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Document 62009CC0279

Conclusions de l'avocat général Mengozzi présentées le 2 septembre 2010.
DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH contre Bundesrepublik Deutschland.
Demande de décision préjudicielle: Kammergericht - Allemagne.
Protection juridictionnelle effective des droits tirés du droit de l’Union - Droit d’accès à un tribunal - Aide juridictionnelle - Réglementation nationale refusant l’aide juridictionnelle aux personnes morales en l’absence d’’intérêts généraux’.
Affaire C-279/09.

Recueil de jurisprudence 2010 I-13849

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2010:489

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 2 septembre 2010 (1)

Affaire C‑279/09

DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH

contre

Bundesrepublik Deutschland

[demande de décision préjudicielle formée par le Kammergericht Berlin (Allemagne)]

«Protection juridictionnelle effective des droits tirés du droit de l’Union – Droit à un tribunal – Garanties procédurales – Personne morale – Principe d’effectivité – Refus d’aide judiciaire à une personne morale pour l’introduction d’un recours visant à engager la responsabilité d’un État membre pour violation du droit de l’Union en l’absence d’’intérêts généraux’»





I –    Introduction

1.        Le présent renvoi préjudiciel porte sur l’interprétation des principes d’effectivité et d’équivalence au regard des règles applicables, dans l’ordre juridique allemand, aux demandes d’aide judiciaire, lorsque celles-ci sont introduites par une personne morale dans le cadre d’une action en responsabilité de l’État pour violation du droit de l’Union.

2.        Pour la première fois, la Cour est appelée à apprécier la conformité d’un mécanisme d’aide judiciaire, ayant notamment pour objet l’exemption du paiement de la taxe de procédure, dont les conditions d’octroi sont plus restrictives à l’égard des personnes morales que des personnes physiques, et, partant, à se prononcer sur l’étendue des garanties procédurales devant être offertes aux personnes morales.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit international

3.        La convention de La Haye du 1er mars 1954 relative à la procédure civile, à laquelle vingt et un États membres de l’Union européenne sont, à ce jour, parties, consacre un titre IV à l’assistance judiciaire gratuite. Plus précisément, l’article 20 de ladite convention prévoit que, «en matière civile et commerciale, les ressortissants de chacun des États contractants seront admis dans tous les autres États contractants au bénéfice de l’assistance judiciaire gratuite, comme les nationaux eux-mêmes, en se conformant à la législation de l’État où l’assistance judiciaire gratuite est réclamée».

4.        L’article 1er de l’accord européen sur la transmission des demandes d’assistance judiciaire, signé à Strasbourg le 27 janvier 1977, sous l’égide du Conseil de l’Europe, et auquel vingt et un États membres de l’Union sont parties, énonce que «[t]oute personne, ayant sa résidence habituelle sur le territoire d’une des Parties contractantes, qui désire demander l’assistance judiciaire en matière civile, commerciale ou administrative sur le territoire d’une autre Partie contractante peut présenter sa demande dans l’État de sa résidence habituelle. Cet État est tenu de transmettre la demande à l’autre État».

5.        La convention de La Haye du 25 octobre 1980 tendant à faciliter l’accès international à la justice, à laquelle dix-neuf États membres sont parties, prévoit, à son article 1er, premier alinéa, que «[l]es ressortissants d’un État contractant […] sont admis au bénéfice de l’assistance judiciaire en matière civile et commerciale dans chaque État contractant dans les mêmes conditions que s’ils étaient eux-mêmes ressortissants de cet État et y résidaient habituellement». Le deuxième alinéa dudit article précise que «[l]es personnes auxquelles les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas, mais qui ont eu leur résidence habituelle dans un État contractant dans lequel une procédure judiciaire est ou sera engagée, seront néanmoins admises au bénéfice de l’aide judiciaire aux conditions prévues à l’alinéa précédent, si la cause de l’action découle de cette ancienne résidence habituelle».

B –    Le droit de l’Union

6.        L’article 6, paragraphe 2, UE pose le principe selon lequel «[l]’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 [ci-après la «CEDH»], et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire».

7.        L’article 47, intitulé «Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial», de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la «charte») est rédigé comme suit:

«Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice.»

8.        L’article 10, premier alinéa, CE dispose que «[l]es États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l’accomplissement de sa mission». Le second alinéa de cet article énonce qu’«[i]ls s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité».

9.        Le quatrième considérant de la directive 2003/8/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, visant à améliorer l’accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l’établissement de règles minimales communes relatives à l’aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires (2), rappelle que tous les États membres sont parties à la CEDH et que les matières traitées par la directive 2003/8 le seront dans le respect de ladite convention.

10.      Le cinquième considérant de ladite directive définit l’objectif de celle-ci comme suit:

«La présente directive vise à promouvoir l’octroi d’une aide judiciaire pour les litiges transfrontaliers à toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes lorsque cette aide est nécessaire pour assurer un accès effectif à la justice. L’accès à la justice est un droit généralement reconnu et qui est aussi réaffirmé à l’article 47 de la [charte].»

11.      Le onzième considérant de la directive 2003/8 définit l’aide judiciaire en énonçant que celle-ci «devrait couvrir les conseils précontentieux afin de parvenir à un règlement avant d’engager une procédure judiciaire, une assistance juridique pour saisir un tribunal et une représentation en justice ainsi que la prise en charge ou l’exonération des frais de justice».

12.      Le treizième considérant de la même directive définit le champ d’application de celle-ci comme suit:

«Tous les citoyens de l’Union, où que soit situé leur domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire d’un État membre, doivent pouvoir prétendre au bénéfice de l’aide judiciaire dans les litiges transfrontaliers s’ils remplissent les conditions prévues par la présente directive. Il en va de même pour les ressortissants de pays tiers qui ont leur résidence habituelle et sont en situation régulière de séjour sur le territoire d’un État membre.»

13.      L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2003/8 dispose que cette dernière «vise, dans les affaires transfrontalières, toute procédure en matière civile et commerciale, quelle que soit la nature de la juridiction. Elle ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives».

14.      L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2003/8 précise que «[t]oute personne physique partie à un litige qui relève de la présente directive a le droit de bénéficier d’une aide judiciaire appropriée destinée à lui garantir un accès effectif à la justice, selon les conditions définies par la présente directive».

15.      L’article 6 de ladite directive, intitulé «Conditions liées au fond du litige», dispose, à son paragraphe 1, que «[l]es États membres peuvent prévoir que les demandes d’aide judiciaire relatives à une action paraissant manifestement non fondée peuvent être rejetées par les autorités compétentes».

16.      Le paragraphe 3 de ce même article poursuit:

«En statuant sur le bien-fondé d’une demande, et sans préjudice de l’article 5, les États membres tiennent compte de l’importance de l’affaire en cause pour le demandeur. Ils peuvent toutefois aussi tenir compte de la nature de l’affaire lorsque le demandeur réclame des dommages et intérêts pour atteinte à sa réputation alors qu’il n’a subi aucun préjudice matériel ou financier ou lorsqu’il s’agit d’une revendication découlant directement des activités commerciales du demandeur ou de ses activités en tant que travailleur indépendant.»

17.      L’article 94, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure du Tribunal, dont le libellé est identique à l’article 95, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, énonce:

«2.      Toute personne physique qui, en raison de sa situation économique, est dans l’incapacité totale ou partielle de faire face aux frais visés au paragraphe 1 a le droit de bénéficier de l’aide judiciaire.

La situation économique est évaluée en tenant compte d’éléments objectifs tels que les revenus, le capital détenu et la situation familiale.

3.      L’aide judiciaire est refusée si l’action pour laquelle elle est demandée apparaît manifestement irrecevable ou manifestement non fondée.»

18.      Pour sa part, l’article 76, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour est rédigé comme suit:

«Si une partie se trouve dans l’impossibilité de faire face en totalité ou en partie aux frais de l’instance, elle peut à tout moment demander le bénéfice de l’assistance judiciaire gratuite.»

C –    La législation nationale

19.      L’article 12, paragraphe 1, de la loi sur les frais de justice (Gerichtskostengesetz, ci-après le «GKG») prévoit:

«Dans les litiges civils, la requête n’est notifiée qu’après paiement de la taxe de procédure générale. En cas d’extension de la requête, aucun acte judiciaire n’est fait avant le paiement de la taxe de procédure générale, même dans le cadre d’une voie de recours.»

20.      L’article 839 du code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch) classe, parmi les litiges de droit civil, les actions en réparation intentées à l’encontre de l’État allemand.

21.      L’article 78, paragraphe 1, du code de procédure civile (Zivilprozessordnung, ci-après la «ZPO») énonce que, «devant les Landgerichte et les Oberlandesgerichte, les parties doivent se faire représenter par un avocat […]».

22.      L’article 114 de la ZPO est libellé comme suit:

«Une partie qui, en raison de sa situation personnelle et financière, ne peut pas régler les frais du procès, ne le peut qu’en partie ou en plusieurs versements, obtient l’aide judiciaire sur demande si l’action ou la défense en justice envisagée offre des chances suffisantes de succès et ne paraît pas chicanière […]».

