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Document 52009IE0049

    Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle

    JO C 182 du 4.8.2009, p. 19–23 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    4.8.2009   

    FR

    Journal officiel de l’Union européenne

    C 182/19


    Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle»

    COM(2008) 426 final (supplément d'avis)

    (2009/C 182/04)

    Rapporteur: M. CROOK

    Le 23 octobre 2008, conformément à l'article 29, point A des modalités d'application de son règlement intérieur, le Comité économique et social a décidé d'élaborer un supplément d'avis sur la

    «Proposition de directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle»

    COM(2008) 426 final (supplément d'avis)

    La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 décembre 2008 (rapporteur: M. CROOK).

    Lors de sa 450e session plénière des 14 et 15 janvier 2009 (séance du 14 janvier 2009), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 183 voix pour, 7 voix contre et 18 abstentions.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1   Le CESE approuve la proposition de directive qui suit largement les recommandations faites dans son récent avis d'initiative sur les mesures de lutte contre la discrimination dans les domaines au-delà de l'emploi (1) et qui devrait mener, dans toute l'UE, à des normes homogènes de protection contre la discrimination concernant tous les motifs figurant à l'article 13 du traité CE.

    1.2   Néanmoins, le CESE estime que dans certains domaines, la directive offre une protection moindre que celle découlant déjà des directives existantes sur l'égalité raciale et l'égalité entre les femmes et les hommes.

    1.3   C'est le cas de l'article 2 qui permet des exceptions à l'interdiction de la discrimination, en particulier pour les services financiers. Le CESE recommande que soient appliquées à l'âge et à l'handicap les mêmes exigences de transparence, d'analyse et de supervision que celles déjà en vigueur en ce qui concerne l'égalité entre les femmes et les hommes.

    1.4   Le CESE considère que l'article 3, définissant le champ d'application de la directive, impose des limites et autorise de larges exceptions qui porteront ombrage à l'efficacité de la directive dans son ensemble.

    1.5   Le CESE estime que dans l'article 4, l'obligation qu'ont les fournisseurs de biens et de services de prendre des mesures anticipatives par rapport aux besoins des personnes handicapées et de procéder à des aménagements raisonnables, est trop limitée.

    1.6   Le CESE constate qu'au contraire des organismes désignés au titre des directives sur l'égalité raciale et l'égalité entre les femmes et les hommes, les organismes chargés de l'égalité de traitement qui seront désignés au titre de l'article 12 ne couvriront pas le domaine de l'emploi. Il recommande donc que cette question soit traitée par l'introduction d'un nouveau considérant.

    1.7   Le CESE regrette que la directive ne traite pas de manière satisfaisante le problème des discriminations multiples et invite la Commission à présenter une recommandation à ce sujet.

    2.   Aperçu général

    2.1   Dans son récent avis d'initiative, le CESE a examiné la législation actuelle de l'Union européenne et des États membres en matière de lutte contre la discrimination et a conclu qu'il était «désormais indispensable d'adopter une nouvelle législation communautaire pour combattre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou les préférences sexuelles dans les domaines en dehors de l'emploi».

    2.2   Ayant eu l'occasion de réfléchir sur le contenu de la proposition de la Commission concernant la directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle, et constatant que certains des points préoccupants relevés n'avaient pas encore été entièrement traités, le CESE a décidé d'élaborer un supplément d'avis sur la proposition de directive.

    2.3   Le CESE se félicite du fait que bon nombre des dispositions de la proposition de directive reproduisent celles des autres directives relevant de l'article 13: les définitions de la discrimination directe et indirecte et du harcèlement, les dispositions concernant le contrôle de l'application et la réparation en justice, y compris le renversement de la charge de la preuve, la protection contre la victimisation et des sanctions qui doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Comme dans la directive sur l'égalité raciale (2), le champ d'application de la proposition de directive couvre la protection sociale, y compris les soins de santé, les avantages sociaux, l'éducation, l'accès aux biens et aux services, notamment au logement (bien que la directive introduit, comme on le constatera ci-après, des restrictions et exceptions qui pourraient réduire sa portée totale).

    2.4   Dans les observations développées ci-après, le CESE se penche sur certaines dispositions qui, selon lui, explicitement ou implicitement, pourraient fournir une protection moindre en matière de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle que celle offerte par les autres directives relevant de l'article 13 relatives à l'égalité raciale, ethnique ou de genre.

