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Document 62006CJ0418

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 24 avril 2008.
Royaume de Belgique contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi - FEOGA - Secteur des cultures arables - Apurement des comptes du FEOGA - Système fiable et opérationnel de contrôle - Dépenses exclues du financement communautaire - Correction forfaitaire - Application rétroactive de la réglementation sur les contrôles - Obligations implicites - Principe de proportionnalité - Sécurité juridique - Compétence de pleine juridiction.
Affaire C-418/06 P.

Recueil de jurisprudence 2008 I-03047

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2008:247

Affaire C-418/06 P

Royaume de Belgique

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — FEOGA — Secteur des cultures arables — Apurement des comptes du FEOGA — Système fiable et opérationnel de contrôle — Dépenses exclues du financement communautaire — Correction forfaitaire — Application rétroactive de la réglementation sur les contrôles — Obligations implicites — Principe de proportionnalité — Sécurité juridique — Compétence de pleine juridiction»

Sommaire de l'arrêt

1.        Agriculture — Politique agricole commune — Financement par le FEOGA

(Règlements du Conseil nº 729/70 et nº 3508/92; règlements de la Commission nº 3887/92 et nº 2419/2001)

2.        Agriculture — FEOGA — Apurement des comptes

3.        Agriculture — Politique agricole commune — Financement par le FEOGA

(Règlements du Conseil nº 729/70 et nº 1258/99)

4.        Agriculture — FEOGA — Apurement des comptes

(Règlement du Conseil nº 729/70)

5.        Agriculture — FEOGA — Apurement des comptes

(Art. 229 CE)

1.        Même si la réglementation communautaire relative à l’octroi des aides et des primes n’impose pas expressément aux États membres d’instaurer des mesures de surveillance et des modalités de contrôle telles que celle, évoquée par la Commission lors d'un apurement des comptes du FEOGA, de réduire la superficie à prendre en compte dans le calcul des aides lorsque la superficie déclarée est supérieure à la superficie encodée dans le Système d'information géographique informatisé (SIG), il n’en reste pas moins que cette obligation peut découler, le cas échéant implicitement, du fait que, en vertu de la réglementation en question, il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance.

En effet, d'une part, le contrôle administratif et l’inspection sur place ont été conçus par le législateur communautaire comme deux moyens de vérification qui, tout en étant distincts, se complètent réciproquement. D'autre part, ce contrôle administratif, qui précède les inspections sur place, doit être effectué de manière à permettre aux autorités nationales de tirer toutes les conclusions possibles, certitudes ou doutes, quant au respect des conditions de l’octroi des aides et des primes. Or, en l’absence de contrôle sur place ou de toute autre vérification complémentaire, ni les superficies déclarées ni celles issues du SIG ne peuvent être confirmées comme étant exactes. Dès lors, la contradiction entre ces deux sources d’informations est susceptible de constituer une anomalie indiquant un risque de perte pour le FEOGA qui appelle de l’État membre en cause l’adoption de mesures de contrôle, qu’il s’agisse de contrôles sur place ou de toute autre vérification complémentaire.

(cf. points 68, 70, 72-73, 75)

2.        Lors de l'élaboration des décisions relatives à l'apurement des comptes du FEOGA, chaque cas doit en principe être apprécié séparément en vue de constater si l’État membre en question a, lors de la réalisation des opérations financées par le FEOGA, respecté ou non les exigences découlant du droit communautaire et, s’il y a manqué, dans quelle mesure. Un État membre ne saurait invoquer une violation du principe d'égalité de traitement que dans la mesure où les cas invoqués sont à tout le moins comparables, eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent, parmi lesquels figurent notamment la période au cours de laquelle les dépenses ont été effectuées, les secteurs concernés et la nature des irrégularités reprochées. Il peut y avoir une discrimination prohibée dans le cas où des situations comparables sont traitées de manière différente, à moins qu’un tel traitement ne soit justifié objectivement. Or, la situation d'un État membre qui dispose, grâce à un système volontairement mis en place, d'informations pertinentes dont les autres États membres ne disposent pas n'est pas comparable à celle de ces derniers.

(cf. points 91-94)

3.        En matière d'apurement des comptes du FEOGA, le fait qu'une procédure soit perfectible ne justifie pas, en soi, une correction financière. Il doit exister une carence significative dans l'application des règles communautaires explicites et une telle carence doit exposer le FEOGA à un risque réel de perte ou d'irrégularité. Une correction forfaitaire peut être appliquée, même lorsque les carences sont constatées dans l’application de règles implicites, pour autant que le respect de ces règles implicites soit nécessaire pour respecter une règle explicite.

(cf. points 124, 126)

4.        Dans le cadre de la procédure d'apurement des comptes du FEOGA, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles communautaires, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer. À cet égard, lorsque la Commission, au lieu de rejeter la totalité des dépenses concernées par l’infraction, s’est efforcée d’établir des règles visant à instaurer un traitement différencié des cas d’irrégularités, selon le niveau de carence des contrôles et le degré de risque encouru par le FEOGA, l’État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et inéquitables

(cf. points 135, 138)

5.        En matière de FEOGA, aucune disposition n’est venue confier aux juridictions communautaires un pouvoir de pleine juridiction, tel que prévu à l’article 229 CE. Une compétence de pleine juridiction de ces juridictions sur les montants des corrections financières arrêtées par la Commission dans le cadre de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA ne saurait trouver appui sur le prétendu caractère de sanction que celles-ci revêtiraient. En effet, de telles corrections tendent à éviter la mise à la charge du FEOGA de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation communautaire en cause et ne constituent donc pas une sanction.








ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

24 avril 2008 (*)

«Pourvoi – FEOGA – Secteur des cultures arables – Apurement des comptes du FEOGA – Système fiable et opérationnel de contrôle – Dépenses exclues du financement communautaire – Correction forfaitaire – Application rétroactive de la réglementation sur les contrôles – Obligations implicites – Principe de proportionnalité – Sécurité juridique – Compétence de pleine juridiction»

Dans l’affaire C‑418/06 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 9 octobre 2006,

Royaume de Belgique, représenté initialement par Mme A. Hubert, puis par Mme L. Van den Broeck, en qualité d’agents, assistées de Mes H. Gilliams, P. de Bandt et L. Goossens, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Nolin et L. Visaggio, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. L. Bay Larsen, K. Schiemann, J. Makarczyk et Mme C. Toader (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 juin 2007,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 janvier 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, le Royaume de Belgique demande notamment à la Cour:

–        d’annuler l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 25 juillet 2006, Belgique/Commission (T‑221/04, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision 2004/136/CE de la Commission, du 4 février 2004, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «Garantie» (JO L 40, p. 31, ci-après la «décision litigieuse»), et, subsidiairement, à la réduction, s’agissant de cet État membre, de la correction financière arrêtée par la Commission des Communautés européennes dans la décision litigieuse à un montant de 1 079 814 euros;

–        de faire droit à ses conclusions de première instance et, partant, d’annuler la décision litigieuse;

–        à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et, sur le fondement d’une compétence de pleine juridiction que la Cour détiendrait en la matière, de réduire à un montant de 1 491 085 euros la correction financière arrêtée par la Commission.

I –  Le cadre juridique

A –  Le financement des dépenses par le FEOGA

2        Le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié par le règlement n° 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1, ci-après le «règlement n° 729/70»), établit les règles générales applicables au financement de la politique agricole commune. Le règlement (CE) n°1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103) remplace le règlement n° 729/70 pour les dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000.

3        Il ressort des articles 1er, paragraphe 2, sous b), et 3, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 que les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles, entreprises selon les règles communautaires, sont financées dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles par le FEOGA, section «Garantie».

4        L’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70 prévoit que la Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire, lorsqu’elle constate que ces dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.

5        L’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 est rédigé dans les mêmes termes que ceux de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70.

6        L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 dispose:

«Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour:

–        s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds,

–        prévenir et poursuivre les irrégularités,

–        récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

[…]»

7        L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1258/1999 est rédigé dans les mêmes termes que ceux de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70.

B –  Les orientations de la Commission

8        La Commission a adopté, le 23 décembre 1997, des «Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie» (document n° VI/5330/97 de la Commission, ci-après les «orientations»). Celles-ci prévoient qu’une correction forfaitaire de 2 %, de 5 %, de 10 % et de 25 %, voire plus, en fonction de l’importance des manquements constatés dans la mise en œuvre des contrôles, pourra être appliquée aux dépenses déclarées par un État membre, lorsque les informations à la disposition de la Commission ne permettent pas d’évaluer les pertes subies par la Communauté européenne du fait desdits manquements

C –  La réglementation en matière de contrôle dans le secteur des cultures arables

9        Le règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires (JO L 355, p. 1), prévoit, en ses articles 1er et 2, que chaque État membre met en place un tel système intégré qui comprend, notamment, une base de données informatisée, un système d’identification des parcelles agricoles et un système intégré de contrôle.

10      L’article 4 du règlement n° 3508/92 indique, dans sa version initiale, que le système d’identification des parcelles est constitué sur la base de plans et de documents cadastraux, d’autres références cartographiques ou à partir de photographies aériennes ou d’images spatiales. Dans sa version modifiée par le règlement (CE) n° 1593/2000, du Conseil, du 17 juillet 2000 (JO L 182, p. 4), ce même article prévoit que les techniques utilisées s’appuient sur un système d’information géographique informatisé (ci-après le «SIG»), comprenant de préférence une couverture d’ortho-imagerie aérienne ou spatiale.