23.      L’article 116, paragraphe 2, de la ZPO prévoit qu’obtiennent l’aide judiciaire, sur demande, «une personne morale ou une association ayant la capacité d’ester en justice, créée et établie […] en Allemagne, lorsque ni elle ni les personnes qui ont une participation économique dans l’objet du litige ne peuvent régler les frais et qu’il serait contraire à des intérêts généraux de renoncer à l’action ou à la défense en justice [...]».

24.      L’article 122 de la ZPO précise:

«(1) L’octroi de l’aide judiciaire a pour effet que

1.     la perception de l’État fédéral ou du Land ne peut exiger de la partie concernée le paiement

a)     des frais de justice et d’huissier échus ou à échoir

b)     des créances des avocats commis, qui lui ont été transférées,

que selon les dispositions prises par le tribunal,

2.     la partie est libérée de l’obligation de fournir une garantie pour les frais de procédure,

3.     les avocats commis ne peuvent réclamer d’honoraires à la partie concernée.

[…]»

25.      L’article 123 de la ZPO énonce, enfin, que «[l]’octroi de l’aide judiciaire n’a pas d’effet sur l’obligation de rembourser les dépens supportés par la partie adverse».

III – Le litige au principal et la question préjudicielle

26.      DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH (ci‑après «DEB») est une entreprise allemande, créée en 1998, et qui a été autorisée par le ministère de l’Économie du Land de Brandebourg à exercer une activité de grossiste indépendant en énergie et d’entreprise de fourniture d’énergie sur le territoire allemand. Considérant qu’elle a subi un préjudice du fait de la transposition tardive, en Allemagne, des directives 98/30/CE (3) et 2003/55/CE (4), lesquelles auraient dû permettre un accès sans discrimination aux réseaux de gaz nationaux, DEB entreprend une action en responsabilité de l’État pour violation du droit de l’Union devant une juridiction nationale. Au moment de l’introduction de son action en justice, DEB n’a ni salariés ni patrimoine.

27.      Le non-respect par la République fédérale d’Allemagne du délai de transposition de la directive 98/30 a, par ailleurs, été constaté par la Cour à l’occasion d’un arrêt en manquement (5).

28.      DEB prétend avoir subi un préjudice et réclame une indemnisation à hauteur d’un peu plus de 3,7 milliards d’euros. Lors de l’audience, DEB a précisé qu’elle employait en 1998 près de 200 personnes, qu’elle a dû progressivement licencier du fait de son inactivité, et qu’elle disposait d’un patrimoine propre qu’elle a perdu pour cette même raison. Selon ses dires, elle ne s’est donc plus trouvée en mesure d’exercer l’activité pour laquelle une licence lui avait été octroyée, une fois l’accès aux réseaux gaziers effectivement rendu possible.

29.      DEB estime que le fait de ne pas avoir pu accéder aux réseaux gaziers lui a fait perdre au moins six contrats. Elle justifie le montant réclamé au titre de dommages et intérêts en arguant qu’il correspond à la différence entre le prix de vente statistique moyen aux gros clients industriels allemands et le prix d’achat en Russie, déduction faite de la rémunération du transit ainsi que des frais de transport. DEB a ensuite déduit de ce premier chiffre un abattement de précaution de 50 %, conformément à ce que prescrit la législation allemande en la matière.

30.      Selon les calculs de DEB, le montant de la taxe de procédure dont elle doit s’acquitter, laquelle est calculée en fonction de la valeur du litige, s’élèverait à environ 275 000 euros. Le ministère d’avocat étant, par ailleurs, obligatoire, DEB estime les frais liés à la représentation à un peu plus de 990 000 euros. Afin de mener son action à bien, et faute de moyens financiers suffisants, DEB, qui ne peut s’acquitter ni de la taxe imposée par l’article 12, paragraphe 1, du GKG, ni des frais d’avocat, dont le ministère est obligatoire, a sollicité l’aide judiciaire devant le Landgericht Berlin.

31.      Par décision en date du 4 mars 2008, ce dernier refuse d’octroyer l’aide judiciaire au motif que DEB ne remplit pas les conditions posées par l’article 116, paragraphe 2, de la ZPO. Si le caractère impécunieux de DEB ne fait pas de doute, il apparaît que renoncer à l’action ne serait pas contraire à des intérêts généraux tels qu’interprétés par les juridictions allemandes et par le Bundesverfassungsgericht. Par ailleurs, le Landgericht Berlin ne s’est pas prononcé sur le bien-fondé de la demande au principal.

32.      DEB a immédiatement fait appel de cette décision devant le Kammergericht Berlin. Selon ce dernier, s’il ne devait statuer qu’en tenant compte du droit allemand, il ne pourrait que constater que le Landgericht Berlin a fait une correcte interprétation des conditions posées par l’article 116, paragraphe 2, de la ZPO. En effet, les juridictions allemandes n’ont, de jurisprudence constante, retenu que peu d’hypothèses dans lesquelles renoncer à l’action aurait effectivement nui aux intérêts généraux. Tel serait le cas si la décision concernait une partie importante de la population ou si elle devait avoir des conséquences sociales. Il y aurait également atteinte aux intérêts généraux au sens de l’article 116, paragraphe 2, de la ZPO si renoncer à l’action empêchait la personne morale de continuer à remplir une mission d’intérêt général ou bien lorsque l’existence même de cette personne morale dépendait du recours, et que des emplois étaient en jeu, ou que la personne morale avait un grand nombre de créanciers.

33.      Le Kammergericht Berlin précise encore que, au sens de la jurisprudence allemande, et notamment celle du Bundesgerichtshof, ne remplissent pas la condition posée par l’article 116, paragraphe 2, de la ZPO le fait que rendre une décision correcte corresponde à l’intérêt général, ou que pour trancher le litige, il faille répondre à des questions de droit d’intérêt général.

34.      Dans le cas de DEB, elle n’a ni recettes, ni patrimoine, ni salariés, ni créanciers. Renoncer à l’action ne menace pas, en soi, sa survie. Il n’est pas davantage considéré qu’elle remplit une mission d’intérêt général. Comme il a toujours été exigé que, au-delà des seules personnes ayant une participation économique au litige, une catégorie importante de personnes ait à souffrir d’un renoncement à l’action en justice, et comme cela n’est pas le cas pour DEB, la décision du Landgericht Berlin qui rejette sa demande d’aide judiciaire doit être confirmée.

35.      Le Kammergericht Berlin rappelle également que la différence de traitement que la ZPO opère entre personnes physiques et personnes morales aurait, de plus, été jugée conforme à la Loi fondamentale allemande par le Bundesverfassungsgericht. Ce dernier a en effet considéré que l’octroi de l’aide judiciaire peut être assimilé à une aide sociale dérivée du principe de l’État social et nécessaire au respect de la dignité humaine. La juridiction de renvoi en déduit qu’une telle solidarité ne saurait être imposée à l’égard des personnes morales impécunieuses. Le fait, pour les personnes morales, de disposer d’un patrimoine suffisant est une condition de leur création et de leur existence, et ces personnes morales n’ont de raison d’être reconnues par l’ordre juridique national que si elles sont en mesure de poursuivre le but pour lequel elles ont été créées et de remplir leurs missions par leurs propres moyens.

36.      Toutefois, le Kammergericht Berlin se pose la question de savoir si l’article 116, paragraphe 2, de la ZPO, tel qu’interprété jusque-là par les juridictions nationales, ne serait pas contraire au droit de l’Union. Les conditions d’octroi de l’aide judiciaire, qui s’avèrent plus restrictives pour les personnes morales que pour les personnes physiques, et qui sont, au surplus, interprétées strictement par le juge national allemand, ont pour effet concret, dans le cas de DEB, de priver cette dernière de toute possibilité de rechercher la responsabilité de l’État allemand pour violation du droit de l’Union. Ainsi, le refus d’aide judiciaire rend impossible, ou à tout le moins extrêmement difficile, d’obtenir, le cas échéant, réparation de la part de l’État au titre de sa responsabilité pour violation du droit de l’Union. La juridiction de renvoi a donc un doute sur la compatibilité de la mesure nationale avec les principes liés à la responsabilité de l’État, et notamment avec le principe d’effectivité tel qu’il a été dégagé par la jurisprudence de la Cour.

37.      Confronté à une difficulté d’interprétation du droit de l’Union, et statuant en dernier ressort sur ce point, le Kammergericht Berlin a donc décidé de surseoir à statuer et, par décision de renvoi en date du 30 juin 2009, de saisir la Cour, sur le fondement de l’article 234 CE, de la question préjudicielle suivante:

«Étant donné que l’organisation nationale des conditions juridiques d’indemnisation et de la procédure d’action en responsabilité de l’État au titre du droit communautaire ne doit pas rendre pratiquement impossible ou exceptionnellement difficile l’obtention d’une indemnisation en vertu des principes de ladite responsabilité, est-il problématique qu’une réglementation nationale subordonne l’exercice de l’action en justice au paiement d’une [taxe] et prévoit que l’aide judiciaire ne peut pas être accordée à une personne morale qui n’est pas en mesure de [s’acquitter d’un tel paiement]?»

