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Document 61995CJ0254

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 4 juillet 1996.
Parlement européen contre Angelo Innamorati.
Pourvoi - Fonctionnaires - Concours - Rejet de candidature - Motivation d'une décision du jury d'un concours général.
Affaire C-254/95 P.

Recueil de jurisprudence 1996 I-03423

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1996:276

61995J0254

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 4 juillet 1996. - Parlement européen contre Angelo Innamorati. - Pourvoi - Fonctionnaires - Concours - Rejet de candidature - Motivation d'une décision du jury d'un concours général. - Affaire C-254/95 P.

Recueil de jurisprudence 1996 page I-03423


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

Fonctionnaires ° Concours ° Jury ° Rejet de candidature ° Obligation de motivation ° Portée ° Respect du secret des travaux

(Statut des fonctionnaires, art. 25; annexe III, art. 6)

Sommaire


L' obligation de motivation d' une décision individuelle prise en application du statut a pour but, d' une part, de fournir à l' intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée et, d' autre part, d' en rendre possible le contrôle juridictionnel. En ce qui concerne les décisions prises par un jury de concours, cette obligation de motivation doit néanmoins être conciliée avec le respect du secret qui entoure ses travaux et qui s' oppose tant à la divulgation des attitudes prises par les membres du jury qu' à la révélation de tous éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats.

L' exigence de motivation des décisions d' un jury de concours doit, dans ces conditions, tenir compte de la nature des travaux du jury qui, en général, comportent au moins deux stades distincts, à savoir, en premier lieu, l' examen des candidatures pour faire le tri des candidats admis aux concours et, en second lieu, l' examen des aptitudes des candidats à l' emploi à pourvoir, afin de dresser une liste d' aptitude. Le premier stade consiste, notamment lors d' un concours sur titres, dans une confrontation des titres produits par les candidats avec les qualifications requises par l' avis de concours.

Cette confrontation se faisant sur la base de données objectives et d' ailleurs connues par chacun des candidats en ce qui le concerne, le respect du secret entourant les travaux du jury ne s' oppose pas à ce que ces données objectives, et notamment les critères d' appréciation qui sont à la base de la sélection faite au stade des opérations préliminaires du concours, soient communiquées aux candidats concernés. En revanche, le secret inhérent aux travaux du jury s' oppose à ce que soient communiqués les critères de correction des épreuves du concours, qui font partie intégrante des appréciations de nature comparative auxquelles se livre le jury sur les mérites respectifs des candidats.

Dans ces conditions, la communication aux intéressés des notes qu' ils ont obtenues aux différentes épreuves, qui reflètent les appréciations portées sur eux par le jury, constitue une motivation suffisante des décisions prises par ce dernier.

Parties


Dans l' affaire C-254/95 P,

Parlement européen, représenté par MM. Manfred Peter et José Luis Rufas Quintana, membres du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l' arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 30 mai 1995, Innamorati/Parlement (T-289/94, RecFP p. II-393), et tendant à l' annulation de cet arrêt,

l' autre partie à la procédure étant:

Angelo Innamorati, ancien agent auxiliaire de la Commission des Communautés européennes, candidat au concours général PE/59/A, demeurant à Rome, représenté par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure, Véronique Leclercq et Ariane Tornel, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

LA COUR (troisième chambre),

composée de MM. J.-P. Puissochet (rapporteur), président de chambre, J.C. Moitinho de Almeida et C. Gulmann, juges,

avocat général: M. N. Fennelly,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 23 mai 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 24 juillet 1995, le Parlement européen a, en vertu de l' article 49 du statut CE et des dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l' arrêt du 30 mai 1995, Innamorati/Parlement (T-289/94, RecFP p. II-393, ci-après l' "arrêt attaqué"), par lequel le Tribunal de première instance a annulé la décision du jury du concours général PE/59/A attribuant à M. Innamorati une note éliminatoire à la troisième épreuve écrite de ce concours et refusant de l' admettre aux autres épreuves (ci-après la "décision litigieuse").

2 Dans l' arrêt attaqué, le Tribunal a constaté:

"1 Le requérant, agent auxiliaire de grade A, groupe II, classe 2, de la Commission des Communautés européennes, a participé au concours général PE/59/A en vue de la constitution d' une liste de réserve d' administrateurs de langue italienne auprès du secrétariat général du Parlement européen.

