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Document 52004AE0949

    Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions — LeaderSHIP 2015 — Définir l'avenir de l'industrie européenne de la construction et de la réparation navales — La compétitivité par l'excellence» (COM(2003) 717 final)

    JO C 302 du 7.12.2004, p. 1–7 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

    7.12.2004   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 302/1


    Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions — LeaderSHIP 2015 — Définir l'avenir de l'industrie européenne de la construction et de la réparation navales — La compétitivité par l'excellence»

    (COM(2003) 717 final)

    (2004/C 302/01)

    Le 21 novembre 2003, la Commission européenne, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

    La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 9 juin 2004 (rapporteur: M. VAN IERSEL).

    Lors de sa 410ème session plénière des 30 juin et 1er juillet 2004 (séance du 30 juin 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 109 voix pour, 3 voix contre et 1 abstention.

    1.   Résumé

    La Commission a élaboré une nouvelle approche de politique industrielle pour le secteur européen de la construction et de la réparation navales, en étroite collaboration avec ce dernier. Il est surprenant que les parties aient si rapidement réussi à préparer un vaste train de mesures visant à garantir la production et la compétitivité de ce secteur. Le CESE approuve la méthode utilisée et le contenu de LeaderSHIP 2015. Toutes les parties concernées reconnaissent qu'une approche nationale n'a plus d'avenir et que seule une approche européenne offrira une solution durable. Les concepteurs de cette nouvelle approche ont opté à juste titre pour un train de mesures cohérent et le respect de la conformité au marché. Le CESE souligne que la crédibilité des propositions dépend entièrement de leur mise en oeuvre. Le suivi est donc crucial. Il y a lieu de garantir la participation, la transparence et un contrôle minutieux des divers processus. Le CESE est totalement favorable à l'objectif des mesures prévues, dont la mise en oeuvre devrait garantir la compétitivité et l'équitabilité des règles du jeu au niveau européen, ce qui devrait à son tour permettre la mise en place de conditions équitables au niveau mondial.

    2.   Contexte

    2.1   Le marché de la construction navale

    2.1.1

    Depuis plus de deux décennies, le secteur de la production de navires enregistre une forte croissance continue. Des progrès technologiques rapides ont permis une réduction considérable des coûts du transport par voie navigable, ce qui stimule efficacement le commerce mondial et fait de la marine marchande internationale le principal moteur de la mondialisation.

    2.1.2

    Les navires, d'un point de vue économique, sont des biens meubles d'investissement, qui ne sont pas importés mais enregistrés sous un pavillon, choisi par le propriétaire du bateau. En tant que tel, ce produit ne nécessite pas d'importants efforts de commercialisation, ni de réseaux étendus de revendeurs ou de maintenance. Les coûts de transport des navires sont évidemment très bas. Eu égard aux coûts de transaction généralement faibles et à l'absence de règles antidumping, le marché de la construction navale est fortement déterminé par les prix de vente.

    2.1.3

    En raison de son rôle crucial dans la fourniture d'un mode de transport essentiel pour le commerce mondial, de la construction d'équipements modernes pour répondre aux besoins en matière de sécurité et de défense, et du développement de technologies avancées avec de nombreuses retombées dans d'autres secteurs, la construction navale est considérée comme une industrie stratégiquement importante pour la plupart des pays industrialisés et en voie d'industrialisation.

    2.1.4

    En Europe, un réseau diversifié comprenant les chantiers navals, les fabricants d'équipements marins et plusieurs fournisseurs de services spécialisés s'est développé en relation avec la production de navires; il offre plus de 350.000 emplois à une main-d'œuvre hautement qualifiée. Dans l'UE, le chiffre d'affaires de ce secteur s'élève à environ 34 milliards d'euros (1).