    3.   Observations relatives à certains articles

    3.1   Article 2

    L'article 2 définit le concept de discrimination; les paragraphes 1 et 4 de l'article 2 reprennent les mêmes définitions des concepts clés que les autres directives relevant de l'article 13. Selon le paragraphe 5, le refus de réaliser un aménagement raisonnable, comme le prévoit l’article 4, au paragraphe 1, point b), est une forme de discrimination interdite.

    3.1.1.1   Afin de garantir une transposition correcte de la directive dans le droit national et considérant le jugement rendu par la Cour européenne de justice dans l'affaire Coleman-v-Attridge Law, qui confirme que l'interdiction de la discrimination fondée sur un handicap (directive 2000/78/CE) s'applique à une personne associée à une personne handicapée (3), le CESE recommande que la directive mentionne clairement que la discrimination fondée sur les motifs stipulés dans la directive inclut la discrimination basée sur une association avec des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés.

    Le paragraphe 6 de l'article 2 permet aux États membres de prévoir que les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination si «elles sont justifiées par un but légitime et que les moyens de parvenir à ce but sont appropriés et nécessaires».

    3.1.2.1   Le CESE recommande que les personnes handicapées puissent également bénéficier d'un traitement préférentiel sur la base des mêmes tests d'éligibilité; cette mesure devrait s'ajouter à celles visant à garantir un accès effectif au titre de l'article 4.

    3.1.2.2   Il convient de préciser que pour qu'un objectif soit «légitime» à cet égard, il doit être conforme au principe d'égalité de traitement et par exemple, aider le groupe concerné à participer à la vie publique en toute égalité.

    Le paragraphe 7 de l'article 2 autoriserait les États membres à permettre aux fournisseurs de services financiers d'instaurer des «différences proportionnées de traitement» lorsque «l’utilisation de l’âge ou d'un handicap constitue un facteur déterminant pour l’évaluation du risque, sur la base de données actuarielles ou statistiques précises et pertinentes».

    3.1.3.1   Le CESE craint que cette large dérogation ne contribue à perpétuer une situation, bien documentée, désavantageant les jeunes, les personnes âgées et handicapées en ce qui concerne les services bancaires et une gamme de produits d'assurance.

    3.1.3.2   Ce régime contraste sensiblement avec celui établi par la directive sur l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès aux biens et aux services (4), selon lequel les États membres peuvent autoriser des différences de traitement entre les femmes et les hommes au niveau des primes d'assurance et des indemnités, mais seulement sur la base de données actuarielles exactes qui sont compilées, publiées et régulièrement remises à jour; les États membres doivent ensuite revoir leur décision cinq ans plus tard.

    3.1.3.3   Le CESE reconnaît que pour certaines activités, les risques encourus peuvent être plus importants pour les personnes appartenant à certains groupes d'âge ou pour celles souffrant de certains types de handicap; néanmoins, le paragraphe 7 de l'article 2 permet une latitude trop grande en ce qui concerne la différenciation des primes sans exiger des assureurs qu'ils communiquent des données actuarielles. Les clients potentiels ne peuvent pas savoir si les différences au niveau des primes sont justifiées et les concurrents ne seront pas incités à proposer des prix plus équitables.

    3.1.3.4   Même si la différenciation des primes est justifiable, il est nécessaire de divulguer les données actuarielles ou statistiques pour garantir la proportionnalité requise par le paragraphe 7 de l'article 2.

    3.1.3.5   Le CESE recommande que soient appliquées à l'âge et au handicap les mêmes exigences de transparence, d'analyse et de supervision que celles déjà en vigueur en ce qui concerne l'égalité entre les femmes et les hommes. La directive proposée devrait donner la faculté aux États membres d'autoriser des traitements différenciés à condition d'exiger des fournisseurs de services financiers qu'ils publient des données actuarielles ou statistiques actualisées ayant trait à l'activité à risque en question (par exemple la conduite automobile, les voyages, le remboursement d'un prêt immobilier), et au groupe d'âge ou au handicap concernés. Ces données doivent être réexaminées périodiquement afin de relever tout changement concernant les risques. Les États membres devraient également, après une période donnée, être astreints à reconsidérer le fondement du traitement différentiel et à envisager le partage progressif des risques et l'égalisation des primes.

