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Document 52020IR2014

Avis du Comité européen des régions — Livre blanc — Intelligence artificielle — Une approche européenne axée sur l’excellence et la confiance

COR 2020/02014

JO C 440 du 18.12.2020, p. 79–86 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

18.12.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 440/79


Avis du Comité européen des régions — Livre blanc — Intelligence artificielle — Une approche européenne axée sur l’excellence et la confiance

(2020/C 440/14)

Rapporteur:

Guido RINK (NL/PSE), échevin d’Emmen

Texte de référence:

Livre blanc — Intelligence artificielle — Une approche européenne axée sur l’excellence et la confiance

COM(2020) 65 final

RECOMMANDATIONS POLITIQUES

LE COMITÉ EUROPÉEN DES RÉGIONS

Observations générales

1.

relève que la Commission européenne (ci-après «la Commission») a publié, le 19 février 2020, sa stratégie numérique pour la période 2020-2025. Dans son livre blanc sur l’intelligence artificielle (IA), la Commission présente sa vision des principaux moyens d’action et investissements nécessaires en matière d’IA. Selon la Commission, l’Europe peut devenir un acteur mondial de premier plan dans ce domaine;

2.

rappelle que le livre blanc sur l’IA est accompagné des communications «Façonner l’avenir numérique de l’Europe» (1) et «Une stratégie européenne pour les données» (2);

3.

fait observer que la Commission entend adopter une approche du développement et de l’utilisation de l’IA qui soit axée sur le facteur humain, éthique, inclusive et sûre, et qui respecte les valeurs auxquelles l’Union souhaite être associée;

4.

constate que le livre blanc sur l’IA comporte deux volets principaux: la promotion du développement et du déploiement de l’IA, et le cadre réglementaire axé sur les aspects éthiques et la confiance;

5.

accueille favorablement le livre blanc «Intelligence artificielle — Une approche européenne axée sur l’excellence et la confiance». Il reconnaît l’importance d’un débat sur l’IA dans la perspective de l’élaboration de la stratégie de la Commission en la matière. Le CdR souligne qu’il aurait toutefois apprécié que le livre blanc mette également l’accent sur le rôle de partenaires clés que les collectivités régionales et locales, en tant que producteurs, utilisateurs et moteurs de l’innovation, jouent dans le développement de l’IA;

6.

renvoie, dans ce contexte, à son avis sur l’intelligence artificielle des 6 et 7 février 2019 (3);

7.

fait observer que l’IA fait déjà partie de notre vie et jouera un rôle de plus en plus important dans la transformation de nos sociétés. Elle recèle un fort potentiel pour la société, les entreprises et les citoyens européens. L’innovation en matière d’IA contribue non seulement à l’économie, mais également à l’accomplissement des missions sociétales et environnementales;

8.

considère que l’application de l’IA est importante au niveau national, mais aussi et surtout au niveau local et régional. Les collectivités locales et régionales peuvent notamment contribuer à la promotion des écosystèmes d’IA sur leurs territoires, mais aussi encourager et réaliser des investissements dans l’IA;

9.

souligne que l’IA est un domaine politique complexe qui n’est pas isolé. Il touche un certain nombre d’autres branches dans lesquelles intervient la Commission;

10.

fait remarquer que le livre blanc sur l’IA et les politiques qui en découlent doivent être considérés en lien avec deux communications qui l’accompagnent, intitulées respectivement «Façonner l’avenir numérique de l’Europe» et «Une stratégie européenne pour les données». En outre, le livre blanc s’inscrit dans la perspective de plusieurs autres domaines d’action de la Commission, tels que la «stratégie en matière de compétences pour l’Europe» (4) et la «recommandation concernant une boîte à outils commune au niveau de l’Union en vue de l’utilisation des technologies et des données pour lutter contre la crise de la COVID-19 et sortir de cette crise, notamment en ce qui concerne les applications mobiles et l’utilisation de données de mobilité anonymisées» (5);

11.

insiste pour que ses recommandations soient également envisagées, dans la mesure du possible, en rapport avec ces documents relatifs à l’élaboration des politiques européennes;

12.

