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Document 62010CC0376

Conclusions de l'avocat général Mengozzi présentées le 29 novembre 2011.
Pye Phyo Tay Za contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi - Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives prises à l’encontre de la République de l’Union du Myanmar - Gel de fonds applicable à des personnes, entités et organismes - Base juridique.
Affaire C-376/10 P.

Recueil de jurisprudence 2012 -00000

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:786

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 29 novembre 2011 ( 1 )

Affaire C-376/10 P

Pye Phyo Tay Za

contre

Conseil de l’Union européenne

«Pourvoi — Mesures restrictives instituées à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar — Inscription du requérant dans la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent ces dispositions»

Table des matières

 

I – Les antécédents du litige et l’arrêt attaqué

 

II – La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

 

III – L’analyse juridique

 

A – Sur le premier moyen tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation des bases juridiques du règlement litigieux

 

1. Argumentation des parties

 

2. Analyse

 

B – Sur le troisième moyen tiré d’une violation des droits de la défense

 

1. Argumentation des parties

 

2. Analyse

 

a) Sur la question préliminaire tenant à l’invocabilité des droits de la défense

 

b) Sur la prétendue violation du droit à une communication préalable des motifs et du droit à une audition préalable (première branche du troisième moyen)

 

c) Sur la prétendue violation du droit à une protection juridictionnelle effective (deuxième branche du troisième moyen)

 

d) Sur la question de la notification (troisième branche du troisième moyen)

 

C – Sur le deuxième moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation du règlement litigieux

 

1. Argumentation des parties

 

2. Analyse

 

D – Sur le quatrième et dernier moyen, tiré d’une violation du droit de propriété et du principe de proportionnalité

 

1. Argumentation des parties

 

2. Analyse

 

IV – Sur le recours devant le Tribunal

 

V – Sur les dépens

 

VI – Conclusion

1. 

Le présent pourvoi, introduit par M. Pye Phyo Tay Za (ci-après «M. Tay Za» ou le «requérant»), ressortissant birman, tend à l’annulation de l’arrêt Tay Za/Conseil ( 2 ) (ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel le Tribunal de l’Union européenne a rejeté le recours en annulation du requérant à l’encontre du règlement (CE) no 194/2008 du Conseil, du 25 février 2008, renouvelant et renforçant les mesures restrictives instituées à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar et abrogeant le règlement (CE) no 817/2006 ( 3 ) (ci-après le «règlement litigieux»), dans la mesure où le nom du requérant figure sur la liste des personnes auxquelles s’applique le règlement.

2. 

La Cour est invitée à se prononcer sur les conditions dans lesquelles un régime de sanctions mis en place par le Conseil de l’Union européenne à l’encontre d’un pays tiers peut viser des personnes physiques et sur l’intensité exigée du lien entre ces personnes et le régime dirigeant. Ce pourvoi soulève ainsi un certain nombre de questions d’importance, y compris eu égard aux garanties offertes par l’ordre juridique de l’Union quant aux droits de la défense dont les personnes visées par une mesure de gel de fonds peuvent se prévaloir dans un tel contexte.

I – Les antécédents du litige et l’arrêt attaqué

3.

Pour un exposé détaillé du cadre juridique, il est renvoyé aux points 1 et suivants de l’arrêt attaqué.

4.

Le présent litige trouve son origine dans l’action entreprise à partir de 1996 par l’Union à l’encontre de l’Union de Birmanie ( 4 ). L’action de l’Union était alors motivée par l’absence de progrès de ce pays tiers sur la voie de la démocratisation et par l’existence de violations des droits de l’homme persistantes. Les mesures restrictives décidées par l’Union ont été non seulement régulièrement maintenues, mais également renforcées. Le Conseil a alors décidé que les fonds et les ressources économiques (ci-après les «fonds») des personnes qui définissent ou mettent en œuvre des politiques empêchant la transition démocratique ou qui en tirent profit devaient être gelés ( 5 ). La liste des personnes visées par les mesures de gel contenait alors essentiellement des noms de militaires.

5.

La position commune initiale a été abrogée par la position commune 2003/297/PESC du Conseil, du 28 avril 2003, relative à la Birmanie/au Myanmar ( 6 ), afin d’y substituer un régime de sanctions plus étendu. Les sanctions prévues visaient alors à frapper d’autres membres du régime militaire, les intérêts économiques dudit régime ainsi que d’autres personnes définissant, mettant en œuvre ou tirant profit des politiques empêchant la transition démocratique. Les sanctions s’étendaient également aux membres de la famille des personnes identifiées ( 7 ) sans que lesdits membres soient nommément inscrits dans la liste annexée à la position commune. Sur le fondement de cette position commune, le Conseil a adopté la décision 2003/907/PESC, du 22 décembre 2003, mettant en œuvre la position commune 2003/297 ( 8 ), en annexe de laquelle les prénom, nom et date de naissance du requérant apparaissent pour la première fois.

6.

À la suite de cette décision, la position commune 2004/423/PESC du Conseil, du 26 avril 2004, renouvelant les mesures restrictives à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar ( 9 ), listait non seulement les membres du régime militaire et les personnes considérées par le Conseil comme y étant associées, mais comportait également trois colonnes respectivement intitulées «Conjoint», «Enfants» et «Petits-enfants». Dans la partie de l’annexe consacrée aux «[p]ersonnes tirant profit des politiques économiques du gouvernement» apparaissaient plus spécifiquement le nom du père du requérant, celui de son épouse ainsi que ceux de trois enfants, parmi lesquels figurait celui du requérant. Dans la position commune 2005/340/PESC du Conseil, du 25 avril 2005, prorogeant les mesures restrictives à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar et modifiant la position commune 2004/423 ( 10 ), l’inscription du requérant ainsi que celle de son père et de l’épouse de ce dernier ont été confirmées ( 11 ).

7.

Le Conseil, constatant l’absence de progrès réalisés sur la voie de la réconciliation nationale, du respect des droits de l’homme et de la démocratie, a régulièrement renouvelé ou prorogé les mesures restrictives adoptées à l’encontre de l’Union de Birmanie, notamment dans le cadre des positions communes 2007/248/PESC ( 12 ), 2007/750/PESC ( 13 ) et 2008/349/PESC ( 14 ).

8.

Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de la position commune 2006/318/PESC du Conseil, du 27 avril 2006, renouvelant les mesures restrictives à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar (JO L 116, p. 77), tel que modifié par la position commune 2007/750, «[s]ont gelés tous les capitaux et ressources économiques appartenant aux membres du gouvernement de la Birmanie/du Myanmar et aux personnes physiques ou morales, aux entités ou aux organismes qui leur sont associés et dont la liste figure à l’annexe II, de même que tous les capitaux et ressources économiques qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par ces personnes, entités ou organismes».

9.

L’annexe II de la position commune 2006/318, telle que modifiée par la position commune 2008/349, mentionne, sous le titre J «Personnes tirant profit des politiques économiques du gouvernement et autres personnes associées au régime», le nom du requérant (J1c) et sa date de naissance assortis de la précision selon laquelle il est le fils de Tay Za, lui-même inscrit sous l’entrée J1a. Il est à noter que la conjointe du père du requérant est également inscrite (J1b), de même que la grand-mère du requérant (J1e). Les éléments d’identification précisent notamment, pour ce qui concerne le père du requérant, qu’il est le directeur exécutif de la société Htoo Trading Co.

10.

Dans la mesure où des compétences de la Communauté européenne étaient concernées pour la mise en place des mesures restrictives définies dans le cadre des différentes positions communes susmentionnées, et notamment par le gel des fonds, le Conseil a adopté une série d’actes mettant en œuvre lesdites positions communes. C’est dans ce cadre qu’est intervenu le règlement litigieux, qui a procédé à la mise en œuvre des mesures restrictives prévues par les positions communes 2006/318 et 2007/750. Le règlement litigieux a été adopté sur le fondement des articles 60 CE et 301 CE. Il est entré en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, soit le 10 mars 2008.

11.

L’article 11, paragraphe 1, du règlement litigieux prévoit que «[s]ont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant, étant en possession ou contrôlés par les membres du gouvernement de la Birmanie/du Myanmar et aux personnes physiques ou morales, aux entités ou aux organismes qui leur sont associés et dont la liste figure à l’annexe VI».

12.

Les articles 12 et 13 du règlement litigieux précisent les conditions dans lesquelles, de manière exceptionnelle et dans des cas limitativement énumérés, la mise à disposition, le déblocage ou l’utilisation de fonds ou de ressources économiques peuvent être autorisés.

13.

L’annexe VI du règlement litigieux est intitulée «Liste des membres du gouvernement de la Birmanie/du Myanmar et des personnes, entités et organismes qui y sont associés, visés à l’article 11». Sous le titre J sont listées les personnes «tirant profit des politiques économiques du gouvernement» ( 15 ). Sous l’entrée J1a figure le nom du père du requérant. Le requérant, quant à lui, est inscrit sous l’entrée J1c; au titre des informations d’identification, il est précisé qu’il est le fils de Tay Za (J1a); il est également fait mention de sa date de naissance et de son sexe. Figurent également, au titre J de l’annexe VI du règlement litigieux, les noms du père, de l’épouse du père ainsi que de la grand-mère paternelle du requérant ( 16 ).

14.

Le 11 mars 2008, le Conseil a publié un avis à l’attention des personnes et des entités figurant sur les listes visées aux articles 7, 11 et 15 du règlement litigieux ( 17 ).

15.

Le règlement (CE) no 353/2009 de la Commission, du 28 avril 2009 ( 18 ), a modifié l’annexe VI du règlement litigieux; cette modification n’a cependant pas concerné les indications relatives au requérant qui, elles, ont été reprises à l’identique.

16.

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mai 2008, M. Tay Za a introduit un recours en annulation contre le règlement litigieux et concluait, dans ses conclusions adaptées et modifiées ( 19 ), à ce qu’il plaise au Tribunal annuler le règlement litigieux dans la mesure où il le concerne ( 20 ) et condamner le Conseil aux dépens.

17.

Premièrement, le requérant faisait valoir que le règlement litigieux était dépourvu de base juridique; le deuxième moyen était tiré d’une violation de l’obligation de motivation qui incombe au Conseil; le troisième moyen était tiré d’une violation des droits fondamentaux du requérant, en l’occurrence du droit à un procès équitable, du droit à une protection juridictionnelle effective et du droit de propriété, ainsi que d’une violation du principe de proportionnalité; dans un quatrième et dernier temps, le requérant invoquait une violation des principes de droit découlant du caractère pénal de l’imposition du gel des avoirs et une violation du principe de sécurité juridique.

18.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’ensemble des moyens soulevés et condamné le requérant à supporter les dépens exposés par le Conseil.

II – La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

19.

Le 27 juillet 2010, M. Tay Za a introduit un pourvoi contre l’arrêt attaqué. Les conclusions du requérant tendent à ce qu’il plaise à la Cour annuler, en totalité, l’arrêt attaqué; dire que le règlement litigieux est nul et non avenu en ce qui le concerne et condamner le Conseil aux dépens des deux instances.

20.

Dans son mémoire en réponse, le Conseil conclut à ce qu’il plaise à la Cour rejeter le pourvoi et condamner le requérant aux dépens.

21.

Dans son mémoire en réponse, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, partie intervenante en première instance au soutien du Conseil, demande à la Cour de rejeter le pourvoi.

22.

La Commission européenne, partie intervenante en première instance au soutien du Conseil, conclut, dans son mémoire en réponse, à ce qu’il plaise à la Cour dire pour droit qu’aucun des moyens de droit invoqués par le requérant n’est de nature à renverser l’arrêt attaqué; en conséquence, rejeter le pourvoi et condamner le requérant aux dépens.

23.

Les parties ont été entendues lors de l’audience devant la Cour qui s’est tenue le 6 septembre 2011.

