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Document 52025IE1434

Avis du Comité économique et social européen — Incidence économique de la mise en œuvre du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE) (avis d’initiative)

EESC 2025/01434

JO C, C/2025/5140, 28.10.2025, ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2025/5140/oj (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, GA, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2025/5140/oj

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Journal officiel
de l'Union européenne

FR

Série C


C/2025/5140

28.10.2025

Avis du Comité économique et social européen

Incidence économique de la mise en œuvre du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE)

(avis d’initiative)

(C/2025/5140)

Rapporteur:

Krister ANDERSSON

Conseillers

Samuel CORNELLA (pour le rapporteur)

Alex MONTEBELLO (pour le groupe I)

Décision de l’assemblée plénière

27.2.2025

Base juridique

Article52, paragraphe 2, du règlement intérieur

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

4.7.2025

Adoption en session plénière

16.7.2025

Session plénière no

598

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

182/2/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souscrit aux objectifs généraux du système de plafonnement et d’échange des droits d’émission de l’Union (système d’échange de quotas d’émission, ou SEQE), établi aux fins d’une économie verte et sobre en carbone. Les émissions de CO2 seront réduites là où le coût est le plus bas, ce qui en fait un système efficace sur le plan des coûts. Le SEQE encourage les investissements dans les technologies vertes et revêt donc une importance certaine dans le cadre du pacte vert pour l’Europe.

1.2.

Le CESE fait toutefois observer que la conception et la mise en œuvre de ce système devraient tenir compte de ses effets sur l’emploi en Europe et de son impact sur le plan social. Une analyse et une évaluation approfondies de ses répercussions sur les différents secteurs, les chaînes de valeur, les régions et les États membres s’imposent, selon une méthode globale choisie d’un commun accord.

1.3.

Le CESE insiste sur l’importance de trouver un juste équilibre entre la réalisation des objectifs généraux en matière d’environnement et la nécessité de ne pas créer de distorsions économiques ni compromettre la compétitivité de l’économie européenne. Les effets indésirables de tels instruments sur les entreprises et l’emploi dans l’ensemble des secteurs doivent eux aussi être pris en compte. Il convient à cet égard d’améliorer de manière significative l’analyse économique de la Commission.

1.4.

Le CESE relève que le mécanisme d’échange de quotas d’émission présente plusieurs implications profondes par rapport aux coûts de mise en conformité et aux effets de distorsion potentiels, et qu’il crée une charge administrative excessive. Sa mise en œuvre nécessite par ailleurs une coopération internationale solide, y compris en dehors de l’Union, qui pourrait se révéler à la fois difficile et complexe.

1.5.

Comme le CESE l’a déjà fait remarquer, l’accélération du rythme des réductions des émissions de CO2, leur niveau d’ambition et la moindre disponibilité de quotas d’émission de gaz à effet de serre risquent d’avoir une incidence négative sur la compétitivité de l’UE sur le marché mondial, à moins qu’un grand nombre d’États ne décident de suivre son exemple.

1.6.

Le CESE estime que toute mesure prise dans le but de favoriser la décarbonation du secteur du transport maritime devrait, dans l’idéal, revêtir un caractère international plutôt que régional ou unilatéral, de manière à éviter les fuites de carbone. À cet égard, le CESE soutient fermement les travaux menés au sein de l’Organisation maritime internationale (OMI), notamment son cadre «zéro émission nette», qui pourrait aussi éviter les doubles réglementations et les doubles paiements.

1.7.

Le CESE soutient la simplification du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) récemment proposée, qui constitue selon lui une avancée dans la recherche d’un équilibre entre, d’une part, la nécessité de protéger l’environnement et, d’autre part, le besoin concomitant de réduire la charge administrative qui pèse sur l’économie et les entreprises, notamment les PME. Il invite donc instamment la Commission à réaliser des analyses ex post du SEQE afin d’en suivre l’incidence concrète sur les entreprises et l’emploi, de façon à pouvoir intervenir rapidement si nécessaire.

1.8.

L’extension récente du SEQE au transport maritime a eu d’autres implications qui, à leur tour, ont eu des répercussions notables sur la chaîne logistique du secteur, des terminaux portuaires aux consommateurs finals. Malgré la clause relative aux ports voisins prévue dans le SEQE (1), les compagnies maritimes sont incitées à faire escale dans des ports de pays tiers, étant donné que l’Union n’est pas compétente pour les opérations de transbordement qui se déroulent en dehors de son territoire. Le CESE s’inquiète dès lors de la possibilité d’une évolution du marché concernant les opérations de transbordement des ports européens vers les ports de pays tiers et du risque de voir des navires de pays tiers délaisser les ports de l’Union au profit de ports extérieurs.

