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Document 32012D0636

2012/636/UE: Décision de la Commission du 25 janvier 2012 concernant la mesure C 36/07 (ex NN 25/07) mise à exécution par l’Allemagne en faveur de Deutsche Post AG [notifiée sous le numéro C(2012) 184] Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE

JO L 289 du 19.10.2012, p. 1–55 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

Legal status of the document In force

ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2012/636/oj

19.10.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 289/1


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 25 janvier 2012

concernant la mesure C 36/07 (ex NN 25/07) mise à exécution par l’Allemagne en faveur de Deutsche Post AG

[notifiée sous le numéro C(2012) 184]

(Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2012/636/UE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa (1),

après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément aux dispositions précitées (2) et compte tenu de ces observations,

vu l’accord sur l’Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

considérant ce qui suit:

I.   PROCÉDURE

I.1.   Procédure d’aide d’État

I.1.1.   Décision d’ouverture de 1999 et décision négative de 2002

(1)

En 1994, l’entreprise United Parcel Service (ci-après «UPS») a introduit une plainte par laquelle elle faisait valoir que des aides illégales avaient été accordées à Deutsche Bundespost Postdienst (ci-après «Postdienst»).

(2)

À la suite de l’ouverture d’une procédure d’aide d’État en date du 23 octobre 1999 (ci-après la «décision d’ouverture de 1999»), l’Allemagne a transmis ses observations le 16 septembre 1999. Après publication de la décision d’ouverture de 1999, la Commission a reçu des observations de quatorze parties intéressées qu’elle a transmises, par lettre du 15 décembre 1999, au gouvernement allemand afin qu’il puisse prendre position à ce sujet. L’Allemagne a répondu par lettre du 1er février 2000, enregistrée à la date de sa réception, le 2 février 2000.

(3)

Le 19 juin 2002, la Commission a adopté une décision négative (3) (ci-après la «décision négative de 2002»), par laquelle elle constatait que Postdienst et l’entreprise lui ayant succédé, Deutsche Post AG (ci-après «DPAG»), désignés conjointement ci-après par «Deutsche Post», facturaient les colis de porte à porte à des prix inférieurs aux coûts marginaux et que cette politique de rabais agressive ne relevait pas des services d’intérêt économique général de Deutsche Post. Les pertes d’un montant de 572 millions d’EUR résultant de cette politique étaient en fait financées, en violation des articles 106 et 107 du TFUE, à partir de ressources d’État dont Deutsche Post bénéficiait sous différentes formes [par exemple, sous forme de transferts publics opérés par la filiale de Deutsche Bundespost, Telekom (ci-après «Telekom»), de garanties publiques et d’un soutien de l’État dans le cadre du financement des retraites des fonctionnaires des services postaux (ci-après «les subventions relatives aux retraites»)].

(4)

Suite aux conclusions de la Commission, l’Allemagne a récupéré auprès de DPAG l’aide d’État de 572 millions d’EUR déclarée incompatible avec le marché intérieur. À l’encontre de la décision de la Commission, Deutsche Post a introduit un recours devant les juridictions de l’Union.

(5)

Par arrêt rendu en 2008 (4), le Tribunal de l’Union européenne (ci-après le «Tribunal») a annulé la décision négative de 2002 aux motifs que la Commission avait omis de procéder à une analyse circonstanciée de toutes les recettes et coûts associés à la fourniture de services universels, afin de déterminer si Deutsche Post avait été sous-compensée ou surcompensée.

(6)

L’Allemagne a alors remboursé à Deutsche Post l’aide d’État récupérée auparavant, soit un montant de 572 millions d’EUR, majoré d’intérêts.

(7)

Le 2 septembre 2010, la Cour a rejeté le pourvoi formé par la Commission à l’encontre de l’arrêt du Tribunal (5).

I.1.2.   Autres plaintes reçues après la décision négative de 2002

(8)

Le 13 mai 2004, UPS a adressé une nouvelle plainte à la Commission au sujet d’aides illégales accordées à Deutsche Post après la décision négative de 2002. Dans ce contexte, UPS avançait que dans la décision négative, toutes les mesures d’aide qu’elle avait énumérées dans sa plainte initiale en 1994 n’avaient pas été examinées et que Deutsche Post bénéficiait d’avantages qui dépassaient nettement l’aide incompatible de 572 millions d’EUR. Par ailleurs, elle affirmait que Deutsche Post avait utilisé des ressources d’État pour étendre ses opérations de colis (en annexant d’autres entreprises, par exemple) et vendre des services à des prix de transfert excessivement bas à ses filiales Postbank AG et Deutsche Post Euro Express GmbH & Co OHG (ci-après dénommée «DPEED»), lesquelles sont respectivement actives dans les services bancaires et, sous la marque «DHL», dans les colis publicitaires et commerciaux.

(9)

Le 9 novembre 2004 et le 1er avril 2005, la Commission a envoyé des demandes de renseignements à l’Allemagne qui y a répondu en date du 2 décembre 2004 et du 3 juin 2005.

(10)

Le 16 juillet 2004, TNT Post AG & Co. KG (ci-après «TNT») a également déposé une plainte par laquelle elle faisait valoir que Deutsche Post facturait ses services à la PostBank AG à des prix dérisoires. TNT invoquait en outre que la Postbank AG payait uniquement les coûts variables pour les services fournis et que Deutsche Post finançait intégralement les coûts fixes communs encourus pour le réseau de distribution à partir des recettes qu’elle tire de ses activités d’envoi du courrier constituant son domaine réservé.

(11)

Le 11 novembre 2004 et le 25 avril 2005, la Commission a alors envoyé des demandes de renseignements à l’Allemagne qui a transmis ses réponses en date du 17 décembre 2004 et du 23 juin 2005.

I.1.3.   Décision d’extension de 2007

(12)

Compte tenu d’autres plaintes reçues dans ce contexte, la Commission a informé l’Allemagne par lettre du 12 septembre 2007 de sa décision d’étendre la procédure amorcée en 1999 (ci-après la «décision d’extension de 2007») (6). Par cette décision d’extension, la Commission entendait intégrer dans la procédure toutes les informations nouvellement reçues en évaluant l’ensemble des distorsions de concurrence ayant pu résulter des interventions publiques octroyées à Deutsche Post (pour plus de détails sur les transferts publics, les garanties publiques, les subventions relatives aux retraites et les droits exclusifs relatifs à la fourniture des services du courrier, voir le point I.1.14).

(13)

La Commission a considéré que pour clarifier les effets des mesures étatiques sur les recettes et les coûts des différents services fournis par Deutsche Post, il était nécessaire de reconstituer exactement la comptabilité de cette dernière pour la période allant de 1990 à 2007.

I.1.4.   Observations de l’Allemagne sur la décision d’extension de 2007

(14)

Le 14 décembre 2007, l’Allemagne a présenté ses observations sur la décision d’extension de 2007 à l’encontre de laquelle Deutsche Post avait introduit un pourvoi (voir à ce sujet le point I.3.1).

I.1.5.   Observations des parties intéressées sur la décision d’extension de 2007 et commentaires de l’Allemagne sur ces observations

(15)

UPS et TNT ont transmis leurs observations le 16 novembre 2007.

(16)

Après avoir sollicité, en date du 20 décembre 2007, une prolongation du délai de réponse, le gouvernement allemand a finalement présenté ses commentaires sur les observations de TNT et d’UPS le 12 mars 2008.

I.1.6.   Sélection d’un expert externe

(17)

Le 23 janvier 2008, la Commission a lancé un appel d’offres pour une expertise devant lui permettre de constater si au cours de la période 1990-2007, Deutsche Post avait éventuellement reçu une compensation excessive pour l’accomplissement de son obligation de service universel (7).

(18)

Le 18 juin 2008, la Commission a conclu un contrat avec la société WIK Consult GmbH spécialisée dans le domaine de la comptabilité du secteur postal.

I.1.7.   Observations de l’Allemagne sur la durée appropriée de la période d’examen

(19)

Par lettres des 10 et 18 juin 2008, l’Allemagne a souligné son désaccord quant à l’étendue de la période d’examen retenue (1990-2007), en soutenant qu’il était suffisant de limiter l’enquête à la période au cours de laquelle les transferts publics avaient eu lieu, soit de 1990 à 1994. Or, comme au cours de cette période, les pertes avaient été plus élevées que les transferts publics, Deutsche Post n’aurait reçu aucune surcompensation. Par ailleurs, la fourniture des données comptables pour la période postérieure à 1994 serait disproportionnée au vu de l’Encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensations de service public (8) (ci-après l’«encadrement communautaire de 2005»), qui limite les calculs de surcompensations à une période maximale de quatre ans.

(20)

Le 27 juin 2008, l’Allemagne a transmis une expertise juridique au sujet de l’obligation de la Commission d’examiner séparément les transferts publics, les garanties publiques et les subventions relatives aux retraites (9). Par ailleurs, l’Allemagne a fait valoir qu’un audit des données comptables n’était pas nécessaire pour apprécier les garanties publiques et les subventions relatives aux retraites.

(21)

L’Allemagne avait soutenu le même avis vis-à-vis des services de la Commission lors des réunions qui s’étaient déroulées les 29 mai et 15 juillet 2008.

I.1.8.   Demande de renseignements du 17 juillet 2008

(22)

Le 17 juillet 2008, la Commission a adressé à l’Allemagne une demande de renseignements sur l’ensemble des interventions publiques soumises à examen, ainsi qu’un questionnaire sur les recettes et les coûts de Deutsche Post pour la période 1990–2007. Cette demande de renseignements avait été élaborée en coopération avec le bureau WIK Consult. Le 5 août 2008, l’Allemagne a sollicité une prolongation sine die du délai de réponse aux motifs qu’il lui fallait au préalable vérifier la disponibilité d’un certain nombre de données.

I.1.9.   Lettres de rappel des 12 et 22 août 2008

(23)

Le 12 août 2008, la Commission a expliqué pourquoi l’examen des recettes et des coûts de Deutsche Post devait porter sur la période allant de 1990 à 2007, en insistant pour que les informations requises lui soient transmises.

(24)

Dans sa communication du 14 août 2008, l’Allemagne a de nouveau invoqué qu’il n’y avait aucune raison d’effectuer un examen des recettes et des pertes de Deutsche Post pour la période postérieure à l’année 1994. Conformément à l’article 10, paragraphe 3 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (10), la Commission s’est réservé, le 22 août 2008, le droit d’adopter une injonction de fournir les informations requises pour le cas où l’Allemagne ne les lui transmettrait pas.

(25)

Par communication du 29 septembre 2008 (notifiée finalement le 2 octobre 2008), l’Allemagne a transmis les résultats d’une nouvelle expertise juridique, afin d’étayer son avis selon lequel une analyse de la comptabilité au-delà de l’année 1994 n’était pas nécessaire et que la période pertinente pour l’examen était celle de 1990 à 1994 (11).

(26)

Le 28 octobre 2008, l’Allemagne a fourni des informations sur les garanties publiques et sur les «subventions relatives aux retraites».

I.1.10.   L’injonction, du 30 octobre 2008, de fournir des informations

(27)

La Commission n’a pas accepté les arguments de l’Allemagne et elle a maintenu son avis que pour pouvoir apprécier intégralement les effets sur la concurrence des interventions publiques octroyées, une analyse était nécessaire jusqu’en 2007. À la suite de ses deux lettres de rappel des 12 et 22 août 2008, la Commission a adopté une injonction de fournir des informations en date du 30 octobre 2008, par laquelle l’Allemagne a été formellement invitée à produire toutes les données comptables requises pour toute la période 1990-2007.

(28)

L’Allemagne et Deutsche Post ont contesté la validité de l’injonction précitée (voir le point I.3.2).

(29)

Le 27 novembre 2008, l’Allemagne a transmis les données comptables requises pour la période 1990–1994, puis une version actualisée de ces données en date des 5 et 16 décembre 2008.

I.1.11.   Transmission des données comptables pour la période 1990–2007

(30)

À la suite d’une réunion tenue le 6 février 2009 entre le secrétaire d’État, M. Pfaffenbach, le président du directoire de DPAG, M. Appel, et le commissaire responsable de la politique de la concurrence, l’Allemagne et Deutsche Post se sont déclarées disposées à fournir les données comptables concernant la période postérieure à l’année 1994.

(31)

Le 3 mars 2009, l’Allemagne a transmis une première série de données comptables pour l’ensemble de la période d’examen allant de 1990 à 2007.

(32)

Différentes réunions entre Deutsche Post et les services de la Commission ont été tenues, à savoir à Bruxelles, le 3 mars 2009, et à Bonn, les 12 mars, 2 avril, 28 mai, 23 juin et 18 septembre 2009. L’Allemagne a transmis les commentaires correspondants de Deutsche Post en date des 26 mars, 7 mai et 22 juin 2009.

(33)

À la suite de ces réunions et de toute une série de questions adressées à Deutsche Post par les services de la Commission en date des 4 juin et 30 juillet 2009, l’Allemagne a fourni des données comptables actualisées et un certain nombre d’autres précisions en date des 9 juillet, 31 juillet, 17 août, 8 septembre, 10 septembre et 15 octobre 2009.

(34)

Les 16 et 24 septembre 2009, les services de la Commission ont adressé de nouvelles questions à l’Allemagne qui y a répondu le 14 octobre 2009.

I.1.12.   Présentation de l’expertise du bureau WIK

(35)

En raison des retards encourus dans le cadre de la fourniture des données comptables, le contrat avec la société WIK a dû être prolongé plusieurs fois. La société WIK Consult a finalement présenté son expertise, le 9 novembre 2009 (ci-après l’«expertise WIK»).

(36)

Les 14 et 21 janvier 2010, l’Allemagne a transmis ses commentaires au sujet de l’expertise WIK. Le 11 février 2010, l’Allemagne a produit une expertise réalisée par KPMG sur la nature juridique des rétrocessions versées par Deutsche Post jusqu’en 1995 à l’État allemand (ci-après l’«expertise KPMG») (12), ainsi qu’une expertise effectuée par le bureau Deloitte (13) (ci-après l’«expertise Deloitte-I») relative au taux du bénéfice «raisonnable» sur lequel reposait l’expertise WIK.

(37)

Le 23 avril 2010, l’Allemagne a présenté une seconde expertise de Deloitte (ci-après l’«expertise Deloitte-II») dans laquelle ce dernier donnait son avis sur le niveau de bénéfice raisonnable à adopter pour les services universels de Deutsche Post.

(38)

Le 9 août 2010, l’Allemagne a en outre transmis différentes remarques sur le calcul de la surcompensation et sur l’application du principe de l’investisseur privé dans le cadre de l’appréciation des transferts publics.

I.1.13.   Observations à la suite de l’annulation de la décision négative de 2002

(39)

Le 5 novembre 2010, l’Allemagne a, par ailleurs, transmis une expertise juridique qui analysait l’importance pour la procédure d’enquête en cours de l’arrêt rendu dans l’affaire C-399/08, Commission contre Deutsche Post (voir le point I.3.5) (14).

I.1.14.   Décision d’extension de 2011

(40)

Par lettre du 10 mai 2011, la Commission a notifié à l’Allemagne sa décision d’étendre, au titre de l’article 108, paragraphe 2, du TFUE, la procédure initialement amorcée en 1999 et étendue en 2007, pour pouvoir effectuer un examen approfondi des subventions relatives aux retraites que Deutsche Post reçoit depuis 1995 (ci-après la «décision d’extension de 2011»).

(41)

Après avoir sollicité, le 23 mai 2011, une prolongation du délai accordé pour la présentation de ses observations, l’Allemagne les a finalement envoyées, le 29 juillet 2011, conjointement avec de nouvelles expertises, dont l’une sur la nécessité d’un calcul des surcompensations afin de prouver de prétendus subventionnements croisés (15), l’autre sur une comparaison des charges sociales effectivement supportées par Deutsche Post par rapport au niveau des charges sociales dans des conditions normales de marché (16) et une troisième sur l’évaluation du montant des surcoûts sociaux supportés par Deutsche Post par rapport au niveau normal des charges sociales sur le marché (17).

