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Document 62005CC0328

Conclusions de l'avocat général Mazák présentées le 18 janvier 2007.
SGL Carbon AG contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi - Concurrence - Entente - Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes - Communication sur la coopération - Principe non bis in idem.
Affaire C-328/05 P.

Recueil de jurisprudence 2007 I-03921

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2007:34

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN MazÁk

présentées le 18 janvier 2007 (1)

Affaire C‑328/05 P

SGL Carbon AG

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi – Concurrence – Graphites spéciaux – Ne bis in idem»





I –    Introduction

1.     Par le présent pourvoi, la société allemande SGL Carbon AG (ci‑après «SGL») demande à la Cour d’annuler l’arrêt rendu le 15 juin 2005 par le Tribunal des Communautés européennes dans l’affaire Tokai e.a./Commission (2) (ci‑après l’«arrêt attaqué»), dans la mesure où le Tribunal a rejeté son recours en annulation dans l’affaire T‑91/03, dirigé contre la décision C(2002) 5083 final de la Commission, du 17 décembre 2002 (ci‑après la «décision attaquée»), ayant pour objet une procédure fondée sur l’article 81 CE.

2.     Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a, entre autres, réduit l’amende infligée à SGL pour l’infraction commise dans le secteur du graphite isostatique et il a rejeté le recours pour le surplus.

3.     Le présent pourvoi est, quant au contexte et aux moyens avancés, étroitement lié au pourvoi formé dans l’affaire C‑308/04 P, concernant des amendes infligées par la Commission des Communautés européennes pour participation à une série d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des électrodes de graphite. Cette affaire a été tranchée par un arrêt de la Cour du 29 juin 2006 (3).

II – Cadre juridique

A –    Règlement n° 17

4.     L’article 15 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (4), est formulé comme suit:

«1. La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes d’un montant de cent à cinq mille unités de compte lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

[…]

b)      elles fournissent un renseignement inexact en réponse à une demande faite en application de l’article 11, paragraphe 3 ou 5,

[…]

2. La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d’un million d’unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81], paragraphe 1, ou de l’article [82] du traité, […]

[…]

Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

[…].»

B –    Lignes directrices

5.     La communication de la Commission intitulée «Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l’article 65 paragraphe 5 du traité CECA» (5) (ci‑après les «lignes directrices») déclare dans son préambule:

«Les principes posés […] devraient permettre d’assurer la transparence et le caractère objectif des décisions de la Commission tant à l’égard des entreprises qu’à l’égard de la Cour de justice, tout en affirmant la marge discrétionnaire laissée par le législateur à la Commission pour la fixation des amendes dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires global des entreprises. Cette marge devra toutefois s’exprimer dans une ligne politique cohérente et non discriminatoire adaptée aux objectifs poursuivis dans la répression des infractions aux règles de concurrence.

La nouvelle méthodologie applicable pour le montant de l’amende obéira dorénavant au schéma suivant, qui repose sur la fixation d’un montant de base auquel s’appliquent des majorations pour tenir compte des circonstances aggravantes et des diminutions pour tenir compte des circonstances atténuantes.»

C –    Communication sur la coopération

6.     Dans sa communication concernant la non‑imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (6) (ci‑après la «communication sur la coopération»), la Commission définit les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées d’amende ou bénéficier d’une réduction de l’amende qu’elles auraient autrement dû acquitter.

7.     Le titre A, paragraphe 5, de la communication sur la coopération est formulé comme suit:

«La coopération d’une entreprise avec elle n’est qu’un élément parmi d’autres dont la Commission tient compte dans la fixation du montant d’une amende. […]»

8.     Le titre C de la communication sur la coopération, intitulé «Réduction importante du montant de l’amende», est formulé comme suit:

«L’entreprise qui, remplissant les conditions exposées au titre B points b) à e), dénonce l’entente secrète après que la Commission a procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, sans que cette vérification ait pu donner une base suffisante pour justifier l’engagement de la procédure en vue de l’adoption d’une décision, bénéficie d’une réduction de 50 à 75 % du montant de l’amende.»

9.     Les conditions exposées au titre B, auxquelles le titre C se réfère, supposent que l’entreprise en question:

«a)      dénonce l’entente secrète à la Commission avant que celle-ci ait procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, et sans qu’elle dispose déjà d’informations suffisantes pour prouver l’existence de l’entente dénoncée;

b)      est la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente;

c)      a mis fin à sa participation à l’activité illicite au plus tard au moment où elle dénonce l’entente;

d)      fournit à la Commission toutes les informations utiles, ainsi que tous les documents et éléments de preuve dont elle dispose au sujet de l’entente et maintient une coopération permanente et totale tout au long de l’enquête;

e)      n’a pas contraint une autre entreprise à participer à l’entente ni eu un rôle d’initiation ou un rôle déterminant dans l’activité illicite».

10.   Conformément au paragraphe 1 du titre D, «[l]orsqu’une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux titres B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération» et, conformément au paragraphe 2 de ce même titre, «[t]el peut notamment être le cas si:

–       avant l’envoi d’une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise;

–       après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations.»

D –    Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

11.   L’article 4 du protocole n° 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la «CEDH»), est formulé comme suit:

«Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois

Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la Convention.»

III – Faits et contexte de l’adoption de la décision attaquée

12.   Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé comme suit les faits du recours dont il était saisi:

«1      Par la décision C(2002) 5083 final […], la Commission a constaté la participation de diverses entreprises à une série d’accords et de pratiques concertées, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), dans le secteur des graphites spéciaux, et ce pendant la période allant de juillet 1993 à février 1998.

2      Les termes ‘graphites spéciaux’, au sens de la Décision, décrivent un groupe de graphites, autres que les électrodes de graphite pour la sidérurgie, destinés à diverses applications, à savoir le graphite isostatique, le graphite extrudé et le graphite moulé.

3      Le graphite isostatique possède des caractéristiques mécaniques supérieures à celles du graphite extrudé et du graphite moulé, les prix de chaque catégorie variant en fonction de ces caractéristiques mécaniques. On le retrouve, notamment, sous forme d’électrodes pour les machines d’électroérosion utilisées pour la fabrication de moules métalliques dans les secteurs de l’automobile et de l’électronique. D’autres applications du graphite isostatique sont les matrices pour la coulée continue de métaux non ferreux, tels que le cuivre et les alliages de cuivre.

4      L’écart entre le coût de production du graphite isostatique et celui du graphite extrudé ou moulé est d’au moins 20 %. En général, le graphite extrudé est le produit le meilleur marché, et il est donc choisi s’il répond aux exigences d’utilisation. S’agissant des produits extrudés, ils sont utilisés pour une vaste gamme d’applications industrielles, principalement dans l’industrie sidérurgique, l’industrie de l’aluminium, l’industrie chimique et la métallurgie.

5      Le graphite moulé n’est généralement choisi que pour des applications nécessitant des tailles plus grandes, parce que ses propriétés sont normalement inférieures à celles des qualités extrudées.

[…]

7      La Décision concerne deux ententes distinctes, l’une ayant couvert le marché du graphite spécial isostatique et l’autre celui du graphite spécial extrudé, aucune preuve d’une infraction relative au graphite moulé n’ayant été trouvée. Ces ententes ont porté sur des produits très spécifiques, à savoir des graphites sous forme de blocs entiers et découpés, à l’exclusion des produits usinés, c’est-à-dire fabriqués ‘sur mesure’ pour le client.