    2.1.5

    Le secteur européen de la construction navale marchande a toutefois perdu d'importantes parts de marché en raison des pratiques commerciales préjudiciables qui sont principalement le fait de la Corée du Sud, et est confronté à de graves difficultés. Depuis 2000, la part de marché pour les nouvelles commandes (en tonnes brutes compensées – tbc) a baissé de deux tiers, en passant de 19 % en 2000 à 6,5 % en 2003 (2). La situation s'est aggravée à la mi-2003, avec des prix à leur niveau le plus bas depuis 13 ans et une nouvelle hausse du taux de change de l'euro par rapport à la devise de référence dans le secteur, le dollar américain, et par rapport aux monnaies des principaux concurrents asiatiques. En particulier, le commerce international a enregistré une forte augmentation l'année dernière, en raison d'une croissance sensible de la demande chinoise d'énergie et de matières premières ainsi que de l'importation et l'exportation de produits finis. Cette demande a donné lieu à un nombre record de nouvelles commandes dans le segment des pétroliers, des vraquiers et des navires porte-conteneurs. Les constructeurs navals européens bénéficient de cet afflux de la demande et ont pu enregistrer en 2003 presque deux fois plus de commandes qu'en 2002. Malgré cela, leur part du marché mondial de la construction navale continue à diminuer.

    2.1.6

    La tendance dramatique observée jusqu'en 2003 s'est stabilisée dans une certaine mesure dans plusieurs États membres. Il se peut toutefois que la situation actuelle ne dure pas et l'Europe doit chercher rapidement des solutions durables pour l'industrie de la construction navale. Si elle ne le fait pas, l'Europe court le risque grave de perdre ce secteur vital de haute technologie. L'expérience montre que les capacités de construction navale, une fois perdues, sont difficiles à récupérer.

    2.2   Évolution de la politique en matière de construction navale

    2.2.1

    En tant que secteur industriel essentiel d'un point de vue stratégique, la construction navale fait traditionnellement l'objet d'une importante intervention de l'État. Dans la Communauté européenne également, la politique en matière de construction navale a, depuis les années 70, mis l'accent sur la définition de conditions applicables aux systèmes d'aides d'État. Le plafond autorisé d'aide au fonctionnement a progressivement été réduit et est passé de 28 % du montant du contrat en 1987 à 9 % en 1992, et cette aide a fini par être complètement supprimée à partir de 2000.

    2.2.2

    En 1989, à l'initiative des États-Unis, des négociations ont été entamées dans le contexte de l'OCDE, dans le but de mettre en place une nouvelle discipline internationale s'appliquant à toutes les aides d'État à la construction navale. Ces négociations furent clôturées avec succès en 1994 et l'acte final de l'«Accord sur les conditions normales de concurrence dans l'industrie de la construction et de la réparation navales marchandes» fut signé par les Communautés européennes, la Finlande, le Japon, la République de Corée, la Norvège, la Suède et les États-Unis. Cependant, cet accord n'est jamais entré en vigueur car les États-Unis n'ont pas achevé leurs procédures de ratification nationales.

    2.2.3

    En l'absence d'un accord international, le Conseil a adopté en 1998 un nouveau règlement concernant la construction navale (CE 1540/98), établissant un nouvel ensemble de règles applicables aux aides d'État et prévoyant, unilatéralement, la suppression des aides au fonctionnement pour la fin 2000. Le règlement invitait également la Commission a suivre de près la situation du marché mondial de la construction navale et à évaluer si les chantiers européens sont touchés par des pratiques anticoncurrentielles.

    2.2.4

    Dans son premier rapport de suivi au Conseil, publié en 1999, la Commission apportait déjà des preuves indéniables de l'existence de pratiques commerciales préjudiciables, en particulier dans les chantiers sud-coréens, qui proposaient des prix inférieurs aux coûts. Tous les rapports de suivi (sept au total jusqu'en 2003) présentés ultérieurement ont confirmé les premières conclusions, en apportant de plus en plus de preuves détaillées.

    2.2.5

    Sur la base de faits aussi convaincants, le Conseil a exprimé à plusieurs reprises de vives préoccupations et a entamé des consultations bilatérales avec la Corée du Sud. Après plusieurs séries de consultations, les parties ont signé en juin 2000 le protocole d'accord sur la situation du marché mondial dans le domaine de la construction navale («Agreed Minutes relating to the World Shipbuilding Market»). Toutefois, lors des négociations ultérieures, le gouvernement coréen s'est avéré incapable de mettre en œuvre les principes définis dans l'accord.

    2.2.6

    Eu égard à l'échec des négociations bilatérales avec la Corée, l'industrie de la construction navale a déposé une plainte en vertu du règlement sur les obstacles au commerce (ROC — CE 3286/94) en octobre 2000.