1.9.

Le CESE met en garde contre le fait que le SEQE risque de fortement dissuader les investissements dans les ports de l’Union et de créer ainsi un déséquilibre concurrentiel entre les ports méditerranéens des États membres et les ports concurrents situés à proximité dans des pays tiers, notamment en Afrique du Nord.

1.10.

Le transport de cargaisons par d’autres routes peut également entraîner des coûts pour un pays donné en raison de la hausse du prix des intrants destinés à la production, qui a un effet sur la production et l’emploi dans le pays en question. Ces coûts devraient être pris en compte dans toute évaluation de l’incidence économique de la mise en œuvre d’une législation relative au carbone. Un effet similaire se produit lorsque les coûts du transport maritime augmentent (la Commission évalue cet accroissement à 3,7 % en 2024, avec une tendance à la hausse si aucun gain de productivité n’est réalisé) et sont répercutés sur les entreprises productrices, entraînant une baisse de la production et de l’emploi. Il est important d’en tenir compte à l’avenir lors de la conception et de l’évaluation du système.

1.11.

Le CESE observe que les îles, comme Malte, Chypre et l’Irlande, et les États membres fortement axés sur le transport et les activités maritimes pourraient se retrouver sous pression sur le plan économique à cause de l’application du SEQE, étant donné qu’ils sont particulièrement vulnérables à la hausse des coûts du transport maritime en raison de leur forte dépendance par rapport aux activités d’exportation, qui sont souvent leur principale source d’emplois et de développement local.

2.   Contexte

2.1.

Le paquet «Ajustement à l’objectif 55» vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre nettes d’au moins 55 % d’ici à 2030. Le système de plafonnement et d’échange des droits d’émission de l’Union, le SEQE, qui joue un rôle fondamental dans l’essor d’une économie verte et sobre en carbone, a fait du CO2 une sorte de bien négociable, selon le principe du «pollueur-payeur». Au fur et à mesure que le nombre de quotas diminue, les émissions de CO2 sont réduites en premier lieu là où le coût est le plus bas, ce qui en fait un système efficace sur le plan des coûts. Tandis que le marché des droits d’émission de carbone se développait, un marché du carbone au comptant, mais aussi plusieurs marchés de dérivés, comme le marché des futurs, le marché d’options et le marché à terme, ont progressivement vu le jour.

2.2.

Le système d’échange de quotas d’émission de l’UE couvre environ 40 % de l’ensemble des émissions de CO2 de l’Union. Le niveau de CO2 dans l’atmosphère étant un enjeu mondial, un système d’échange réellement efficace sur le plan des coûts devrait être uniforme et international. Or, la situation actuelle se caractérise par une forte fragmentation: des systèmes d’échange distincts ont été mis en place dans différents pays et régions, et 24 % seulement des émissions mondiales relèvent d’un système d’échange de quotas d’émission quel qu’il soit (2).

2.3.

Le présent avis aborde certaines des questions importantes relatives aux coûts et aux implications économiques du caractère régional du SEQE de l’Union. Le secteur maritime servira d’exemple, en gardant à l’esprit que chaque secteur présente des caractéristiques propres. Fondamentalement, toute analyse d’incidence économique doit cependant reposer sur une méthode économique commune (3).

2.4.

Le CESE a déjà souligné la nécessité d’analyser les conséquences négatives potentielles du SEQE concernant la compétitivité de l’industrie et des prestataires de services européens, tant dans les secteurs à forte intensité de carbone que d’une manière générale, et demandé à ce que des mesures soient prises afin d’éviter dans la mesure du possible les effets négatifs sur l’économie et les répercussions sociales néfastes, tels que le chômage, les tensions entre syndicats et employeurs et la précarité énergétique ou en matière de mobilité (4).

2.5.

Pour le secteur maritime, le CESE approuve sur le principe l’extension du SEQE aux navires d’une jauge brute supérieure à 5 000 qui font escale dans un port de l’UE et aux trajets en provenance et à destination de ports de pays tiers, tout en attirant l’attention sur les travaux menés actuellement au sein de l’OMI, qui joue un rôle fondamental pour parvenir à une solution mondiale dans le domaine des émissions du transport maritime. Le CESE encourage l’Union européenne à œuvrer activement à l’obtention d’une solution viable dans le cadre de l’OMI, et à contribuer ainsi à des réductions significatives des émissions (5).