11      L’article 8 du règlement n° 3508/92 dispose:

«1.      L’État membre procède à un contrôle administratif des demandes d’aides.

2.      Les contrôles administratifs sont complétés par des contrôles sur place portant sur un échantillon des exploitations agricoles. Pour l’ensemble de ces contrôles, l’État membre établit un plan d’échantillonnage.

[…]

4.      Les autorités nationales peuvent, dans des conditions à fixer, utiliser la télédétection pour déterminer les superficies des parcelles agricoles, pour en identifier l’utilisation et pour en vérifier l’état.

[…]»

12      L’article 6 du règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires (JO L 391, p. 36), tel que modifié par le règlement (CE) nº 1678/98 de la Commission, du 29 juillet 1998 (JO L 212, p. 23, ci-après le «règlement n° 3887/92»), dispose:

«1.      Les contrôles administratifs et sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions pour l’octroi des aides et primes.

2.      Le contrôle administratif […] visé à l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 3508/92 comporte notamment:

a)      des vérifications croisées relatives aux parcelles et aux animaux déclarés, afin d’éviter tout double octroi d’aides injustifié au titre de la même année civile;

[…]

3.      Les contrôles sur place portent au moins sur un échantillon significatif de demandes. Cet échantillon doit représenter au moins:

[…]

–        5 % des demandes d’aides ‘surfaces’ […]

Au cas où des visites sur place font apparaître des irrégularités significatives dans une région ou partie de région, les autorités compétentes effectuent des contrôles supplémentaires dans l’année en cours et augmentent le pourcentage des demandes à contrôler l’année suivante pour cette région ou partie de région.

4.      Les demandes faisant l’objet de contrôles sur place sont déterminées par l’autorité compétente notamment sur base d’une analyse des risques ainsi que d’un élément de représentativité des demandes d’aides introduites. L’analyse des risques tient compte:

–        des montants d’aides,

–        du nombre de parcelles, de la surface ou du nombre d’animaux pour lequel l’aide est demandée,

–        de l’évolution en comparaison avec l’année précédente,

–        des constatations faites lors de contrôles pendant les années précédentes,

–        d’autres paramètres à définir par les États membres,

–        des infractions au règlement (CE) n° 820/97.

[…]

7.      La détermination de la superficie des parcelles agricoles se fait par tout moyen approprié défini par l’autorité compétente et garantissant une exactitude de mesurage au moins équivalente à celle requise pour les mesurages officiels selon les dispositions nationales. Cette autorité détermine une marge de tolérance, compte tenu notamment de la technique de mesure utilisée, de la précision des documents officiels disponibles, de la situation locale (par exemple pente ou forme des parcelles) et des dispositions de l’alinéa suivant.

[…]

8.       L’éligibilité des parcelles agricoles est vérifiée par tout moyen approprié. À cet effet, il est demandé, si nécessaire, la fourniture de preuves supplémentaires.

[…]»

13      L’article 9 du règlement n° 3887/92 dispose:

«1.      Lorsqu’il est constaté que la superficie effectivement déterminée est supérieure à celle déclarée dans la demande d’aides ‘surfaces’, la superficie déclarée est prise en compte pour le calcul du montant de l’aide.

2.      Lorsqu’il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d’aides ‘surfaces’ dépasse la superficie déterminée, le montant de l’aide est calculé sur base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle. […]

[…]»

14      L’article 31, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission, du 11 décembre 2001, portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires établis par le règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil (JO L 327, p. 11) dispose:

«[…] lorsque la superficie déclarée dans une demande d’aide est supérieure à la superficie déterminée pour le même groupe de cultures à la suite de contrôles administratifs ou de contrôles sur place, le montant de l’aide est calculé sur la base de la superficie déterminée pour ce groupe de cultures.»

II –  Les faits à l’origine du litige tels qu’ils résultent de l’arrêt attaqué

15      Les autorités belges ont adopté, dès 1996, un système d’identification des parcelles agricoles établi sur la base de photographies aériennes issues du SIG, tel qu’il est prévu à l’article 4 du règlement n° 3508/92. Les parcelles étaient identifiées sur ces photographies aériennes par un marquage manuel effectué par les exploitants agricoles eux-mêmes, puis l’administration procédait à un encodage graphique de ces données dans le SIG.

16      Conformément aux articles 9, paragraphe 2, du règlement n° 729/70 et 9, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, les services de la Commission chargés de l’apurement des comptes du FEOGA ont procédé en Belgique à des vérifications, du 15 au 17 mai 2001, portant sur le secteur des cultures arables, en vue de l’apurement pour les exercices budgétaires 1999, 2000 et 2001. Ces services ont conclu à l’existence d’anomalies dans les contrôles effectués par les autorités belges.

17      À la suite d’échanges de courriers, de la réunion bilatérale entre l’État membre concerné et la Commission prévue à l’article 8, paragraphe 1, second alinéa, du règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section «Garantie» (JO L 158, p. 6), et d’une tentative de conciliation conformément à la décision 94/442/CE de la Commission, du 1er juillet 1994, relative à la création d’une procédure de conciliation dans le cadre de l’apurement des comptes du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «Garantie» (JO L 182, p. 45), la Commission a adopté un rapport de synthèse le 30 septembre 2003 (ci‑après le «rapport de synthèse»).

18      Il ressort de ce rapport que la Commission a considéré, d’une part, que le Royaume de Belgique n’avait respecté ni l’article 8 du règlement n° 3508/92 ni les articles 6 et 9 du règlement n° 3887/92, en raison du retard pris dans l’encodage des parcelles dans le SIG, empêchant ainsi certains dossiers d’être pris en compte dans l’analyse des risques. D’autre part, la Commission constatait une violation des dispositions susmentionnées en raison de l’absence de diminution de la superficie des parcelles déclarées dans des demandes d’aides (ci-après la «superficie déclarée») et/ou de l’absence de contrôles sur place, lorsque les contrôles administratifs effectués indiquaient que la superficie déclarée était supérieure à la superficie de ces mêmes parcelles telles que encodées dans le SIG (ci-après la «superficie SIG»).

19      À cet égard, il peut être lu, au point B.7.1.1. dudit rapport, ce qui suit:

«Les services de la Commission ont enquêté sur les anomalies décelées par l’intermédiaire du système de contrôle administratif belge pour les années de récolte 1999 à 2001. Il est apparu que le système d’information géographique belge (GIS) était un outil utile pour déterminer les anomalies ou irrégularités potentielles. Toutefois, lorsque des différences ont été signalées entre les données contenues dans le SIG et les superficies déclarées par les agriculteurs, les mesures adéquates n’ont pas toujours été prises. Les contrôles de suivi réalisés sur place n’ont concerné qu’un nombre limité de cas pour lesquels l’écart était supérieur à 5 % au niveau du groupe de culture. Certaines demandes d’aide, pour lesquelles les différences apparentes dépassaient 5 %, n’ont pas fait l’objet d’une enquête supplémentaire, et les aides ont été versées sur le fondement de la superficie déclarée. Lorsque la différence était inférieure à 5 %, les demandes n’ont absolument pas été considérées comme irrégulières, et les aides ont été versées sans enquête supplémentaire sur le fondement de la superficie déclarée.

Par ailleurs, dans tous les cas qui n’ont pas fait l’objet d’un contrôle sur place, la superficie déclarée par l’agriculteur a été acceptée par le système et indiquée dans le formulaire pré-imprimé de demande qui a été envoyé à l’agriculteur pour l’année suivante. […]

Les autorités belges ont expliqué que, selon elles, seules les superficies réellement mesurées sur place pouvaient être utilisées pour (re)calculer le montant de l’aide.

Les services de la Commission ne sont pas d’accord avec l’argument selon lequel les différences constatées lors d’un contrôle administratif grâce au SIG ne peuvent être utilisées pour justifier juridiquement une réduction du montant de l’aide; ils estiment donc que le suivi des anomalies décelées à la suite du contrôle administratif n’a pas été assuré avec la rigueur nécessaire. Le fait que les autorités belges n’aient pas réduit le montant de l’aide et/ou n’aient pas appliqué de sanctions est clairement à l’origine d’une perte pour le Fonds.»

20      Au point B.7.1.3 du rapport de synthèse, il peut être lu ce qui suit:

«En conclusion, la Belgique n’a pas procédé à certains contrôles secondaires de manière adéquate ou conforme en fonction de la norme réglementaire applicable. En ne diminuant pas les superficies déclarées et/ou en ne procédant pas à des contrôles sur place lorsque le contrôle administratif indiquait des anomalies dans les déclarations, la Belgique est responsable d’un excès de dépenses pour le Fonds.»

21      Le 4 février 2004, la Commission a adopté la décision litigieuse prévoyant que, en ce qui concerne les cultures arables, les dépenses du ou des organismes payeurs agréés par le Royaume de Belgique, déclarées au titre du FEOGA, section «Garantie», pour les exercices financiers 2000-2002, faisaient l’objet d’une réduction forfaitaire de 2 %, correspondant à un montant de 9 322 809 euros, en raison de déficiences dans les contrôles secondaires.

III –  La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

22      Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 avril 2004, le Royaume de Belgique a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. Par ordonnance du 8 juin 2004, la Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal qui l’a enregistrée sous le numéro T‑221/04.