(42)

Des observations ont également été transmises par les parties intéressées, à savoir: par UPS, le 4 octobre 2011, par Free and FAIR Postal Postal Initiative (ci-après «FFPI») le 5 octobre 2011, et par le Bundesverband Internationaler Express und Kurierdienste [association des prestataires privés de services de messagerie et de livraison express du courrier et de colis; (ci-après «BIEK»)], le 7 octobre 2011. La Commission a transmis toutes ces observations à l’Allemagne en date du 13 octobre 2011.

(43)

Le 14 novembre 2011, l’Allemagne a présenté ses commentaires sur les observations précitées.

(44)

Le 18 novembre 2011, la Commission a adressé une nouvelle demande de renseignements à l’Allemagne en sollicitant des précisions sur le financement des droits de retraite pour la période postérieure à 2007. L’Allemagne a répondu à cette demande par lettres des 2 et 19 janvier 2012. En date du 16 décembre 2011, la Commission a envoyé à l’Allemagne une expertise de Charles River Associates consacrée à une méthode d’évaluation du bénéfice raisonnable sur la base d’une analyse comparative du bénéfice (18) (ci-après l’«expertise CRA»). À ce sujet, l’Allemagne a transmis ses observations le 16 janvier 2012.

I.2.   Procédure au titre de l’article 102 du TFUE

(45)

Sur la base de la plainte déposée par UPS en 1994, la Commission avait constaté qu’en raison de pratiques de prix d’éviction pour les services de colis dans le segment «entreprise vers consommateur», Deutsche Post avait violé l’article 102 du TFUE durant la période 1990–1995. Une sanction pécuniaire s’élevant à 24 millions d’EUR avait dès lors été infligée à Deutsche Post (19).

(46)

Sur le fondement de l’article 102 du TFUE, UPS avait déposé, le 22 avril 2004, une nouvelle plainte contre Deutsche Post pour abus d’une position dominante sur le marché. Selon UPS, Deutsche Post avait facturé ses services réglementés du courrier à des tarifs excessifs.

(47)

Au cours de son enquête, la Commission avait reçu, le 5 novembre 2004, des documents concernant la décision de l’Autorité nationale de régulation des postes et télécommunications (ci-après l’«Autorité nationale de régulation») relative aux tarifs maxima applicables aux services à tarifs réglementés de Deutsche Post à partir du 1er janvier 2003 (ci-après la «décision de plafonnement tarifaire de 2002»). Par lettre du 13 juin 2007, l’Allemagne a donné son consentement à l’utilisation de ces documents dans le cadre de la procédure d’aide d’État.

(48)

Le 25 mars 2008, la Commission a décidé de suspendre la procédure d’infraction aux règles de la concurrence, étant donné qu’il lui apparaissait improbable que la preuve d’une violation de l’article 102 du TFUE puisse être fournie (20).

I.3.   Procédures devant le Tribunal

I.3.1.   Affaire T-421/07 Deutsche Post AG contre Commission

(49)

En contestant la décision d’extension de 2007, Deutsche Post a allégué que la décision négative de 2002 avait fait naître la confiance légitime que la Commission ne reprendrait pas son enquête.

(50)

Le 8 décembre 2011, le Tribunal a rejeté cette contestation comme irrecevable (21).

I.3.2.   Affaires T-570/08 Deutsche Post AG contre Commission et T-571/08 Allemagne contre Commission

(51)

L’Allemagne et Deutsche Post ont contesté l’injonction de fournir des informations que la Commission avait adoptée le 30 octobre 2008, en soutenant que, dans ce cadre, des informations non pertinentes avaient été sollicitées et que l’injonction impliquait une charge de travail disproportionnée pour Deutsche Post.

(52)

Le 16 juillet 2010, le Tribunal a déclaré les deux recours précités comme irrecevables aux motifs que l’adoption de l’injonction de fournir des informations n’avait violé ni les droits procéduraux de Deutsche Post ni ceux de l’Allemagne.

I.3.3.   Affaires C-463/10 P Deutsche Post AG contre Commission et C-475/10 P Allemagne contre Commission

(53)

Le 27 septembre 2010, Deutsche Post et l’Allemagne ont formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal en maintenant leur avis selon lequel l’injonction de fournir des informations avait violé leurs droits. Le 13 octobre 2011, la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal du 16 juillet 2010 (22). L’affaire a donc été renvoyée au Tribunal pour qu’il statue; la procédure est encore pendante.

I.3.4.   Affaire T-344/10 UPS contre Commission

(54)

Le 20 août 2010, UPS a introduit un recours devant le Tribunal en invoquant une omission illégale de la part de la Commission dans le cadre de l’appréciation de l’aide d’État en 2007. Dans ce contexte, UPS a estimé que durant près de trois années, depuis la décision d’extension de 2007, la Commission avait eu largement le loisir d’examiner les aides en cause et d’apprécier les circonstances factuelles et juridiques pour adopter une décision finale et clore la procédure. La procédure est encore pendante.

I.3.5.   Affaire T-388/11 Deutsche Post AG contre Commission

(55)

Le 22 juillet 2011, Deutsche Post a contesté la décision d’extension de 2011 aux motifs que la Commission avait manifestement commis une erreur en considérant dans son appréciation provisoire que les subventions relatives aux retraites constituent une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE et une aide nouvelle au sens de l’article 108, paragraphe 1, du TFUE. Cette procédure est encore pendante.

II.   DESCRIPTION DÉTAILLÉE DES INTERVENTIONS PUBLIQUES

(56)

Depuis 1989, Deutsche Post bénéficie d’un soutien de l’État sous la forme de différentes mesures qui se déclinent comme suit:

financement par l’État des droits de retraite des fonctionnaires sur la base de la

Personalrechtsgesetz 1994 (23) (loi relative au personnel de l’ancienne Deutsche Bundespost, ci-après la «PostPersRG de 1994»)];

transferts publics et garanties publiques sur la base de la

Postverfassungsgesetz 1989 (24) (loi allemande sur l’organisation de la poste, ci-après la «PostVerfG de 1989»), et de la

Postumwandlungsgesetz 1994 (25) (loi sur la réorganisation de la poste en une société anonyme, ci-après la «PostUmwG de 1994»); et

droits exclusifs et une réglementation des tarifs sur la base de la

Gesetz über das Postwesen 1989 (26) (loi sur la poste, ci-après la «PostG de 1989»), et de la

Postgesetz 1997 (loi sur la poste, ci-après la «PostG de 1997»).

II.1.   Les subventions relatives aux retraites vues dans le contexte des prestations sociales et des régimes de contribution sociale applicables aux fonctionnaires et aux salariés de droit privé

(57)

Les subventions relatives aux retraites couvrent depuis 1995 une grande partie des versements dont Deutsche Post doit s’acquitter pour assurer le financement des pensions des fonctionnaires des services postaux à la retraite. Pour que l’évaluation à effectuer puisse intégralement saisir les effets desdites subventions, les points suivants examineront en détail les prestations et contributions sociales liées aux fonctionnaires en les comparant aux assurances sociales obligatoires applicables aux salariés sous contrat privé (ci-après les «salariés de droit privé»).

II.1.1.   Prestations sociales aux fonctionnaires

(58)

Les fonctionnaires ont droit à une retraite vieillesse et à une indemnité de maladie et de soins. Les prestations servies aux fonctionnaires de Deutsche Post sont équivalentes à celles accordées aux autres fonctionnaires.

Aux termes de l’article 14 de la loi sur la pension des fonctionnaires et des juges fédéraux et régionaux (ci-après la «BeamtVG») (27), le montant de la retraite est fixé à l’avance à un pourcentage précis du dernier traitement du fonctionnaire. Les fonctionnaires ayant pris leur retraite en 2010 et disposant du nombre requis d’années de travail reçoivent ainsi une pension correspondant à 71,75 % de leur dernier traitement.

Les fonctionnaires ont droit au remboursement de 50 à 70 % de leurs frais de santé et de soins; seuls les frais supérieurs à ce pourcentage sont à leur propre charge. La répartition exacte des frais de santé dépend de différents critères, et notamment du nombre d’enfants à charge. Pour couvrir la part des frais de santé qui est à leur charge, les fonctionnaires ont la possibilité d’opter entre la souscription d’une assurance complémentaire facultative, ou de s’en acquitter eux-mêmes.

II.1.2.   Financement des prestations sociales versées aux fonctionnaires de Postdienst au cours de la période 1989-1994

(59)

À la suite de la première réforme de la poste en 1989, les entités Postdienst, Telekom et Postbank étaient, conformément à l’article 54, paragraphe 2, de la PostVerfG de 1989, tenues de financer intégralement les retraites et les frais de santé des fonctionnaires à la retraite qui avaient été répartis entre elles sur la base des activités antérieures exercées par chaque fonctionnaire. Selon la même disposition les fonctionnaires continuent à disposer de droits envers l’État, mais celui-ci peut toutefois exiger que Postdienst, Telekom et Postbank lui versent la totalité du montant correspondant à ces droits.

II.1.3.   Financement des prestations sociales pour les fonctionnaires rattachés à DPAG depuis 1995

(60)

Dans le cadre de la seconde réforme de la poste en 1994, les fonctionnaires qui avaient travaillé pour Postdienst ont été repris par DPAG en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la PostPersRG de 1994. En vertu du paragraphe 3 du même article, les fonctionnaires conservaient leur statut juridique. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la loi précitée, DPAG a repris tous les droits et toutes les obligations de l’État en tant qu’employeur, et au titre de l’article 2, paragraphe 3, de ladite loi, tous les droits pécuniaires des fonctionnaires.

(61)

Conformément à l’article 15 de la loi précitée, le versement des retraites et des indemnités de santé dues aux fonctionnaires à la retraite a été pris en charge par un fonds de pension nouvellement créé pour les fonctionnaires de Deutsche Post. Le 1er juillet 2001, les fonds de pension pour Deutsche Post, Deutsche Telekom AG et Postbank AG ont été regroupés en une caisse de prévoyance pour les fonctionnaires de la poste (ci-après désignée pour toute la période à partir du 1er janvier 1995 sous l’appellation «fonds de pension»).

(62)

En vertu de l’article 16, paragraphe 1, de la même loi, au cours de la période 1995-1999, Deutsche Post était tenue de verser au fonds de pension une contribution annuelle de 2 045 millions d’EUR, soit au total 10 225 millions d’EUR. Depuis l’an 2000, la contribution de Deutsche Post au fonds de pension est fixée sur la base de l’article 16, paragraphe 2, de la PostPersRG de 1994, à une contribution de 33 % des traitements payés aux fonctionnaires (ci-après les «salaires des fonctionnaires»), (soit une contribution s’élevant, en l’an 2000, à 735 millions d’EUR, et à 540 millions d’EUR en 2010).

(63)

Conformément à l’article 16, paragraphe 2, de la PostPersRG de 1994, les subventions relatives aux retraites couvrent le déficit résiduel (c’est–à–dire la différence entre les retraites versées aux fonctionnaires et la contribution de Deutsche Post au fonds de pension). Les subventions relatives aux retraites sont ainsi passées de 151 millions d’EUR (1995) à 3 203 millions d’EUR (2010), en atteignant un montant total de 37 121 millions d’EUR pour la période 1995-2010.

Graphique 1

Financement du fonds de pension (en millions d’EUR)

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II.1.4.   Assurances sociales obligatoires pour les salariés de droit privé, et assurance retraite complémentaire pour le personnel contractuel, salarié de droit privé, de Deutsche Post

(64)

Les salariés de droit privé sont assujettis au régime général de sécurité sociale et doivent contracter quatre assurances obligatoires, à savoir: retraite, chômage, maladie et soins (28). Les régimes de sécurité sociale obligatoire pour les salariés de droit privé prévoient une tout autre protection en matière de retraite et de maladie que celle applicable aux fonctionnaires. En effet,

le montant de la retraite d’un salarié de droit privé n’est pas calculé en fonction d’un pourcentage du dernier salaire mensuel, mais sur la base du taux du salaire moyen annuel d’une carrière (ci-après le SAM),

les frais de maladie et de soins sont entièrement couverts.

(65)

Des différences substantielles existent également par rapport aux régimes applicables aux fonctionnaires en ce qui concerne le financement des prestations sociales. Les assurances sociales obligatoires pour les salariés de droit privé sont financées à partir des contributions versées par le salarié et par l’employeur tout au long de la période d’emploi (ci-après les «contributions sociales obligatoires»); le taux de contribution totale étant pratiquement ventilée pour moitié entre le salarié (contribution du salarié) et l’employeur (contribution de l’employeur). L’employeur est toutefois formellement tenu de verser aux assurances sociales la totalité des cotisations.

Graphique 2

Taux des contributions sociales obligatoires en pourcentage du salaire brut d’un salarié de droit privé (à ce sujet, voir aussi l’annexe)

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(66)

Le graphique 2 montre que le taux des contributions sociales obligatoires est passé de 38 % en 1995 à 42 % du salaire brut (= salaire net + contribution de l’employeur). Les contributions respectives de l’employeur et du salarié aux assurances sociales obligatoires étaient comprises entre 19 % et 21 % du salaire brut (voir à ce sujet, la série chronologique détaillée qui figure en annexe).

(67)

Les agents contractuels de Deutsche Post ont bénéficié non seulement du régime de sécurité sociale obligatoire, mais également d’une assurance retraite complémentaire. En effet, les agents recrutés avant 1997 se sont vus offrir la possibilité de contracter une assurance retraite complémentaire leur permettant d’obtenir une retraite comparable à une pension de fonctionnaire. Cette assurance retraite complémentaire couvrait ainsi la différence entre la retraite légale d’un agent contractuel, correspondant à un taux déterminé du SAM, et la pension d’un fonctionnaire, correspondant à un taux déterminé de son dernier traitement. Les dispositions exactes sont fixées dans le statut de la caisse de prévoyance de Deutsche Bundespost (Versorgungsanstalt der Deutschen Bundespost, ci-après la «VAP») (29).

(68)

Jusqu’en 1997, Deutsche Post a financé la retraite complémentaire de ses agents contractuels à la retraite à raison d’une contribution de l’ordre de [5 % à 10 %] (30) du salaire brut d’un agent contractuel en activité. À partir de 1997, Deutsche Post a constitué des provisions pour les engagements latents de la VAP (voir aussi la description de la charge # 4 au point II.3.1.3).

(69)

À partir de 1997, la retraite complémentaire proposée aux agents contractuels nouvellement recrutés était nettement plus faible. Pour cette retraite, Deutsche Post a versé au cours de la période 1997-2007 un montant compris entre [0 % et 5 %] du salaire brut.

II.2.   Transferts publics et garanties publiques vus dans le contexte des droits exclusifs et des obligations de service universel de Deutsche Post

II.2.1.   Licence exclusive jusqu’en 2007

(70)

Avant 1998, la création et la gestion d’entreprises exerçant une activité d’acheminement à titre onéreux du courrier étaient entièrement réservées à Deutsche Post, en vertu de l’article 2 de la PostG de 1989. Les autres services postaux, par contre, comme l’acheminement de paquets, de journaux ou de revues ne lui étaient pas réservés, mais ouverts à la concurrence. Aux termes de l’article 37 de la PostVerfG de 1989, les bénéfices résultant des services réservés de la poste aux lettres doivent être utilisés pour financer les pertes des services universels dans le domaine ouvert à la concurrence. En vertu de l’article 4 de la loi régissant les services de télécommunication et postaux du 14 septembre 1994 [ci-après la «PTRegG de 1994» (31)], les tarifs pour les services réservés du courrier étaient soumis à l’autorisation du ministre fédéral des postes et télécommunications compétent en la matière.

(71)

À partir de 1998, année de l’entrée en vigueur de la PostG de 1997, le volume des services réservés de Deutsche Post a été progressivement réduit. Selon l’article 51 de ladite loi, les droits exclusifs de Deutsche Post s’étendaient encore en 1997 aux lettres et catalogues adressés d’un poids maximal de 200 grammes. Par la suite, toutefois la limite de poids a connu des baisses successives pour atteindre 50 grammes en 2006. La licence exclusive a expiré au 31 décembre 2007.