III – L’analyse juridique

24.

Dans son pourvoi, le requérant soulève quatre moyens. Le premier moyen vise à contester l’interprétation faite par le Tribunal des articles 60 CE et 301 CE ainsi que la conclusion qu’il en a tirée quant à la suffisance de la base juridique du règlement litigieux. Le deuxième est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le troisième vise à contester l’interprétation faite par le Tribunal des droits de la défense. Le quatrième, enfin, conteste l’appréciation du Tribunal selon laquelle la mesure frappant le requérant constitue une atteinte proportionnée à son droit de propriété.

25.

Dans la mesure où j’entends suggérer à la Cour d’accueillir le premier moyen, les trois autres ne seront analysés qu’à titre subsidiaire. Pour des raisons d’ordre logique, je commencerai l’analyse subsidiaire par l’examen du troisième moyen.

A – Sur le premier moyen tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation des bases juridiques du règlement litigieux

1. Argumentation des parties

26.

Le requérant fait grief au Tribunal de faire indûment peser sur lui la charge de renverser la présomption selon laquelle les membres de la famille des personnes tirant profit des politiques économiques du gouvernement birman tirent eux-mêmes profit desdites politiques et, partant, la charge de la preuve. Il soutient que l’interprétation fournie par le Tribunal des articles 60 CE et 301 CE est contraire aux critères établis par la Cour dans l’arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission ( 21 ) (ci-après l’arrêt «Kadi») et qu’il n’y a pas de lien suffisant entre le requérant et le régime birman susceptible de fonder juridiquement le gel de ses avoirs. Il ajoute que, même lorsque le Conseil désigne des catégories de personnes ou d’entités, il doit procéder à un examen individuel de chaque situation, fournir des éléments de preuve et indiquer les raisons pour lesquelles la personne ou l’entité en question est inscrite. Les lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation des mesures restrictives de 2005 ( 22 ) invitaient le Conseil à ne procéder à l’inscription d’un enfant adulte de plus de 18 ans qu’en considération de sa propre responsabilité dans les politiques contre lesquelles l’Union entendait lutter. En tout état de cause, le requérant soutient que le Conseil n’a jamais indiqué lesdites raisons ni qu’il avait fondé l’inscription du requérant en vertu d’une présomption que ce dernier était en mesure de renverser. Le requérant rappelle ensuite les éléments de fait déjà contenus dans l’arrêt attaqué, et notamment qu’il ne détenait de participations dans deux sociétés de son père ni en 2003 — date à laquelle il a été pour la première fois visé par des mesures restrictives — ni en 2008 — soit au moment de l’adoption du règlement litigieux. Enfin, même si les articles 60 CE et 301 CE autorisaient la Communauté à mettre en œuvre un embargo qui, lui, aurait touché l’ensemble de la population birmane, le requérant soutient que, à partir du moment où l’action de la Communauté prend la forme de sanctions ciblées, le Conseil doit s’assurer qu’elles ne concernent pas des personnes sans lien avec le régime visé.

27.

Le Conseil, à l’inverse, considère que l’arrêt attaqué est exempt de toute erreur de droit. Les articles 60 CE et 301 CE constituent les bases juridiques suffisantes du règlement litigieux, car ce dernier est effectivement dirigé contre un pays tiers. Le Tribunal a fait une correcte application de l’arrêt Kadi en considérant qu’il existait une présomption selon laquelle les membres de la famille des personnes tirant profit des politiques économiques du régime birman tirent eux-mêmes profit desdites politiques et présentent un risque de contournement des mesures restrictives justifiant leur inscription. Le requérant a été inclus dans la liste des personnes dont les avoirs doivent être gelés en raison du fait qu’il appartient à une catégorie déterminée par le Conseil, et non à titre individuel. Par ailleurs, le Conseil fait valoir que le requérant s’est appuyé sur une version obsolète des lignes directrices concernant la mise en œuvre des mesures restrictives dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Le requérant est bien associé au régime birman et l’extension des mesures restrictives aux membres de la famille était, à suffisance, explicitée dans la position commune et dans le règlement litigieux. Le requérant ne peut donc pas prétendre ignorer le contexte ayant entouré l’adoption du règlement litigieux et les raisons de son inscription. Le Conseil explique, en outre, que l’objectif de cette extension est d’augmenter la pression sur le régime dirigeant et indique que c’est en tant que fils de son père que le requérant a été considéré comme tirant lui-même profit de l’action illégale du gouvernement. Néanmoins, il a toujours la possibilité de démontrer au Conseil qu’il s’est dissocié de son père afin que son nom soit retiré de la liste. Jusqu’à présent, le requérant n’a invoqué aucun argument de cette nature. Enfin, le Conseil soutient que c’est essentiellement la famille proche des personnes inscrites qui présente le risque le plus élevé de contourner les mesures restrictives adoptées à l’encontre de ces dernières.

28.

Pour sa part, la Commission considère que le moyen développé par le requérant mêle de manière inopportune des éléments de fait et de droit. La question de savoir si des personnes associées aux dirigeants d’un pays tiers peuvent être visées par des mesures restrictives est une question de droit déjà tranchée par la Cour dans l’arrêt Kadi. En revanche, la question de savoir si le requérant est lui-même associé au régime birman et s’il présente un lien suffisant avec ce dernier relève d’une appréciation factuelle qu’il n’appartient pas à la Cour de remettre en cause, faute, pour le requérant, d’être parvenu à démontrer une inexactitude matérielle ou une dénaturation des éléments de preuve. À titre subsidiaire, la Commission soutient que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en consacrant la présomption selon laquelle les membres de la famille tirent profit de la fonction exercée par les dirigeants birmans et qu’ils doivent également être inscrits afin de préserver l’efficacité des mesures restrictives. Par ailleurs, l’incapacité du requérant à renverser la présomption repose également sur une appréciation factuelle qui échappe au contrôle de la Cour et le requérant tente, de manière inopportune dans le cadre d’un pourvoi, d’introduire un nouvel élément factuel reposant sur la considération selon laquelle les sociétés de son père dont il était lui-même actionnaire entre 2005 et 2007 n’avaient pas d’activités opérationnelles en Birmanie.

29.

Le Royaume-Uni, qui a limité son intervention au présent moyen, souligne que l’inscription du père du requérant n’a pas été contestée. Reprenant des arguments analogues à ceux du Conseil et de la Commission, il juge que la base juridique du règlement litigieux est appropriée et que l’arrêt Kadi a été dûment appliqué par le Tribunal. Il est, par ailleurs, tout à fait légitime de considérer que les membres de la famille tirent eux-mêmes profit des politiques économiques du régime birman, notamment afin de préserver l’effet utile des mesures restrictives. Seuls les membres de la famille proche sont concernés, ce qui révèle, de la part du Conseil, une attitude proportionnée.

30.

Le Conseil, le Royaume-Uni et la Commission concluent donc au rejet du premier moyen.

2. Analyse

31.

De manière liminaire, il faut constater qu’un certain nombre d’arguments débattus dans le cadre de ce premier moyen, comme le renversement de la charge de la preuve ou l’absence d’indications suffisantes quant aux raisons de l’inscription du requérant sur la liste des personnes dont les avoirs doivent être gelés, n’ont pas directement trait à la question de la base juridique. Partant, dans l’analyse qui suit, ne seront examinés que les arguments portant sur la suffisance des articles 60 CE et 301 CE pour fonder la base juridique du règlement litigieux, lesquels correspondent davantage à l’intitulé que le requérant a lui-même donné à son premier moyen.

32.

Il faut ensuite écarter l’argument de la Commission selon lequel le présent moyen soulève une question de fait et non de droit. Au contraire, la question soulevée est celle de savoir si le Tribunal a correctement fait application de l’interprétation donnée par la Cour des articles 60 CE et 301 CE. Autrement dit, il s’agit de déterminer si les membres de la famille de personnes tirant profit des politiques économiques du régime birman peuvent être visés par des mesures restrictives énoncées par un règlement adopté sur le fondement des articles 60 CE et 301 CE. Il s’agit donc d’une question éminemment juridique qu’il appartient à la Cour d’examiner dans le cadre du présent pourvoi.

33.

Comme les parties l’ont relevé, la Cour a indiqué, dans l’arrêt Kadi, que, «au vu du libellé des articles 60 CE et 301 CE, en particulier des termes ‘à l’égard des pays tiers concernés’ et ‘avec un ou plusieurs pays tiers’ y figurant, ces dispositions visent l’adoption de mesures à l’encontre de pays tiers, cette dernière notion pouvant inclure les dirigeants d’un tel pays ainsi que des individus et entités qui sont associés à ces dirigeants ou contrôlés directement ou indirectement par ceux-ci. […] Retenir l’interprétation des articles 60 CE et 301 CE […] selon laquelle il suffirait que les mesures restrictives en cause visent des personnes ou des entités se trouvant dans un pays tiers ou y étant associées à un autre titre, donnerait une portée excessivement large à ces dispositions et ne tiendrait nullement compte de l’exigence, découlant des termes mêmes de celles-ci, que les mesures décidées sur la base desdites dispositions doivent être prises à l’encontre de pays tiers» ( 23 ).

34.

La ligne de défense du Conseil et des parties intervenues à son soutien consiste à affirmer que, le règlement litigieux étant clairement dirigé contre le régime birman, les articles 60 CE et 301 CE en constituent la base juridique suffisante. Un tel argument ne répond que partiellement aux critères posés dans l’arrêt Kadi, car, s’il est certes exigé que les mesures restrictives adoptées sur cette base soient dirigées contre un pays tiers, cela ne saurait exempter le Conseil, lorsque l’action de la Communauté contre un pays tiers prend la forme de mesures restrictives adoptées contre des personnes physiques, de l’obligation de ne viser que les personnes susceptibles de répondre à la définition donnée par la Cour de la notion de «dirigeants» ou de «personnes associées» à ces derniers.

35.

Est-il davantage satisfaisant de mobiliser l’argument selon lequel la Communauté est habilitée, sur le seul fondement des articles 60 CE et 301 CE, à mettre en place un embargo commercial total qui, lui, frapperait l’intégralité de la population du pays tiers visé par l’action de la Communauté et que donc, a fortiori, les mesures restrictives litigieuses peuvent être fondées sur les articles précités? Je ne le crois pas. Lesdites mesures sont généralement présentées comme des «sanctions intelligentes», car ciblées, et dont l’objet est précisément de limiter les effets indésirables des sanctions internationales sur les personnes qui souffrent déjà ou qui ne sont pas responsables de la situation dans le pays tiers visé. Par conséquent, lorsque la Communauté fait le choix d’agir par le biais de mesures restrictives ciblées, il appartient aux institutions, sous le contrôle du juge, de s’assurer que les personnes à l’encontre desquelles lesdites mesures ont été adoptées présentent un lien suffisant avec le régime visé pour être qualifiées de «dirigeants» ou de «personnes associées» aux dirigeants. En décider autrement reviendrait à donner un blanc-seing auxdites institutions qui pourraient ainsi infliger des mesures restrictives à n’importe quelle personne ou catégorie de personnes, sous prétexte que, après tout, elles pourraient tout aussi bien imposer un embargo commercial total. Dès lors, si je partage le raisonnement mené a fortiori par le Tribunal au point 70 de l’arrêt attaqué, ce n’est qu’à la condition qu’il ne vise strictement que les dirigeants birmans et les personnes qui leur sont associées. J’éprouve davantage de doutes face à l’affirmation contenue audit point selon laquelle les membres de la famille des dirigeants d’entreprises birmans relèvent de la catégorie des «personnes associées» au régime birman.

36.