23      Au soutien de son recours, le Royaume de Belgique invoquait trois moyens tirés, premièrement, de l’absence de violation des articles 8 du règlement n° 3508/92 ainsi que 6 et 9 du règlement n° 3887/92, deuxièmement, du non-respect par la Commission des conditions posées dans les orientations s’agissant des notions de carence significative dans l’application des règles communautaires et de risque réel de perte pour le FEOGA et, troisièmement, d’une violation du principe de proportionnalité dans la détermination du montant de la correction financière.

24      Il concluait à ce qu’il plaise au Tribunal annuler partiellement la décision litigieuse en ce qu’elle prévoyait, pour le Royaume de Belgique, une correction forfaitaire de 2 % ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de son pouvoir de pleine juridiction, réduire le montant de la dépense exclue du financement à un montant de 1 079 814 euros et condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission concluait à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le recours et condamner le Royaume de Belgique aux dépens.

26      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a tout d’abord jugé irrecevable le chef de conclusions relatif à la demande de réduction de la correction financière en affirmant que, en matière de FEOGA, aucune disposition n’était venue confier aux juridictions communautaires un pouvoir de pleine juridiction, conformément à l’article 229 CE.

27      Puis, statuant sur le fond, le Tribunal a rappelé la jurisprudence en matière de FEOGA dans ces termes:

«29      À titre liminaire, il convient de rappeler que le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt de la Cour du 24 février 2005, Grèce/Commission, C-300/02, Rec. p. I-1341, point 32, et la jurisprudence citée).

30      Il y a lieu également de rappeler qu’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt Grèce/Commission, point 29 supra, point 33, et la jurisprudence citée). Toutefois, la Commission est tenue non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par celles-ci, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (voir arrêt Grèce/Commission, point 29 supra, point 34, et la jurisprudence citée).

31      L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêt Grèce/Commission, point 29 supra, point 35, et la jurisprudence citée).

32      Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt Grèce/Commission, point 29 supra, point 36, et la jurisprudence citée).

33      Cette définition jurisprudentielle de la charge de la preuve n’est pas affectée par la condition posée par les orientations selon laquelle une correction financière forfaitaire suppose l’existence d’‘une carence significative dans l’application de règles communautaires explicites’. D’une part, cette condition doit être lue à la lumière de celle fournie au paragraphe précédent des orientations selon laquelle les corrections forfaitaires doivent être envisagées lorsque la Commission constate qu’une mesure de contrôle explicitement requise par un règlement ‘ou implicitement nécessaire pour respecter une règle explicite’ n’a pas été effectuée de manière appropriée. D’autre part, exiger de la Commission non seulement qu’elle présente un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve, mais également qu’elle démontre l’existence d’une carence significative dans l’application de règles communautaires explicites serait contraire à la jurisprudence constante de la Cour relative à la charge de la preuve, jurisprudence maintenue après l’adoption des orientations (voir, s’agissant d’une application simultanée de cette jurisprudence et des orientations, arrêts de la Cour du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, C-157/00, Rec. p. I-153, points 28, 29, 35 et 36, et du 24 février 2005, Pays-Bas/Commission, C‑318/02, non publié au Recueil, points 34 et 35).»

28      Le Tribunal a alors indiqué, au point 34 de l’arrêt attaqué, que c’était à la lumière de ces considérations qu’il convenait d’examiner l’argumentation invoquée par le gouvernement belge à l’encontre des motifs sur lesquels la Commission avait fondé la décision litigieuse.

29      Procédant à un examen conjoint du premier moyen et de la première branche du deuxième moyen, le Tribunal a estimé, aux points 47 à 50 de l’arrêt attaqué, sous le titre «Sur la signification des anomalies révélées par la Commission», que les écarts entre la superficie déclarée et la superficie SIG, mis en évidence au stade du contrôle administratif, constituaient des anomalies indiquant des irrégularités potentielles dans les demandes d’aides impliquant un risque de perte pour le FEOGA.

30      Le Tribunal a indiqué, au point 49 dudit arrêt, que les textes en vigueur à l’époque des faits n’obligeaient pas les États membres à utiliser le SIG. Toutefois, il a jugé que, en se dotant par avance du SIG, avant que celui-ci ne soit rendu obligatoire ou obsolète par la généralisation du contrôle par télédétection satellite, les autorités belges s’étaient dotées d’un instrument de contrôle capable de fournir des indications pertinentes allant au-delà des obligations expresses de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92. Selon le Tribunal, la Commission ne pouvait ignorer cet élément établissant l’existence d’un doute sérieux et raisonnable, indiquant clairement un risque de perte pour le FEOGA, au simple motif que le système qui les a révélés n’était pas obligatoire ou n’était pas destiné à cette fin.

31      Le Tribunal a ensuite admis, au point 52 de l’arrêt attaqué, que la réglementation en vigueur à l’époque des faits n’imposait pas expressément aux États membres de recourir aux modalités de contrôle prescrites par la Commission dans son rapport de synthèse. Toutefois, selon le raisonnement du Tribunal, s’appuyant en cela sur la jurisprudence résultant des arrêts de la Cour du 12 juin 1990, Allemagne/Commission (C-8/88, Rec. p. I-2321, point 16), et du 14 avril 2005, Espagne/Commission (C-468/02, point 35), ces obligations de réagir aux anomalies révélées par le SIG découlaient, le cas échéant implicitement, de la réglementation en vigueur, en vertu de laquelle il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance.

32      Le Tribunal précisait, aux points 53 et 54 de l’arrêt attaqué, qu’il résultait de cette réglementation que les États membres sont tenus d’organiser un ensemble de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que les conditions matérielles et formelles d’octroi des aides sont correctement observées. Par ailleurs, le Tribunal a indiqué qu’il ressortait également de la jurisprudence que le contrôle administratif, qui précède les contrôles sur place, doit être effectué de manière à permettre aux autorités nationales de tirer toutes les conclusions possibles, certitudes ou doutes, quant au respect des conditions de l’octroi des aides (voir, notamment, arrêts du 3 octobre 1996, Allemagne/Commission, C‑41/94, Rec. p. I-4733, point 17, et Espagne/Commission, précité, point 40).

33      Le Tribunal a alors estimé, au point 55 de l’arrêt attaqué, que, face à un risque de perte pour le FEOGA clairement identifié lors du contrôle administratif, l’inaction des autorités belges équivaudrait clairement à un défaut d’adoption des mesures de contrôles implicitement nécessaires pour respecter une des règles explicites en vigueur à l’époque des faits.

34      Le Tribunal en concluait, au point 57 de l’arrêt attaqué, que les autorités belges étaient donc tenues de réagir aux anomalies révélées par le SIG.

35      Or, s’agissant des mesures adoptées par le Royaume de Belgique, le Tribunal a estimé, au point 62 de l’arrêt attaqué, que, dans ces conditions et au vu des faits constatés lors des vérifications effectuées au cours du mois de mai de l’année 2001, la Commission avait pu nourrir des doutes sérieux sur l’exactitude des surfaces déclarées et sur l’efficacité des contrôles réalisés.

36      Ensuite, aux points 65 à 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli l’argument de la Commission selon lequel, en raison d’un encodage tardif des données dans le SIG, certains dossiers avaient pu échapper à un contrôle sur place. Le Tribunal a, notamment, estimé:

«69      Le gouvernement belge n’ayant pas apporté d’éléments pertinents permettant de renverser les constatations de la Commission quant à l’absence de contrôle sur place en raison d’un encodage tardif, force est de conclure qu’un certain nombre de dossiers ont échappé à un tel contrôle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 novembre 2005, Italie/Commission, C-307/03, non publié au Recueil, points 33 à 35).

70      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait qu’aucun texte relatif au FEOGA ne prévoyait un encodage graphique avant le 31 août de chaque année. En effet, l’absence d’obligations explicitement prescrites est inapte à faire disparaître les doutes nés de l’absence de contrôle sur place. En tout état de cause, dès lors que ce retard entraîne une absence de contrôle, il contrevient à l’obligation générale de pouvoir procéder à de tels contrôles. De même, le fait que des contrôles sur place aient été menés après le 31 août et aient donné lieu à des corrections ne signifie pas que tous les contrôles nécessaires ont été réalisés et ne démontre pas que ces contrôles sur place résultaient d’une analyse des risques efficace effectuée après le 31 août.»

37      Partant, le Tribunal a conclu, aux points 71 et 72 de cet arrêt, que l’État membre requérant n’avait pas apporté d’éléments suffisants permettant de contredire les doutes sérieux et raisonnables de la Commission à l’égard de la fiabilité des contrôles, doutes nés de l’insuffisante prise en compte des anomalies révélées par le SIG et de l’absence de contrôles. Il a estimé, dès lors, que la Commission était habilitée à appliquer une correction financière. Dans ces conditions, le premier moyen ainsi que la première branche du deuxième moyen ont été rejetés.

38      S’agissant de la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de l’absence de risque réel de perte pour le FEOGA, et du troisième moyen, tiré du caractère disproportionné de la correction forfaitaire au regard du préjudice qu’aurait réellement subi le FEOGA, que le Tribunal a choisi de traiter conjointement, celui-ci n’a pas retenu la méthode de calcul présentée par le Royaume de Belgique pour démontrer le caractère prétendument disproportionné des corrections financières appliquées. Il a notamment souligné, aux points 88 et 90 de l’arrêt attaqué, que les extrapolations présentées par le gouvernement belge, censées démontrer le préjudice maximal subi par le FEOGA, ne tenaient pas compte du recouvrement des paiements indus et qu’il était impossible de savoir si elles incluaient, ou non, les dossiers ayant fait l’objet d’un encodage tardif.

