lors, bien que Portgás fasse partie des entités expressément visées par le champ d’application de la directive litigieuse, en sa qualité de société concessionnaire d’un service public qui lui a été confié à titre exclusif par l’État, il est difficile de soutenir qu’elle était tenue de se conformer aux dispositions de la directive 93/38 avant l’entrée en vigueur de l’acte législatif de transposition.

42.

Ensuite, en dépit des rapprochements qui peuvent légitimement être établis, la notion d’«entité adjudicatrice» n’a pas la même portée que le concept d’«État» au sens fonctionnel du terme à l’encontre duquel le particulier peut invoquer l’effet direct d’une directive ( 22 ).

43.

De même, la circonstance selon laquelle une entreprise privée est chargée d’accomplir, en tant que concessionnaire exclusif, un service d’intérêt public ne suffit pas pour pouvoir lui opposer les dispositions d’une directive non transposée dans l’ordre interne. Il doit être constaté que ladite entreprise dispose de pouvoirs exorbitants et est soumise au contrôle des autorités publiques ( 23 ).

44.

Pour revenir à l’affaire au principal, il ressort, à première vue, des éléments soumis à la Cour ( 24 ) que la relation unissant Portgás aux autorités étatiques portugaises n’est pas aussi étroite que celle qui, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Foster e.a., précité, liait l’entité en cause aux autorités britanniques. Les prérogatives de contrôle que les autorités portugaises ont à l’égard de Portgás sont, me semble-t-il, beaucoup plus limitées ( 25 ).

45.

Toutefois, étant donné que la juridiction de renvoi n’a pas fourni suffisamment d’informations au sujet de Portgás pour déterminer si ladite entreprise disposait, au moment des faits litigieux, de pouvoirs exorbitants et était soumise au contrôle des autorités publiques, il appartiendra, conformément à la règle énoncée dans l’arrêt Foster e.a. ( 26 ) et à l’approche traditionnellement retenue par la Cour dans des affaires semblables ( 27 ), à cette juridiction d’examiner si ces conditions étaient remplies quant à la situation de Portgás au moment des faits litigieux.

46.

En l’absence d’éléments démontrant que Portgás doit être assimilée à l’État, l’invocabilité de la directive devrait être exclue, puisque, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour rappelée précédemment, ne saurait créer d’obligations dans le chef d’un particulier et être opposées à son encontre les dispositions d’une directive non transposée.

47.

En décider autrement reviendrait à consacrer un effet direct descendant aux dispositions de la directive 93/38 et, en outre, permettre à l’État, conçu de manière unitaire, de se prévaloir de sa défaillance à l’égard des particuliers.

48.

En revanche, pour l’hypothèse où Portgás doit être assimilée à une entreprise disposant de prérogatives de puissance publique, et dès lors comme s’insérant dans la notion fonctionnelle d’État – ou d’émanation de celui-ci – évoquée plus haut, encore faut-il déterminer si le ministère visé en l’espèce est en mesure de se prévaloir de l’application de la directive non transposée.

B – Sur la question de savoir si les dispositions de la directive litigieuse peuvent être invoquées par une autorité étatique à l’encontre d’une entité qualifiée d’«émanation de l’État»

49.

Ainsi que je l’ai évoqué plus haut, il ne semble guère faire de doute que les dispositions des directives ne sauraient être invoquées au titre de l’effet direct à l’encontre des particuliers, les directives ne créant d’obligations qu’à la charge des États membres destinataires.

50.

Cela étant précisé, une interrogation subsiste. Doit-on exclure dans tous les cas que l’État puisse se prévaloir des dispositions d’une directive non transposée ou cette limitation ne vise que le cas où l’invocabilité des dispositions de la directive non transposée est revendiquée à l’encontre d’un particulier? En l’occurrence, dans l’hypothèse où il devrait être considéré que Portgás doit être assimilée à une «émanation de l’État» envers laquelle les dispositions de la directive sont opposables, doit-on, pour autant, exclure que le ministère puisse se prévaloir de ladite directive?

51.

Je suis d’avis qu’il convient d’apporter une réponse négative à cette question.

52.