IV – La procédure devant la Cour

38.      La requérante au principal, les gouvernements allemand, danois, français, italien et polonais, la Commission européenne ainsi que l’Autorité de surveillance AELE ont déposé des observations écrites.

39.      Lors de l’audience, qui s’est tenue le 3 juin 2010, ont formulé oralement leurs observations la requérante au principal, le gouvernement allemand, la Commission ainsi que l’Autorité de surveillance AELE.

V –    Analyse juridique

A –    Résumé des observations

40.      De manière liminaire, il convient de rappeler que le gouvernement allemand tout comme les gouvernements danois, français et italien ainsi que la Commission concluent en ce sens que la réglementation nationale en cause n’est pas problématique au regard des principes d’équivalence et d’effectivité. En substance, ils considèrent que, si les justiciables doivent effectivement pouvoir rechercher la responsabilité de l’État pour violation du droit de l’Union, les principes d’effectivité du droit de l’Union et de protection juridictionnelle effective ne sauraient aller jusqu’à imposer aux États membres d’accorder une aide judiciaire aux personnes morales, qui ne sont que des créations artificielles des ordres juridiques nationaux, et dont la reconnaissance est notamment conditionnée par la disposition de ressources suffisantes pour assurer leur survie. En l’absence de mesure d’harmonisation adoptée au niveau de l’Union, compte tenu des règlements de procédure devant ses juridictions et de la nature même de l’aide judiciaire, dont certains gouvernements ont souligné le caractère essentiellement social lié à la dignité humaine, il est tout à fait justifié, et légitime, de soumettre, lorsqu’elles existent, les conditions d’octroi de l’aide judiciaire aux personnes morales à des conditions beaucoup plus restrictives que lorsque l’aide judiciaire est sollicitée par une personne physique.

41.      À l’inverse, la requérante au principal, le gouvernement polonais et l’Autorité de surveillance AELE émettent des réserves à l’égard de la disposition nationale litigieuse. DEB soutient que, dans la mesure où elle va devoir renoncer à l’action en réparation si l’aide judiciaire ne lui est pas accordée, la violation du principe d’effectivité est évidente, puisqu’elle est concrètement empêchée de se prévaloir en justice des droits qu’elle tire du droit de l’Union, appréciation que partage l’Autorité de surveillance AELE, même si elle l’exprime de manière plus nuancée. Le gouvernement polonais conteste l’interprétation trop restrictive faite par les juridictions allemandes de la notion d’«intérêts généraux» et considère que cette atteinte au principe d’effectivité ne revêt pas un caractère proportionné. Dans ces conditions, la requérante au principal, le gouvernement polonais et l’Autorité de surveillance AELE concluent à l’existence d’une violation du principe d’effectivité.

B –    Protection juridictionnelle effective des droits conférés aux justiciables par le droit de l’Union et principe de responsabilité de l’État pour violation de ce droit

42.      En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour (6), le principe de protection juridictionnelle effective des droits reconnus aux particuliers par le droit de l’Union constitue un principe général du droit de l’Union, découlant des traditions constitutionnelles communes aux États membres, consacré par les articles 6 et 13 de la CEDH, et, plus récemment, par l’article 47 de la charte (7).

43.      La protection juridictionnelle effective ainsi consacrée consiste à assurer aux justiciables la possibilité de faire valoir les droits qu’ils tirent du droit de l’Union. Même lorsque leurs droits ont été violés par l’État, les justiciables doivent pouvoir obtenir réparation devant le juge national.

44.      En effet, il découle de la logique même des traités et des engagements pris par les États membres eux-mêmes à la suite de leur décision d’adhérer à l’Union que la responsabilité de ces derniers doit pouvoir être recherchée par les particuliers, lorsqu’ils s’estiment victimes d’une violation par l’État du droit de l’Union.

45.      C’est donc à la fois les objectifs du respect des obligations prises par les États membres au regard du droit de l’Union et de la garantie pour les particuliers de la pleine effectivité des droits qu’ils tirent du droit de l’Union qui sont ainsi poursuivis. Il découle, en effet, d’une jurisprudence constante que les États membres ont le devoir, au nom du principe de coopération loyale exprimé à l’article 10 CE, d’assurer le plein effet des normes de l’Union et de protéger les droits qu’elles confèrent aux particuliers (8).

46.      Le droit à réparation des personnes lésées par une violation du droit de l’Union est un principe cardinal de l’Union de droit mise en place par les traités et une déclinaison particulière du principe de protection juridictionnelle effective. Dans le même temps, la charte constitutionnelle de base de l’Union, constituée par les traités, est animée d’un esprit de coopération juridictionnelle. Ainsi, lorsque la Cour a, logiquement, consacré le principe de responsabilité de l’État pour violation du droit de l’Union, elle a tout aussi logiquement indiqué que des actions pour faire valoir ce principe devaient pouvoir être introduites devant les juges nationaux, juges de l’Union de droit commun, et qu’il appartient dès lors aux ordres juridiques nationaux de déterminer les juridictions compétentes ainsi que les conditions de forme et de fond de telles actions. L’autonomie procédurale et juridictionnelle des États membres commande de leur reconnaître, en la matière, une marge de manœuvre.

47.      Toutefois, cette liberté doit nécessairement être encadrée. Si c’est bien dans le cadre du droit national de la responsabilité que les particuliers doivent pouvoir rechercher la responsabilité de l’État qui a méconnu le droit de l’Union, «les conditions […] fixées par les législations nationales en matière de réparation des dommages ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne (principe de l’équivalence) et ne sauraient être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’obtention de la réparation (principe d’effectivité)» (9).

48.      En l’espèce, il y a lieu de relever que la possibilité, pour les justiciables, d’introduire une action en responsabilité de l’État allemand pour violation du droit de l’Union existe. Reste à déterminer si les principes d’équivalence et d’effectivité sont respectés par la législation nationale.

C –    Sur le principe d’équivalence

49.      Le principe d’équivalence, qui requiert que l’ensemble des règles applicables aux recours s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne (10), est effectivement respecté en l’espèce. Le paiement de la taxe de procédure est exigé à chaque fois qu’une action en responsabilité est engagée contre l’État, que ce soit sur le fondement d’une prétendue violation du droit interne ou sur celui d’une prétendue violation du droit de l’Union. En outre, les conditions d’octroi de l’aide judiciaire pour les personnes morales sont les mêmes lorsque ces personnes morales introduisent une action en responsabilité de l’État pour violation du droit national que lorsqu’elles tendent à rechercher la responsabilité de l’État allemand pour violation du droit de l’Union.

D –    Sur le principe d’effectivité

50.      Comme la juridiction de renvoi l’a justement identifié, la question qui se pose dans la présente affaire est davantage celle de la compatibilité avec le droit de l’Union, et notamment avec le principe d’effectivité, d’une législation nationale qui, dans le cas particulier soumis aujourd’hui à la Cour, a pour conséquence de ne pas aider à surmonter la difficulté rencontrée par une personne morale dans son accès à un tribunal pour faire valoir les droits qu’elle prétend tirer du droit de l’Union.

51.      La situation qui vient d’être évoquée résulte de la combinaison de deux dispositions.

52.      D’abord, l’article 12 du GKG soumet les parties, quelles qu’elles soient, au versement d’une taxe dont le montant est proportionné au montant estimé du litige. La législation allemande ne prévoit pas de plafond. Ensuite, l’article 116, paragraphe 2, de la ZPO ouvre la possibilité, pour les personnes morales, de bénéficier de l’aide judiciaire à condition, notamment, que renoncer à l’action soit contraire aux intérêts généraux, condition strictement interprétée par les juridictions allemandes.

53.      Dans la lignée de la jurisprudence de notre Cour, il me paraît important de replacer l’article 116, paragraphe 2, de la ZPO dans le contexte plus large des règles de procédure allemandes. Autrement dit, même si les observations écrites des parties intéressées se sont concentrées sur la problématique du refus de l’aide judiciaire aux personnes morales, les conditions d’octroi de l’aide judiciaire doivent être analysées dans le contexte plus large de l’organisation générale de la procédure telle que définie par l’État membre en question.

1.      Sur la possibilité de soumettre la procédure au paiement d’une taxe à la condition que celle-ci ne soit pas disproportionnée

54.      À ce stade de la réflexion, il m’appartient de rappeler à la Cour que les États membres, par la mise en œuvre de leur autonomie procédurale, sont libres de soumettre l’introduction d’actions en justice à des frais de procédure. Ces frais prennent généralement deux formes tout à fait différentes: soit il s’agit d’une taxe perçue par l’État au titre de la participation des parties au procès au financement du service public de la justice, soit il s’agit d’une avance sur frais de justice, d’une garantie déposée par la partie requérante, de sorte que le défendeur est assuré du fait que, au cas où elle succomberait, la partie requérante participera au paiement des frais engagés pour sa défense.