    2.2.7

    La Commission est restée fermement opposée à une prolongation de l'aide au fonctionnement fin 2000. Toutefois, elle a accepté de porter l'affaire devant l'OMC afin de trouver une solution aux pratiques coréennes déloyales si une solution satisfaisante pour l'UE n'était pas négociée avec la Corée fin mai 2001. En outre, la Commission a proposé parallèlement un mécanisme défensif de soutien temporaire, conçu spécialement pour contrer les pratiques coréennes déloyales pendant la période nécessaire à l'achèvement de la procédure devant l'OMC.

    2.2.8

    La Communauté a finalement mis en œuvre cette double politique à l'été 2002, en introduisant une demande d'établissement de groupe spécial à l'OMC et en adoptant une décision relative à un mécanisme de défense temporaire (MDT — CE 1177/02).

    2.2.9

    De nouvelles tentatives d'instauration de conditions équitables au niveau mondial dans le secteur de la construction navale ont été faites en 2002, notamment dans le cadre de l'OCDE, cette fois sans la participation des États-Unis. Le Conseil de l'OCDE a institué un Groupe spécial de négociation, chargé de trouver une solution nouvelle et praticable au problème existant. Les progrès accomplis à ce jour sont jugés assez lents et il reste à voir dans quelle mesure cette approche sera réalisable.

    3.   Une nouvelle approche

    3.1

    Le lecteur trouvera ci-après un aperçu chronologique des étapes ayant abouti à LeaderSHIP 2015.

    Février 2002:

    L'industrie de la construction et de la réparation navales présente au commissaire LIIKANEN l'idée d'une initiative intitulée LeaderSHIP 2015.

    Mai 2002:

    Le Président de la Commission européenne, Romano PRODI, approuve l'initiative et invite le commissaire LIIKANEN à en coordonner le suivi.

    Octobre 2002:

    L'industrie remet une feuille de route au commissaire LIIKANEN.

    Janvier 2003:

    Le commissaire LIIKANEN préside la réunion inaugurale du groupe consultatif de haut niveau LeaderSHIP 2015.

    Octobre 2003:

    Le groupe consultatif de haut niveau remet son rapport à la Commission européenne.

    Novembre 2003:

    La Commission européenne publie la communication LeaderSHIP 2015.

    Novembre 2003:

    Le Conseil «Compétitivité» examine LeaderSHIP 2015 dans le contexte de la politique industrielle.

    Janvier 2004

    Le nouveau cadre relatif aux aides d'État à la construction navale entre en vigueur; il tient déjà compte de certains points essentiels de LeaderSHIP 2015, mettant ainsi en oeuvre les premières recommandations du groupe consultatif de haut niveau.

    3.2   Feuille de route de l'industrie

    3.2.1

    Tandis que l'approche communautaire en matière de construction navale a surtout mis l'accent sur la politique de la concurrence et la politique commerciale, l'industrie estimait qu'il manquait une troisième pierre angulaire — la politique de compétitivité, et en particulier une coordination sérieuse entre ces trois politiques. Elle a également reconnu sa propre incapacité à apporter une réponse concertée aux défis qui se posaient à elle en matière de compétitivité.

    3.2.2

    Avec la fin des aides au fonctionnement, l'industrie a admis qu'elle ne progresserait pas grâce à des subventions, ni en recourant à un protectionnisme semblable à celui ayant engendré des industries non compétitives dans de grandes nations de la construction navale hors de l'Union européenne. Cependant, la politique industrielle agressive de la Corée du Sud devait être contrée d'urgence. Une nouvelle approche était donc nécessaire.

    3.2.3

    Lorsqu'au printemps 2002, le Comité de liaison des constructeurs de navires de l'UE (CESA) a présenté à la Commission européenne une première ébauche de sa proposition dans le cadre de l'initiative «LeaderSHIP 2015», la valeur du projet en tant que réponse spécifique du secteur à la stratégie à long terme de l'UE, telle que définie par le Conseil de Lisbonne, a immédiatement été reconnue. LeaderSHIP 2015 abordait en effet les principaux éléments de la stratégie de Lisbonne.

    3.2.4

    Il convenait d'élaborer une stratégie globale, sur la base de l'approche existante, mais en tenant compte d'un nouvel élément, le fait que la Commission ait invité l'industrie à formuler un plan intégré. En octobre 2002, le CESA a présenté LeaderSHIP 2015, la feuille de route pour l'avenir de l'industrie européenne de construction et de réparation navales.