En effet, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le requérant présentait un lien suffisant, bien qu’indirect, avec les dirigeants birmans, parce qu’il est le fils d’un homme d’affaires birman dont les activités commerciales dans ce pays ne prospèrent que parce qu’il bénéficie d’avantages consentis par le régime au pouvoir ( 24 ). Le Tribunal a souligné que c’est ce lien indirect avec le régime dirigeant qui a motivé l’inscription du requérant sur la liste des personnes dont les avoirs doivent être gelés. Le Tribunal a ainsi jugé qu’«il est permis de présumer que [les membres de la famille des dirigeants d’entreprises importants du régime militaire au Myanmar] tirent profit de la fonction exercée par ces dirigeants de sorte que rien ne fait obstacle à la conclusion qu’ils tirent également profit des politiques économiques du gouvernement» ( 25 ). Cette présomption est toutefois, selon le Tribunal, réfragable à condition que l’intéressé démontre l’absence de lien étroit avec le dirigeant qui fait partie de sa famille ( 26 ).

37.

L’appréciation du Tribunal appelle trois séries d’observations.

38.

D’une part, la présomption consacrée au point 67 de l’arrêt attaqué apparaît avoir été créée ex nihilo par le Tribunal, car ni la position commune 2007/750 ni le règlement litigieux ne font état d’une telle présomption. À cet égard, le parallèle que le Conseil et la Commission ont tenté d’établir, au cours de l’audience, avec la situation dans l’affaire Melli Bank/Conseil ( 27 ) rencontre des limites incontestables. Dans cette affaire pendante, en effet, il s’agit de contrôler la légalité d’une décision de gel des fonds d’une filiale détenue à 100 % par une entité elle-même inscrite en raison de son soutien avéré à la politique de prolifération nucléaire en Iran et alors qu’aucun soutien de ce type n’était démontré pour la filiale. Autrement dit, la filiale n’est inscrite que parce qu’elle est détenue à 100 % par sa société mère et qu’il existe un risque non négligeable, nécessairement présumé, que la société mère parvienne à contourner les mesures restrictives la frappant par l’intermédiaire de sa filiale. Toutefois, dans ce cadre, la présomption était confirmée par la vérification opérée par le Tribunal que la société mère disposait du pouvoir de nomination du personnel dirigeant de sa filiale, pouvoir qui maintenait cette dernière dans un lien de subordination évident et qui pouvait faire légitimement douter de la capacité de la filiale soit à mener une politique économique et commerciale en toute indépendance, soit à résister éventuellement aux pressions que la société mère pourrait exercer sur elle afin de contourner les mesures restrictives qui la visaient. Or, premièrement, dans cet arrêt, le Tribunal ne s’était pas contenté de consacrer une présomption, mais était allé plus loin en vérifiant concrètement la réalité des risques. Deuxièmement, il me semble que le lien dont il est question dans la présente affaire, celui qui unit le requérant à son père, est d’une autre nature que le seul lien juridico-économique unissant une société mère à sa filiale. Au surplus, en présence de personnes physiques, il ne devrait être fait recours à des présomptions que de manière particulièrement modérée.

39.

D’autre part, dans le cadre de l’utilisation des articles 60 CE et 301 CE à l’encontre de personnes physiques, j’ai déjà défendu l’idée selon laquelle la notion de «pays tiers» ne doit pas être entendue d’un point de vue seulement formel, mais également substantiel, compte tenu du fait que les politiques publiques sont, de toute évidence, et de plus en plus, relayées par l’action, le soutien ou la complicité de personnes ou d’entités qui ont une personnalité distincte de celle de l’État tiers visé, mais qui présentent un lien suffisant par rapport à l’État et aux politiques publiques qu’il mène pour pouvoir être visées par des mesures restrictives concernant, en fait, le pays tiers lui-même ( 28 ). En l’occurrence, il apparaît déjà, selon une appréciation du Conseil qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause, que le père du requérant est associé au régime birman sans appartenir, pour autant, au gouvernement même. Sa qualité de «personne associée» au régime birman découle de bénéfices réels retirés des politiques économiques birmanes par les deux entreprises qu’il dirige, et c’est en ce sens que le lien l’unissant audit régime apparaît suffisant. Cela étant, toujours en ce qui concerne le père du requérant, ce lien, bien que suffisant, est avant tout indirect, puisqu’il est décrit comme le bénéficiaire passif de politiques économiques dont il n’est pas le décideur. En revanche, l’inscription du requérant ne repose, au terme de l’analyse menée par le Tribunal, que sur la présomption selon laquelle le fils d’une personne qui tire profit des politiques économiques du régime birman tire lui-même profit desdites politiques.

40.

Autrement dit, le présent pourvoi met en présence trois catégories de personnes physiques auxquelles sont adressées les mesures restrictives qui, pour une meilleure compréhension, pourraient être représentées selon trois cercles concentriques. Le premier cercle est constitué par les dirigeants eux-mêmes, c’est-à-dire les membres du gouvernement ou les autres personnes qui ont un réel pouvoir de décision et qui présentent donc le plus haut degré de responsabilité politique dans la situation contre laquelle l’Union entend lutter. Aux termes de l’annexe VI du règlement litigieux, il s’agit des membres du Conseil d’État pour la paix et le développement, des commandants régionaux, des commandants régionaux adjoints, des ministres, des ministres adjoints, des autres autorités liées au secteur du tourisme, de hauts responsables militaires, d’officiers militaires dirigeant des prisons et la police et des hauts responsables de la Union Solidarity and Development Association ( 29 ). Le deuxième cercle est composé des personnes associées, de manière directe ou indirecte, aux dirigeants appartenant au premier cercle; il peut s’agir des membres de la famille desdits dirigeants ( 30 ), mais également des personnes tirant profit des politiques économiques ( 31 ). Le troisième cercle est alors constitué par les membres de la famille des personnes qui tirent profit des politiques économiques à propos desquels le Conseil ne tient compte d’aucune responsabilité directe ou indirecte dans le processus de prise de décision ni même dans la prise de bénéfice des membres du deuxième cercle. Pour filer la métaphore, ce troisième cercle me semble trop éloigné du centre décisionnaire pour pouvoir être visé par des mesures restrictives adoptées sur le seul fondement des articles 60 CE et 301 CE.

41.

Précisément parce que nous avons affaire ici à des personnes physiques et qu’il m’apparaît, au surplus, peu équitable de faire peser sur un individu des conséquences graves liées à son appartenance familiale contre laquelle, au final, il ne peut pas véritablement lutter, la Cour devrait dire pour droit, à la lumière de ce que préconisaient, un temps, les lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives ( 32 ), que des enfants adultes de personnes tirant profit des politiques économiques d’un régime d’un pays tiers contre lequel l’Union entend lutter devraient être ciblés par des mesures restrictives non en raison de leur seule filiation maternelle ou paternelle, mais sur la base de leur propre responsabilité dans le cadre des politiques ou des actions en question. Or, le lien de causalité entre le requérant et la situation dans le pays tiers qui justifie l’adoption de mesures restrictives contre ce dernier est trop ténu pour que le gel de ses avoirs puisse être fondé sur les seuls articles 60 CE et 301 CE.

42.

Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler les raisons qui ont motivé l’adoption de la position commune 2007/750, puis du règlement litigieux. La position commune 2007/750 faisait état de la «répression brutale que les autorités birmanes ont opposée aux manifestants pacifiques, ainsi que [d]es violations graves et persistantes des droits de l’homme en Birmanie» ( 33 ) et de la nécessité d’«intensifier les pressions sur le régime par l’adoption d’une série de mesures dirigées contre ceux qui sont responsables de la répression violente et de l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays» ( 34 ). Le règlement litigieux, pour sa part, rappelle que l’action de l’Union a été engagée dès 1996 au vu de l’absence de progrès réalisés sur la voie de la démocratisation et de la persistance de violations des droits de l’homme ( 35 ) et mentionne un certain nombre d’éléments qui ont motivé le renouvellement et le renforcement des mesures restrictives à l’encontre de l’Union de Birmanie comme le refus des autorités d’engager des discussions avec le mouvement démocratique, le refus d’autoriser une convention nationale véritablement ouverte, le maintien en détention de Daw Aung San Suu Kyi et l’absence d’actions entreprises en vue de l’éradication du travail forcé ( 36 ). Le lien entre ces éléments et la situation du requérant est loin de s’imposer avec la force de l’évidence.

43.

En troisième et dernier lieu, le raisonnement du Tribunal est affecté par une certaine ambiguïté sémantique. Lorsque, au point 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal affirme que, «[s]’agissant des membres de la famille de ces dirigeants, il est permis de présumer qu’ils tirent profit de la fonction exercée par ces dirigeants» ( 37 ), il faut, en fait, comprendre que le Tribunal fait ici référence aux dirigeants d’entreprises ( 38 ). Or, les dirigeants d’entreprises ne sont pas des «dirigeants» au sens de l’arrêt Kadi, mais bien, comme je l’ai expliqué précédemment, des «personnes associées» aux dirigeants du pays tiers visé et, dans le cas du père du requérant, de manière indirecte. Il serait tout à fait abusif d’assimiler les dirigeants d’entreprises — quelle que soit l’importance desdites entreprises — aux dirigeants d’un pays, sauf hypothèse dans laquelle lesdits dirigeants d’entreprises exercent des fonctions officielles au sein de l’appareil d’État.

44.

À ces trois séries d’observations concernant le premier moyen, j’ajoute une réflexion sur l’efficacité des mesures restrictives. Le Conseil et les parties intervenues à son soutien ont maintenu que la présomption consacrée par l’arrêt attaqué, selon laquelle les membres de la famille des personnes qui tirent profit des politiques économiques du régime birman tirent eux-mêmes profit desdites politiques, est justifiée eu égard à la nécessité de préserver l’efficacité des mesures restrictives, et donc de la politique de sanction menée par l’Union à l’encontre de l’Union de Birmanie en évitant tout risque de contournement. Outre le fait qu’un tel argument jette un doute quant au fondement réel de la présomption, je crois que tout n’est pas sacrifiable sur l’autel de l’efficacité des mesures restrictives. Je veux dire par là que ce qui fait précisément la valeur ajoutée de l’Union européenne, ce qui la distingue des régimes autoritaires contre lesquels elle lutte, c’est la mise en œuvre et la défense d’une union de droit. Il serait plus facile, et certainement plus efficace, de mettre en place un régime de sanctions visant l’Union de Birmanie tout entière. Mais, en procédant par sanctions ciblées, l’Union a fait le choix d’un régime de sanctions éventuellement moins efficaces, mais indéniablement plus justes. Bien sûr, la politique de sanctions, pour produire les effets escomptés, doit être la plus efficace possible. Mais on doit renoncer à l’efficacité absolue, le caractère faillible des mesures restrictives témoignant précisément du fait que, dans l’ordre juridique de l’Union européenne, ce sont les droits individuels qui triomphent.

45.

Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, en affirmant qu’il est permis de présumer que les membres de la famille des personnes tirant profit des politiques économiques du régime birman tirent eux-mêmes profit desdites politiques et que, partant, les articles 60 CE et 301 CE constituent des bases juridiques suffisantes pour les mesures restrictives adoptées à l’encontre du requérant, le Tribunal a procédé à une interprétation excessivement large desdits articles et a commis une erreur de droit.

46.

En conséquence, le premier moyen doit être accueilli.

B – Sur le troisième moyen tiré d’une violation des droits de la défense

1. Argumentation des parties

47.

Il y a lieu de distinguer entre la question préliminaire soulevée par le présent moyen, puis les trois branches que le requérant a développées.

48.