se félicite de l’approche de la Commission, qui consiste, en substance, à développer une IA centrée sur l’humain, ainsi que de son ambition d’être le chef de file qui dicte les normes éthiques. À cet égard, la Commission souligne à juste titre que les avantages de l’IA dépendront de la confiance que lui accorderont les citoyens;

13.

recommande toutefois que le débat sur les futures politiques visant à renforcer la confiance dans l’IA aborde également des aspects tels que la propriété des données, les algorithmes, les plateformes et la protection des valeurs publiques sur ces dernières, ainsi que la question de savoir à qui profitent, en fin de compte, les applications d’IA et qui en paie le prix (et si cela est socialement acceptable);

14.

fait observer que compte tenu du grand nombre d’autres domaines d’action concernés par l’IA, ceux-ci risquent de souffrir d’une dilution de la cohérence et d’évoluer en vase clos;

15.

suggère à la Commission de définir une feuille de route et une approche qui permettraient de favoriser la cohérence entre les différents domaines d’action;

Saisir la balle au bond

16.

souligne que la politique européenne devrait miser résolument sur le renforcement des réseaux locaux et régionaux pluridisciplinaires rassemblant des citoyens, des administrations, des institutions du savoir et des entreprises, ainsi que sur l’investissement dans (l’organisation et la stimulation de) ces réseaux. Le CdR estime que les pôles d’innovation proposés par la Commission ont un rôle central à jouer à cet égard;

17.

relève que l’IA peut contribuer à apporter une réponse aux défis de société dans les domaines, notamment, de la santé (l’exemple récent le plus notable étant la lutte contre la pandémie de COVID-19), de la sécurité, du climat, de la mobilité et des transports, de l’aide sociale, de l’industrie de haute technologie, du commerce de détail, de l’agriculture, du tourisme et des services publics;

18.

attire l’attention sur le fait que l’IA est susceptible de créer de nouveaux emplois et un nouvel entrepreneuriat. La Commission reconnaît comme condition préalable importante, à juste titre, le fait que les citoyens puissent faire confiance à cette technologie. Un cadre stratégique de l’Union reposant sur des valeurs fondamentales devrait permettre d’instaurer cette confiance et d’encourager les entreprises à développer des solutions d’IA;

19.

convient de l’importance que revêtent des conditions de concurrence équitables sur le marché européen. Dans ce contexte, une attention particulière devrait être accordée à l’accès des petites et moyennes entreprises (PME) et des jeunes pousses à l’IA. Ces dernières constituent un moteur essentiel des économies locales et régionales. Les pôles européens d’innovation numérique et les futurs cadres réglementaires et politiques ont un rôle décisif à jouer dans la promotion de l’égalité d’accès à l’IA, notamment en soutenant l’accès des micro-, petites et moyennes entreprises à cette technologie;

20.

constate que la Commission entend tirer parti des atouts existants sur les marchés industriels et professionnels (actuels) (6). Il tient à souligner que cette stratégie ne doit pas être réalisée au détriment de la productivité, de la capacité d’innovation et de l’ADN des écosystèmes locaux et régionaux;

21.

fait remarquer qu’au sein de ces écosystèmes, les collectivités locales et régionales s’emploient à relever un large éventail de défis sociétaux. Elles peuvent jouer un rôle déterminant lorsqu’il s’agit d’accélérer dans ce contexte les innovations qui ont un réel impact;

22.

affirme que les collectivités locales et régionales sont les mieux placées pour contribuer à créer un environnement favorable à l’augmentation des investissements dans l’IA au cours des prochaines années et à favoriser la confiance dans l’IA à chaque maillon des chaînes de valeur. Elles sont en effet les plus proches du terrain et peuvent encourager des réseaux pluridisciplinaires locaux;

23.

estime qu’un soutien important de l’Union sera nécessaire pour stimuler l’investissement privé et public, et il conviendra de prévoir des ressources provenant du programme pour une Europe numérique, du programme Horizon Europe et des Fonds structurels et d’investissement européens pour répondre aux besoins des écosystèmes locaux;

24.

est d’avis que les subventions devraient être concentrées sur des applications d’IA spécifiques susceptibles d’être réalisées à plus grande échelle. Afin de tirer le meilleur parti des possibilités offertes par l’IA, il convient de promouvoir les projets de petite taille et de limiter leur charge financière, de sorte qu’il soit plus intéressant pour les collectivités locales et régionales de participer à des projets financés par l’Union;