2.6.

Le CESE salue le lancement d’une consultation publique sur le SEQE en avril 2025 et demande une évaluation détaillée de la mise en œuvre du SEQE basée sur des données empiriques solides et une analyse complète des conséquences économiques. Si les résultats de la consultation publique et d’une éventuelle analyse d’incidence ultérieure laissent entrevoir de lourdes conséquences négatives pour la compétitivité des industries de l’Union, une révision ciblée du SEQE et/ou de ses mesures d’accompagnement s’imposera.

3.   Introduction

3.1.

La teneur en carbone est par essence difficile à mesurer. La conception et la mise en œuvre concrètes du SEQE et du MACF sont complexes, et leurs conséquences économiques difficiles à prédire et à évaluer. Selon la Commission, le SEQE devrait générer des recettes pour le budget de l’UE de l’ordre de 7 milliards d’EUR par an (aux prix de 2018) à partir de 2024. Ce montant devrait augmenter pour atteindre environ 19 milliards d’EUR par an à partir de 2028, lorsque les recettes du nouveau SEQE seront également versées au budget de l’UE (6). Dans le même temps, les recettes annuelles du SEQE allouées aux États membres pourraient dépasser 46 milliards d’EUR, un montant largement supérieur à ce qui était prévu lors de la présentation de la proposition «Ajustement à l’objectif 55».

3.2.

Début 2024, le système d’échange de quotas d’émission de l’UE a été étendu au transport maritime. La surveillance, la déclaration et la vérification des émissions des navires figurent parmi les principaux outils dont dispose la Commission pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur (7).

3.3.

Le SEQE est conçu de manière à inciter les entreprises à investir dans des technologies plus propres et à réduire ainsi leurs émissions et leur impact sur l’environnement. Le signal de prix induit par le SEQE crée, pour les entreprises maritimes, de fortes incitations financières à investir dans l’efficacité énergétique. Il contribue parallèlement à réduire la différence de prix entre les combustibles fossiles et les combustibles renouvelables et bas carbone, et ouvre de nouvelles perspectives de financement pour le secteur. Il convient de préciser qu’une petite partie des recettes générées par le SEQE — environ 1,6 milliard d’EUR d’ici à 2030 — sera orientée vers le Fonds pour l’innovation de l’Union afin de soutenir des initiatives de décarbonation du transport maritime. Il apparaît toutefois que ce fonds reste largement inaccessible à certains petits États membres. Malte, le Luxembourg et l’Estonie sont ainsi les seuls pays à n’avoir pas encore reçu d’aide au titre de ce fonds, bien qu’ils y contribuent financièrement. Malte, en particulier, est peu susceptible de bénéficier de ce mécanisme en raison de limitations de capacité, ce qui rend le système inéquitable sur le plan de l’incidence.

3.4.

La création de conditions de concurrence équitables, tant entre les secteurs et les États que vis-à-vis des pays tiers, constitue cependant un véritable défi. Le problème du contournement des exigences du SEQE nécessite la mise en place d’un suivi adéquat de la mise en œuvre du système, dans le but notamment de détecter les tentatives de s’y soustraire et de les tuer dans l’œuf (8).

3.5.

Une piste potentielle permettant de dissuader les navires d’éviter les ports des États membres de l’Union (ou des pays de l’Espace économique européen) et d’en dévier consiste à faire en sorte que les ports de pays tiers, comme ceux d’Afrique du Nord, ne soient pas considérés comme le début ou la fin d’un voyage dans le contexte du SEQE, ce qui réduirait l’incitation à s’arrêter dans ces plateformes de pays tiers avant ou après une escale dans un port de l’UE. Cela réduirait leurs possibilités d’éviter les frais, puisqu’ils resteraient tenus de payer dans le cadre de ce système. Le recours à d’autres modes de transport des marchandises est une autre méthode de contournement qu’il sera peut-être nécessaire d’aborder. La Commission est chargée de surveiller ces tentatives de contournement.

3.6.

Le fait que des règles régissent les activités exercées dans des pays tiers confère au SEQE un caractère extraterritorial, et il pourrait être soutenu qu’une telle mesure empiète sur la souveraineté de la juridiction concernée. Toute analyse d’incidence globale se doit de tenir compte de ces conséquences économiques. Si de telles règles contribuent à renforcer le caractère équitable des conditions de concurrence par rapport aux pays tiers et à prévenir au sein de l’Union les comportements favorables aux fuites de carbone, leur acceptation au niveau international reste cependant limitée, car elles engendrent des coûts supplémentaires pour les activités entreprises dans les pays tiers. Leur incidence économique est, dans une certaine mesure, semblable à celle de l’imposition de droits de douane (9).