Toutefois, pour les raisons que j’exposerai ci-après, dans une telle configuration hypothétique, la possibilité pour une autorité étatique de se prévaloir à l’encontre d’un autre démembrement de l’État du non-respect des dispositions d’une directive relèverait, me semble-t-il, d’une problématique étrangère à la traditionnelle discussion portant sur l’effet direct vertical – et a fortiori horizontal – des directives, mais trouverait sa source dans l’obligation faite à l’ensemble des autorités étatiques de se conformer aux dispositions des directives (article 288, troisième alinéa, TFUE) ainsi que de coopérer de manière loyale et de s’assurer de la pleine exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions (article 4, paragraphe 3, TUE).

53.

En premier lieu, la problématique ne me paraît pas entretenir de rapport direct avec la jurisprudence portant sur l’intensité de l’effet direct devant être reconnu aux dispositions des directives.

54.

En effet, il découle des termes retenus par la jurisprudence et de la lecture qui en a d’ailleurs été faite par la doctrine que les «deux pôles du rapport vertical caractéristique de l’effet direct des directives» ( 28 ) consiste, ainsi que je l’ai mentionné auparavant, dans la présence, d’un côté, d’un «État membre» – ou d’un de ses démembrements ou émanations – à l’encontre duquel peuvent être invoquées les dispositions d’une directive non ou mal transposée et, de l’autre côté, d’un «particulier», seul admis à se prévaloir de telles dispositions, une fois le délai de transposition expiré ( 29 ).

55.

S’il est vrai que la Cour a admis que des collectivités publiques, a priori assimilables à des démembrements de l’État, pouvaient éventuellement se prévaloir des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive non transposée au titre de l’effet direct des directives, lesdites collectivités ou entités devaient précisément être considérées comme des particuliers au regard de la directive en cause. Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Comune di Carpaneto Piacentino e.a., la Cour avait souligné que «[l]es organismes de droit public, qui, dans ce contexte, doivent être assimilés aux particuliers, sont dès lors fondés à se prévaloir de la règle de non-assujettissement pour les activités qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, ne figurant pas à l’annexe D de la directive» ( 30 ).

56.

En second lieu, il me semble important de préciser que l’argument inspiré du principe d’«estoppel» ou de la règle «nemo auditur propriam turpitudinem allegans» ne trouve pas le même écho dans une configuration où c’est une entité étatique qui se prévaut des dispositions d’une directive à l’encontre d’une autre entité étatique ou d’un autre démembrement de l’État. Si cet argument revêt un sens lorsque l’État souhaite opposer aux particuliers le non-accomplissement des obligations que comporte une directive européenne, en ce qu’elle vise à éviter que l’État puisse tirer un quelconque avantage de son obligation de transposition, il n’en est pas de même dans le cas où le litige oppose deux démembrements de l’État.

57.

Ainsi, pour revenir à l’affaire au principal, à supposer que Portgás doive être assimilée à une émanation de l’État au sens de la jurisprudence Foster e.a., précitée, nous serions, en définitive, confrontés à deux carences: d’une part, l’État n’aurait pas respecté son obligation visée à l’article 288 TFUE de transposer la directive 93/38, mais, d’autre part, il serait reproché à Portgás, en tant qu’autorité adjudicatrice, de ne pas avoir respecté les dispositions de ladite directive.

58.

Dans une telle configuration, je suis d’avis que cette problématique est sans rapport avec une quelconque discussion portant sur la portée et l’intensité de l’effet direct devant être reconnu aux dispositions précises et inconditionnelles des directives, mais s’insère dans le cadre des obligations qui s’imposent aux autorités étatiques en vertu de leur devoir de coopération loyale et de leur obligation d’assurer la pleine exécution des obligations découlant du droit de l’Union.

59.

Il me semble important de souligner à cet égard que, si la première obligation qui pèse sur les États membres en rapport avec la mise en œuvre des directives consiste indéniablement dans la mise en conformité du droit national avec celles-ci par l’adoption, dans les délais requis, de mesures de transposition conformes tant aux termes qu’aux finalités poursuivies, elle ne se limite pas à cela. L’effet obligatoire reconnu aux directives implique que, au-delà même de l’obligation de transposition, l’ensemble des autorités et démembrements de l’État garantissent la mise en œuvre effective de ces actes.

