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Document 52015IE1637

Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Financement du développement — La position de la société civile» (avis d’initiative)

JO C 383 du 17.11.2015, p. 49–56 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/49


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Financement du développement — La position de la société civile»

(avis d’initiative)

(2015/C 383/08)

Rapporteur:

M. Ivan VOLEŠ

Le 18 février 2015, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Financement du développement — La position de la société civile».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juin 2015.

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 2 juillet 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 142 voix pour, aucune voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE demande que le nouveau programme de développement revête une dimension mondiale et vise à améliorer la qualité de vie des femmes et des hommes. Ce programme doit se fonder sur le respect des droits de l’homme, la prévention des conflits et leur résolution pacifique, la bonne gestion des affaires publiques, la réduction des inégalités sociales, le renforcement du rôle des femmes et la participation de tous ceux qui se sentent responsables du développement du monde et de sa préservation pour les générations futures.

1.2.

Le CESE approuve l’adoption des objectifs proposés de développement durable et demande de mobiliser l’ensemble des ressources financières disponibles et d’utiliser celles-ci de manière transparente et efficace afin d’intégrer de manière équilibrée les dimensions économique, sociale et environnementale du développement durable. Il est nécessaire de lutter contre le gaspillage de ressources dans des conflits armés, leur transfert illicite et leur dissipation dans l’économie souterraine.

1.3.

Le CESE demande de faire figurer la promotion du dialogue social parmi les priorités en matière de développement, car il s’agit d’un instrument important pour prendre en compte de manière équilibrée les intérêts des partenaires sociaux et maintenir ainsi la paix sociale indispensable pour réussir à mettre en œuvre les objectifs de développement durable (ODD).

1.4.

L’aide publique au développement (APD) doit être destinée notamment aux pays les moins avancés et aux pays vulnérables. L’Union européenne devrait réaffirmer son engagement d’octroyer une APD totale à hauteur de 0,7 % de son RNB et d’en consacrer 0,15 à 0,20 % en faveur des pays les moins avancés. Cet engagement doit être lié à l’exigence de régularité et de rationalité de l’utilisation de toutes les sources de financement de l’aide au développement conformément aux principes adoptés à Monterrey, Doha et Busan.

1.5.

Il convient de ne pas évaluer l’APD uniquement en fonction de son volume, mais aussi d’en jauger la qualité et la contribution au développement durable. À cette fin, il est nécessaire de concevoir de nouveaux indicateurs pour en évaluer l’efficacité.

1.6.

Afin d’accroître l’efficacité de l’aide budgétaire aux pays en développement, le CESE recommande de mettre à profit l’expérience de la mise en œuvre de la politique de cohésion de l’Union européenne et de ses instruments, tels que les Fonds structurels et les fonds de cohésion, afin d’utiliser ces moyens financiers en faveur du développement de manière ciblée pour la réalisation des ODD.

1.7.

Afin d’améliorer l’utilisation des ressources nationales, qui gagneront en importance, qu’elles soient publiques ou privées, il est nécessaire de réaliser une réforme fiscale radicale, d’instaurer une bonne gouvernance fiscale, d’intégrer le secteur informel à l’économie légale et de mener une lutte sans merci pour combattre et prévenir la corruption. Ces démarches pourraient bénéficier de la conclusion d’accords internationaux sur la lutte contre l’évasion fiscale, les paradis fiscaux et les flux financiers illicites, ainsi que de l’amélioration de la coopération avec l’OCDE et le Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale de l’ONU.

1.8.

Le CESE approuve la participation du secteur privé à la réalisation de projets irréalisables, pour tout ou partie, d’un point de vue commercial au moyen de partenariats des secteurs public et privé et du financement de projets de PPP grâce au panachage (blending). Le succès de leur réalisation repose sur l’évaluation ex ante de leur caractère durable, le respect des principes de transparence, y compris en matière d’établissement de rapports, de responsabilité partagée et d’engagements contraignants.

1.9.