    3.2.5

    Pour les constructeurs navals européens, l'objectif est de renforcer la position de pointe de ce secteur dans des segments de marché sélectionnés, en augmentant la compétitivité par l'innovation et une R&D sélective, en mettant davantage l'accent sur le client, en optimisant la production et en améliorant la structure de l'industrie. Selon l'industrie, l'UE devrait être directement impliquée dans la réalisation de certains objectifs, tels que la promotion de régimes de financement et de garantie avancés, la définition de normes environnementales et de sécurité plus élevées pour les commandes de navires de haute qualité, ainsi que le maintien et l'amélioration de la protection du droit européen de propriété intellectuelle.

    3.2.6

    Une approche européenne en ce qui concerne les besoins en matière de défense navale implique une politique commune pour l'acquisition de matériel de défense.

    3.2.7

    Les grandes tendances qui marqueront ce secteur jusqu'en 2015 impliquent en particulier une évolution du transport multimodal, de la navigation intérieure et du transport maritime à courte distance, un renforcement de l'innovation et de la R&D, l'élargissement de l'UE, des réglementations en matière d'environnement et de santé ainsi que des avancées vers une politique commune de défense. En raison de l'impact des politiques nationales et européennes dans tous ces domaines, l'industrie estime que la Commission devrait participer activement au développement d'idées en vue de l'élaboration des politiques futures.

    3.2.8

    Le secteur de la construction navale accepte quant à lui la grande responsabilité de mettre de l'ordre dans ses propres affaires. La feuille de route plaide donc pour le développement de nouveaux types de navires et de nouvelles générations d'équipements marins, alliant efficacité, sécurité, confort, respect de l'environnement et spécialisation.

    3.2.9

    En ce qui concerne la structure de l'industrie, deux approches complémentaires associant les entreprises sont prévues:

    restructuration de l'industrie pour obtenir un nombre limité de grandes entreprises;

    mise en réseau de petites entreprises très souples pour répondre aux besoins de créneaux moins importants du marché.

    3.3   Le groupe consultatif de haut niveau

    3.3.1

    Début 2003, un groupe consultatif de haut niveau, présidé par M. Liikanen, membre de la Commission, a entamé des discussions sur le programme LeaderSHIP 2015, sur la base de la feuille de route du CESA. Ce groupe se composait de sept membres de la Commission européenne, de deux membres éminents du Parlement européen, des PDG de 10 grands chantiers navals, du président de l'Association des industries de l'équipement marin et du secrétaire général de la Fédération européenne des métallurgistes.

    3.3.2

    Le groupe consultatif a publié son rapport «LeaderSHIP 2015» en octobre 2003 (3). Celui-ci contient huit chapitres traitant toutes les questions couvertes par la feuille de route de l'industrie, ainsi qu'un chapitre final sur la nécessité de consolider l'industrie européenne de la construction navale. La conclusion générale du groupe est que «LeaderSHIP constitue (…) un bon exemple de politique industrielle européenne efficace au niveau sectoriel».

    3.3.3

    Dans ces huit chapitres, le groupe définit des objectifs pour le secteur de la construction navale et pour l'UE en tant que telle. Premièrement, il propose l'établissement de conditions équitables dans la construction navale mondiale grâce à la politique commerciale de l'UE, une mise en œuvre des règles de l'OMC applicables à la construction navale et le développement de disciplines contraignantes au niveau de l'OCDE.

    3.3.4

    En ce qui concerne la question centrale de la R&D et de l'innovation, une étroite coopération entre l'UE et le secteur de la construction navale est nécessaire. Le règlement européen en la matière ne prenait pas pleinement en considération les besoins spécifiques de la construction navale et de sa technologie.

    3.3.5

    Cela s'applique également au développement de régimes de financement et de garantie avancés. Les outils actuels ne sont pas compétitifs sur le marché mondial. La possibilité d'établir un fonds de garantie au niveau de l'UE pour le financement pré- et post-livraison devrait être explorée, ainsi qu'une coopération accrue avec des sociétés d'assurance-crédit à l'exportation, couvertes par une réassurance appropriée.