60.

En vertu du principe de coopération loyale, les États membres prennent toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de leurs obligations au titre du droit de l’Union. Ainsi que la Cour l’a précisé, l’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci, ainsi que leur devoir en vertu des traités de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation, s’imposent à toutes les autorités des États membres ( 31 ).

61.

La Cour a, ainsi, considéré que, en plus des autorités étatiques centrales, étaient assujetties à l’obligation de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution des directives les autorités décentralisées quel que soit leur degré d’autonomie, ainsi que les instances juridictionnelles.

62.

Je suis d’avis qu’il n’y pas lieu de limiter l’imposition de cette obligation d’exécution à ces seules autorités, et qu’il convient, dans un souci de cohérence, de l’étendre à l’ensemble des organismes et entités qui remplissent les conditions pour pouvoir être qualifiés d’émanations de l’État au sens fonctionnel du terme, qualification dont les contours ont été précisés dans l’arrêt Foster e.a., précité.

63.

Ainsi, pour revenir au cas qui nous est soumis, s’il devait être considéré qu’une entité, telle que Portgás, concessionnaire d’un service public, qui a en outre la qualité d’autorité adjudicatrice, est assimilable à l’État, je ne verrai aucun obstacle à ce que lui soient opposables les dispositions de la directive 93/38. Bien au contraire, non seulement ces dispositions lui sont opposables, mais elle aurait, par ailleurs, en sa qualité de démembrement de l’État, l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires à l’exécution de ces dispositions, indépendamment d’ailleurs du point de savoir si celles-ci remplissent les conditions techniques d’invocabilité au titre de l’effet direct. Dans une telle hypothèse, il devrait être conclu que Portgás était soumise aux obligations prévues par cette directive depuis le 1er janvier 1998 et elle aurait d’ailleurs pu être sanctionnée pour un manquement à celles-ci, soit par décision de l’autorité de tutelle compétente, soit par décision des juridictions nationales à la demande de tiers lésés par ce manquement. De telles sanctions constitueraient des mesures adéquates d’exécution de la directive concernée parce qu’elles ont précisément pour objectif de favoriser l’adoption de décisions ou de procédures conformes à ladite directive.

64.

Par ailleurs, en se prévalant de la méconnaissance de certaines dispositions de la directive 93/38 en cause par Portgás, le ministère, en sa qualité d’autorité de tutelle, ne fait que se conformer à son obligation de mise en œuvre et de coopération loyale, indépendamment de la transposition de ladite directive. Il ne saurait dans cette perspective lui être reproché de tirer un quelconque avantage de la situation de non-transposition.

65.

Cette obligation de coopération et de mise en conformité me semble d’ailleurs renforcée dans le cas où, comme dans l’affaire au principal, l’autorité étatique en cause est, en tant qu’autorité de tutelle, chargée de s’assurer de la bonne gestion et de la conformité des opérations faisant l’objet d’un financement par les Fonds structurels. Ainsi que la Commission l’a souligné dans ses écritures, les autorités de gestion qui ont été désignées par les États membres pour gérer les interventions de ces Fonds assument une responsabilité particulière, en ce qu’elles doivent expressément s’assurer que celles-ci sont conformes aux dispositions du traité et des actes de droit dérivés, parmi lesquels figurent ceux applicables en matière de passation des marchés publics ( 32 ).

66.

Dès lors, s’il devait être conclu que Portgás est assimilable à l’État, je ne vois aucun obstacle à ce que les dispositions de la directive 93/38 lui soient opposables, et ce même si cela est invoqué par une autre autorité de l’État. Il est vrai que la jurisprudence n’admet l’effet direct des directives non transposées que lorsqu’il est invoqué par un particulier à l’encontre de l’État ou d’un organisme pouvant lui être assimilé, l’excluant explicitement lorsqu’il est invoqué par l’État à l’encontre d’un particulier. Toutefois, cela n’implique pas que les dispositions d’une directive ne peuvent pas être invoquées dans un litige entre l’État et un organisme qui lui est rattaché. Il est question non plus d’effet direct, mais des impératifs de mise en œuvre d’une directive au regard de l’obligation d’exécution des obligations découlant du droit de l’Union et de coopération loyale qui s’impose à l’ensemble des autorités et démembrements de l’État.