II.2.2.   L’obligation de service universel jusqu’en 2007

(72)

L’obligation de fournir des services universels a été transférée formellement à Deutsche Post par deux actes, à savoir:

par le règlement sur les prestations obligatoires (Postdienst-Pflichtleistungsverordnung (32); (ci-après le «PPflLV»), qui attribuait à Deutsche Post, en qualité de prestataire de services universels la mission d’acheminer les lettres et les colis ne dépassant pas 20 kg et de fournir les services correspondants dans toute l’Allemagne à des tarifs uniformes, et

par la PostG de 1997 et le décret d’application de 1999 (33) qui l’accompagne (ci-après le «décret sur le service postal universel de 1999») qui ont prolongé le mandat de DPAG en ce qui concerne la fourniture de services universels.

(73)

À l’article 11 de la PostG de 1997, les services universels sont définis comme un ensemble minimal de services postaux à fournir sur l’ensemble du territoire à des prix abordables. Ces services comprennent l’acheminement des lettres, des colis de moins de 20 kg, des livres, des catalogues, des journaux et des revues (ci-après les «services universels»).

(74)

Le décret sur le service postal universel de 1999 fixe les exigences de qualité minimales prévues pour les services universels de la façon suivante:

sur tout le territoire fédéral, il doit exister au moins 12 000 bureaux de poste stationnaires,

en glissement annuel, 80 % des lettres et colis doivent être distribués dans des délais précis (un jour ouvré pour les lettres et deux jours ouvrés pour les colis), en outre une distribution doit être effectuée au moins une fois par jour ouvré,

bien que d’une manière générale, les prix des services universels doivent être abordables, pour les services aux lettres fournis dans le cadre de sa licence exclusive expirant en 2007, DPAG était tenue d’appliquer des tarifs uniformes. Dans le domaine des services réservés, DPAG jouit néanmoins d’une certaine souplesse en matière de prix, étant donné qu’elle peut conclure des accords de prix individuels avec les clients dans le cas d’un dépôt minimal de 50 unités par opération.

(75)

L’article 52 de la PostG 1997 a prolongé le mandat de DPAG concernant la fourniture de services universels jusqu’au 31 décembre 2007, c’est-à-dire jusqu’à l’expiration de sa licence exclusive relative aux services du courrier. Depuis l’expiration de cette licence, l’obligation de fournir des services universels n’est plus imposée à un opérateur postal précis en Allemagne, ce qui signifie que tous les prestataires de services postaux («forces présentes sur le marché») sont chargés de fournir des services universels. La PostG de 1997 prévoit des instruments pour garantir la fourniture de tels services, chaque fois qu’il est établi ou présumé qu’une prestation de service universel n’est pas suffisante ou inappropriée.

(76)

Ainsi qu’il ressort de l’expertise WIK (voir le graphique 3), 88 % environ des recettes totales réalisées entre 1990 et 2007 provenaient des services universels. En raison de la position dominante de Deutsche Post, les services universels du courrier étaient, en majorité, assujettis à une réglementation tarifaire (voir le point II.2.1). Outre ces services réglementés qui représentaient 62 % environ de l’ensemble des recettes, Deutsche Post fournissait, en concurrence avec d’autres prestataires, les services universels de colis (soit quelque 15 % du total des recettes) ainsi que différents services universels non réglementés du courrier (11 % environ des recettes totales).

(77)

Par ailleurs, Deutsche Post offrait également des services commerciaux (services de banque de détail pour la Postbank, services de vente pour Telekom, distribution du courrier non adressé, par exemple). Ces services commerciaux représentaient au cours de la période 1990-2007 environ 12 % des recettes totales de Deutsche Post.

II.2.3.   Les transferts publics

(78)

Depuis sa fondation en 1950, Deutsche Bundespost était un actif spécial de l’État. Selon le droit administratif allemand, un actif spécial n’a aucune personnalité juridique indépendante de celle de l’État, mais il dispose néanmoins d’un budget propre et ne répond pas des dettes générales de l’État.

(79)

La première réforme de la poste de 1989 prévoyait une scission de l’actif spécial en trois secteurs distincts: Postdienst, Postbank et Telekom, qui étaient qualifiés d’«entreprises publiques», mais qui ne disposaient pas encore d’une personnalité juridique indépendante de l’État.

(80)

Conformément à l’article 37, paragraphes 2 et 3, de la PostVerfG de 1989, chacune des trois entités précitées devait financer à partir de ses propres recettes la totalité des services qu’elle proposait, mais un financement croisé était autorisé entre elles, dans la mesure où les pertes réalisées résultaient de l’obligation de service universel. Sur cette base, au cours de la période 1990-1993, Postdienst avait reçu de Telekom une compensation de 2 844 millions d’EUR pour couvrir ses pertes.

(81)

Dans le cadre de la deuxième réforme de la poste, les trois secteurs précités de l’actif spécial ont été transformés au 1er janvier 1995 en sociétés anonymes: Postdienst est devenu la DPAG, Postbank la Postbank AG et Telekom la Telekom AG. En vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la PostUmwG de 1994, la société Telekom AG a repris à son compte tous les engagements envers les banques de crédit qui concernaient l’actif spécial dans son ensemble, mais dans ce contexte, elle disposait d’un droit de recours envers DPAG et Postbank AG, dans la mesure où lesdits engagements étaient imputables aux prédécesseurs de ces dernières.

(82)

Pour les créances à hauteur des pertes cumulées de Postdienst au 31 décembre 1994, l’article 7 de la PostUmwG de 1994 a toutefois éteint les droits à toute action récursoire (au titre de l’article 2, paragraphe 2, de la même loi) de la Telekom AG envers DPAG, ce qui a conduit à un transfert d’actifs de 2 822 millions d’EUR, de la Telekom AG à DPAG. Selon l’Allemagne, ce transfert de Telekom AG, comme les transferts précédents fondés sur l’article 37, paragraphe 3, de la PostVerfG de 1989, étaient indispensables à DPAG pour l’accomplissement de son obligation de service universel.

(83)

Entre 1990 et 1994, Postdienst a reçu au total 5 666 millions d’EUR en compensation de son obligation de fournir des services universels.

II.2.4.   Garantie publique pour les titres de dettes émis avant 1995

(84)

En vertu de l’article 22, paragraphe 4, de la PostVwG de 1953 (34), depuis 1953, les titres de dettes émis par Deutsche Bundespost ont la même valeur que les titres de dettes émis par l’État fédéral. La PostVerfG de 1989, qui a remplacé la PostVwG de 1953, a repris cette disposition en son article 40.

(85)

Après la création en 1989 des trois secteurs distincts, l’émission des titres de dettes n’était plus effectuée par Postdienst, mais par la Postbank qui gérait de manière autonome les transactions de cette nature pour toutes les entités de Deutsche Bundespost. Lesdits titres étaient ensuite attribués à Postdienst, à Telekom et Postbank en fonction de leurs besoins financiers respectifs.

(86)

Après 1995, l’Allemagne a continué, en vertu de l’article 2, paragraphe 4, de la PostUmwG de 1994, à se porter garant de tous les engagements que Deutsche Bundespost avait contractés avant 1995 et qui avaient ensuite été attribués à Postdienst, Telekom et POSTBANK. L’Allemagne n’assumait toutefois aucune garantie pour les titres de dettes émis par DPAG à une période ultérieure.

II.3.   Compensation supplémentaire des coûts des retraites et des coûts nets des services universels au moyen des recettes des services réglementés

(87)

La PostG de 1997 confère, par ailleurs, à la Bundesnetzagentur (agence fédérale des réseaux; ci-après l’«Autorité nationale de régulation») la mission de surveiller les marchés réservés et libéralisés du courrier. En vertu de l’article 19 de la PostG de 1997, la réglementation des tarifs appliqués par Deutsche Post sur les marchés du courrier où elle dispose d’une position dominante relève de la compétence de l’Autorité nationale de régulation. Deutsche Post occupait une telle position dominante non seulement dans le secteur des services réservés (conformément à l’article 51 de la PostG de 1997), mais également dans presque tous les autres domaines liés aux services du courrier qui étaient déjà ouverts à la concurrence. La régulation des tarifs peut avoir lieu soit ex ante par fixation d’un plafond («plafonnement tarifaire») soit ex post par le biais de contrôles des tarifs appliqués.

(88)

Il ressort des analyses du marché effectuées par l’Autorité nationale de régulation que sur les marchés du courrier à tarifs réglementés, Deutsche Post détenait en moyenne une part de 90 % à 97 %. Dans son dernier rapport, ladite autorité déplore que l’ouverture progressive des marchés amorcée en 1997 n’ait pas permis de créer une concurrence opérationnelle sur le marché du courrier allemand (35).

(89)

Les recettes réalisées par Deutsche Post provenaient en majorité des services du courrier à tarifs réglementés [soit 62 % environ de ces recettes totales pour la période 1990-2007 (voir le graphique 3), et 56 % environ pour la période 2008-2010].

(90)

Tous les autres services universels et commerciaux qui ne relèvent pas des articles 19 à 27 de la PostG de 1997 (36) relatifs à la réglementation tarifaire sont désignés ci-après par «services non réglementés».

(91)

S’agissant des services du courrier à tarifs réglementés, l’article 20, paragraphes 1 et 2, de la Post 1997 fixe que les tarifs doivent être établis en fonction des coûts d’une prestation de services efficace. Néanmoins, chaque fois que cela est objectivement justifié, l’Autorité nationale de régulation doit raisonnablement tenir compte, entre autres,

des coûts occasionnés par la fourniture de services postaux sur l’ensemble du territoire, et

des coûts pour les prestations de retraite et d’assurance-maladie liés au personnel repris de Postdienst.

(92)

Sur la base de l’article 57 de la PostG de 1997 et de l’instruction générale du ministère fédéral de l’économie et de la technologie du 27 mars 2000, les tarifs réglementés ont été gelés au niveau de 1997 jusqu’au 31 décembre 2002.

II.3.1.   La décision de plafonnement tarifaire de 2002

(93)

En 2002, l’Autorité nationale de régulation a adopté, pour la toute première fois, une décision fixant un plafond pour les tarifs réglementés du courrier («Maßgrößenentscheidung») à partir du 1er janvier 2003 jusqu’au 31 décembre 2007 (ci-après la «décision de plafonnement tarifaire de 2002»). Cet encadrement tarifaire appelé «encadrement plafonnement tarifaire» est une procédure visant à réglementer les prix d’un panier de prestations, de telle sorte qu’au lieu de contrôler les prix de chaque service, c’est la moyenne pondérée de tous les prix du panier concerné qui est fixé en tant que plafond. Aux termes de l’article 19 de la PostG de 1997, le plafonnement tarifaire fixé ex ante se rapportait à tous les services postaux pour lesquels Deutsche Post détenait une position dominante sur le marché.

(94)

Aux fins de la décision de plafonnement tarifaire de 2002, Deutsche Post avait pour la première fois transmis à l’Autorité nationale de régulation un rapport de comptabilité analytique réglementaire (ci-après la «CR de 2002») qui couvrait la période 1998-2006. Cette CR reposait sur les résultats réalisés jusqu’en 2001 et sur les prévisions effectuées pour les années suivantes.

(95)

En 2002, Deutsche Post a fait valoir des surcoûts, dits «charges», liés à l’obligation de service universel et à l’emploi des fonctionnaires et agents contractuels qu’elle avait repris de Postdienst. Selon Deutsche Post, ces charges correspondent à des coûts qu’elle n’aurait pas encourus en l’absence de l’obligation de service universel, d’une part, et de la reprise du personnel et de l’infrastructure de Postdienst, d’autre part (voir la liste détaillée qui figure au tableau 1).

Tableau 1

Charges reconnues dans le cadre de la décision de plafonnement tarifaire de 2002 (en millions d’EUR, valeurs nominales)

#

Charges ressortant de la décision de plafonnement tarifaire 2002

Charges moyennes (1998-2006) en millions d’EUR

%

1

Salaires ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal

[…]

[…]

2

Charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal

[…]

[…]

3

Charges liées aux infrastructures, agences postales

[…]

[…]

4

Assurance retraite complémentaire pour le personnel contractuel [VAP (caisse de prévoyance de Deutsche Bundespost)]

[…]

[…]

5

Charges liées aux infrastructures, transport

[…]

[…]

6

Charges sociales et frais de santé (BAnstPT - inst. féd. de la poste et des télécommunications)

[…]

[…]

7

Restructuration des ressources humaines

[…]

[…]

8

Couverture du déficit de la caisse maladie des fonctionnaires

[…]

[…]

 

Charges totales moyennes

[…]

100 %

(96)

L’Autorité nationale de régulation a finalement accepté les arguments de Deutsche Post selon lesquels les charges qu’elle invoquait n’auraient pas été encourues en l’absence de l’obligation de service universel (charges # 3 et 5, coûts de service universel) et si l’obligation de reprendre les fonctionnaires et les agents contractuels de Postdienst (charges # 1, 2, 4, 6, 7 et 8) ne lui avait pas été imposée. En conséquence, ladite autorité a autorisé des tarifs réglementés du courrier plus élevés afin que les charges annuelles moyennes invoquées pour la période 2002-2006 s’élevant à […] millions d’EUR puissent être financées à partir des recettes découlant des services réglementés du courrier. D’après la décision de plafonnement tarifaire de 2002, 100 % des charges sont imputées sur les prix pour lesquels un plafond est fixé ex ante.

II.3.1.1.   Salaires de base ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal (charge # 1)

(97)

La charge # 1 correspond à la différence invoquée entre le niveau élevé des salaires de base du personnel employé aux services postaux par rapport au niveau moyen de la branche. La référence utilisée par Deutsche Post en tant que niveau des salaires «habituels dans un contexte concurrentiel» était constituée par les salaires fixés dans une convention tarifaire conclue avec les syndicats pour les agents contractuels nouveaux recrutés après 2002. Cette référence est toutefois appliquée à tout le personnel pour le calcul de la charge # 1. En outre, elle est appliquée rétroactivement jusqu’en 1998 dans tous les calculs de la comptabilité analytique transmise.

II.3.1.2.   Charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal (charge # 2)

(98)

L’Autorité nationale de régulation a également accepté l’argument de Deutsche Post selon lequel elle doit supporter des contributions sociales pour son personnel contractuel et ses fonctionnaires qui dépassent celles que ses concurrents assument normalement dans le secteur privé pour leurs salariés.

(99)

Dans ses calculs Deutsche Post part d’un taux de contribution réglementaire de sécurité sociale (ci-après le «taux CR») qu’elle considère «normal dans un contexte concurrentiel» tant pour le personnel statutaire que pour les agents contractuels. Ce taux CR est défini comme étant la somme des contributions suivantes:

contribution de l’employeur aux assurances sociales pour un salarié de droit privé (de 19 % à 21 % environ, soit approximativement la moitié du taux de contribution sociale totale, comme illustré au graphique 2),

contribution à l’assurance accident (de l’ordre de [0 % à 5 %]; depuis 2001, Deutsche Post a inséré cette contribution dans le taux CR), et

contribution à l’assurance retraite complémentaire (de l’ordre de [0 % à 5 %]; depuis 1997, Deutsche Post a inséré cette contribution dans le taux CR aux motifs qu’une contribution de cet ordre de grandeur est «normale dans un contexte concurrentiel». Ledit taux est basé sur l’assurance retraite complémentaire que Deutsche Post offre depuis 1997 aux agents contractuels nouvellement embauchés).

(100)

Les recettes des services à tarifs réglementés financent toutes les contributions sociales qui dépassent le taux CR (ci-après les «contributions sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal»). Sur la base du calcul des charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal versées pour les fonctionnaires en 2001, le tableau 2 montre, à titre d’exemple, que les coûts encourus au titre de la contribution sociale pour les fonctionnaires atteignaient presque le double de ceux, qualifiés de «normaux», calculés sur la base du taux CR».