25.

soutient l’approche consistant à développer l’IA au sein de pôles d’innovation numérique. Dans ce contexte, les subventions destinées à ces pôles devraient mettre l’accent sur la promotion des écosystèmes locaux et régionaux;

26.

se réjouit de l’intention de la Commission d’encourager le développement de produits fondés sur l’IA dans le secteur public (7);

27.

considère toutefois que cet engagement de la Commission en faveur du développement de l’IA dans le secteur public ne doit pas se limiter aux technologies d’IA qui ont déjà fait leurs preuves dans des secteurs prédéfinis. En effet, les collectivités locales et régionales peuvent jouer un rôle important dans l’accélération de (nouvelles) technologies d’IA, en tant que «clients de lancement»;

28.

demande à la Commission d’inviter l’ensemble des pouvoirs publics, y compris aux niveaux local et régional, à soumettre les systèmes d’IA déployés dans le secteur public à des analyses d’impact rigoureuses en ce qui concerne les droits fondamentaux. Les pouvoirs publics devraient éviter de recourir à une quelconque technologie de surveillance fondée sur l’intelligence artificielle, notamment en période d’urgence, avant de connaître les résultats de l’analyse d’impact et d’adopter les solutions requises;

29.

plaide en faveur de l’élaboration d’un cadre de passation des marchés et d’un arsenal juridique, comme des conditions standard de passation de marchés, qui offrent aux collectivités locales et régionales une marge de manœuvre et leur permettent d’exploiter de manière optimale les possibilités qui leur sont offertes;

30.

souligne que la valeur des données réside dans leur réutilisation, entre autres dans les applications d’IA. Le partage intersectoriel cybersécurisé des données favorise l’innovation dans le domaine de l’IA. Le CdR demande instamment à la Commission de s’inspirer du règlement général sur la protection des données [règlement (UE) 2016/679] et d’évaluer la pertinence d’un nouveau cadre réglementaire spécifique sur l’IA pour faciliter le partage et la réutilisation fiables des données entre les entreprises et les pouvoirs publics (B2G), en particulier lorsque l’intérêt public est en jeu, comme dans le cas de la pandémie de COVID-19. L’importance de l’utilisation des données des entreprises par les pouvoirs publics est également apparue dans ce contexte. Il convient d’exploiter ce potentiel, étant donné que cela permet de réduire la charge administrative qui pèse sur les entreprises et que les pouvoirs publics sont ainsi, dans de nombreux cas, mieux en mesure de s’acquitter de leurs obligations légales, par exemple en ce qui concerne l’économie des plateformes;

31.

juge nécessaire d’investir, au niveau européen, dans une infrastructure de base et une architecture de données communes et sûres, ainsi que dans des normes de qualité en ce qui concerne la sécurité, les séries de données et les statistiques. Une telle approche permettra d’abaisser le seuil d’accès aux applications d’IA et d’accroître la confiance numérique, favorisant ainsi le développement de l’IA et son utilisation;

32.

est intimement convaincu que les applications d’IA développées à l’aide de fonds publics devraient également être restituées, autant que possible, à la société. En principe, ces applications d’IA devraient être élaborées, par exemple, dans des conditions de source ouverte, étant entendu toutefois qu’il faut avoir conscience que leur développement nécessite des ressources;

Législation et politique: une approche fondée sur l’apprentissage

33.

note avec intérêt les progrès réalisés dans la définition de l’IA, comme en témoigne l’actualisation de la définition (8) formulée par le groupe d’experts indépendants de haut niveau sur l’intelligence artificielle (GEHN IA) mis en place par la Commission européenne. Il estime que celle-ci reflète mieux les capacités techniques de l’IA. Toutefois, la définition de l’IA devrait être un processus continu. Elle devrait tenir compte du contexte dans lequel s’inscrit l’IA, suivre le rythme des évolutions sociétales dans ce domaine et ne pas perdre de vue le lien entre l’écosystème d’excellence présenté par la Commission et l’écosystème de confiance;

34.