8      Les principaux producteurs de graphites spéciaux du monde occidental sont des sociétés multinationales. […]

9      À la date d’adoption de la Décision, les plus importants producteurs de graphite isostatique dans l’ensemble Communauté/EEE étaient la société allemande SGL Carbon AG (ci‑après ‘SGL’) et la société française Le Carbone-Lorraine SA (ci‑après ‘LCL’). La société japonaise Toyo Tanso Co. Ltd (ci‑après ‘TT’) occupait la troisième place, suivie par d’autres sociétés japonaises, à savoir Tokai Carbon Co. Ltd (ci‑après ‘Tokai’), Ibiden Co. Ltd (ci‑après ‘Ibiden’), Nippon Steel Chemical Co. Ltd (ci‑après ‘NSC’) et NSCC Techno Carbon Co. Ltd (ci‑après ‘NSCC’), ainsi que la société américaine UCAR International Inc. (ci‑après ‘UCAR’), devenue GrafTech International Ltd.

[…]

11      Les principaux opérateurs sur le marché mondial du graphite extrudé étaient UCAR (40 %) et SGL (30 %). Sur le marché européen, ils ont représenté les deux tiers des ventes. Les producteurs japonais ont détenu ensemble environ 10 % du marché mondial et 5 % du marché communautaire. La part des ventes de produits extrudés sous forme de blocs entiers ou découpés (produits non usinés) a été de 20 à 30 % pour UCAR et de 40 à 50 % pour SGL.

12      À partir de juin 1997, la Commission a enquêté sur le marché des électrodes de graphite, cette enquête ayant abouti à la décision du 18 juillet 2001 relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE – Affaire COMP/E-1/36.490 – Électrodes de graphite (JO 2002, L 100, p. 1). Au cours de cette enquête, UCAR a pris contact avec la Commission, en 1999, afin de lui soumettre une demande au titre de la communication [sur la coopération]. Cette demande portait sur une allégation de pratiques anticoncurrentielles sur les marchés du graphite isostatique et du graphite extrudé.

13      Sur la base des documents remis par UCAR, la Commission a adressé, en mars 2000, des demandes d’information, au titre de l’article 11 du règlement n° 17 […], à SGL, à Intech, à Ibiden, à Tokai et à TT, en leur demandant des explications détaillées sur les contacts qu’elles avaient eus avec leurs concurrents. Ces entreprises ont pris contact avec la Commission pour exprimer leur intention de coopérer avec elle lors de ses vérifications.

14      Aux États-Unis, des poursuites pénales ont été engagées en mars 2000 et en février 2001 contre une filiale de LCL et une filiale de TT pour avoir participé à une entente illicite sur le marché des graphites spéciaux. Les sociétés ont plaidé coupables et ont accepté de payer des amendes. En octobre 2001, Ibiden a également plaidé coupable et payé une amende.

15      Le 17 mai 2002, la Commission a adressé une communication des griefs aux destinataires de la Décision. Dans leurs réponses, toutes les sociétés, à l’exception d’Intech EDM BV et d’Intech EDM AG, ont reconnu l’infraction. Aucune des sociétés n’a contesté la matérialité des faits.

16      Compte tenu de la similitude des méthodes employées par les membres des ententes, du fait que les deux infractions concernaient des produits voisins et de la circonstance que SGL et UCAR étaient impliquées dans les deux affaires, la Commission a estimé qu’il convenait de traiter dans le cadre d’une procédure unique les infractions portant sur les deux marchés de produits.

17      La procédure administrative a abouti à l’adoption, le 17 décembre 2002, de la Décision, par laquelle il est reproché, d’une part, aux entreprises requérantes ainsi qu’à TT, à UCAR, à LCL, à Ibiden, à NSC et à NSCC d’avoir procédé, à l’échelle mondiale, à une fixation de prix indicatifs (prix planchers) dans le secteur du graphite isostatique non usiné et, d’autre part, à la requérante SGL et à UCAR d’avoir perpétré une infraction semblable, également à l’échelle mondiale, dans le secteur du graphite extrudé non usiné.

18      S’agissant de l’infraction sur le marché du graphite isostatique, la Décision relève que les prix ont été fixés et ventilés par application, par zone géographique (Europe ou États-Unis) et par niveau de commercialisation (distributeurs/ateliers d’usinage et gros clients finals avec capacités d’usinage). L’entente aurait aussi eu pour objet d’harmoniser les conditions de transaction et d’échanger des documents d’expédition pour assurer un contrôle détaillé des ventes et la détection de tout non-respect éventuel des termes de l’entente. À certaines occasions, les échanges d’informations auraient porté sur la répartition des gros clients.

19      La Décision poursuit en exposant que les accords collusoires sur le marché du graphite isostatique ont été mis en œuvre par des réunions multilatérales régulières à quatre niveaux:

–       les réunions ‘de haut niveau’ auxquelles participaient les cadres dirigeants des sociétés et au cours desquelles les principes fondamentaux de la coopération ont été définis;

–       les réunions ‘de travail internationales’ qui portaient sur la classification des blocs de graphite en différentes catégories et sur la fixation des prix planchers pour chaque catégorie;

–       les réunions ‘régionales’ (pour l’Europe);

–       les réunions ‘locales’ (nationales) portant sur les marchés italien, allemand, français, britannique et espagnol.

[…]

21      S’agissant de l’infraction concernant le secteur du graphite extrudé, il ressort de la Décision que les deux principaux acteurs du marché européen en cause, SGL et UCAR, ont reconnu avoir participé, de 1993 jusqu’à la fin de 1996, à un certain nombre de réunions bilatérales relatives à ce marché. UCAR et SGL se seraient entendues pour augmenter les prix du graphite extrudé sur le marché formé par l’ensemble Communauté/EEE. Elles auraient régulièrement discuté des prix et de la classification des produits afin d’éviter de se faire concurrence sur les prix. Les nouveaux prix fixés auraient effectivement été annoncés aux clients, à tour de rôle, par l’une des parties.

22      Sur la base des constatations factuelles et des appréciations juridiques effectuées dans la Décision, la Commission a imposé aux entreprises incriminées des amendes dont le montant a été calculé en application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices […] ainsi que dans la communication sur la coopération.

23      Aux termes de l’article 1er, premier alinéa, du dispositif de la Décision, les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, en participant, pour les périodes indiquées, à une série d’accords et de pratiques concertées affectant les marchés des graphites spéciaux isostatiques dans la Communauté et dans l’EEE:

[…]

b)      SGL, de juillet 1993 à février 1998;

[…]

24      Selon le second alinéa de la même disposition, les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, en participant, pour les périodes indiquées, à une série d’accords et de pratiques concertées affectant les marchés des graphites spéciaux extrudés dans la Communauté et dans l’EEE:

–       SGL, de février 1993 à novembre 1996;

[…]

25      L’article 3 du dispositif inflige les amendes suivantes:

[…]

b)      SGL:

–       graphite isostatique: 18 940 000 euros,

–       graphite extrudé: 8 810 000 euros;

[…]

26      L’article 3 ordonne, en outre, le versement des amendes dans un délai de trois mois à compter de la notification de la Décision, sous peine d’une majoration d’intérêts moratoires de 6,75 %.