Tableau 2

Calcul des charges sociales associées au personnel statutaire, ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal, versées en 2001, sur la base de la CR de 2002 (en millions d’EUR)

 

 

 

 

 

% des salaires des fonctionnaires

(1)

 

Taux de contribution au fonds de pension

33 %

 

 

(2)

 

Somme des salaires des. fonctionnaires

[…]

 

 

(3)

=(1)*(2)

Contribution au fonds de pension

[…]

 

 

(4)

 

Frais de santé

[…]

 

 

(5)

=(3)+(4)

Charges sociales

 

[…]

[40 % à 45 %]

(6)

 

Cotisation de l’employeur aux assurances sociales

20,43 %

 

 

(7)

 

Assurance accident

[…]

 

 

(8)

 

Assurance retraite complémentaire

[…]

 

 

(9)

=(6)+(7)+(8)

Taux CR

[…]

 

 

(10)

=(2)*(9)

Charges sociales réglementaires de référence

 

[…]

[20 % à 25 %]

(11)

=(5)-(10)

Charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal

 

[…]

[15 % à 20 %]

(101)

Les coûts encourus par Deutsche Post au titre de la contribution sociale comprennent la contribution au fonds de pension de 33 % des salaires des fonctionnaires en activité (ou respectivement, en ce qui concerne la période 1995-1999, le versement forfaitaire annuel de 2 045 millions d’EUR) ainsi que la contribution aux frais de santé des fonctionnaires. En 2001, ces contributions sociales représentaient [40 % à 45 %] de la somme des salaires des fonctionnaires.

(102)

Bien que le taux de contribution sociale soit défini sous la forme d’un pourcentage du salaire brut d’un salarié de droit privé (salaire net + contribution du salarié aux assurances sociales), Deutsche Post calcule la contribution sociale réglementaire de référence en multipliant le taux CR de [20 % à 25 %] avec les salaires du personnel statutaire.

II.3.1.3.   Assurance retraite complémentaire pour le personnel contractuel (charge # 4)

(103)

La charge # 4 vise à compenser la constitution de provisions pour les engagements contractés avant à 1997 dans le cadre du régime d’assurance retraite complémentaire VAP pour le personnel contractuel de Deutsche Post.

(104)

Comme expliqué au point II.1.4, Deutsche Post avait proposé aux agents contractuels qui avaient été recrutés avant 1997 une assurance retraite complémentaire, afin de leur garantir une retraite comparable à la pension d’un fonctionnaire. À cet égard, toutefois, Postdienst n’avait constitué aucune provision pour le versement futur des retraites. Des provisions à hauteur de 8 153 millions d’EUR n’ont été constituées au bilan qu’après la création de DPAG.

II.3.1.4.   Autres charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal (charges # 6, 7 et 8)

(105)

La charge # 6 comprend la contribution de Deutsche Post à l’institut fédéral des postes et télécommunications (Bundesanstalt für Post und Telekommunikation - BanstPT) qui fournit certaines prestations sociales aux fonctionnaires et agents contractuels repris de Postdienst (logements, par exemple). La charge # 7 se rapporte aux cotisations versées par Deutsche Post en couverture du déficit de l’assurance-maladie pour les fonctionnaires. La charge # 8 (restructuration des ressources humaines) concerne tant le personnel statutaire que le personnel contractuel.

II.3.1.5.   Charges de service universel (# 3 et 5)

(106)

Ces charges reflètent les économies de coûts que Deutsche Post aurait pu réaliser si elle avait orienté la conception de son réseau d’agences postales et de distribution de colis sur des considérations commerciales. Les économies de coûts sont calculées à titre d’exemple sur la base du nombre contrefactuel d’agences postales que Deutsche Post exploiterait en l’absence de l’obligation de service universel.

II.3.2.   Les décisions de plafonnement tarifaire de 2007 et 2011

(107)

Le 7 novembre 2007, l’Autorité nationale de régulation a approuvé le plafond déterminé pour la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011 (ci-après la «décision de plafonnement tarifaire de 2007»). Le 14 novembre 2011, elle a donné son accord pour celui applicable à la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 (ci-après la «décision de plafonnement tarifaire de 2011»).

(108)

Depuis la décision de plafonnement tarifaire de 2007, les tarifs applicables à l’expédition de plus de 50 lettres ne sont plus contrôlés ex ante, mais font l’objet d’un contrôle ex post, conformément à l’article 25 de la PostG de 1997 (37). Les tarifs pour les autres services postaux pour lesquels Deutsche Post détient une position dominante continuent à faire l’objet d’une autorisation ex ante au titre de l’article 19 de la PostG de 1997.

(109)

Dans le cadre de la présente décision, la Commission désigne sous l’appellation «services à tarifs réglementés» les services pour lesquels Deutsche Post détient une position dominante et qui font l’objet d’un contrôle des tarifs ex ante au sens de l’article 19 de la PostG de 1997, ou ex post au titre de l’article 25 de la même loi. Tous les autres services dans le secteur desquels Deutsche Post n’a aucune position dominante et qui ne sont pas soumis à un contrôle des tarifs sont en revanche désignés par «services non réglementés».

(110)

Deutsche Post a continué à faire valoir les coûts qu’elle a dû supporter pour des salaires et des charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal (ci-après surcoûts) à la suite de la reprise du personnel de Postdienst, (en moyenne, par exemple charge #2, pour surcoûts sociaux […] millions d'EUR, à partir de 2008), ainsi que les charges liées à l’obligation de service universel. Comme dans la décision de plafonnement tarifaire de 2002, l’Autorité nationale de régulation a, de nouveau, autorisé que ces charges soient couvertes à partir des recettes des tarifs réglementés et, en conséquence, fixé un plafonnement tarifaire plus élevé. Il s’ensuit que dans les décisions de plafonnement tarifaire de 2002, 2007 et 2009, l’autorité précitée n’a pas modifié sa position quant à la reconnaissance de ces charges en ce qui concerne les services non réglementés.

II.4.   Résultats financiers de DPAG

(111)

Les résultats financiers de DPAG au cours des exercices 1995 à 2006 sont illustrés au tableau 2 de la décision d’extension de 2007. Tandis que les résultats obtenus au cours des exercices 1995-1999 étaient mitigés avec une alternance de pertes au cours de certaines années et de bénéfices pour d’autres, pour les exercices 2000 à 2006, la DPAG a affiché de manière constante des bénéfices compris entre un et deux milliards d’EUR avant impôt.

(112)

Au cours des exercices 2007 à 2010, les résultats nets réalisés par DPAG se présentaient comme suit: 1,8 milliard d’EUR en 2007; - 2,0 milliards d’EUR en 2008; 0,7 milliard d’EUR en 2009; et 2,6 milliards d’EUR en 2010.

(113)

Les bilans publiés par DPAG ne permettent aucune allocation des résultats en fonction des différents services fournis. Sur la base de ces documents, il n’est donc pas possible de savoir si les services universels à tarifs réglementés étaient déficitaires ou s’ils avaient permis de réaliser des bénéfices.

III.   MOTIFS DE L’OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

(114)

Ainsi que le Tribunal l’a confirmé dans son arrêt relatif à l’affaire T-421/07 (38), toutes les mesures examinées depuis la décision d’ouverture de 1999 font partie de la procédure qui a été prolongée par la décision d’extension de 2007.

III.1.   Les subventions relatives aux retraites

(115)

La décision d’extension de 2011 a constaté que les subventions relatives aux retraites constituent une aide nouvelle, car avant 1995, c’est-à-dire avant la réforme des retraites, Deutsche Post devait intégralement financer les charges dues aux retraites à partir de ses propres ressources. Par ailleurs, la décision d’extension de 2011 a rejeté l’argument de l’Allemagne qui, en s’appuyant sur l’arrêt Combus (39), soutenait que les subventions relatives aux retraites ne sont pas une aide d’État.

(116)

Dans le cadre de l’examen visant à déterminer si les subventions concernées sont, en tant qu’instrument de compensation de charges historiques liées aux retraites des fonctionnaires, compatibles avec le marché intérieur, (entre autres, conformément à la décision relative à La Poste française; ci-après la «décision relative à La Poste») (40), la Commission a tenu compte dans la décision d’extension de 2011 du fait que les surcoûts sociaux invoqués (charge # 2 – contributions sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal, par exemple) n’étaient pas seulement compensés par lesdites subventions, mais également par les recettes résultant des tarifs réglementés.

(117)

Les calculs effectués dans la décision d’extension de 2011, qui tenaient compte des deux éléments compensateurs précités, ont montré que Deutsche Post a en réalité bénéficier de taux de contribution sociale qui étaient de 10 à 14 points de pourcentage inférieurs à ceux correspondant au montant total des contributions sociales obligatoires (contribution de l’employeur + contribution du salarié) supporté par les concurrents privés.

(118)

Dans la décision d’extension précitée, la Commission a par conséquent exprimé des doutes quant à la compatibilité des subventions relatives aux retraites à titre de compensation de charges historiques liées aux retraites des fonctionnaires, au sens de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE.

III.2.   Compensation pour la fourniture de services universels

(119)

Pour fonder la compatibilité des transferts publics et la garantie publique à titre de compensation de l’obligation de service universel, l’Allemagne s’appuie sur l’article 106, paragraphe 2, du TFUE.

(120)

Dans sa décision d’extension de 2007, la Commission a considéré sur la base de l’arrêt Altmark (41) que les transferts publics et la garantie publique accordée constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.

(121)

Dans la décision d’extension de 2007, la Commission a signalé qu’elle doutait que les transferts publics et les garanties publiques aient été nécessaires à l’accomplissement des obligations de service universel et proportionnées à cet objectif. En particulier, elle a considéré nécessaire de vérifier l’allocation des coûts des services universels et des services commerciaux sur la base des principes définis dans l’encadrement communautaire de 2005. Dans la même décision, la Commission avait en outre émis des doutes quant à la détermination d’un bénéfice raisonnable vu qu’il fallait tenir compte de la rentabilité moyenne du secteur concerné et des risques auxquels Deutsche Post se trouvait exposée.

IV.   EXPERTISE WIK

(122)

L’expertise WIK a été commandée par la Commission dans le cadre de la vérification de la comptabilité de Deutsche Post se rapportant à la période 1990-2007, afin d’établir si Deutsche Post avait été surcompensée pour l’accomplissement de ses obligations de services universels. Les tâches confiées à WIK Consult GmbH étaient en particulier les suivantes:

détermination du bénéfice raisonnable de référence,

vérification de l’allocation interne des coûts et des accords sur les prix de transfert, et

calcul de la surcompensation pour les coûts nets de l’obligation de service universel.

IV.1.   Description de la comptabilité analytique réglementaire de 2009

(123)

À la suite de l’injonction de fournir des informations adoptée par la Commission en date du 30 octobre 2008, l’Allemagne a finalement transmis en 2009 un dossier complet de sa comptabilité analytique réglementaire pour la période 1990-2007 (ci-après la CR de 2009).

IV.1.1.   Les recettes

(124)

Les recettes de Deutsche Post peuvent être ventilées en trois grandes catégories, qui sont les suivantes:

Services universels du courrier à tarifs réglementés (62 % des recettes totales de la période 1990-2007)

Les services à tarifs réglementés du courrier comprennent tous les services universels fournis sur les marchés où Deutsche Post détenait une position dominante, y compris les services pour lesquels elle bénéficiait de droits exclusifs. Au cours de la période 1990-2007, ces services représentaient 62 % environ des recettes totales réalisées par Deutsche Post (42).

Services universels non réglementés (26 % des recettes totales de la période 1990-2007)

Les services universels pour les colis ont toujours été fournis sur les marchés ouverts à la concurrence sur lesquels Deutsche Post ne détenait qu’une part de 30 % en moyenne. Au cours de la période 1990-2007, les services universels pour colis représentaient 15 % des recettes totales réalisées par Deutsche Post.

À partir des services universels non réglementés du courrier (catalogues, poste transfrontalière, par exemple), Deutsche Post a réalisé environ 11 % de ses recettes totales.

Services commerciaux non réglementés (12 % des recettes totales de la période 1990-2007)

Deutsche Post a utilisé son réseau d’agences postales non seulement pour la distribution de services postaux, mais également pour la vente de produits et de prestations de la Postbank AG et, dans une moindre mesure, de Deutsche Telekom. À partir de ces services commerciaux, elle a réalisé environ 6 % de ses recettes totales.

Les services commerciaux de distribution de colis et de lettres (envois publicitaires adressés, par exemple) totalisaient quelque 4 % des recettes totales de Deutsche Post.

En outre, Deutsche Post fournissait toute une palette de différentes prestations, au titre de sa fonction de holding de filiales internationales exerçant leurs activités dans d’autres domaines (Danzas, DHL, par exemple). À partir de ces différents services commerciaux, elle a réalisé environ 2 % de ses recettes totales.

Graphique 3

Taux moyen des recettes réalisées au cours de la période 1990-2007 (sur la base de leurs valeurs nominales)

Image

(125)

L’expertise WIK traite seulement les services commerciaux qui ont été fournis par l’entité juridique DPAG et son prédécesseur Postdienst en liaison avec les services universels. Les services commerciaux (comme les opérations express internationales de DHL) qui ont été fournis par d’autres entités juridiques à l’intérieur du réseau mondial de Deutsche Post [Deutsche Post World NET (ci-après le «DPWN»)] ne faisaient pas partie de l’analyse.

IV.1.2.   Le calcul des charges dans la CR de 2009

(126)

À la différence des CR que Deutsche Post avait présentées à l’Autorité nationale de régulation dans le cadre des décisions de plafonnement tarifaire de 2002, 2007 et 2011, la CR de 2009, qui n’a jamais été soumise à cette autorité, contient un volume de charges considérablement plus élevé que Deutsche Post attribue aux services à tarifs réglementés.

(127)

Sur la base de la CR de 2009, Deutsche Post fait valoir une charge moyenne de […] millions d’EUR pour la période 1990-2006, tandis que dans la CR de 2002, cette charge était de […] millions d’EUR.

Graphique 4

Comparaison des charges liées au service universel selon la CR de 2009 avec les charges reconnues dans le cadre de la décision de plafonnement tarifaire de 2002 (moyenne annuelle, valeur nominale en millions d’EUR)

[…]

(128)

Tandis que la CR de 2002 et la CR de 2009 ne présentent aucune différence essentielle en ce qui concerne les charges # 2 (charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal) et # 4 (assurance retraite complémentaire), dans la CR de 2009, la charge # 1 (salaires de base ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal) atteint pratiquement […]. Contrairement à la CR de 2002, les salaires sur lesquels Deutsche Post s’appuie en tant que salaire de référence «dans des conditions normales de concurrence» ne sont plus ceux correspondant à la convention tarifaire, mais le salaire minimum applicable dans le secteur postal sur la base d’un règlement du ministère fédéral du travail (Bundesministerium für Arbeit) datant de 2007 (ci-après le «salaire minimum de 2007»). Or, ce règlement a été déclaré illégal et n’a par conséquent jamais produit d’effets juridiques.

(129)

En outre, dans la CR de 2009, Deutsche Post invoque l’«infrastructure du courrier» en tant que charge nouvelle qui comprend les coûts incrémentiels liés au sixième jour de distribution (en moyenne […] millions d’EUR par an). Les calculs reposent sur l’hypothèse contrefactuelle qu’en l’absence de l’obligation de service universel, Deutsche Post ne distribuerait le courrier que pendant cinq jours au lieu de six jours ouvrés.

(130)

La charge # 3 – charge infrastructurelle liée aux agences postales, est calculée différemment dans la CR de 2002. Désormais, elle englobe les prétendues économies de coûts qui auraient pu être réalisées si tous les bureaux de poste avaient été exploités sous la forme d’agences à partir de 1990. La charge # 3 est calculée sur la base de la rémunération que Deutsche Post a payée à des tiers en 2007 pour des services de vente.

IV.1.3.   Les marges bénéficiaires dans la CR de 2009

(131)

L’allocation des charges aux services universels du courrier à tarifs réglementés apporte un allégement important aux services non réglementés en les libérant de coûts tels que ceux liés aux salaires et aux contributions sociales. Cette réallocation conduit à des marges de bénéfice nettement positives de [15 % à 25 %] en ce qui concerne les services commerciaux et à des pertes de quelque [0 % à 10 %] pour les services du courrier à tarifs réglementés.

(132)

Les rapports financiers annuels de Deutsche Post affichent pour le secteur des services du courrier (voir aussi le point V.3) de très hauts bénéfices qui sont toutefois plus qu’absorbés par le transfert des charges du secteur non réglementé aux services à tarifs réglementés.