estime qu’un système d’IA est un ensemble socio-technique consistant en une combinaison d’éléments techniques qui relient données, algorithmes et puissance de calcul à des pratiques sociales, à la société, à l’identité et à la culture. La définition d’un tel ensemble socio-technique dynamique devrait donc être mise à jour régulièrement afin de refléter fidèlement l’incidence croissante de l’IA sur la société, tout en cernant ses enjeux et ses possibilités, qui évoluent rapidement;

35.

constate que selon la Commission, la protection des droits fondamentaux et des droits des consommateurs ainsi que l’utilisation transparente des composantes techniques et les règles en matière de responsabilité et de sécurité des produits sont les éléments les plus importants de l’écosystème de confiance. Ceux-ci constituent la base d’un futur cadre réglementaire de l’Union pour l’IA;

36.

souligne que l’apprentissage automatique dans le secteur de l’IA est basé sur la programmation humaine, ce qui peut conduire à des biais à grande échelle. Le CdR demande par conséquent à l’Union, dans le cadre du développement et de l’application des technologies d’IA, de mettre en œuvre des mécanismes visant à garantir l’égalité et l’inclusion, indépendamment du sexe, de la race et de la vision du monde;

37.

fait remarquer que le droit pénal offre une possibilité importante de normalisation pour lutter contre les violations graves des droits fondamentaux des citoyens et leur surveillance illégale et clandestine par des applications d’IA;

38.

partage l’avis de la Commission selon lequel les applications d’IA sont déjà réglementées par un cadre législatif et éthique de l’Union, étendu et de grande qualité. La législation sur la sécurité et la responsabilité des produits, les droits des consommateurs, les droits fondamentaux, la législation anti-discrimination et le droit à la protection des données à caractère personnel sont des exemples importants;

39.

insiste sur la nécessité de reconnaître que le cadre législatif existant n’est pas spécifiquement adapté aux applications d’IA, ce qui signifie qu’il existe actuellement un «vide» juridique. Il convient d’examiner attentivement les domaines dans lesquels une réglementation complémentaire est nécessaire pour renforcer la confiance des citoyens dans l’IA. L’un des éléments fondamentaux de tout futur cadre réglementaire applicable à l’intelligence artificielle devra être l’introduction de garanties pour faire en sorte que l’IA soit exempte de tout biais et ne reproduise pas de discrimination fondée sur le sexe, l’origine ethnique, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle;

40.

fait aussi valoir la nécessité que l’utilisation de l’IA ne discrimine ni ne rende vulnérable aucune des langues officielles de l’Union européenne, et que des données et des paramètres linguistiques soient disponibles dans toutes les langues de l’Union;

41.

souligne en outre combien il importe que le codage tienne compte de la dimension de genre, et plaide pour une participation égale des hommes et des femmes au débat sur les règles éthiques et les normes applicables aux technologies en matière d’IA, ainsi qu’à leur conception, à leur mise en œuvre et à leur évaluation. Il est essentiel de renforcer la présence des filles et des femmes dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie, des arts et des mathématiques (STEAM) afin de garantir leur pleine intégration dans les processus liés à l’IA en particulier et dans l’économie numérique en général;

42.

fait valoir que ce cadre réglementaire devrait garantir un nombre suffisant d’éléments clés cités précédemment, tout en offrant l’espace et la flexibilité nécessaires à l’innovation. À cet égard, il faut être conscient des défis que représentent l’explication et le fonctionnement des systèmes d’IA, ainsi que leurs résultats et leurs incidences sociales;

43.

fait remarquer que l’IA n’est pas une technologie isolée: elle est en effet liée à d’autres sciences et technologies, notamment la science comportementale, l’informatique quantique, l’internet des objets, le déploiement des réseaux 5G et 6G, les modèles économiques et les plateformes numériques;

44.

juge nécessaire de considérer que l’IA est une technologie en développement qui n’a pas encore atteint sa pleine maturité et n’est pas encore parfaitement intégrée dans la société;

45.

relève que les élus politiques, les décideurs et la société sont donc confrontés à un défi fondamental: comment s’assurer que la balance entre les effets et incidences souhaités et indésirables penche du bon côté? Et comment faire en sorte qu’il reste suffisamment d’espace pour pouvoir exploiter les possibilités offertes par l’IA et renforcer la confiance des citoyens dans cette dernière? Avec l’avancée des applications d’IA, en particulier des algorithmes prédictifs, de nombreuses institutions publiques et gouvernementales (organes judiciaires, services répressifs, corps militaire, etc.) ressentent le besoin urgent de disposer d’un cadre réglementaire qui fixe des critères stricts de nécessité et de proportionnalité, fournisse des garanties et des recours appropriés, définisse clairement les rôles et responsabilités, et prévoie une supervision publique adéquate;