27      Par lettre datée du 20 décembre 2002, la Décision a été transmise à chacune des requérantes. Cette lettre précise que, à l’expiration du délai de paiement indiqué dans la Décision, la Commission procéderait au recouvrement du montant en question; toutefois, dans l’hypothèse où un recours serait formé devant le Tribunal, aucune mesure d’exécution ne serait entreprise, à condition que des intérêts au taux de 4,75 % soient payés et qu’une garantie bancaire soit constituée.»

IV – Procédure devant le Tribunal et arrêt attaqué

13.   Par des demandes séparées, SGL et d’autres entreprises auxquelles la décision attaquée était adressée ont introduit des recours en annulation de la décision attaquée devant le Tribunal.

14.   Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a, entre autres, décidé ce qui suit:

«Dans l’affaire T-91/03, SGL Carbon/Commission:

–       le montant de l’amende infligée à la partie requérante par l’article 3 de la décision COMP/E-2/37.667 est fixé à 9 641 970 euros pour l’infraction commise dans le secteur du graphite isostatique;

–       le recours est rejeté pour le surplus;

–       la partie requérante supportera deux tiers de ses propres dépens et deux tiers des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant un tiers de ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la partie requérante.»

V –    Conclusions formulées devant la Cour

15.   SGL conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–       annuler en partie l’arrêt attaqué, en ce qu’il a rejeté le recours introduit dans l’affaire T-91/03 contre la décision attaquée, concernant une procédure d’application de l’article 81 CE;

–       à titre subsidiaire, réduire l’amende infligée à la requérante à l’article 3 de la décision attaquée, ainsi que les intérêts de litispendance et les intérêts moratoires tels que fixés dans le dispositif de l’arrêt attaqué;

–       condamner la défenderesse à l’intégralité des dépens.

16.   La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–       rejeter le pourvoi;

–       condamner la requérante aux dépens.

VI – Pourvoi

17.   SGL avance six moyens à l’appui de son pourvoi invoquant une application erronée de règles de procédure et une violation du droit communautaire.

18.   Par son premier moyen, SGL affirme que le Tribunal a violé le principe ne bis in idem en omettant de tenir compte des amendes qui lui ont été infligées antérieurement aux États‑Unis. Le deuxième moyen est dirigé contre la majoration de 35 % du montant de l’amende visant à refléter le rôle d’unique chef de file joué par SGL. Le troisième moyen concerne la circonstance que le Tribunal n’a pas examiné l’objection de SGL affirmant que ses droits de défense avaient subi une atteinte irréparable du fait que les membres de l’équipe de la Commission travaillant sur l’affaire avaient une connaissance insuffisante de la langue. Par son quatrième moyen, SGL soutient que sa coopération a été sous‑évaluée. Par son cinquième moyen, SGL affirme que le Tribunal a omis de tenir compte de sa capacité de payer l’amende et que les amendes infligées étaient disproportionnellement élevées. Par son sixième moyen, SGL affirme que le Tribunal a calculé le taux d’intérêt de manière erronée.

A –    Premier moyen, tiré d’une violation du principe ne bis in idem

 Principaux arguments

19.   Par les arguments avancés dans son premier moyen, SGL soutient essentiellement que le Tribunal a commis une erreur de droit en omettant, aux points 112 à 116 de l’arrêt attaqué, de tenir compte des amendes qui lui ont été infligées antérieurement aux États‑Unis en 1999. Ces sanctions auraient dû, ne serait‑ce que pour des motifs de justice naturelle, conduire à une réduction de l’amende infligée. Cela découle d’une compréhension correcte du principe fondamental ne bis in idem, qui est, contrairement aux conclusions du Tribunal, également applicable en ce qui concerne des sanctions infligées par des États tiers.

20.   Quant au contenu et au champ d’application de ce principe, SGL fait, en particulier, référence à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à l’article 4 du protocole n° 7 de la CEDH, aux ordres juridiques nationaux des États membres et à un certain nombre d’arrêts de la Cour et du Tribunal. On ne peut, comme le Tribunal l’a fait à tort au point 112 de l’arrêt attaqué, déduire de l’arrêt Boehringer Mannheim/Commission (7) que la règle interdisant le cumul des sanctions n’est pas applicable à un cas, tel que celui de l’espèce, où les faits qui sont à la base de deux infractions sont identiques. Le principe de territorialité, auquel le Tribunal a fait référence au point 113 de l’arrêt attaqué, ne contredit pas cette thèse. En outre, dans la mesure où le Tribunal a estimé, au point 116 de l’arrêt attaqué, que les intérêts protégés par les autorités communautaires et les autorités américaines n’étaient pas les mêmes, cette conclusion est erronée.

21.   De plus, SGL soutient, en particulier, que c’est à tort que la Tribunal a estimé, au point 114 de l’arrêt attaqué, qu’il n’était pas nécessaire d’examiner l’affirmation de SGL selon laquelle les sanctions qui lui ont été infligées aux États-Unis pour sa participation à l’entente des électrodes de graphite portaient également sur les graphites spéciaux ni d’entendre sur ce point les témoins nommés par SGL. SGL a, dans tous les cas, prouvé l’existence d’un «idem».

22.   Lors de l’audience, SGL a ajouté, au sujet de l’arrêt rendu par le Tribunal dans l’affaire SGL Carbon/Commission (8), que, bien que le Tribunal ait écarté l’idée selon laquelle une sanction antérieure infligée à une entreprise dans un État tiers doit de toute façon être prise en considération, cela ne signifie pas que la Commission ne peut pas décider de tenir compte de cette circonstance. En effet, eu égard particulièrement à la nécessité de veiller à ce que la sanction soit proportionnée, la Commission peut être obligée d’user de la marge d’appréciation dont elle dispose dans ce domaine, de manière à tenir compte de sanctions antérieures, telles que celles en cause en l’espèce.

23.   La Commission développe une argumentation détaillée pour réfuter celle de SGL et soutient que c’est à bon droit que le Tribunal a estimé que le principe ne bis in idem n’était pas applicable en l’espèce.

 Appréciation

24.   Il y a lieu de noter, pour commencer, que le principe ne bis in idem interdit de sanctionner plus d’une fois une même personne pour le même comportement illicite afin de protéger un seul et même intérêt juridique. Selon une jurisprudence constante, ce principe, qui est aussi consacré par l’article 4 du protocole n° 7 de la CEDH, constitue un principe fondamental du droit communautaire, dont le respect est garanti par les juridictions communautaires (9). Il convient, enfin, de rappeler que l’application de ce principe est soumise à une triple condition d’identité des faits, d’unité de contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé. Ce principe interdit donc de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique (10).

25.   En ce qui concerne, ensuite, plus spécifiquement le moyen en question, il convient de noter que la Cour a déjà jugé dans ses arrêts SGL Carbon/Commission (11) et Showa Denko/Commission (12) – et elle a formulé, pour l’essentiel, le même avis dans l’arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission (13) – que la Commission n’est pas obligée de tenir compte des poursuites et des sanctions dont une entreprise a fait l’objet dans des États tiers pour une infraction aux règles de la concurrence.

