Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52012IE0149

    Avis du Comité économique et social européen sur «Les OGM dans l'UE» (supplément d'avis)

    JO C 68 du 6.3.2012, p. 56–64 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    6.3.2012   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 68/56


    Avis du Comité économique et social européen sur «Les OGM dans l'UE» (supplément d'avis)

    (2012/000/)

    Rapporteur: M. Martin SIECKER

    Le 16 mars 2011, conformément à l'article 29, point A des modalités d'application de son règlement intérieur, le Comité économique et social a décidé d'élaborer un supplément d'avis sur

    «Les OGM dans l'UE»

    (supplément d'avis).

    La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 décembre 2011.

    Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 18 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 160 voix pour, 52 voix contre et 25 abstentions.

    1.   Organismes génétiquement modifiés dans l'UE – Orientations en vue d'un débat à venir

    1.1   Les organismes génétiquement modifiés (OGM) constituent un sujet de discussion délicat. L'ingénierie génétique suscite à la fois un grand intérêt et beaucoup d'inquiétude. Le débat est souvent émotionnel et polarisé, et, quand il est rationnel, tant les partisans que les détracteurs ont tendance à appréhender la réalité de manière sélective et à dédaigner les nuances dans leur argumentation. Il semble par ailleurs qu'au-delà des divergences de vues concernant les avantages et les inconvénients de l'ingénierie génétique, il existe, même au sein du CESE, de nombreuses incertitudes et hypothèses concernant entre autres la nature et l'étendue de la réglementation relative aux OGM dans l'UE. Cela est regrettable, car ce sujet important et politiquement sensible mérite et exige un débat d'une autre qualité.

    1.2   Une modification du cadre juridique européen actuel régissant les OGM est en cours. Dans ce contexte, le CESE formulera plus souvent, dans un avenir proche, des avis sur la politique et la législation en matière d'OGM. En guise de préparation et d'orientation, le présent avis présente les grandes lignes de l'état actuel de la situation, du débat sur les OGM et de la réglementation dans ce domaine au sein de l'UE. Différents éléments entrent en jeu dans ce cadre et notamment des questions éthiques, écologiques, technologiques, (socio)économiques, juridiques et politiques. Toutes ces questions soulevées par les possibilités virtuellement illimitées du génie génétique et l'évolution rapide des applications OGM doivent être examinées dans un contexte sociétal étendu. Le présent avis entend servir de système de navigation en prévision d'un débat politique équilibré et pertinent sur ces questions essentielles.

    1.3   Le présent avis se bornera à mettre en exergue les points les plus importants du débat et à mentionner quelques-unes des principales questions que posent les OGM et la réglementation dans ce domaine au sein de l'UE. Pour beaucoup de ces sujets, des avis complémentaires (exploratoires) du CESE seront nécessaires et le Comité a l'intention d'entreprendre ces travaux d'exploration au cours de la période à venir. À cet égard, il y a lieu d'accorder la priorité notamment à l'évaluation de la législation et de la réglementation européennes en vigueur en matière d'OGM, à la révision éventuelle de celles-ci et à la correction des lacunes réglementaires actuelles mises en évidence dans le présent avis. Le CESE s'engage à publier des suppléments d'avis sur ces questions importantes dans un avenir proche.

    2.   Histoire du génie génétique

    2.1   Même concernant l'histoire de l'ingénierie génétique les opinions divergent. Alors que ses détracteurs parlent d'une technologie fondamentalement nouvelle, comportant éventuellement des risques et suscitant des réserves d'ordre éthique, ses partisans placent le génie génétique dans un continuum de traditions séculaires de sélection des plantes et de processus de fabrication recourant à des levures, des bactéries et des champignons. Des éléments objectifs permettent toutefois de conclure que le génie génétique est quelque chose de fondamentalement neuf et différent de ces applications historiques. La ligne de partage définitive entre la biotechnologie «ancienne» et «moderne» naît de l’introduction de la génétique. La découverte par Watson et Crick en 1953 de la structure en double hélice de l'ADN a mis en lumière le code génétique de l'homme et de l'ensemble de la flore et de la faune qui nous entourent, et a permis aux scientifiques de procéder à des manipulations révolutionnaires au niveau génétique, celui des éléments de base de la vie.

    2.2   L'ingénierie génétique voit le jour en 1973, lorsque des scientifiques américains procèdent sur des bactéries aux premières expériences concluantes en matière d'ADN recombiné. La possibilité d'identifier, d'isoler, de multiplier et de transplanter des gènes spécifiques dans un autre organisme vivant a permis aux scientifiques de modifier pour la première fois de manière spécifique des caractéristiques héréditaires d'organismes vivants pour arriver à un résultat impossible à obtenir par des voies naturelles telles que la reproduction ou la recombinaison naturelle. Auparavant, les méthodes de perfectionnement et de croisement classiques permettaient de combiner des génomes entiers (de plantes ou d'animaux congénères) et ensuite d'essayer de perpétuer les caractères favorables par voie de sélection. Bien que le génie génétique ait permis d'améliorer la précision des manipulations, l'introduction de gènes dans un autre organisme (ou une autre espèce) demeure un processus instable et incertain, générant des effets secondaires et des retombées difficilement prévisibles sur le génome d'accueil et sur l'interaction avec l'environnement. De plus, les conséquences à long terme demeurent encore largement méconnues.