39      Faute pour cet État membre d’avoir pu démontrer le préjudice maximal subi par le FEOGA, le Tribunal en a conclu, aux points 92 et 93 de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait, à bon droit, imposer une correction forfaitaire et que, celle-ci ayant été fixée au niveau le plus bas prévu par les orientations, soit 2 %, et ces orientations n’ayant pas été contestées par le Royaume de Belgique, cette correction ne pouvait pas, par hypothèse, avoir violé le principe de proportionnalité.

40      Partant, le Tribunal a rejeté la deuxième branche du deuxième moyen ainsi que le troisième moyen.

41      Dans ces conditions, le recours a été rejeté et le Royaume de Belgique a été condamné aux dépens.

IV –  Les conclusions des parties

42      Dans le présent pourvoi, le Royaume de Belgique demande à la Cour:

–        d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse;

–        à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et, sur le fondement de sa compétence de pleine juridiction, de réduire la correction financière à un montant de 1 491 085 euros;

–        à titre plus subsidiaire encore, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal;

–        de condamner la Commission aux dépens exposés devant le Tribunal et la Cour.

43      Dans son mémoire en défense, la Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation du Royaume de Belgique aux dépens.

V –  Les moyens du pourvoi

44      À l’appui de son pourvoi, le Royaume de Belgique soulève, en substance, cinq moyens d’annulation de l’arrêt attaqué, tirés respectivement:

–        d’une dénaturation des faits;

–        de violations des articles 8 du règlement n° 3508/92 ainsi que 6 et 9 du règlement n° 3887/92;

–        de violations de l’obligation de motivation;

–        d’une violation du principe de proportionnalité, et

–        d’une erreur de droit s’agissant de l’absence de compétence de pleine juridiction des juridictions communautaires sur les montants des corrections financières arrêtés par la Commission en matière de FEOGA.

A –  Sur le premier moyen, tiré d’une dénaturation des faits

1.     Argumentation des parties

45      Le Royaume de Belgique soutient que le Tribunal a dénaturé les faits en constatant notamment, au point 47 de l’arrêt attaqué, que, «lorsque le SIG fait apparaître, lors du contrôle administratif, que la superficie déclarée dans une demande d’aide est supérieure à la superficie SIG, un tel écart constitue une anomalie indiquant une irrégularité potentielle de cette demande», puisque, «si la superficie SIG correspond davantage à la superficie réelle que celle déclarée dans la demande d’aide, alors le paiement de l’aide à la surface en fonction de la superficie demandée entraîne un paiement indu en faveur du demandeur et, donc, une perte pour le FEOGA».

46      Une telle assertion traduirait une compréhension erronée du fonctionnement du SIG mis en place par le Royaume de Belgique. Elle constituerait, selon ce dernier, une dénaturation des faits dans la mesure où le Tribunal considère le SIG comme un outil de mesurage qui se rapproche davantage des données de superficie réelles que de celles déclarées par les exploitants et que, par conséquent, ce système permettait de constater des anomalies et d’identifier clairement des risques de pertes pour le FEOGA. Or, selon cet État membre, le SIG ne servait qu’à identifier les parcelles agricoles et à détecter les chevauchements de parcelles ainsi que les doubles déclarations, sans permettre de déterminer les superficies réelles des parcelles, notamment en raison du caractère ancien de certaines photographies utilisées.

47      La Commission soutient, pour sa part, que le Tribunal aurait entendu, au point 47 de l’arrêt attaqué, non pas que le SIG était un instrument de mesure, mais que l’inadéquation entre la superficie déclarée et la superficie SIG permettait de nourrir des doutes sérieux sur la réalité de la surface déclarée par l’exploitant. En outre, l’objectif assigné au SIG par le Royaume de Belgique serait insuffisant au regard des exigences posées par l’article 6, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 3887/92, lequel prévoit que le contrôle administratif des demandes d’aides comprend notamment des vérifications croisées. L’usage de l’adverbe «notamment» impliquerait nécessairement que le contrôle administratif comprenne d’autres mesures que ces seules vérifications croisées.

2.     Appréciation de la Cour

48      Il convient de constater que, au point 47 de l’arrêt attaqué, le Tribunal est parti du constat que, lorsque la superficie déclarée dans la demande d’aide était supérieure à la superficie SIG, cela constituait une anomalie indiquant une irrégularité potentielle de cette demande. En effet, dans cette hypothèse et en supposant que la superficie SIG corresponde davantage à la superficie réelle que celle déclarée dans la demande d’aide, le Tribunal a seulement entendu constater que, dans ces circonstances, le paiement de l’aide à la surface en fonction de la superficie déclarée pouvait entraîner un paiement indu en faveur du demandeur et, de ce fait, une perte pour le FEOGA.

49      Le Tribunal n’a toutefois nullement affirmé que le SIG constituait un instrument de mesure fiable, ainsi que tend à lui reprocher le Royaume de Belgique. Répondant aux affirmations de cet État membre quant à l’imprécision des données SIG, il a en revanche souligné, au point 48 de l’arrêt attaqué, que l’imprécision de ces données n’entraînait pas leur absence de signification, mais impliquait, au contraire, que le risque de perte pour le FEOGA ne pouvait être écarté. Le Tribunal a ainsi reconnu l’imprécision des données SIG. Cependant, constatant qu’une telle imprécision empêchait de savoir si cette perte était réelle ou non, il en a conclu que les anomalies ainsi mises en évidence indiquaient un risque de perte pour le FEOGA.

50      En réalité, le Tribunal, notamment au point 49 de l’arrêt attaqué, tendait à considérer le SIG non pas comme un instrument de mesure, mais comme un instrument de contrôle au travers duquel les superficies déclarées pouvaient être appréhendées. Ainsi, il n’a pas entendu conférer davantage de fiabilité aux données de superficies SIG qu’à celles issues des demandes d’aides.

51      S’agissant de la capacité du SIG à révéler des anomalies, il y a lieu de constater que tant les superficies déclarées que les superficies SIG émanaient in fine de déclarations des exploitants, les premières correspondant aux superficies indiquées par ces derniers dans les formulaires de demande d’aide, les secondes résultant du marquage manuel effectué par ceux-ci sur les photographies aériennes.

52      Or, en l’absence de contrôle sur place ou de toute autre vérification complémentaire, ni les superficies déclarées ni celles issues du SIG ne pouvaient être confirmées comme étant exactes. Dès lors, la contradiction entre ces deux sources d’informations était susceptible de constituer une anomalie (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2002, Allemagne/Commission, C-377/99, Rec. p. I‑7421, point 48, ainsi que du 12 janvier 2006, Allemagne/Commission, C‑183/03, points 61 et 62).

53      C’est dès lors à bon droit que le Tribunal, au point 47 de l’arrêt attaqué, a considéré que, lorsque le SIG faisait apparaître, lors du contrôle administratif, que la superficie déclarée était supérieure à la superficie SIG, cet écart constituait une anomalie indiquant une irrégularité potentielle de cette demande.

54      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

B –  Sur le deuxième moyen, tiré de violations des articles 8 du règlement n° 3508/92 ainsi que 6 et 9 du règlement n° 3887/92

55      Le présent moyen se décompose, en substance, en quatre branches qu’il convient d’examiner séparément.

1.     Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 6, paragraphe 7, du règlement n° 3887/92

a)     Argumentation des parties

56      Le Royaume de Belgique considère que le Tribunal a violé l’article 6, paragraphe 7, du règlement n° 3887/92, en estimant que, en se dotant du SIG, cet État membre disposait d’un instrument de mesure pertinent de la superficie des parcelles agricoles, alors que, d’une part, le choix des outils de mesure relève des seuls États membres et que, d’autre part, cet État membre avait opté pour un mesurage officiel par un géomètre ou par la photo-interprétation d’images satellites.

57      Ainsi, le Tribunal ne pouvait constater, au point 49 de l’arrêt attaqué, que les autorités belges s’étaient dotées, par leur SIG, d’un instrument de contrôle capable de fournir des indications pertinentes allant au-delà des obligations expresses de l’article 6, paragraphe 2, dudit règlement.

58      La Commission rappelle que les autorités belges ont choisi, de leur propre chef, cette possibilité d’utiliser les photographies aériennes afin d’effectuer les contrôles administratifs requis par le règlement n° 3508/92. Par conséquent, elles devaient en tirer toutes les conséquences en cas de divergences entre la superficie déclarée et la superficie SIG, ce qu’elles n’ont pas fait. En outre, la référence à l’article 6, paragraphe 7, du règlement n° 3887/92 ne serait pas pertinente, puisque cette disposition relative aux techniques de mesurage s’applique à la détermination de la superficie des parcelles agricoles dans le cadre du contrôle sur place.

b)     Appréciation de la Cour

59      Il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 49 du présent arrêt, le Tribunal n’a pas attribué au SIG la qualité d’instrument de mesure. La circonstance qu’il ait estimé, au point 49 de l’arrêt attaqué, que le SIG était un instrument de contrôle capable de fournir des indications pertinentes allant au-delà des obligations expresses de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92 n’est pas de nature à remettre en cause cette constatation.