Sur la question préliminaire relative à l’applicabilité des droits de la défense, le requérant rappelle que le respect des droits de la défense est un aspect fondamental de la communauté de droit et que l’article 205 TFUE prévoit désormais que l’action de l’Union sur la scène internationale doit être menée conformément à l’État de droit et dans le respect des droits fondamentaux. Aux termes de la jurisprudence de la Cour, les droits de la défense s’appliquent à chaque fois qu’une institution adopte une mesure faisant directement grief. Ainsi, lorsqu’une décision affecte de manière sensible les intérêts de ses destinataires, ceux-ci doivent être mis en mesure de faire utilement valoir leur point de vue ( 39 ). Les juridictions de l’Union ont reconnu que le droit à un procès équitable, qui inclut le droit à être informé des éléments retenus à la charge de l’intéressé et le droit de faire connaître utilement son point de vue, doit être respecté en présence de sanctions économiques faisant grief. Cela est d’autant plus vrai dans l’hypothèse d’une mesure qui renouvelle le gel des actifs de la personne concernée, auquel cas les nouveaux éléments à charge doivent être communiqués et la possibilité d’une audition doit être donnée. En ce qui concerne le requérant, aucun élément de preuve ne lui a été communiqué préalablement et aucune possibilité d’une audition, préalable à l’adoption du règlement litigieux, ne lui a été donnée. Or, ces garanties procédurales trouvent à s’appliquer également en présence d’un régime de sanctions dirigées contre un pays tiers. Le règlement litigieux n’a, selon le requérant, pas une nature exclusivement législative, car il concerne directement et individuellement le requérant qu’il cite nommément dans la liste des personnes dont les avoirs doivent être gelés. Dans les affaires Melli Bank/Conseil ( 40 ) et Bank Melli Iran/Conseil ( 41 ), où il était question de mesures restrictives frappant des personnes morales dans le cadre d’un régime de sanctions adopté à l’encontre d’un pays tiers, le Tribunal a effectivement reconnu aux requérantes le bénéfice des droits de la défense. En outre, le requérant considère qu’il n’est pas inscrit en tant que membre d’une catégorie. Le Tribunal a admis la possibilité de démontrer qu’une personne s’est dissociée du membre de sa famille inscrit, mais cette démonstration ne peut se faire qu’au travers de l’exercice des droits de la défense. Le requérant soulève, à cet égard, une incohérence dans l’approche retenue par le Tribunal, et cela d’autant plus que le Conseil a lui-même admis, devant le Tribunal et dans ses lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives ( 42 ), qu’une personne placée dans la situation du requérant jouit des droits de la défense. Le requérant soutient, par conséquent, qu’il n’était pas possible, pour le Tribunal, de conclure à l’inapplicabilité des droits de la défense.

49.

Sur la première branche relative au droit à un procès équitable, le requérant conteste la conclusion du Tribunal selon laquelle son audition préalable aurait été sans incidence sur la légalité du règlement litigieux, le requérant ayant pu, seulement postérieurement à l’adoption dudit règlement, et alors qu’aucune information ne lui avait été communiquée quant aux raisons de son inscription, présenter des éléments de preuve attestant qu’il n’avait de lien ni avec son père ni avec les intérêts commerciaux de ce dernier et qu’il n’avait donc lui-même nullement tiré profit des politiques économiques du gouvernement birman dans une plus large mesure que quiconque.

50.

Sur la deuxième branche relative au droit à une protection juridictionnelle effective, le requérant conteste la conclusion du Tribunal selon laquelle ladite protection était assurée, alors que le Tribunal s’est limité à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir. Le contrôle de la légalité des mesures restrictives requiert, au contraire, et selon la jurisprudence de la Cour, un contrôle complet ( 43 ), et c’est ce type de contrôle qui a précisément été appliqué par le Tribunal dans l’arrêt People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil ( 44 ). Dans son mémoire en réplique, le requérant ajoute que c’est également ce type de contrôle que le Tribunal a mis en œuvre dans l’arrêt Kadi rendu après renvoi de la Cour ( 45 ). Eu égard aux effets considérables des mesures restrictives, un contrôle incomplet ne saurait être toléré.

51.

Enfin, en réaction aux arguments développés par la Commission dans son mémoire en réponse, le requérant soutient, au stade de la réplique, que le Conseil était tenu de lui notifier de manière individuelle les motifs spécifiques et concrets justifiant la mesure de gel de ses fonds.

52.

La Commission considère, pour sa part, que le requérant a échoué dans sa tentative de démontrer l’existence d’une erreur de droit dans le raisonnement du Tribunal qui serait susceptible d’invalider ou d’entacher l’arrêt attaqué. En ce qui concerne l’application des droits de la défense, le Conseil et la Commission partagent l’analyse du Tribunal opérant une distinction entre les régimes de sanctions qui visent un pays tiers et ceux qui visent des personnes en raison de leur lien avec une activité terroriste, ledit Tribunal ayant par ailleurs démontré que le requérant avait bénéficié de garanties procédurales suffisantes et pouvait faire valoir son point de vue auprès du Conseil avant l’adoption du règlement litigieux. Ces deux institutions rejettent l’existence d’un droit à une audition préalable dont le requérant aurait pu se prévaloir à l’occasion du maintien à son égard des mesures restrictives litigieuses et font valoir que lesdites mesures ont également été dûment notifiées par la publication de l’avis du 11 mars 2008 au Journal officiel de l’Union européenne. Le Conseil ajoute, à cet égard et faisant ainsi écho à ce qu’a jugé le Tribunal, que, même si un droit à une audition préalable devait être reconnu au requérant, l’absence d’audition ne pouvait entacher la légalité du règlement litigieux, le requérant n’ayant présenté aucun nouvel élément de preuve.

53.

Quant au droit à une protection juridictionnelle effective, le Conseil et la Commission estiment que le Tribunal a appliqué le bon niveau de contrôle ainsi que le critère de réexamen adéquat, dans la lignée de sa jurisprudence Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil ( 46 ) et Melli Bank Iran/Conseil ( 47 ), en reconnaissant, dans le même temps et à juste titre, un large pouvoir d’appréciation au Conseil. Le Tribunal a donc correctement jugé que seule une erreur d’appréciation manifeste de la part du Conseil pouvait entraîner l’annulation de l’acte. La Commission, dans le cadre de son mémoire en duplique, développe une argumentation similaire, allant jusqu’à considérer que le requérant a tenté, au stade de la réplique, d’introduire un nouveau moyen relatif au niveau de contrôle adopté par le Tribunal.

54.

Le Conseil et la Commission rejettent, par ailleurs, l’existence d’une obligation de notifier individuellement les mesures litigieuses, dans la mesure où le requérant était inscrit en sa qualité de membre du gouvernement ou associé.

2. Analyse

a) Sur la question préliminaire tenant à l’invocabilité des droits de la défense

55.

Il ressort des points 120 à 123 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a établi une distinction très nette entre l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil ( 48 ) et la présente affaire en considérant que la jurisprudence Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil concerne exclusivement les régimes de sanctions adoptés à l’encontre de personnes en raison de leur implication dans des activités terroristes. Or, en l’espèce, les mesures restrictives visent un pays tiers et ont été adoptées dans le cadre d’un règlement, acte général de législation. Dès lors, les personnes identifiées par le règlement litigieux ne le seraient pas du fait de leurs activités, mais de leur appartenance à une catégorie générale, en l’occurrence, selon le Tribunal, celle de «membres de la famille des dirigeants d’entreprises importants au Myanmar» ( 49 ). Il ne serait donc pas possible de soutenir qu’une procédure a été ouverte à l’encontre du requérant, au sens de la jurisprudence précitée ( 50 ). Par conséquent, les droits de la défense ne s’appliqueraient pas aux personnes identifiées à l’annexe d’un règlement portant adoption d’un régime de sanctions à l’encontre d’un pays tiers ( 51 ).

56.

Je suis en profond désaccord avec une telle approche.

57.

En premier lieu, je ne suis pas convaincu par la distinction que le Tribunal a établie entre le traitement juridique réservé aux régimes de sanctions visant les personnes impliquées dans des activités terroristes et celui réservé aux régimes de sanctions visant les pays tiers. En effet, il est tout à fait clair que le règlement litigieux est dirigé contre le régime birman. Il serait, cependant, pure fiction de considérer que, parce qu’il vise un État tiers, ledit règlement peut s’affranchir de toute exigence liée aux droits individuels éventuellement mis en cause. Pour atteindre l’État en question, les mesures restrictives doivent être dirigées contre des intermédiaires, qui l’incarnent ou le servent. Le Conseil bénéficie, à cet effet, d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les personnes, les entités et les organismes qui devraient faire l’objet de telles mesures, pouvoir qui me paraît tout à fait assimilable à celui qui lui est reconnu dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. J’avoue ne pas saisir quelle subtilité juridique pourrait expliquer que les droits individuels des personnes soupçonnées de participer à des activités terroristes soient davantage préservés que ceux des personnes soupçonnées de coopérer avec un régime autoritaire contre lequel l’Union entend lutter.

58.

En outre, l’appréciation du «lien» en principe entretenu avec le régime dirigeant — véritable cible des mesures restrictives — par toute personne inscrite sur la liste des personnes dont les avoirs doivent être gelés doit être menée de manière autonome par rapport à la question de savoir si lesdites personnes peuvent se prévaloir des droits de la défense. Même si la Cour devait juger que les articles 60 CE et 301 CE constituent les bases juridiques suffisantes du règlement litigieux, elle devrait néanmoins considérer que le lien entretenu par le requérant avec le régime birman n’est pas suffisant pour exempter le Conseil du respect de ses droits de la défense, comme je l’ai déjà suggéré dans un autre contexte ( 52 ). En la matière, plus on s’éloigne du cœur du pouvoir et de la prise de décision, plus le lien avec le régime dirigeant effectivement visé devient ténu et plus le respect des droits de la défense s’impose.

59.

Qu’en est-il, en second lieu, de l’incidence de la nature de l’acte sur cette conclusion intermédiaire?

60.

La question de la nature d’un règlement mettant en œuvre un régime de sanctions à l’encontre d’un pays tiers et définissant, dans ce but, des mesures restrictives frappant les personnes physiques et morales listées en annexe semble avoir été tranchée par la Cour dans l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil ( 53 ), à l’occasion duquel elle a jugé que l’annexe d’un tel règlement était revêtue des mêmes effets que le règlement lui-même ( 54 ). Partant, le raisonnement mené par le Tribunal aux points 123 et suivants de l’arrêt attaqué pourrait apparaître comme juridiquement fondé, le Tribunal ayant basé son analyse sur le caractère exclusivement règlementaire de l’acte litigieux afin de refuser de reconnaître au requérant des droits de la défense.

61.

Toutefois, une telle appréciation omet de considérer un volet important de la jurisprudence de la Cour rendue en matière de mesures restrictives. En effet, même à supposer que le règlement litigieux reçoive une qualification juridique unique, il ressort de cette jurisprudence que cela ne saurait empêcher la reconnaissance des droits de la défense. Ainsi, au cœur de l’affaire Kadi se trouvait déjà la question de la légalité d’un règlement, ce qui n’a cependant pas empêché la Cour de juger que, «au vu des circonstances concrètes ayant entouré l’inclusion des noms des requérants dans la liste des personnes […] visées par les mesures restrictives contenues à l’annexe I du règlement [en cause], il doit être jugé que les droits de la défense, en particulier le droit d’être entendu ainsi que le droit à un contrôle juridictionnel effectif de ceux-ci, n’ont manifestement pas été respectés» ( 55 ). Cette reconnaissance est nécessaire pour qu’un minimum de garanties, notamment procédurales, soit offert aux personnes physiques et morales figurant sur ces listes ( 56 ), que ce soit au titre de leurs activités en lien avec le terrorisme ou au titre de leurs activités en lien avec une politique étatique condamnable d’un point de vue international et afin d’assurer le respect du principe de protection juridictionnelle effective ( 57 ).

62.