    3.2   Article 3

    L'article 3 définit le champ d'application de la proposition de directive, à savoir les domaines d'activité auxquels s'appliquera l'interdiction de discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.

    3.2.1.1   Le CESE se félicite que l'article 3, paragraphe 1, points a) à d) reproduise le champ d'application de la directive sur l'égalité raciale (5) ainsi qu'il l'avait recommandé (6).

    3.2.1.2   L'article 3, paragraphe 1, point d) interdit la discrimination en ce qui concerne «l'accès aux biens et aux services mis à la disposition du public, y compris en matière de logement»; le projet de directive établit ensuite que «le point d) s'applique aux particuliers uniquement dans la mesure où ceux-ci exercent une activité professionnelle ou commerciale».

    3.2.1.3   Cette exception, présente également dans le considérant 16, ne figure pas dans la directive sur l'égalité raciale. Le CESE craint qu'en l'absence d'une définition pour les termes «activité professionnelle ou commerciale», l'impact de la directive soit plus faible par manque de clarté. Si, comme la Commission le suggère (7), le but est d'exempter les transactions entre les personnes privées, alors le CESE recommande que cela soit interprété de manière que seuls les biens et services mis à la disposition du public entrent en ligne de compte. En outre, le considérant 17 affirme: «Tout en interdisant la discrimination, il est important de respecter … la protection de la vie privée et familiale ainsi que les transactions qui se déroulent dans ce cadre».

    Le paragraphe 2 de l'article 3 établit que la protection contre la discrimination ne s'applique dans aucuns des quatre domaines lorsqu'il s'agit de pratiques tombant sous les législations nationales relatives à l'état matrimonial ou familial et aux droits en matière de procréation.

    3.2.2.1   Le CESE reconnaît que l'état matrimonial, le statut familial et les droits en matière de procréation sont des questions qui relèvent des compétences législatives des États membres, mais n'accepte pas que ces compétences invalident complètement les protections juridiques contre la discrimination à l'échelle communautaire.

    3.2.2.2   État matrimonial. En ce qui concerne les prérogatives nationales en matière de réglementation de l'état matrimonial, la Cour de justice a récemment arrêté que «l’état civil et les prestations qui en découlent sont des matières relevant de la compétence des États membres et le droit communautaire ne porte pas atteinte à cette compétence. Toutefois, il importe de rappeler que les États membres doivent, dans l’exercice de ladite compétence, respecter le droit communautaire, notamment les dispositions relatives au principe de non-discrimination» (8).

    3.2.2.3   Statut familial. Le concept de «statut familial» n'est pas défini et est par conséquent trop vague que pour être utilisé comme base pour exclure la protection.

    3.2.2.4   Droits en matière de procréation. Le CESE estime que l'accès aux services de procréation assistée fait partie intégrante des services de santé, c'est pourquoi il ne devrait pas y avoir de discrimination pour un motif quelconque ni dans le cadre de la législation communautaire, ni dans celui des lois nationales. Dans le domaine de l'assistance à la procréation, l'on constate l'existence d'une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, le handicap et l'âge. En outre, sachant que ce sont les femmes qui font appel aux services de procréation assistée, le fait de ne pas interdire la discrimination dans ce domaine pourrait constituer une discrimination fondée aussi bien sur le genre que sur le handicap ou l'âge, ou l'orientation sexuelle.

    3.2.2.5   Le CESE considère donc que l'article 3, paragraphe 2 devrait être réexaminé dans sa totalité et que toute disposition finale devrait prévoir que les lois nationales concernant l'état matrimonial, le statut familial ou les droits en matière de procréation soient appliquées de manière à éviter toute discrimination fondée sur n'importe lequel des motifs couverts par la directive.

    3.2.2.6   L'article 3, paragraphe 3 stipule que l'interdiction de la discrimination en matière d'éducation relève «des responsabilités des États membres en ce qui concerne le contenu, les activités et l’organisation de leurs systèmes d'éducation, y compris en matière d'éducation répondant à des besoins spécifiques».

    3.2.2.7   Le CESE craint que cette exception, qui ne figure pas dans la directive sur l'égalité raciale et qui va au-delà de l'article 149, la disposition spécifique du traité en matière d'éducation (9), ne limite indûment l'impact de la présente directive quant à l'éradication de la discrimination et du harcèlement dans les écoles et autres établissements éducatifs.