60      Par conséquent, il ne saurait être fait grief au Tribunal d’avoir défini en lieu et place du Royaume de Belgique l’instrument de mesure qu’il entendait utiliser conformément à l’article 6, paragraphe 7, du même règlement, aux fins de la détermination de la superficie des parcelles agricoles.

61      Partant, la première branche du deuxième moyen ne saurait être accueillie.

2.     Sur la deuxième branche relative aux obligations implicites

a)     Argumentation des parties

62      Le Royaume de Belgique fait grief au Tribunal d’imposer rétroactivement aux États membres les modalités de contrôle arrêtées par la Commission dans son rapport de synthèse, ayant servi de base à la décision litigieuse, alors même que la réglementation en vigueur à l’époque des faits n’imposait pas de recourir à ces dernières. Les États membres auraient ainsi été tenus, lorsque la superficie déclarée était supérieure à la superficie SIG, soit de procéder à un contrôle sur place, soit de diminuer la superficie à subventionner.

63      Selon le Royaume de Belgique, de telles obligations méconnaîtraient les termes de l’article 6, paragraphe 3, du règlement n° 3887/92, en vertu desquels un contrôle sur place ne devait être effectué que sur un échantillon significatif représentant au moins 5 % des demandes d’aides.

64      Par ailleurs, la réglementation en vigueur ne prévoyait pas, dans le cadre des contrôles administratifs, de réduire la superficie à subventionner sur le seul fondement des données SIG. Une telle réduction n’était prévue, conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92, que lorsque la superficie déclarée était supérieure à celle effectivement déterminée. Or, une telle détermination n’aurait été légalement possible, selon le droit applicable ratione temporis, que dans le cadre d’un contrôle sur place au sens de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 28 novembre 2002, Agrargenossenschaft Pretzsch (C‑417/00, Rec. p. I‑11053, point 48). Une obligation de réduction au stade du contrôle administratif aurait certes été introduite par l’article 31 du règlement n° 2419/2001, mais n’aurait été applicable qu’à compter de l’année de récolte 2002.

65      En outre, l’édiction de telles obligations implicites n’aurait pas été nécessaire dans la mesure où l’État membre requérant avait pris en compte les anomalies susmentionnées dans le cadre de l’analyse des risques.

66      Enfin, ces obligations implicites violeraient, d’une part, le principe de sécurité juridique, en ce qu’elles imposeraient une sanction aux exploitants au stade du contrôle administratif alors qu’une telle sanction n’était prévue, par la réglementation en vigueur ratione temporis, que pour les irrégularités constatées dans le cadre d’un contrôle sur place. D’autre part, elles méconnaîtraient le principe de non-discrimination, en ce qu’elles pénaliseraient le seul État membre qui avait mis en place un système précis et performant sur la base de photographies aériennes allant au-delà des obligations qui lui incombaient au stade du contrôle administratif.

67      La Commission rappelle, tout d’abord, que le contrôle administratif doit porter sur l’ensemble des demandes d’aides. Afin de donner un effet utile à ce contrôle administratif, le Royaume de Belgique, face à l’apparition d’écarts entre la superficie déclarée et la superficie SIG, aurait donc dû réagir. Ce serait dès lors à bon droit que le Tribunal a jugé que l’inaction des autorités belges équivalait à un défaut d’adopter les mesures de contrôle implicitement nécessaires pour respecter une des règles explicites en vigueur à l’époque des faits. Il s’agirait non pas d’une création d’obligations implicites, mais de la constatation d’obligations inhérentes au respect des règles explicites existantes.

68      S’agissant de l’obligation implicite de réduire la superficie à prendre en compte dans le calcul des aides lorsque la superficie déclarée est supérieure à la superficie SIG, la Commission soutient que la jurisprudence de la Cour prévoit cette obligation lors de tout type de contrôles et que, en tout état de cause, les autorités belges auraient pu procéder à un contrôle sur place aux fins de cette réduction. Par ailleurs, l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001, prévoyant une telle réduction au stade du contrôle administratif, ne serait qu’une explicitation de l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92, lequel était applicable ratione temporis.

69      Selon la Commission, l’affirmation relative à la sécurité juridique est dépourvue de fondement, dès lors que, ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 56 de l’arrêt attaqué, il était loisible aux autorités belges de procéder à un contrôle sur place. Par ailleurs, le principe de non‑discrimination, invoqué par le Royaume de Belgique, ne trouverait pas à s’appliquer dans des situations où les États membres disposent, en vertu de la législation communautaire, du choix entre plusieurs options techniques. Dès lors qu’il avait opté pour une méthode d’identification, eût-elle été plus précise que celle retenue par les autres États membres, le Royaume de Belgique était tenu d’utiliser les données résultant de cet outil pour procéder à des contrôles, conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 3887/92.

b)     Appréciation de la Cour

70      À titre liminaire, il y a lieu de constater, ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 52 de l’arrêt attaqué, que, même si la réglementation communautaire relative à l’octroi des aides et des primes n’impose pas expressément aux États membres d’instaurer des mesures de surveillance et des modalités de contrôle telles que celles évoquées par la Commission lors de l’apurement des comptes du FEOGA, il n’en reste pas moins que cette obligation peut découler, le cas échéant implicitement, du fait que, en vertu de la réglementation en question, il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance (voir, en ce sens, arrêts précités du 12 juin 1990, Allemagne/Commission, point 16, et Espagne/Commission, point 35).

71      Par conséquent, la question se pose de savoir si les obligations, auxquelles s’est référé le Tribunal dans l’arrêt attaqué, découlent implicitement de l’obligation qui incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance et, le cas échéant, si de telles obligations méconnaissent certaines dispositions du droit communautaire.

i)     Sur la portée et l’existence des obligations implicites contestées

72      À cet égard, il convient de souligner, d’une part, que le contrôle administratif et l’inspection sur place ont été conçus par le législateur communautaire comme deux moyens de vérification qui, tout en étant distincts, se complètent réciproquement (voir arrêts précités du 3 octobre 1996, Allemagne/Commission, point 43, et Espagne/Commission, point 39). D’autre part, ce contrôle administratif, qui précède les inspections sur place, doit être effectué de manière à permettre aux autorités nationales de tirer toutes les conclusions possibles, certitudes ou doutes, quant au respect des conditions de l’octroi des aides et des primes (voir arrêts précités du 3 octobre 1996, Allemagne/Commission, point 17, et Espagne/Commission, point 40).

73      Or, ainsi qu’il a été constaté au point 52 du présent arrêt, en l’absence de contrôle sur place ou de toute autre vérification complémentaire, ni les superficies déclarées ni celles issues du SIG ne pouvaient être confirmées comme étant exactes. Dès lors, la contradiction entre ces deux sources d’informations était susceptible de constituer une anomalie indiquant un risque de perte pour le FEOGA.

74      En présence de telles anomalies, les autorités nationales devaient donc tirer toutes les conclusions possibles, certitudes ou doutes, quant au respect des conditions de l’octroi des aides.

75      Il s’ensuit que de telles anomalies appelaient de l’État membre en cause l’adoption de mesures de contrôle, qu’il s’agisse de contrôles sur place ou de toute autre vérification complémentaire, et que, à cet égard, une simple prise en compte dans l’analyse des risques desdites anomalies s’avérait insuffisante aux fins de lever les doutes concernant l’inexactitude des superficies déclarées.

76      Par conséquent, l’argumentation du Royaume de Belgique, tendant à contester l’existence en l’espèce d’obligations implicites de procéder à des contrôles sur place ou d’autres contrôles administratifs, doit être rejetée comme étant non fondée.

77      De la même manière, il convient de constater que, au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal pouvait à bon droit conclure à une prise en compte insuffisante des anomalies révélées par le SIG, et ce nonobstant la prise en compte dans l’analyse des risques de ces anomalies.

78      S’agissant de l’obligation, figurant au point 51 de l’arrêt attaqué, de procéder à une réduction, si le Tribunal a certes estimé, au point suivant de cet arrêt, que cette obligation découlait, le cas échéant implicitement, de l’obligation incombant aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance, il n’a toutefois pas exposé explicitement la portée de cette obligation. Dès lors, les déficiences dans les contrôles secondaires, tirées de l’absence de contrôles sur place et/ou de réductions des superficies déclarées, ayant fait l’objet du débat devant le Tribunal, ne peuvent se comprendre qu’à la lumière du rapport de synthèse dans lequel ces griefs ont été initialement formulés et développés.

79      Or, ainsi qu’il a été exposé aux points 19 et 20 du présent arrêt, la Commission a essentiellement reproché à cet État membre, au point B.7.1.1 dudit rapport, de ne pas avoir assuré avec la rigueur nécessaire le suivi des anomalies décelées à la suite du contrôle administratif et, au point B.7.1.3, de ne pas avoir diminué les superficies déclarées et/ou de ne pas avoir procédé à des contrôles sur place, lorsque le contrôle administratif révélait des anomalies. La Commission a certes avancé que les différences entre les superficies déclarées et les superficies SIG, constatées au stade du contrôle administratif, pouvaient justifier juridiquement une réduction du montant de l’aide, mais elle ne s’est toutefois pas prononcée sur les modalités concrètes pouvant permettre d’aboutir à une telle réduction.

80      Il en résulte que la Commission n’a pas exigé du Royaume de Belgique de procéder à une diminution des superficies à subventionner sur le fondement des seules données SIG, ainsi que le soutient cet État membre.