2 La partie III.B.1. de l' avis de concours, publié le 23 octobre 1992 (JO C 275 A, p. 8), prévoyait que les candidats seraient soumis à six épreuves écrites éliminatoires. En ce qui concerne l' épreuve 1.c), il était précisé:

' c) Synthèse à un dixième de sa longueur d' un document de 2-3 pages avec une tolérance maximum de 10 %, afin d' évaluer les capacités d' analyse et de synthèse, l' objectivité et la précision du candidat.

Durée maximum de l' épreuve: 45 minutes

Points: de 0 à 20

Une notation inférieure à 10 sera éliminatoire.'

3 Le 20 avril 1994, le président du jury a informé le requérant que, pour l' épreuve de synthèse 1.c), il avait obtenu une notation inférieure au minimum requis et que, en conséquence, le jury ne pouvait pas corriger ses autres épreuves écrites.

4 Par lettre du 25 mai 1994, le requérant a demandé que son épreuve soit réexaminée et que la motivation de la notation qui lui avait été attribuée par le jury pour l' épreuve 1.c) lui soit communiquée.

5 Dans une lettre du 13 juin 1994 adressée au président du jury, le conseil du requérant a allégué que les correcteurs de l' épreuve 1.c) n' avaient pas éliminé les candidats n' ayant pas respecté le nombre maximal de mots imposé. Il a également demandé au président du jury de lui indiquer, d' une part, les critères adoptés par le jury pour examiner si les candidats remplissaient les conditions imposées dans l' avis de concours et pour évaluer leurs épreuves, y compris les instructions données aux correcteurs quant au respect des conditions spécifiques de l' épreuve 1.c), et, d' autre part, les mesures prises en vue de garantir l' anonymat des candidats.

6 Par lettre du 14 juin 1994, le président du jury a confirmé au requérant la décision du jury dans les termes suivants:

' Sur base des paramètres utilisés et selon les critères rigoureux décidés par le jury avant la correction ° en tenant compte d' un ensemble d' éléments énumérés d' autre part dans l' avis de concours ° je suis désolé de vous confirmer que votre notation dans l' épreuve 1.c) est inférieure à ce qui est demandé pour le passage à la phase suivante. Vous avez obtenu en effet 8,33 points (minimum demandé 10 points).'

7 Par lettre du 4 juillet 1994 adressée au président du jury, le conseil du requérant a rappelé sa demande du 13 juin 1994 et a constaté que la lettre du 14 juin 1994 du président du jury ne contenait aucune motivation de la décision du jury. Il a également indiqué son intention d' introduire un recours devant le Tribunal si les précisions qu' il avait demandées ne lui étaient pas communiquées.

8 Par lettre du même jour, le chef de l' unité 'concours' du Parlement a répondu à la lettre du conseil du requérant du 13 juin 1994, en précisant que, dès que le rapport du jury serait signé, le Parlement serait 'en mesure de (lui) communiquer les renseignements souhaités, dans les limites que la Cour de justice ... a assignées au devoir de motivation des décisions des jurys de concours eu égard au secret des délibérations' .

9 Par lettre du 19 juillet 1994, le chef de l' unité 'concours' du Parlement a informé le conseil du requérant de ce qui suit:

' ° Toutes les corrections des épreuves écrites du concours en question ont été effectuées d' une façon anonyme. Même si les candidats étaient tenus d' indiquer leur nom sur les feuilles de réponse, l' anonymat des corrections a été garanti par l' attribution ultérieure d' un numéro de code secret et par l' occultation des données personnelles de l' auteur.

° Les corrections des épreuves 1.c) 1) (tests objectifs) et 1.c) 2) (tests culturels) ont été effectuées par lecteur optique sous surveillance du jury. Toutes les autres épreuves ont été portées à la connaissance des sept membres du jury et corrigées par au moins trois d' entre eux.