IV – Conclusion

67.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le tribunal administrativo e fiscal do Porto dans les termes suivants:

Les articles 4, paragraphe 1, et 14, paragraphe 1, sous c), i), de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications, telle que modifiée par la directive 98/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, ne peuvent pas être invoqués par les autorités d’un État membre à l’encontre d’une entreprise privée, au seul motif qu’il s’agit d’un concessionnaire exclusif d’un service d’intérêt public relevant du champ d’application personnel de cette directive, alors que ladite directive n’a pas encore été transposée dans l’ordre interne dudit État membre. Il appartient au juge national d’identifier que, en plus de sa qualité de concessionnaire de service public, l’entreprise en cause dispose de prérogatives exorbitantes.


( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) Arrêt du 5 février 1963, 26/62, Rec. p. 1.

( 3 ) JO L 199, p. 84.

( 4 ) JO L 101, p. 1.

( 5 ) Diário da República I, série A, no 184, du 9 août 2001, p. 5002.

( 6 ) Selon les informations fournies par la requérante au principal, celle-ci est, depuis sa constitution, majoritairement détenue par des actionnaires privés.

( 7 ) Selon une jurisprudence bien établie, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État, soit lorsque celui-ci s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte [voir, notamment, arrêts du 19 janvier 1982, Becker (8/81, Rec. p. 53, point 25), et du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, point 33 et jurisprudence citée)].

( 8 ) Voir, notamment, arrêts du 20 septembre 1988, Beentjes (31/87, Rec. p. 4635, points 40 à 44); du 22 juin 1989, Costanzo (103/88, Rec. p. 1839, points 29 à 31); du 24 septembre 1998, Tögel (C-76/97, Rec. p. I-5357, points 42 à 47); du 4 mars 1999, HI (C-258/97, Rec. p. I-1405, points 34 à 39); du 16 septembre 1999, Fracasso et Leitschutz (C-27/98, Rec. p. I-5697, points 36 et 37), et du 18 octobre 2001, SIAC Construction (C-19/00, Rec. p. I-7725, points 35 à 45).

( 9 ) Voir, en particulier, arrêt du 26 février 1986, Marshall (152/84, Rec. p. 723, point 47).

( 10 ) Arrêts Marshall, précité (point 48); du 8 octobre 1987, Kolpinghuis Nijmegen (80/86, Rec. p. 3969, point 9), et du 26 septembre 1996, Arcaro (C-168/95, Rec. p. I-4705, point 36).

( 11 ) Voir, notamment, arrêt Kolpinghuis Nijmegen, précité (point 10).

( 12 ) Il n’est pas possible de recenser ici les nombreux commentaires de jurisprudence et contributions doctrinales qui sont dédiés aux conditions d’invocabilité des directives, notamment dans les litiges horizontaux. Je me limiterai, à cet égard, à renvoyer aux références mentionnées par l’avocat général Cruz Villalón au point 75 (note 32) de ses récentes conclusions dans l’affaire Association de médiation sociale (C‑176/12), pendante devant la Cour.

( 13 ) Voir, en particulier, arrêt Arcaro, précité (point 42).

( 14 ) Voir, notamment, arrêt Costanzo, précité (point 32).

( 15 ) Voir, notamment, arrêt Marshall, précité (point 49).

( 16 ) Arrêt du 12 juillet 1990 (C-188/89, Rec. p. I-3313, point 20).

( 17 ) Arrêts du 14 septembre 2000, Collino et Chiappero (C-343/98, Rec. p. I-6659, point 23); du 5 février 2004, Rieser Internationale Transporte (C-157/02, Rec. p. I-1477, point 24); du 19 avril 2007, Farrell (C-356/05, Rec. p. I-3067, point 40), et Dominguez, précité (point 39).

( 18 ) Voir arrêt Rieser Internationale Transporte, précité (point 29).

( 19 ) Voir arrêt Collino et Chiappero, précité (point 23).