    2.3   Après 1975, le développement de la technologie génétique s'accélère. Les premières applications commerciales (médicales) sont mises sur le marché dès 1982. Le début des années 1990 voit l'apparition de plantes et d'animaux «transgéniques». Au fil des ans, la frontière entre les espèces est également franchie. Ainsi a-t-on introduit un gène de porc dans une variété de tomate, un gène de luciole dans une plante de tabac et un gène humain dans un taureau. La transgression des frontières naturelles entre les espèces, la nature imprévisible des effets à long terme et l'irréversibilité des retombées éventuelles (sur l'environnement) font de l'ingénierie génétique une technologie fondamentalement nouvelle et potentiellement risquée. Il importe dès lors que la réglementation relative aux OGM dans l'UE et ses États membres, dans de nombreux pays tiers et dans les traités internationaux soit fondée sur cette réalité.

    3.   Secteurs concernés par les OGM et acceptation sociétale

    3.1   Les principaux secteurs concernés par les OGM sont l'agriculture et le secteur alimentaire (essentiellement la résistance aux pesticides), le secteur médical et pharmaceutique (médicaments, génodiagnostique, génothérapie) et l'industrie (pétro)chimique et de l'armement. L'on distingue souvent ces différents secteurs en les qualifiant respectivement de biotechnologies «verte», «rouge» et «blanche».

    3.2   Le génie génétique n'est pas aussi controversé dans tous ces secteurs. Les inquiétudes et les réserves du monde politique et de l'opinion publique semblent davantage liées à certaines applications spécifiques qu'à la technologie en elle-même. Ainsi, les applications médicales sont généralement bien accueillies tandis que les discussions les plus virulentes se concentrent autour des applications agricoles et alimentaires. La pondération entre l'utilité et la nécessité d'une part et les réserves et les risques potentiels de l'autre constitue un élément central du débat. Ainsi, de nombreux citoyens voient dans l'ingénierie génétique une contribution essentielle et prometteuse au traitement de maladies graves, alors que les avantages qu'apporte la génération actuelle d'OGM agricoles et alimentaires aux consommateurs sont beaucoup moins évidents (leurs propriétés purement agronomiques comportant surtout des avantages pour les producteurs). Par ailleurs, les règles de sécurité et les recherches cliniques préalables à l'octroi des autorisations pour les applications médicales sont depuis longtemps bien plus strictes et bien plus étendues que les procédures qui précèdent l'introduction d'OGM dans l'environnement ou dans l'alimentation.

    3.3   En outre, il importe, d'un point de vue tant sociétal que réglementaire, d'établir une distinction entre deux types d'applications de l'ingénierie génétique. D'une part, il y a celles qui sont pratiquées dans des lieux fermés et isolés tels que des laboratoires, des sites industriels et des serres, dans des conditions de confinement efficace et en suivant des mesures de sécurité strictes capables de prévenir toute dissémination accidentelle d'OGM. De l'autre, il y a les applications dans le cadre desquelles on plante ou on libère dans un environnement ouvert, sans possibilités de confinement, des végétaux ou des animaux génétiquement modifiés, capables de se reproduire et de se disséminer de manière incontrôlée et irréversible dans la biosphère et dont les effets sur la biodiversité environnante et les interactions avec celle-ci sont imprévisibles.

    3.4   Toutefois, dans le cas des végétaux implantés dans un environnement ouvert, on doit distinguer deux situations. D’une part, l’espèce végétale cultivée dont le croisement avec une espèce sauvage est possible étant donné la présence de celle-ci à proximité, et d’autre part le cas où le croisement est impossible, vu l’absence, dans l’environnement, d’espèces sauvages proches de la plante génétiquement modifiée. Cette distinction est importante à intégrer lors de l’élaboration du cadre réglementaire pour l’implantation de plantes génétiquement modifiées dans un espace agricole ouvert.

    3.5   Il ne s'agit pas là par définition d'une distinction entre biotechnologie «rouge» et «verte». Dans les secteurs agricole et alimentaire, la recherche scientifique fondamentale peut aussi se dérouler de façon novatrice et sûre, dans des laboratoires isolés, d'une manière comparable à ce qui est accepté de longue date quand il s'agit de biotechnologie médicale. De même des enzymes OGM sont utilisés à grande échelle dans la production alimentaire, dans des environnements isolés, sans pour autant qu'ils restent présents en tant qu'organismes vivants dans le produit fini ou se retrouvent dans l'environnement. La distinction entre une utilisation en milieu confiné et une introduction dans un environnement ouvert, de même que celle entre recherche scientifique fondamentale et applications commerciales constituent deux éléments essentiels tant du débat politique sur les OGM que de leur perception par l'opinion et de la réaction des consommateurs à leur égard.

    3.6   Dans l'UE, on observe une majorité toujours croissante de citoyens très sceptiques, voire carrément négatifs par rapport aux OGM, surtout dans les domaines alimentaire, de l'alimentation animale et de l'agriculture, comme l'indiquent de manière constante de nombreuses enquêtes d'opinion dont les sondages Eurobaromètre (1) et la littérature scientifique. Les gouvernements des États membres défendent des avis et des politiques divergents en ce qui concerne les OGM. Les détracteurs convaincus comme l'Autriche, la Hongrie, l'Italie, la Grèce, la Pologne et la Lettonie font face aux partisans déclarés que sont notamment les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède, l'Espagne, le Portugal et la République tchèque, tandis que de nombreux États membres s'abstiennent.