° Monsieur Innamorati a demandé un réexamen de ses épreuves. Le jury a procédé à ce deuxième examen en vérifiant qu' aucune erreur ne s' était glissée dans la notation. Il a ainsi confirmé sa décision initiale. Les critères de correction utilisés par les membres dudit jury avaient été définis préalablement à la correction et respectés selon les dispositions de l' avis de concours.' "

3 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 1994, M. Innamorati a introduit un recours tendant à l' annulation de la décision litigieuse.

4 A l' appui de son recours en annulation, M. Innamorati a avancé deux moyens. Le premier était tiré de la violation du principe d' égalité de traitement, de la violation de l' avis de concours et de l' absence de motivation de la décision litigieuse. Le second moyen était pris d' une erreur d' appréciation, de l' absence d' impartialité du jury et de la violation des principes régissant les travaux du jury (point 17 de l' arrêt attaqué).

5 Le requérant s' est cependant désisté du second moyen lors de l' audience devant le Tribunal. Celui-ci a estimé que, dès lors, il n' y avait plus lieu de statuer sur ce moyen (point 18).

6 En ce qui concerne le premier moyen, le Tribunal a considéré qu' il comportait deux branches: l' une, tirée de la violation du principe d' égalité et de l' avis de concours; l' autre, tirée du défaut de motivation de la décision litigieuse (point 19).

7 S' agissant de la première branche, le Tribunal a retenu que le requérant n' avait apporté aucun élément de fait à l' appui de son affirmation selon laquelle le jury n' aurait pas éliminé d' autres candidats qui n' avaient pas respecté les limites de longueur imposées pour la troisième épreuve écrite. Aucun élément du dossier ne permettant de conclure en ce sens, le Tribunal a écarté cette branche du moyen (points 22 et 23).

8 S' agissant de la seconde branche du premier moyen, le Tribunal a, tout d' abord, rappelé que l' obligation de motivation avait pour but, d' une part, de fournir à l' intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision était ou non fondée et, d' autre part, de rendre possible le contrôle juridictionnel. Il a rappelé également que, en cas de concours à participation nombreuse, le jury était autorisé, dans un premier temps, à ne communiquer aux candidats que les critères et le résultat de la sélection et n' était obligé de fournir ultérieurement des explications individuelles qu' aux candidats qui le demandaient expressément (points 26 et 27).

9 Le Tribunal a, ensuite, relevé que, bien que M. Innamorati ait expressément demandé à plusieurs reprises les motifs de la décision litigieuse ainsi que les critères adoptés par le jury pour l' évaluation de la troisième épreuve, les réponses du Parlement ne contenaient aucune motivation de la note qui lui avait été attribuée et ne précisaient pas les critères adoptés par le jury de concours. Il a alors estimé que le Parlement n' avait fourni aucune motivation permettant au requérant d' apprécier le bien-fondé de la décision litigieuse et permettant au Tribunal d' exercer son contrôle juridictionnel (points 28 à 30).

10 Le Tribunal a enfin considéré que cette absence totale de motivation ne pouvait pas être couverte par les explications fournies, par le Parlement, en cours d' instance, car, à ce stade, de telles explications ne remplissaient plus les fonctions dévolues à la motivation. Il a relevé, au surplus, que les explications données par le Parlement devant le Tribunal, tant lors de la procédure écrite que lors de la procédure orale, ne constituaient pas, compte tenu de leur caractère trop imprécis, une motivation suffisante de la décision litigieuse (points 31 et 32).

11 Le Tribunal en a conclu que la seconde branche du premier moyen était fondée et il a, en conséquence, annulé la décision litigieuse (point 33).

12 Le pourvoi du Parlement tend, d' une part, à l' annulation de l' arrêt attaqué, d' autre part, au rejet des conclusions formées par M. Innamorati devant le Tribunal.

13 M. Innamorati conclut au rejet du pourvoi, à titre principal, en raison de son irrecevabilité manifeste, à titre subsidiaire, en raison de son caractère non fondé.

14 Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 24 juillet 1995, le Parlement a introduit, conformément à l' article 53 du statut CE et des dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA de la Cour de justice, ainsi que conformément aux articles 83 et 118 du règlement de procédure, une demande en référé tendant à obtenir le sursis à l' exécution de l' arrêt attaqué. Cette demande a été rejetée par le président de la Cour dans une ordonnance du 15 septembre 1995, Parlement/Innamorati (C-254/95 P-R, Rec. p. I-2707).