26.   À cet égard, la Cour a rejeté, dans l’arrêt SGL Carbon/Commission, des prétentions similaires fondées essentiellement sur les mêmes arguments que ceux avancés par SGL dans la présente affaire.

27.   S’agissant du champ d’application du principe ne bis in idem en ce qui concerne des situations dans lesquelles les autorités d’un État tiers sont intervenues, en vertu de leurs pouvoirs de sanction dans le domaine du droit de la concurrence applicable sur le territoire dudit État, la Cour, dans son raisonnement, a d’abord attiré l’attention sur le contexte international d’une telle entente, caractérisé notamment par l’intervention, sur leurs territoires respectifs, d’ordres juridiques d’États tiers et elle a fait observer que l’exercice des pouvoirs par les autorités de ces États chargées de la protection de la libre concurrence, dans le cadre de leur compétence territoriale, obéit à des exigences qui sont propres auxdits États (14).

28.   En outre, la Cour a indiqué que les éléments qui sous‑tendent les ordres juridiques d’autres États dans le domaine de la concurrence non seulement comportent des finalités et des objectifs spécifiques, mais aboutissent également à l’adoption de règles matérielles particulières ainsi qu’à des conséquences juridiques très variées dans le domaine administratif, pénal ou civil, lorsque les autorités desdits États ont établi l’existence d’infractions aux règles applicables en matière de concurrence.

29.   La Cour a opéré une distinction claire entre cette situation – caractérisée par des compétences territoriales différentes et par une multiplicité d’ordres juridiques poursuivant leurs propres finalités et objectifs spécifiques – et une situation caractérisée par l’application exclusive à une entreprise du droit communautaire et du droit d’un ou de plusieurs États membres en matière de concurrence, c’est-à-dire dans laquelle une entente se cantonne exclusivement au sein du champ d’application territorial de l’ordre juridique de la Communauté européenne (15).

30.   Elle a souligné la nature spécifique de l’intérêt juridique protégé au niveau communautaire, en raison de laquelle les appréciations opérées par la Commission, en vertu de ses compétences en la matière, peuvent diverger considérablement de celles effectuées par des autorités d’États tiers.

31.   La Cour a donc conclu, en ayant égard essentiellement à la différence entre l’intérêt juridique protégé par les ordres juridiques communautaires et l’intérêt protégé dans un État tiers, que le Tribunal a jugé à bon droit que le principe ne bis in idem ne s’appliquait pas.

32.   L’affirmation correspondante de SGL dans la présente affaire, invoquant une violation du principe ne bis in idem, doit, dès lors, être rejetée pour le même motif.

33.   Quant à la référence faite par SGL à d’autres principes, comme le principe de la justice naturelle, il faut ajouter que la Cour a estimé, dans l’arrêt SGL Carbon/Commission, qu’il n’existait pas d’autres principes, y compris de principes de droit international public, qui obligent la Commission à tenir compte des poursuites et des sanctions dont a fait l’objet la requérante dans des États tiers (16).

34.   En ce qui concerne l’argument avancé par SGL lors de l’audience, selon lequel l’arrêt SGL Carbon/Commission doit être compris comme signifiant qu’il confère à la Commission un pouvoir d’appréciation quant au point de savoir si elle doit tenir compte d’une sanction infligée antérieurement dans un État tiers et que la Commission peut finalement être tenue de le faire, il suffit de dire qu’une telle approche paraît revenir à une tentative faite pour dénaturer l’interprétation claire, allant en sens contraire, fournie par la Cour dans cet arrêt que l’on ne peut donc s’y rallier (17).

35.   Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit ni n’a violé le principe ne bis in idem, lorsqu’il a conclu, aux points 112 à 116 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas obligée, lorsqu’elle a infligé une sanction à SGL, de tenir compte des amendes qui lui avaient été infligées antérieurement aux États‑Unis.

36.   En outre, en ce qui concerne, en particulier, la référence faite à l’arrêt Boehringer Mannheim/Commission par le Tribunal, au point 112 de l’arrêt attaqué (18), dans cette affaire la Cour n’a, en fait, pas tranché, en tant que telle, la question de savoir si la Commission est tenue d’imputer une amende infligée par les autorités d’un État tiers, vu qu’il n’était pas établi que les faits retenus contre la requérante par la Commission, d’une part, et les autorités américaines, d’autre part, étaient véritablement identiques (19).

37.   Cependant, la Cour a indiqué dans cette affaire que le principe ne bis in idem exigeait que les actes concernés soient identiques et qu’ils ne diffèrent pas essentiellement en ce qui concerne à la fois leur objet et leur localisation territoriale (20).

38.   Lorsqu’il déclare, au point 112 de l’arrêt attaqué, où il formule ses conclusions concernant ce principe, que, «dans le cas où les faits à la base de deux condamnations trouvent leur origine dans un même ensemble d’accords, mais se distinguent néanmoins en ce qui concerne tant leur objet que leur localisation territoriale, le principe ne bis in idem n’est pas d’application», le Tribunal fait simplement une application correcte de cette jurisprudence.

39.   Enfin, en ce qui concerne la circonstance que, au point 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a prétendument omis d’examiner l’affirmation de SGL selon laquelle les sanctions qui lui ont été infligées aux États-Unis pour sa participation à l’entente des électrodes de graphite portaient également sur les graphites spéciaux et d’entendre sur ce point les témoins nommés par SGL, il y a lieu de noter que, puisque le Tribunal était fondé, comme nous l’avons indiqué ci‑dessus, à juger que le principe ne bis in idem ne s’appliquait pas en ce qui concerne les sanctions infligées dans des États tiers, en raison de l’absence d’unité de l’intérêt juridique protégé, c’est, par conséquent, à juste titre qu’il a estimé qu’il n’était pas nécessaire de continuer à examiner l’existence d’un «idem» en ce qui concerne les faits, c’est‑à‑dire d’un même comportement. Cet argument doit donc être aussi écarté.

40.   À la lumière des considérations qui précèdent, le premier moyen doit, dès lors, être rejeté comme dénué de fondement.

B –    Deuxième moyen, dirigé contre la majoration de 35 % du montant de l’amende résultant de l’affirmation selon laquelle SGL était l’unique chef de file

 Principaux arguments

41.   Par son deuxième moyen, SGL conteste les conclusions formulées par le Tribunal aux points 138 à 155 et 316 à 331 de l’arrêt attaqué, où il a estimé que SGL était le véritable chef de file de l’entente et a décidé que la majoration, appliquée de ce fait, du montant de base de l’amende infligée à SGL devait être réduite de 50 à 35 %.

42.   Ce moyen comporte deux branches.

43.   Premièrement, SGL affirme essentiellement que le Tribunal n’a nullement justifié la majoration de 35 % de l’amende, puisque les faits incontestables et les propres constatations contradictoires du Tribunal ne fournissent aucune base permettant cette majoration. À cet égard, SGL renvoie aux arguments avancés devant le Tribunal, tels qu’il sont résumés aux points 303 à 310 de l’arrêt attaqué.

