COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 25.5.2022
COM(2022) 249 final
ANNEXE
de la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil
Vers une directive relative aux sanctions pénales applicables en cas de violation du droit de l’Union en matière de mesures restrictives
1.1. Introduction
Le fait d’ajouter la violation des mesures restrictives de l’Union aux domaines de criminalité énoncés à l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (le «TFUE») permettrait à la Commission de proposer une directive selon la procédure législative ordinaire, de nature à rapprocher les définitions des infractions et des sanctions pénales.
Une telle proposition de la Commission devrait être conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité régissant toutes les actions de l’UE. Elle devrait également respecter les exigences en matière d’amélioration de la réglementation
. La proposition devrait en outre tenir compte des spécificités du droit pénal. Plus précisément, le rapprochement des définitions et des sanctions pénales devrait tenir compte des différences entre les systèmes de justice pénale des États membres, notamment en ce qui concerne les sanctions.
La future directive devrait, en outre, respecter les droits fondamentaux et observer les principes arrêtés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (la «charte») . Les dispositions de la directive devraient notamment respecter le droit à la liberté et à la sûreté, la protection des données à caractère personnel, le droit de propriété, le droit à un recours effectif et à un procès équitable, la présomption d’innocence et les droits de la défense, les principes de légalité et de proportionnalité des délits et des peines, y compris le principe de non-rétroactivité des peines, ainsi que le principe de l’interdiction d’être jugé deux fois pour les mêmes faits.
La future directive couvrirait toute une série de questions de droit pénal qu’il est d’usage de trouver dans les directives de l’Union fondées sur l’article 83 du TFUE. Suit, à titre d’illustration, une liste de dispositions susceptibles de faire partie de la future proposition législative.
1.2. Champ d’application
La première disposition énoncerait l’objet et le champ d’application de la directive, et préciserait notamment qu’elle s’applique à la violation des mesures restrictives de l’Union. Ces mesures restrictives sont adoptées conformément à l’article 29 du traité sur l’Union européenne (TUE) et à l’article 215 du TFUE et comprennent des mesures individuelles ciblées, c’est-à-dire des gels des avoirs, des interdictions de mise à disposition de fonds et de ressources économiques et des restrictions à l’admission (interdiction de pénétrer sur le territoire de l’UE), ainsi que des mesures restrictives sectorielles, à savoir des embargos sur les armes ou des mesures économiques et financières (par exemple, des restrictions à l’importation et à l’exportation, des restrictions à la prestation de certains services, tels que les services bancaires).
1.3. Définitions
Cet article de la directive contiendrait toutes les définitions pertinentes, y compris, s’il y a lieu, en renvoyant aux dispositions des règlements et décisions du Conseil relatifs aux mesures restrictives. Parmi ces définitions figureraient, entre autres, celles des termes «mesures restrictives», «entité désignée» et «personne désignée». La directive 2014/57/UE relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché (directive relative aux abus de marché) est un bon exemple de mesure de droit pénal dans laquelle figurent des références croisées de ce type dans la disposition sur les définitions.
1.4. Infractions pénales, dont l’incitation, la participation, la complicité et la tentative
Les articles sur les infractions que la directive entend rapprocher devraient inclure des définitions précises des diverses infractions pénales liées à des violations des mesures restrictives de l’Union, telles que le fait de:
·mettre directement ou indirectement des fonds ou des ressources économiques à la disposition d’une personne/entité désignée ou les dégager au profit de celle-ci;
·ne pas geler des fonds ou des ressources économiques appartenant à une personne/entité désignée, ou des fonds ou des ressources économiques possédés, détenus ou contrôlés par elle;
·se livrer à des activités financières interdites, telles que l’octroi de prêts ou de crédits interdits;
·se livrer à un commerce ou à des activités commerciales ou autres qui sont interdits, tels que l’importation ou l’exportation de biens et de technologies faisant l’objet de restrictions commerciales, ou la prestation de services interdits;
·violer les conditions applicables en vertu d’autorisations accordées par des autorités compétentes;
·ne pas respecter toute obligation de communiquer des informations aux autorités, comme l’obligation de déclarer tous les avoirs appartenant à une personne/entité désignée ou possédés, détenus ou contrôlés par elle;
·se livrer à des actions ou à des activités qui visent à contourner directement ou indirectement les mesures restrictives, sciemment et volontairement, y compris en participant à des montages visant à dissimuler les avoirs ou la participation de personnes/entités désignées, en aidant les personnes/entités désignées visées par des mesures restrictives à échapper aux effets de celles-ci, ou en communiquant des informations trompeuses aux autorités;
·ne pas signaler une violation de mesures restrictives, ou des activités visant à contourner ces mesures, en violation d’une obligation expresse de signalement.