15 A l' appui de son pourvoi, le Parlement fait valoir les trois moyens suivants:

° l' arrêt attaqué méconnaît la portée et les limites de l' obligation de motivation en ce qui concerne les décisions des jurys de concours;

° l' insuffisance de motivation de la décision litigieuse pouvait, en tout état de cause, être couverte lors de la procédure devant le Tribunal;

° le défaut ou l' insuffisance de motivation de la décision litigieuse ne pouvait pas justifier, à lui seul ou à elle seule, l' annulation de cette décision.

16 M. Innamorati soutient, à titre principal, que le pourvoi n' est pas fondé sur des moyens de droit. Il fait valoir que le Parlement conteste les appréciations de fait portées par le Tribunal sur la motivation de la décision litigieuse et sur les conséquences à tirer, en l' espèce, du caractère insuffisant de cette motivation. A titre subsidiaire, il fait valoir que, selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, le jury est tenu de faire connaître les critères objectifs sur lesquels il s' est fondé ainsi que la manière dont il les a appliqués, notamment pour permettre aux candidats et, le cas échéant, au juge communautaire de s' assurer que les épreuves du concours ont bien été régulières.

Sur la recevabilité du pourvoi

17 Selon la jurisprudence constante de la Cour, un pourvoi ne peut, en vertu de l' article 168 A du traité et de l' article 51 du statut CE de la Cour de justice, s' appuyer que sur des moyens portant sur la violation des règles de droit, à l' exclusion de toute appréciation des faits (voir, notamment, arrêt du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C-241/91 P et C-242/91 P, Rec. p. I-743, point 67).

18 Par les trois moyens qu' il a avancés à l' appui de son pourvoi, le Parlement conteste l' interprétation donnée par le Tribunal de la jurisprudence de la Cour ainsi que de sa propre jurisprudence en ce qui concerne, en premier lieu, la motivation des décisions du jury, deuxièmement, la possibilité de remédier, en cours d' instance, à un défaut ou à une insuffisance de motivation, en troisième lieu, les conséquences d' un défaut ou d' une insuffisance de motivation sur la régularité de la décision en cause. Contrairement à ce que soutient M. Innamorati, le Parlement n' entend pas remettre en cause les appréciations portées, en l' espèce, par le Tribunal sur la base de la jurisprudence telle qu' il l' a interprétée.

19 Les moyens du Parlement portent ainsi sur la violation des règles de droit qui s' imposent aux institutions de la Communauté, à l' exclusion de toute appréciation des faits. Ils sont donc recevables.

20 Il suit de là que l' exception d' irrecevabilité soulevée par M. Innamorati doit être écartée.

Sur le moyen tiré de la portée et des limites de l' obligation de motivation

21 Le Parlement fait valoir que, si la jurisprudence de la Cour impose de communiquer les critères d' évaluation définis par le jury préalablement à la sélection des candidats admis à concourir ainsi que les évaluations individuelles correspondantes, elle n' impose pas et ne saurait imposer, en revanche, la communication des critères retenus par le jury pour procéder à la correction des épreuves. En effet, ces derniers relèvent du pouvoir souverain d' appréciation du jury et sont couverts par le secret des délibérations. Le Parlement soutient que la communication du résultat chiffré de l' épreuve constitue, lorsque le candidat en fait la demande, une motivation suffisante des décisions du jury.

22 M. Innamorati soutient, au contraire, que, pour pouvoir remplir son objectif, qui est de permettre au candidat d' apprécier le bien-fondé de la décision du jury et au juge communautaire de vérifier que les travaux du jury ont bien été réguliers, l' administration est tenue de faire connaître au candidat les critères généraux retenus par le jury dans ses appréciations ainsi que l' application qui en a été faite.

23 Comme l' a relevé le Tribunal, au point 26 de l' arrêt attaqué, l' obligation de motivation d' une décision faisant grief a pour but, d' une part, de fournir à l' intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée et, d' autre part, d' en rendre possible le contrôle juridictionnel (voir, notamment, arrêt du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22).