3.7.

En outre, de plus en plus de régions mettent en place leur propre version du SEQE, ce qui augmente le risque de chevauchement extraterritorial. Un même port risquerait en effet de relever de plusieurs systèmes régionaux différents. Une coordination entre les blocs commerciaux sera dès lors nécessaire, une question sur laquelle l’OCDE envisage de se pencher. L’approche proposée dans le cadre de l’OMI serait plus adaptée: elle revêtirait un caractère international, par opposition aux approches régionales qui accroissent la charge administrative et augmentent le risque de double taxation ou de double paiement. C’est pourquoi le CESE soutient fermement l’accord conclu par l’OMI en avril 2025, qui devrait être adopté au mois d’octobre.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE souscrit aux objectifs généraux du SEQE et du MACF en matière de décarbonation, de protection de l’environnement et de durabilité. À cet égard, il reconnaît que le SEQE a contribué à la décarbonation au cours des vingt dernières années et a rendu les processus de fabrication et le transport au sein de l’UE plus propres. Le SEQE a en revanche échoué à protéger la compétitivité de la production industrielle, qui a diminué tant en chiffres relatifs qu’en chiffres absolus, ce qui soulève de sérieux doutes quant à son efficacité en tant que mesure climatique à l’échelle mondiale. La conception et la mise en œuvre de tout système, notamment régional, devraient bien évidemment être efficaces au regard des coûts, et leurs effets sur l’emploi en Europe ainsi que leur impact sur le plan social doivent être soigneusement analysés.

4.2.

Le CESE insiste sur l’importance de trouver un juste équilibre entre la réalisation des objectifs généraux en matière d’environnement et la nécessité de ne pas créer de distorsions économiques ni compromettre la compétitivité de l’économie européenne. Les effets indésirables de ces instruments doivent eux aussi être pris en compte.

4.3.

Le CESE relève que le mécanisme d’échange de quotas d’émission présente plusieurs implications profondes par rapport aux coûts de mise en conformité et aux effets de distorsion potentiels, et qu’il crée une charge administrative excessive (10). Sa mise en œuvre nécessite par ailleurs une coopération internationale solide, y compris en dehors de l’Union, qui pourrait se révéler à la fois difficile et complexe au vu des tensions croissantes que l’on observe actuellement dans le commerce mondial. Le récent cadre global de l’OMI pourrait apporter des suggestions viables pour favoriser la coordination internationale à long terme (11).

4.4.

Les conséquences économiques doivent faire l’objet d’un suivi adéquat afin d’éviter des répercussions néfastes sur la compétitivité de l’Europe et, partant, sur l’emploi au sein de l’Union. En effet, l’une des principales raisons d’être des mécanismes d’incitation est de créer des conditions de concurrence équitables au sein du marché unique entre les producteurs de l’Union et les importateurs de pays tiers dans les secteurs à forte empreinte carbone. Cela vaut également pour le MACF et son objectif d’éviter les fuites de carbone. Or, dans plusieurs des principaux marchés extérieurs à l’Union, les cadres réglementaires régissant les activités des entreprises ne fixent pas de prix du carbone (dans plusieurs États américains, par exemple) ou établissent des prix inférieurs (en Chine, par exemple) (12).

4.5.

La situation actuelle crée une charge administrative et opérationnelle importante tout au long de la chaîne de production, qui pourrait entraîner une hausse des prix pour les consommateurs.

4.6.

À cet égard, le CESE note que les données et les évaluations économiques actuellement disponibles concernant le SEQE sont extrêmement limitées et qu’une grande partie des informations requises doivent souvent être fournies par les producteurs des pays d’origine. Un tel niveau de complexité et de fragmentation s’avère très compliqué à gérer, y compris pour les pouvoirs publics chargés de faire appliquer le cadre juridique européen à l’échelon national.

4.7.