    3.2.2.8   Le CESE fait remarquer que l'article 150 du TCE stipule, dans des termes quasiment identiques à ceux de l'article 149, que les États membres sont responsables du contenu et de l'organisation de la formation professionnelle; cela étant, la formation professionnelle entre dans le champ d'application de la législation communautaire anti-discrimination sans aucune limitation (10).

    3.2.2.9   L'existence de la discrimination dans l'éducation sur l'ensemble du territoire de l'UE, fondée sur la religion ou les convictions, le handicap et l'orientation sexuelle était une des principales motivations de cette directive. Le CESE estime que l'interdiction de la discrimination et la promotion de l'égalité de traitement dans l'éducation revêtent une importance si fondamentale pour le développement de sociétés démocratiques et tolérantes, pour le progrès économique et social et pour la cohésion sociale, qu'une législation communautaire dans ce domaine est indispensable, dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité définis à l'article 5 du TCE.

    3.2.2.10   Il est particulièrement important d'établir un haut niveau de protection contre la discrimination dans le cadre de l'éducation répondant à des besoins spécifiques, afin de garantir un traitement honnête et équitable à tous les enfants indépendamment de leur religion ou de leurs convictions, de leur âge, de leur handicap ou de leur orientation sexuelle. Cette façon d'agir n'interfère pas avec les politiques des États membres concernant l'éducation séparée ou intégrée mais offre la garantie que ces politiques sont appliquées sans discrimination. L'arrêt prononcé par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire D.H. et autres c. République tchèque montre à quel point les décisions concernant le placement dans des établissements d'enseignement spécifique peuvent entretenir des comportements discriminatoires fortement ancrés dans le domaine de l'éducation (11).

    3.2.2.11   Le CESE est d'avis qu'il est tout à fait essentiel d'assurer une cohérence dans la protection contre la discrimination en matière d'éducation, car dans ce domaine, la discrimination fondée sur l'origine ethnique et raciale se superpose souvent à celle fondée sur la religion ou les convictions. Si la limitation figurant dans l'article 3, paragraphe 3 n'était pas nécessaire dans la directive sur l'égalité raciale, il n'est pas clair pourquoi elle le serait dans la présente directive proposée.

    3.2.2.12   Quelles que soient les responsabilités des États membres en matière d'éducation, la directive devrait indiquer explicitement que ceux-ci doivent exercer leurs fonctions sans discrimination.

    3.2.2.13   La deuxième proposition de l'article 3, paragraphe 3 permet des différences de traitement s'agissant de l'accès aux établissements d’enseignement fondés sur la religion ou les convictions. Le CESE estime que la directive devrait apporter la garantie que ce type d'établissement ne sera pas en mesure de procéder à une discrimination fondée sur un autre motif.

    3.3   Article 4

    L'article 4 porte sur l'égalité de traitement des personnes handicapées.

    3.3.1.1   La convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (12) contient une description non exhaustive des personnes considérées comme «handicapées». Les États membres de l'UE devraient tenir compte de cette description lors de l'élaboration des lois nationales en matière de protection et de promotion de l'égalité des droits des personnes handicapées. La directive proposée devrait comprendre des orientations en ce sens ainsi que sur la signification de la discrimination fondée sur un handicap.

    3.3.1.2   Le CESE se réjouit de la double approche adoptée dans l'article 4 pour supprimer les obstacles à l'accès à la protection sociale, aux avantages sociaux, aux soins de santé et à l'éducation, ainsi qu'à l'accès aux biens et services et à la fourniture des biens et services mis à la disposition du public, y compris en matière de logement et de transports, conformément aux recommandations du CESE (13). L'article contient une obligation de prendre des mesures en anticipation des besoins d'accès des personnes handicapées (article 4, paragraphe 1, point a)) et une exigence de procéder à des aménagements raisonnables pour garantir un accès non discriminatoire lorsqu'un cas particulier le requiert (article 4, paragraphe 1, point b)). Au sens de l'article 2, paragraphe 5, le non respect de l'article 4, paragraphe 1, point b) constitue une forme de discrimination interdite. Le CESE recommande que la directive clarifie le sens du concept «d'accès non discriminatoire effectif.»