L’affirmation contenue au point 123 de l’arrêt attaqué selon laquelle les droits de la défense ne s’appliquent pas au requérant constitue donc, en soi, une erreur de droit. Cependant, le Tribunal ayant poussé plus loin l’analyse, laquelle a également porté sur le point de savoir si une communication préalable des éléments de fait et de droit et une audition préalable devaient être accordées au requérant, ladite affirmation ne constitue pas, à elle seule, une erreur de droit susceptible d’invalider l’arrêt attaqué. Il y a donc lieu de poursuivre l’analyse des autres branches du moyen.

b) Sur la prétendue violation du droit à une communication préalable des motifs et du droit à une audition préalable (première branche du troisième moyen)

63.

En ce qui concerne la communication préalable des motifs, le Tribunal a jugé, aux points 124 à 126 de l’arrêt attaqué, que les éléments de fait et de droit pertinents étaient, avant l’adoption du règlement litigieux, connus du requérant et qu’il n’était pas nécessaire que ces éléments soient à nouveau fournis préalablement à l’adoption dudit règlement. Le Tribunal a, ce faisant, accordé beaucoup d’importance au fait que le requérant est frappé par des mesures restrictives depuis 2003 et que le règlement litigieux est notamment fondé sur des positions communes qui, elles-mêmes, exposeraient «tous les éléments de fait et de droit justifiant l’adoption et le maintien des mesures restrictives en cause» ( 58 ).

64.

Je constate toutefois que, si les positions communes et le règlement litigieux qui les met en œuvre mettent en exergue les raisons qui motivent la mise en œuvre d’une politique de sanctions à l’encontre de l’Union de Birmanie en faisant, il est vrai à suffisance, état d’une situation politique nationale préoccupante, il en va différemment en ce qui concerne la situation individuelle du requérant. En effet, il ressort à la fois du dossier et de l’arrêt du Tribunal que le requérant n’a jamais eu communication des motifs personnels qui justifient son inscription propre. À la lecture du règlement litigieux, éventuellement combinée à celle des positions communes, le requérant comprend uniquement qu’il est inscrit personnellement, afin de faire pression contre un pays tiers, seulement en sa qualité de fils de son père. Depuis 2003, aucun élément attestant du fait qu’il tire lui-même profit des politiques économiques du régime birman n’a été fourni. Depuis 2003, le Conseil n’a pas davantage mentionné qu’il fondait l’inscription du requérant sur une présomption selon laquelle les membres de la famille d’une personne tirant profit des politiques économiques du gouvernement birman sont réputés tirer eux-mêmes profit desdites politiques jusqu’à ce qu’ils apportent la preuve du contraire. Comme l’a relevé le Tribunal, le Conseil a, certes, expliqué les raisons pour lesquelles il a étendu les mesures restrictives aux personnes tirant profit des politiques économiques du régime birman ( 59 ). En revanche, jamais une telle explication n’a été fournie en ce qui concerne les membres de leur famille ( 60 ). C’est donc à tort que le Tribunal a jugé, au point 126 de l’arrêt attaqué, que «les éléments de droit et de fait pertinents en l’espèce étaient, avant l’adoption du règlement litigieux par le Conseil, connus du requérant».

65.

Je terminerai l’analyse sur ce point en rappelant que le régime juridique qui entoure la première inscription du nom d’une personne sur une liste telle que celle contenue par l’annexe VI du règlement litigieux est, en principe, moins favorable à ladite personne que lorsqu’il s’agit d’un renouvellement dans le sens où des considérations d’efficacité des mesures restrictives peuvent justifier, dans une certaine mesure, qu’il ne soit pas fait pleine application des droits de la défense, à tout le moins au cours de la procédure non contentieuse ( 61 ). On ne saurait exclure que ces considérations continuent à être pertinentes même dans l’hypothèse d’un renouvellement desdites mesures. Mais, alors, il incombe au juge de l’Union de veiller, le cas échéant, à ce que les circonstances particulières de nature à justifier que, dans le cadre d’une première inscription, les droits de la défense des personnes inscrites subissent un aménagement soient toujours présentes lors du renouvellement. Il lui appartient également de mettre en balance, d’une part, l’objectif poursuivi par l’Union et l’impossibilité de soumettre les institutions à des contraintes procédurales trop lourdes qui risqueraient de paralyser leur action et, d’autre part, la nécessité d’accorder à suffisance au justiciable le bénéfice des règles de procédure. Force est de constater que le Tribunal n’a jamais procédé à une telle mise en balance, alors même qu’il était en présence d’une personne physique qui n’est ni un dirigeant birman ni un membre de la famille d’un dirigeant birman, mais seulement le fils d’une personne qui tire profit des politiques économiques mises en place par ces dirigeants.

66.

En ce qui concerne le droit à une audition préalable, une position analogue à celle développée par rapport à l’exigence d’une communication préalable des motifs peut être adoptée. Si la Cour a jugé, dans l’arrêt Kadi, que, «[p]our ce qui concerne les droits de la défense, et en particulier le droit d’être entendu, s’agissant des mesures restrictives telles que celles qu’impose le règlement litigieux, il ne saurait être requis des autorités communautaires qu’elles communiquent lesdits motifs préalablement à l’inclusion initiale d’une personne [dans la liste]» ( 62 ) et que, «[p]our des raisons tenant également à l’objectif poursuivi par le règlement litigieux et à l’efficacité des mesures prévues par celui-ci, les autorités communautaires n’étaient pas non plus tenues de procéder à une audition des requérants préalablement à l’inclusion initiale» ( 63 ), sa position apparaît clairement limitée au cas d’une inscription initiale. Or, nous avons ici affaire à un renouvellement.

67.

L’analyse du Tribunal aux points 127 à 133 de l’arrêt attaqué repose sur une approche globale. En effet, le Tribunal a vérifié si, depuis 2003 — date à laquelle le requérant a, pour la première fois, été frappé par des mesures restrictives —, le requérant avait pu faire utilement valoir son point de vue et a déduit que, au gré de l’évolution de l’appareil normatif de l’Union, il aurait pu, à sa demande, faire valoir, à plusieurs reprises, son point de vue ( 64 ).

68.

Une telle approche ne me semble pas tout à fait satisfaisante à deux égards. D’une part, on fait peser sur le requérant la charge de faire valoir, de sa propre initiative, son point de vue au Conseil. D’autre part, elle ne répond pas à la question de savoir si, dans le cadre de l’adoption du règlement litigieux lui-même, une audition préalable aurait dû être prévue. Le Tribunal répond à l’argument du requérant selon lequel le Conseil aurait dû l’inviter à faire valoir son point de vue avant l’adoption du règlement litigieux en considérant que ledit requérant pouvait exprimer son point de vue auprès du Conseil avant l’adoption du règlement au gré de l’évolution de l’appareil normatif, c’est-à-dire à l’occasion des différents réexamens et renouvellements des positions communes.

69.

Le raisonnement du Tribunal repose sur des fondements très hypothétiques. Lorsqu’il affirme que le Conseil aurait pu efficacement tenir compte d’une intervention explicite du requérant dans le contexte du réexamen de la position commune 2006/318 ( 65 ), il ne répond pas à la question de savoir si, dans l’hypothèse où le requérant n’a pas fait usage de cette possibilité, cela a, malgré tout, pour conséquence d’exonérer le Conseil d’organiser une audition préalable à l’occasion de l’adoption d’un règlement qui met en œuvre, en ce qui concerne la Communauté, ladite position commune.

70.

Enfin, le Tribunal a également considéré que, même si l’on devait consacrer au profit du requérant le droit à une audition préalable, cela serait, en vertu d’une jurisprudence constante, sans effet sur la légalité du règlement litigieux, car l’organisation d’une audition n’aurait pu aboutir à un résultat différent ( 66 ). Pour parvenir à une telle conclusion, le Tribunal se fonde notamment sur le fait que le requérant n’a pas contesté la situation politique en Birmanie, ni la fonction de son père, ni sa relation familiale avec lui. Il n’a pas non plus établi s’être dissocié de son père en démontrant que «la position de ce dernier ne lui apporterait plus rien» ( 67 ).

71.

Dans la mesure où le requérant n’a pas eu communication préalable des motifs tenant à son inscription personnelle sur la liste, il n’est pas possible, d’après moi, de lui faire grief de ne pas avoir soulevé les arguments qu’il fallait, postérieurement à l’adoption du règlement litigieux, pour en déduire que l’absence d’audition préalable est sans incidence sur la légalité de l’acte. En outre, il s’avère naturellement impossible, pour le requérant, de contester la relation familiale qui l’unit à son père, la filiation étant, sauf rares exceptions, un état de fait fixe et durable.

72.

Il est vrai que, à la suite de la publication de l’avis du 11 mars 2008, le requérant a, sur sa propre initiative, demandé au Conseil qu’il lui fournisse les motifs de son inscription. Dans sa lettre, le requérant, s’interrogeant toujours sur les motifs propres à son inscription, avance le fait qu’il n’a été titulaire d’actions de deux sociétés de son père que pour la période de 2005 à 2007 et que, dès lors, il ne l’était plus l’année de l’adoption du règlement litigieux. Dans sa réponse, le Conseil n’a pas souhaité tenir compte de cet élément, manifestement nouveau, et a maintenu l’inscription du requérant. Il est clair que cela relève du seul pouvoir d’appréciation du Conseil. Seulement, le Tribunal se sert de ces éléments pour déduire que cela prouve bien que, même dans l’hypothèse où une audition préalable aurait été organisée, cela n’aurait pas changé la position du Conseil. Je suis toutefois sensible à l’argument développé par le requérant lors de l’audience au cours de laquelle il a décrit sa situation comme étant celle d’un individu qui n’a pas d’autre possibilité que celle de devoir supposer les raisons qui ont motivé son inscription, de les transmettre lui-même au Conseil pour, au final, tenter de le convaincre d’ôter son nom de la liste. Autrement dit, il ne saurait être reproché au requérant de ne pas avoir, même a posteriori, su renverser la présomption qui a fondé son inscription, alors même que ladite présomption n’a jamais été portée véritablement à sa connaissance. Dans ces conditions, il n’est techniquement pas possible pour le Tribunal d’affirmer que l’absence éventuelle d’audition préalable du requérant aurait été, de toute manière, sans incidence sur la légalité du règlement litigieux, alors qu’il est constant que, en l’absence de communication des motifs véritables de son inscription, il n’a, dans les faits, jamais été mis en mesure de faire valoir utilement son point de vue ( 68 ).

73.

Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, la première branche du troisième moyen m’apparaît fondée.

c) Sur la prétendue violation du droit à une protection juridictionnelle effective (deuxième branche du troisième moyen)

74.

Le requérant fait grief au Tribunal de ne pas avoir appliqué le niveau de contrôle juridictionnel adéquat dans le cadre du contrôle de légalité des mesures restrictives. L’argument de la Commission en contestant la recevabilité ne peut être accueilli, le requérant ayant effectivement mentionné, dans son pourvoi, la question de l’intensité du contrôle juridictionnel lorsqu’il a argué d’une violation de son droit à une protection juridictionnelle effective.

75.

Sur le fond, au point 144 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération devait être reconnu au Conseil lorsqu’il décide de sanctions économiques sur le fondement des articles 60 CE et 301 CE et que, par conséquent, le juge ne peut «substituer son appréciation des preuves, faits et circonstances justifiant l’adoption de telles mesures à celle du Conseil, le contrôle exercé par le Tribunal sur la légalité de décisions de gel des fonds doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir».

76.

Avant toute chose, je remarque que, dans ce point, le Tribunal parle bien de «décision» de gel des fonds, semblant ainsi reléguer au second plan la portée générale de l’acte litigieux sur laquelle le Tribunal a tant insisté dans le cadre de l’examen de la base juridique, et qu’il n’a pas hésité à renforcer sa position en citant une jurisprudence du Tribunal rendue en matière de lutte contre le terrorisme, alors même que, dans d’autres passages de l’arrêt attaqué, le Tribunal paraissait pourtant établir une claire distinction entre les mesures restrictives adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et celles adoptées à l’encontre d’un pays tiers. L’arrêt attaqué souffre donc d’un certain nombre de contradictions internes révélées par ce point 144.