( 20 ) Voir points 25 à 27 de l’arrêt. Aux fins de conclure que Asfinag pouvait se voir opposer les dispositions d’une directive susceptible d’avoir un effet direct, la Cour a, au préalable, constaté que cet organisme, en plus d’être chargé d’un service d’intérêt général en vertu d’un acte d’une autorité publique sous le contrôle de cette dernière, disposait de pouvoirs exorbitants.

( 21 ) Voir, notamment, arrêts du 14 juillet 1994, Faccini Dori (C-91/92, Rec. p. I-3325), s’agissant de la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO L 372, p. 31), et du 12 décembre 1996, X (C-74/95 et C-129/95, Rec. p. I-6609) s’agissant des personnes relevant du champ d’application de la directive 90/270/CEE du Conseil, du 29 mai 1990, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation (cinquième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) (JO L 156, p. 14).

( 22 ) Ainsi que le mentionnait l’avocat général Alber dans ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Rieser Internationale Transporte, précité (point 35), «[l]e terme de pouvoir adjudicateur ne doit pas nécessairement avoir la même signification que le terme d’État au sens fonctionnel à l’encontre duquel le particulier peut invoquer l’effet direct d’une directive».

( 23 ) Ainsi que le soulignait l’avocat général Van Gerven dans ses conclusions dans l’affaire Foster e.a., précitée (point 22), l’entreprise à l’égard de laquelle peut être invoquée une disposition inconditionnelle et suffisamment précise est celle à l’égard de laquelle l’État «assume une responsabilité qui la met en mesure d’influencer de façon déterminante et de quelque manière que ce soit (hormis par l’exercice d’une compétence législative générale) le comportement de cette personne ou de cet organisme, et cela en rapport avec la matière dans laquelle la disposition concernée de la directive impose une obligation que l’État membre a omis de transposer dans son droit national».

( 24 ) Ces éléments consistent notamment dans le décret-loi no 33/91 (Diário da República I, série A, no 13, du 16 janvier 1991, p. 235) et dans le contrat de concession de distribution de gaz conclu, en décembre 1993, entre Portgás et l’État portugais.

( 25 ) En ce sens, il apparaît que l’État ne dispose pas de pouvoir de nomination des dirigeants de la société, de la possibilité d’adresser des directives générales – et dans certains cas des instructions obligatoires – sur des questions diverses ou encore du pouvoir d’ordonner la destination de certains fonds, ce qui était en mesure d’exercer une pression sur la direction de l’entreprise en cause.

( 26 ) Ainsi qu’il ressort du point 15 de l’arrêt Foster e.a., précité, si la Cour est compétente pour déterminer, à titre préjudiciel, les catégories de sujets de droit à l’encontre desquels les dispositions d’une directive peuvent être invoquées, il incombe en revanche aux juridictions nationales de décider si une partie au litige qui lui est soumis entre dans une des catégories ainsi définies.

( 27 ) Voir, notamment, arrêts précités Collino et Chiappero (point 24); Farrell (point 41), ainsi que Dominguez (point 40).

( 28 ) Voir Simon, D., La directive européenne, Dalloz, 1997, p. 73.

( 29 ) Si l’on reprend d’ailleurs la formule originelle employée par le juge de l’Union, c’est sur «la vigilance des particuliers intéressés à la sauvegarde de leurs droits» que repose la consécration de l’effet direct (voir arrêt van Gend & Loos, précité, p. 25).

( 30 ) Arrêt du 17 octobre 1989, Comune di Carpaneto Piacentino e.a. (231/87 et 129/88, Rec. p. 3233, point 31).

( 31 ) Voir, notamment, arrêts du 10 avril 1984, von Colson et Kamann (14/83, Rec. p. 1891), et Kolpinghuis Nijmegen, précité (point 12).

( 32 ) Voir, notamment, les articles 12 et 38 du règlement (CE) no 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels (JO L 161, p. 1), applicable aux faits visés par l’affaire au principal. Dans le cas d’espèce, il peut apparaître étonnant que le débat se soit focalisé sur la question de l’invocabilité de la directive 93/38, alors que, en tout état de cause, les autorités nationales compétentes étaient tenues de s’assurer du plein respect des dispositions du règlement européen, qui renvoient aux règles applicables en matière de marchés publics, dont le caractère obligatoire et directement applicable ne fait aucun doute.

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