    3.7   Cette divergence de vues se traduit par un processus décisionnel long et controversé dans le dossier des OGM. D'une manière générale, la Commission autorise unilatéralement des OGM étant donné l'incapacité des États membres de prendre une décision en comitologie, à la majorité qualifiée, concernant les licences OGM. Bien qu'on ait eu un moratoire de fait sur les autorisations d'OGM entre 1999 et 2004 afin de pouvoir revoir la réglementation, l'UE n'est pas parvenue à mettre cette période à profit pour mener un débat de fond et évoluer vers une approche plus consensuelle des OGM en Europe. Le nombre d'États membres interdisant la culture d'OGM sur leur territoire a augmenté au cours des dernières années et la récente proposition de la Commission en faveur d'une plus grande liberté de décision au niveau (infra)national en matière d'interdiction de la culture de végétaux génétiquement modifiés soulève de nombreuses critiques de la part des États membres, du Parlement européen et de divers acteurs sociaux et de l'industrie ainsi que dans un avis récemment adopté par le CESE (2). En tout état de cause, on ne peut se satisfaire du fait que sur un thème aussi important que les OGM, il existe un risque de déboucher sur une impasse politique dans l'UE.

    3.8   Divers partenaires sociaux et parties prenantes ont fait part de leurs préoccupations concernant les OGM pour des raisons variées liées à l'environnement, au bien-être animal, à l'intérêt des consommateurs, des agriculteurs ou des apiculteurs, au développement rural et mondial, à l'éthique, à la religion, etc. Le Parlement européen a lui-même souvent exprimé des critiques à l'égard des OGM et de la réglementation s'y rapportant, tout comme le CESE, certaines autorités nationales, régionales et locales, ainsi que des scientifiques indépendants. Du côté des partisans, on trouve surtout les grandes entreprises détentrices de brevets dans le domaine des OGM et d'autres parties – dont certains cultivateurs d'OGM et des scientifiques – et partenaires commerciaux internationaux pour lesquels une réglementation européenne plus flexible en matière d'OGM est synonyme d'intérêts économiques importants. Quelques-uns des principaux avantages attribués aux OGM sont abordés au point 5.

    3.9   Les réticences (politiques et sociétales) aux OGM dans l'alimentation et dans l'environnement sont aussi répandues à l'extérieur de l'UE, notamment dans des pays tels que le Japon, la Suisse, la Corée, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, les Philippines et différents pays africains. Cependant, dans certains pays, les OGM sont cultivés à grande échelle: en 2010, plus de 15 millions d'exploitants agricoles cultivaient des OGM sur une superficie de quelque 150 millions d'hectares (essentiellement du soja, du maïs, du coton). Toutefois, il convient de noter que 90 % de la superficie totale cultivée se situaient dans seulement cinq pays: les États-Unis, le Canada, l'Argentine, le Brésil et l'Inde. Malgré ce chiffre, les OGM ne sont pas à l'abri des controverses dans ces pays. En fait, on observe, depuis récemment, une intensification des critiques émanant de la société dans ces pays, due largement à des incidents liés à la propagation involontaire de végétaux génétiquement modifiés comme le maïs et le riz, et à des décisions de justice relatives à la coexistence. Il convient de faire remarquer qu'il n'existe aucune obligation d'étiquetage dans ces pays, ce qui signifie que les consommateurs ne sont pas informés de leur consommation d'OGM et ne sont donc pas libres de choisir en connaissance de cause.

    4.   Intérêts économiques, propriété intellectuelle et concentration du marché

    4.1   Les intérêts économiques potentiels de l'utilisation des OGM dans le secteur du perfectionnement des plantes sont considérables. Le chiffre d'affaires mondial annuel du marché des semences a dépassé les 35 milliards d'euros et celui-ci constitue la base d'un marché de produits encore bien plus important dont le chiffre d'affaires s'élève à plusieurs centaines de milliards d'euros.

    4.2   La technologie du génie génétique et la commercialisation des OGM ont connu un développement fulgurant, ce qui a considérablement influencé le contexte interne au secteur. La protection intellectuelle dans le domaine de l'amélioration des plantes est régie depuis plus d'un demi siècle par le «droit d'obtention végétale», qui est sanctionné dans plusieurs conventions internationales. Une exception à ce droit d'exclusivité provisoire pour les créateurs de nouvelles races est ce qu'on appelle «l'exemption en faveur de l'obtenteur». D'autres opérateurs du perfectionnement peuvent, en vertu de cette exemption, utiliser librement des variétés protégées en vue de développer des variétés nouvelles, perfectionnées sans l'autorisation des détenteurs du droit d'obtention végétal. Cette exception n'existe dans aucune autre branche et est dictée par le fait que de nouvelles variétés ne peuvent être créées que sur la base de variétés plus anciennes.

    4.3   Le développement de la biologie moléculaire, qui trouve son origine en dehors du secteur agricole, a eu pour conséquence l'entrée du droit des brevets dans le secteur du perfectionnement des plantes. Le droit de brevets et le droit d'obtention végétale sont, pour plusieurs raisons, incompatibles. Tout d'abord parce que le droit des brevets ne connaît pas d'exemption en faveur de l'obtenteur. Ainsi, le détenteur du brevet peut revendiquer un droit exclusif sur du matériel génétique et en interdire l'usage à d'autres ou lier celui-ci à de coûteuses licences. Contrairement au droit d'obtention végétale, le droit des brevets ne favorise pas une innovation ouverte et ne permet pas de combiner les incitants économiques à l'innovation et la protection d'autres intérêts sociétaux de nature publique.