Sauf dispositions contraires, les infractions devant faire l’objet d’un rapprochement devraient avoir un caractère intentionnel, ou relever à tout le moins d’une négligence grave fondée sur la connaissance du fait que le comportement concerne des personnes, des entités, des activités ou des biens soumis à des mesures restrictives ou sur l’ignorance des mesures restrictives ou des interdictions juridiques y afférentes (aveuglement délibéré).
La directive engloberait aussi les infractions liées, telles que le blanchiment de capitaux. Pour ce dernier, une disposition obligeraitles États membres à prendre les mesures nécessaires pour garantir que l’infraction de blanchiment de capitaux, telle que décrite à l’article 3 de la directive (UE) 2018/1673, concerne des biens provenant des infractions pénales couvertes par la directive.
La directive contiendrait également une disposition obligeant les États membres à prendre les mesures nécessaires pour que le fait d’inciter à commettre les infractions pénales visées dans la directive, de s’en rendre complice ou de tenter de les commettre soit passible de sanctions en tant qu’infraction pénale.
1.5. Sanctions pour personnes physiques et morales
Les règlements du Conseil adoptés en vertu de l’article 215 du TFUE incluent systématiquement une disposition exigeant des États membres qu’ils adoptent des règles nationales prévoyant des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, applicables en cas d’infraction aux dispositions du règlement pertinent
. Étant donné que cette obligation laisse d’importants écarts subsister entre les niveaux et types de sanctions, la future directive devrait contenir un article sur les sanctions à l’encontre des personnes physiques. Ces sanctions seraient applicables à toutes les infractions mentionnées à la section 1.4. ci-dessus et exigeraient aussi des États membres qu’ils appliquent des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, et qu’ils fixent un seuil minimum pour les sanctions pénales maximales, y compris des amendes pour les personnes physiques. Ces sanctions devraient être proportionnelles à la gravité des infractions.
En outre, la directive inclurait une disposition sur la responsabilité des personnes morales. Cette disposition serait applicable à toutes les infractions mentionnées à la section 1.4. ci-dessus. Conformément à cette disposition, les États membres devraient prévoir des sanctions et la responsabilité des personnes morales:
(I)pour chacune des infractions pénales visées à la section 1.4. commise à leur profit par des personnes exerçant une fonction dirigeante au sein de la personne morale en cause; ou
(II)pour défaut de surveillance ou de contrôle de la part de personnes exerçant une fonction dirigeante qui a rendu possible la commission, par une personne soumise à leur autorité, de l’une quelconque des infractions pénales susmentionnées au profit de ladite personne morale.
La directive rapprocherait aussi les sanctions applicables aux personnes morales. Plus précisément, les États membres seraient tenus de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que toute personne morale tenue pour responsable conformément aux dispositions pertinentes visées à la section 1.4. soit passible de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, y compris:
·des amendes pénales ou non pénales;
·l’exclusion temporaire de l’accès aux financements publics, y compris aux procédures d’appels d’offres, aux subventions et aux concessions;
·des mesures d’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité commerciale;
·le retrait des permis et autorisations d’exercer des activités ayant abouti à la commission de l’infraction;
·un placement sous surveillance judiciaire;
·une mesure judiciaire de dissolution; et
·la fermeture temporaire ou définitive d’établissements ayant servi à commettre l’infraction.