L’extension du SEQE au transport maritime et l’obligation faite aux entreprises maritimes de restituer des quotas de l’Union auraient fait augmenter les coûts totaux du transport maritime de 3,7 % en moyenne en 2024 selon la Commission, des hausses plus importantes étant attendues en 2025 et 2026 (13) et les données relatives aux routes existantes en mer Adriatique indiquant déjà une augmentation allant jusqu’à 17 % cette année. Il est difficile de savoir dans quelle mesure le secteur maritime peut compenser ces augmentations par des mesures de réduction des coûts (amélioration de la productivité, diminution des effectifs, etc.). Comme les coûts affectent l’ensemble du secteur, les entreprises individuelles ne sont guère incitées à les internaliser. Le risque que leurs clients se retrouvent confrontés à des hausses de prix, toutes choses égales par ailleurs, est donc bien réel. Il est par ailleurs décevant de constater que la Commission n’a pas dûment tenu compte des effets disproportionnés du SEQE sur les États membres insulaires et ceux qui dépendent fortement du transport maritime en raison de connexions intermodales limitées dues à leur situation géographique.

4.8.

Alors que l’on pourrait s’attendre à ce que de telles augmentations des coûts se répercutent sur les coûts de production de la plupart des autres secteurs et, in fine, sur les prix à la consommation, et donc le coût de la vie, on constate avec étonnement que peu d’études ont été menées à ce sujet. Une étude portant sur les effets des hausses des coûts induites par le SEQE depuis 2018 conclut que les entreprises polluantes réagissent à l’augmentation des coûts liés à la pollution en améliorant de manière systématique leur productivité et, souvent, en réduisant leurs effectifs (14). La hausse des coûts devrait normalement réduire la production et, partant, l’emploi et l’utilisation des actifs.

4.9.

L’on pourrait juger la fermeture de certaines installations de production justifiée, puisqu’elle s’inscrit dans le contexte de la transition vers une production sans carbone. Il est toutefois essentiel que les analyses d’incidence économique tiennent compte de tels effets, y compris en étendant les analyses existantes ou en cours sur la base de données plus détaillées, selon une méthode convenue avec des représentants de l’industrie, des scientifiques et la communauté universitaire. Si le contournement des règles doit bien évidemment faire l’objet d’une surveillance, il en va de même de l’impact sur l’emploi et la compétitivité dans différents secteurs, régions et États membres.

4.10.

Comme le CESE l’a déjà expliqué, l’accélération du rythme des réductions des émissions de CO2, leur niveau élevé d’ambition et la moindre disponibilité de quotas d’émission de gaz à effet de serre auront une incidence négative sur la compétitivité de l’UE sur le marché mondial, à moins qu’un grand nombre d’États ne décident de suivre son exemple (15). Cette analyse reste d’actualité.

4.11.

En mai 2023, l’Union européenne a mis en place le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières afin d’attribuer un prix aux émissions inhérentes à certains produits importés depuis des pays tiers. Aucune disposition similaire n’a été prévue pour les exportations, ce qui a entraîné un désavantage comparatif pour les exportateurs européens. Une solution à ce problème est attendue depuis longtemps. La Commission a par ailleurs révisé et étendu le système d’échange de quotas d’émission au sein de l’Union (qui avait été créé en 2003 et est entré en vigueur en 2005).

4.12.

Le MACF s’appliquera dans son régime définitif à partir de 2026, la phase transitoire actuelle s’étendant de 2023 à 2025. La mise en place par étapes du MACF est alignée sur la suppression graduelle de l’allocation de quotas à titre gratuit dans le cadre du SEQE, afin de soutenir de manière progressive la décarbonation de l’industrie européenne. Le CESE estime que les restrictions à l’allocation de quotas à titre gratuit devraient faire l’objet d’un suivi étroit, et éventuellement être reportées, si le MACF ne fonctionne pas de manière suffisamment efficace et si les conditions économiques mondiales nécessitent des adaptations.

4.13.

Le CESE soutient résolument la simplification du MACF récemment proposée dans le cadre du paquet «omnibus», qui constitue selon lui une avancée dans la recherche d’un équilibre entre, d’une part, la nécessité de protéger l’environnement et, d’autre part, le besoin concomitant de réduire la charge administrative qui pèse sur les entreprises, notamment les PME. À cet égard, la Commission devrait réaliser des analyses ex post afin de suivre l’incidence concrète d’une telle démarche sur les entreprises et l’emploi, de façon à pouvoir intervenir rapidement si nécessaire.

4.14.

Le CESE espère que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile pourront jouer un rôle actif dans l’évaluation de l’impact et des effets concrets du SEQE et dans la définition d’éventuelles mesures visant à l’adapter et à l’affiner, dans le cadre de leur contribution à une transition écologique juste.