Le CESE reconnaît l’apport que peuvent constituer les investissements directs étrangers pour le développement, pour autant que ceux-ci soient orientés vers la réalisation des ODD. Les revenus des investissements directs étrangers devraient être prioritairement réinvestis dans les pays en développement où ils ont été générés. Les pays bénéficiaires devraient disposer d’une stratégie claire d’investissement. Les nouveaux États investisseurs, tels que la Chine, le Brésil, l’Inde et d’autres, devraient prendre en considération les principes du développement durable dans le cadre de leurs investissements dans les pays en développement.

1.10.

Le CESE soutient les sources innovantes et complémentaires de financement du développement, telles que le financement participatif, les activités des fonds caritatifs internationaux, les transferts d’épargne des diasporas vers leurs pays d’origine. Il accueille favorablement certaines propositions du Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement, qui pourraient devenir une ressource importante, à condition qu’ils soient mis en œuvre à l’échelle mondiale et qu’ils n’imposent pas de contraintes excessives au secteur concerné.

1.11.

La société civile, qui rassemble également les partenaires sociaux et les organisations non gouvernementales, doit être associée de manière bien plus efficace et structurée à la définition des programmes de développement, au suivi de leur réalisation et à l’évaluation de leurs résultats et de leurs retombées. C’est pourquoi il convient, tant dans les pays en développement que dans les pays développés, de créer et d’améliorer de manière systématique un système de contrôle des processus de l’aide au développement et d’y faire participer les organisations concernées de la société civile. Dans cette perspective, le CESE met à disposition sa vaste expérience de coopération avec ses partenaires des pays ACP, d’Amérique latine, d’Asie, du partenariat oriental, de la région euro-méditerranéenne et autres.

1.12.

Afin que la société civile puisse s’acquitter de cette tâche, il y a lieu de la soutenir grâce à des programmes de renforcement des capacités des institutions de la société civile dans les pays partenaires.

2.   Les positions essentielles du CESE sur le programme de développement pour l’après-2015

2.1.

L’année 2015 est cruciale pour la définition d’une nouvelle approche du développement au plan mondial. Les objectifs du Millénaire pour le développement n’ont que partiellement accompli leur mission principale, à savoir la réduction de la pauvreté. Les nouveaux objectifs de développement durable (ODD) (1) devraient apporter les changements fondamentaux que le CESE appelle de ses vœux depuis longtemps. Le Comité se félicite de l’intégration aux ODD d’un certain nombre de ses recommandations.

2.2.

Le CESE avait demandé dans ses avis récents que les nouveaux objectifs de développement deviennent partie intégrante du développement durable à l’échelle mondiale (2); il avait fait valoir le rôle irremplaçable que joue la société civile dans la politique de développement (3); il avait fait état de la nécessité d’inclure la protection sociale dans la politique de développement de l’Union européenne (4) et il avait exposé une série de propositions en faveur de la participation du secteur privé au développement pour l’après 2015 (5), de l’inclusion des objectifs de développement durable et du rôle de la société civile dans les accords d’investissement de l’Union européenne (6), de la contribution du commerce à la croissance et au développement (7) et des objectifs de l’après-2015 dans la région euro-méditerranéenne (8). Lors de leur réunion extraordinaire conjointe du 20 octobre 2014, la section spécialisée REX et l’Observatoire du développement durable du CESE ont adopté des recommandations relatives au programme de développement durable pour l’après-2015, valables pour les négociations à venir sur les ODD et leur financement.

2.3.

Le dialogue social doit devenir un élément important du programme de développement pour l’après-2015, car il s’agit d’un instrument qui permet de régler les relations entre employeurs et travailleurs et de maintenir, grâce à une prise en compte équilibrée des intérêts des partenaires sociaux, la paix sociale indispensable à la réussite du développement continu d’une société donnée.

2.4.

Le CESE insiste sur la nécessité d’assurer la cohérence entre objectifs du libre commerce et objectifs de développement durable lors des négociations en cours dans le cadre de l’OMC ou de celles que l’Union européenne engage actuellement sur les services, les biens environnementaux et dans le cadre de l’application des accords de l’OMC existants.

2.5.

Tout accord de commerce et d’investissement doit se conformer aux critères de développement durable, s’agissant notamment de leur impact sur l’emploi, les personnes vulnérables et l’égalité entre les sexes. Il ne saurait empêcher les pays en développement de gérer les crises, de réglementer les flux de capitaux, d’appliquer une imposition équitable et de fournir les services publics essentiels. L’Union européenne devrait être tenue de procéder à des évaluations complètes d’impact sur le développement durable en ce qui concerne notamment les APE, en mettant l’accent en particulier sur les droits au développement et les droits spécifiques tels que le droit à l’alimentation, à la santé et à une rémunération équitable, en tenant compte également de l’impact sur les groupes vulnérables.