    3.3.1.3   Le CESE est préoccupé par les trois limitations à l'obligation anticipative de l'article 4, paragraphe 1, point a) et notamment, par le fait que les mesures à prendre pour répondre aux besoins d'accès ne devraient pas:

    a)

    imposer une charge disproportionnée;

    b)

    nécessiter une modification fondamentale de la protection sociale, des avantages sociaux, des soins de santé, de l’éducation ou des biens et services concernés, ou

    c)

    nécessiter une substitution de ces biens et services.

    3.3.1.4   Les limitations b) et c) manquent de précision et risquent de contribuer à entretenir des pratiques discriminatoires non justifiées. Par exemple, un praticien qui fournit des services de santé uniquement aux personnes valides pourrait utiliser la limitation b) comme prétexte pour refuser de modifier son service. Ou bien, une collectivité locale qui offre actuellement, pour se rendre à l'hôpital local, un service de bus non aménagé pour des personnes en fauteuil roulant pourrait s'appuyer sur la limitation c) pour refuser de fournir une forme alternative de transport. Le CESE suggère qu'il serait suffisant de préciser que les mesures anticipatives doivent être «raisonnables», ce qui n'est pas actuellement exigé au titre de l'article 4, paragraphe 1, point a), et de limiter l'obligation en matière d'accès imposée par ce même article à la seule condition que les mesures adoptées ne doivent pas représenter de charge disproportionnée.

    3.3.1.5   L'article 4, paragraphe 2 communique un caractère juridiquement contraignant aux facteurs spécifiques que l'on doit prendre en compte pour déterminer si les mesures adoptées au titre de l'article 4, paragraphe 1, points a) et b) «représentent une charge disproportionnée». Dans le considérant 19, l'on identifie la taille, les ressources et la nature de l’organisation en tant que facteurs qu'il convient de prendre en considération pour évaluer si la charge est disproportionnée. Dans la directive 2000/78/CE, des facteurs similaires sont définis dans le considérant 21. L'article 4, paragraphe 2 contient deux facteurs supplémentaires: «le cycle de vie des biens et services» et «les avantages potentiels d’une meilleure accessibilité pour les personnes handicapées». Étant donné que ces deux facteurs supplémentaires font partie de toute évaluation de la proportionnalité, le CESE estime qu'ils sont superflus et risquent de dissuader les prestataires des services de protection sociale, des avantages sociaux, des soins de santé et de l’éducation, des biens et services, y compris en matière de logement et de transports, d'accepter la nécessité de prendre des mesures pour garantir un accès effectif aux personnes handicapées.

    3.3.1.6   L'article 15, paragraphe 2 autorise les États membres à reporter jusqu'à quatre ans le respect total de l'obligation d'assurer un accès effectif. Même si le CESE espère que tous les États membres progresseront vers la garantie d'un accès correct aux personnes handicapées aussi rapidement que possible, le Comité n'est pas contre l'idée que les États membres devraient pouvoir disposer d'un délai pour remplir l'obligation anticipative prévue à l'article 4, paragraphe 1, point a), sans dépasser cette période limitée. Il est toutefois essentiel que la directive indique clairement qu'aucun délai après la date limite pour la transposition ne serait accordé pour ce qui est de se conformer à l'obligation de procéder à des aménagements raisonnables pour une personne handicapée en particulier, selon les dispositions de l'article 4, paragraphe 1, point b).

    3.4   Article 12

    3.4.1   Le CESE se félicite de l'obligation pour les États membres de désigner un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l'égalité de traitement sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle et dotés de compétences parallèles à celles des organismes similaires prévus par les directives sur l'égalité raciale et sur l'égalité d'accès aux biens et aux services. Le CESE se réjouit en outre du fait qu'il soit clairement indiqué dans le préambule (14) que ces organismes devraient agir de manière compatible avec les principes de Paris définis par les Nations unies visant, en particulier, à garantir l'indépendance des institutions nationales de défense des droits de l'homme. Comme le CESE l'a déjà précisé auparavant, ces organismes devraient être chargés d’évaluer régulièrement les résultats des politiques nationales de lutte contre les discriminations (15). Ces instances devraient engager, sur une base régulière, un dialogue constructif avec les organisations représentatives des personnes exposées à la discrimination pour les différents motifs repris dans la proposition de directive.