En outre, la directive pourrait disposer que les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que les personnes morales qui tirent parti de la commission, par des tiers, d’infractions de violation des mesures restrictives de l’Union soient passibles d’amendes dont le plafond ne saurait être inférieur à un certain pourcentage du chiffre d’affaires mondial total réalisé par la personne morale au cours de l’exercice financier précédant l’adoption de la décision infligeant une amende.
La responsabilité des personnes morales n’exclurait pas la possibilité de poursuites pénales contre les personnes physiques auteurs des infractions pénales visées à la section 1.4.
1.6. Circonstances aggravantes et atténuantes
La directive comporterait aussi un article établissant les circonstances aggravantes qu’il convient de prendre en considération lors de l’application de sanctions pour une infraction visée à la section 1.4 ci-dessus. Au nombre de ces circonstances aggravantes pourraient figurer:
·les conséquences graves de la violation au regard des finalités des mesures restrictives;
·la valeur élevée des fonds, des ressources économiques, des biens ou de la technologie en question;
·le fait que l’infraction ait été commise par un agent public dans l’exercice de ses fonctions;
·le fait que l’infraction ait été commise dans le cadre d’une activité professionnelle privée, notamment en manquant à des obligations professionnelles;
·le fait que l’infraction ait été commise dans le cadre d’une organisation criminelle au sens de la décision-cadre 2008/841/JAI
;
·le fait que l’infraction implique l’utilisation de documents faux ou falsifiés;
·le fait que l’auteur de l’infraction ait commis précédemment des infractions similaires au droit de l’Union sur les mesures restrictives;
·le fait que l’auteur de l’infraction ait fait activement obstacle aux activités d’enquête, ou ait intimidé ou influencé des témoins; et
·le fait que l’infraction ait généré ou ait été censée générer des avantages financiers importants (en définissant plus précisément cette dernière notion dans un considérant).
La directive comporterait également un article établissant les circonstances atténuantes qu’il convient de prendre en considération lors de l’application de sanctions pour une infraction visée à la section 1.4 ci-dessus. Plus précisément, conformément audit article, les États membres seraient tenus de faire en sorte que, pour ce qui est des infractions susmentionnées, certains faits soient considérés comme étant des circonstances atténuantes. Cela s’appliquerait par exemple au fait que l’auteur d’une infraction ait fourni aux autorités administratives ou judiciaires des informations qu’elles n’auraient pas pu obtenir autrement, les aidant à identifier ou à traduire en justice les autres auteurs de l’infraction, ou à trouver des éléments de preuves.
1.7. Règles de compétence
La directive comporterait aussi une disposition sur les règles de compétence. Entre autres choses, à l’instar de ce que prévoit l’article 11 de la directive (UE) 2017/1371 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal (la «directive PIF»), un État membre devrait établir sa compétence à l’égard des infractions visées à la section 1.4 lorsque l’infraction pénale a été commise, en tout ou en partie, sur son territoire ou l’auteur de l’infraction est l’un de ses ressortissants. De surcroît, les États membres seraient tenus d’informer la Commission s’ils décident d’élargir leur compétence à l’égard des infractions commises:
(I)par des personnes résidant habituellement sur leur territoire;
(II)au profit d’une personne morale établie sur leur territoire; ou
(III)par l’un de leurs agents dans le cadre de ses fonctions officielles.
Dans les cas où l’auteur de l’infraction est l’un de leurs ressortissants, les États membres ne seraient pas autorisés à subordonner l’exercice de leur compétence à la condition que des poursuites ne puissent être engagées qu’à la suite:
(I)d’une plainte de la victime faite sur le lieu de l’infraction pénale; ou
(II)d’une dénonciation émanant de l’État sur le territoire duquel l’infraction pénale a été commise.