2.6.

Le consensus mondial en faveur du développement durable doit respecter les droits fondamentaux de l’homme et s’attacher à prévenir les conflits et à consolider la paix, à éliminer les inégalités dans la sphère sociale, à assurer une bonne gestion des affaires publiques, à soutenir les collectivités locales démocratiques, à renforcer le rôle des femmes et à faire participer le secteur privé au développement. À cette fin, les États membres des Nations unies devraient adopter, promouvoir et ratifier les instruments juridiques, les conventions, les accords et les règlements internationaux (9). Nous considérons que la communication de la Commission européenne sur «Un partenariat mondial pour l’éradication de la pauvreté et le développement durable après 2015» (10) constitue une base adéquate pour les négociations à venir, où nous appelons l’Union européenne à jouer un rôle de premier plan.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE met en avant la nécessité d’une approche globale en matière de développement durable. C’est à chaque État qu’incombe en premier lieu la responsabilité de son développement et c’est à la communauté internationale qu’il appartient d’instaurer un environnement international propice, qui favorise le développement durable de tous les pays, qui englobe le respect des biens publics mondiaux, la préservation des ressources naturelles, des marchés financiers stables, un commerce international ouvert, des migrations ordonnées et un soutien ciblé du développement technologique au service du développement durable.

3.2.

La mobilisation de l’ensemble des ressources financières disponibles constitue une condition préalable à la réalisation des ODD. Selon les estimations de la Cnuced (11), les besoins annuels en investissements des pays en développement pour atteindre les objectifs de développement durable au cours de la période 2015-2030 s’élèvent à 3  900 milliards de dollars des États-Unis (USD), dont 2  500 milliards ne sont pas financés.

3.3.

Le CESE partage la conviction qu’il existe suffisamment de sources de financement disponibles dans le monde. Outre les ressources officielles (12), il existe des ressources occultes, telles que le financement de guerres et de conflits armés dans le monde. La disponibilité des ressources est également limitée par l’évasion fiscale, l’économie souterraine et les transferts financiers illicites, contre lesquels il convient de lutter de manière systématique.

3.4.

Il n’est pas possible de dissocier la recherche et la mobilisation des ressources de l’obligation de bien les utiliser. Il convient de continuer à s’appuyer sur les principes d’efficacité et d’efficience de l’aide au développement adoptés à Monterrey, Doha et Busan et de lutter résolument contre une utilisation prodigue et déraisonnable de toutes les formes que revêtent les ressources en faveur du développement, qu’elles soient financières ou non.

3.5.

Il convient d’évaluer l’aide au développement non seulement en fonction de son volume, mais aussi d’en jauger la qualité et la contribution à la réalisation des objectifs de développement durable et à l’amélioration de la vie des femmes et des hommes. À cette fin, il est nécessaire de créer de nouveaux indicateurs qui comprennent des critères d’évaluation et de renforcer les agences statistiques des pays en développement, y compris le transfert de savoir-faire et l’échange mutuel d’informations.

3.6.

Élargir la participation des organisations issues de tous les horizons de la société civile à l’élaboration des objectifs et des plans nationaux de développement contribuerait à concilier les intérêts du secteur privé et les objectifs publics. Ces secteurs partagent un intérêt commun, à savoir faire valoir les principes de transparence, d’ouverture des marchés publics, d’efficacité et de rationalité des moyens engagés et de responsabilité des agents publics pour la mise en œuvre de la stratégie de développement adoptée.

3.7.

Afin d’accomplir les tâches qui lui incombent en matière de développement, le secteur privé a besoin d’un climat entrepreneurial favorable recouvrant le respect des principes démocratiques généralement reconnus de l’État de droit, qui facilite la création et l’essor des entreprises, réduit la bureaucratie, renforce la transparence, enraye la corruption et encourage les investissements. Il s’impose que le secteur privé se conforme aux principes reconnus sur le plan international en matière de responsabilité sociale des entreprises, respecte les droits économiques et sociaux fondamentaux et les exigences du développement durable et crée de nouveaux emplois conformes à l’agenda pour un travail décent de l’OIT.