81      En outre, cet État membre ne saurait reprocher au Tribunal d’avoir exigé, aux points 51 et 52 de l’arrêt attaqué, qu’il réduise les superficies déclarées sur le fondement des seules données de superficies SIG. En effet, pareille exigence ne figure nullement dans l’arrêt attaqué.

82      Par conséquent, les griefs relatifs à une prétendue obligation de réduire les superficies déclarées sur le fondement des superficies SIG doivent être rejetés comme étant non fondés.

ii)  Sur l’incompatibilité des obligations implicites avec certaines exigences tirées du droit communautaire

83      Tout d’abord, à supposer que, conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92 applicable ratione temporis, toute réduction d’une subvention ne pouvait être faite que sur le fondement de superficies légalement constatées, en l’occurrence à l’issue d’un contrôle sur place, force est de constater qu’il était, en tout état de cause, loisible à l’État membre requérant de procéder à un tel contrôle afin de réduire la superficie à subventionner.

84      Par conséquent, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir méconnu l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92 et la jurisprudence résultant de l’arrêt Agrargenossenschaft Pretzch, précité, en ayant estimé que les autorités belges étaient tenues de réagir de manière appropriée aux anomalies révélées par leur SIG au stade du contrôle administratif.

85      En tout état de cause, il convient de relever que les objectifs du règlement n° 3887/92 sont, conformément aux septième et neuvième considérants dudit règlement, respectivement de contrôler de manière efficace le respect des dispositions en matière d’aides communautaires et d’établir des dispositions visant à prévenir et à sanctionner efficacement les irrégularités et les fraudes (voir, en ce sens, arrêt Agrargenossenschaft Pretzsch, précité, point 33).

86      Ainsi, en présence d’anomalies quant à l’exactitude des superficies déclarées, une obligation de procéder à des contrôles sur place et/ou à des réductions des superficies déclarées à l’issue d’une détermination des superficies en question, loin d’être contraire à la réglementation applicable, tend en réalité à servir les objectifs de cette réglementation rappelés au point précédent du présent arrêt.

87      Ensuite, force est de constater que les obligations implicites retenues par le Tribunal ne méconnaissent nullement les dispositions de l’article 6, paragraphe 3, du règlement n° 3887/92, en vertu desquelles un contrôle sur place ne devait être effectué que sur un échantillon significatif représentant au moins 5 % des demandes d’aides.

88      En effet, d’une part, cette disposition prévoit un contrôle par l’État membre d’un minimum de 5 % des demandes d’aides, ce qui n’exclut pas que les contrôles puissent porter sur une proportion plus importante de celles-ci, et, d’autre part, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 56 de l’arrêt attaqué, les dossiers affectés par les anomalies ne représentaient que 2,1 % à 4 % des dossiers de demandes d’aides.

89      S’agissant de la violation alléguée du principe de sécurité juridique, il convient de souligner que, lors du contrôle administratif, en cas d’anomalie révélant une surestimation potentielle de la superficie déclarée, le montant de l’aide pouvait être corrigé sur le fondement de la superficie effectivement déterminée lors d’un contrôle sur place.

90      Dès lors, le Royaume de Belgique ne saurait invoquer, en faveur des exploitants, le principe de sécurité juridique en tant qu’il s’opposerait à une réduction de la surface à subventionner au stade du contrôle administratif.

91      S’agissant de la violation alléguée du principe d’égalité de traitement, il convient de relever, d’abord, que chaque cas doit en principe être apprécié séparément en vue de constater si l’État membre en question a, lors de la réalisation des opérations financées par le FEOGA, respecté ou non les exigences découlant du droit communautaire et, s’il y a manqué, dans quelle mesure (arrêts du 18 mai 2000, Belgique/Commission, C-242/97, Rec. p. I-3421, point 129, et du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C-263/98, Rec. p. I-6063, point 132).

92      Cela ne signifie pas qu’un État membre n’est pas autorisé à invoquer la violation du principe d’égalité de traitement. Toutefois, il ne saurait le faire que dans la mesure où les cas invoqués sont à tout le moins comparables, eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent, parmi lesquels figurent notamment la période au cours de laquelle les dépenses ont été effectuées, les secteurs concernés et la nature des irrégularités reprochées (voir arrêts précités du 18 mai 2000, Belgique/Commission, point 130, et du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, point 133).

93      Il convient de rappeler ensuite que, selon une jurisprudence constante, il peut y avoir une discrimination prohibée dans le cas où des situations comparables sont traitées de manière différente, à moins qu’un tel traitement ne soit justifié objectivement (voir, en ce sens, arrêts du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C‑309/89, Rec. p. I-1853, point 26, et du 13 septembre 2001, Espagne/Commission, C-375/99, Rec. p. I‑5983, point 28).

94      Or, dès lors que le Royaume de Belgique disposait, grâce à un système volontairement mis en place, d’informations pertinentes dont les autres États membres, en l’absence d’utilisation d’un tel système non obligatoire à l’époque des faits, ne disposaient pas, la situation du Royaume de Belgique et celle des autres États membres n’étaient pas comparables (voir, en ce sens, arrêts précités du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, points 135 et 136, ainsi que du 13 septembre 2001, Espagne/Commission, point 29)

95      Il s’ensuit que, les situations n’étant pas comparables, il n’y a donc pas eu violation du principe d’égalité de traitement.

96      Par conséquent, en retenant, au point 49 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne pouvait ignorer les anomalies en cause au simple motif que le système qui les a révélées n’était pas obligatoire ou n’était pas destiné à cette fin, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

97      Eu égard à ce qui précède, la deuxième branche du deuxième moyen ne saurait être accueillie.

3.     Sur la troisième branche relative à l’applicabilité d’une marge de tolérance au stade du contrôle administratif

a)     Argumentation des parties

98      Par cette branche, le Royaume de Belgique reproche au Tribunal d’avoir violé les dispositions des articles 8 du règlement n° 3508/92 ainsi que 6 et 9 du règlement n° 3887/92, en ce qu’il aurait, à tort, considéré que le système de contrôle belge n’était pas efficace du fait de l’absence de suivi des données provenant du SIG. Le Tribunal n’aurait justifié le rejet de l’argumentation du gouvernement belge que sur un seul motif, erroné en droit, à savoir qu’aucune marge de tolérance ne pouvait être appliquée au stade des contrôles administratifs.

99      La Commission soutient que la marge de tolérance invoquée par les autorités belges ne concerne que les contrôles physiques et les incertitudes liées à ces types de contrôle. Ceci ne saurait justifier une marge de tolérance dans les contrôles administratifs, dès lors que la superficie des parcelles de référence doit être fixée préalablement à toute demande et à toute forme de contrôles, y compris les contrôles administratifs.

100    La Commission reconnaît qu’une marge de tolérance est admise lors de la création initiale des parcelles de référence, effectuée en vertu de l’article 4 du règlement n° 3508/92, mais une telle marge ne peut, une fois le système mis en place, être utilisée de manière répétée et continue à l’instar de la pratique des autorités belges.

b)     Appréciation de la Cour

101    Il convient de relever que le Tribunal a certes considéré, au point 60 de l’arrêt attaqué, qu’une marge de tolérance ne pouvait être admise au stade du contrôle administratif. Toutefois, au point 61 de l’arrêt attaqué, il a constaté que les contrôles effectués par les autorités belges ne pouvaient empêcher que des aides soient versées sans enquêtes supplémentaires pour certains dossiers présentant une anomalie de plus de 5 % et pour tous les dossiers présentant une anomalie inférieure à 5 %.

102    Dès lors, indépendamment de la question de l’applicabilité d’une marge de tolérance de 5 % au stade du contrôle administratif, le Tribunal a de toute façon constaté des déficiences dans les contrôles effectués, pour les dossiers présentant un écart de plus de 5 % entre la superficie déclarée et celle fournie par le SIG.

103    Par conséquent, la troisième branche du deuxième moyen est inopérante.

4.     Sur la quatrième branche relative à l’encodage tardif des données dans le SIG

a)     Argumentation des parties

104    Par cette branche, le Royaume de Belgique tend à démontrer que le Tribunal aurait méconnu les articles 8 du règlement n° 3508/92 ainsi que 6 et 9 du règlement n° 3887/92, en ce qu’il a considéré à tort que le système de contrôle mis en place par les autorités belges ne serait pas efficace en raison d’un encodage tardif des données graphiques dans le SIG.

105    Cet État membre reproche également au Tribunal de n’avoir pas satisfait à l’obligation de motivation dans le raisonnement entrepris aux points 65 à 70 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal n’aurait, notamment, pas justifié en quoi un encodage graphique et une analyse des risques intervenus après le 31 août seraient constitutifs d’un retard en l’absence de référence à une telle date dans la réglementation. De la même manière, il n’aurait pas repris l’argumentation du gouvernement belge, selon laquelle les contrôles sur place réalisés après la date du 31 août auraient été tout aussi efficaces que ceux réalisés avant cette date, dans la mesure où, pour certaines cultures, les terres moissonnées ne sont pas encore labourées aux mois de septembre et d’octobre, tandis que, pour d’autres types de cultures, les récoltes n’ont lieu qu’à la fin du mois d’octobre, voire au début du mois de novembre.