    4.4   Cependant, la lutte pour les droits va encore plus loin. La directive européenne sur la brevetabilité des inventions biotechnologiques adoptée en 1998 (3) rend possible la protection par brevet des inventions liées aux plantes. Les gènes de plantes et les séquences de gènes peuvent être brevetés, contrairement aux variétés de plantes. Cette interprétation n'est pas dépourvue de toute ambiguïté. Des multinationales de premier plan du secteur de l'amélioration génétique des plantes allèguent que, si les propriétés génétiques sont brevetables, la variété elle-même est indirectement régie par le droit des brevets (4). Certaines variétés couvertes par un brevet ne peuvent alors plus être utilisées par d'autres pour poursuivre l'innovation, ce qui est dommageable pour la diversité biologique agricole et a pour conséquence que les plantes présentant des propriétés intéressantes ne sont plus accessibles à d'autres dans le but de poursuivre l'innovation. Les évolutions qu'a connues le secteur de la biotechnologie médicale sont révélatrices des retombées négatives que cette approche peut comporter: à cause de la haute protection des brevets et des prix élevés, seules les personnes qui en ont les moyens peuvent acheter les nouveaux produits tandis que les personnes défavorisées qui en ont le plus besoin n'y ont pas accès. Le secteur de la sélection des plantes pourrait connaître les mêmes évolutions non souhaitables.

    4.5   Le secteur de l'amélioration des plantes a connu au cours des dernières décennies une concentration phénoménale, principalement à cause de la protection par brevet et des exigences réglementaires. S'il y avait auparavant plusieurs centaines d'entreprises actives dans l'amélioration génétique des plantes, elles ne sont aujourd'hui plus qu'une poignée à dominer le marché mondial. En 2009, seules dix compagnies se partageaient près de 80 % du marché mondial des semences, un marché dont les trois plus grandes entreprises concentraient 50 % des parts. Les mêmes multinationales contrôlaient également environ 75 % du secteur agrochimique mondial. Il ne s'agit plus d'entreprises actives exclusivement dans le perfectionnement des plantes mais bien de grandes sociétés globales qui exercent des activités dans les secteurs alimentaire, chimique, énergétique, pharmaceutique et des pesticides. Elles produisent en outre souvent des produits complémentaires tels que des végétaux génétiquement modifiés rendus résistants à un pesticide spécifique commercialisé par la même entreprise. Cette consolidation permet à un groupe restreint de multinationales d'exercer un contrôle considérable sur toute la chaîne de production de denrées alimentaires et de produits connexes et met ainsi en péril la liberté de choix, le caractère abordable des produits, l'innovation ouverte et la diversité génétique. En tout état de cause, pareilles concentration du marché et monopolisation ne sont pas souhaitables, surtout dans des secteurs aussi fondamentaux que l'agriculture et l'approvisionnement alimentaire, et méritent une attention prioritaire de la part du CESE et de l'UE.

    5.   Autres problématiques liées aux OGM

    5.1   Les OGM concentrent autour d'eux plusieurs problématiques de nature très diverse. Les avis sont très partagés concernant les avantages et les inconvénients des OGM. Le débat est fortement polarisé et dominé par l'émotion. Le caractère synthétique du présent avis ne permet pas d'exposer dans le détail les tenants et aboutissants de ces discussions, il convient toutefois de mentionner quelques questions essentielles. Parmi les arguments fréquemment exprimés figurent la nécessité de combattre la faim, l'approvisionnement alimentaire d'une population mondiale en forte croissance et la lutte contre le changement climatique. Il existe un besoin considérable en recherche scientifique indépendante dans tous ces domaines et le CESE insiste sur l'importance (de la poursuite) d'un financement structurel européen à cette fin, non seulement pour promouvoir l'innovation scientifique et commerciale mais également afin d'étudier les retombées socioéconomiques, environnementales et autres des avancées technologiques.

    5.2   Les végétaux génétiquement modifiés ne seront jamais en mesure de résoudre les problèmes de la faim et de la pauvreté. Le simple accroissement de la productivité ne conduira pas nécessairement à une meilleure répartition des aliments. Malheureusement, pour aborder efficacement le grave problème de la sécurité alimentaire, il est essentiel d'améliorer l'accès à la terre, de promouvoir une distribution plus équitable de la richesse, de renforcer la durabilité des accords commerciaux et de réduire la volatilité des prix des matières premières. Bien que la biotechnologie ne soit évidemment pas la panacée, la FAO a fait valoir dans ses derniers rapports qu'elle présentait de nombreux avantages agronomiques et économiques pour les agriculteurs des pays tiers, principalement les petits agriculteurs. Or, depuis les tout premier temps de la technologie des OGM, ses partisans ont affirmé que les végétaux génétiquement modifiés étaient indispensables pour combattre les problèmes de la faim et de la pauvreté. L'on prédisait alors que des plantes capables de produire plus de vitamines ou de substances nutritives contribueraient à combattre la faim et les maladies dans le Tiers-Monde. Grâce à des propriétés potentielles comme la résistance à la sécheresse, à la salinisation ou au gel ou d'autres types de tolérances au stress, des plantes pourraient être cultivées là où ce n'était pas possible auparavant. On prédisait aussi une augmentation des rendements à l'hectare. Cependant, malgré des décennies de promesses alléchantes, aucune de ces propriétés révolutionnaires n'a à ce jour été développée commercialement. La motivation économique pour le développement de ces végétaux est en effet réduite, étant donné qu'ils seraient essentiellement destinés aux groupes les plus défavorisés et les moins solvables de la population mondiale. Même si la prochaine génération d'OGM apporte la tolérance au stress et les rendements plus élevés promis, cela ne résoudra pas nécessairement le problème de la faim dans le monde, la plupart des terres cultivées dans les pays en développement étant utilisées pour produire des marchandises de luxe destinées à l'exportation vers l'Occident. De plus, les plantes génétiquement modifiées actuellement sur le marché sont pour l'écrasante majorité d'entre elles cultivées afin de servir d'aliments pour le bétail destinés à permettre la consommation de viande et de produits laitiers par les Occidentaux (90 % des importations européennes de soja), ou pour produire du biocarburant ou des matières plastiques. L'utilisation accrue des cultures vivrières à des fins autres qu'alimentaires s'est traduite par une hausse des prix des produits de base et des denrées alimentaires, ce qui n'a fait qu'aggraver encore l'insécurité alimentaire et la pauvreté dans le monde (5).