46.

affirme que les collectivités régionales et locales devraient jouer un rôle important dans l’élaboration de la législation et des politiques en matière d’IA. Elles sont plus proches des citoyens et disposent par conséquent d’informations plus utiles que les gouvernements nationaux. Les collectivités territoriales devraient dès lors participer davantage à l’élaboration des politiques et de la législation qui découleront du livre blanc;

47.

soutient le point de vue de la Commission selon lequel le cadre réglementaire doit prévoir une marge pour d’éventuels aménagements compte tenu de la vitesse à laquelle évolue l’IA. Cela requiert non seulement une législation et un processus législatif adaptatifs, mais aussi une attitude critique de la Commission en ce qui concerne le fonctionnement de son propre système, ainsi qu’une innovation sociale au sein de ce système;

48.

insiste dans ce contexte sur la nécessité que les autorités régionales et locales disposent d’une marge de manœuvre suffisante pour mener des expériences (y compris le «prototypage des politiques») et apprendre comment concevoir de la manière la plus efficace et efficiente possible les politiques visant à relever ces défis fondamentaux;

49.

invite instamment la Commission à élaborer un cadre d’action procédural visant à utiliser dans la plus large mesure possible la législation existante, mais aussi pour poursuivre dans le temps le développement de la future politique et du cadre réglementaire de l’Union en matière d’IA. Ce cadre d’action devrait également coordonner les efforts aux niveaux européen, national et régional et garantir la coopération entre les secteurs public et privé. À cet effet, la création d’une agence de l’Union chargée de l’intelligence artificielle permettrait de superviser et de coordonner avec efficacité les questions liées à l’IA entre tous les niveaux de gouvernance, de l’échelon européen jusqu’à l’échelon local;

50.

souscrit à l’approche de la Commission consistant à réglementer davantage l’IA à haut risque;

51.

estime toutefois que les principaux critères permettant de déterminer si l’IA est «à haut risque» sont, d’une part, la mesure dans laquelle l’être humain peut influencer la prise de décision et, d’autre part, l’incidence de ces décisions sur les droits et les actes réels des citoyens;

52.

demande que toute législation ou politique future aborde en particulier la transparence et la compréhensibilité des algorithmes, ainsi que l’obligation de rendre compte, l’impartialité et la responsabilité de celui qui recourt à l’IA (9), notamment en cas d’incidence ou d’influence sur les droits ou les actes réels des citoyens;

53.

fait valoir que les citoyens ont le droit d’être informés dans un langage clair et de savoir sur la base de quelles données et de quels algorithmes leurs droits ou leurs actes réels sont touchés, de manière à ce qu’ils puissent se défendre équitablement et, si nécessaire, bénéficier d’une protection juridique efficace. En outre, il conviendrait que le dispositif de prise de décision comporte la possibilité de faire traiter la question concernée par un humain. On pourra insister, s’il y a lieu, sur la responsabilité des pouvoirs publics;

54.

estime que l’utilisation des technologies d’IA présente également un grand intérêt s’agissant des conditions de travail et du bien-être des travailleurs. Le CdR se rallie à cet effet à l’appel des partenaires sociaux européens en faveur de la minimisation et de la transparence des données, ainsi que de règles claires relatives au traitement des données à caractère personnel visant à limiter le risque de surveillance intrusive et d’utilisation abusive de ces données (10), ce afin de garantir le respect de la dignité humaine. Dans ce contexte, le CdR convient qu’il est important de permettre aux représentants des travailleurs d’aborder les questions liées aux données, au consentement, à la protection de la vie privée et à la surveillance, de relier la collecte de données à une finalité concrète et transparente, et de garantir la transparence en cas d’utilisation des systèmes d’IA dans les procédures relatives aux ressources humaines;

55.

approuve les exigences envisagées par la Commission en matière de données d’entraînement. La conservation des dossiers est un moyen permettant de vérifier le respect des règles. Le CdR estime toutefois que les charges administratives que cela entraîne devraient être aussi limitées que possible;