Graphique 5

Marges d’exploitation moyennes sur la base de la CR de 2009

[…]

IV.2.   Détermination du bénéfice raisonnable de référence

IV.2.1.   Chaîne de valeur de Deutsche Post: opérations à faible technologie et à faible risque commercial

(133)

L’élaboration de l’étude comparative visant à déterminer le bénéfice «raisonnable» de référence et à évaluer l’allocation des coûts est subordonnée à une analyse de la chaîne des valeurs et du risque entrepreneurial couru. Pour pouvoir rechercher un groupe de sociétés «comparables» à Deutsche Post et calculer le bénéfice raisonnable de référence qui sera attribué à cette dernière, il est en effet indispensable de connaître au préalable les caractéristiques des missions et des risques qui lui sont propres.

IV.2.1.1.   Chaîne de valeur d’un secteur à faible technologie

(134)

La chaîne de valeur de Deutsche Post peut être scindée en deux éléments correspondant à ses missions principales, à savoir:

un réseau de distribution sur l’ensemble du territoire fédéral pour la distribution du courrier et de colis, et

un réseau d’agences postales sur tout le territoire fédéral.

(135)

La logistique d’un réseau destiné à l’acheminement du courrier et des colis est un domaine caractérisé par des opérations à faible technologie qui n’exigent aucune activité de recherches ou de développement. C’est ce qui explique que tous les autres opérateurs de la branche travaillent en appliquant des procédés similaires, uniformisés. De telles activités sont fréquemment désignées par «missions de routine». Le caractère routinier de ces activités ressort également du fait que Deutsche Post les a très largement externalisées. Cela s’applique aussi aux services de vente fournis par le réseau national d’agences postales qui, eux aussi, sont de plus en plus externalisés.

(136)

Outre ces missions de routine, les principaux actifs immatériels de Deutsche Post sont sa clientèle, sa notoriété et la forte position qu’elle occupe sur le marché, en particulier sur les marchés du courrier. L’expertise WIK estime toutefois que ces actifs immatériels ne sont pas le fruit d’efforts ou d’investissements de Deutsche Post, mais beaucoup plus le résultat des droits exclusifs dont elle disposait autrefois. Deutsche Post n’a pas eu besoin d’investir pour la réalisation de vastes campagnes de marketing, elle pouvait au contraire, jusqu’en 2007, se fier à sa position juridiquement garantie sur le marché. Par conséquent, l’octroi de toute indemnité à Deutsche Post pour ces valeurs incorporelles devrait être exclu.

IV.2.1.2.   Risques réduits compte tenu des mesures publiques

(137)

Deutsche Post était pour plusieurs raisons exposée à des risques bien moindres que ses concurrents tant dans le domaine des services à tarifs réglementés que dans celui des services non réglementés.

(138)

Premièrement, Deutsche Post était protégée jusqu’en 2007 par un monopole légal dans le domaine des services aux lettres. En outre, elle bénéficiait pour tous les services à tarifs réglementés du courrier d’une part de marché de 90 %, à l’intérieur de laquelle la concurrence était inexistante ou seulement très faible. Près de deux tiers des recettes de Deutsche Post provenaient des services à tarifs réglementés.

(139)

Deuxièmement, l’Autorité nationale de régulation avait autorisé un plafonnement des tarifs réglementés pour les services postaux du courrier. Ce plafond avait été fixé à un niveau supérieur à celui des coûts d’une entreprise efficace pour, entre autres, aligner des coûts prétendument anormaux dans des conditions de concurrence supportés dans le domaine des services non réglementés. Aucun concurrent de DPAG ne disposait de droits exclusifs ou d’une position dominante sur le marché qui lui aurait permis un financement croisé de ses charges sociales. Il s’ensuit que la licence exclusive et la position dominante sur le marché de Deutsche Post ont conduit à une réduction importante des risques commerciaux non seulement dans le domaine des services à tarifs réglementés, mais également dans celui des services universels non réglementés et des services commerciaux.

(140)

Troisièmement, d’autres mesures publiques ont entraîné une réduction importante des risques, tant dans le domaine des services universels que dans celui des services commerciaux. Les transferts publics, par exemple, ont couvert les pertes réalisées au début des années quatre-vingt-dix et la garantie publique a permis à Deutsche Post de lever des capitaux au même taux d’intérêt que l’État, en dépit de la situation financière précaire dans laquelle elle se trouvait au début des années quatre-vingt-dix, jusqu’en 1995.

(141)

Tout bien considéré, Deutsche Post était beaucoup moins exposée aux aléas du marché et à des risques financiers que ses concurrents, puisqu’elle disposait dès le départ d’une clientèle attitrée et qu’elle pouvait répercuter les augmentations de coûts par le biais d’une hausse des tarifs réglementés. Sur la base de ce raisonnement, l’expertise WIK conclut que le groupe de concurrents comparables à retenir de préférence est constitué par les opérateurs postaux qui n’exercent que des missions de routine (c’est-à-dire qui ne procèdent à aucun investissement important en marketing ou publicitaire, par exemple) et qui ne sont exposés à aucun risque important (compte tenu de contrats à long terme, par exemple).

IV.2.2.   Quantification de valeurs de référence pour le bénéfice raisonnable

(142)

Sur la base des résultats obtenus par l’analyse des missions et des risques, l’expertise WIK a recherché des opérateurs postaux comparables dans des bases de données financières (dont ORBIS, entre autres, qui regroupent quelque dix millions d’entreprises du monde entier). Sur la base d’une sélection quantitative et qualitative par étapes contrôlées, elle a identifié des entreprises comparables proposant des services postaux sur les marchés ouverts à la concurrence.

(143)

L’expertise WIK a retenu un groupe de 26 entreprises comparables exerçant leurs activités principalement dans le secteur des colis et des missions de routine spécifiques des opérateurs postaux. Tous les concurrents comparables appartenaient à la branche économique «Activités de poste et de courrier» [Code NACE (43) 641].

(144)

Dans ce contexte, il importe de souligner que le faible nombre de concurrents comparables s’explique par le fait qu’en raison des droits exclusifs dont jouissait l’opérateur postal historique, lesquels couvraient une part considérable des services du courrier, les entreprises privées ont rarement fourni un volume de services aussi important que Deutsche Post dans ce domaine. Par ailleurs, l’expertise WIK avait exclu tous les opérateurs postaux historiques d’autres pays, parce qu’ils étaient, comme Deutsche Post, protégés par des droits exclusifs et qu’à titre principal, ils n’exerçaient pas leurs activités sur des marchés ouverts à la concurrence.

(145)

Pour déterminer le bénéfice «raisonnable», l’expertise WIK utilise la marge d’exploitation (return-on-sales, ci-après la «MDE») qui correspond au quotient du résultat d’exploitation (résultat avant intérêts et impôt – EBIT) par le chiffre d’affaires. En outre, elle calcule le rendement de l’actif (return-on-asset, ci-après le «RDA»), (exprimant l’EBIT en pourcentage du capital total), afin de disposer d’un taux de référence basé sur le capital.

Tableau 3

Taux de référence MDE et RDA résultant de l’expertise WIK

 

Marge d’exploitation

(MDE)

Rendement de l’actif

(RDA)

Médiane:

3,48 %

7,33 %

Plafond (soixante-quinzième percentile)

6,77 %

13,41 %

(146)

De l’échantillon retenu, il ressort que la médiane de la MDE dans le secteur postal ouvert à la concurrence était de l’ordre de 3,48 % au cours de la période 1998-2007. L’expertise WIK n’indique toutefois pas seulement la médiane de la rentabilité, mais également un plafond pour le bénéfice raisonnable, à savoir le troisième quartile du bénéfice des concurrents comparables qui correspond à une MDE de 6,77 %. En d’autres termes, cela signifie que 75 % des concurrents comparables réalisent un bénéfice inférieur à une MDE de 6,77 % (44).

(147)

En ce qui concerne le rendement de l’actif, l’expertise WIK aboutit à une médiane RDA de 7,33 % et à un plafond de 13,41 %.

(148)

Étant donné que Deutsche Post est exposée à un risque nettement plus faible que les entreprises comparables qui exercent leurs activités sur des marchés soumis à une forte concurrence (comme celui des colis express), l’expertise WIK estime que la médiane MDE de 3,48 % constitue une limite de référence prudente et conservatrice du bénéfice raisonnable de Deutsche Post. Ce faisant, elle considère que l’application d’une valeur plus élevée, dans une marge comprise jusqu’au troisième quartile MDE de 6,77 %, n’est pas recommandée. Au contraire, selon l’expertise WIK, une valeur de référence plus faible serait même envisageable étant donné que la médiane MDE de 3,48 % se traduit par un RDA de 7,33 %, ce qui est encore nettement supérieur au taux d’intérêt sans risque.

IV.3.   Examen de l’allocation des coûts

(149)

L’expertise WIK critique l’affectation des charges effectuée dans la CR de 2009, parce que les marges d’exploitation des services commerciaux de quelque [15 % à 25 %] sont nettement supérieures à la moyenne de la branche (45). Comme les concurrents privés travaillent de manière rentable, en dépit de marges bénéficiaires considérablement plus faibles, l’expertise WIK conclut qu’une part de coûts plus élevée devrait être attribuée aux services commerciaux de Deutsche Post, ce qui irait de pair avec une réduction correspondante des charges des services à tarifs réglementés.

(150)

L’expertise WIK parvient donc au résultat qu’en dépit des coûts qu’ils doivent supporter, tous les services commerciaux réalisent encore un bénéfice correspondant à la médiane MDE de 3,48 % des concurrents. En conséquence, en ce qui concerne les services à tarifs réglementés, l’expertise conclut à une réduction de la charge annuelle moyenne de […] millions d’EUR pour la période 1990-2007.

(151)

Comme une grande partie des services commerciaux de vente ont été fournis pour le compte des entreprises liées, Postbank et Telekom, l’expertise WIK examine également si les prix finals facturés à ces deux entreprises étaient conformes au marché et, partant, s’ils pouvaient être considérés comme valeur de référence adéquate pour les coûts supportés par les services commerciaux de vente. Au vu des éléments de preuve disponibles, l’expertise WIK considère que les contrats entre Deutsche Post et les deux autres entreprises liées font apparaître des conditions que des tiers indépendants auraient également acceptées. Étant donné qu’au début des années quatre-vingt-dix, Postbank et Telekom n’avaient en principe aucune possibilité d’utiliser des réseaux de distribution externes, les parties s’étaient mises d’accord pour se partager les coûts encourus. Par la suite, toutefois, comme Postbank et Telekom pouvaient exploiter plus facilement d’autres réseaux et que les coûts liés au réseau de service universel avaient diminué, les contrats avaient été modifiés avec l’insertion d’un accord de commission en fonction des recettes, ce qui les rapprochait plus d’une convention type de fourniture de services de vente (46).

IV.4.   Ajustement de la CR de 2009

(152)

L’expertise WIK procède à plusieurs ajustements de la CR de 2009 en appliquant la méthode suivante:

Tableau 4

Méthode appliquée dans l’expertise WIK pour le calcul des bénéfices excédentaires annuels sur la base de la CR de 2009

 

Recettes des services universels

-

Coûts liés aux services universels

-

Bénéfice raisonnable

+

Transferts publics

 

Bénéfices excédentaires

IV.4.1.   Ajustement des recettes de service universel

(153)

Deutsche Post a vendu une grande partie de son parc immobilier (immeubles dont elle n’avait plus besoin à la suite de la restructuration des opérations postales, par exemple). Les recettes correspondantes doivent être imputées au service universel, puisque c’est lui qui était le principal utilisateur de ces biens et qu’il les a donnés en location aux services commerciaux.

(154)

La correction précitée conduit à une augmentation des recettes des services universels de […] millions d’EUR en moyenne par an, pour la période 1990-2007.

IV.4.2.   Ajustement des coûts liés à la fourniture de services universels

IV.4.2.1.   Séparation comptable

(155)

La CR de 2009 ne ventile pas correctement les coûts et produits de l’entreprise: le compte des services universels ne fait pas apparaître le bénéfice total qu’ils ont réalisé, car au lieu de scinder les bénéfices liés à certaines fonctions (agences postales, par ex.) en distinguant entre services universels et services commerciaux (en fonction des coûts supportés par les différents services, par exemple), il les regroupe en les comptabilisant sous bénéfices commerciaux. C’est d’ailleurs ce qui explique que Deutsche Post n’ait pas été en mesure de présenter des comptes séparés conformément à la directive 2006/111/CE de la Commission du 16 novembre 2006 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises (47).

(156)

Tandis que la comptabilité interne présentée par Deutsche Post faisait apparaître une séparation comptable approximative pour les exercices jusqu’en 1997, la comptabilité pour les exercices suivants a dû être corrigée dans l’expertise WIK; les coûts imputés de manière incorrecte aux services universels ont été transférés aux services commerciaux.

(157)

La correction effectuée s’est traduite par une réduction des coûts annuels du service universel de l’ordre de […] millions d’EUR en moyenne pour toute la période 1998-2007.

IV.4.2.2.   Ajustement de la ventilation des charges entre les services à tarifs réglementés et les services non réglementés

(158)

Comme déjà exposé, l’expertise WIK ne corrige pas séparément chacune des charges, mais base ses nouveaux calculs sur les prix finals des services commerciaux, considérés comme référence fiable des coûts moyens du secteur concerné. Tous les bénéfices excédentaires en provenance des services commerciaux (48) sont ainsi utilisés pour financer les charges initialement invoquées, ce qui se traduit par une diminution moyenne annuelle desdites charges de […] millions d’EUR pour toute la période 1990-2007.

IV.4.2.3.   Coûts hors bilan dus à l’assurance retraite complémentaire (Charge # 4)

(159)

La charge # 4, assurance retraite complémentaire, correspond à des coûts assumés par Deutsche Post qui ne figurent pas dans ses rapports financiers. Comme la valeur de référence MDE est déterminée sur la base de la CR des «concurrents comparables», les calculs de Deutsche Post ne peuvent comprendre que les coûts dont une prise en compte est autorisée selon les normes comptables nationales ou internationales (IAS). Dès lors, les coûts supplémentaires qui normalement n’entrent pas dans les déclarations IAS, ne sont pas acceptés en tant que poste de coûts, mais doivent être financés à partir de la marge de bénéfice déterminée en tant que référence.

(160)

Après l’ajustement correspondant, les coûts invoqués au titre de la charge # 4 (assurance retraite complémentaire) reculent de […] millions d’EUR en moyenne par an, pour toute la période 1990-2007.

IV.4.3.   Correction des coûts du capital dans le bénéfice raisonnable

(161)

Dans la CR de 2009, Deutsche Post fait état de coûts du capital qui auparavant ne figuraient pas dans la comptabilité, par exemple coûts pour […] et pour […]. L’expertise WIK élimine ces coûts, tant pour […] que pour […] et les remplace par la valeur de référence du bénéfice raisonnable.

IV.4.3.1.   Période 1996 à 2007

(162)

Le bénéfice raisonnable est déterminé sur la base des recettes corrigées en provenance des services universels et du ratio de référence MDE de 3,48 %, ce qui conduit à un bénéfice raisonnable annuel moyen de […] millions d’EUR. Les coûts moyens annuels du capital de […] millions d’EUR (coûts des intérêts de […] millions d’EUR et les amortissements réglementaires plus élevés de […] millions d’EUR) sont supprimés de la CR de 2009.

(163)

Il importe en particulier de remarquer que, par rapport à la CR de 2009, le bénéfice raisonnable calculé sur la base du ratio MDE de 3,48 % est en chiffres absolus plus élevé que les coûts du capital que Deutsche Post fait valoir (coûts des intérêts, par exemple, qui ont été calculés sur la base d’un taux de rendement du capital employé de quelque […] et sur des frais d’amortissement plus élevés s’appuyant sur la valeur du marché).

IV.4.3.2.   Période 1990 à 1995

(164)

En vertu de l’article 63, paragraphe 1, de la PostVerfG, Deutsche Post était tenue, jusqu’en 1995, de payer au gouvernement allemand des rétrocessions (49) qui se sont chiffrées à quelque 5 838 millions d’EUR, soit 8 % du chiffre d’affaires. En contrepartie, Deutsche Post était toutefois dispensée, aux termes du paragraphe 4 du même article, de l’obligation de verser des dividendes au-delà du montant de ces rétrocessions.