    5.3   Le problématique de l'approvisionnement alimentaire mondial n'est pas tant un problème de production que de répartition (la production mondiale équivaut à plus de 150 % de la consommation mondiale) et appelle dès lors plutôt une solution politique et économique qu'une innovation agraire. Le CESE reconnaît que le problème de la sécurité alimentaire mondiale se posera de manière encore plus aiguë avec l'augmentation rapide de la population mondiale. Des organisations internationales comme l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), de grandes ONG comme Oxfam et le rapport récemment publié par une instance scientifique des Nations Unies faisant autorité dans le domaine agricole, à savoir le panel de l'Évaluation internationale des sciences et technologies agricoles au service du développement (EISTAD) soulignent tous l'importance de l'agriculture durable comme solution pour assurer la sécurité et l'autonomie alimentaires. Ces analyses dignes de foi insistent sur la nécessité de recourir à des pratiques et techniques agricoles durables et écologiques sans prévoir nécessairement un rôle pour les OGM mais plutôt pour des techniques alternatives. L'exemple le plus marquant de ces techniques alternatives mentionnées par l'EISTAD et d'autres est la sélection assistée par marqueurs. Cette technique consiste à sélectionner de manière ciblée et efficace des caractéristiques génétiques particulières sans pour autant procéder à des manipulations génétiques risquées ou imprévisibles ou à des transplantations de gènes. La sélection assistée par marqueurs, dont l'efficacité est prouvée et qui offre un meilleur rapport coût-efficacité que l'ingénierie génétique, pourrait constituer une alternative non controversée aux OGM et son moindre coût permettrait de limiter les problèmes liés à la concentration du marché et à celle des brevets. Sans négliger le potentiel d'avenir des OGM, un choix européen délibéré en faveur du développement de techniques non OGM et de pratiques agricoles durables pourrait générer pour l'UE des avantages concurrentiels considérables qui ont été perdus dans le contexte des OGM. C'est en investissant de manière intensive dans l'agriculture durable que l'UE pourra occuper une place de leader mondial unique et novatrice, qui influencera positivement l'innovation et l'emploi européens, ainsi que la compétitivité de l'Union. De plus, cette approche sera plus conforme au modèle d'agriculture européen, avantageux pour la biodiversité, envisagé dans le cadre de la PAC de demain.

    5.4   En matière de changement climatique également, les partisans des OGM présentent ceux-ci comme un moyen utile tant pour s'y adapter que pour en atténuer les effets. Cependant, dans ce domaine pas plus que dans celui de la lutte contre la faim, la génération actuelle d'OGM commercialisés ne possède les propriétés nécessaires. En fait, l'une des applications OGM les plus visibles dans ce domaine, à savoir la production de biocarburant à partir de végétaux alimentaires génétiquement modifiés, s'avère déjà avoir une influence négative sur les prix et l'approvisionnement mondial en matières premières et en denrées alimentaires, tout en maintenant une forte dépendance aux combustibles fossiles.

    5.5   Si l'on ne peut certainement pas exclure que les OGM pourraient contribuer à la lutte contre des menaces de dimension planétaire telles que la faim, la pauvreté, le changement climatique et les problèmes environnementaux, force est de constater que la génération actuelle n'est ni apte ni destinée à jouer ce rôle. Les propriétés qu'elle possède se limitent à ce jour encore au volet «production», comme la résistance aux pesticides, et profitent donc surtout aux producteurs. La question de savoir si la contribution de ces végétaux génétiquement modifiés à une utilisation moindre ou, au contraire, plus importante de pesticides fait débat (parmi les scientifiques); cette contribution ne semble en tout cas pas clairement positive. Un nombre croissant d'études attire l'attention sur les conséquences à long terme et notamment sur l'augmentation des monocultures intensives, sur le développement de la résistance aux pesticides, sur les infiltrations dans les nappes phréatiques et sur les dommages graves pour la biodiversité environnante et les risques pour la santé humaine d'une exposition de longue durée à certains pesticides utilisés conjointement avec des OGM. Plusieurs de ces effets peuvent être imputés à de mauvaises pratiques agricoles. Cependant, compte tenu du fait que la génération actuelle d'OGM est commercialisée en combinaison avec les pesticides correspondants, il importe que ces produits et leurs retombées environnementales et sociétales soient également évalués conjointement (6).