3.8.

Le CESE appelle à renforcer encore la coordination et la cohérence de toutes les politiques de l’Union européenne en rapport avec le développement durable (13), afin d’éviter les éventuels doubles emplois, les chevauchements, la fragmentation, voire même des approches contradictoires, ainsi qu’à approfondir une coordination systématique de l’aide bilatérale au développement octroyée par les États membres en vue de réaliser les ODD.

4.

Observations spécifiques

4.1.    L’aide publique au développement (APD)

4.1.1.

Bien que l’APD ne puisse pas satisfaire tous les besoins d’aide au développement, elle demeure indispensable pour les habitants des pays les moins avancés, des pays touchés par un conflit armé, menacés par des catastrophes naturelles ou des épidémies, et ceux qui vivent sur des îles isolées et dans des pays dépourvus d’accès à la mer.

4.1.2.

Il convient d’employer prioritairement les moyens issus de l’APD afin d’éradiquer la pauvreté dans les pays pauvres et vulnérables. Le CESE fait observer que la pauvreté a augmenté dans les pays à revenu intermédiaire du fait d’une répartition inégale des richesses. Il convient d’exploiter l’effet de levier de l’APD pour mobiliser toutes les sources d’aide, y compris les investissements privés, afin d’éradiquer la pauvreté.

4.1.3.

Le CESE demande à la Commission et au Conseil de convenir d’une position européenne commune et claire en matière d’APD en vue des négociations de la conférence d’Addis-Abeba. L’Union européenne devrait réaffirmer son engagement d’octroyer une APD totale à hauteur de 0,7 % de son RNB et de consacrer 0,15 à 0,20 % de son RNB à l’APD en faveur des pays les moins avancés. Le CESE attire l’attention sur le fait que les mesures de lutte contre le changement climatique, qui feront l’objet des négociations de la conférence de Paris en décembre 2015, nécessiteront des ressources supplémentaires.

4.1.4.

En tant que telles, les statistiques relatives au volume de l’APD ne font apparaître ni la qualité ni les résultats de l’aide octroyée, ni ses retombées réelles sur le développement du pays bénéficiaire. Le CESE approuve la proposition du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE de suivre aussi, outre l’APD, l’aide et le soutien au développement durable octroyés hors du cadre de l’APD (14). L’aide non financière a souvent des effets en termes de développement bien plus importants pour un pays que ceux d’une aide financière (par exemple l’éducation, les échanges d’expériences, les transferts de technologie et de savoir-faire, la coopération scientifique et technologique).

4.1.5.

L’aide budgétaire aux pays en développement devrait toujours avoir une affectation budgétaire précise et poser une responsabilité commune du donateur et du bénéficiaire quant à l’utilisation de cette forme d’aide pour réaliser les ODD dans le respect des règles reconnues au plan international en matière de gestion et de contrôle financiers, comprenant des clauses conditionnelles et des mesures fermes visant à combattre et à prévenir la corruption. Les financements de l’Union européenne devraient eux-mêmes être protégés de manière crédible contre la corruption. Le Comité recommande de mettre à profit l’expérience de la mise en œuvre de la politique européenne de cohésion, même dans les pays en développement, afin d’améliorer et de cibler davantage l’affectation des crédits de développement aux ODD et de contrôler plus rigoureusement leur utilisation et l’évaluation des résultats obtenus.

4.2.    Les ressources nationales

4.2.1.

Le CESE est convaincu que l’importance des ressources nationales pour le développement, aussi bien publiques que privées, croîtra sensiblement au cours de la période à venir.

4.2.2.

Pour accroître le volume et l’efficacité de l’utilisation des ressources nationales, il convient de lutter systématiquement contre les flux financiers illicites, le blanchiment d’argent provenant d’activités illégales, y compris du travail informel, de la traite de migrants, de l’exportation de déchets non valorisés, et d’améliorer le recouvrement de l’impôt, de lutter contre la corruption et les activités criminelles et d’intégrer le vaste secteur informel à l’économie légale. Il s’impose d’aider les pays en développement à réformer en profondeur leur fiscalité et à améliorer leur bonne gouvernance fiscale. Le CESE demande que l’Union européenne s’efforce plus activement d’obtenir la conclusion d’accords internationaux sur la lutte contre l’évasion fiscale, les paradis fiscaux et les flux financiers illicites, ainsi que d’améliorer la coopération avec le Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE et le Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale de l’ONU.