    3.3.6

    La protection de l'environnement marin est rationalisée par l'Agence européenne de la sécurité maritime. Un comité d'experts commun, composé d'acteurs pertinents du secteur maritime possédant les connaissances techniques nécessaires, devrait être mis en place dans le but d'apporter des conseils techniques à l'Agence et à la Commission. Il conviendrait d'améliorer encore l'évaluation de la qualité, la sécurité et les contrôles dans les secteurs de la construction et de la réparation navales afin de garantir l'application, dans le monde entier, de normes de qualité appropriées.

    3.3.7

    L'appel de l'industrie en faveur d'une coopération accrue dans le secteur de la défense peut, selon le groupe, être soutenu au niveau de l'UE par la promotion de la coopération industrielle entre les chantiers ainsi qu'entre les chantiers et leurs fournisseurs, par l'amélioration de l'accès aux marchés d'exportation, et par la consolidation de l'industrie. Il y a lieu de définir, par le biais de la future Agence européenne de défense, des exigences opérationnelles communes pour les marines nationales ainsi que des règles communes pour le matériel de défense.

    3.3.8

    Étant donné que les constructeurs de navires dépendent fortement de leur leadership technologique, il convient d'exploiter pleinement les instruments existants de protection des droits de propriété intellectuelle. Des bases de données de connaissances sont nécessaires et les règles internationales de protection des brevets doivent être améliorées.

    3.3.9

    Le secteur de la construction navale a institué officiellement un comité pour le dialogue social au niveau sectoriel (le premier de ce type dans le secteur des industries de la métallurgie), au sein duquel des programmes pour les nouveaux besoins de qualifications doivent être analysés et abordés.

    3.3.10

    Une structure industrielle optimale est indispensable pour obtenir les résultats souhaités. Un processus de développement dynamique donne lieu à de nouvelles relations et à des partenariats autour de projets entre les chantiers navals et leurs fournisseurs, étant donné qu'actuellement, les fournisseurs représentent 70 à 80 % de la production d'un chantier naval. Il conviendrait de faciliter le processus de consolidation au moyen de mesures d'incitation spéciales, en se fondant sur le concept «d'aide à la consolidation».

    3.4   La communication de la Commission

    3.4.1

    Par sa communication relative à LeaderSHIP 2015 (4), la Commission transpose les travaux du groupe consultatif de haut niveau en une politique communautaire formelle. Elle souligne une nouvelle fois qu'une politique horizontale doit être complétée par des approches sectorielles spécifiques. La Commission procède à l'évaluation de chacun des chapitres et approuve les recommandations du rapport «LeaderSHIP 2015».

    3.4.2

    La Commission, dans sa communication, reconnaît la dimension stratégique de la construction et de la réparation navales, et à l'instar du rapport «LeaderSHIP 2015», confirme sa responsabilité et sa coresponsabilité dans les domaines suivants couverts par les huit chapitres du rapport du groupe consultatif:

    en ce qui concerne l'OCDE, l'accord existant sur les crédits à l'exportation et les accords connexes de l'OCDE, ainsi que la promotion de règles équitables par le biais de l'OMC;

    la Commission a adopté des règles applicables aux aides à l'innovation et surveillera les effets des activités de recherche financées par la Communauté;

    avec l'industrie, la Commission explorera les possibilités de financement pré- et post-livraison, en collaboration avec la BEI;

    la Commission approuve totalement les recommandations du rapport LeaderSHIP sur la promotion de navires plus sûrs et respectueux de l'environnement, et sur les politiques visant à exploiter les possibilités de transport maritime à courte distance dans toute l'Europe;

    en ce qui concerne la construction navale de défense, la Commission approuve les recommandations qui sont conformes à l'approche développée dans sa communication de mars 2003 sur la défense, portant sur les préparatifs en vue de la création d'une Agence européenne de défense, destinée à renforcer la base industrielle et technologique de la défense européenne ainsi que sa compétitivité. En ce qui concerne la consolidation des chantiers navals, il vaut également la peine de noter que des chantiers navals privés soulignent les différences structurelles entre les chantiers européens, déclarant que «la propriété privée est une condition préalable au succès de tout effort de consolidation» (5);

    la Commission collaborera avec l'industrie pour exploiter les instruments existants en matière de protection des droits de propriété industrielle et mettre en place les bases de données de connaissances adéquates;

    la Commission coopérera avec l'industrie par le biais d'un dialogue social actif sur les nouveaux besoins en qualifications, l'échange de personnel à tous les niveaux, les cours de formation spéciaux et le soutien d'une construction navale vitale et durable;

    étant donné qu'un processus de consolidation, relevant avant tout de la responsabilité de l'industrie et des États membres, est indispensable dans les secteurs de la construction navale commerciale et de défense et de la réparation navale, la Commission est disposée à faciliter ce processus, en respectant les règles de la concurrence.