106    La Commission estime que le grief débattu devant le Tribunal concernait non pas la tardiveté des contrôles sur place, ainsi que semble le comprendre le Royaume de Belgique, mais l’introduction tardive des données graphiques dans le SIG. Cet encodage tardif des données dans le SIG n’aurait pas permis de procéder en temps utile aux contrôles administratifs, empêchant ou retardant de ce fait la réalisation des contrôles sur place ultérieurs. Les autorités belges auraient, d’ailleurs, reconnu que l’introduction tardive des données graphiques dans le SIG a eu un impact sur la sélection des demandes d’aides dans le cadre de l’analyse des risques.

b)     Appréciation de la Cour

107    À titre liminaire, il y a lieu de souligner, ainsi que l’a rappelé la Commission, que, aux points 65 à 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a apprécié non pas l’efficacité des contrôles sur place effectués après la date du 31 août, mais la tardiveté de l’encodage des données de superficie dans le SIG qui, consécutivement, n’aurait pas permis de procéder en temps utile aux contrôles administratifs, empêchant ainsi les contrôles sur place.

108    S’agissant du défaut de motivation, les arguments présentés à cet égard par le gouvernement belge ne sont pas fondés. En effet, au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expliqué les raisons pour lesquelles il estimait qu’un encodage tardif était susceptible de faire naître des doutes quant à la fiabilité des contrôles subséquents. Il a également jugé que cette conclusion n’était pas remise en cause par le fait qu’aucun texte relatif au FEOGA ne prévoyait un encodage graphique avant le 31 août de chaque année.

109    Quant au bien fondé de ces conclusions du Tribunal, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que, conformément à l’objectif et à l’économie du règlement n° 3887/92, il convient d’interpréter l’article 6, paragraphe 3, second alinéa, de celui-ci en ce sens que les contrôles tant initiaux que supplémentaires doivent être réalisés lorsqu’il existe encore des preuves des cultures arables ou de gel des terres sur les superficies qui ont fait l’objet des paiements et, en tout état de cause, dans l’année en cours (voir arrêt du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, Rec. p. I-9009, point 152).

110    La Cour poursuivait en soulignant que, dans un souci d’efficacité, il convient d’effectuer les contrôles sur les superficies consacrées aux cultures arables avant la récolte et sur les superficies consacrées au gel des terres avant que ladite obligation ne prenne fin, à savoir le 31 août de l’année en cours. En tout état de cause, plus les contrôles sont tardifs, plus il est probable que la Commission pourra raisonnablement conclure que lesdits contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA sera significatif (arrêt du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, précité, point 153).

111    Ainsi, il ressort clairement de la jurisprudence que l’élément temporel pertinent aux fins d’apprécier le caractère tardif des contrôles entrepris par un État membre concernant les cultures arables correspond à la période de récolte. À cet égard, ainsi que le Royaume de Belgique l’a lui-même reconnu, notamment au point 104 de son pourvoi, les récoltes de certaines cultures ont lieu avant la date du 31 août.

112    Or, l’encodage des données de superficie dans le SIG constituait le préalable nécessaire à la sélection, notamment sur la base de l’analyse des risques, des dossiers de demandes d’aides devant faire l’objet d’un contrôle sur place.

113    Il s’ensuit que la Commission pouvait utiliser cette date pour évaluer, ainsi qu’il est exposé au point 65 de l’arrêt attaqué, le pourcentage de données encodées dans le SIG à ladite date et, partant, apprécier la fiabilité du système de contrôle mis en place par cet État membre.

114    C’est, par conséquent, à bon droit que le Tribunal a considéré qu’un encodage des données dans le SIG intervenu après la date du 31 août pouvait revêtir une certaine tardiveté. De la même manière, il a pu à juste titre estimer que, dans ces conditions, la Commission, ainsi qu’il a été constaté au point 67 de l’arrêt attaqué, restait fondée à prétendre que cet encodage n’avait pas permis de procéder en temps utile aux contrôles administratifs, empêchant ainsi les contrôles sur place, et que, ainsi qu’il a été conclu au point 69 dudit arrêt, un certain nombre de dossiers avaient de ce fait échappé à ces derniers contrôles.

115    La quatrième branche du deuxième moyen ne saurait, dès lors, être accueillie.

116    Par conséquent, les trois premières branches du deuxième moyen ayant également été écartées, ce moyen doit être rejeté.

C –  Sur le troisième moyen, tiré de violations de l’obligation de motivation

1.     Argumentation des parties

117    Le Royaume de Belgique soutient que la motivation exposée aux points 29 à 71 de l’arrêt attaqué serait manifestement insuffisante et/ou contradictoire.

118    Premièrement, au point 33 de l’arrêt attaqué, le Tribunal avaliserait sans aucune analyse l’allégation de la Commission selon laquelle la condition posée par les orientations, laquelle prévoit qu’une correction financière forfaitaire suppose l’existence d’une carence significative dans l’application des règles communautaires explicites, devait être lue à la lumière de celle figurant au paragraphe précédent de ces orientations, à savoir que des corrections forfaitaires doivent être envisagées, lorsque la Commission constate qu’une mesure de contrôle explicitement requise par un règlement ou implicitement nécessaire pour respecter une règle explicite n’a pas été effectuée de manière appropriée. Or, pareille allégation serait en contradiction avec les termes mêmes de ces orientations où cette condition de carence significative dans l’application de règles communautaires explicites serait liée à la nature de la procédure de contrôle et à son caractère perfectible ou non.

119    Deuxièmement, le Tribunal n’aurait pas répondu à l’argument du gouvernement belge selon lequel les obligations préconisées par la Commission dans le rapport de synthèse, à savoir, en cas d’anomalies, de procéder soit à un contrôle sur place, soit à une réduction de la superficie à subventionner, étaient contraires à la réglementation applicable et à la jurisprudence de la Cour résultant de l’arrêt Agrargenossenschaft Pretzsch, précité.

120    Troisièmement, le Tribunal aurait estimé, au point 52 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait imposé à bon droit les modalités de contrôle prescrites dans le rapport de synthèse. Or, au point précédent de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait affirmé, sans justification, que la Commission aurait prescrit auxdites autorités de procéder soit à un contrôle sur place, soit à une diminution de la superficie à subventionner, soit à d’autres contrôles administratifs, alors même que ledit rapport ne faisait aucunement référence à ces autres contrôles administratifs.

121    Quatrièmement, les affirmations du Tribunal, contenues respectivement aux points 60 et 70 de l’arrêt attaqué, seraient contradictoires. En effet, selon le Royaume de Belgique, soit l’analyse des risques est inefficace dans son ensemble en raison de l’application d’une marge de tolérance, soit elle est efficace, mais uniquement pour les demandes d’aides pour lesquelles l’encodage a eu lieu avant le 31 août.

122    Selon la Commission, le Tribunal aurait satisfait à l’obligation de motivation, notamment en rappelant, aux points 52 et 57 de l’arrêt attaqué, qu’il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance et que les autorités belges étaient tenues de réagir aux anomalies révélées par le SIG.

123    Par ailleurs, la Commission estime que les points 60 et 70 de l’arrêt attaqué ne recèlent aucune contradiction, le Tribunal analysant dans les deux points respectifs dudit arrêt deux types distincts d’irrégularités.

2.     Appréciation de la Cour

124    Concernant, d’abord, la prétendue contradiction et/ou insuffisance de motivation entachant le point 33 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que le fait qu’une procédure soit perfectible ne justifie pas, en soi, une correction financière. Il doit exister une carence significative dans l’application des règles communautaires explicites et une telle carence doit exposer le FEOGA à un risque réel de perte ou d’irrégularité (voir arrêts Pays-Bas/Commission, précité, point 34, et du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, C-5/03, Rec. p. I-5925, point 51).

125    Selon le Royaume de Belgique, le Tribunal n’aurait pas expliqué pourquoi la règle susmentionnée, reprise par la Commission dans ses orientations, devait être lue à la lumière de celle contenue dans lesdites orientations, selon laquelle les corrections forfaitaires doivent être envisagées lorsque la Commission constate qu’une mesure de contrôle explicitement requise par un règlement ou implicitement nécessaire pour respecter une règle explicite n’a pas été effectuée.

126    À cet égard, il convient de constater que le Tribunal a justifié une lecture conjointe des dispositions des orientations, en se fondant notamment sur les règles relatives à la charge de la preuve dans le contentieux lié à l’apurement des comptes du FEOGA. Or, une telle justification s’avérait suffisante. En effet, malgré la portée prima facie de la règle exposée au point 124 du présent arrêt, une correction forfaitaire peut être appliquée, même lorsque les carences sont constatées dans l’application de règles implicites, pour autant que le respect de ces règles implicites soit nécessaire pour respecter une règle explicite (voir, s’agissant d’une correction forfaitaire en liaison avec la violation d’obligations implicites, arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, précité, points 28 et 37).

127    S’agissant, ensuite, de la prétendue incompatibilité des obligations implicites en cause avec la jurisprudence communautaire, il apparaît que, compte tenu de ce qui a été relevé au point 84 du présent arrêt, il n’y avait pas lieu pour le Tribunal de procéder à une analyse de la contradiction alléguée.

128    Quant au point 51 de l’arrêt attaqué, il convient de rappeler que celui-ci consistait en un exposé des prétentions du Royaume de Belgique, lequel soutenait que la Commission lui avait prescrit, en présence d’anomalies, de procéder soit à des contrôles sur place, soit à une réduction de la superficie, soit à d’autres contrôles administratifs.