4.2.3.

Aujourd’hui, le volume des investissements privés nationaux, qu’ils soient réalisés directement ou dans le cadre d’un portefeuille, est de plusieurs fois supérieur à celui des investissements étrangers. Il est nécessaire de les orienter vers des objectifs de développement, par exemple au moyen de mesures adéquates d’incitation ou par l’intermédiaire de projets en PPP bien préparés et assurés, pour qu’ils deviennent un instrument important pour atteindre les ODD.

4.2.4.

Tout particulièrement les pays en développement dotés de richesses minérales disposent d’un potentiel inexploité de ressources nationales, alors que la majorité de la population y vit dans la misère en dépit de l’importance relative des recettes de l’État, et qu’ils négligent de bâtir leur propre économie, leurs infrastructures et leurs services sociaux. C’est à juste titre que la société civile critique les méthodes de certains investisseurs étrangers dans les industries extractives dans les pays en développement, lorsqu’elle réclame le respect des normes fondamentales de protection de l’environnement, de protection sociale des ouvriers, de transparence du paiement des impôts et des transferts de bénéfices à l’étranger, ainsi que l’établissement de rapports en vertu des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (15). Le CESE se félicite des actions menées pour remédier à cette situation, telles que l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (16).

4.3.    Le panachage (blending) et les partenariats public-privé (PPP)

4.3.1.

Le CESE est convaincu que partout où les gouvernements ne disposent pas des moyens suffisants pour réaliser sur leurs propres deniers publics les investissements indispensables et où ces derniers, notamment dans le domaine des infrastructures mais aussi des services publics, sont irréalisables d’un point de vue commercial, il est nécessaire de recourir à des partenariats entre les secteurs public et privé et de financer ces projets de PPP au moyen du panachage conformément aux recommandations de l’OCDE (17).

4.3.2.

Ces projets de partenariat public-privé doivent être élaborés en conformité avec la stratégie de développement de l’État en question, reposer sur des études de faisabilité, tenir compte au préalable des facteurs de durabilité et respecter les principes de transparence, de responsabilité partagée et d’engagements contraignants. Il convient d’associer les partenaires sociaux et d’autres représentants de la société civile à l’évaluation de l’apport de ces projets en matière de développement durable et de les charger de contrôler le respect des conventions de l’OIT en vigueur.

4.3.3.

Il conviendrait également de recourir au panachage dans le cadre de l’économie sociale et des projets durables d’intégration des groupes sociaux vulnérables dans l’environnement économique.

4.4.    Les investissements étrangers

4.4.1.

En 2013, les flux d’investissements directs étrangers (IDE) vers les pays en développement ont atteint 778 milliards d’USD; toutefois, leur contribution au développement durable reste bien souvent ambiguë. Seuls 2 % de la totalité des IDE vers les pays en développement vont aux pays les moins avancés. En Afrique subsaharienne, les IDE s’orientent prioritairement vers les industries extractives sans rien apporter au reste de l’économie. Les nouveaux États investisseurs, tels que la Chine, le Brésil, l’Inde et d’autres, devraient prendre en considération les principes du développement durable dans le cadre de leurs investissements dans les pays en développement.

4.4.2.

Selon une étude de l’organisation non gouvernementale Eurodad sur les finances des pays en développement, en 2014, les flux de ressources financières qui sortent de ces pays sont deux fois plus importants que ceux qui y entrent en provenance de l’étranger, en comptant aussi l’APD, les IDE, les dons caritatifs, les transferts de bénéfices, l’épargne et d’autres sources (18). Il convient de faire en sorte que ces moyens financiers soient, dans toute la mesure du possible, réinvestis en faveur d’un développement durable dans les pays bénéficiaires.

4.4.3.

