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Résumé de l’analyse d’impact
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Analyse d’impact accompagnant une proposition de modification du règlement (UE) n° 575/2013 en ce qui concerne la couverture minimale des pertes sur les expositions non performantes
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A. Nécessité d’une action
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Pourquoi? Quel est le problème à résoudre?
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Le cadre réglementaire des banques a profondément changé à la suite de la crise financière. Les réformes décidées au niveau du G20 et du Comité de Bâle ont été engagées et sont en voie de mise en œuvre dans le monde entier, afin de réduire les risques auxquels le secteur bancaire est exposé et d’accroître la stabilité et la résilience du système financier. Cependant, certains risques n’ont été traités que localement. De grands pays en particulier (comme les États-Unis ou le Japon, pour n’en citer que quelques-uns) ont pris un certain nombre de mesures pour réduire l’encours des prêts non performants (PNP) et assainir le bilan des banques, notamment en instaurant, ou en rendant plus contraignants, des régimes de provisionnement/de dépréciation des PNP.
Au lendemain de la crise et avec les récessions qui ont suivi, les PNP et autres expositions non performantes (ENP)
se sont aussi accumulés dans certaines parties du secteur bancaire de l’UE. Ces encours élevés de PNP portent atteinte à la stabilité financière, parce qu’ils pèsent sur la rentabilité et la viabilité des établissements de crédit concernés. En restreignant leur capacité de prêt, ils ont aussi un impact sur la croissance économique. Pour continuer à s’attaquer aux problèmes posés par les niveaux élevés de PNP dans l’UE, le «plan d’action pour la lutte contre les prêts non performants en Europe» adopté par le Conseil ECOFIN invite les différentes institutions et agences de l’UE à prendre des mesures appropriées.
En particulier, pour limiter le risque de nouveaux problèmes de prêts non performants à l’avenir, l’une des principales mesures stratégiques envisagées est d’imposer que ces prêts soient comptabilisés comme non performants en temps utile et dûment couverts, de façon à empêcher la pratique de non-comptabilisation des pertes (loss forbearance) et d’encourager la résolution des PNP. Le sous-provisionnement et la non-comptabilisation des pertes constituent des obstacles majeurs à la restructuration de dettes ou à la cession d’actifs. De fait, les banques peuvent différer leur restructuration ou leur désendettement, pour ne pas avoir à comptabiliser leurs pertes (pratiquant ainsi une «approche attentiste»). Or l’on a constaté que la comptabilisation tardive des pertes contribuait à la réduction de l’activité de prêt, parce que les banques se retrouvent d’autant plus forcées d’augmenter leurs provisions en périodes de tensions (quand les pertes se concrétisent et que les exigences de fonds propres réglementaires deviennent plus contraignantes). Cette procyclité du provisionnement induit une procyclité des prêts bancaires et de plus amples fluctuations du cycle économique (cycles de forte expansion et de forte contraction du crédit).
La résorption des encours élevés d’ENP et la prévention de leur éventuelle accumulation à l’avenir occupent une place importante dans les efforts déployés par l’Union pour réduire encore les risques dans le système bancaire et permettre aux banques de se concentrer sur les prêts aux entreprises et aux particuliers. Les discussions en cours au Conseil confirment que de nouvelles avancées dans la résolution du problème des PNP sont essentielles à l’achèvement de l’union bancaire, qui constitue une priorité absolue du programme des dirigeants.
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Quels sont les objectifs de cette initiative?
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La présente initiative, qui s’inscrit dans un plus vaste ensemble de mesures destinées à résoudre le problème des PNP dans l’UE, poursuit deux grands objectifs, qui se renforcent mutuellement: premièrement, elle vise à limiter les risques que des encours élevés d’expositions non performantes font peser sur la stabilité financière, en empêchant une accumulation ou une augmentation excessive du volume d’ENP insuffisamment couvertes dans le système bancaire de l’UE; deuxièmement, elle vise à garantir que les banques de l’UE disposent d’une couverture suffisante des pertes sur les ENP, de façon à protéger leur rentabilité et leurs fonds propres et à réduire leurs coûts de financement en périodes de tensions. Cet aspect est particulièrement important dans l’UE, où l’intermédiation financière reste largement dominée par les établissements bancaires. Grâce à ces mesures, qui pourront s’appuyer sur les marchés des capitaux plus profonds et plus solides auxquels l’UMC devrait donner naissance, les ménages et les entreprises de l’UE devraient bénéficier de financements stables et moins procycliques, qui soutiendront aussi l’investissement, la croissance et l’emploi.