77.

Pour en revenir à la question de l’intensité du contrôle juridictionnel, il est vrai que la jurisprudence du Tribunal en la matière est fluctuante. Sa position dans l’arrêt attaqué est directement inspirée du point 159 de l’arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil précité. Toutefois, quelques points plus haut, toujours dans ce dernier arrêt, le Tribunal avait consacré le principe d’un contrôle plus complet ( 69 ). En tout état de cause, le Tribunal a développé une ligne de jurisprudence très claire en faveur d’un contrôle complet dans l’arrêt People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil ( 70 ), dans les arrêts Melli Bank/Conseil et Bank Melli Iran/Conseil ( 71 ) et, dernièrement, dans l’arrêt Kadi/Commission rendu sur renvoi de la Cour devant le Tribunal ( 72 ).

78.

À mon sens, ce sont, bien sûr, les arrêts Melli Bank/Conseil et Bank Melli Iran/Conseil qui sont les plus pertinents pour notre affaire, puisqu’il s’agissait alors de mesures restrictives mises en place dans le cadre d’un régime de sanctions visant un pays tiers. Aux termes de ces deux arrêts, le Tribunal a considéré qu’une distinction devait être établie entre, d’une part, les dispositions fixant les règles générales définissant les modalités des mesures restrictives, auxquelles un contrôle juridictionnel restreint doit être appliqué pour ne pas empiéter sur le large pouvoir d’appréciation traditionnellement reconnu au Conseil en la matière et, d’autre part, les listes énumérant les personnes concrètement visées par les mesures restrictives qui, elles, doivent subir un contrôle juridictionnel complet.

79.

Cette position apparaît tout à fait cohérente avec la jurisprudence de la Cour. Certes, la Cour n’a encore jamais eu à se prononcer sur l’intensité du contrôle juridictionnel des mesures restrictives telles que celles en cause dans le cadre du présent pourvoi. Cela étant, j’ai déjà dit que la jurisprudence rendue en matière de lutte contre le terrorisme peut, mutatis mutandis, également trouver application dans le cadre d’un régime de sanctions visant un pays tiers. Or, je note que, dès l’arrêt Kadi ( 73 ), la Cour a préconisé un contrôle complet des mesures restrictives, position qui a été réitérée sans ambiguïté dans l’arrêt E et F, la Cour ayant jugé que «[l]’absence de motivation dont a été entachée ladite inscription est également de nature à mettre en échec un contrôle juridictionnel adéquat de sa légalité au fond, visant, notamment, à la vérification des faits ainsi que des éléments de preuve et d’informations invoqués à son soutien. Or, […] la possibilité d’un tel contrôle s’avère indispensable pour permettre d’assurer un juste équilibre entre les exigences de la lutte contre le terrorisme international et la protection des libertés et droits fondamentaux» ( 74 ). Encore récemment, la Cour a été invitée à prendre position de manière définitive en ce sens ( 75 ).

80.

Dans la détermination de l’intensité du contrôle, ce qui importe, ce n’est pas tant le contexte de l’adoption des mesures restrictives — comme la lutte contre le terrorisme — que la portée considérable desdites mesures sur les situations individuelles des personnes listées, lesquelles sont indéniablement gravement affectées.

81.

J’invite donc la Cour à consacrer, dans le cadre du présent pourvoi, un même niveau d’exigence pour ce qui concerne la définition de l’intensité du contrôle juridictionnel que le juge de l’Union doit appliquer en présence de mesures restrictives frappant des personnes physiques non dirigeantes dans le cadre d’un régime de sanctions adopté à l’encontre d’un pays tiers, tout en reconnaissant, dans le même temps, un large pouvoir d’appréciation au Conseil quant à l’appréciation de l’opportunité et des modalités de leur mise en œuvre.

82.

Il ressort ainsi manifestement des points 144 et 145 de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a pas appliqué le niveau de contrôle juridictionnel adéquat, se bornant à vérifier que l’obligation de motivation était respectée, sans jamais notamment vérifier l’existence de moyens de preuve appuyant les allégations du Conseil selon lesquelles le requérant tire effectivement profit des politiques économiques du régime birman.

83.

Une nouvelle erreur de droit entachant donc l’arrêt attaqué, il y a lieu de considérer cette deuxième branche du troisième moyen comme étant fondée.

d) Sur la question de la notification (troisième branche du troisième moyen)

84.

Quant au fait de savoir si le règlement litigieux aurait dû être notifié de manière individuelle au requérant, je nourris de sérieux doutes quant à la recevabilité de cette question. En effet, aucun moyen soulevé devant le Tribunal ne visait à contester l’absence de notification individuelle par le Conseil. Par conséquent, le Tribunal n’a porté, dans l’arrêt attaqué, aucune appréciation sur ce moyen en raison — précisément — de son inexistence. Dès lors, à supposer même que le requérant ait eu l’intention, au stade du pourvoi, d’aborder cette question, son argumentation n’est, en tout état de cause, pas dirigée contre l’arrêt attaqué. Nous avons donc ici manifestement affaire à un moyen nouveau développé par le requérant au stade de la réplique en réaction au mémoire en réponse de la Commission, dans lequel elle rappelle les arguments qu’elle a développés dans le cadre d’autres pourvois ( 76 ), sans toutefois prendre la peine de vérifier, au préalable, si cela est utile dans le cadre de notre présente affaire, le requérant n’ayant jamais articulé de moyen ni soulevé d’argument tiré d’une violation de l’obligation de notification dans son pourvoi. Dès lors, le débat engagé entre les parties à la procédure à l’occasion de la réplique et de la duplique, puis de l’audience, ne devrait donc pas leurrer la Cour quant à la recevabilité des arguments en lien avec la notification, lesquels constituent, au mieux, un moyen nouveau tiré de la violation de l’obligation de notification de la part du Conseil, à ce titre irrecevable, la compétence de la Cour étant limitée à l’appréciation de la solution légale donnée aux moyens débattus devant les premiers juges ( 77 ).

85.

Pour les raisons exposées plus haut, je suggère donc à la Cour d’accueillir le troisième moyen en ses deux premières branches.

C – Sur le deuxième moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation du règlement litigieux

1. Argumentation des parties

86.

Le requérant soutient que, dès lors que le Conseil procède à une inscription nominative d’une personne physique, il serait tenu de fournir les raisons spécifiques et concrètes qui motivent ladite inscription. Cette indication est d’autant plus importante que le requérant n’a pu être entendu préalablement. Le Conseil reconnaîtrait lui-même cette obligation d’indiquer les raisons spécifiques et concrètes de chaque inscription individuelle ( 78 ). Puis, en se fondant sur la jurisprudence du Tribunal ( 79 ), le requérant rappelle que le Conseil est tenu d’indiquer les motifs qui l’ont amené à considérer qu’un individu ou une entité donnés font partie d’une catégorie visée dans un règlement ordonnant le gel des fonds. Le Conseil aurait donc dû indiquer les raisons précises lui permettant de considérer que le requérant tirait profit des politiques économiques du gouvernement. Ni le motif de son inscription, comme un comportement allégué ou le fait qu’il soit le fils de son père, ni la présomption selon laquelle les membres de la famille tirent profit desdites politiques ne sont indiqués. C’est donc à tort que le Tribunal a jugé que le Conseil avait satisfait à son obligation de motivation.

87.

Le Conseil, pour sa part, considère que les raisons de l’inscription du requérant étaient clairement exposées dans la position commune 2003/297 sur la base de laquelle le requérant a vu ses fonds gelés pour la première fois, ainsi que dans la position commune 2006/318, et qu’il n’était pas tenu d’indiquer d’autres motifs que la seule mention du fait que le requérant est le fils de son père. Pour la Commission, le requérant se contente de répéter les arguments déjà développés devant le Tribunal et auxquels ce dernier a répondu de façon tout à fait correcte en faisant application des critères traditionnels définis par la jurisprudence du Tribunal et de la Cour afin d’apprécier la suffisance de la motivation d’un acte. Le requérant ne peut soutenir qu’il ignorait le contexte dans lequel le règlement litigieux est intervenu, puisqu’il était lui-même soumis à ces mesures depuis 2003. Il n’ignore pas davantage que son inscription est motivée par le risque de contournement des mesures prises à l’encontre de son père. Puisque aucune modification significative en fait ou en droit n’est intervenue depuis lors, le Conseil n’était pas tenu de rappeler explicitement les raisons de l’inscription du requérant. En tout état de cause, il est indiqué, dans l’annexe VI du règlement litigieux, que le requérant est le fils de son père et il pouvait être inscrit à ce seul titre. Le Conseil et la Commission concluent donc au rejet du moyen.

2. Analyse

88.

Comme l’a relevé, à juste titre, le Tribunal, l’obligation de motivation poursuit l’objectif de placer l’intéressé dans une situation où il est en possession d’indications suffisantes pour apprécier si l’acte qui le vise est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice ( 80 ). La vérification du respect par l’institution auteur de l’acte de son obligation de motivation permet donc de déterminer si l’intéressé a eu la possibilité de défendre ses droits ( 81 ).

89.

Le raisonnement mené, à cet égard, par le Tribunal se divise clairement en deux étapes. D’abord, il a vérifié la suffisance de la motivation en ce qui concerne l’adoption d’un régime de sanctions à l’encontre de l’Union de Birmanie ( 82 ); puis, il a vérifié que les mesures restrictives adoptées à l’encontre du requérant étaient, elles aussi, suffisamment motivées ( 83 ). Quant à la motivation générale du régime de sanctions, la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu n’étant guère contestable, je n’y reviendrai pas.

90.

Il en va différemment quant à l’appréciation que le Tribunal a portée sur la motivation propre aux mesures restrictives infligées au requérant. Il appartenait au Conseil d’exposer de manière claire et non équivoque le raisonnement qui l’a conduit à inscrire le nom du requérant dans l’annexe regroupant les «personnes tirant profit des politiques économiques du gouvernement» afin qu’il puisse connaître les justifications de la mesure et défendre ses droits. L’obligation de motivation qui pèse sur le Conseil en présence de mesures restrictives est également définie à la lumière du principe de protection juridictionnelle effective que la motivation de l’acte doit contribuer à garantir. Par conséquent, le Tribunal, pour sa part, devait déterminer si le requérant a effectivement été mis en mesure de comprendre ce qui lui était reproché et d’apprécier le bien fondé des mesures restrictives adoptées à son égard ( 84 ).

91.

La seule lecture du point J1c de l’annexe VI du règlement litigieux nous indique, outre l’identité du requérant, son sexe, sa date de naissance et sa filiation paternelle. Par ailleurs, il n’est fait nulle mention, dans le règlement litigieux, de la présomption selon laquelle les membres de la famille des personnes tirant profit des politiques économiques du gouvernement birman tirent eux-mêmes profit desdites politiques.

92.