    3.5   Conclusions du Conseil de novembre 2003

    3.5.1

    Le 27 novembre 2003, le Conseil «Compétitivité» a examiné la communication de la Commission relative à LeaderSHIP 2015 dans le contexte plus large de la politique industrielle (6). Le Conseil a reconnu l'importance de l'analyse sectorielle pour affiner les politiques horizontales et a invité les États membres et la Commission à renforcer la compétitivité industrielle, notamment en tenant compte des besoins et des spécificités de chaque secteur.

    3.5.2

    Le Conseil s'est penché en particulier sur les secteurs de la construction navale, de l'industrie aérospatiale et du textile et de l'habillement.

    3.5.3

    Le point de vue du Conseil repose sur la nécessité d'adopter une approche pleinement intégrée visant à renforcer la compétitivité. Cela s'applique également à LeaderSHIP 2015.

    3.5.4

    La réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne requiert des analyses sectorielles, une amélioration des conditions générales, une consultation ouverte et transparente des parties intéressées, ainsi que le dialogue social. Le Conseil souligne la nécessité de poursuivre les initiatives à cet égard.

    3.5.5

    En ce qui concerne LeaderSHIP 2015, le Conseil recommande à l'industrie et aux pouvoirs publics de fournir des efforts particuliers dans les domaines suivants:

    les règles de l'UE en matière d'aides d'État concernant les investissements dans l'innovation;

    l'encouragement de la recherche, du développement et de l'innovation;

    la protection des droits de propriété intellectuelle par les États membres et l'industrie;

    l'encouragement du processus de regroupement des producteurs européens;

    la promotion d'approches propres à susciter une coopération accrue entre les ressources militaires et civiles de la construction navale en Europe;

    la prise en compte des nouveaux besoins de qualifications, dans le cadre du dialogue social au sein du secteur.

    3.5.6

    Le Conseil souhaite être informé régulièrement des résultats de l'initiative LeaderSHIP 2015 et de la mise en oeuvre de ses recommandations.

    4.   Observations générales

    4.1

    Le CESE reconnaît que l'Europe a besoin d'une industrie de construction navale viable et qu'il convient de prévoir des politiques sectorielles spécifiques.

    4.2

    Il convient de souligner que l'industrie a réussi à définir un programme cohérent pour la période allant jusqu'en 2015. Ce modèle d'approche sectorielle moderne repose comme il se doit sur les règles de l'UE en matière de conformité au marché et de concurrence.

    4.3

    Le fait que l'industrie elle-même et sept membres de la Commission aient publié un programme commun pour l'avenir — LeaderSHIP 2015 — est tout aussi remarquable. Cet engagement réciproque a abouti à l'approbation de LeaderSHIP par la Commission.

    4.4

    Le CESE accueille favorablement la nouvelle approche du Conseil «Compétitivité» concernant la politique industrielle horizontale et sectorielle. Le cas de LeaderSHIP montre comment une politique sectorielle peut adapter des exigences sectorielles à des approches horizontales.

    4.5

    Le CESE se félicite des recommandations spécifiques du Conseil concernant le secteur de la construction et de la réparation navales. Celles-ci correspondent aux recommandations de la Commission, ainsi qu'à celles émises par le secteur lui-même dans LeaderSHIP 2015.

    4.6

    Le CESE approuve ce changement de perspective de la politique de construction navale, qu'il considère comme le fruit d'une nouvelle méthode de travail et d'une nouvelle approche de la politique industrielle au niveau sectoriel. Cela pourrait servir de modèle à des initiatives similaires dans d'autres secteurs.

    4.7

    Plus spécifiquement, le CESE est d'avis que des positions et des principes communs ainsi que des pratiques concertées au sein de l'UE sont préférables à la poursuite des politiques nationales pour asseoir sur une base solide une industrie durable de la construction et de la réparation navales en Europe.