55.      La Cour n’a eu jusqu’ici à connaître que de mécanismes dit «de cautio judicatum solvi», qui correspondent à la seconde forme de frais évoquée ci-dessus. La particularité des mécanismes dont la Cour a eu à apprécier la compatibilité avec le droit de l’Union tenait dans le fait que cette caution, généralement appelée «caution de l’étranger», doit être versée par la partie requérante lorsqu’elle ne réside pas sur le territoire ni ne possède la nationalité de l’État membre devant les juridictions duquel l’action est introduite, alors même qu’une telle caution n’est pas exigée des ressortissants de l’État membre en question, quand bien même ils ne résideraient pas sur le territoire de leur État d’origine, ni ne posséderaient de biens sur ledit territoire. Partant, il est remarquable de noter que la Cour a mené son examen sur le fondement de l’article 12 CE, et de l’interdiction générale des discriminations (11), et non sur celui du principe d’effectivité du droit de l’Union.

56.      Au cours de l’audience, le gouvernement allemand a été invité à préciser les conditions dans lesquelles la taxe de procédure était calculée. À cette occasion, il a exposé que la législation allemande en la matière a établi un barème de sorte que, en fonction de la valeur estimée du litige, le justiciable est en mesure de connaître de façon anticipée, en toute transparence, le montant de la taxe qu’il devra verser. Selon cette valeur, un certain pourcentage est appliqué pour le calcul de la taxe. Le gouvernement allemand a précisé que la taxe poursuivait essentiellement l’objectif de faire participer les usagers du service public de la justice à son financement. La taxe perçue sur les litiges de faible importance financière n’étant pas suffisante pour couvrir le coût réel du procès, la taxe prélevée pour les litiges d’un montant plus important est plus élevée. C’est au regard de l’ensemble de ces considérations que la taxe de procédure que DEB devait verser a été fixée à environ 275 000 euros.

57.      Or, plus les frais de procédure sont élevés, plus les risques que la partie requérante ne puisse pas les assumer et doive solliciter l’octroi d’une aide judiciaire sont grands. La fixation de frais de procédure élevés combinée à des conditions d’octroi de l’aide judiciaire très restrictives se prêtent à être considérées comme susceptibles d’aboutir à une atteinte au droit d’accès à un tribunal, et ce d’autant plus si le paiement de la taxe est exigé, comme cela est le cas en l’espèce, avant le déroulement de l’instance. La question qui se pose ici est celle d’établir si la répartition des coûts du service public de la justice entre l’État et les usagers de ce service, telle qu’organisée par la législation allemande, est adéquate ou si elle dépasse ce qui est raisonnable ou équitable en se traduisant, dans une situation concrète telle que celle du cas d’espèce, en une inacceptable limitation de l’accès à la justice. Cette question ne peut être appréhendée de manière convenable que par le juge de l’affaire au principal, à la lumière même du fumus boni juris de l’action que la requérante au principal envisage d’avancer et sur lequel ni le Landgericht Berlin, comme indiqué au point 31 des présentes conclusions, ni le Kammergericht Berlin ne se sont prononcés.

58.      Le gouvernement allemand a précisé, également pendant l’audience, que, sans être véritablement conçu comme une condition de recevabilité de l’action, le non-paiement de la taxe a pour conséquence que la procédure n’est pas ouverte. Je dois avouer que la nuance me paraît subtile, mais, en tout état de cause, l’accès au tribunal est rendu d’autant plus difficile que, contrairement à certains systèmes mis en place dans d’autres États membres, la République fédérale d’Allemagne n’a fixé aucun plafond et n’offre aucune possibilité de paiement a posteriori de la taxe (12). C’est la raison pour laquelle je considère que l’analyse de la situation de DEB exige que soient pris en considération non seulement la législation allemande relative aux conditions d’octroi de l’aide judiciaire aux personnes morales, mais également le système procédural allemand imposant le paiement d’une taxe de procédure. D’autre part, cela correspond à la question posée par le juge de renvoi, lequel, comme il résulte du point 37 des présentes conclusions, demande s’il est problématique qu’une législation nationale, premièrement, subordonne l’exercice d’une action en justice au paiement d’une taxe et, deuxièmement, prévoit que l’aide judiciaire ne peut pas être accordée à une personne morale qui n’est pas en mesure de s’acquitter d’un tel paiement et qui ne remplit pas les conditions restrictives qu’elle impose.

59.      Précisément, la mise en place d’un mécanisme d’aide judiciaire revêt une importance particulière dans les États qui ont fait le choix de soumettre les procédures juridictionnelles à des frais, puisqu’elle y est généralement conçue comme une contrepartie. Dès lors, l’appréciation du caractère adéquat des frais de justice est un indice supplémentaire permettant de mesurer le degré d’atteinte au principe du droit d’accès à un tribunal, née du refus d’octroyer l’aide judiciaire (13). En effet, sans prétendre aucunement anticiper la réponse que le juge de renvoi donnera sur ce point, je pense qu’il faut avoir à l’esprit que, dans la situation de DEB, si la taxe de procédure avait été moins élevée, DEB aurait eu objectivement davantage de chances de mener son action en justice à bien car les possibilités de faire appel à un financement de type extérieur (un prêt bancaire, par exemple) auraient été plus nombreuses.

2.      Sur la question de l’étendue du droit à l’aide judiciaire pour les personnes morales

a)      Le faisceau d’indices

60.      J’ai déjà indiqué que cette délicate question est posée pour la première fois à la Cour. La réponse est d’autant plus délicate à délivrer que peu de normes positives sont effectivement applicables à notre affaire. C’est la raison pour laquelle il me faut recourir à ce que je nommerai un «faisceau d’indices». Il est composé à la fois de la pratique internationale, de la jurisprudence de la Cour EDH, de l’état du droit de l’Union en la matière et de la pratique individuelle des États membres.

i)      La pratique internationale

61.      La pratique internationale ne semble pas exiger des États qu’ils octroient une aide judiciaire aux personnes morales. Ni l’article 20 de la convention de La Haye relative à la procédure civile, ni l’article 1er de l’accord européen sur la transmission des demandes d’assistance judiciaire, ni l’article 1er, premier et deuxième alinéas, de la convention de La Haye tendant à faciliter l’accès international à la justice ne permettent de conclure que les personnes morales se voient reconnaître un droit à l’aide judiciaire équivalent à celui qui est reconnu aux personnes physiques. En effet, ces différents accord et conventions mentionnent uniquement, comme bénéficiaires de l’aide, «les ressortissants de chacun des États contractants», «toute personne ayant sa résidence habituelle sur le territoire d’une des Parties contractantes» ou encore «les ressortissants d’un État contractant [et] les personnes [...] qui ont eu leur résidence habituelle dans un État contractant dans lequel une procédure judiciaire est ou sera engagée» (14). Or, il me semble bien que les termes de ressortissants et de résidents habituels sont davantage employés pour désigner des personnes physiques.

62.      Il faut également relever que la convention de La Haye tendant à faciliter l’accès international à la justice ne fait jamais mention des personnes morales à son chapitre 1 sur l’assistance judiciaire. Elles sont pourtant expressément visées par les dispositions du chapitre 2 à propos de la cautio judicatum solvi et de l’exequatur des condamnations aux frais et dépens. Autrement dit, cela signifie que l’absence de référence aux personnes morales audit chapitre 1 ne relève pas d’un oubli ou d’une négligence des rédacteurs de ladite convention. Plus significatif encore, la pratique internationale admet ainsi la possibilité de soumettre des personnes morales au paiement de frais de justice (à condition que ceux-ci ne soient pas exigés des demandeurs en raison de leur seule qualité d’étranger) sans prévoir, à leur égard et en contrepartie, un système d’aide judiciaire.

ii)    La CEDH et la jurisprudence de la Cour EDH

63.      En ce qui concerne la CEDH, qui, depuis longtemps déjà, constitue une source de première importance pour l’ordre juridique de l’Union et qui, dans la perspective de l’adhésion de l’Union, deviendra officiellement juridiquement contraignante à son égard sur la base d’un accord international la liant, il faut relever que son article 6, paragraphe 3, sous c), n’évoque l’octroi de l’aide judiciaire que dans le cadre d’affaires pénales. La Cour EDH en a déduit une différence fondamentale puisqu’elle a jugé que «la Convention n’oblige pas à accorder l’aide judiciaire dans toutes les contestations en matière civile. En effet, il y a une nette distinction entre les termes de l’article 6 § 3 c), qui garantit le droit à l’aide judiciaire gratuite sous certaines conditions dans les procédures pénales, et ceux de l’article 6 § 1, qui ne renvoie pas du tout à l’aide judiciaire» (15). Autrement dit, l’article 6, paragraphe 3, sous c), de la CEDH ne peut être interprété de façon si large qu’il imposerait aux États parties à la Convention d’octroyer de manière systématique l’aide judiciaire.