44.   Deuxièmement, SGL soutient essentiellement que c’est à tort que le Tribunal a supposé que la communication des griefs était suffisante, en ce qui concerne l’attribution du rôle d’unique chef de file, pour garantir ses droits de défense. Le Tribunal a omis de tenir compte du fait qu’il ne ressortait pas des griefs de la Commission qu’elle avait l’intention de considérer SGL comme unique chef de file. C’est donc à tort que le Tribunal a estimé, au point 150 de l’arrêt attaqué, que SGL pouvait assurer adéquatement sa défense sur la base des informations contenues dans la communication des griefs.

45.   La Commission conteste chacun des arguments avancés par SGL et estime que le moyen est, à tout le moins, partiellement irrecevable.

 Appréciation

46.   En ce qui concerne la première branche de ce moyen, il convient, tout d’abord, de rappeler qu’un pourvoi ne peut être fondé que sur des motifs relatifs à la violation de règles de droit, à l’exclusion de toute appréciation des faits. Le Tribunal a une compétence exclusive, premièrement, pour constater les faits, sauf lorsque la grave imprécision de ses conclusions ressort des documents qui lui ont été soumis et, deuxièmement, pour apprécier ces faits. La Cour de justice n’est, par conséquent, pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. Pourvu que les preuves aient été obtenues régulièrement et que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve aient été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis (21).

47.   En outre, la Cour ne peut connaître d’un pourvoi dans la mesure où il ne constitue, en réalité, rien de plus qu’une demande visant à obtenir un réexamen de la requête déjà présentée devant le Tribunal. En vertu de l’article 225 CE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour et de l’article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour de justice, le pourvoi doit, au contraire, indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont SGL demande l’annulation ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à répéter ou à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal (22).

48.   Par la première branche du deuxième moyen, SGL conteste les conclusions formulées par le Tribunal aux points 316 et suivants de l’arrêt attaqué, selon lesquelles SGL était un véritable chef de file. Elle n’avance, cependant, aucun argument démontrant en quoi le Tribunal a commis une erreur de droit sur ce point. Les arguments de SGL visent donc en réalité la constatation et l’appréciation des faits concernés effectuées par le Tribunal. De plus, dans la mesure où SGL renvoie aux arguments déjà avancés devant le Tribunal et les répète, cette branche du moyen constitue en réalité une demande visant à obtenir le réexamen de la requête déjà présentée devant le Tribunal.

49.   Il y a, dès lors, lieu de conclure que, comme la Commission l’a indiqué à juste titre, la première branche du deuxième moyen doit, dans cette mesure, être rejetée comme irrecevable.

50.   Cependant, dans la mesure où SGL soutient que les motifs de l’arrêt attaqué sont contradictoires, cela constitue une question de droit qui est susceptible, en tant que telle, de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel dans le cadre d’un pourvoi (23).

51.   Selon SGL, la motivation du Tribunal dans l’arrêt attaqué est contradictoire en ce qu’il indique, d’une part, aux points 328 et suivants de cet arrêt, que le comportement des autres membres de l’entente, notamment LCL et Tokai, ne se distinguait pas si nettement de celui de SGL, comme la Commission le prétendait, mais confirme néanmoins, dans son principe, au point 331, la majoration de l’amende, qu’il se borne à réduire à 35 %.

52.   Nous n’admettons pas qu’il existe une contradiction, puisque le Tribunal n’a pas dit qu’il n’y avait aucune différence entre la gravité de infraction commise par SGL et celle des infractions commises par Tokai et LCL, mais qu’il a seulement indiqué que la différence n’était pas si considérable qu’elle puisse justifier une majoration de 50 % de l’amende de base infligée à SGL. Par conséquent, le Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, a réduit, au point 331 de l’arrêt attaqué, la majoration de 50 à 35 %. Cet argument est donc dénué de fondement.

53.   La première branche du deuxième moyen doit, par conséquent, être rejetée.

54.   En ce qui concerne la seconde branche de ce moyen, invoquant une violation des droits de défense de SGL, le Tribunal a correctement décrit, au point 139 de l’arrêt attaqué, la norme régissant le calcul des amendes, telle que définie dans une jurisprudence constante de la Cour, selon laquelle, pourvu que la Commission indique expressément dans la communication des griefs qu’elle examinera s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis celle‑ci «de propos délibéré ou par négligence», elle satisfait à son obligation de respecter le droit des entreprises d’être entendues (24).

55.   C’est aussi avec raison que le Tribunal a estimé que, ce faisant, la Commission donne à ces entreprises les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l’infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (25).

56.   Il a, à juste titre, considéré que, dans ce contexte, les droits de la défense étaient garantis devant la Commission à travers la possibilité de faire des observations sur la durée, la gravité et la prévisibilité du caractère anticoncurrentiel de l’infraction, mais que, en revanche, la Commission n’était pas obligée d’expliquer la manière dont elle se servirait de chacun de ces éléments de fait et de droit pour la détermination du niveau de l’amende (26).

57.   À notre avis, eu égard à cette jurisprudence, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a affirmé que la communication des griefs en cause contenait des indications suffisamment précises sur la manière dont la Commission entendait déterminer le montant de l’amende, particulièrement en ce qui concerne la gravité de l’infraction.

58.   Comme le Tribunal l’a noté au point 148 de l’arrêt attaqué, bien qu’une telle qualification n’ait finalement pas été maintenue à l’égard de LCL, la communication des griefs indiquait, en tout cas, que SGL avait joué un rôle de meneur ou d’incitateur dans l’entente. SGL était donc informée que la Commission avait l’intention de lui attribuer le rôle de chef de file et que cette circonstance pourrait être prise en compte lors de la détermination de l’amende.

59.   Le fait que, en fin de compte, SGL ait été identifiée par la Commission comme unique chef de file de l’entente n’a pas, selon nous, modifié sa position au point de porter atteinte de manière significative à ses droits de défense, étant donné qu’il est inhérent à la nature de la communication des griefs d’être provisoire et soumise à des modifications apportées par la Commission lors de l’évaluation à laquelle elle procède ultérieurement sur la base des observations qui lui ont été présentées par les parties, modifications consistant notamment à abandonner certaines affirmations, telles que celle selon laquelle LCL a joué un rôle de chef de file.

60.   Il convient d’ajouter que, comme la Commission l’a fait observer, conformément aux lignes directrices et à la pratique de cette dernière en la matière, l’amende infligée peut être majorée de 50 %, que l’un seulement des participants à l’entente, ou plusieurs d’entre eux, soient considérés comme chefs de file.

61.   De plus, le Tribunal a estimé, à ce propos, au point 149 de l’arrêt attaqué, que rien ne donne à penser que la responsabilité de SGL en tant que chef de file de l’entente a été réellement accrue du fait que la Commission lui a attribué une partie du rôle commun de chef de file qu’elle avait initialement attribuée à LCL. Cela constitue une constatation de fait, qui, en tant que telle, n’est pas soumise au contrôle de la Cour, étant donné que SGL n’a pas soutenu que le Tribunal avait dénaturé les éléments de preuve à cet égard (27).

62.   La seconde branche du deuxième moyen doit, dès lors, être également rejetée.

C –    Troisième moyen, invoquant des erreurs de droit concernant la critique relative aux connaissances linguistiques insuffisantes des membres de l’équipe de la Commission travaillant sur l’affaire

 Principaux arguments

63.   Par son troisième moyen, SGL se plaint essentiellement de ce que, au point 154 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a omis d’examiner son objection affirmant que ses droits de défense avaient subi une atteinte irréparable du fait que les membres de l’équipe de la Commission travaillant sur l’affaire avaient une connaissance insuffisante de la langue, cela en dépit des affirmations bien étayées de SGL et de son offre de preuve.