56.

partage le point de vue de la Commission selon lequel «une IA digne de confiance, éthique et axée sur le facteur humain n’est possible que si une participation adéquate de l’être humain est garantie lorsqu’il s’agit d’applications à haut risque»;

57.

insiste pour que la législation future et le contrôle de la conformité s’appliquent à l’ensemble du cycle de vie de l’application d’IA;

58.

estime, comme la Commission, que le contrôle humain contribue à préserver l’autonomie humaine. Il invite toutefois celle-ci à évaluer les risques éthiques, notamment en ce qui concerne les biais dans l’utilisation de l’IA, et à proposer des solutions claires;

59.

demande que la réglementation en matière d’IA tienne compte de l’incidence environnementale, à court et long termes, de l’utilisation de ces technologies tout au long de leur cycle de vie et à travers toute la chaîne d’approvisionnement;

60.

a pris connaissance du projet de rapport de la commission des affaires juridiques du Parlement européen (11). Il relève en particulier la considération selon laquelle chaque État membre doit mettre en place un organisme national de surveillance chargé d’assurer, d’évaluer et de contrôler la conformité et de permettre des discussions et des échanges de points de vue en étroite coopération avec les parties concernées et la société civile;

61.

approuve l’approche de la Commission, qui considère qu’il serait nécessaire de réaliser une évaluation de la conformité objective et préalable pour vérifier et garantir le respect des exigences obligatoires pour les applications à haut risque;

62.

partage le point de vue de la Commission selon lequel l’utilisation de systèmes d’IA pour l’identification biométrique à distance a des incidences sur les droits fondamentaux qui peuvent considérablement varier selon sa finalité, son contexte et sa portée;

63.

réclame un cadre de qualité contraignant et clairement compréhensible pour canaliser de telles applications d’IA intrusives. Ce cadre devrait surtout porter sur les normes et les pratiques qui empêchent la discrimination et la stigmatisation illégales de certains individus et groupes de population. Le CdR souscrit à l’intention de la Commission de lancer un vaste débat à ce sujet;

64.

est d’avis que parallèlement à la législation, l’éthique joue un rôle important dans la conception de l’IA («l’éthique dès la conception»). Il faut être conscient du fait que l’éthique n’est pas liée à un outil technique spécifique (par exemple l’IA), mais qu’elle relève du contexte social et réglementaire dans lequel s’applique l’outil technique;

65.

considère qu’une approche allant au-delà de la simple élaboration d’une législation relative à l’IA à haut risque sera bénéfique pour toute future politique en faveur de l’écosystème de confiance. La politique future nécessite une approche socio-technique continue et systématique, consistant à examiner la technologie sous tous les angles et à travers différents prismes. Pour ce qui est de l’élaboration des politiques et de la réglementation, cela requiert une approche pluridisciplinaire dans le cadre de laquelle les responsables politiques, les universitaires issus de différents domaines, les partenaires sociaux, les entreprises et les collectivités locales et régionales coopèrent, suivent l’évolution de la situation en permanence et diffusent les résultats de leurs observations avec la même transparence;

Développement du savoir

66.

relève que, pour encourager la transition vers une société dans laquelle l’IA revêt une importance majeure, il faut que les propositions à venir quant à la stratégie actualisée en matière de compétences et au plan d’action en matière d’éducation numérique s’étendent, pour ce qui concerne l’IA, à l’ensemble de la chaîne d’apprentissage, de l’enseignement primaire à l’enseignement universitaire et l’apprentissage tout au long de la vie, en passant par l’enseignement secondaire et l’enseignement professionnel secondaire et supérieur. Les programmes d’éducation numérique devraient promouvoir la citoyenneté active, aiguiser l’esprit critique et donner à chacun les moyens de gérer, dès le plus jeune âge, les interactions toujours plus nombreuses avec l’IA;

67.