Les règlements du Conseil adoptés en vertu de l’article 215 du TFUE incluent systématiquement la clause de compétence suivante:
«Le présent règlement s’applique:
a) sur le territoire de l’Union, y compris dans son espace aérien;
b) à bord de tout aéronef ou de tout navire relevant de la juridiction d’un État membre;
c) à toute personne, à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire de l’Union, qui est ressortissante d’un État membre;
d) à toute personne morale, toute entité ou tout organisme, à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire de l’Union, établi ou constitué selon le droit d’un État membre;
e) à toute personne morale, à toute entité ou à tout organisme en ce qui concerne toute opération commerciale réalisée intégralement ou en partie dans l’Union.»
Il devra également en être tenu compte dans la directive. En particulier, conformément au point e) ci-dessus, les États membres seraient tenus d’élargir leur compétence pénale à des non-ressortissants de l’UE en dehors du territoire de l’UE, dans la mesure où leur activité a un lien avec l’UE (ce qui, par extension, peut aussi concerner leurs avoirs).
1.8. Délais de prescription
La directive comporterait une disposition applicable à toutes les infractions visées à la section 1.4. ci-dessus, ce qui supposerait la fixation d’un délai de prescription minimal, ainsi qu’une disposition sur le délai de prescription pour l’exécution de sanctions à la suite d’une condamnation définitive. On peut en trouver un exemple pertinent à l’article 12 de la directive PIF. Conformément à cet article, les États membres sont tenus de:
(I)prévoir des délais de prescription suffisants après la commission des infractions pénales visées dans la directive, afin de lutter efficacement contre ces infractions, avec des délais de prescription minimaux applicables aux infractions passibles d’une peine maximale d’au moins quatre ans d’emprisonnement;
(II)prendre les mesures nécessaires pour permettre l’exécution des sanctions.
1.9. Coopération entre les États membres, les institutions, organes et organismes de l’Union, ainsi que les États tiers
Pour renforcer les enquêtes dans le cadre d’affaires revêtant une dimension transfrontière, la directive devrait contenir une disposition requérant une coopération mutuelle entre les autorités compétentes des États membres et les institutions, organes et organismes de l’Union, dont Eurojust et Europol. Cette disposition de la directive faciliterait aussi le partage d’informations sur des questions pratiques (notamment sur les pratiques de contournement, comme les structures destinées à dissimuler la véritable identité de ceux qui détiennent/contrôlent les avoirs, par exemple) avec les autorités d’autres États membres et avec la Commission.
1.10. Lanceurs d’alertes
Afin de renforcer l’efficacité des mesures restrictives de l’Union, la Commission a récemment mis à disposition l’outil de lancement d’alerte concernant les sanctions de l’UE. En raison de l’importance de la contribution des lanceurs d’alertes à la bonne application des mesures restrictives de l’Union, la proposition de la Commission devrait comporter une obligation pour les États membres de prendre les mesures nécessaires afin que la protection octroyée au titre de la directive (UE) 2019/1937 soit applicable aux personnes qui signalent des infractions pénales visées dans la directive. En outre, les États membres seraient tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que les personnes qui signalent des infractions visées dans la directive et qui fournissent des éléments de preuve ou coopèrent d’une autre manière à l’enquête, aux poursuites ou au jugement de ces infractions ont reçu le soutien et l’assistance nécessaires dans le cadre d’une procédure pénale.
2. PROCHAINES ÉTAPES
Une fois que le Conseil sera parvenu à un accord et que le Parlement européen aura donné son approbation pour ajouter la violation des mesures restrictives de l’Union aux domaines de criminalité visés à l’article 83, paragraphe 1, du TFUE, la Commission sera en mesure de proposer aussitôt une directive selon la procédure législative ordinaire, qui pourrait rapprocher les définitions des infractions et des sanctions pénales.
Une telle proposition de la Commission devrait être conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité régissant toutes les actions de l’UE
. Elle devrait également respecter les exigences en matière d’amélioration de la réglementation