Sur le plan de la mise en œuvre opérationnelle, il s’agira de restreindre à la fois la capacité et les incitations qu’ont les banques à «faire comme si» en poursuivant des stratégies attentistes, par lesquelles elles retardent la comptabilisation des provisions pour prêts non performants. L’initiative prévoit pour ce faire d’instaurer un dispositif de soutien réglementaire de type prudentiel consistant i) en l’obligation pour les banques de couvrir, jusqu’à des niveaux minimums communs, les pertes attendues et subies sur les prêts nouvellement émis une fois ceux-ci devenus non performants («exigence de couverture minimale»), et ii) lorsque l’exigence de couverture minimale n’est pas respectée, en une déduction, sur les éléments de fonds propres de niveau 1, de la différence entre la couverture minimale requise et la couverture effective. L’exigence de couverture minimale n’entrerait pleinement en application qu’au terme d’une certaine période, qui serait différente selon que le prêt est ou non sécurisé (par une sûreté ou une garantie).
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Quelle est la valeur ajoutée d’une action à l’échelle de l’Union?
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L’actuel cadre prudentiel de l’UE ne prévoit pas de traitement minimum commun des pertes attendues/subies sur les PNP. Les autorités de surveillance chargées de surveiller les établissements de crédit de l’UE ont certes le pouvoir, au cas par cas, d’influencer la politique de provisionnement d'une banque et d’exiger l’apport de certains ajustements au calcul des fonds propres («pilier 2» du cadre), mais aucun traitement (minimum) harmonisé, applicable à l’ensemble des États membres et des banques, ne peut être imposé.
Faute de règles prudentielles communes sur le provisionnement des prêts non performants, la couverture effective des pertes sur PNP est variable selon l’État membre où les banques sont établies, quand bien même le risque sous-jacent est identique. La comparabilité internationale et la fiabilité des ratios de fonds propres peuvent en pâtir. Des banques présentant le même profil de risque et partageant la même monnaie (pour celles de la zone euro) connaîtront des conditions de financement différentes, selon là où elles sont établies. Quant aux emprunteurs, deux entreprises présentant le même profil de risque et partageant la même monnaie se verront proposer des conditions de prêt différentes, selon leur lieu d'établissement. Cette situation aggrave la fragmentation financière et, ce faisant, empêche l’un des plus importants avantages de l’union financière et monétaire de se concrétiser, à savoir la diversification et le partage des risques économiques entre les pays.
Une action législative de l’UE mettrait un frein automatique, à l’échelle de l’UE, à l’accumulation de futurs PNP qui ne bénéficieraient pas d'une couverture suffisante et renforcerait ainsi la solidité financière et la capacité de prêt des banques. Elle contribuerait au bon fonctionnement du mécanisme de transmission monétaire et favoriserait un processus d’intégration financière plus durable dans l’UE. Elle contribuerait aussi à l’achèvement de l’union bancaire, en mettant toutes les banques sur un pied d’égalité: les différences injustifiées dans leurs pratiques seraient supprimées, la comparabilité accrue, la discipline de marché facilitée, et la confiance du marché encouragée. Une action à l’échelle de l’UE réduirait aussi les risques d’effets de contagion au sein de l'Union. En effet, le haut degré d’interconnexion du système financier de l’UE (tout particulièrement dans la zone euro) crée un important danger de contagion, avec des risques pour la stabilité qui sont mieux pris en compte au niveau de l’UE.
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B. Solutions
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Quelles sont les options législatives et non législatives qui ont été envisagées? Y a-t-il une option privilégiée? Pourquoi?