Je ne suis pas convaincu par l’argument du Tribunal selon lequel le Conseil aurait satisfait à son obligation de motivation du règlement litigieux, adopté en 2008, parce qu’il aurait exposé, en 2003, dans une position commune au travers de laquelle le requérant a été, pour la première fois, listé, les raisons qui l’ont poussé à étendre le gel aux membres de la famille ( 85 ). D’une part, le troisième considérant de la position commune 2003/297, sur lequel le Tribunal a fondé son raisonnement, met seulement en évidence le fait que le champ d’application des mesures restrictives est étendu aux personnes qui tirent profit des politiques du gouvernement birman ainsi qu’à leur famille, sans fournir d’explications quant aux raisons de cette extension aux membres de la famille. D’autre part, il n’est pas possible d’affirmer que, sur cette seule base, le requérant, alors âgé de 16 ans, a été mis en mesure de défendre ses droits et que cet état de fait a persisté jusqu’à l’adoption du règlement litigieux, alors même que le requérant est inscrit dans une annexe dont l’intitulé laisse entendre que la raison de son inscription est précisément le fait qu’il tire profit des politiques économiques du gouvernement birman ( 86 ). Le fait que tous les membres de la famille de M. Tay Za ne soient pas inscrits dans ladite annexe me porte à croire que le requérant pouvait, là encore, difficilement considérer que seule son appartenance familiale a fondé et fonde encore son inscription. Les déclarations contenues dans la position commune originelle et reproduites dans les positions communes successives, et notamment dans celle que met en œuvre le règlement litigieux, se bornent à affirmer que les membres de la famille des personnes tirant profit doivent voir leurs fonds gelés ( 87 ). Une simple affirmation de ce genre ne saurait valoir motivation dans la mesure où le fondement même du gel de ces personnes n’est toujours pas établi. La preuve en est que le Tribunal a dû, comme je l’ai déjà évoqué, créer ex nihilo une présomption permettant d’expliquer, a posteriori, les raisons qui ont motivé l’inscription du requérant.

93.

Toutefois, même cette présomption n’est pas univoque. En effet, d’une part, le Tribunal affirme que l’extension du gel des fonds aux membres de la famille est justifiée en raison du fait que l’on peut présumer qu’ils tirent eux-mêmes profit des politiques économiques du gouvernement birman. Le Tribunal a d’ailleurs considéré que le Conseil avait, à suffisance, précisé la nature du profit que «[le requérant] ou son père aurait tiré desdites politiques» ( 88 ) en considérant que le père tirait profit de sa fonction de directeur exécutif. D’autre part, le Tribunal a, précisément dans le cadre de l’examen de la suffisance de la motivation, considéré que le requérant ne pouvait prétendre ignorer les raisons de son inscription, alors qu’il a invoqué, dans ses écritures, un «risque de contournement du gel des avoirs par son père à travers un éventuel transfert des fonds à d’autres membres de sa famille» ( 89 ).

94.

Ainsi, l’interprétation extrêmement dynamique du règlement litigieux à laquelle le Tribunal s’est livré n’a pas eu pour conséquence de lever tout doute quant à la motivation réelle de l’inscription du requérant, de sorte qu’il n’est pas possible, au regard du raisonnement du Tribunal exposé aux points 106 et 107 de l’arrêt attaqué, de soutenir que la motivation fournie a fait apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement du Conseil lorsqu’il a procédé à ladite inscription.

95.

Cette incohérence interne à l’examen du moyen tiré du non-respect de l’obligation de motivation dans l’arrêt attaqué produit finalement l’effet inverse à celui recherché par le Tribunal, dans la mesure où elle atteste de la situation malaisée dans laquelle le Conseil a placé le juge de l’Union lorsqu’il a dû procéder au contrôle juridictionnel du règlement litigieux. Dans ces conditions, il pourrait même également apparaître que ledit juge n’a pas été mis en mesure d’exercer correctement son contrôle, alors même que c’est là aussi un objectif poursuivi par l’obligation de motivation.

96.

En conséquence, en jugeant, au point 108 de l’arrêt attaqué, que le Conseil avait satisfait à son obligation de motivation des mesures restrictives adoptées à l’encontre du requérant, le Tribunal a commis une erreur de droit. Partant, le deuxième moyen doit être accueilli.

D – Sur le quatrième et dernier moyen, tiré d’une violation du droit de propriété et du principe de proportionnalité

1. Argumentation des parties

97.

Le requérant avance deux séries d’arguments. D’une part, les garanties procédurales qui entourent le droit de propriété n’ont pas été respectées à son égard, puisqu’il n’a pas disposé d’occasion adéquate pour exposer sa cause. Ni le Conseil ni le Tribunal n’ont élaboré de dossier justifiant la nécessité de maintenir des mesures aussi sévères à son encontre, alors même qu’il n’a jamais été établi que le requérant a tiré profit, dans une plus large mesure que tout autre ressortissant birman, des politiques économiques du régime au pouvoir. D’autre part, il considère que les mesures restrictives dont il fait l’objet constituent une restriction considérable à son droit de propriété eu égard à leur portée générale et à leur durée. Il rappelle, à cet égard, qu’il fait l’objet de telles mesures depuis 2003, soit depuis qu’il a 16 ans. Le gel de ses fonds est, en outre, un gel total et sans limitation dans le temps ou même quantitative; le requérant est donc affecté de manière permanente par lesdites mesures. Ainsi, le droit de propriété du requérant a bien été violé de manière disproportionnée.

98.

Le Conseil, pour sa part, conclut au rejet du moyen et souscrit entièrement à la conclusion du Tribunal selon laquelle la restriction du droit de propriété du requérant ne saurait apparaître comme disproportionnée ou inadéquate, en rappelant l’importance de l’objectif poursuivi par le règlement litigieux et la possibilité laissée ouverte au requérant de démontrer qu’il s’est dissocié de son père et de faire ainsi cesser les atteintes à l’exercice de son droit de propriété. Les mesures frappant le requérant sont donc, selon le Conseil, limitées dans le temps. Par ailleurs, le Conseil considère également que le requérant a eu une occasion adéquate d’exposer sa cause, le Conseil ayant, à sa demande, réexaminé sa situation. Les mesures restrictives dont il fait l’objet apparaissent donc bien comme des restrictions justifiées et proportionnées de son droit de propriété.

99.

La Commission soutient la position du Conseil. Elle ajoute néanmoins deux éléments. D’abord, elle considère que l’argument selon lequel le requérant n’a pas pu exposer sa cause devant les autorités est inopérant. Ensuite, la Commission conteste l’affirmation du requérant selon laquelle les mesures restrictives dont il fait l’objet frapperaient l’intégralité de ses avoirs, alors qu’il ressort de l’article 21 du règlement litigieux que lesdites mesures ne s’appliquent qu’au territoire de l’Union et, à l’extérieur du territoire de l’Union, qu’aux ressortissants de l’Union, aux personnes morales constituées selon le droit d’un État membre de l’Union ou aux personnes physiques ou morales au regard des activités exercées dans l’Union.

2. Analyse

100.

Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour, rappelée par le Tribunal au point 156 de l’arrêt attaqué, que le droit de propriété n’est pas conçu, dans l’ordre juridique de l’Union, comme une prérogative absolue, mais qu’il s’agit, au contraire, d’un droit qui peut souffrir des limitations. Notamment, l’usage du droit de propriété peut être restreint, à la condition que ces restrictions répondent à un objectif d’intérêt général poursuivi par la Communauté et qu’elles ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même dudit droit.

101.

Je remarque d’emblée que le requérant n’a pas contesté le fait que le règlement litigieux poursuit un objectif d’intérêt général. Les autres parties à la procédure n’ont pas davantage contesté le fait que, par l’effet des mesures infligées, le requérant subit une restriction à l’exercice de son droit de propriété qu’il y a lieu de qualifier de considérable ( 90 ). Reste alors à vérifier que ladite restriction ne constitue pas une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit de propriété du requérant.

102.

À cet égard, le Tribunal a, à juste titre, rappelé le principe jurisprudentiel selon lequel «l’importance des objectifs poursuivis par une réglementation prévoyant des sanctions peut être de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certaines personnes concernées, y compris celles qui n’ont aucune responsabilité dans la situation ayant conduit à l’adoption des mesures concernées, mais qui se trouvent affectées notamment dans leurs droits de propriété» ( 91 ).

103.

Quant à l’argument tiré de la durée d’application des mesures restrictives, je rappelle que le recours en annulation introduit devant le Tribunal a précisément pour objet de contester la légalité du règlement litigieux, et plus précisément des mesures restrictives qu’il met en œuvre à l’encontre du requérant. Certes, lesdites mesures sont, dans les faits, renouvelées. Néanmoins, je considère que les arguments avancés dans le cadre du recours en annulation d’abord, puis du pourvoi ensuite, ne devraient pas avoir pour objet de demander à la Cour de se prononcer, même incidemment, sur la légalité des mesures adoptées à l’encontre du requérant depuis 2003. Sauf à prendre le risque d’étendre considérablement l’objet du litige, ce qui est en principe proscrit dans le cadre d’un pourvoi, je ne pense pas que la Cour puisse considérer les mesures restrictives renouvelées en 2008 par le règlement litigieux comme une violation du droit de propriété en raison du fait que de telles mesures sont infligées depuis 2003, et alors que le requérant était à l’époque mineur. Dans le cadre du présent pourvoi, l’argument tiré du fait que les mesures restrictives maintenues par le règlement litigieux sont d’application depuis 2003 sur le fondement d’autres actes normatifs et constituent, dès lors, une restriction intolérable à l’exercice du droit de propriété du requérant doit être jugé inopérant.

104.

Quant à l’argument tiré du caractère absolu et sans limite du gel des fonds, il y a lieu de rappeler, d’une part, à la lumière de ce qu’a constaté le Tribunal, que le règlement litigieux prévoit la possibilité d’autoriser le déblocage ou l’utilisation de ressources dans certaines conditions, notamment pour couvrir les besoins de base des personnes listées ( 92 ).

105.

Enfin, le requérant reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du fait que, contrairement à ce qu’exige l’article 1er du protocole no 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH»), il ne s’est jamais vu offrir une occasion adéquate d’exposer sa cause. Cette branche touche donc aux garanties procédurales devant entourer le droit de propriété.

106.

À cet égard, il est exact d’affirmer que la Cour a fait siennes les exigences posées par la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle, «[n]onobstant le silence de l’article 1 du Protocole no 1 en matière d’exigences procédurales, les procédures applicables […] doivent aussi offrir à la personne concernée une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes afin de contester effectivement les mesures portant atteinte aux droits garantis par cette disposition. Pour s’assurer du respect de cette condition, il y a lieu de considérer les procédures applicables d’un point de vue général» ( 93 ).

107.

Le Tribunal a, dans l’arrêt attaqué, tenu compte de ces exigences procédurales et a considéré que, depuis 2003, le requérant avait eu, à plusieurs reprises, l’occasion d’exposer sa cause ( 94 ). Pour tirer une telle conclusion, le Tribunal renvoie notamment à son analyse du moyen tiré d’une violation du droit à un procès équitable et du moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective.

108.

Bien que je ne sois pas persuadé, dans la droite ligne de ce que j’ai soutenu précédemment ( 95 ), qu’il faille tenir compte, dans ce contexte, des occasions éventuellement et potentiellement offertes au requérant d’exposer sa cause au gré de l’évolution des actes qui ont affecté sa situation depuis 2003, je crois en revanche beaucoup plus convaincant l’argument tiré de l’existence de l’avis publié au Journal officiel de l’Union européenne par le Conseil le 11 mars 2008 ( 96 ), qui a notamment pour objet d’attirer l’attention des personnes listées sur la possibilité d’introduire une demande de réexamen auprès du Conseil de la décision par laquelle elles ont été listées et sur la possibilité d’en contester la légalité devant le Tribunal. Bien que légèrement postérieur à la publication du règlement litigieux, cet avis constitue indéniablement une modalité procédurale importante de la sauvegarde du droit de propriété et de son exercice. Le requérant a d’ailleurs entamé une correspondance avec le Conseil à la suite de sa publication. L’existence de cet avis est également ce qui marque la profonde différence par rapport à la situation de M. Kadi, invoquée par le requérant. Dans l’affaire Kadi, en effet, le règlement litigieux avait «été adopté sans fournir [au requérant] aucune garantie lui permettant d’exposer sa cause aux autorités compétentes» ( 97 ). On ne peut pas en dire autant dans notre affaire.