5.   Observations particulières: accent sur le secteur maritime

5.1.

L’extension récente du SEQE au transport maritime a eu d’autres implications qui, à leur tour, ont eu des répercussions sur la chaîne logistique du secteur, des terminaux portuaires aux consommateurs finals. Malgré le fait que les arrêts dans des ports de pays tiers comme ceux d’Afrique du Nord ne puissent être considérés comme le début ou la fin d’un voyage dans le contexte du SEQE, ce qui réduit l’incitation à s’arrêter dans ces plateformes de pays tiers avant ou après une escale dans un port de l’UE (16), le CESE s’inquiète de la possibilité d’une réaction du marché concernant les opérations de transbordement des ports européens vers les ports de pays tiers (17) et du risque de voir des navires de pays tiers délaisser les ports de l’Union au profit de ports extérieurs.

5.2.

La mise en œuvre du SEQE pourrait fortement dissuader les investissements dans les ports de l’Union et créer ainsi un déséquilibre concurrentiel entre les ports méditerranéens des États membres et les ports concurrents situés à proximité dans des pays tiers, notamment en Afrique du Nord. Cette tendance se confirmerait si les investissements des grandes compagnies maritimes venaient à augmenter de manière disproportionnée dans les ports situés sur d’autres continents, ce qui constituerait un moyen concret de préparer d’autres solutions afin de contourner le cadre réglementaire de l’Union.

5.3.

Par ailleurs, le CESE relève que les difficultés liées au SEQE aggravent le désavantage concurrentiel auquel font face les ports de l’Union, étant donné que plusieurs autres ports d’Afrique du Nord profitent de coûts de main-d’œuvre inférieurs, d’aides publiques et d’autres avantages dont bénéficient déjà les chargeurs utilisant des ports voisins. Ces facteurs compliquent la capacité des chargeurs utilisant des ports de l’Union d’absorber le coût des émissions par des mesures d’efficacité. Dans le même temps, le transport maritime à courte distance pourrait voir sa compétitivité dégradée par l’application stricte du SEQE, ce qui laisse planer un doute sur les résultats possibles en matière de durabilité environnementale.

5.4.

Le CESE observe en outre que les îles, comme Malte, Chypre et l’Irlande, et les États membres fortement axés sur le transport et les activités maritimes pourraient se retrouver sous pression sur le plan économique à cause de l’application du SEQE, étant donné qu’ils sont particulièrement vulnérables à la hausse des coûts du transport maritime en raison de leur forte dépendance par rapport aux activités d’exportation, qui sont souvent leur principale source d’emplois et de développement local. Comme indiqué à la page 136 du rapport de Ricardo (2021) commandé par la Commission européenne, le SEQE de l’Union a des effets disproportionnés sur certains États membres. Au moment de l’élaboration du rapport d’analyse d’impact, le risque n’avait nullement été affecté par les perturbations en mer Rouge, ce qui valide l’intégrité scientifique de ses conclusions. Il est décevant de constater que la Commission n’a pas dûment tenu compte des effets disproportionnés du SEQE sur les États membres insulaires et ceux qui dépendent fortement du transport maritime en raison de connexions intermodales limitées dues à leur situation géographique.

5.5.

Il convient de prendre également en compte la situation spécifique des régions ultrapériphériques et de Ceuta et Melilla dans l’évaluation du champ d’application et de l’impact du SEQE.

5.6.

D’une manière générale, le CESE est convaincu que l’application du SEQE aux produits industriels depuis le milieu des années 2000 permet de tirer des enseignements utiles en vue d’une mise en œuvre efficace dans le secteur maritime.

5.7.

À titre d’exemple, si un navire transportant des marchandises de Singapour à Rotterdam traverse le canal de Suez et entre dans un port à Malte, il devra restituer des quotas du SEQE de l’Union S’il opte pour le port d’un pays tiers, cette somme sera beaucoup moins importante, étant donné que 50 % seulement des droits sur les émissions de carbone s’appliquent aux voyages hors Union.

5.8.

Si le navire transporte plusieurs dizaines de milliers de téléphones portables, le coût supplémentaire pour chaque appareil ne s’élèvera qu’à quelques centimes, mais la compagnie maritime pourrait éviter des milliers d’euros de coûts supplémentaires en optant pour un port en Égypte ou ailleurs en Afrique du Nord. Ce risque est particulièrement élevé dans un secteur aussi sensible aux prix que le transport maritime.

5.9.