    4.8

    L'élargissement de l'Union européenne offre des opportunités car il apporte de précieux atouts, ce qui permettra une présence européenne dans des segments qui n'étaient plus servis par les chantiers de l'UE avant l'élargissement (7). Les règles communautaires en vigueur doivent être pleinement respectées.

    4.9

    LeaderSHIP 2015 ne pourra être couronné de succès que si tous ses chapitres font l'objet d'une action simultanée de tous les partenaires concernés (industrie, Commission et, dans certains cas, États membres), chaque acteur agissant dans les domaines dont il est responsable.

    5.   Conclusions et recommandations

    5.1

    La crédibilité de la politique proposée dépendra de sa mise en œuvre. Le suivi est essentiel, et le processus doit être transparent et surveillé avec soin. Il y a lieu de garantir la participation, la transparence et un suivi approprié. Tout comme le Conseil, le CESE est lui aussi très favorable à ce que la Commission présente chaque année au Conseil «Compétitivité» un rapport sur les progrès accomplis.

    5.2

    LeaderSHIP 2015 commence par fixer l'objectif d'équité des règles du jeu au niveau mondial. Le CESE souligne l'importance de ce domaine politique, qui est la pierre angulaire de toute la stratégie. Il approuve pleinement l'approche actuelle de l'UE en matière de politique industrielle, visant à mettre en place un accord international efficace garantissant une discipline stricte dans le monde entier.

    5.3

    Le CESE souligne que les conséquences de la concurrence déloyale de certains chantiers asiatiques constituent non seulement une menace considérable pour les chantiers européens, mais devraient aussi alerter le secteur européen de l'équipement maritime. Le fait que certains des pays constructeurs asiatiques aient annoncé qu'ils recourraient principalement à des fournisseurs locaux doit être pris très au sérieux.

    5.4

    En ce qui concerne la question des conditions équitables, la discipline du secteur au sein de l'UE n'est pas mentionnée spécifiquement, bien qu'il existe encore différents niveaux et méthodes d'aide à la construction navale par les États membres. La mise en place de conditions équitables à l'intérieur de l'Union, leur transparence et leur surveillance suscitent des préoccupations particulières. Afin de favoriser la crédibilité du processus et la confiance conformément aux règles et objectifs fixés, le CESE souligne combien il importe que la Commission surveille l'application des règles relatives aux aides d'État et les éventuelles pratiques déloyales.

    5.5

    La R&D et l'innovation sont d'une importance cruciale, car l'Europe est toujours la source des idées pour le reste du monde en matière de construction navale. Il s'agit donc d'un autre facteur essentiel de succès. Par conséquent, il importe que divers instruments apportent un soutien efficace et soient mis en œuvre de manière pratique. L'industrie peut être utile en donnant des conseils concrets aux décideurs politiques. En tout état de cause, la mise en œuvre d'instruments d'innovation doit être transparente.

    5.6

    Afin de rationaliser les instruments de financement des bateaux tant au niveau national qu'européen, le CESE est d'avis que le fonds européen de garantie proposé dans le programme LeaderSHIP soit opérationnel dès que possible. La Commission devrait accorder la priorité à sa mise en oeuvre. Ce fonds peut contribuer à la création de conditions équitables effectives au sein de l'UE elle-même.

    5.7

    Le CESE accueille favorablement l'accord entre l'industrie et la Commission sur le type d'exigences et de politiques environnementales requises dans le secteur. L'UE doit continuer à montrer l'exemple en protégeant l'environnement marin et en œuvrant pour l'application stricte des règles internationales pertinentes. Une approche européenne coordonnée au sein de l'Organisation maritime internationale pourrait garantir un niveau d'efficacité satisfaisant afin de défendre la position consistant à reconnaître à l'OMI le pouvoir d'agir seule pour la fixation de règles au niveau mondial.

    5.8

    La législation relative à la sécurité des transports maritimes a été sensiblement améliorée dans l'UE au cours des dernières années. Toutefois, il convient de prêter davantage d'attention à la mise en place de normes appropriées pour la réparation navale, comme le suggère LeaderSHIP.

    5.9

    En ce qui concerne le transport maritime, l'application des normes de sécurité en vigueur reste un important point faible de l'UE. Le CESE plaide donc fermement pour une coopération efficace entre les garde-côtes européens.