64.   C’est à tort que le Tribunal a considéré que cette objection était une pure supposition qui n’était étayée par aucun élément de preuve sérieux. Cette attitude est constitutive d’une appréciation erronée des faits.

65.   En outre, le fait que les fonctionnaires concernés n’aient pas possédé les compétences linguistiques nécessaires a privé SGL de ses droits de défense au cours de la procédure administrative. En considérant cette circonstance comme dénuée de pertinence, le Tribunal a violé ses droits de défense.

66.   La Commission estime que les conclusions formulées par le Tribunal aux points 154 et 155 de l’arrêt attaqué sont correctes et ne sont pas viciées par une appréciation erronée des faits ou par une violation des droits de la défense. Elle considère que, puisque la procédure administrative a été menée par la direction générale de la concurrence et conclue par la Commission européenne dans son ensemble, les compétences linguistiques d’un membre particulier de l’équipe d’enquêteurs ne sont pas déterminantes.

 Appréciation

67.   Dans la mesure où, par son troisième moyen, SGL conteste, avant tout, la conclusion formulée par le Tribunal au point 154 de l’arrêt attaqué, par laquelle il a rejeté l’affirmation de SGL selon laquelle la Commission avait confié le «dossier allemand» à des fonctionnaires qui ne maîtrisaient pas suffisamment l’allemand, cette conclusion est fondée sur une appréciation des faits et une évaluation des éléments de preuve qui ne peuvent, comme telles, être contestées dans le cadre d’un pourvoi (28). Cela étant, le troisième moyen est, dès lors, irrecevable dans cette mesure.

68.   En outre, en ce qui concerne l’argument avancé sur ce point selon lequel SGL avait offert de fournir des preuves supplémentaires pour étayer cette objection, il y a lieu de noter qu’il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence d’une telle offre par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’examen d’éléments de preuve supplémentaires (29).

69.   Dans la mesure où SGL affirme, ensuite, que le Tribunal a violé ses droits de défense lorsqu’il a examiné le fait que les fonctionnaires concernés ne possédaient pas les compétences linguistiques nécessaires (en l’espèce, la connaissance de l’allemand), il convient de noter, premièrement, comme nous l’avons indiqué ci‑dessus, que le Tribunal avait déjà rejeté cette affirmation concernant les faits, si bien que, en tant que telle, la question de savoir si cette circonstance a violé son droit d’être entendue ne s’est pas réellement posée devant cette juridiction.

70.   Deuxièmement, nous estimons, cependant, que les compétences linguistiques – ou l’absence de celles‑ci – d’un membre particulier de l’équipe d’enquêteurs de la Commission ne pourrait être en soi déterminante. La Commission dans son ensemble est responsable de la conduite des procédures dans le domaine du droit de la concurrence et assume aussi collectivement la responsabilité des décisions finales concluant ces procédures.

71.   Si, en effet, comme le Tribunal l’a fait observer à juste titre au point 154 de l’arrêt attaqué, SGL était parvenue à démontrer l’inexactitude des chiffres sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée, cette dernière serait entachée d’une erreur de fond et devrait, par conséquent, être annulée sur ce point pour ce motif, indépendamment du point de savoir si ce défaut était en fait attribuable aux compétences linguistiques insuffisantes d’un membre particulier de l’équipe ou à toute autre circonstance dans l’organisation interne de la Commission qui pourrait l’avoir amenée à commettre une erreur.

72.   Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

D –    Quatrième moyen, affirmant que la coopération de SGL a été sous‑évaluée en ce qui concerne la réduction de l’amende au titre de la communication sur la coopération

 Principaux arguments

73.   Par son quatrième moyen, SGL conteste les conclusions formulées par le Tribunal aux points 367 à 375 de l’arrêt attaqué, par lesquelles il a rejeté les arguments de SGL invoquant une violation de la communication sur la coopération et, par extension, l’insuffisance de la réduction de l’amende qui lui a été accordée par le Tribunal.

74.   SGL affirme essentiellement que sa coopération a été sous‑évaluée. Premièrement, c’est à tort que le Tribunal a estimé, au point 367 de l’arrêt attaqué, que SGL n’avait pas droit à une réduction plus importante de l’amende, parce qu’elle a été considérée erronément comme chef de file. Deuxièmement, SGL soutient qu’elle a été victime d’une discrimination, puisque sa coopération avait au moins la même valeur que celle d’autres participants, particulièrement UCAR.

75.   SGL critique les conclusions formulées par le Tribunal aux points 368, 370 et 373 de l’arrêt attaqué et soutient, entre autres, à cet égard que la valeur de la coopération fournie ne dépend pas de la contribution effectivement prise en compte par la Commission.

76.   Selon la Commission, les conclusions concernées du Tribunal sont correctes et les affirmations de SGL, qui sont partiellement irrecevables, doivent être rejetées dans leur totalité.

77.   Elle fait référence au pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission en ce qui concerne la réduction de l’amende et, en particulier, quand elle évalue la qualité et l’utilité de la coopération fournie par les divers membres d’une entente. De plus, comme le Tribunal l’a fait observer à juste titre dans l’arrêt attaqué, si ce dernier avait décidé que la Commission aurait dû établir l’existence d’une infraction commise pendant une période donnée par une entreprise donnée, il se serait arrogé les compétences de la Commission.

 Appréciation

78.   Tout d’abord, il y a lieu de tenir compte du fait que, conformément à une jurisprudence constante, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la fixation du montant de l’amende, y compris sa réduction au titre de la communication sur la coopération (30). Bien qu’il appartienne ainsi à la Cour de vérifier si le Tribunal a évalué correctement l’exercice, par la Commission, de ce pouvoir d’appréciation, il ne lui appartient pas, lorsqu’elle statue sur un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées (31).

79.   Quant à l’examen de la réduction accordée à SGL, le Tribunal a, premièrement, fondé son appréciation à cet égard – à juste titre selon nous – sur l’hypothèse selon laquelle, conformément à la formulation claire de la communication sur la coopération, qui vise une entreprise qui est la «première» à fournir des éléments «déterminants» pour prouver l’«existence» de l’entente, une seule entreprise, à savoir la première qui fournit ces éléments de preuve concernant l’existence d’une entente, peut bénéficier d’une réduction très substantielle de l’amende en vertu du titre B de la communication sur la coopération, à l’exclusion d’autres entreprises qui produisent (ultérieurement) des éléments de preuve concernant des périodes particulières ou des aspects particuliers de la vie de cette entente.

80.   Le Tribunal a pu donc estimer à bon droit que la Commission était fondée à constater qu’UCAR seule était la première entreprise aux fins des titres B et C de la communication sur la coopération.

81.    Par conséquent, c’est également à juste titre que le Tribunal a estimé, au point 367 de l’arrêt attaqué, que SGL ne remplissait pas les conditions du titre B, sous b) ni du titre B, sous e), de la communication sur la coopération en raison de son rôle de chef de file. Cette évaluation était fondée sur une appréciation des faits qui, comme nous l’avons fait observer ci‑dessus (32) n’est pas susceptible d’être contestée dans le cadre du présent pourvoi.