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L’analyse d'impact a envisagé les options stratégiques suivantes (outre le scénario de référence, qui était: aucune action de l’UE):
·option 1 – Exigences de couverture intégrale des PNP garantis et non garantis à l’issue de périodes définies, sans exigence de couverture préalable;
·option 2 – Exigences de couverture augmentant graduellement (de façon linéaire ou progressive) après classification comme non performant, conduisant à une couverture intégrale des PNP garantis et non garantis à l’issue de périodes définies;
·option 3 – Pour les PNP garantis, application de décotes selon le type de garantie utilisée (les PNP non garantis seraient traités comme dans le cadre des options 1 et 2).
Après évaluation et prise en considération des impacts, l’option 2 (progressivité jusqu’à couverture intégrale) a été jugée préférable, parce qu’elle réalise les objectifs poursuivis tout en offrant un rapport coûts/avantages optimal. Elle représente un juste équilibre entre la nécessité de laisser suffisamment de temps pour les recouvrements possibles et celle d’éviter les effets de falaise abrupts à l'issue de cette période.
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Qui soutient quelle option?
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La plupart des parties prenantes étaient opposées à l’option 1, car celle-ci n’exige de couverture intégrale des PNP qu’à l’issue de périodes définies, ce qui pourrait entraîner d'importants effets de falaise pour les banques contraintes à une déduction sur leurs fonds propres.
L’option 2 (approche graduelle) avait la faveur de certaines banques et de la plupart des parties prenantes du secteur public. Les banques avaient une préférence pour la progressivité plutôt que pour la linéarité, parce que cette dernière induirait une prudence excessive durant les premières années, alors que les chances de recouvrer le prêt ou la garantie sont plus élevées durant celles-ci qu’en fin de période.
L’option 3 (approche fondée sur les décotes) a été critiquée par la plupart des parties prenantes du secteur privé et du secteur public comme étant indûment complexe. La majorité d’entre elles n’y voyaient aucune valeur ajoutée, dans la mesure où la complexité de cette option et les surcoûts de mise en œuvre qu’elle entraînerait l’emporteraient sur les avantages limités que les banques en retireraient en termes de plus grande sensibilité au risque.
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C. Incidences de l'option privilégiée
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Quels sont les avantages de l’option privilégiée (ou, à défaut, des options principales)?
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L’option 2 (approche graduelle) imposerait aux banques de commencer à couvrir leurs PNP à un stade précoce et, ce faisant, réduirait fortement à la fois la capacité et les incitations qu’elles ont à «faire comme si» et à pratiquer une approche attentiste. L’objectif poursuivi serait rapidement atteint, puisque l'exigence de couverture est conçue pour se déclencher aussitôt que l’exposition devient non performante. Les banques n’auraient pas la possibilité d’attendre l’issue de la période pour accroître leur provisionnement. L’option 2 aurait donc pour principal avantage d’éviter un impact trop abrupt et potentiellement dommageable à la fin de la période définie.
Elle serait également compatible et cohérente avec les autres politiques de l’UE. Par rapport à l’option 1, les cas dans lesquels les autorités de surveillance devraient imposer ou maintenir des mesures spécifiques de pilier 2 durant les premières années seraient moins nombreux. L’option 2 contribuerait à garantir une utilisation efficiente des ressources et un traitement des ENP harmonisé à l’échelle de l’UE.
Le fait de choisir une approche progressive permettrait aussi d’aligner la conception du dispositif de soutien réglementaire sur une autre initiative proposée par la Commission, à savoir l’accélération du recouvrement extrajudiciaire des garanties. Les niveaux de couverture exigés seraient moins élevés durant les premières années, où la garantie est plus susceptible d’être recouvrée.
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Quels sont les coûts de l’option privilégiée (ou, à défaut, des options principales)?