24 En ce qui concerne les décisions prises par un jury de concours, cette obligation de motivation doit néanmoins être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury en vertu de l' article 6 de l' annexe III du statut des fonctionnaires. Ainsi que l' a Cour a déjà eu l' occasion de l' indiquer, ce secret a été institué en vue de garantir l' indépendance des jurys de concours et l' objectivité de leurs travaux, en les mettant à l' abri de toutes ingérences et pressions extérieures, qu' elles proviennent de l' administration communautaire elle-même, des candidats intéressés ou de tiers. Le respect de ce secret s' oppose dès lors tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu' à la révélation de tous éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (arrêt du 28 février 1980, Bonu/Conseil, 89/79, Rec. p. 553, point 5).

25 L' exigence de motivation des décisions d' un jury de concours doit, dans ces conditions, tenir compte de la nature des travaux en cause.

26 Ainsi que l' a déjà relevé la Cour, les travaux d' un jury de concours comportent, en général, au moins deux stades distincts, à savoir, en premier lieu, l' examen des candidatures pour faire le tri des candidats admis au concours et, en second lieu, l' examen des aptitudes des candidats à l' emploi à pourvoir, afin de dresser une liste d' aptitude (voir, notamment, arrêts du 14 juin 1972, Marcato/Commission, 44/71, Rec. p. 427, point 19; du 15 mars 1973, Marcato/Commission, 37/72, Rec. p. 361, point 18, et du 4 décembre 1975, Costacurta/Commission, 31/75, Rec. p. 1563, point 10).

27 Le premier stade consiste, notamment lors d' un concours sur titres, dans une confrontation des titres produits par les candidats avec les qualifications requises par l' avis de concours (arrêts précités du 14 juin 1972, Marcato/Commission, point 20; du 15 mars 1973, Marcato/Commission, point 19, et Costacurta/Commission, point 11). Cette confrontation se faisant sur la base de données objectives et d' ailleurs connues par chacun des candidats en ce qui les concerne, le respect du secret entourant les travaux du jury ne s' oppose pas à ce que soient communiquées ces données objectives et, notamment, les critères d' appréciation qui sont à la base de la sélection faite, au stade des opérations préliminaires du concours, de manière à mettre les personnes dont les candidatures ont été écartées dès avant toute épreuve personnelle en mesure de reconnaître les motifs possibles de leur élimination (arrêt Bonu/Conseil, précité, point 5).

28 En revanche, le second stade des travaux du jury de concours est avant tout de nature comparative et, de ce fait, couvert par le secret inhérent à ces travaux (voir, notamment, arrêts précités du 14 juin 1972, Marcato/Commission, point 20; du 15 mars 1973, Marcato/Commission, point 19, et Costacurta/Commission, point 11).

29 Les critères de correction adoptés par le jury préalablement aux épreuves font partie intégrante des appréciations de nature comparative auxquelles se livre le jury sur les mérites respectifs des candidats. En effet, ils tendent à assurer, dans l' intérêt de ces derniers, une certaine homogénéité des appréciations du jury, notamment lorsque le nombre de candidats est élevé. Ces critères sont donc couverts par le secret des délibérations au même titre que les appréciations du jury.

30 Les appréciations de nature comparative auxquelles se livre le jury sont reflétées par les notes que ce dernier attribue aux candidats. Celles-ci sont l' expression des jugements de valeur portés sur chacun d' eux.

31 Compte tenu du secret qui doit entourer les travaux du jury, la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions du jury.

32 Une telle motivation ne lèse pas les droits des candidats. Elle leur permet de connaître le jugement de valeur qui a été porté sur leurs prestations et elle leur permet de vérifier, le cas échéant, qu' ils n' ont effectivement pas obtenu le nombre de points requis par l' avis de concours pour être admis à certaines épreuves ou à l' ensemble des épreuves.

33 Il convient de préciser toutefois que, afin de tenir compte des difficultés pratiques auxquelles est confronté un jury de concours à participation nombreuse, on peut admettre que ce jury ne fasse connaître aux candidats, dans un premier temps, que le résultat général des épreuves et ne leur communique qu' ultérieurement les résultats chiffrés les concernant, s' ils en font la demande.