64.      Les refus d’aide judiciaire dans les procédures civiles ne seront donc envisagés par la Cour EDH que par le truchement de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, auquel ladite Cour a rattaché le droit d’accès à un tribunal (16). Dans l’affaire Airey/Irlande, à laquelle les explications ad l’article 47, paragraphe 3, de la charte font référence, une ressortissante irlandaise cherchait à engager une procédure afin d’obtenir la séparation judiciaire à l’égard de son mari. Bien que le ministère d’avocat n’était pas obligatoire, il apparaissait que toutes les parties à une procédure similaire, qui devait obligatoirement être portée à la connaissance de la High Court, s’étaient fait assister d’un avocat. En outre, aucun système d’aide judiciaire n’était alors prévu en Irlande pour les affaires civiles. La Cour EDH a jugé qu’il fallait «rechercher si la comparution devant la High Court sans l’assistance d’un conseil serait efficace, en ce sens que [la requérante] pourrait présenter ses arguments de manière adéquate et satisfaisante» (17). La Cour EDH reconnaît que la CEDH n’a pas pour objet la mise en place généralisée d’un système d’aide judiciaire, mais qu’elle «se borne à exiger que l’individu jouisse de son droit effectif d’accès à la justice selon des modalités non contraires à l’article 6, paragraphe 1» (18). La Cour EDH admet que «la [CEDH] ne renferme aucune clause sur l’aide judiciaire» (19) pour les contestations de caractère civil, mais que «l’article 6, paragraphe 1, peut parfois astreindre l’État à pourvoir à l’assistance d’un membre du barreau quand elle se révèle indispensable à un accès effectif au juge soit parce que la loi prescrit la représentation par un avocat, comme la législation nationale de certains États contractants le fait pour diverses catégories de litiges, soit en raison de la complexité de la procédure ou de la cause» (20).

65.      L’appréciation à laquelle se livre la Cour EDH est évidemment très dépendante des circonstances de l’espèce. Dans l’affaire Del Sol/France, la requérante (là encore personne physique) considérait que le refus de lui octroyer une aide judiciaire avait eu pour conséquence de la priver d’accès à la Cour de cassation française et l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH avait donc été violé. Or, la Cour EDH n’a pas retenu cette approche, en procédant à une analyse in concreto du système français de l’aide judiciaire et en considérant que «le système mis en place par le législateur français offre des garanties substantielles aux individus, de nature à préserver de l’arbitraire», garanties fournies, d’une part, par les modalités de la composition du bureau d’aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation et, d’autre part, par le fait que les décisions de rejet dudit bureau pouvaient faire l’objet d’un recours devant le premier président de la Cour de cassation (21). Au surplus, la Cour a relevé que la requérante avait pu faire entendre sa cause en première instance, puis en appel (22). La Cour EDH avait préalablement pris soin de relever que, «comme le soulignait la Commission européenne des droits de l’Homme, à l’évidence, un système d’assistance judiciaire ne peut fonctionner sans la mise en place d’un dispositif permettant de sélectionner les affaires susceptibles d’en bénéficier» (23). Finalement, elle en a déduit que la substance même du droit d’accès à un tribunal de la requérante n’était pas atteinte par le refus du bureau de l’aide juridictionnelle de lui accorder l’aide judiciaire.

66.      Plus récemment, la Cour EDH est venue préciser les critères à prendre en considération au moment de l’évaluation de la compatibilité d’un mécanisme d’aide judiciaire avec la CEDH. Ainsi, la question doit-elle être «tranchée au regard des faits et circonstances particuliers de chaque espèce et dépend notamment de la gravité de l’enjeu pour le requérant, de la complexité du droit et de la procédure applicables, ainsi que de la capacité du requérant de défendre effectivement sa cause» (24). Elle admet, dans le même temps, que le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu et qu’il peut connaître des limitations «à condition que celles-ci poursuivent un but légitime et soient proportionnées» (25). Ainsi la Cour considère-t-elle que l’octroi de l’aide judiciaire puisse être limitée en fonction de la situation financière du plaideur, ou de ses chances de succès dans la procédure (26). La Cour EDH reconnaît encore que les États n’ont pas pour obligation de chercher à garantir, au moyen de fonds publics, une égalité des armes totale entre la personne assistée et son adversaire, du moment que chaque partie se voit offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause (27).

67.      Sans doute, l’usage par la Cour EDH du terme «individu» revêt une importance particulière pour notre affaire lorsqu’elle énonce que la CEDH «se borne à exiger que l’individu jouisse de son droit effectif d’accès à la justice» (28). Toutefois, la Cour EDH a également eu à connaître d’un refus d’aide judiciaire à l’encontre d’une personne morale dans l’affaire VP Diffusion Sarl/France (29). Le refus émane de nouveau du bureau d’aide juridictionnelle de la Cour de cassation française. Le gouvernement français arguait du fait que la CEDH n’obligeait pas à accorder l’aide judiciaire dans toutes les contestations en matière civile, que le refus de l’aide ne portait pas atteinte à la substance même de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH car il répondait à un but légitime et respectait un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens déployés et le but visé. Une fois encore, la Cour EDH va considérer que la substance dudit article 6, paragraphe 1, n’a pas été atteinte notamment en ce que le droit à un tribunal a été satisfait en première instance et en appel. Mais au-delà, elle rappelle également que «la Convention ne donne à un plaideur, dans une procédure concernant ses droits de caractère civil, aucun droit automatique de bénéficier d’une aide juridictionnelle ou d’être représenté par un avocat» (30). Plus encore, la Cour EDH reconnaît que «le système judiciaire peut comporter une procédure de sélection pour les actions civiles, mais qui doit fonctionner de manière non arbitraire, non disproportionnée et sans porter atteinte à la substance du droit d’accès à un tribunal». La Cour EDH poursuit en observant «qu’au plan européen, il n’existe pas de consensus ou du moins une tendance affirmée en matière d’octroi d’aide juridictionnelle. La législation d’un grand nombre d’États ne prévoit pas le bénéfice de cette aide aux personnes morales, quel que soit leur but, commercial ou non lucratif. En l’espèce, la Cour estime que la distinction juridique, dans le régime français d’aide juridictionnelle entre les personnes physiques et les personnes morales avec ou sans but lucratif, fondée sur le régime fiscal de l’aide juridique, n’est pas arbitraire. […] il existe en droit français une base objective – les règles relatives à l’impôt sur les sociétés – qui permet aux sociétés commerciales, même en difficulté financière, de faire face aux dépenses liées à une procédure juridictionnelle». La Cour  EDH considérera même comme non discriminatoire la différence de traitement, pour ce qui concerne l’aide judiciaire, entre les sociétés commerciales, d’une part, et les personnes physiques et les personnes morales à but non lucratif, d’autre part, car cette différence est fondée sur une justification objective et raisonnable, à savoir le régime fiscal de l’aide juridique.

68.      Il me paraît résulter de ce qui précède que la CEDH, telle qu’interprétée par la Cour EDH, ne contient aucune disposition faisant expressément obligation aux États parties de mettre en place un système d’aide judiciaire au bénéfice inconditionnel tant des personnes physiques que des personnes morales. Certes, rien ne saurait s’opposer à ce que l’ordre juridique de l’Union offre une protection plus élevée de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (31). Toutefois, il n’existe pas non plus de réel fondement juridique explicite permettant d’exiger de la République fédérale d’Allemagne qu’elle reconsidère, per se, son mécanisme d’aide judiciaire en faveur des personnes morales.

iii) Au niveau de l’Union

69.      L’article 47, paragraphe 3, de la charte, auquel la directive 2003/8 fait référence, mais sans force contraignante à l’époque des faits au principal, prévoit que l’aide judiciaire est accordée «à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes». Les deux autres alinéas de ce même article font, pour leur part, référence à «toute personne». Les explications de la charte (32) renvoient tant à l’arrêt Airey/Irlande (33) qu’au système d’aide mis en place devant les juridictions de l’Union, de sorte qu’aucune conclusion définitive ne peut être tirée de la consécration par la charte d’un droit à l’aide judiciaire, au demeurant largement emprunté à la CEDH.

70.      En outre, aucune norme harmonisant les conditions dans lesquelles l’aide judiciaire doit être octroyée et applicable à notre affaire n’a pu être recensée. Toutefois, et bien que non-applicable en l’espèce, la directive 2003/8 contient des éléments nous permettant d’être utilement éclairés sur la façon dont le législateur de l’Union conçoit, à ce jour, l’aide judiciaire.

71.      La directive 2003/8 tend à organiser les conditions d’octroi de l’aide judiciaire pour les litiges transfrontaliers. Or, dans de telles hypothèses, le bénéfice de l’aide judiciaire n’est reconnu qu’aux personnes physiques, le treizième considérant de ladite directive visant «tous les citoyens de l’Union, où que soit situé leur domicile ou résidence habituelle» et l’article 3 de celle-ci posant le principe selon lequel «toute personne physique» peut prétendre à une aide judiciaire dans les conditions et les limites fixées par la directive 2003/8.