    5.10

    Le renforcement du transport maritime à courte distance et le déplacement du trafic de la route vers la mer sont également d'importants objectifs environnementaux. Pour les réaliser, il y a lieu d'améliorer encore l'infrastructure moderne, y compris les ports et les navires. En ce qui concerne le financement de cette infrastructure par les pouvoirs publics, ces derniers devraient veiller à ce que les investissements soient consentis au profit de producteurs de l'UE.

    5.11

    Le facteur humain est un élément essentiel et le CESE salue l'intensification prévue du dialogue sectoriel, au sein duquel la Commission, les employeurs et les syndicats ont chacun un rôle à jouer. Il est à noter que c'est dans la construction navale qu'a été mis en place le premier comité formel de dialogue social sectoriel de la construction métallique; c'est encore une indication de l'esprit innovateur de ce secteur.

    5.12

    Le dialogue social apporte déjà de précieuses contributions à un large éventail de thèmes sociaux, y compris la formation, le recrutement, l'éducation tout au long de la vie et l'adaptation aux cycles économiques. À ce jour, deux groupes de travail ont été créés, l'un pour améliorer l'image de l'industrie et l'autre pour identifier les nouvelles compétences requises dans le secteur de la construction navale.

    5.13

    Le dialogue social se penchera également sur les différences considérables de productivité de la main-d'œuvre au niveau mondial.

    5.14

    Le CESE se réjouit de la prise en compte accrue en Europe de segments spécifiques de l'industrie manufacturière tels que la construction navale et l'aéronautique dans le cadre d'objectifs de défense, et de l'interaction entre l'industrie civile et militaire.

    5.15

    Dans ce contexte, il y a lieu d'approuver l'accent mis par LeaderSHIP sur les projets maritimes européens et sur la collaboration entre les chantiers navals. Jusqu'à présent, ceux-ci se sont heurtés à des considérations de sécurité et à des traditions divergentes. Cependant, si les Européens ne décident pas de coopérer plus étroitement, les coûts ne cesseront de croître, ce qui menacera la position de pointe de l'Europe en matière d'innovation et de technologie.

    5.16

    Il existe déjà des projets de coopération réussis, notamment entre l'Allemagne et les Pays-Bas pour la construction de frégates et entre la France et la Grande-Bretagne en matière de navires de transport. De nouveaux projets peuvent être planifiés avec la collaboration de la future Agence européenne de l'armement. Une synergie optimale entre les chantiers par le maintien et le renforcement des connaissances et du savoir-faire est indispensable. Il est souhaitable que l'Agence soit chargée de faire l'inventaire des capacités, de la technologie et de l'innovation disponibles dans les chantiers navals, afin de garantir le meilleur rapport qualité-prix lors de nouveaux appels d'offres. Étant donné que les clients des chantiers navals militaires sont les gouvernements, il y a lieu d'éviter que les subventions ne débordent de la production de navires militaires vers celle de navires marchands.

    5.17

    La consolidation de l'industrie est considérée comme une pierre angulaire de la viabilité future du secteur. Toutefois, il reste à voir comment ce processus sera réalisé, eu égard à la relation complexe entre les entreprises de base et le pourcentage élevé de fournisseurs.

    Bruxelles, le 30 juin 2004.

    Le Président

    du Comité économique et social européen

    Roger BRIESCH


    (1)  Ces données proviennent de l'étude sur l'impact économique des industries maritimes (Economic Impact of Maritime Industries in Europe) commandée par la Commission européenne à la Policy Research Corporation N.V. et l'ISL.

    (2)  Source: registre de la Lloyd's.

    (3)  «LeaderSHIP 2015 — Définir l'avenir de l'industrie européenne de la construction et de la réparation navales»; publié par la Commission européenne, Bruxelles, 2003.

    (4)  COM(2003) 717 final.

    (5)  COM(2003) 717 final, p. 16, 2ème ligne.

    (6)  Conclusions du Conseil sur «La contribution de la politique industrielle à la compétitivité européenne» — Bruxelles, 24 novembre 2003 (15472/03).

    (7)  Tels que les grands transporteurs de pétrole brut et les vraquiers, dont la construction demande peu de compétences technologiques et pour lesquels le coût de la main-d'œuvre constitue une part relativement importante.


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