    5.6   Une autre problématique importante liée aux OGM est la liberté de choix des consommateurs et des agriculteurs. Elle se pose tant à l'intérieur de l'UE qu'à l'extérieur de celle-ci. Dans les pays en développement, les prix élevés des semences brevetées combinés aux obligations d'achat et à l'interdiction de la pratique traditionnelle consistant à conserver des semences des saisons précédentes sont une source de dilemmes socio-économiques et culturels considérables pour les paysans, en particulier pour les petits exploitants pauvres. Dans les pays où la culture des OGM est très répandue, et notamment aux États-Unis, au Canada, en Argentine et au Brésil, la diversité des cultures s'est considérablement réduite. À l'échelle du monde, près de 80 % de l'ensemble du soja produit sont génétiquement modifiés, à quoi viennent s'ajouter 50 % du coton, plus de 25 % du maïs et plus de 20 % du colza (canola). Au sein de l'Union européenne, la liberté de choisir est censée être assurée par les exigences en matière d'étiquetage. Cependant, pour garantir une liberté de choix tant aux agriculteurs qu'aux consommateurs, il y a lieu de veiller à une séparation sûre et totale des chaînes de production avec et sans OGM. L'un des aspects importants de cette séparation est la mise en place d'une réglementation stricte en matière de coexistence, comprenant des dispositions efficaces concernant la responsabilité et les réparations en cas de dommages environnementaux et/ou économiques à la suite d'une dissémination imprévue, des systèmes de certification de la chaîne de production et de séparation, et des normes de pureté et d'étiquetage s'agissant de la présence de composantes OGM dans des semences non génétiquement modifiées et des produits dérivés.

    6.   Législation et révision de la politique

    6.1   Depuis 1990, l'Union européenne a élaboré un cadre législatif riche en matière d'OGM qui, à l'instar de la technologie elle-même, est en évolution constante et a connu de nombreux changements substantiels. Ainsi s'est constituée au cours des vingt dernières années une mosaïque complexe composée de diverses directives et autres règlements et dont les principaux éléments sont les suivants:

    directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil (7);

    règlement 1829/2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (8);

    règlement 1830/2003 concernant la traçabilité et l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés et la traçabilité des produits destinés à l'alimentation humaine ou animale produits à partir d'organismes génétiquement modifiés (9);

    règlement 1946/2003/CE relatif aux mouvements transfrontières des organismes génétiquement modifiés (appliquant le Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la Convention sur la diversité biologique) (10); et

    directive 2009/41/CE relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (11).

    6.2   Les règles actuellement en vigueur en matière d'autorisation et d'utilisation des OGM se fondent sur une série de principes (juridiques) généraux, notamment:

    autorisation indépendante et scientifiquement fondée avant l'introduction;

    haut niveau de protection de la santé et du bien-être des personnes et des animaux, et de l'environnement, conformément aux principes de précaution et du pollueur-payeur;

    liberté de choix et transparence dans l'ensemble de la chaîne alimentaire et défense des autres intérêts des consommateurs par le biais notamment de l'information et de la participation du public;

    respect du marché intérieur et des obligations internationales;

    sécurité juridique;

    subsidiarité et proportionnalité.

    6.3   Cependant, on observe toujours des lacunes, étant donné qu'une législation ou une politique européenne spécifique portant sur des aspects essentiels de l'introduction des OGM font encore défaut. L'on peut notamment penser aux points suivants:

    la coexistence entre les OGM, l'agriculture biologique et l'agriculture conventionnelle;

    les dispositions réglementaires en matière de responsabilité et de réparations en cas de dommages environnementaux et/ou économiques causés par l'introduction d'OGM ou par contamination imprévue de produits agricoles biologiques ou conventionnels, et des systèmes de compensation pour les frais découlant de la coexistence et de la certification de la chaîne dans le but de prévenir la contagion;

    les normes en matière de pureté et d'étiquetage concernant la présence de composants OGM dans des semences ou du matériel de multiplication non génétiquement modifiés;

    les normes d'étiquetage, notamment pour la viande et les produits laitiers provenant d'animaux nourris avec des aliments génétiquement modifiés, ainsi que les normes harmonisées pour l'étiquetage «sans OGM»;

    un renforcement général des normes d'étiquetage des OGM en vue de garantir le choix des consommateurs, notamment une clarification juridique du concept de «présence accidentelle» et un resserrement éventuel des valeurs seuil;

    une réglementation relative aux animaux transgéniques ou clonés et aux produits (alimentaires) dérivés, notamment en matière d'autorisation et d'étiquetage;

    un droit bien établi pour les États membres et/ou les régions autonomes d'interdire partiellement ou totalement la culture d'OGM pour diverses raisons liées à des préoccupations environnementales, socioéconomiques, éthiques et autres.

    6.4   Bien que la Commission ait avancé en juillet 2010 une proposition législative visant à rendre possible au niveau (infra)national les limitations et les interdictions en matière de culture d'OGM, ce document semble avoir soulevé plus de questions qu'il n'a apporté de réponses, essentiellement à cause de plusieurs incertitudes et contradictions juridiques dans le texte, et de l'exclusion des motivations notamment environnementales. Si l'idée de base, qui était d'accroître la souveraineté (infra)nationale en matière de culture d'OGM, a suscité un large soutien, la version lacunaire actuelle de la proposition a donné lieu à une première lecture critique par le Parlement européen accompagnée d'amendements substantiels, avant de faire l'objet d'un avis critique de la part du CESE (12). Cette proposition est actuellement examinée par le Conseil qui, à ce jour, n'est pas parvenu à dégager une position commune. Le Comité estime que ce dossier revêt une importance capitale, qu'il doit être prioritaire et qu'il faudra en tout état de cause le prendre en considération dans le cadre d'une révision future du cadre juridique régissant les OGM. Le CESE invite la Commission européenne à collaborer activement et dans un dialogue constructif avec le Parlement et le Conseil afin d'établir une base juridique solide pour une autonomie (infra)nationale en matière de culture d'OGM qui serait fondée sur des motivations légitimes telles que des préoccupations environnementales, socioéconomiques, éthiques et culturelles au sens large, et liée à une obligation légale pour les États membres et/ou les régions de mettre en place des règles de coexistence contraignantes afin d'éviter toute contamination non souhaitée entre zones OGM et conventionnelles.