72.      Les règlements de procédure devant les juridictions de l’Union ne sont pas davantage favorables aux personnes morales. Que ce soit devant le Tribunal de la fonction publique (devant lequel l’hypothèse d’une saisine par une personne morale est toutefois plus limitée) ou devant le Tribunal, l’aide judiciaire est réservée strictement aux personnes physiques (34), et ce même lorsque la demande d’aide judiciaire est introduite par l’administrateur de la faillite d’une société commerciale (35).

73.      Devant notre Cour, la situation est probablement plus ambiguë. L’article 76, paragraphe 1, premier alinéa, de son règlement de procédure utilise non pas le vocable «personne» mais celui de «partie». Il aurait ainsi pu bénéficier d’une interprétation large, les parties pouvant être à la fois des personnes physiques et des personnes morales.

74.      Il apparaît toutefois que la pratique a consisté à rejeter, de manière systématique, les demandes d’aide judiciaire introduites devant la Cour par les personnes morales. Bien que, pendant longtemps, il n’ait pas été fait obligation à la Cour de motiver ses ordonnances de rejet de l’aide judiciaire (36), il est possible de supposer, compte tenu de la constance de la pratique, que ces refus ont été fondés sur le fait que la demanderesse était une personne morale (37).

75.      Le refus d’octroyer l’aide judiciaire devant le Tribunal, donc y compris dans l’hypothèse d’un recours direct, est la preuve que, même au sein des juridictions de l’Union, le principe de l’effectivité du droit de l’Union et le droit au juge dont bénéficient les justiciables ne sont pas absolus, et peuvent connaître des limitations. Certes, les frais exposés devant les juridictions de l’Union sont ceux liés à l’assistance et à la représentation en justice, les différents règlements de procédure n’imposant aucune taxe comparable à celle dont il est question au principal ni aucune caution. Toutefois, l’hypothèse dans laquelle une personne morale, dépourvue de toute possibilité d’obtenir l’aide judiciaire devant le Tribunal, et compte tenu du montant généralement réclamé, notamment dans le domaine du droit de la concurrence, par les avocats, doive renoncer à son action ne saurait être exclue.

iv)    La pratique individuelle des États membres

76.      Sans prétendre à l’exhaustivité, je me bornerai à n’évoquer qu’un certain nombre d’États membres de l’Union afin de démontrer qu’aucune conclusion définitive ne peut être tirée d’un examen comparé des pratiques nationales en matière d’octroi de l’aide judiciaire.

77.      J’ai déjà évoqué le cas français, qui n’envisage la possibilité –exceptionnelle – d’octroyer une aide judiciaire qu’aux personnes morales à but non lucratif ayant leur siège en France et ne disposant pas de ressources suffisantes (38). Les autres personnes morales ne peuvent prétendre à l’aide judiciaire, mais pourront déduire fiscalement les frais liés à une procédure juridictionnelle. La République italienne, pour sa part, a adopté un schéma proche de celui en cause dans l’affaire au principal, puisqu’elle exige le paiement d’une taxe pour l’inscription d’une affaire au rôle en proportion de la valeur de l’affaire. Seuls des «citoyens indigents», selon les propres termes de la législation italienne, pourront éventuellement se voir exonérés du paiement de la taxe (39). En ce qui concerne le Grand-Duché de Luxembourg, l’aide judiciaire est réservée aux personnes physiques, mais certaines d’entre elles ne peuvent toutefois y prétendre: il en va ainsi pour les commerçants, les industriels, les artisans et les membres de professions libérales, pour un litige ayant trait à leur activité commerciale ou professionnelle. De même, l’aide judiciaire ne saurait être accordée pour un litige résultant d’une activité à caractère spéculatif (40). Le Royaume de Danemark réserve le bénéfice de l’aide judiciaire aux personnes physiques, sauf cas tout à fait exceptionnels dans des affaires revêtant une portée de principe ou d’intérêt général; les affaires relevant du domaine industriel et commercial sont en principe exclues du droit à l’aide judiciaire (41).

78.      Ce petit échantillon des pratiques nationales me permet de tirer deux séries de conclusions.

79.      D’abord, il met en exergue l’absence d’un principe véritablement commun qui serait partagé par les États membres en matière d’attribution de l’aide judiciaire et qui pourrait, le cas échéant, se trouver reflété et consacré au niveau de l’Union.

80.      Ensuite, la distinction entre personnes morales à but lucratif et personnes morales à but non lucratif, dans le sens d’une admission plus aisée de ces dernières à l’aide judiciaire, est relativement répandue dans la pratique des États membres.

b)      Application à une situation telle que celle dans l’affaire au principal

81.      Dans la lignée de ce que prescrit la Cour EDH lorsqu’elle a à se prononcer sur le fait de savoir s’il y a eu violation de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, notre Cour a, de jurisprudence constante, considéré que, lorsqu’elle avait à se prononcer sur la compatibilité d’une disposition avec le principe d’effectivité, elle devait l’analyser non pas abstraitement mais par rapport aux circonstances spécifiques du cas d’espèce pour vérifier que le recours n’est pas rendu excessivement difficile et tout «en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu de prendre en considération, s’il échet, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national tels que la protection des droits de la défense, le principe de la sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure» (42). Notre Cour exige, pour qu’une telle limitation au principe d’effectivité soit admise, une raisonnable justification (43). Il faut donc désormais examiner si l’interprétation donnée par les juridictions allemandes de l’article 116, paragraphe 2, de la ZPO peut être justifiée en vue de la sauvegarde d’un des principes susmentionnés.

82.      Bien qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur l’interprétation du droit interne, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi qui doit, en l’occurrence, déterminer si les exigences d’équivalence et d’effectivité sont satisfaites par les dispositions nationales pertinentes, la Cour peut toutefois apporter des précisions visant à guider la juridiction nationale dans son appréciation (44), ce que je me propose de faire maintenant.

83.      La difficulté rencontrée par DEB d’accéder à un tribunal naît de l’application de conditions plus restrictives aux personnes morales pour l’obtention de l’aide judiciaire. La question qui nous est posée vise à déterminer si le droit à une protection juridictionnelle effective ainsi que le principe d’effectivité du droit de l’Union doivent être préservés avec la même intensité lorsqu’il s’agit de personnes morales que lorsqu’il s’agit de personnes physiques.

84.      Dans l’ordre juridique allemand, garantir l’accès au tribunal d’une personne morale, au point de lui octroyer une aide judiciaire dont le financement est supporté par la collectivité, ne se conçoit que si l’affaire en question revêt une dimension plus large que les seuls intérêts économiques de ladite personne morale. C’est en tout cas l’interprétation qui a été donnée par les juridictions nationales de l’article 116, paragraphe 2, de la ZPO, et plus précisément de la notion d’«intérêts généraux».

85.      Il me semble qu’il faille être particulièrement vigilant en appréciant les intérêts généraux en cause. D’aucuns pourraient considérer que l’interprétation restrictive donnée à cette disposition nationale a pour conséquence de vider l’article 116 de la ZPO de sa substance et constituerait le fondement d’un rejet systématique déguisé des demandes d’aide judiciaire introduites par les personnes morales.

86.      Cette dernière remarque m’inspire deux réflexions.

87.      D’abord, si la législation allemande en la matière s’avère effectivement restrictive, si elle rend probablement l’introduction d’une action plus difficile pour les personnes morales que pour les personnes physiques, il faut toutefois reconnaître que l’aide judiciaire peut être octroyée, dans l’État allemand, à des personnes morales, ce qui n’est pas le cas de tous les systèmes juridiques des autres États membres de l’Union (45).

88.      L’aide judiciaire n’est, dans tous les cas, jamais conçue comme un droit inconditionnel (46). Même lorsqu’elle concerne les personnes physiques, elle est naturellement soumise à des conditions de ressources, et parfois au caractère bien fondé de la demande.

89.      Ensuite, il me semble que, au moment de réfléchir à la protection juridictionnelle offerte aux justiciables pour ce qui concerne les droits qu’ils tirent du droit de l’Union, une double distinction doit être faite, que ne fait pas explicitement la législation allemande, mais que l’on peut aisément déduire. Il faut, en effet, distinguer selon que l’on est en présence de personnes physiques ou de personnes morales, puis selon que l’on est en présence d’une personne morale poursuivant un but lucratif ou non. La jurisprudence nationale relative à l’article 116, paragraphe 2, de la ZPO tend, en fait, à lutter contre des actions abusives qui pourraient éventuellement être intentées par des personnes morales poursuivant un but lucratif et dont l’unique but de la constitution serait d’engendrer un certain profit du seul fait de l’action procédurière. Dans ces conditions, devoir assurer à de telles entités juridiques un accès effectif à un tribunal, quitte à en faire supporter le prix à la collectivité, et même au nom de l’effectivité du droit de l’Union, ne me semble pas pouvoir être exigé de nos États membres.

