L’économie kirghize a rencontré d'importantes difficultés économiques du fait de la crise économique mondiale de 2008 et des violences inter-ethniques de 2010. En réaction à cette situation, la Commission européenne, parmi d'autres grands donateurs internationaux, a annoncé la mise à disposition de 118 millions d’EUR d’assistance au moyen de divers instruments, ainsi qu’une opération d'assistance macrofinancière (AMF) de 30 millions d’EUR. L’intégralité de l’AMF a été décaissée en deux tranches sur la période de juin 2015 à avril 2016. Elle avait pour but d'aider le pays à résoudre son problème de balance des paiements et à mettre en œuvre des réformes économiques et structurelles destinées à stabiliser son économie et à rendre sa position extérieure plus soutenable.
L’évaluation ex post de cette AMF a pour but d'établir la pertinence, l’efficience, l’efficacité, la cohérence et la valeur ajoutée européenne de l’intervention de l’UE. Elle examine également l’incidence sociale de l’AMF et ses effets sur la soutenabilité de la dette publique du Kirghizstan, et en tire les enseignements. Elle a été réalisée par un contractant externe et s’appuie sur des éléments obtenus grâce à diverses techniques de recherche quantitative et qualitative, dont des recherches documentaires, des entretiens et une discussion au sein d’un groupe témoin représentant un large éventail d’acteurs concernés, ainsi qu’un atelier de validation regroupant des acteurs étroitement associés à la conception et à la mise en œuvre du programme.
L’évaluation conclut que dans sa conception, tant en termes d’enveloppe de financement que de ciblage des réformes, l’opération d’AMF était pertinente par rapport aux défis économiques du Kirghizstan et cohérente par rapport aux priorités de l’UE. Les décaissements d’AMF se sont montés à environ 0,3 % du PIB kirghize, en 2015 comme en 2016, et sont intervenus, malgré quelques retards, à des moments opportuns.
La valeur ajoutée européenne s’est surtout manifestée par la promotion accrue dont ont bénéficié les réformes structurelles dans plusieurs domaines prioritaires, dont la gestion des finances publiques, le secteur financier, la politique commerciale et l’investissement, ainsi que l’environnement des entreprises. Les réformes conditionnant l'AMF étaient étroitement alignées sur les autres programmes de soutien (y compris de soutien budgétaire) de l’UE et sur ceux définis par les autres donateurs, notamment le FMI et la Banque mondiale, et étaient donc cohérentes par rapport à ces programmes. La logique des mesures d’ajustement s’en est trouvée renforcée, constituant ainsi pour les autorités locales une incitation à procéder rapidement à des réformes dans les secteurs visés.
De manière générale, l’évaluation conclut que l’AMF a été efficace en ce qu’elle a contribué à stabiliser l’économie kirghize, notamment en conjonction avec le programme de soutien du FMI, qu’elle venait compléter. Grâce à une composante de subventions et à des prêts de longue durée à taux très faible, l’AMF a contribué à améliorer la soutenabilité de la dette publique du Kirghizstan. Plus globalement, l’impact de l’AMF de l’UE et de l'assistance du FMI s’est manifesté par des effets positifs en termes de soutien à la reprise économique.
Outre cette contribution à la stabilisation économique, l’AMF a servi d’importants objectifs politiques au Kirghizstan, tout en agissant comme un signal du soutien de l’UE aux réformes démocratiques en Asie centrale. En outre, même si l’opération ne visait pas spécifiquement les réformes sociales, les éléments recueillis lors d’entretiens montrent que l’AMF a fourni à l’UE un levier (supplémentaire) pour empêcher la promulgation de lois contestées, notamment de textes «anti-LGBTI» et d’une loi sur les «agents étrangers», qui n’ont finalement pas été soumis au vote du parlement.
L’évaluation confirme que l’opération d’AMF a été mise en œuvre de manière efficiente et en étroite coordination avec les autorités kirghizes, le FMI et la Banque mondiale. En ce qui concerne la conditionnalité de l’opération, les autorités kirghizes ont fait preuve de célérité et d’efficacité et respecté toutes les conditions convenues, sans qu’il soit nécessaire de recourir à des dérogations.
Par conséquent, globalement, l’évaluation constate que l’AMF accordée par l’UE au Kirghizstan était pertinente et cohérente et qu’elle a été efficace et mise en œuvre de manière efficiente. Néanmoins, l’opération s’est caractérisée par des délais exceptionnellement longs d’un bout à l’autre du processus, ce qui a pu peser sur sa valeur ajoutée européenne et sa visibilité. Dans ce contexte, la Commission, soucieuse d'améliorer la visibilité et la compréhension par le public des AMF en général, publie depuis l'été 2014 sur le site web de la DG ECFIN le protocole d’accord définissant les réformes associées aux opérations. Ces problèmes de délais et de visibilité opérationnelle des AMF seront examinés de manière plus approfondie dans le cadre d’une méta-évaluation de l’assistance macrofinancière qui devrait débuter en 2020.
L’évaluation externe qui a été réalisée confirme toutefois que malgré ces retards, l'AMF était toujours pertinente en 2015 et 2016, puisque les décaissements ont coïncidé avec d’importantes échéances de remboursement de la dette et avec des difficultés liées à la crise économique russe.
La Commission s’efforcera de mettre en pratique les enseignements de cette évaluation et examinera plus avant les limitations qu’elle met en évidence lors de la prochaine méta-évaluation des AMF prévue en 2020.