Les stratégies nationales de développement devraient également prévoir un soutien aux investissements. Pour obtenir des IDE et les orienter vers les ODD, il est nécessaire de créer des conditions propices, telles que la paix, la stabilité, la bonne administration. Les pays en développement devraient également inclure les ODD dans les accords d’investissement qu’ils concluent et offrir en contrepartie les garanties correspondantes. Le CESE recommande que les agences et institutions financières de promotion des investissements dans les pays d’origine et celles des pays destinataires établissent une coopération technique directe en lien avec la stratégie nationale de développement durable.

4.4.4.

Il est nécessaire de promouvoir l’«investissement orienté impact» qui garantit une certaine rentabilité à court terme, mais qui offrira des perspectives de rentabilité à long terme grâce à ses effets sociaux tels que le renforcement des capacités ou un environnement susceptible de mener au développement durable.

4.5.    Les formes novatrices et complémentaires de financement

4.5.1.

Le financement et l’investissement participatifs (19) constituent un instrument qui présente de grandes possibilités pour financer de petits projets de développement. Le CESE attire l’attention sur la nécessité de définir très rapidement ces instruments et d’élaborer et d’approuver le cadre réglementaire approprié dont ils doivent être dotés, ainsi qu’il l’a recommandé dans son avis y afférent (20).

4.5.2.

Le CESE se félicite du nombre croissant de fonds caritatifs, de fondations et de programmes internationaux en faveur du développement durable, comme par exemple le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le Partenariat mondial pour l’éducation, l’Alliance GAVI pour la vaccination des enfants dans les pays les moins avancés, etc. Ces fonds et fondations, dans le cadre desquels des institutions publiques coopèrent avec des donateurs privés et des organisations non gouvernementales, devraient améliorer la coordination de leurs activités et les orienter vers les ODD.

4.5.3.

Les crédits destinés à l’APD, lorsqu’ils ne sont pas momentanément alloués à des projets de développement, pourraient être placés dans des fonds d’investissement pour le développement et dans des obligations garanties, de manière à générer des revenus à court terme et contribuer à créer davantage de ressources (21). Cette démarché contribuerait à plus long terme à augmenter le volume des ressources nécessaires à l’aide au développement (22).

4.5.4.

Le CESE accueille favorablement certaines propositions du Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement (23), et soutient les efforts déployés pour créer de nouvelles ressources de financement des ODD. Toutefois, il est nécessaire que ces nouvelles ressources soient mises en œuvre de manière cohérente à l’échelle mondiale, qu’elles n’entravent pas la compétitivité d’un secteur donné et que leur utilisation pour les ODD soit transparente. Le CESE se féliciterait que le secteur bancaire mette volontairement en œuvre une initiative à l’échelle mondiale pour apporter sa contribution au financement de l’écart qui existe entre les besoins et les ressources disponibles, et ce afin de réaliser les objectifs de développement durable.

4.5.5.

Parmi les ressources peu exploitées figurent les moyens financiers provenant de la diaspora, c’est à dire les transferts de l’épargne vers le pays d’origine, dont il serait possible de tirer également parti en vue de réaliser les ODD. Il y a lieu d’imposer une réduction des coûts de ces transferts d’épargne. Il conviendrait de proposer aux membres d’une diaspora des programmes d’éducation et d’incitation qui favorisent leur propension à investir dans des projets de développement, qui permettraient de valoriser leur épargne et contribueraient dans le même temps à réaliser les ODD.

4.6.    Le financement des microentreprises et des petites et moyennes entreprises

4.6.1.

Les microentreprises et les petites et moyennes entreprises, qui recèlent le principal potentiel de croissance et de création de nouveaux emplois, connaissent des difficultés à accéder dans une mesure suffisante aux financements. Ce problème est aigu notamment dans les pays les moins avancés; aussi, il convient de rechercher des instruments permettant d’y faciliter l’accès des microentreprises et des petites et moyennes entreprises aux ressources financières. Pour cela, il est nécessaire de respecter les différences de formes d’entreprise dans les pays en développement, où prédominent les microentreprises, les petits commerçants et, dans l’agriculture, les petites exploitations familiales.

4.6.2.