90.      L’article 116, paragraphe 2, de la ZPO tel qu’interprété par les juridictions allemandes semble donc avoir pour objet la possibilité d’exclure du bénéfice de l’aide judiciaire les personnes morales à but lucratif qui envisageraient d’ester en justice pour la préservation de leurs seuls intérêts économiques et commerciaux. En quelque sorte, la personne morale doit prendre à sa charge le risque économique relatif à son activité, qu’elle seule supporte, jusque et y compris dans les procédures juridictionnelles.

91.      À cet égard, il faut noter que, aux termes de la directive 2003/8, qui pourtant ne s’applique qu’aux personnes physiques, l’octroi de l’aide judiciaire peut être refusé «si une personne physique formule une revendication découlant directement des activités commerciales du demandeur ou de ses activités en tant que travailleur indépendant» (47). Que ce soit au niveau international ou au niveau de l’Union, il est admis que le bénéfice de l’aide judiciaire puisse être refusé, même à des personnes physiques, dans de tels cas. C’est donc bien que, dans ces cas précis, le risque est assumé de voir une partie privée de son droit d’accès à un tribunal du fait de la mise en balance d’intérêts contradictoires, à savoir celui des parties de faire entendre leur cause et celui des États d’assurer une bonne administration de la justice en même temps que le contrôle de leurs dépenses publiques.

92.      En Allemagne, cette rigueur à l’encontre des personnes morales est toutefois compensée, d’une part, par le fait que, lorsqu’une société à responsabilité limitée est en grave difficulté et qu’une procédure de liquidation doit être enclenchée, la législation allemande prévoit, dans ce cas-là, l’octroi automatique de l’aide judiciaire au liquidateur (48), et, d’autre part, par le fait que, lorsque l’action introduite par la personne morale est susceptible d’avoir de graves répercussions sociales, voire des conséquences économiques qui dépassent le seul cadre de la personne morale requérante, alors les juridictions allemandes considéreront que renoncer à l’action sera contraire aux intérêts généraux, et la condition énoncée à l’article 116, paragraphe 2, de la ZPO sera remplie.

93.      Si l’on considère maintenant l’autre catégorie de personnes morales, c’est-à-dire celles dépourvues de but lucratif, elles ont essentiellement pour objet la défense d’intérêts communs (telles qu’une association de défense des consommateurs, une association de protection de l’environnement, etc.) et peuvent revêtir diverses formes, comme celle d’une association, d’une fondation ou encore d’une amicale. Dans cette hypothèse, il me semble aller de soi que la condition relative à la poursuite d’intérêts généraux serait satisfaite, tant la dimension du litige dépasse le seul cadre des membres ou adhérents desdites personnes morales sans but lucratif, et alors elles pourraient bénéficier de l’aide judiciaire et intenter sans difficulté une action en responsabilité de l’État du fait de la violation du droit de l’Union.

94.      Ainsi, ce sont non pas le droit d’accès des personnes morales à un tribunal et, partant, le principe d’effectivité à leur égard du droit de l’Union qui se trouveraient limités par la législation allemande, mais seulement celui des personnes morales poursuivant un but lucratif.

95.      Ce constat appelle deux séries de précisions.

96.      Premièrement, cette distinction dans l’octroi de l’aide judiciaire semble implicitement avoir déjà été admise par la Cour EDH (49). Pourtant, soumettre les personnes morales poursuivant un but économique à des conditions plus restrictives pour l’octroi de l’aide judiciaire rend l’accès à cette aide plus difficile, multiplie les hypothèses de rejet et donc les situations dans lesquelles les personnes morales ne peuvent effectivement pas accéder à un tribunal. Néanmoins, il est possible de considérer que, dans ces conditions, et eu égard à ce qui précède, la limitation contenue dans la législation allemande constitue une limitation raisonnablement justifiée (50).

97.      Notre Cour a, en effet, déjà admis que le souci du bon déroulement de la procédure, auquel me semblent répondre l’exigence allemande du paiement de la taxe combinée à la législation sur l’aide judiciaire, y compris dans le cas d’une procédure intentée contre l’État, pouvait constituer une limite légitime au principe d’effectivité (51). L’État, au même titre que toute autre partie défenderesse, doit être en mesure de se prémunir des actions abusives, compte tenu du coût que représentent pour la collectivité l’occupation de ses prétoires ainsi que sa défense. Obliger l’État à pallier l’impécuniosité de toutes les personnes, physiques et morales, ne pouvant s’acquitter des frais de justice s’avérerait, à cet égard, contre-productif.

98.      Ni la CEDH ni la jurisprudence de la Cour EDH ne me permettent d’affirmer qu’il existe un droit inconditionnel à l’aide judiciaire dont les titulaires seraient les personnes morales. Bien sûr, l’article 52, paragraphe 3, de la charte (52), si la Cour devait décider qu’il puisse effectivement s’appliquer en l’espèce avec force contraignante, pourrait nous permettre d’aller plus loin que la garantie offerte jusque-là par la CEDH et par la jurisprudence de la Cour EDH. Une interprétation large pourrait être donnée à l’article 47, paragraphe 3, de la charte, qu’il faudrait lire comme faisant obligation aux États membres d’accorder une aide judiciaire aux personnes morales. Toutefois, une telle lecture me paraît, en l’état actuel du droit de l’Union, excessive.

99.      En effet, le préambule de la charte énonce que «[l]a présente Charte réaffirme, dans le respect des compétences et des tâches de l’Union, ainsi que du principe de subsidiarité, les droits qui résultent notamment des traditions constitutionnelles et des obligations internationales communes aux États». Or, comme j’ai tenté de le démontrer, il est impossible de déduire de la pratique des États membres une quelconque tradition constitutionnelle commune aux États membres. Quant à la pratique internationale, le résultat de son analyse tend plutôt à conclure à l’inexistence d’une obligation internationale à la charge de l’État d’octroyer une aide judiciaire aux personnes morales.

100. Adopter, dans le traitement d’une affaire dont les faits sont antérieurs à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et, partant, de la charte, une interprétation à ce point extensive de l’article 47, paragraphe 3, de ladite charte me semble aller à l’encontre de l’esprit de coopération loyale qui doit animer l’Union autant que ses États membres.

101. Le principe d’effectivité du droit de l’Union ne peut pas être interprété en ce sens qu’il obligerait les États membres, dans une configuration telle que celle en cause au principal, c’est-à-dire dans toutes les actions en responsabilité intentées contre les États membres pour violation du droit de l’Union, à octroyer de manière systématique une aide judiciaire aux personnes morales, sauf à méconnaître le caractère pourtant nécessairement conditionné de l’aide judiciaire. En outre, si une telle approche devait être retenue, le risque serait grand de voir le droit de l’Union instrumentalisé par des entités juridiques dont les actions juridictionnelles ne poursuivraient qu’un strict but économique.

102. Deuxièmement, la différence de traitement entre personnes morales (poursuivant un but lucratif) et personnes physiques, dans l’ordre juridique allemand, quant à l’octroi de l’aide judiciaire est considérablement atténuée par le fait que le gouvernement allemand a admis lors de l’audience que la préservation de l’effectivité du droit de l’Union et, partant, la protection des droits que les justiciables en tirent peuvent tout à fait constituer des «intérêts généraux» qu’il importe de protéger en octroyant une aide judiciaire à la personne morale qui la sollicite. Dans ces conditions, il m’apparaît que la question qui nous est posée relève finalement davantage de la compétence interprétative des juridictions nationales allemandes qui ont désormais tous les éléments en main pour adopter une interprétation conforme au droit de l’Union de l’article 116, paragraphe 2, de la ZPO.

VI – Conclusion

103. Eu égard à ce qui précède, je propose de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par le Kammergericht Berlin:

«Compte tenu du fait que, en l’état actuel du droit de l’Union, il n’existe aucun principe général exigeant des États membres qu’ils accordent une aide judiciaire aux personnes morales dans les mêmes conditions que pour les personnes physiques, la compatibilité avec le droit de l’Union d’une réglementation nationale subordonnant l’exercice d’une action en responsabilité de l’État pour violation du droit de l’Union au paiement d’une taxe et prévoyant que l’aide judiciaire, qui a notamment pour objet d’exempter la partie requérante du paiement de la taxe, ne peut pas être accordée à une personne morale qui, sans être en mesure de pouvoir s’acquitter dudit paiement, apparaît ne pas remplir les conditions restrictives prévues par ladite réglementation, doit être examinée en tenant compte de la place de cette réglementation dans l’ensemble de la procédure.

Dès lors, il appartient au juge national de vérifier que le montant de la taxe exigée est adéquat au vu des circonstances de la présente affaire, en particulier du fumus boni juris de l’action envisagée et d’une répartition appropriée, entre l’État et l’usager, des coûts du service de la justice qui prenne dûment en considération la situation de ce dernier, y compris l’origine des dommages qu’il prétend avoir subis.

En outre, le juge national, dans le cadre de l’application du principe d’interprétation conforme, pourra tenir compte du fait que le gouvernement allemand admet que la préservation de l’effectivité du droit de l’Union – et, partant, la protection des droits que le justiciable en tire – peut constituer l’un des ‘intérêts généraux’ qu’il convient de prendre en considération au moment de statuer sur une demande d’aide judiciaire introduite par une personne morale.»