Le transport de cargaisons par d’autres routes peut également entraîner des coûts pour un pays donné en raison de la hausse du prix des intrants destinés à la production, qui a un effet sur la production et l’emploi dans le pays en question. Ces coûts devraient être pris en compte dans toute évaluation de l’incidence économique de la mise en œuvre d’une législation relative au carbone. Si, par exemple, une entreprise qui utilise pour sa production des marchandises acheminées au moyen d’un navire entrant dans un port voisin doit désormais les importer en affrétant un navire de plus petite taille pour aller les chercher dans un autre pays (ou sur un autre continent), l’augmentation des coûts risque d’être significative. Cela pourrait aussi être le cas si le navire continue d’entrer dans le port voisin et que l’augmentation des coûts du transport maritime due au coût des émissions est répercutée sur l’entreprise productrice (à hauteur de 3,7 % ou de tout autre pourcentage). Il est important de tenir dûment compte de ces répercussions sur la production et sur l’emploi et de ces conséquences sociales lors de la conception et de l’évaluation du système.

5.10.

Le CESE fait remarquer que le secteur maritime pourrait se révéler particulièrement difficile à réglementer à cause de sa sensibilité aux prix et de sa propension à s’adapter rapidement aux évolutions réglementaires. Si les compagnies commencent à se tourner vers d’autres juridictions, cette tendance devrait être difficile à inverser, et d’autres secteurs des économies maritimes pourraient en pâtir lourdement. Ce type de risque devrait être dûment pris en considération lors de l’évaluation des effets de la réglementation.

5.11.

Le CESE estime que toute mesure prise dans le but de favoriser la décarbonation du secteur du transport maritime devrait, dans l’idéal, revêtir un caractère international plutôt que régional ou unilatéral, de manière à éviter les fuites de carbone. À cet égard, le CESE soutient fermement les travaux menés au sein de l’OMI, notamment son cadre «zéro émission nette».

5.12.

Tout en œuvrant à un système mondial et viable sur le long terme, il est très important d’évaluer les conséquences économiques pour les États membres et différents secteurs de l’économie. Il convient également d’éviter que des pays tiers ne contestent des mesures extraterritoriales par nature. Le fait que les ports de pays tiers ne soient pas inclus de manière globale dans le système d’échange de quotas d’émission empêche ainsi de parvenir à des conditions de concurrence équitables, tant que les autres régions ne disposent pas de normes en matière de CO2 comparables à celles en vigueur en Europe.

5.13.

La Commission a entrepris une simplification remarquable du MACF, qui mérite d’être soulignée et doit être soutenue comme il se doit. Compte tenu de la complexité du MACF et du SEQE, d’autres améliorations sont néanmoins possibles sans compromettre une transition juste vers une économie plus verte et sobre en carbone.

Bruxelles, le 16 juillet 2025.

Le président

du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Les arrêts dans des ports de pays tiers comme ceux d’Afrique du Nord ne peuvent être considérés comme le début ou la fin d’un voyage dans le contexte du SEQE, ce qui réduit l’incitation à s’arrêter dans ces plateformes de pays tiers avant ou après une escale dans un port de l’UE.

(2)  Banque mondiale, «Les recettes mondiales tirées de la tarification du carbone dépassent la barre des 100 milliards de dollars» , communiqué de presse, mai 2024: https://www.worldbank.org/en/news/press-release/2024/05/21/global-carbon-pricing-revenues-top-a-record-100-billion.

(3)  Toutes les propositions, y compris celles visant à la simplification, doivent être évaluées et examinées dans des analyses d’incidence.

(4)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union, la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et le règlement (UE) 2015/757 [COM(2021) 551 final — 2021/0211 (COD)] et sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision (UE) 2015/1814 en ce qui concerne la quantité de quotas à placer dans la réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union jusqu’en 2030 [COM(2021) 571 final — 2021/0202 (COD)] ( JO C 152 du 6.4.2022, p. 175).

(5)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union, la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et le règlement (UE) 2015/757 [COM(2021) 551 final — 2021/0211 (COD)] et sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision (UE) 2015/1814 en ce qui concerne la quantité de quotas à placer dans la réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union jusqu’en 2030 [COM(2021) 571 final — 2021/0202 (COD)] ( JO C 152 du 6.4.2022, p. 175). Un accord a été conclu en avril 2025 en vue de réduire à zéro les émissions nettes du transport maritime mondial d’ici à 2050: L’OMI approuve la réglementation «zéro émission nette» pour le transport maritime mondial: https://www.imo.org/en/mediacentre/pressbriefings/pages/imo-approves-netzero-regulations.aspx.