    6.5   Au cours des dernières années, le CESE s'est exprimé à plusieurs reprises en faveur de l'adoption d'une législation européenne portant sur la coexistence, la responsabilité et un étiquetage plus complet des produits OGM (13). De plus, la nécessité de combler les dernières lacunes juridiques par une politique européenne harmonisée a encore été récemment accentuée par l'arrêt que la Cour de Justice de l'UE a rendu le 6 septembre 2011 concernant un problème de coexistence lié à la présence accidentelle de pollen de maïs transgénique dans du miel, présence pour laquelle la Cour a confirmé que, pour ce type de présence non autorisée d'OGM, le droit européen appliquait la tolérance zéro (14). Cet arrêt souligne l'importance d'une politique de coexistence et de séparation des chaînes de production efficace, cohérente et stricte visant à prévenir la contamination de produits non génétiquement modifiés par des OGM, doublée de règles concernant les responsabilités et les réparations en cas de dégâts occasionnés, et d'un système de compensation pour les frais générés par les mesures de coexistence et la certification de la chaîne d'approvisionnement. Il fait également mention de la possibilité d'interdire la culture d'OGM en milieu ouvert dans certaines régions (par exemple celles où on produit du miel) au moyen d'un zonage.

    6.6   Si la recommandation de la Commission européenne relative aux mesures nationales de coexistence publiée en juillet 2010 représente un assouplissement par rapport à la recommandation de 2003, le CESE souligne toutefois explicitement qu'aucune des deux recommandations n'est juridiquement contraignante, et donc en mesure d'imposer des limitations juridiquement obligatoires au large mandat national dans le domaine de la politique de coexistence, ni d'établir les obligations nécessaires en matière de normes de coexistence. L'introduction prévue des végétaux non alimentaires (par exemple pour des applications pharmaceutiques, industrielles, pour le développement de biocarburants) au côté des plantes vivrières accentuera même encore la nécessité d'une réglementation efficace en matière de coexistence et de responsabilité. Le Comité estime important de prendre les devants et d'aborder dès maintenant ces questions à un stade précoce.

    6.7   En décembre 2008, le Conseil «Environnement» a appelé à consolider et à mieux mettre en œuvre le cadre juridique actuel régissant les OGM. Il a estimé plus particulièrement que des améliorations étaient indispensables dans les domaines suivants: l'estimation des risques environnementaux par l'EFSA, le contrôle postérieur à l'introduction des OGM et les protocoles de suivi, avec un rôle accru pour l'expertise externe émanant des États membres et de scientifiques indépendants, l'estimation des retombées socioéconomiques de l'introduction et de la culture d'OGM, les valeurs seuil pour l'étiquetage des traces d'OGM dans les semences, une meilleure protection des zones sensibles et/ou protégées et la possibilité de créer des zones sans OGM aux niveaux local, régional ou national.

    6.8   Si la Commission a bien lancé des actions dans ces différents domaines, les demandes du Conseil n'ont pas encore donné lieu à suffisamment de résultats concrets. Le CESE souligne combien il est important que pour chacun des points et chacune des lacunes juridiques mentionnés ci-dessus des mesures concrètes et substantielles soient prises à court terme afin d'adopter une législation et une politique adéquates. S'agissant de la révision des procédures d'évaluation et de gestion des risques, et de l'autorisation des OGM, le CESE préconise, à l'instar du Conseil et du Parlement européen, de consulter également des diplômés en sciences sociales, des juristes, des spécialistes de l'éthique et des représentants d'organisations de la société civile en plus des scientifiques, de manière à prendre en compte lors de la prise de décisions non seulement de l'évaluation scientifique des risques pour l'homme et l'environnement mais aussi d'autres facteurs légitimes comme par exemple des considérations de nature socioéconomique, culturelle et éthique et des valeurs de société. Cela permettrait peut-être aussi de dépasser la controverse sociétale autour des OGM et l'impasse politique qui paralyse la prise de décisions.

    6.9   Une activité importante mais qui a pris du retard est l'évaluation du cadre juridique actuel régissant les OGM et les aliments génétiquement modifiés destinés à la consommation humaine ou animale, lancée par la Commission à la demande du Conseil en 2008 et dont les résultats auraient dû être présentés début 2011. La Commission a promis au Conseil que des initiatives visant à réviser la législation et la réglementation seraient prises avant 2012 et le CESE souligne combien il est important que ce calendrier soit respecté. Les lacunes réglementaires mentionnées précédemment devront en tout état de cause être abordées dans le cadre de cette révision. Dans un premier temps, la Commission doit organiser une vaste consultation publique sur la base du rapport d'évaluation maintenant publié (15), afin de veiller à ce que la société puisse apporter sa contribution à la révision du cadre législatif. Cela ne manquera pas d'aider à atténuer les préoccupations de l'opinion et pourrait renforcer sa confiance dans le législateur.