    3.4.2   La proposition formulée dans l'article 12 laisse toutefois une lacune, étant donné qu'il n'existe toujours pas d'obligation de désigner un ou plusieurs organismes chargés de la promotion de l'égalité de traitement et de la lutte contre la discrimination pour les motifs concernés dans le domaine de l'emploi et du travail, car la directive-cadre pour l'emploi (2000/78/CE) n'exige pas la mise en place d'organismes spécialisés. Les organismes créés dans le cadre de la directive sur l'égalité raciale doivent s'occuper de l'égalité sans distinction de race ou d'origine ethnique à la fois dans le domaine de l'emploi et en dehors de l'emploi, alors que les organismes mis en place dans le cadre des directives sur l'égalité d'accès aux biens et aux services et sur l'égalité de traitement (refonte — 2006/54/CE) doivent couvrir l'égalité entre les hommes et les femmes aussi bien sur le marché de l'emploi que dans d'autres domaines.

    3.4.3   Le CESE recommande dès lors d'ajouter un considérant au préambule de la directive proposée encourage les États membres à doter les organismes désignés au titre de l'article 12 de compétences équivalentes en matière d'égalité de traitement sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge et d'orientation sexuelle dans le cadre de la directive-cadre pour l'emploi.

    4.   Discrimination multiple

    4.1   Dans son récent avis d'initiative, le CESE a constaté l'existence de cas fréquents de discrimination multiple, c'est-à-dire, de discrimination fondée sur plusieurs motifs couverts par l'article 13. Le CESE a suggéré l'adoption d'une nouvelle directive confirmant que le principe de l'égalité de traitement englobe la protection contre la discrimination multiple afin que cette protection devienne effective dans les lois nationales et communautaires.

    4.2   La directive proposée reconnaît (16) que les femmes sont souvent victimes de discrimination multiple, mais n'aborde pas le problème de discrimination multiple sous d'autres aspects. Le CESE suggère que l'on pourrait progresser vers une reconnaissance totale de la discrimination multiple de deux manières:

    a)

    ajouter un considérant supplémentaire à la directive proposée afin d'inciter les États membres à garantir l'existence de procédures juridiques pour traiter les cas de discrimination multiple, en spécifiant notamment que les procédures juridiques nationales doivent permettre au plaignant de soulever tous les aspects de la discrimination multiple dans une seule et même plainte;

    b)

    adopter une recommandation de la Commission affirmant la nécessité de tenir compte de la discrimination multiple lors de l'élaboration et de la mise en œuvre des lois nationales, qui ne sera pas juridiquement contraignante pour les États membres mais devra être prise en considération par les tribunaux nationaux.

    Bruxelles, le 14 janvier 2009.

    Le Président du Comité économique et social européen

    M. Mario SEPI


    (1)  Avis du CESE intitulé «Étendre les mesures de lutte contre la discrimination aux domaines au-delà de l'emploi — pour une directive unique et globale de lutte contre la discrimination», rapporteur: M. Crook (JO C 77 du 31.3.2009, p. 102).

    (2)  Directive 2000/43/CE du Conseil, art. 3.

    (3)  [2008] CJCE C-303/06 du 17 juillet 2008, une affaire concernant de la discrimination à l'encontre de parents non handicapés en charge de soins primaires pour un enfant handicapé.

    (4)  Directive 2004/113/CE du Conseil, art. 5

    (5)  Directive 2000/43/CE du Conseil, art. 3.

    (6)  Première note de bas de page, paragraphe 8.6.

    (7)  COM(2008) 426 final, chapitre 5 «Explication détaillée des différentes dispositions».

    (8)  Maruko contre Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen, C-267/06, 1er avril 2008, paragraphe 59.

    (9)  L'article 149, paragraphe 1 du TCE stipule: «La Communauté contribue au développement d'une éducation de qualité en encourageant la coopération entre États membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action tout en respectant pleinement la responsabilité des États membres pour le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique».

    (10)  Par exemple, la directive du Conseil 2000/43/CE, article. 3 (1) (b) ou la directive du Conseil 2000/78/CE, article 3 (1) (b).

    (11)  Arrêt de la Grande Chambre du 13.11.2007 (no 57325/00).

    (12)  Article 1.

    (13)  Note de bas de page 1, paragraphe 8.10.2.

    (14)  Considérant 28.

    (15)  Voir note de bas de page 1, paragraphe 8.10.8.

    (16)  Considérant 13.


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