(165)

L’expertise WIK refuse donc expressément de tenir compte en supplément d’un «bénéfice raisonnable» pour la période allant jusqu’en 1995, parce que les rétrocessions couvraient déjà entièrement les coûts des capitaux propres de Deutsche Post. En conséquence, WIK a éliminé de la CR de 2009 les coûts moyens annuels du capital de Deutsche Post de […] millions d’EUR (coûts des intérêts de […] millions d’EUR et l’augmentation des amortissements réglementaires de […] millions d’EUR) ce qui se traduit par une diminution correspondante des coûts de service universel.

IV.4.4.   Conclusions

(166)

La CR de 2009 et l’expertise WIK montrent toutes deux que jusqu’en 1996, les recettes réalisées à partir des services universels ne suffisaient pas pour couvrir les coûts de ces services. Toutefois, alors que, selon la CR de 2009, Deutsche Post affichait encore un déficit cumulé pour toute la période jusqu’en 2007, même en tenant compte des transferts publics, l’expertise WIK parvient, elle, à la conclusion qu’en raison du montant élevé des transferts publics, l’entreprise a pu clore en équilibre en 1997.

(167)

Selon la CR de 2009, la rentabilité des services universels n’a pratiquement pas augmenté jusqu’en 1999. C’est seulement à partir de l’exercice 2000 que les recettes en provenance des services universels ont en moyenne permis de couvrir les coûts. L’expertise WIK montre, par contre, qu’à partir de l’exercice 2000, le secteur des services universels affiche des bénéfices importants qui sont nettement supérieurs à la médiane MDE de 3,48 %, bien que la rentabilité des services universels des colis n’ait été qu’inférieure à la moyenne avec […] (voir le graphique 6).

Graphique 6

Comparaison des bénéfices excédentaires annuels des services universels au cours de la période 1990-2007 (en millions d’EUR, valeurs nominales)

Image

V.   OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS

(168)

Les parties intéressées ont présenté leurs observations sur la décision d’ouverture de 1999 ainsi que sur les décisions d’extension de 2007 et 2011. Le présent chapitre résume les principales remarques effectuées à leur sujet.

V.1.   Droits exclusifs pour l’utilisation des timbres émis par le ministère fédéral des finances (Bundesministerium der Finanzen)

(169)

TNT doute que Deutsche Post ait versé des droits pour la licence exclusive d’utiliser les timbres émis par le ministère fédéral des finances. Aux termes de l'article 43 de la PostG de 1997, le droit d’émettre des timbres portant l’inscription «Allemagne» est réservé au ministère fédéral des finances. Tout opérateur postal qui demande l’autorisation d’utiliser de tels timbres doit payer des droits et assumer les frais accessoires y afférents. En vertu de l’article 54 de la PostG de 1997, Deutsche Post AG jouissait jusqu’au 31 décembre 2007 de droits exclusifs sur les timbres émis par le ministère précité.

(170)

Selon TNT, dans le cas où Deutsche Post aurait de fait utiliser gratuitement lesdits timbres, cela constituerait une aide d’État illégale.

(171)

La Commission constate que cette mesure n’a été examinée ni dans le cadre de la décision d’ouverture de 1999, ni dans les décisions d’extension de 2007 et 2011. Elle dépasse donc le cadre de la présente décision.

V.2.   Les subventions relatives aux retraites

(172)

UPS considère qu’un avantage a été accordé à Deutsche Post en ce sens qu’elle a été en partie dispensée d’honorer des engagements qui existaient avant 1995. À son avis, puisque les opérateurs ordinaires ont supporté eux-mêmes les coûts des retraites de leur personnel, Deutsche Post a été ainsi placée dans une position plus favorable que ses concurrents. UPS approuve, par ailleurs, les arguments de la Commission selon lesquels l’aide en question ne saurait être considérée comme une aide existante, compte tenu de la modification fondamentale de la position de Deutsche Post et que de l’introduction de nouvelles dispositions légales qui exemptent partiellement Deutsche Post de son obligation de prendre en charge les dépenses relatives aux retraites de ses fonctionnaires. UPS estime qu’on ne saurait qualifier de telles modifications fondamentales d’un régime comme de simples modifications de caractère purement formel ou administratif

(173)

UPS salue la conclusion provisoire de la Commission selon laquelle les subventions relatives aux retraites ne peuvent pas être considérées comme compatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE. Compte tenu de la rentabilité soutenue de Deutsche Post et de la licence exclusive qui lui avait été accordée, UPS estime légitime de s’interroger sur la nécessité réelle d’un allégement pour les charges historiques invoquées. En outre, l’aide accordée est, selon lui, disproportionnée par rapport à l’objectif d’intérêt général que l’Allemagne fait valoir, d’autant que les charges historiques ont été compensées tant par le biais de l’augmentation des tarifs du courrier que par les subventions relatives aux retraites. UPS souligne que c’est au gouvernement allemand qu’incombe la charge de la preuve de la proportionnalité de la mesure. Or, jusqu’à présent l’Allemagne reste en défaut d’avoir précisé la proportionnalité des avantages conférés à Deutsche Post par la mesure concernée.

(174)

Selon UPS, l’aide accordée a permis à Deutsche Post d’occuper une position plus avantageuse non seulement en Allemagne, mais également sur les autres marchés européens, où elle est en concurrence avec d’autres opérateurs postaux, comme lui. Les subventions relatives aux retraites ayant permis à Deutsche Post de renforcer sa position dans le secteur des services commerciaux, au détriment des autres opérateurs, les concurrents de Deutsche Post ont été confrontés à une distorsion de la concurrence.

(175)

UPS sollicite de la Commission qu’elle examine également la nécessité et la proportionnalité de toutes les interventions publiques octroyées pour financer les droits de retraite, telles qu’énumérées dans la décision prise en 2011 d’étendre la procédure formelle d’examen à la période 2007-2011, et qu’elle vérifie par ailleurs, si d’autres mesures étatiques qui seraient illégales au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE ont été accordées à Deutsche Post.

(176)

Enfin, UPS invite la Commission à préciser de manière circonstanciée comment elle est parvenue à la conclusion que les aides accordées à Deutsche Post sont incompatibles avec le marché intérieur. UPS sollicite, en particulier, qu’une copie de l’expertise WIK lui soit transmise pour plus de précision sur l’étendue de la prise en compte des résultats de cette expertise dans le cadre de l’évaluation des subventions relatives aux retraites opérée dans la décision d’extension de 2011.

V.3.   Compensation pour la fourniture de services universels

(177)

UPS apporte son soutien intégral aux examens de la Commission et souscrit entièrement au contenu de la décision d’extension de 2007 quant à l’appréciation de la compensation de la fourniture des services universels. En complément, UPS a transmis à la Commission une version actualisée (50) de l’expertise réalisée en octobre 2006 par le bureau NERA (51), à laquelle la Commission renvoie au considérant 58 de sa décision d’extension.

(178)

Tandis que le rapport d’expert NERA de 2006 estime le rendement moyen du capital employé pour le secteur du courrier de DPWN à plus de 20 %, pour la période postérieure à 1999 (52), la version révisée de ladite expertise constate que le rendement du capital employé aurait même dépassé un taux de 50 % pour la période 2000-2005. Pour la période 2003 à 2005, les estimations font même état d’un rendement de plus de 100 %. UPS en conclut que les bénéfices réalisés par le secteur extrêmement rentable des services à tarifs réglementés du courrier auraient donc été plus que suffisants pour couvrir les pertes du service universel.

(179)

UPS considère par ailleurs que la comptabilité analytique de Deutsche Post ne constitue pas une base fiable pour analyser et estimer la rentabilité et les charges du secteur réservé, de sorte qu’une analyse circonstanciée de l’allocation des coûts en fonction des services réglementés, universels et commerciaux est indispensable. À son avis, tous les avantages qui ont été accordés à Deutsche Post dans le but de couvrir les charges qu’elle a héritées du passé, comme les apports en capital effectués par l’Allemagne en 1995 en faveur de Deutsche Post, ainsi que le transfert d’actifs sous la forme d’immobiliers et d’infrastructures, doivent être pris en compte lors de la détermination du montant de l’aide et de l’ampleur de la surcompensation.

(180)

S’agissant des accords de prix de transfert convenus en interne avec les entreprises liées, UPS estime que le principe dit «de pleine concurrence»(«arm’s length principle») doit être maintenu conformément à l’arrêt Chronopost (53). Par conséquent, la Commission devrait vérifier le contrat conclu entre Deutsche Post et DPEED, notamment au regard des conventions de prix qui s’y trouvent.

V.4.   Tarifs excessifs du courrier

(181)

La décision d’extension de 2011 a reçu le soutien intégral de FFPI. À son avis, les modifications légales et administratives entraînant des charges de retraite plus élevées font partie des risques normaux qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur la rentabilité d’une entreprise. Puisque les entreprises qui opèrent dans des conditions normales de marché doivent financer de tels surcoûts à partir de leurs propres ressources, Deutsche Post n’auraient pas dû recevoir lesdites subventions relatives aux retraites.

(182)

FFPI relève, en plus, que dans son rapport de gestion pour l’exercice 2000, Deutsche Post a expressément souligné l’importance de la réforme de son régime de retraite en déclarant dans ce contexte que l’augmentation de 98,6 % de l’EBITA (résultat d’exploitation avant impôts, intérêts et amortissements) enregistré dans le secteur des envois de la clientèle professionnelle s’expliquait principalement par la réduction du montant de la contribution au fonds de pension. Il s’ensuit que la réforme des retraites ne saurait être considérée comme d’importance secondaire ou de nature principalement administrative.

(183)

En outre, il ressort d’une étude de FFPI réalisée au cours des années 2001 à 2008 que le tarif appliqué en Allemagne pour les lettres standard jusqu’à 20 grammes était des plus élevés. En revanche, les frais de port pour l’envoi de colis jusqu’à 500 g se situaient en bas de l’échelle des tarifs, ce qui milite pour un subventionnement croisé.

(184)

FFPI est convaincue que le soutien apporté à Deutsche Post ne visait pas à promouvoir la croissance sur le marché postal allemand ou à relancer certains services postaux. Tout au long de la période de l’enquête, Deutsche Post a été une entreprise rentable ayant renforcé son leadership sur le marché allemand ainsi que ses performances et ses activités commerciales. Par conséquent, les subventions relatives aux retraites ne devraient pas être considérées comme une aide compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE.

V.5.   Marges bénéficiaires

(185)

BIEK estime que la pratique de Deutsche Post consistant à utiliser sa position dominante sur certains marchés du courrier pour procéder à un financement croisé des coûts liés aux services des lettres et des colis qu’elle fournit sur des marchés soumis à une concurrence relativement forte a porté préjudice aux autres opérateurs postaux. Étant donné que Deutsche Post peut augmenter ses tarifs sur les marchés où elle disposait autrefois de droits exclusifs et sur lesquels elle continue à détenir une part de plus de 90 %, elle est en mesure de procéder à des financements croisés des coûts de ses services sur les marchés soumis à une concurrence plus forte.

(186)

BIEK avance en outre qu’en dépit des charges historiques invoquées par Deutsche Post, celle-ci a réalisé des bénéfices considérablement plus élevés que ceux d’entreprises comparables dans les autres pays européens, comme le montre la fourchette de MDE de 10 % à 20 % dans le secteur national de ses services d’expédition. Cette marge bénéficiaire pourrait même avoir été faussée en étant sous-estimée, vu que les services d’expédition englobent également les services de colis pour lesquels la marge de bénéfice moyenne est inférieure à celle des services du courrier.

(187)

En ce qui concerne les surcoûts de salaires invoqués par Deutsche Post, BIEK relève que pour calculer la différence entre les charges de salaires qu’elle doit supporter par rapport à ses concurrents, Deutsche Post se base sur les salaires moyens dans la branche des transports en tant que référence. Selon BIEK, bien que dans la décision d’extension de 2011, la Commission ait fait reposer ses calculs de référence sur les mêmes chiffres, il convient néanmoins de considérer que les concurrents de Deutsche Post versent des salaires qui sont au moins de 15 % supérieurs aux salaires moyens précités. Les surcoûts de salaires que Deutsche Post fait valoir sont par conséquent nettement plus faibles que ceux allégués. BIEK argue que la différence résiduelle entre les charges de salaires n’est pas à imputer aux charges historiques, mais davantage à la taille et à la position dominante de Deutsche Post sur le marché.

(188)

Enfin, BIEK estime que l’augmentation des tarifs réglementés du courrier a compensé plus qu’à suffisance les charges historiques de Deutsche Post, charges liées aux retraites comprises. Selon lui, les mesures d’aide soumises à l’examen de la Commission ont conduit à enrayer, jusqu’à présent, toute concurrence dans le secteur des services du courrier et à une forte distorsion de la concurrence dans le domaine des services de colis.

VI.   OBSERVATIONS DE L’ALLEMAGNE

VI.1.   Observations sur les subventions relatives aux retraites

VI.1.1.   La compensation de charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal n’a conféré aucun avantage financier

(189)

En renvoyant à l’arrêt Combus (54), l’Allemagne argue que des aides financières accordées par l’État à un prestataire de services universels en tant qu’ancienne entreprise publique dans le cadre de sa privatisation, à titre de compensation de charges de retraite supérieures à celles que doivent supporter normalement ses concurrents privés, ne constituent pas des aides d’État.

(190)

L’Allemagne partage l’avis de la Commission selon lequel les charges sociales de Deutsche Post doivent être comparées avec celles supportées par la concurrence. Elle estime toutefois que cette comparaison devrait être effectuée tout d’abord sur la base de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE et non pas seulement, par la suite, dans le cadre de l’examen de la compatibilité au sens du paragraphe 3, point c), du même article.

VI.1.2.   Absence d’avantage financier par rapport à la situation antérieure à 1995

(191)

L’Allemagne considère que les subventions relatives aux retraites n’ont pas allégé le budget de la Deutsche Post en lui évitant des coûts qu’elle aurait normalement dû financer à partir de ses propres ressources. Par conséquent, Deutsche Post n’a bénéficié d’aucun avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE. Selon l’Allemagne, aussi bien avant qu’après 1995, Deutsche Post n’était ni juridiquement tenue, ni économiquement en mesure de payer les retraites des fonctionnaires.

(192)

L’Allemagne fait tout d’abord valoir qu’en vertu de l’article 46 de la PostVerfG de 1989, les fonctionnaires repris par Deutsche Post en 1989 continuaient à être au service de l’État, et qu’il en était ainsi, même après la deuxième réforme de la poste en 1995, conformément à l’article 2, paragraphe 3, de la PostPersRG de 1994 et à l’article 143 b introduit dans la Loi fondamentale (Grundgesetz).

(193)

Comme le gouvernement allemand a toujours été l’unique débiteur des droits de retraite dont disposent les fonctionnaires, Deutsche Post n’a, selon l’Allemagne, jamais eu l’obligation légale d’utiliser ses propres ressources dans ce contexte.

(194)

Toujours selon les autorités allemandes, même si, en vertu de l’article 54, paragraphe 2, de la PostVerfG de 1989, Deutsche Post était tenue de financer les droits de retraite des fonctionnaires, l’Allemagne maintient son avis que le régime de prévoyance sociale en question (comme, du reste, l’obligation de rétrocessions en vertu de l’article 63 de la PostVerfG de 1989) était une mesure «en interne» destinée à procurer des fonds au budget de l’État. Elle ne fonde aucune obligation de Deutsche Post vis–à–vis des fonctionnaires.

(195)

Après la deuxième réforme de la poste en 1995, l’État fédéral continuait toujours, en vertu de l'article 2, paragraphe 3, et des articles 14 et 16 de la PostPersRG de 1994, à être l’unique débiteur des fonctionnaires ayant droit à une retraite. Par conséquent, comme l’obligation visée à l’article 54, paragraphe 2, de la PostVerfG de 1989, l’obligation prévue à l’article 16, paragraphe 1, de la PostPersRG, selon laquelle Deutsche Post doit verser des contributions à la caisse de prévoyance des fonctionnaires de la poste, a seulement servi à alléger le budget de l’État. Les dispositions précitées ne changent rien au fait que l’obligation de prévoyance incombe uniquement à l’État.

(196)

Au demeurant, le droit privé se serait opposé à tout transfert du gouvernement allemand de son obligation de financer les droits de retraite des fonctionnaires à la société DPAG nouvellement fondée en 1995. En effet, selon les principes du droit privé, toute société mère qui transfert ses engagements de retraites à une filiale juridiquement indépendante continue à être tenue responsable de son obligation de paiement au titre de ces engagements vis-à-vis des tiers.