réclame des mesures éducatives et de formation qui mettent l’accent sur le renforcement des compétences numériques des citoyens et des professionnels, tant dans le système éducatif que dans celui de la formation continue. La révolution numérique devrait donner lieu à une forte augmentation du nombre de personnes exerçant des professions ressortissant au domaine du numérique. Dans le même temps, l’apprentissage technologique tout au long de la vie dans le domaine de l’IA est indispensable non seulement pour les professions techniques auxquelles préparent les études en sciences, en technologie, en ingénierie et en mathématiques, mais aussi pour tous les travailleurs (y compris ceux des administrations publiques) qui auront besoin de connaissances en IA dans de nombreux autres domaines d’activité. Aussi la formation devrait-elle être axée non seulement sur les besoins actuels du marché du travail en matière d’IA, mais également sur l’alphabétisation technologique de tous les travailleurs, ce qui permettrait de s’adapter à une prospective à long terme sur les besoins de formation dans le domaine de l’IA;

68.

fait observer que la formation des responsables et des décideurs politiques, concernant non seulement l’utilisation de l’IA, mais aussi les dispositions et normes éthiques, est essentielle et contribuera à un processus décisionnel démocratique de qualité. Le CdR recommande des formations qui consistent en une mise à niveau relativement poussée, poursuivant deux objectifs: 1) permettre au bénéficiaire d’acquérir la capacité à communiquer avec le marché d’égal à égal et 2) le mettre en mesure de gérer l’incidence de l’IA sur la société et le processus démocratique;

69.

insiste sur la nécessité de diversifier le secteur technologique et d’encourager les étudiants, en particulier les filles, à entreprendre des études dans les filières STE(A)M pour faire en sorte que l’IA reflète nos valeurs et droits fondamentaux et éviter que la programmation comporte des biais sexistes;

Gouvernance à niveaux multiples et partenariat public-privé

70.

convient de la nécessité d’adopter une approche européenne commune en matière d’IA pour parvenir à une échelle suffisante et éviter la fragmentation du marché unique;

71.

souligne toutefois qu’une approche européenne de la gouvernance doit reposer sur une société ouverte, inclusive et décentralisée, au sein de laquelle chacun a la possibilité de participer, d’être créatif et de faire preuve d’esprit d’entreprise;

72.

relève que la question principale qui se pose ici est de savoir comment le monde politique, les citoyens et les PME peuvent être associés efficacement au développement des applications d’IA ainsi que des règles éthiques et de la réglementation en la matière, et comment la compréhension des revenus attendus des écosystèmes peut influencer le (re)calibrage des politiques et de la réglementation;

73.

insiste sur le rôle important que jouent les réseaux décentralisés de citoyens et d’économies locales dans la participation du monde politique, des citoyens et des entreprises au développement des applications d’IA ainsi que des règles éthiques et de la réglementation en la matière. En effet, la force des communautés et réseaux locaux réside dans une coopération locale et régionale ouverte, interconnectée et spécifique qui favorise l’innovation et le développement de nouvelles économies;

74.

estime que le futur cadre d’action européen doit coordonner les efforts aux niveaux européen, national et régional, promouvoir le partage des connaissances et garantir la coopération entre les secteurs public et privé. Cela nécessite la mise en place d’une gouvernance à plusieurs niveaux qui relie entre eux les réseaux locaux, régionaux, nationaux et européens.

Bruxelles, le 14 octobre 2020.

Le président du Comité européen des régions

Apostolos TZITZIKOSTAS


(1)  COM(2020) 67 final.

(2)  COM(2020) 66 final.

(3)  SEDEC VI/046 (JO C 168 du 16.5.2019, p. 11).

(4)  COM(2016) 381 final.

(5)  Recommandation (UE) 2020/518.

(6)  Chapitre 2 du livre blanc sur l’IA.

(7)  Chapitre 4, point F.

(8)  https://ec.europa.eu/newsroom/dae/document.cfm?doc_id=56341

(9)  Wieringa, M., What to account for when accounting for algorithms, Université d’Utrecht, 20 janvier 2020.

(10)  Accord-cadre autonome des partenaires sociaux européens sur la numérisation (https://www.etuc.org/system/files/document/file2020-06/Final 22 06 20_Agreement on Digitalisation 2020.pdf).

(11)  Projet de rapport du 21 avril 2020 contenant des recommandations à la Commission concernant un cadre d’aspects éthiques en matière d’intelligence artificielle, de robotique et de technologies connexes [2020/2012 (INL)], rapporteur: Ibán García del Blanco.


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