82.   En ce qui concerne, ensuite, l’affirmation de SGL dirigée contre le point 368 de l’arrêt attaqué, ce n’est pas à tort que le Tribunal a estimé que la Commission n’était pas tenue de récompenser la coopération par une réduction de l’amende, lorsqu’elle ne se fondait pas sur les éléments de preuve concernés pour constater ou sanctionner une infraction au droit communautaire de la concurrence. À cet égard, la jurisprudence de la Cour montre qu’une telle contribution peut justifier une réduction de l’amende au titre de la coopération, uniquement si elle permet effectivement à la Commission d’accomplir sa mission consistant à constater l’existence d’une infraction et à y mettre fin et facilite effectivement la tâche de la Commission (33), ce qui ne peut être le cas si la Commission n’a même pas tenu compte de la contribution concernée.

83.   Sur ce point, le Tribunal a, à juste titre, fait observer, aux points 369 et 370 de l’arrêt attaqué, que, en raison du pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose en la matière, elle ne peut être obligée de constater et de sanctionner tout comportement anticoncurrentiel et les juridictions communautaires ne pourraient – ne serait‑ce qu’en vue d’une réduction d’amende – juger que la Commission, eu égard aux preuves à sa disposition, aurait dû établir l’existence d’une infraction pendant une période donnée et à l’encontre d’une entreprise donnée. SGL ne peut, dès lors, pas affirmer que sa contribution aurait dû être récompensée par une réduction substantielle de l’amende au motif que la Commission était, sur la base de cette contribution, obligée de constater ou de sanctionner une infraction donnée.

84.   En ce qui concerne, enfin, l’affirmation de SGL selon laquelle sa coopération a été sous‑évaluée, par comparaison avec celle des autres membres de l’entente, il convient, premièrement, de noter que, comme le Tribunal l’a fait observer à juste titre au point 371 de l’arrêt attaqué, la Commission jouit d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par les différents membres d’une entente. Deuxièmement, SGL n’a pas montré en quoi le Tribunal a omis de critiquer un abus manifeste de cette marge d’appréciation par la Commission.

85.   De plus, en ce qui concerne l’affirmation de SGL selon laquelle elle est victime d’une discrimination par rapport à UCAR, il y a lieu de noter que, comme nous l’avons indiqué ci‑dessus, bien qu’il soit vrai que, pour déterminer le montant de l’amende et accorder une réduction, la Commission est, en principe, quoique sous réserve de la large marge d’appréciation dont elle jouit, tenue de respecter le principe d’égalité de traitement (34), la contribution fournie par UCAR a conduit à juste titre à la qualifier de «première» entreprise aux fins du titre B de la communication sur la coopération. C’est pour cette seule raison que le poids de sa contribution et la réduction qui lui a été accordée sont sans relation avec la contribution de SGL et la réduction qui lui a été accordée. Cette dernière ne peut donc soutenir qu’elle a fait l’objet d’une discrimination résultant de la différence entre la réduction qui lui a été accordée et celle accordée à UCAR.

86.   Il s’ensuit que les conclusions du Tribunal concernant la réduction d’amende accordée à SGL ne sont pas entachées d’erreurs de droit. Le quatrième moyen doit, par conséquent, être rejeté.

E –    Cinquième moyen, affirmant que le Tribunal a omis de tenir compte de la capacité de SGL de payer l’amende et que les amendes infligées étaient disproportionnellement élevées

 Principaux arguments

87.   Par son cinquième moyen, SGL affirme que c’est à tort que le Tribunal a estimé, au point 333 de l’arrêt attaqué, que, lorsqu’elle a déterminé le montant de l’amende, la Commission n’était pas obligée de tenir compte de la situation financière difficile de SGL et de son manque de fonds pour payer l’amende.

88.   SGL avance essentiellement deux arguments à l’appui de ce moyen. Premièrement, elle soutient que l’amende infligée – même après réduction – est, en elle‑même, disportionnellement élevée, d’autant plus que la capacité de la société concernée de payer l’amende n’a pas été prise en considération au moment de l’adoption de la décision. Deuxièmement, SGL soutient que la Commission et le Tribunal sont juridiquement obligés de tenir compte de la capacité de paiement de SGL. En omettant de vérifier si l’amende infligée compromettait la viabilité économique de la société concernée, le Tribunal a fait une interprétation erronée du point 5, sous b), des lignes directrices.

89.   La Commission affirme que ces arguments sont irrecevables et, en tout cas, dénués de fondement.

 Appréciation

90.   Dans la mesure où, dans son pourvoi, SGL a avancé, premièrement, un certain nombre d’arguments mettant en cause la proportionnalité de l’amende infligée, le cinquième moyen doit être déclaré irrecevable, puisque, en réalité, il vise à obtenir un réexamen général des amendes, que la Cour n’est pas compétente pour entreprendre dans le contexte d’un pourvoi (35).

91.   Deuxièmement, en ce qui concerne l’affirmation selon laquelle le Tribunal a omis de tenir compte de la capacité de paiement de SGL, il convient de noter que, selon une jurisprudence constante, que le point 333 de l’arrêt attaqué reflète pleinement, la Commission n’est pas tenue, lorsqu’elle détermine le montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière difficile d’une entreprise, puisque la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer des avantages concurrentiels injustifiés aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (36).

92.   En ce qui concerne, ensuite, le point 5, sous b), des lignes directrices, qui indique qu’il convient de prendre la capacité contributive réelle d’une entreprise en considération, la Cour a déjà décidé, dans l’arrêt SGL Carbon/Commission, que cette disposition ne remettait nullement en cause la jurisprudence précitée. Comme la Cour l’a fait observer dans cette affaire, la capacité de paiement ne saurait jouer que dans un «contexte social particulier», constitué par les conséquences que le paiement de l’amende pourrait avoir, notamment sur le plan d’une augmentation du chômage ou d’une détérioration des secteurs économiques en amont et en aval de l’entreprise concernée (37).

93.   Cela étant, nous nous accordons avec le Tribunal pour dire que le fait qu’une mesure prise par une autorité communautaire provoque la faillite ou la liquidation d’une entreprise donnée n’est pas interdit, en tant que tel, par le droit communautaire. En outre, SGL n’a pas démontré l’existence d’un «contexte social particulier» – au sens défini ci‑dessus.

94.   Dans ces circonstances, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a rejeté, au point 333 de l’arrêt attaqué, le moyen faisant valoir que la Commission avait négligé de tenir compte de la capacité de paiement de SGL.

95.   Le cinquième moyen doit, dès lors, être rejeté.

F –    Sixième moyen, tiré d’une détermination incorrecte du taux d’intérêt

 Principaux arguments

96.   Le sixième moyen est dirigé contre les points 408 à 415 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal a rejeté les moyens par lesquels SGL demandait l’annulation des taux d’intérêt fixés à l’article 3, troisième alinéa, de la décision attaquée (6,75 %) et dans la lettre de la Commission du 20 décembre 2002 (2 %).