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Pour les banques qui ne font actuellement l’objet d’aucune mesure de pilier 2 les amenant à accroître leurs provisions pour PNP, l’option 2 serait plus onéreuse que le scénario de référence, en termes d’exigences de fonds propres et de coûts de mise en œuvre. Les banques soumises à des mesures de pilier 2 devraient aussi supporter des surcoûts, dans l’hypothèse où ces mesures ne suffiraient pas à remédier pleinement au sous-provisionnement des PNP.
À court terme, l’option 2 serait potentiellement plus chère que les options 1 et 3, parce que la déduction possible sur les fonds propres s’appliquerait dès la première année suivant la classification comme PNP, et elle permettrait une moins grande sensibilité au risque que l’option 3. Toutefois, le choix d’une approche progressive devrait contribuer à alléger cette préoccupation, puisque le montant à couvrir serait moins important les premières années, laissant ainsi aux banques du temps pour obtenir le remboursement du prêt ou recouvrer la garantie en début de période.
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Quelle sera l’incidence sur les entreprises, les PME et les microentreprises?
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L’application d’exigences de couverture minimale réduira la capacité et les incitations qu’ont les banques à opter pour des pratiques attentistes. En garantissant une gestion des ENP plus efficace et effectuée en temps utile, qui renforcera les bilans des banques, l’option privilégiée devrait favoriser une offre de crédit plus stable, à la fois en quantité et en prix. Cet effet positif devrait profiter tout particulièrement aux PME, plus dépendantes du crédit bancaire que les grandes entreprises, qui jouissent peut-être d’un accès plus aisé aux marchés financiers.
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Y aura-t-il une incidence notable sur les budgets nationaux et les administrations nationales?
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Aucune incidence notable n'est prévue sur les budgets nationaux et les administrations nationales. L’introduction d’une mesure de pilier 1 devrait réduire la nécessité de mesures de pilier 2 (appréciées au cas par cas) et permettre une utilisation plus ciblée des ressources humaines et financières et donc une efficience accrue.
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Y aura-t-il d’autres incidences notables?
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À court terme, les banques qui ne respecteraient pas le niveau de couverture minimale applicable (et seraient dès lors soumises à une déduction graduelle sur leurs fonds propres) verraient leurs fonds propres diminuer par rapport au scénario de référence. Cependant, toutes les banques seraient, à tout moment, mesurées à une aune commune, ce qui accroîtrait leur comparabilité et favoriserait l’égalité des conditions de concurrence dans l’ensemble du marché unique. L’augmentation progressive des exigences de couverture permettrait d’éviter les effets de falaise qui pourraient résulter d'une comptabilisation tardive des pertes, à l’incidence potentiellement grave sur les fonds propres des banques. Dans les faits, le dispositif de soutien réglementaire de type prudentiel n’aurait pas pour effet d’augmenter les exigences de fonds propres pour expositions non performantes, mais seulement de modifier la répartition des besoins en fonds propres (sans en accroître l'importance globale) aux fins de la couverture des pertes sur les ENP dans le temps.
À long terme, l’impact sur les banques serait bénéfique, parce qu’en empêchant les ENP sous-provisionnées de s’accumuler et d’atteindre des niveaux insoutenables, ce dispositif accroîtrait la résilience des banques en période de tensions et de crise économique, abaisserait leurs coûts de financement et leurs charges administratives, et protègerait leur rentabilité. En effet, le dispositif de soutien réglementaire de type prudentiel n’aurait pas pour effet d’augmenter les exigences de fonds propres pour expositions non performantes, mais seulement de modifier la répartition des besoins en fonds propres (sans en accroître l'importance globale) afin d’assurer une couverture des pertes sur les ENP mieux équilibrée dans le temps.
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D. Suivi
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Quand la législation sera-t-elle réexaminée?
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La Commission procèdera à une évaluation six à huit ans après la date d’entrée en application de cette initiative (selon le calibrage définitif de la période à l’issue de laquelle la couverture intégrale des PNP serait exigée). L’objectif sera d’apprécier, entre autres, le degré d’efficacité et d’efficience de la mesure dans la réalisation des objectifs exposés dans l’analyse d’impact et de décider de la nécessité de nouvelles mesures ou de modifications.
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