109.

Je suggère donc à la Cour de rejeter le quatrième moyen.

IV – Sur le recours devant le Tribunal

110.

Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci, en cas d’annulation de l’arrêt du Tribunal, peut statuer elle-même sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

111.

Tel est, à mon sens, le cas en l’espèce, à tout le moins en ce qui concerne le premier moyen.

112.

Ainsi que je le propose au point 46 des présentes conclusions, il y aurait lieu d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il a rejeté le premier moyen soulevé par le requérant en première instance tiré de l’absence de base juridique du règlement litigieux.

113.

Comme je l’ai déjà dit, selon moi, le Tribunal a entaché son arrêt d’une erreur de droit en interprétant de manière excessivement large les articles 60 CE et 301 CE. Dans ces conditions et pour les raisons ci-dessus exposées, il y a lieu, à mon sens, d’accueillir le premier moyen du recours et, partant, d’annuler le règlement litigieux en ce qui concerne le requérant pour défaut de base juridique.

V – Sur les dépens

114.

Aux termes de l’article 122 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

115.

Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner le Conseil aux dépens afférents à la procédure devant le Tribunal et au présent pourvoi.

VI – Conclusion

116.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de déclarer et d’arrêter ce qui suit:

«1)

L’arrêt du Tribunal du 19 mai 2010 dans l’affaire Tay Za/Conseil (T-181/08) est annulé.

2)

Le règlement (CE) no 194/2008 du Conseil, du 25 février 2008, renouvelant et renforçant les mesures restrictives instituées à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar et abrogeant le règlement (CE) no 817/2006, est annulé, pour autant qu’il concerne le requérant.

3)

Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens des deux instances.

4)

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.»


( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) Arrêt du 19 mai 2010 (T-181/08, Rec. p. II-1965).

( 3 ) JO L 66, p. 1.

( 4 ) La première action de l’Union a pris la forme de la position commune 96/635/PESC, du 28 octobre 1996, définie par le Conseil sur la base de l’article J.2 du traité sur l’Union européenne, relative à la Birmanie/au Myanmar (JO L 287, p. 1). Dans un souci de simplification, et sauf lorsque la référence à l’intitulé exact d’un acte m’y obligera, je n’utiliserai, par la suite, que la dénomination «Birmanie».

( 5 ) Position commune 2000/346/PESC du Conseil, du 26 avril 2000, prorogeant et modifiant la position commune 96/635 (JO L 122, p. 1).

( 6 ) JO L 106, p. 36.

( 7 ) Voir troisième considérant et article 9 de la position commune 2003/297.

( 8 ) JO L 340, p. 81.

( 9 ) JO L 125, p. 61.

( 10 ) JO L 108, p. 88.

( 11 ) Les noms des deux frères du requérant inscrits dans la liste annexée à la position commune 2004/423 n’ont pas été repris dans la position commune 2005/340. Cette dernière a toutefois procédé à l’ajout du nom d’un oncle du requérant (voir point J2a de l’annexe I de la position commune 2005/340).

( 12 ) Position commune du Conseil, du 23 avril 2007, renouvelant les mesures restrictives à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar (JO L 107, p. 8). La femme du frère du père du requérant est, pour la première fois, inscrite sur la liste des personnes dont les avoirs doivent être gelés.

( 13 ) Position commune du Conseil, du 19 novembre 2007, modifiant la position commune 2006/318/PESC renouvelant les mesures restrictives à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar (JO L 308, p. 1). Le grand-père du requérant et la société du père du requérant sont, pour la première fois, inscrits sur la liste annexée à la position commune 2007/750.

( 14 ) Position commune du Conseil, du 29 avril 2008, renouvelant les mesures restrictives à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar (JO L 116, p. 57).

( 15 ) À la suite de l’entrée en vigueur du règlement (CE) no 385/2008 de la Commission, du 29 avril 2008 (JO L 116, p. 5), qui a modifié le règlement litigieux, le titre J de l’annexe VI désigne désormais les «[p]ersonnes tirant profit des politiques économiques du gouvernement et autres personnes associées au régime».

( 16 ) Respectivement sous les entrées J1b, J1d et J1e.

( 17 ) JO C 65, p. 12.

( 18 ) JO L 108, p. 20.

( 19 ) Voir point 33 de l’arrêt attaqué.

( 20 ) Le règlement no 353/2009 ne constituant qu’un règlement d’exécution du règlement no 194/2008 (voir point 38 de l’arrêt attaqué) qui, sans davantage modifier le corps du règlement de base, ne fait que retranscrire, en annexe, les données concernant le requérant déjà fournies par le règlement litigieux, je me limiterai, dans les développements qui suivent, à l’examen du règlement litigieux.

( 21 ) Arrêt du 3 septembre 2008 (C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. p. I-6351).

( 22 ) Lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE (document 15114/05, du 2 décembre 2005). Le requérant renvoie, plus précisément, au point 19 desdites lignes directrices.

( 23 ) Arrêt précité (points 166 et 168).

( 24 ) Voir points 61 à 65 de l’arrêt attaqué.

( 25 ) Point 67 de l’arrêt attaqué.

( 26 ) Point 68 de l’arrêt attaqué.

( 27 ) Voir, notamment, points 24 et suiv. de mes conclusions rendues dans cette affaire (C-380/09 P, pendante devant la Cour).

( 28 ) Voir point 67 de mes conclusions rendues dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil (C-548/09 P, 16 novembre 2011).

( 29 ) Voir points A à I de l’annexe VI du règlement litigieux.

( 30 ) Les points A à I de l’annexe VI du règlement litigieux listent, en effet, à la fois les dirigeants eux-mêmes (membres du Conseil d’État pour la paix, etc.) et des membres de leur famille.

( 31 ) Point J de l’annexe VI du règlement litigieux.

( 32 ) En effet, le point 19 des lignes directrices de 2005 a, de manière tout à fait regrettable, disparu de la nouvelle version desdites lignes (document 17464/09, du 15 décembre 2009). En tout état de cause, ces lignes directrices n’ont évidemment pas valeur contraignante.

( 33 ) Voir deuxième considérant de la position commune 2007/750.

( 34 ) Voir troisième considérant de la position commune 2007/750; italique ajouté par mes soins.

( 35 ) Voir premier considérant du règlement litigieux.

( 36 ) Idem.

( 37 ) Italique ajouté par mes soins.

( 38 ) Lesquels sont mentionnés au point précédent, soit au point 66.

( 39 ) À l’appui de son argumentation, le requérant cite les arrêts du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a. (C-32/95 P, Rec. p. I-5373), ainsi que du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes (C-315/99 P, Rec. p. I-5281).

( 40 ) Arrêt du 9 juillet 2009 (T-246/08 et T-332/08, Rec. p. II-2629).

( 41 ) Arrêt du 14 octobre 2009 (T-390/08, Rec. p. II-3967).

( 42 ) Le requérant mentionne les points 9, 10 et 17 des lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE (document 15114/05, du 2 décembre 2005).

( 43 ) Arrêt Kadi, précité (point 326).

( 44 ) Arrêt du 4 décembre 2008 (T-284/08, Rec. p. II-3487, point 74).

( 45 ) Arrêt du 30 septembre 2010, Kadi/Commission (T-85/09, Rec. p. II-5177). Le requérant renvoie ici aux points 123, 125 et 126 ainsi qu’aux points 129 à 142 dudit arrêt.

( 46 ) Arrêt du 12 décembre 2006 (T-228/02, Rec. p. II-4665, point 159).

( 47 ) Arrêt précité note 40.

( 48 ) Arrêt précité note 46.

( 49 ) Point 122 de l’arrêt attaqué.

( 50 ) Arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, précité (point 91).

( 51 ) Voir point 123 de l’arrêt attaqué.

( 52 ) Voir point 67 de mes conclusions rendues dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil (précité, note 28).

( 53 ) Arrêt du 16 novembre 2011 (C-548/09 P).

( 54 ) Arrêt Bank Melli Iran/Conseil précité (points 45 et 46 et point 51).

( 55 ) Arrêt précité (point 334).

( 56 ) Ibidem, point 42.

( 57 ) Voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, précité (point 47).

( 58 ) Point 124 de l’arrêt attaqué.

( 59 ) Point 125 de l’arrêt attaqué.

( 60 ) Voir quatrième considérant de la position commune 2006/318. Le règlement litigieux ne contient d’ailleurs aucune mention précisant que les membres de la famille doivent également voir leurs fonds gelés.

( 61 ) Arrêt Kadi, précité (points 339 et 340).

( 62 ) Ibidem, point 338.

( 63 ) Ibidem, point 341.

( 64 ) Voir points 129 à 131 de l’arrêt attaqué.

( 65 ) Ibidem, point 131.

( 66 ) Ibidem, point 132.

( 67 ) Idem.

( 68 ) Par analogie, voir arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, précité (point 162).

( 69 ) Voir point 154 de l’arrêt.

( 70 ) Arrêt précité (points 74 et 75).

( 71 ) Respectivement arrêts du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil (précité, points 45 et 46), et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil (précité, points 36 et 37).

( 72 ) Arrêt précité (points 126, 132 à 135). Pour une synthèse de la jurisprudence du Tribunal en la matière, voir points 139 et suiv. dudit arrêt.

( 73 ) Arrêt précité (point 326).

( 74 ) Arrêt du 29 juin 2010 (C-550/09, Rec. p. I-6213, point 57).

( 75 ) Voir points 254 et 255 des conclusions de l’avocat général Sharpston rendues dans l’affaire pendante France/People’s Mojahedin Organization of Iran (C-27/09 P).

( 76 ) Selon ses propres dires: voir point 41 du mémoire en réponse de la Commission.

( 77 ) Voir, parmi une jurisprudence abondante, arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil (C-266/05 P, Rec. p. I-1233, point 95 et jurisprudence citée), ainsi que du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C-514/07 P, C-528/07 P et C-532/07 P, Rec. p. I-8533, point 126 et jurisprudence citée).

( 78 ) À cet égard, le requérant mentionne le document 7697/07, en date du 3 avril 2007, lui-même évoqué par le Conseil dans son mémoire en réponse devant le Tribunal.

( 79 ) Arrêts précités Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, ainsi que Melli Bank/Conseil.

( 80 ) Point 94 de l’arrêt attaqué et jurisprudence citée.

( 81 ) Arrêt du 17 mars 1983, Control Data Belgium/Commission (294/81, Rec. p. 911, point 14).

( 82 ) Points 99 et suiv. de l’arrêt attaqué.

( 83 ) Points 103 et suiv. de l’arrêt attaqué.

( 84 ) Voir, par analogie, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, précité (point 87).

( 85 ) Voir point 104 de l’arrêt attaqué.

( 86 ) L’adoption du règlement no 353/2008, en ajoutant une référence aux autres personnes associées au régime (voir point 13 des présentes conclusions), n’a pas amélioré la situation du requérant à cet égard.

( 87 ) Voir, notamment, quatrième considérant de la position commune 2006/318.

( 88 ) Point 107 de l’arrêt attaqué.

( 89 ) Point 106 de l’arrêt attaqué.

( 90 ) Voir point 157 de l’arrêt attaqué.

( 91 ) Point 160 de l’arrêt attaqué et jurisprudence citée.

( 92 ) Point 165 de l’arrêt attaqué et article 13 du règlement litigieux.

( 93 ) Cour eur. D. H., arrêt Bäck c. Finlande du 20 juillet 2004, Recueil des arrêts et décisions, 2004-VII, § 56 et jurisprudence citée; voir également arrêt Kadi, précité (point 368).

( 94 ) Point 170 de l’arrêt attaqué.

( 95 ) Voir point 103 des présentes conclusions.

( 96 ) Précité (point 14 des présentes conclusions).

( 97 ) Arrêt précité (point 369).

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