97.   SGL maintient les arguments qu’elle a présentés devant le Tribunal, affirmant que les taux d’intérêt fixés étaient trop élevés et que l’alinéa concerné de la décision attaquée devait être annulé. Le taux d’intérêt particulièrement élevé qui doit être acquitté constitue en définitive une amende supplémentaire, pour laquelle il n’existe aucune base juridique.

98.   La Commission estime que les arguments avancés par SGL – qui concernent des constatations de faits et constituent une répétition des arguments déjà présentés devant le Tribunal – sont irrecevables ou, en tout cas, dénués de fondement.

 Appréciation

99.   Il convient de noter, premièrement, que, en réponse à l’illégalité prétendue du taux d’intérêt de retard de 6,75 % fixé dans la décision attaquée, le Tribunal a, à juste titre, fait référence, au point 411 de l’arrêt attaqué, à la jurisprudence constante selon laquelle les pouvoirs dont la Commission est investie en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 comprennent la faculté de déterminer le taux des intérêts de retard et d’arrêter les modalités d’exécution de sa décision (38).

100. C’est aussi à juste titre qu’il a estimé que la Commission était autorisée à prendre un point de référence situé à un niveau plus élevé que le taux proposé à l’emprunteur moyen, applicable sur le marché, dans la mesure nécessaire pour décourager des comportements dilatoires en ce qui concerne le paiement de l’amende (39).

101. SGL n’a pas démontré, dans le contexte du présent pourvoi, en quoi le Tribunal a jugé à tort, au point 412 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas dépassé la marge d’appréciation dont elle jouit, comme nous l’avons indiqué ci‑dessus, lorsqu’elle fixe le taux des intérêts de retard. Au lieu de cela, SGL répète essentiellement les arguments déjà examinés par le Tribunal concernant le niveau excessif du taux, ce qui revient, en fait, à demander son réexamen (40). Dans cette mesure, le moyen doit, par conséquent, être déclaré irrecevable.

102. En ce qui concerne, en second lieu, l’illégalité prétendue du taux d’intérêt de 2 % sur les paiements provisoires effectués par les entreprises en vue de s’acquitter de leurs amendes, le Tribunal a considéré – à juste titre, selon nous – ce moyen, qui n’avait pas été soulevé dans la requête présentée au Tribunal, comme un moyen nouveau, au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Il était, par conséquent, fondé à rejeter ce moyen comme irrecevable, au point 413 de l’arrêt attaqué. SGL a, donc, d’autant moins la possibilité de le soulever au stade du pourvoi.

103. Le sixième moyen doit, dès lors, être rejeté.

104. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

VII – Dépens

105. En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, qui s’applique aux procédures de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce même règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens si la partie gagnante a conclu en ce sens. Puisque la Commission a conclu à ce que SGL soit condamnée aux dépens et que SGL a succombé, SGL doit être condamnée aux dépens.

VIII – Conclusions

106. Pour les motifs exposés ci‑dessus, nous proposons à la Cour de:

1)      rejeter le pourvoi;

2)      condamner SGL Carbon AG aux dépens.


1 – Langue originale: l’anglais.


2 – T-71/03, T-74/03, T-87/03 et T-91/03, non publié au Recueil.


3 – Arrêt SGL Carbon/Commission (Rec. p. I-5977). Le présent pourvoi est, en ces termes, également lié, dans une certaine mesure, au pourvoi formé dans l’affaire Showa Denko/Commission (arrêt du 29 juin 2006, C‑289/04 P, Rec. p. I-5859).


4 – JO 1962, 13, p. 204.


5 – JO 1998, C 9, p. 3.


6 – JO 1996, C 207, p. 4.


7 – Arrêt du 14 décembre 1972 (7/72, Rec. p. 1281).


8 – Précité à la note 3.


9 – Voir, entre autres, arrêt du 5 mai 1966, Gutmann/Commission de la CEEA (18/65 et 35/65, Rec. p. 149), et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 59).


10 – Voir, entre autres, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 338).


11 – Précité à la note 3.


12 – Précité à la note 3.


13 – Arrêt du 18 mai 2006 (C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429).


14 – Points 28 et 29.


15 – Point 30.


16 – Points 33 à 37.


17 – Voir, en ce sens, arrêts précités à la note 3 SGL Carbon/Commission, point 36, et Showa Denko/Commission, point 60.


18 – Précité à la note 7.


19 – Voir arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, précité à la note 13, points 48 et 49.


20 – Voir arrêt SGL Carbon/Commission, point 27.


21 – Voir, entre autres, ordonnance du 17 septembre 1996, San Marco/Commission (C‑19/95 P, Rec. p. I‑4435, point 40), ainsi qu’arrêts de la Cour du 2 mars 1994, Hilti/Commission (C‑53/92 P, Rec. p. I‑667, point 42), et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 177).


22 – Voir, en ce sens, entre autres, arrêts du 28 mai 1998, Deere/Commission (C‑7/95 P, Rec. p. I‑3111, point 20), et du 7 juillet 2005, Le Pen/Parlement (C‑208/03 P, Rec. p. I‑6051, point 39 et jurisprudence citée).


23 – Voir, en particulier, arrêts du 1er octobre 1991, Vidrányi/Commission (C‑283/90 P, Rec. p. I‑4339, point 29); du 20 novembre 1997, Commission/V (C‑188/96 P, Rec. p. I‑6561, point 24); du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 25), et du 7 mai 1998, Somaco/Commission (C‑401/96 P, Rec. p. I‑2587, point 53).


24 – Voir, en ce sens, entre autres, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité à la note 21, point 428, ainsi que du 9 novembre 1983, Michelin/Commission (322/81, Rec. p. 3461, points 19 et 20), et Showa Denko/Commission, précité à la note 3, point 69.


25 – Voir, en particulier, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité à la note 21, point 428, et du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission (100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 21).


26 – Voir, en ce sens, entre autres, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité à la note 21, points 434 à 439; voir aussi, en ce qui concerne la jurisprudence du Tribunal sur ce point, en particulier arrêt du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission (T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 200).


27 – Voir point 46 ci‑dessus.


28 – Voir point 46 ci‑dessus et jurisprudence citée à la note 21.


29 – Voir, en ce sens, entre autres, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité à la note 21, point 68, et Baustahlgewebe/Commission, précité à la note 23, point 70.


30 – Voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité à la note 21, points 393 et 394.


31 – Voir arrêts SGL Carbon/Commission, précité à la note 3, point 48, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité à la note 21, point 245.


32 – Voir points 46 et 48 ci‑dessus.


33 – Voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission (C‑297/98 P, Rec. p. I‑10101, points 36 et 37), et Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité à la note 21, point 399.


34 – Voir arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité à la note 9, point 617.


35 – Voir, entre autres, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité à la note 21, points 245 et 246, et du 29 avril 2004, British Sugar/Commission (C‑359/01 P, Rec. p. I‑4933, points 48 et 49).


36 – Voir arrêts du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission (96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, points 54 et 55), et Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité à la note 21, point 327.


37 – Arrêt précité à la note 3, point 106.


38 – Voir arrêt SGL Carbon/Commission, précité à la note 3, point 113.


39 – Voir, en ce sens, ibidem, points 114 et 115.


40 – Voir point 47 ci‑dessus.

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