(6)   «Budget de l’UE: la Commission présente un train de mesures adapté pour la prochaine génération de ressources propres» , juin 2023: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_23_3328.

(7)  Le système de surveillance, de déclaration et de vérification des émissions de CO2 dans le secteur du transport maritime a été lancé en 2018 comme une première étape avant l’inclusion de ces émissions dans le champ d’application du SEQE de l’Union. Il s’applique à tous les navires d’une jauge brute supérieure à 5 000 qui font escale dans un port de l’UE.

(8)  La directive SEQE impose à la Commission de surveiller la mise en œuvre de l’extension du SEQE au transport maritime et de faire part de ses conclusions tous les deux ans. Voir le rapport de la Commission du 18.3.2025 sur la «Surveillance de la mise en œuvre de la directive 2003/87/CE en ce qui concerne le transport maritime» (COM(2025) 110 final).

(9)  Plus l’ambition environnementale de l’Union dépasse celle des régions ou des pays voisins, plus il apparaît nécessaire d’étendre la portée des mesures à d’autres juridictions, afin de réduire les désavantages concurrentiels, et donc les fuites de carbone.

(10)  Dans le secteur maritime, plus de 12 000 navires du monde entier déclarent chaque année les émissions de CO2 liées à leurs voyages dans l’UE, et ce depuis 2018, ce qui engendre incontestablement un coût administratif considérable pour les acteurs privés et publics chargés de gérer le système. Les mécanismes d’incitation, comme le Fonds pour l’innovation, entraînent quant à eux des coûts supplémentaires liés aux demandes, au traitement et au contrôle visant à prévenir les abus.

(11)  Dans son avis sur «La diplomatie climatique de l’Union européenne» (JO C, C/2024/1575, 5.3.2024, ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2024/1575/oj), le CESE a invité les institutions de l’Union à enrichir la boîte à outils de la diplomatie climatique par des initiatives visant non seulement à relever les ambitions en matière de climat, mais aussi à partager l’expérience de l’Union et à lutter contre les risques liés au climat.

(12)  Bien que le MACF dispose de règles pour lutter contre les effets du carbone au niveau des importations, il n’existe pas, à ce jour, de règles de ce type visant à créer des conditions de concurrence équitables pour les exportations, ce qui a des répercussions majeures sur la compétitivité à l’échelle mondiale de secteurs comme la sidérurgie. Il s’impose de procéder à une analyse d’impact détaillée couvrant aussi bien l’absence d’action que toute proposition visant à remédier à de tels effets.

(13)  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2021/694, (UE) 2021/695, (UE) 2021/697, (UE) 2021/1153, (UE) 2023/1525 et (UE) 2024/795 en ce qui concerne l’incitation aux investissements liés à la défense dans le budget de l’UE pour mettre en œuvre le plan «ReArm Europe» (COM(2025) 110 final).

(14)  L’étude fait état d’une augmentation directe de 5,2 % de la probabilité de réduction des effectifs dans la période qui suit l’intervention. Boeckx, J., Struyfs, K. et Torsin, W., «Green pressure, lean measures: Unveiling corporate downsizing within the European Union Emissions Trading System», Journal of Financial and Quantitative Analysis, 2025, pp. 1-61. doi:10.1017/S0022109025000237.

(15)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union, la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et le règlement (UE) 2015/757 [COM(2021) 551 final — 2021/0211 (COD)] et sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision (UE) 2015/1814 en ce qui concerne la quantité de quotas à placer dans la réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union jusqu’en 2030 [COM(2021) 571 final — 2021/0202 (COD)] ( JO C 152 du 6.4.2022, p. 175).

(16)  Afin de lutter contre le contournement de certains ports, la directive SEQE exclut les «ports voisins de transbordement de conteneurs» (dont la part que représente le transbordement excède 65 % du trafic total et qui sont situés à moins de 300 milles marins d’un port de l’UE) de la définition du terme «port d’escale». Dès lors, les arrêts dans ces ports de pays tiers ne peuvent être considérés comme le début ou la fin d’un voyage, ce qui réduit l’incitation à s’arrêter dans ces plateformes de pays tiers avant ou après une escale dans un port de l’UE.

(17)  La Commission ne constate rien de tel dans son rapport de surveillance: COM(2025) 110 final.


ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2025/5140/oj

ISSN 1977-0936 (electronic edition)


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