34 Il résulte de tout ce qui précède que, en considérant, au point 28 de l' arrêt attaqué, que le Parlement était tenu de fournir à M. Innamorati les motifs de la décision litigieuse ainsi que les critères retenus par le jury pour l' évaluation de la troisième épreuve écrite, le Tribunal a commis une erreur de droit.

35 L' arrêt attaqué doit, pour ce motif, être annulé.

Sur les conclusions présentées par M. Innamorati devant le Tribunal

36 Aux termes de l' article 54, premier alinéa, du statut CE de la Cour, "Lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d' être jugé, soit renvoyer l' affaire devant le Tribunal pour qu' il statue".

37 M. Innamorati a soulevé deux moyens à l' appui de son recours, le premier, tiré de la violation du principe d' égalité de traitement des candidats, de la violation de l' avis de concours et de l' absence de motivation de la décision attaquée, le second, de l' erreur d' appréciation, de l' absence d' impartialité et de la violation des principes régissant les travaux du jury.

38 A l' appui de son premier moyen, M. Innamorati fait valoir, tout d' abord, qu' il a observé scrupuleusement les limites de longueur imposées par l' avis de concours pour la troisième épreuve écrite, mais que, faute d' avoir procédé à une vérification systématique de la longueur des résumés, le jury du concours n' a pas éliminé d' autres candidats qui n' avaient pas respecté ces limites. Le jury aurait ainsi violé le principe d' égalité de traitement entre les candidats ainsi que les termes de l' avis de concours.

39 Le Parlement reconnaît que la longueur du résumé de M. Innamorati était conforme aux exigences de l' avis de concours, mais il nie que la longueur des résumés n' ait pas été vérifiée pour l' ensemble des candidats. Il ajoute qu' il appartient à M. Innamorati d' apporter des éléments de preuve en ce sens.

40 Ainsi que le soutient le Parlement, M. Innamorati n' a pas apporté, comme il lui incombe, en principe, de le faire, d' élément de fait à l' appui de son affirmation selon laquelle le jury n' aurait pas éliminé d' autres candidats au concours litigieux qui n' auraient pas respecté les limites de longueur de la synthèse prévue pour la troisième épreuve. Aucun élément du dossier ne permet non plus de conclure que le jury a violé le principe d' égalité de traitement ou les dispositions de l' avis de concours. Cette partie de l' argumentation du requérant doit donc être écartée.

41 M. Innamorati soutient, ensuite, que la décision litigieuse n' était pas suffisamment motivée. Il fait valoir, en particulier, que les critères retenus par le jury pour la correction de la troisième épreuve écrite ne lui ont pas été communiqués.

42 Il est constant que, si M. Innamorati n' a été informé, dans un premier temps, que des résultats généraux du concours, il a obtenu, à sa demande, le résultat chiffré de sa troisième épreuve écrite.

43 Il résulte du point 31 du présent arrêt que cette communication constituait une motivation suffisante de la décision litigieuse et que le Parlement a pu, à bon droit, refuser de lui communiquer les critères de correction utilisés par le jury ainsi que, plus généralement, les éléments d' appréciation du jury à son égard. Cette partie de l' argumentation du requérant doit donc, elle aussi, être écartée.

44 Le premier moyen soulevé par M. Innamorati n' est donc pas fondé.

45 M. Innamorati s' étant désisté du second moyen de son recours, il n' y plus lieu de l' examiner.

46 Il résulte de ce qui précède que le recours de M. Innamorati doit être rejeté.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

47 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Toutefois, il résulte des dispositions combinées des articles 122 et 70 du même règlement que les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci lorsqu' elles sont à l' origine du pourvoi. Il y a donc lieu de faire supporter à chaque partie ses propres dépens afférents à la présente instance et à celle engagée devant le Tribunal.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (troisième chambre)

déclare et arrête:

1) L' arrêt du Tribunal de première instance du 30 mai 1995, Innamorati/Parlement (T-289/94), est annulé.

2) Le recours de M. Innamorati tendant à l' annulation de la décision par laquelle le jury du concours général PE/59/A lui a attribué une note éliminatoire à la troisième épreuve écrite de ce concours et a refusé de l' admettre aux autres épreuves est rejeté.

3) Chacune des parties supportera ses propres dépens afférents à la présente instance et à celle engagée devant le Tribunal.

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