Il existe une grande variété de systèmes de microcrédit aux petites et moyennes entreprises. Le Comité estime que les systèmes qui utilisent des applications de téléphonie mobile sont les plus efficaces. Il se félicite également que le microcrédit soit utilisé pour financer les projets dans le domaine de l’énergie verte et salue les initiatives visant à fournir des microcrédits à taux zéro. Les crédits font défaut aux petites et moyennes entreprises (d’un montant entre 10 et 2 00  000 USD) et pourraient être remplacés par le crédit-bail et d’autres instruments de fonds propres. À cette fin, il est nécessaire de soutenir le développement des marchés financiers et des banques locales, y compris les agents locaux.

4.6.3.

L’un des volets de l’aide apportée par les pays développés aux petites et moyennes entreprises devrait consister à transférer les expériences, les connaissances de gestion, le savoir-faire technique, à former à la gestion financière, à éduquer aux bases de la finance et à soutenir leur insertion dans les chaînes d’approvisionnement et de valeur. L’Union européenne devrait recommander l’utilisation des principes posés par sa directive sur les retards de paiement en vue d’améliorer le financement des petites et moyennes entreprises.

4.6.4.

Il est nécessaire de protéger les microentreprises, les petites et moyennes entreprises actives dans le secteur de l’agriculture contre les pratiques d’investissement visant à «accaparer les terres», qui conduisent à leur élimination. La création d’instruments d’assurance contre les effets des changements climatiques permettrait également de les aider. Dans le cadre des plans de développement, il convient de ne pas omettre le soutien aux entreprises de l’économie sociale qui peuvent jouer un rôle important dans la réalisation des ODD.

4.6.5.

Il importe, pour le développement économique et social, de faire en sorte que les couches les plus larges de la population des pays en développement accèdent aux instruments financiers tels que le compte bancaire de base ou les applications financières de téléphonie mobile.

4.7.    L’engagement de la société civile dans l’aide au développement

4.7.1.

La société civile des pays développés, y compris les partenaires sociaux et les organisations non gouvernementales, contribue directement au développement et joue également un rôle important dans l’orientation de la coopération au développement et dans le suivi de son efficacité (24).

4.7.2.

Il convient de soutenir de manière systématique la création d’un système de contrôle des processus et des résultats de l’aide au développement dans les différents pays, ou son amélioration, avec la participation directe des organisations concernées de la société civile, ce qui permettra d’identifier et de supprimer les obstacles à la réalisation des ODD. Dans ce domaine, le CESE dispose de la longue expérience positive des activités des comités, plateformes et organes consultatifs mixtes, tels que le comité de suivi ACP-UE, les rencontres de la société civile UE-Amérique latine-Caraïbes et autres.

4.7.3.

Parmi les fournisseurs directs d’aide au développement figurent également les partenaires sociaux. Les syndicats des pays développés réalisent des projets de développement à visées sociales et soutiennent le développement institutionnel des organisations syndicales partenaires. Les organisations des employeurs, les chambres de commerce, les associations de petites et moyennes entreprises et les associations sectorielles réalisent des projets communs avec les organisations des entreprises dans les pays en développement dont elles sont partenaires et leur transmettent leur expérience.

4.7.4.

Les organisations non gouvernementales jouent un rôle irremplaçable en matière d’aide au développement tant dans les pays développés que dans les pays en développement. Elles agissent notamment lorsqu’il s’agit de surmonter les conséquences de catastrophes naturelles et humanitaires, ainsi que dans le domaine social, la santé, l’égalité entre les sexes, l’éducation, etc. Elles mobilisent aussi les fonds du grand public, elles organisent des collectes, des campagnes d’éducation, etc. Un exemple intéressant est également le financement de l’éducation au moyen d’une «adoption à distance», qui permet d’établir des relations interpersonnelles entre citoyens ordinaires.

4.7.5.

Le CESE appelle la Commission européenne à soutenir les activités des organisations de la société civile de l’Union européenne destinées à réaliser les ODD en finançant de manière adéquate les programmes visant à mettre en place les institutions de la société civile dans les pays partenaires. À l’heure actuelle, le CESE élabore un rapport d’information qui recommandera des formules pour associer effectivement la société civile à la mise en œuvre et au suivi du programme de développement pour l’après-2015, et complétera le présent avis.

Bruxelles, le 2 juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Au sommet des Nations unies qui se tiendra en septembre à New York.