(197)

L’Allemagne fait en outre valoir que Deutsche Post n’a en aucun moment disposé de ressources suffisantes pour financer les charges liées aux retraites. D’une part, en effet, avant 1995, Postdienst a toujours affiché des pertes que l’État a dû compenser par des transferts d’un montant de 5,6 milliards d’EUR. D’autre part, en 1995, au moment où Postdienst a été transformé en DPAG, les engagements cumulés au titre des retraites s’élevaient à quelque […] milliards d’EUR. Avec un tel passif au bilan, il a été impossible de créer la DPAG en tant qu’entreprise privée, vu l’absence d’un apport de capital suffisant par le gouvernement allemand pour conférer à DPAG la viabilité économique requise.

VI.1.3.   Les subventions relatives aux retraites sont une aide existante au sens de l’article 108, paragraphe 1, du TFUE

(198)

Selon l’Allemagne, à supposer même que les subventions relatives aux retraites soient qualifiées d’aide d’État, elles devraient être considérées comme une aide existante au sens de l’article 1er, point b) i), du règlement (CE) no 659/1999, étant donné que depuis 1953, c’est–à–dire depuis l’entrée en vigueur de la disposition pertinente de la Loi fondamentale, l’État est le seul débiteur et l’unique responsable du financement des droits de retraite des fonctionnaires. L’Allemagne maintient son avis que ni la première réforme de la poste en 1989, ni la deuxième en 1995 n’ont apporté de modification à cette obligation de prévoyance et de financement de l’État. Toujours selon l’Allemagne, Deutsche Post n’était ni juridiquement tenue, ni économiquement en mesure de payer les retraites des fonctionnaires, que ce soit avant ou après 1995.

(199)

Par ailleurs, l’Allemagne renvoie à une déclaration de la Commission devant le Tribunal dans l’affaire T-266/02. Selon le gouvernement allemand, il ressort clairement du point 54 de l’arrêt dans l’affaire précitée que la Commission «a estimé, dans le cadre de la décision attaquée, que seuls les transferts opérés par la DB-Telekom lui avaient conféré un avantage» (55).

(200)

De cette déclaration, l’Allemagne infère que la Commission a également nié l’existence d’un avantage financier en ce qui concerne les subventions relatives aux retraites. L’Allemagne considère que la Commission avait ainsi pris la décision de «ne pas soulever d’objections» au sens de l’article 4 du règlement (CE) no 659/1999. En outre, en vertu de l’article 1er, point b) ii), du règlement précité, une telle décision positive signifierait que les subventions relatives aux retraites sont une aide existante.

VI.1.4.   Les subventions relatives aux retraites servent à compenser des charges historiques et cette compensation est compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, du TFUE

(201)

Compte tenu du raisonnement de la Commission dans la décision relative à La Poste, l’Allemagne est d’avis que les subventions relatives aux retraites sont compatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE. Elle fonde cet avis comme suit:

Les contributions sociales dont Deutsche Post s’est acquittée étaient largement plus élevées que la contribution de l’employeur aux assurances retraites, maladies et soins.

L’avantage comparatif déterminé par la Commission est incorrect, en ce sens que les calculs qu’elle effectue reposent sur l’hypothèse que les services à tarifs réglementés couvrent la charge # 2 invoquée (charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal). De plus, dans la décision relative à La Poste, la Commission n’a pas tenu compte du fait que La Poste, comme d’autres opérateurs postaux historiques, a également refinancé ses charges sociales par le biais d’une augmentation des tarifs du courrier.

Bien que l’Allemagne soit en principe d’accord sur le fait que les recettes réalisées à partir des services à tarifs réglementés devraient couvrir les charges invoquées, elle considère que la Commission reste en défaut de prouver, d’une part, que l’Autorité nationale de régulation avait fait droit à la demande de Deutsche Post de financer les charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal à partir des recettes des tarifs réglementés et, d’autre part, que ces recettes étaient vraiment suffisantes pour financer ces charges sociales ne relevant pas des conditions normales du marché.

(202)

L’Allemagne relève en outre que dans sa décision d’ouverture dans l’affaire Royal Mail (56), la Commission a souligné à quel point il est important, dans l’intérêt d’une pratique décisionnelle cohérente, d’apprécier les charges des retraites héritées d’anciennes entreprises publiques sur la base de critères cohérents. Par conséquent, la Commission devrait également tenir compte de sa décision relative à La Poste et de son appréciation provisoire dans l’affaire Royal Mail. Dans cette dernière affaire, la Commission n’a soulevé aucune objection à l’encontre de la compensation de déficits liés aux pensions, bien qu’il ressorte du rapport Hooper de 2008 que les charges de retraite de Royal Mail ont été en partie couvertes par une augmentation des tarifs réglementés du courrier.

VI.1.4.1.   La valeur de référence devrait reposer le niveau des charges sociales dans un contexte concurrentiel normal

(203)

En invoquant l’expertise de M. Ehlermann du 19 juillet 2011 (57), l’Allemagne fait valoir que la Commission a commis deux erreurs dans ses calculs de la valeur de référence applicables aux charges sociales de Deutsche Post.

(204)

Selon l’Allemagne, la contribution du salarié ne doit pas être comprise dans la valeur de référence, puisque légalement, un employeur privé n’est pas tenu responsable du paiement de la contribution du salarié. C’est uniquement pour des raisons administratives que l’employeur prend en charge le versement de la totalité des contributions sociales, légalement il n’est pas tenu de le faire. Au demeurant, la prise en compte de la contribution du salarié dans la valeur de référence est contraire à la pratique décisionnelle de la Commission (voir la décision relative à La Poste).

(205)

L’Allemagne argue que les calculs de la valeur de référence des charges sociales doivent reposer sur les salaires habituellement payés sur le marché (58), car les traitements des fonctionnaires étaient nettement supérieurs à la moyenne du marché.

VI.1.4.2.   Le niveau des recettes des services à tarifs réglementés est insuffisant pour couvrir les charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal

(206)

L’Allemagne souligne en premier lieu qu’une couverture intégrale de la charge # 2 à partir des recettes des services à tarifs réglementés est pure spéculation, étant donné qu’il n’est pas possible de constater si les tarifs réglementés ont effectivement été augmentés pour compenser les charges ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal. D’une part, en effet, il n’est pas possible de déduire de la décision de plafonnement tarifaire de 2002 si, et dans quelle mesure, l’Autorité nationale de régulation a pris en compte les charges invoquées pour dépenses ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal. D’autre part, les tarifs ont été maintenus jusqu’en 2002 au niveau approuvé en 1997 et il n’est pas non plus possible d’établir que ces tarifs comprenaient une compensation pour charges ne relevant pas des conditions du marché dans le secteur des services non réglementés.

(207)

L’Allemagne fait valoir qu’il n’est pas suffisant de déclarer que les taux de contribution sociale dans le secteur non réglementé étaient inférieurs à ceux appliqués aux concurrents. Il conviendrait également d’examiner si les services à tarifs réglementés étaient effectivement en mesure de financer ces charges sociales ne relevant pas des conditions du marché à partir de leurs recettes.

(208)

À son avis, Deutsche Post ne tirerait un avantage financier de la compensation de ses surcoûts sociaux que si les compensations versées étaient plus élevées que la somme des surcoûts sociaux qu’elle a supportés pour ses fonctionnaires.

(209)

L’Allemagne déplore l’absence de calculs détaillés qui permettraient de voir s’il existe dans l’ensemble une surcompensation ou sous-compensation des surcoûts sociaux supportés par Deutsche Post pour ses fonctionnaires. À cet égard, elle souligne la nécessité de tels calculs pour pouvoir constater s’il existe ou non un avantage financier au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.

a)   Sous-compensation des surcoûts sociaux de Deutsche Post, selon le rapport d’un expert

(210)

Aux fins de corriger la situation, l’Allemagne a transmis à la Commission l’expertise de M. Weber (59) pour démontrer que les surcoûts sociaux liés à l’emploi de fonctionnaires ont causé un désavantage financier à Deutsche Post. Cette expertise indique tout d’abord à combien se monte la différence entre les surcoûts sociaux effectivement supportés par Deutsche Post pour les fonctionnaires et les charges sociales versées par un concurrent du secteur privé pour ses salariés. Ladite différence est désignée dans l’expertise par «montant des surcoûts sociaux de DPAG par rapport au niveau du marché» ou «désavantage structurel». Ensuite, l’expertise Weber compare lesdits surcoûts sociaux supérieurs au niveau du marché à la compensation accordée pour la charge # 2.

(211)

Ainsi qu’il ressort du tableau 5, dans les surcoûts sociaux résultant de l’emploi de fonctionnaires, l’expertise précitée incorpore la contribution de Deutsche Post au fonds de pension ainsi que diverses contributions sociales, comme la contribution aux frais de maladie et à différentes assurances dont l’assurance accident.

(212)

L’expertise précitée définit les charges sociales liées à l’emploi d’agents contractuels de la manière suivante: contribution de l’employeur aux assurances sociales, comprenant les assurances obligatoires de retraite, chômage, maladie et soins, multipliée par les salaires dits «habituels» dans des conditions normales de concurrence (salaire minimum 2007 pour la majorité des fonctionnaires, par exemple).

(213)

Les charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal correspondent aux surcoûts sociaux encourus par Deutsche Post pour son personnel statutaire par rapport au niveau de la contribution sociale de référence déterminée sur la base de la contribution de l’employeur aux assurances sociales pour un salarié.

Tableau 5

Calcul du résultat net (sous- ou surcompensation) selon l’expertise allemande

Contribution au fonds de pension

Autres charges sociales

+

Contributions sociales «applicables dans les conditions du marché» en tant que valeur de référence [sur la base de la contribution de l’employeur aux assurances sociales et des salaires «normaux» dans un contexte concurrentiel» (salaire minimum 2007, par exemple)]

 

Surcoûts sociaux

+

Compensation à partir des recettes des services à tarifs réglementés (Charge # 2charge sociale ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal)

 

Résultat net (sous- ou surcompensation)

(214)

Pour la période 1995-2007, il ressort des calculs que la charge # 2 ne suffisait pas pour couvrir les charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel. L’expertise soutient même qu’il existerait une sous-compensation des surcoûts de Deutsche Post de l’ordre de […] millions d’EUR. L’expert parvient à la conclusion que même à supposer que les recettes en provenance des tarifs réglementés incluaient la charge # 2, Deutsche Post aurait été sous-compensée pour les charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal qu’elle a dû supporter.

b)   Selon la CR de 2009, les recettes du secteur à tarifs réglementés ne suffisaient pas pour couvrir les charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal

(215)

L’Allemagne fait valoir que tant que les services à tarifs réglementés enregistrent des pertes supérieures aux charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel, il demeure impossible de constater que les recettes réalisées dans ce secteur compensent effectivement lesdites charges. Dans ce contexte, elle a transmis à la Commission les observations d’un expert reposant sur la CR de 2009 (60) pour lui montrer que les pertes subies dans le secteur des services à tarifs réglementés étaient constamment demeurées supérieures aux charges sociales ne relevant pas des conditions du marché.

(216)

Les calculs de l’expert s’appuient sur la CR de 2009 et supposent que les services à tarifs réglementés réalisent, en tant que bénéfice raisonnable, une MDE de 7 % (en référence à l’expertise Deloitte-II, sur laquelle la Commission reviendra plus en détail au point VI.3.2). Après déduction du bénéfice raisonnable, les services à tarifs réglementés affichent une perte de […] millions d’EUR, qui est donc supérieure aux surcoûts sociaux invoqués pour la période 1995-2007. Il s’ensuit que les recettes des services à tarifs réglementés n’étaient pas suffisantes pour couvrir les surcoûts sociaux invoqués.

VI.2.   Observations sur la compensation liée à la fourniture de services universels

VI.2.1.   Transferts publics

(217)

L’Allemagne argue que les transferts publics ne fondent aucun avantage financier en faveur de Deutsche Post, étant donné que les versements s’élevant à 5 666 millions d’EUR correspondent uniquement à une compensation des rétrocessions de l’ordre de 5 838 millions d’EUR dont Deutsche Post a dû s’acquitter jusqu’en 1995.

(218)

Ainsi qu’il est exposé dans la décision d’extension de 2007, les rétrocessions précitées sont une mesure héritée de l’administration postale publique qui devait verser tous les ans environ 10 % de ses revenus d’exploitation à l’État fédéral. Au cours de la période 1989-1995, les rétrocessions ont été progressivement supprimées en vertu de l’article 63, paragraphe 1, de la PostVerfG. Jusqu’en 1993, Deutsche Post devait verser 10 % de ses revenus d’exploitation. À partir de 1993, le montant des rétrocessions a peu à peu diminué. Ainsi, alors qu’elles s’élevaient encore à 10 % des revenus d’exploitation moins 153 millions d’EUR, en 1993, en 1994, elles n’étaient plus que de 70 % du volume de 1993, et en 1995, elles se chiffraient à 50 % du volume de 1993. Au titre des rétrocessions, Deutsche Post a versé de 1990 à 1995 un montant total de 5 838 millions d’EUR.

(219)

En vertu de l’article 63, paragraphe 4, de la PostVerfG, les distributions de dividendes devaient être soustraites des rétrocessions. Compte tenu de cette disposition et de l’exonération d’impôts indirects et directs, la Commission a constaté dans la décision d’extension de 2007 que les rétrocessions devaient être considérées comme une mesure de substitution à l’exonération des impôts indirects et directs et en tant que rémunération du financement accordé par l’État en sa qualité d’actionnaire.

(220)

En réaction à cette constatation, l’Allemagne a transmis l’expertise KPMG qui affirme que, pour plusieurs raisons, les rétrocessions ne sauraient être considérées comme remplaçant des impôts ou des dividendes.

(221)

Selon KPMG, les rétrocessions ne peuvent être qualifiées d’impôt, car depuis 1931, elles ont été calculées sous la forme d’un pourcentage des revenus d’exploitation. C’est d’ailleurs pourquoi Deutsche Post aurait dû s’en acquitter même au cours des années où elle enregistrait des pertes. L’impôt sur les sociétés est par contre fonction du bénéfice annuel effectivement réalisé. Une qualification des rétrocessions en tant qu’impôt serait contraire au principe constitutionnel de l’imposition en fonction des performances économiques.

(222)

En outre, la comparaison des rétrocessions avec l’impôt sur le chiffre d’affaires ne saurait non plus prospérer. L’impôt sur le chiffre d’affaires est accompagné de la déduction de la TVA acquittée en amont pour achat de services, ce qui n’est pas le cas pour les rétrocessions. La détermination du montant des rétrocessions divergent ainsi considérablement du calcul de la dette fiscale effective d’une entreprise.

(223)

L’Allemagne fait en outre valoir que les rétrocessions ne peuvent pas être assimilées à des dividendes. La distribution de dividendes se rapporte en effet aux résultats de l’exercice précédent correspondant ou aux années précédentes. Or, bien que Deutsche Post n’ait réalisé aucun bénéfice entre 1990 et 1995, elle a néanmoins versé des rétrocessions. Il s’ensuit que les rétrocessions ne sont pas des dividendes.

(224)

L’expertise KPMG conclut que les rétrocessions ne peuvent être qualifiées ni d’impôt ni de dividende et qu’il s’agit plutôt d’une redevance sui generis que seule Deutsche Bundespost et ses ayants droit étaient tenus de payer.

(225)

En se référant à l’expertise KPMG, l’Allemagne rejette l’hypothèse selon laquelle les rétrocessions pourraient être utilisées en tant que mesures de substitution à l’impôt sur les bénéfices ou au titre de dividendes. Elle maintient que les rétrocessions ont constitué une charge pour Deutsche Post qui n’était justifiée ni matériellement ni économiquement. Or, comme les transferts publics ont seulement déchargé Deutsche Post des rétrocessions, ils ne lui ont conféré aucun avantage économique et ne constituent donc pas une aide d’État.