129    Or, s’agissant des «autres contrôles administratifs», il y a lieu de constater que, au point B.7.1. du rapport de synthèse, la Commission reprochait déjà à cet État membre l’absence d’enquêtes supplémentaires, c’est-à-dire, en l’occurrence, l’absence d’autres contrôles y compris administratifs, s’agissant des demandes d’aides pour lesquelles les écarts de superficies dépassaient 5 %. Il en résulte que le Tribunal n’est pas allé au-delà des griefs figurant dans la décision litigieuse et n’avait donc pas à formuler une motivation spécifique à cet égard.

130    S’agissant, enfin, des points 60 et 70 de l’arrêt attaqué, force est de constater que les deux constatations distinctes opérées par le Tribunal ne sont en rien contradictoires.

131    Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

D –  Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

1.     Argumentation des parties

132    Par ce moyen, le Royaume de Belgique fait grief au Tribunal d’avoir fait une application erronée du principe de proportionnalité en estimant que la Commission était fondée à lui imposer une correction financière d’un montant de 9 322 809 euros. Selon la méthode d’extrapolation présentée devant le Tribunal par cet État membre, le préjudice réellement subi par le FEOGA du fait des prétendues irrégularités s’élevait à un montant de 1 079 814 euros ou, au plus, à celui de 1 491 085 euros.

133    En outre, le gouvernement belge soutient que son évaluation du préjudice réellement subi par le FEOGA aurait été, à tort, rejetée par le Tribunal au seul motif qu’elle ne prenait pas en compte le recouvrement des paiements indus et les dossiers ayant fait l’objet d’un encodage tardif. Or, même en l’absence de ces deux éléments, cet État membre avance que ses extrapolations permettaient, en tout état de cause, de démontrer le caractère disproportionné de la correction financière forfaitaire appliquée par la Commission.

134    La Commission maintient que les autorités belges auraient dû, dans leur extrapolation initiale, prendre en compte le recouvrement des paiements indus, ce qu’elles n’ont pas fait. En réalité, elles tenteraient de présenter une nouvelle extrapolation en avançant, au stade du pourvoi, un préjudice potentiel maximal pour le FEOGA s’élevant désormais à un montant de 3 500 000 euros.

2.     Appréciation de la Cour

135    Selon une jurisprudence constante, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles communautaires, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêt du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, précité, point 38 et jurisprudence citée).

136    En ce qui concerne le type de correction appliqué, il y a lieu de rappeler, à la lumière des orientations, que, lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par la Communauté, une correction forfaitaire peut être envisagée par la Commission (voir arrêt du 18 septembre 2003, Royaume-Uni/Commission, C-346/00, Rec. p. I‑9293, point 53).

137    En l’espèce, tel était précisément le cas et, s’agissant du taux de correction de 2 % appliqué par la Commission dans la décision litigieuse, il s’agit du plus faible des taux applicables (voir, en ce sens, arrêt Royaume-Uni/Commission, précité, point 56).

138    À cet égard, lorsque la Commission, au lieu de rejeter la totalité des dépenses concernées par l’infraction, s’est efforcée d’établir des règles visant à instaurer un traitement différencié des cas d’irrégularités selon le niveau de carence des contrôles et le degré de risque encouru par le FEOGA, l’État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et inéquitables (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 1998, Italie/Commission, C-242/96, Rec. p. I-5863, point 75, et voir arrêts du 22 avril 1999, Pays-Bas/Commission, C-28/94, Rec. p. I-1973, point 56, ainsi que du 21 mars 2002, Espagne/Commission, C-130/99, Rec. p. I‑3005, point 44).

139    S’agissant de la correction forfaitaire de 2 % appliquée dans la décision litigieuse, le Royaume de Belgique a présenté une extrapolation qui tendait à démontrer que le préjudice maximal subi par le FEOGA était inférieur au montant résultant de la correction forfaitaire appliquée par la Commission.

140    Or, il convient de constater que, en cas de déficiences dans les contrôles, l’évaluation du préjudice auquel le FEOGA a pu être exposé du fait de celles-ci doit tenir compte, notamment, du recouvrement des paiements d’aide à la surface indûment perçus par les exploitants.

141    Dès lors, le Tribunal a, à bon droit, considéré que le Royaume de Belgique n’avait pas démontré que le préjudice maximal encouru par le FEOGA ne pouvait être supérieur au montant de 1 491 085 euros. À cet égard, contrairement à ce que soutient cet État membre, en l’absence d’une prise en compte des recouvrements des paiements indus, l’extrapolation présentée ne pouvait revêtir de force probatoire aux fins de démontrer le caractère disproportionné de la correction financière en cause.

142    Par ailleurs, en faisant notamment valoir, au stade du pourvoi, une seconde extrapolation du préjudice maximal auquel le FEOGA aurait été exposé du fait des déficiences de ses autorités en matière de contrôles, le Royaume de Belgique confirme de la sorte la valeur probatoire relative de ses premières extrapolations rejetées par le Tribunal.

143    Il s’ensuit que, à cet égard, il ne saurait être reproché au Tribunal une violation du principe de proportionnalité.

144    Au point 122 de son pourvoi, le Royaume de Belgique fait certes référence au point 93 de l’arrêt attaqué dans lequel le Tribunal a estimé que, dès lors que la correction forfaitaire a été fixée au niveau le plus bas prévu par les orientations, soit 2 %, et que ces orientations n’ont pas été contestées, cette correction ne peut pas, par hypothèse, avoir violé le principe de proportionnalité. Toutefois, cet État membre n’a pas entrepris de présenter, à cet égard, une argumentation spécifique tendant à contester cette constatation du Tribunal.

145    Or, selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), de son règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir arrêts du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, Rec. p. I-7795, point 49, ainsi que du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil, C-227/04 P, Rec. p. I‑6767, point 45).

146    Compte tenu de ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté.

E –  Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit quant à l’absence de compétence de pleine juridiction sur les montants des corrections financières

1.     Argumentation des parties

147    Le Royaume de Belgique considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant comme irrecevable sa demande tendant à ce qu’il réduise, sur le fondement de sa compétence de pleine juridiction, le montant de la correction financière arrêté par la Commission.

148    Cet État membre soutient, à cet égard, que l’article 229 CE, qui prévoit que des règlements arrêtés conjointement par le Parlement européen et le Conseil ainsi que par le Conseil peuvent attribuer à la Cour une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions prévues dans ces règlements, ne trouverait pas à s’appliquer. En effet, les sanctions financières en cause seraient prévues non pas dans un règlement, mais dans des orientations de la Commission.

149    Toutefois, s’appuyant sur l’arrêt du 2 octobre 2001, BEI/Hautem (C‑449/99 P, Rec. p. I-6733), le gouvernement belge estime qu’une compétence de pleine juridiction pourrait être reconnue ex nihilo aux juridictions communautaires.

150    La Commission rappelle le principe selon lequel le FEOGA ne peut prendre en charge que les dépenses effectuées conformément aux règles communautaires. Elle aurait donc l’obligation de refuser le financement de toute dépense irrégulière et, lorsqu’il est impossible de déterminer le montant exact des dépenses affectées par une irrégularité, elle pourrait aller jusqu’à refuser le financement de l’intégralité des dépenses.

151    Dans ce dernier cas et dans un souci de proportionnalité, le système des corrections forfaitaires permettrait de différencier les situations d’irrégularité par l’application de corrections financières déterminées en fonction du risque de perte auquel le non-respect par l’État membre des règles communautaires a exposé le budget. Ceci exclut donc qu’il soit considéré comme un système de sanctions des paiements irréguliers.

152    S’agissant de l’arrêt BEI/Hautem, précité, la Commission est d’avis que la Cour ne s’est reconnue une compétence de pleine juridiction dans cette affaire qu’en raison de la nature particulière du litige en cause et pour lequel le juge du contrat jouit, en règle générale, d’une compétence de pleine juridiction. Or, l’apurement des comptes du FEOGA ne comportant pas de sanctions, le contentieux s’y rapportant ne présente pas de caractères particuliers justifiant une telle reconnaissance.

2.     Appréciation de la Cour

153    Il convient de constater que, en matière de FEOGA, ainsi que le Tribunal l’a rappelé à juste titre, aucune disposition n’est venue confier aux juridictions communautaires un pouvoir de pleine juridiction, tel que prévu à l’article 229 CE.

154    S’agissant de l’argument tiré du prétendu caractère coercitif des corrections financières arrêtées par la Commission conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière, il convient de rappeler qu’une telle correction financière tend à éviter la mise à la charge du FEOGA de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation communautaire en cause et ne constitue donc pas une sanction (voir arrêts du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C-247/98, Rec. p. I-1, points 13 et 14, ainsi que du 9 septembre 2004, Grèce/Commission, C-332/01, Rec. p. I-7699, point 63).

155    Dans ces conditions, l’argumentation du gouvernement belge, tendant à ce qu’une compétence de pleine juridiction soit reconnue aux juridictions communautaires sur les montants des corrections financières arrêtées par la Commission dans le cadre de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, ne saurait trouver d’appui sur le prétendu caractère de sanction que celles-ci revêtiraient.

156    Partant, il convient de rejeter le cinquième moyen comme étant non fondé.

157    Compte tendu de ce qui précède, il convient de rejeter le pourvoi.

VI –  Sur les dépens

158    Aux termes de l’article 69, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Le Royaume de Belgique et la Commission des Communautés européennes supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.

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