(2)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Une vie décente pour tous: éradiquer la pauvreté et offrir au monde un avenir durable» (JO C 271 du 19.9.2013, p. 144).

(3)  Voir l’avis du CESE sur «La participation de la société civile aux politiques de développement et de coopération au développement mises en œuvre par l’Union européenne» (JO C 181 du 21.6.2012, p. 28).

(4)  Voir l’avis du CESE sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — la protection sociale dans la coopération au développement de l’Union européenne» (JO C 161 du 6.6.2013, p. 82).

(5)  Voir l’avis du CESE sur la «Participation du secteur privé au cadre de développement pour l’après-2015» (JO C 67 du 6.3.2014, p. 1).

(6)  Voir l’avis du CESE sur «Le rôle du développement durable et la participation de la société civile dans les accords d’investissement autonomes entre l’Union européenne et les pays tiers» (JO C 268 du 14.8.2015, p. 19).

(7)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Commerce, croissance et développement. Ajuster la politique commerciale et d’investissement aux pays qui ont le plus besoin d’aide» (JO C 351 du 15.11.2012, p. 77).

(8)  Voir l’avis REX/438 sur «Les objectifs de l’après-2015 dans la région euro-méditerranéenne», paragraphe 6.4, voir page 47 du présent Journal officiel.

(9)  Entre autres la convention des Nations unies du 18 décembre 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la convention internationale de protection des travailleurs migrants et de leur famille, la convention C189 de protection des travailleurs et travailleuses domestiques, la convention C184 sur la sécurité et la santé dans l’agriculture, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et son protocole facultatif.

(10)  Voir la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un partenariat mondial pour l’éradication de la pauvreté et le développement durable après 2015, COM(2015) 44 final, 5 février 2015.

(11)  Voir: The Global Development Financing Landscape — Who can contribute what? (Le paysage mondial du financement du développement — qui et combien?), par James Zhan, directeur à la Cnuced, chef du groupe pour les investissements et les entreprises, rapport sur l’investissement dans le monde de la Cnuced, exposé lors d’une audition publique du Parlement européen, le 24 février 2015.

(12)  L’on estime que les banques détiennent des actifs pour une valeur de 1 21  000 milliards USD, les fonds de pension pour 34  000 milliards, les compagnies d’assurances pour 28  000 milliards, les multinationales pour 25  000 milliards et les fonds souverains d’investissement pour 6  500 milliards.

(13)  Il s’agit notamment du commerce, de l’agriculture, de la création d’emplois, de la protection sociale, du changement climatique, de l’énergie, de la protection de l’environnement et de la diversité biologique, des transports, de la santé, de la politique des produits et du consommateur, du développement régional et urbain, des migrations et de la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent.

(14)  STPDD: Soutien public total au développement durable.

(15)  Voir: http://www.oecd.org/fr/daf/inv/mne/48004355.pdf

(16)  Voir: https://eiti.org/fr

(17)  Voir: http://www.oecd.org/fr/gov/budgetisation/PPPRecommandation.pdf.

(18)  Voir: http://www.eurodad.org/Entries/view/1546315/2014/12/15/The-State-of-Finance-for-Developing-Countries-2014 (en anglais).

(19)  Voir: InfoDev, Crowdfunding’s Potential for the Developing World (Le potentiel du financement participatif pour le monde en développement), 2013, Banque mondiale, département des finances et du développement du secteur privé.

(20)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Libérer le potentiel du financement participatif dans l’Union européenne», Bruxelles (JO C 451 du 16.12.2014, p. 69).

(21)  L’affectation annuelle des ressources budgétaires destinées à l’APD exclut totalement ces possibilités.

(22)  La société belge d’investissement (BIO) fondée par le gouvernement pour soutenir le secteur des entreprises dans les pays d’Afrique a transféré une partie de ses moyens financiers destinés aux prêts aux entrepreneurs vers d’autres fonds d’investissement et elle les a récupérés progressivement en fonction de ses besoins.

(23)  Voir: http://leadinggroup.org/rubrique7.html

(24)  Voir: Forum de la politique de développement (www.friendsofeurope.org/policy-area/global-europe/, en anglais) et Forum politique sur le développement (http://www.uclg.org/fr).


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