1 – Langue originale: le français.


2 – JO L 26, p. 41.


3 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (JO L 204, p. 1).


4 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30 (JO L 176, p. 57).


5 – Arrêt du 1er avril 2004, Commission/Allemagne (C-64/03, Rec. p. I‑3551).


6 – Arrêt du 13 mars 2007, Unibet (C-432/05, Rec. p. I-2271, point 37 et jurisprudence citée).


7 – À propos de cette dernière, je souhaite faire remarquer que, bien que n’ayant pas force contraignante au moment des faits au principal, elle constitue indéniablement un élément qu’il faut prendre en considération dans notre affaire, compte tenu notamment du fait que le législateur de l’Union a explicitement reconnu son importance au cinquième considérant de la directive 2003/8 (pour une situation similaire, voir arrêt du 27 juin 2006, Parlement/Conseil, C-540/03, Rec. p. I‑5769, point 38).


8 – Arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, Rec. p. 629, point 16); du 19 juin 1990, Factortame e.a. (C-213/89, Rec. p. I-2433, point 19), ainsi que du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357, point 32).


9 – Arrêt du 10 juillet 1997, Palmisani (C-261/95, Rec. p. I-4025, point 27).


10 – Arrêt du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales (C‑118/08, non encore publié au Recueil, point 33 et jurisprudence citée).


11 – Arrêts du 1er juillet 1993, Hubbard (C-20/92, Rec. p. I-3777); du 26 septembre 1996, Data Delecta et Forsberg (C‑43/95, Rec. p. I‑4661); du 20 mars 1997, Hayes (C-323/95, Rec. p I-1711), ainsi que du 2 octobre 1997, Saldanha et MTS (C‑122/96, Rec. p. I-5325).


12 – Contrairement à ce que prévoit la législation italienne, par exemple, qui autorise le recouvrement forcé a posteriori de la taxe qui n’aurait pas été payée en amont de la procédure.


13 – Comme la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la «Cour EDH») a déjà eu l’occasion de le vérifier, puisqu’elle considère également que «l’exigence de payer aux juridictions civiles des frais afférents aux demandes dont elles ont à connaître ne saurait passer pour une restriction au droit d’accès à un tribunal incompatible en soi avec l’article 6 § 1 de la [CEDH]», à condition toutefois de ménager «un juste équilibre entre, d’une part, l’intérêt de l’État à percevoir des frais de procédure pour traiter les demandes, et, d’autre part, l’intérêt du requérant à faire valoir ses prétentions devant les tribunaux» (Cour eur. D. H., arrêt Kreuz/Pologne du 19 juin 2001, requête n° 28249/95, respectivement points 60 et 66). On notera que le requérant, en l’espèce, était une personne physique.


14 – Voir, respectivement, article 20 de la convention de La Haye relative à la procédure civile; article 1er de l’accord européen sur la transmission des demandes d’assistance judiciaire, et article 1er de la convention de La Haye tendant à faciliter l’accès international à la justice.


15 – Cour eur. D. H., arrêt Del Sol/France du 26 février 2002 (requête n° 46800/99, § 20).


16 – Voir Cour eur. D. H., arrêt Golder/Royaume-Uni du 21 février 1975 (requête n° 4451/70).


17 – Cour eur. D. H., arrêt Airey/Irlande du 9 octobre 1979 (requête n° 6289/73, § 24).


18 – Ibidem (§ 26).


19 – Idem.


20 – Idem.


21 – Cour eur. D. H., arrêt Del Sol/France, précité (§ 26).


22 – Idem.


23 – Cour eur. D. H., arrêt Del Sol/France, précité (§ 23).


24 – Cour eur. D. H., arrêt Steel et Morris/Royaume-Uni du 15 février 2005 (requête n° 68416/01, § 61).


25 – Ibidem (§ 62).


26 – Ibidem (§ 62 et jurisprudence citée).


27 – Idem.


28 – Voir arrêt Airey/Irlande, précité (§ 26).


29 – Cour eur. D. H., arrêt VP Diffusion Sarl/France du 26 août 2008 (requête n° 14565/04).


30 – Idem.


31 – Il me faudra revenir sur ce point lorsqu’il sera question de la charte: voir points 98 et suiv. des présentes conclusions.


32 – JO 2007, C 303, p. 30.


33 – Précité.


34 – Pour une illustration récente devant le Tribunal, voir ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 11 janvier 2010, Commission/Edificios Inteco (T-235/09 AJ), selon laquelle, «si la demande doit être considérée comme étant introduite au nom d’Edificios Inteco, elle doit être rejetée au motif qu’une personne morale […] ne saurait bénéficier de l’aide judiciaire dès lors qu’il ressort de l’article 94, paragraphe 2, du règlement de procédure, que seules les personnes physiques qui sont dans l’incapacité totale ou partielle de faire face aux frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal ont le droit de bénéficier de l’aide judiciaire» (point 3).


35 – Arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI-easyGroup IP Licensing (easyHotel) (T-316/07, Rec. p. II-43, points 16 à 30).


36 – Voir la modification du règlement de procédure de la Cour en date du 12 juillet 2005, modifiant notamment l’article 76, paragraphe 3, deuxième alinéa, lequel prévoit désormais que les ordonnances de refus total ou partiel de l’admission au bénéfice de l’aide judiciaire gratuite devront être motivées (JO L 203, p. 19).


37 – Voir ordonnances du 6 juin 1980, Jenkins (96/80 AJ); du 7 mai 1992, Emerald Meats/Commission (C-106/90 AJ, C‑317/90 AJ et C-129/91 AJ); du 4 mars 1994, Iraco/Commission (C-3/94 AJ); du 29 février 1996, Merck et Beecham (C‑267/95 AJ et C-268/95 AJ); du 3 février 1997, Commission/Iraco (C-337/96 AJ), ainsi que du 23 septembre 1999, Simap (C-303/98 AJ). À ma connaissance, la Cour n’a rendu qu’une seule ordonnance motivée de rejet de la demande d’aide judiciaire introduite par une amicale; de façon surprenante, la Cour y a procédé à la vérification, dans le cas d’espèce, que la demanderesse remplissait bien les conditions fixées par l’article 76 de son règlement de procédure. Elle a ainsi vérifié si la personne morale requérante pouvait justifier de son indigence et si son action ne paraissait pas manifestement infondée. C’est parce que les deux conditions n’étaient pas remplies en l’espèce qu’elle a refusé l’octroi de l’aide judiciaire (voir ordonnance du 26 octobre 1995, Amicale des résidents du square d’Auvergne, C‑133/95 AJ).


38 – Voir article 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, modifié par la loi n° 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l’assurance de protection juridique (JORF du 21 février 2007, p. 3051).


39 – Testo unico in materia di spese di giustizia 115/2002 (article 74, paragraphe 2).


40 – Pour l’ensemble de ces restrictions à l’octroi de l’aide judiciaire pour les personnes physiques au Luxembourg, voir article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la loi du 18 août 1995 concernant l’aide judiciaire (Mémorial A n° 81, p. 1914).


41 – Articles 325 à 336 du code de procédure (Retsplejeloven).


42 – Arrêts du 14 décembre 1995, Peterbroeck (C-312/93, Rec. p. I‑4599, point 14), et van Schijndel et van Veen (C-430/93 et C‑431/93, Rec. p. I‑4705, point 19), ainsi que arrêt du 3 septembre 2009, Fallimento Olimpiclub (C-2/08, non encore publié au Recueil, point 27).


43 – Arrêt Fallimento Olimpiclub, précité (point 31). Cette expression n’est pas sans rappeler la nature du test de compatibilité que la Cour EDH fait au regard de la CEDH, puisqu’elle considère qu’«une limitation de l’accès à une cour ou à un tribunal ne se concilie avec l’article 6 § 1 que si elle tend à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé» (voir arrêt Kreuz/Pologne, précité, § 55 et jurisprudence citée).


44 – Arrêt du 29 octobre 2009, Pontin (C-63/08, non encore publié au Recueil, point 49 et jurisprudence citée).


45 – Voir points 76 et suiv. des présentes conclusions.


46 – Voir, notamment, arrêt Kreuz/Pologne, précité (§ 59).


47 – Voir dix-septième considérant et article 6, paragraphe 3, de la directive 2003/8. Cette limitation semble également admise dans son principe par la Cour EDH: voir arrêt Kreuz/Pologne, précité (§ 63).


48 – Article 116, paragraphe 1, de la ZPO; au demeurant, cette hypothèse est étrangère à la question de l’effectivité du droit de l’Union


49 – Voir arrêt VP Diffusion Sarl/France, précité.


50 – Selon l’expression employée par la Cour dans l’arrêt Peterbroeck, précité (point 20).


51 – Arrêt Peterbroeck, précité.


52 – Lequel dispose que, «[d]ans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la [CEDH], leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue».

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