    6.10   La définition du terme OGM est l'un des aspects qui sera sans aucun doute abordé à l'avenir. Bien que la science et les applications de l'ingénierie génétique aient connu un développement extrêmement rapide au cours des dernières décennies, la définition juridique est demeurée inchangée depuis la première législation européenne adoptée en 1990. Selon la définition en vigueur, un OGM est: «un organisme, à l'exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle» (16). Certaines techniques de génie génétique ne sont cependant pas couvertes par cette définition et échappent dès lors aux dispositions légales du cadre juridique régissant les OGM.

    6.11   Au fil des ans, de nombreuses nouvelles techniques de sélection des plantes qui n'étaient pas encore prévues lors de l'élaboration du cadre juridique actuel ont vu le jour. Il s'agit entre autres de techniques telles que la cisgénèse, qui consiste à implanter des gènes d'espèces identiques dans un organisme au moyen d'une technique d'incorporation d'ADN recombiné. La question qui se pose depuis pour ce type de nouvelles techniques est de savoir si elles entrent dans la définition actuelle de l'ingénierie génétique et si les organismes obtenus au moyen de ces techniques sont régis par le cadre juridique actuel sur les OGM. Compte tenu des charges administratives mais aussi de la manière dont les OGM sont stigmatisés dans la classe politique et dans l'opinion publique, une dérogation à la législation pour ces techniques représente un intérêt économique considérable pour le secteur de l'amélioration des plantes. Dans ce cas de figure, ces innovations pourraient être commercialisées plus rapidement sans que l'obligation d'étiquetage puisse donner lieu à des réactions négatives de la part des consommateurs. Cependant, ces techniques suscitent les mêmes réserves de nature éthique, écologique, socioéconomique et politique que la génération actuelle d'OGM étant donné qu'elles se basent, pour l'essentiel, sur les mêmes technologies de génie génétique pour lesquelles on ne dispose encore que d'une expérience limitée et qui sont entourées d'une grande incertitude.

    6.12   Dans le but de garantir une approche réglementaire uniforme dans l'ensemble des États membres à l'égard de ces nouvelles techniques de sélection des plantes et de leurs produits, la Commission a créé en 2008 un groupe de travail scientifique qui sera suivi d'un groupe de travail politique dans le but d'émettre des recommandations concernant l'approche juridique à adopter. Les rapports des deux groupes de travail devaient être finalisés pour l'été 2011 et être pris en compte lors de la révision du cadre juridique prévue en 2012. Le CESE est d'avis qu'il est essentiel de s'en tenir à l'approche réglementaire actuelle fondée sur les processus et que ces nouvelles techniques d'amélioration des plantes doivent dès lors en principe être soumises au cadre juridique européen régissant les OGM étant donné la technique d'ingénierie génétique utilisée (ADN recombiné), même quand les plantes ainsi perfectionnées ou les produits finis dérivés ne présentent en tant que tels aucune atypie établie par rapport à leurs équivalents conventionnels.

    Bruxelles, le 18 janvier 2012.

    Le président du Comité économique et social européen

    Staffan NILSSON


    (1)  Tout récemment, Eurobaromètre, «Europeans and Biotechnology in 2010» (Les Européens et la biotechnologie en 2010) http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_341_winds_en.pdf.

    (2)  CESE, JO C 54, 19.2.2011, p. 51

    (3)  Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, JO L 213, p.13.

    (4)  Affaire C-428/08, Monsanto Technology.

    (5)  Comme soulevé lors de l'audition sur le thème «Biotechnologie agro-alimentaire: denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés dans l'UE», CESE, Bruxelles, le 20 octobre 2011

    (6)  Voir note de page no 4

    (7)  JO L 106/1 du 17 avril 2001.

    (8)  JO L 268/1 du 18 octobre 2003.

    (9)  JO L 268/24 du 18 octobre 2003.

    (10)  JO L 287/1 du 5 novembre 2003.

    (11)  JO L 125/75 du 21 mai 2009.

    (12)  Voir note de bas de page no 2.

    (13)  Voir entre autres CESE, JO C 54, 19.2.2011, p. 51; CESE, JO C 157, 28.6.2005, p. 155; CES, JO C 125, 27.5.2002, p. 69; CES, JO C 221, 17.9.2002, p. 114-120 etc.

    (14)  Affaire C-442/09, Bablok e.a. contre Freistaat Bayern et Monsanto.

    (15)  http://ec.europa.eu/food/food/biotechnology/index_en.html.

    (16)  Par exemple l'article 2, paragraphe 2, de la directive 2001/18/CE, et l'article 2, point b) de la directive 2009/41/CE. Le terme organisme est défini comme «toute entité biologique capable de se reproduire ou de transférer du matériel génétique».


    ANNEXE I

    à l'avis du Comité

    Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats:

    Paragraphe 3.8

    Remplacer par le texte suivant:

    «  (1) »

    Résultat du vote

    Voix pour

    91

    Voix contre

    122

    Abstentions

    19

    Paragraphe 5.3

    Remplacer le texte du paragraphe:

    «»

    Résultat du vote

    Voix pour

    83

    Voix contre

    139

    Abstentions

    13


    (1)  Voir les conclusions du Président Nilsson lors de la conférence du CESE sur le thème «De quoi manger pour tous», organisée en coopération avec la Commission européenne pour apporter une contribution au G20 concernant la question de la sécurité alimentaire.


    Top