(226)

À titre subsidiaire, l’Allemagne invoque deux autres arguments pour expliquer que les transferts publics ne constituent pas une aide d’État. En premier lieu, lesdits transferts seraient conformes au principe de l’investisseur privé, vu l’ampleur du retour sur investissement (ROI) au cours des années suivantes et les recettes importantes réalisées par Deutsche Post dans le cadre de son introduction en bourse. En second lieu, les transferts publics ne sont pas une aide d’État, parce qu’il ressort tant de la CR de 2009 que de l’expertise WIK que les pertes du service universel accumulées de 1990 à 1994 étaient supérieures auxdits transferts. Il s’ensuit que Deutsche Post n’a reçu aucune compensation suffisante pour la fourniture de services dans le cadre de son obligation de service universel.

VI.2.2.   Garantie publique

(227)

L’Allemagne argue que, pour plusieurs raisons, la garantie de l’État en vertu de l’article 2, paragraphe 4, de la PostUmwG de 1994 concernant les titres de dettes émis avant 1995 ne fonde aucun avantage sélectif en faveur de Deutsche Post après 1995.

(228)

En effet, toute entreprise privée continue, même après la scission d’une filiale, à répondre des dettes contractées par cette filiale. Même après la cession de ces obligations à des tiers, une entreprise privée reste responsable des engagements contractés. Par ailleurs, il convient de considérer que la garantie publique initiale pour les titres de dettes a été uniquement requise parce que Postdienst ne disposait d’aucune personnalité juridique distincte. L’article 40 de la PostVerfG de 1989, qui précise que les titres de dettes de Deutsche Bundespost sont assimilés à des titres de dettes de l’État, a un caractère purement déclaratif.

(229)

En second lieu, la DPAG n’a tiré aucun avantage de la reprise des titres de dettes de Postdienst, étant donné qu’en 1995, elle aurait pu se refinancer à un taux d’intérêt plus faible. Les titres de dettes de Postdienst totalisaient au 1er janvier 1995 931 millions d’EUR, producteurs d’un intérêt de 7,17 % en moyenne, avec une échéance de 8,8 années. Comme le taux d’intérêt à court terme était de 5 à 5,5 % au 1er janvier 1995, DPAG a encouru un désavantage financier de 1,7 % qui s’est traduit par des coûts d’intérêts plus élevés de l’ordre de 15,3 millions d’EUR.

(230)

En troisième lieu, sur la base d’une comparaison entre les taux d’intérêt moyens habituellement appliqués sur le marché pour les titres de dettes émis par des sociétés privées et les taux d’intérêt appliqués aux titres de dettes de Postdienst à la date à laquelle ils ont été émis initialement, l’Allemagne estime que Postdienst a levé des capitaux à des taux d’intérêt qui étaient en moyenne supérieurs au taux moyen sur le marché. À cet égard, l’Allemagne n’a pas procédé à une étude circonstanciée, mais seulement comparé les taux d’intérêt pour certains titres de dettes de Postdienst avec la moyenne agrégée du marché.

(231)

À titre subsidiaire, l’Allemagne soutient que les garanties publiques constituent une aide existante au sens de l’article 1er, point b) i), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil. À son avis, en effet, comme Deutsche Bundespost faisait partie, jusqu’à la fin 1994, de l’administration publique, les titres de dettes contractés depuis sa fondation en 1950 sont des dettes de l’État. Si tant est donc que la garantie publique ait conféré des avantages à Deutsche Post en ce qui concerne les taux d’intérêt, ces avantages doivent être considérés comme des aides existantes. À cet égard, l’Allemagne renvoie en outre à la décision relative à l’affaire EDF (61) dans laquelle la Commission a qualifié d’aide existante une garantie similaire à celles concernées en l’espèce.

VI.2.3.   Licence d’exclusivité

(232)

L’Allemagne fait valoir qu’à la lumière de l’arrêt Preussen-Elektra (62), les recettes du secteur à tarifs réglementés du courrier ne constituent pas des aides d’État.

(233)

À son avis, dès lors que les recettes réalisées à partir des tarifs réglementés du courrier ne sont pas des ressources d’État, toute allégation au sujet de tarifs prétendument excessifs du courrier ne peut être invoquée que dans le cadre d’une procédure au titre de l’article 102 du TFUE.

VI.3.   Observations du gouvernement allemand sur l’expertise WIK

VI.3.1.   L’expertise WIK confirme la nécessité des transferts publics en tant que compensation des coûts nets de l’obligation de service universel jusqu’en 1995

(234)

En dépit de toutes les objections qu’elle soulève quant à la méthodologie de l’expertise WIK, l’Allemagne est d’avis que cette expertise confirme son point de vue selon lequel les transferts publics étaient nécessaires pour compenser les pertes enregistrées par Deutsche Post au cours de la période 1990-1995 dans le cadre de la fourniture de services universels.

(235)

L’Allemagne considère que tous les bénéfices excédentaires réalisés après 1995 doivent être exclus des calculs, étant donné que les transferts publics ont été absorbés par les coûts nets des obligations de service universel que Deutsche Post a supportés jusqu’en 1995. L’annulation de la décision négative de 2002 par le Tribunal confirmerait du reste que ce qui a été «consommé» une fois, ne peut pas l’être une seconde fois. Les transferts publics ayant déjà été absorbés par les pertes qui s’étaient accumulées jusqu’en 1995, ils n’ont, selon l’Allemagne, pas pu servir, à financer ensuite des bénéfices excédentaires.

VI.3.2.   Détermination erronée du bénéfice raisonnable

(236)

En référence aux expertises Deloitte, l’objection principale de l’Allemagne consiste à dire que l’expertise WIK se base sur un nombre trop important de petites entreprises pour son analyse comparative. À son avis, le groupe d’entreprises comparables devrait en particulier contenir de grandes sociétés du secteur des colis et de la logistique présentant des réseaux de taille et de complexité similaires à ceux de Deutsche Post (63).

(237)

L’expertise Deloitte-II part du principe que les sociétés du secteur postal et des colis qui exploitent de vastes et complexes réseaux de collecte et de distribution peuvent être comparées raisonnablement à Deutsche Post. Compte tenu des économies d’échelle, de portée et de densité qui prévalent dans les réseaux postaux, les grandes entreprises se prêtent davantage à une comparaison que les petites entreprises de courrier. Dans une moindre mesure, les sociétés de transport de marchandises et de logistique pourraient aussi contribuer à la comparaison car elles utilisent les mêmes actifs.

(238)

L’expertise Deloitte-II n’inclut dans son échantillon d’entreprises comparables que des sociétés dont les recettes annuelles sont supérieures à 100 millions d’EUR. De cette manière, l’analyse se restreint à un petit nombre comprenant six entreprises comparables correspondant à de grands opérateurs multinationaux de colis express comme UPS, FedEx et TNT Express ainsi que quelques autres opérateurs postaux originaires principalement des États-Unis et du Royaume-Uni.

(239)

Ce groupe d’entreprises comparables affiche pour la période 1998-2007 une médiane des MDE de 7,4 % et un troisième quartile MDE de 12 % en tant que limite supérieure du bénéfice raisonnable. Effectuée avec un groupe plus important comprenant 18 sociétés de logistique et 19 entreprises de transport, la comparaison aboutit à une médiane des MDE comprise entre 4,6 % et 5,7 %, l’expertise Deloitte-II exprime toutefois des doutes quant à la comparabilité de ces entreprises avec Deutsche Post.

(240)

Sur la base des données des deux groupes d’entreprises comparables, l’expertise Deloitte-II recommande ensuite une fourchette des MDE comprise entre 6,1 % et 11,7 % en tant que valeur de référence.

(241)

En ce qui concerne la détermination de la marge de bénéfice raisonnable à partir du groupe d’entreprises comparables, l’expertise Deloitte-II souligne qu’une simple MDE pluriannuelle en tant que valeur de référence sous-estime le bénéfice raisonnable en raison, premièrement, de dispersions considérables et systématiques d’une année à l’autre et, deuxièmement, de l’existence d’importantes différences du point de vue rentabilité entre les entreprises d’une même branche. L’application d’un bénéfice raisonnable de référence trop faible risquerait d’inhiber la réalisation de projets d’investissement efficaces.

(242)

Comme déjà souligné dans l’expertise Deloitte-I, l’expertise Deloitte-II considère que les calculs du bénéfice raisonnable de référence effectués dans l’expertise WIK sur la base de la médiane des entreprises comparables négligent complètement les gains d’efficience que Deutsche Post a réalisés principalement à partir de 1990. En conformité avec les points 14 et 18 du cadre communautaire de 2005, il conviendrait toutefois également d’introduire pour la définition du bénéfice raisonnable «des critères incitatifs, liés notamment à la qualité du service rendu et aux gains de productivité».

(243)

Par conséquent, le bénéfice raisonnable de référence devrait reposer sur une fourchette annuelle. Les bénéfices qui se trouvent à la limite supérieure ou même au-delà pourraient signifier qu’en raison de meilleures performances opérationnelles ou commerciales, l’entreprise moyenne a dépassé le taux de référence. De tels bénéfices devraient être autorisés par les autorités de régulation dans le but d’inciter les entreprises à réaliser des gains d’efficience.

(244)

Enfin, l’Allemagne relève que le niveau du bénéfice raisonnable doit être conforme aux décisions antérieures dans le cadre desquelles la Commission a admis une MDE comprise entre 7 et 8 % pour les opérateurs de transport par chemin de fer et autobus (64).

VI.3.3.   Imputation et évaluation des coûts incorrectes

(245)

L’Allemagne souligne de nouveau qu’il est impossible tant matériellement que juridiquement de procéder à une réallocation des charges liées au service universel en les imputant aux services commerciaux. En vertu de l’article 7 de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (65) tous les coûts nets causés par l’obligation de service universel doivent être financés par les recettes réalisées à partir du secteur réservé du courrier et non à partir des recettes des services commerciaux.

(246)

Par ailleurs, l’Allemagne est d’avis que l’expertise WIK a sous-estimé certains coûts de Deutsche Post:

les rétrocessions que Deutsche Post a dû verser jusqu’en 1995 auraient dû être soustraites en tant que dépenses et n’auraient pas dû être utilisées comme référence approximative des coûts du capital et du bénéfice raisonnable. En renvoyant à l’expertise KPMG, l’Allemagne rejette la constatation effectuée dans l’expertise WIK selon laquelle les rétrocessions pourraient être considérées comme une mesure se substituant au paiement d’impôt sur les bénéfices ou versement de dividendes. L’Allemagne maintient que les rétrocessions ont constitué une charge pour Deutsche Post qui n’était justifiée ni matériellement ni économiquement. Elles auraient donc dû être prises en compte en tant que coûts du service universel dans le calcul du bénéfice raisonnable en tant que rémunération du capital employé.

Les coûts d’amortissements auraient dû être évalués sur la base des valeurs de marché réelles de l’actif immobilisé telles qu’elles figurent dans le bilan fiscal officiel et non sur les valeurs comptables plus faibles du rapport financier.

Les coûts des retraites complémentaires des agents contractuels auraient également dû être intégralement pris en compte.

VI.4.   Commentaires sur les observations de tiers

VI.4.1.   Subventions relatives aux retraites

(247)

L’Allemagne rappelle que Deutsche Post n’était ni juridiquement tenue ni économiquement en mesure de reprendre à sa charge, en 1995, les engagements relatifs aux retraites des fonctionnaires. En conséquence, les coûts concernant ces retraites constituaient une dette contractée par l’État au sens de la décision de la Commission dans l’affaire Poste Italiane (66). Les subventions relatives aux retraites n’ont conféré aucun avantage financier à Deutsche Post.

(248)

Tandis qu’UPS relève qu’un opérateur ordinaire doit supporter lui-même les coûts des retraites de ses salariés, l’Allemagne argue que les coûts des retraites des fonctionnaires sont des charges qui ne relèvent pas d’un contexte concurrentiel normal et qui ne peuvent pas être comparées avec les contributions aux assurances sociales que les concurrents de Deutsche Post doivent verser pour leurs salariés de droit privé. Ces derniers n’ont en effet à payer que la contribution de l’employeur au régime de sécurité sociale et n’ont aucune charge historique à assumer en raison de droits de retraite existants.

(249)

L’Allemagne souligne qu’un calcul de la surcompensation s’impose compte tenu de l’hypothèse sous-jacente aux observations d’UPS et de FFPI, selon laquelle la Commission aurait réalisé de tels calculs pour démontrer que Deutsche Post est surcompensée.

VI.4.2.   Compensation pour la fourniture de services universels

(250)

En renvoyant au rapport d’expert NERA de 2006, l’Allemagne relève que dans le cadre de l’affaire d’aide d’État COMP/37.821, la Commission est elle-même partie du principe que les taux de rendement du capital employé, tels qu’estimés dans ledit rapport pour le secteur du courrier de DPWN, ne suffisaient pas pour démontrer l’existence de tarifs du courrier excessifs aux fins de l’article 102 du TFUE.

(251)

D’une manière générale, l’Allemagne estime que le taux de rendement du capital employé n’est pas un instrument approprié pour déterminer les bénéfices excédentaires. En effet, dans le cas d’une faible intensité capitalistique, un taux de rendement élevé du capital employé peut à une faible marge d’exploitation. Considérant que la majorité des risques dépendent des recettes et des coûts, l’Allemagne estime que le critère approprié pour déterminer les bénéfices excédentaires est constitué par la marge d’exploitation, notamment dans le chef des entreprises à faible intensité capitalistique. Dès lors que l’on applique subsidiairement la marge d’exploitation en tant qu’indicateur du bénéfice, comme dans les expertises NERA, il apparaît que la marge bénéficiaire de Deutsche Post était plus élevée que celle de Royal Mail, mais plus faible que celle de TNT. Les marges d’exploitation estimées dans les expertises NERA pour le secteur du courrier de DPWN se trouvaient ainsi bien en deçà du taux de référence des bénéfices excédentaires.

(252)

L’Allemagne considère par conséquent que ni le rapport d’expert NERA de 2006, ni sa version actualisée ne revêtent un intérêt pour l’examen, sous l’angle des dispositions relatives aux aides d’État, des mesures concernées en l’espèce. En outre, ces expertises ne fournissent aucune preuve suffisante de l’existence de bénéfices excédentaires.

(253)

À l’allégation de UPS, selon laquelle la comptabilité des coûts de Deutsche Post ne constituerait pas une base adéquate pour l’analyse des recettes et des charges du service universel, l’Allemagne réplique que la comptabilité de l’entreprise a été auditée et approuvée tant par des commissaires aux comptes que par l’Autorité nationale de régulation. En outre, cette comptabilité est conforme aux dispositions de la directive 97/67/CE.

(254)

S’agissant des accords de transfert entre Deutsche Post et DPEED, l’Allemagne souligne que ces accords satisfont aux exigences dictées par la décision de 2001 adoptée sur la base de l’article 102 du TFUE, que Deutsche Post tient la Commission informée de leur respect et que jusqu’à présent, la Commission n’a soulevé aucune objection à ce sujet.

(255)

Enfin, l’Allemagne conteste l’incorporation dans les calculs de surcompensation des transferts d’actifs effectués en 1995 en faveur de Deutsche Post (sous la forme d’immobiliers et d’infrastructures, par exemple). Dans ce contexte, l’Allemagne ajoute qu’elle a déjà fourni des informations pertinentes à cet égard dans ses observations en réponse à la décision d’ouverture de 1999. Comme la Commission n’a émis aucune objection contre cette mesure dans sa décision négative de 2002, et qu’elle ne l’a même pas mentionnée dans sa décision d’extension de 2007, les transferts d’actifs ne sauraient s’inscrire dans l’objet de la présente enquête.

VI.4.3.   Niveau des salaires

(256)

L’Allemagne convient que les salaires normalement appliqués sur le marché (ci-après les «salaires habituels») doivent servir de base de référence pour le calcul des taux de contributions sociales payées par les concurrents de Deutsche Post. Une telle base de référence est toutefois en contradiction avec la décision d’extension de 2011, puisque dans cette décision la Commission a recours à des salaires bruts de fonctionnaire corrigés, et non aux salaires habituels, pour calculer les contributions sociales versées par les concurrents de Deutsche Post. Selon l’expertise de M. Weber, le salaire habituel correspond à […] % environ du salaire brut d’un fonctionnaire. Il n’est donc pas judicieux d’utiliser les taux de salaires bruts de fonctionnaire corrigés en tant que référence pour calculer les contributions sociales.

(257)

Selon l’Allemagne, c’est sans aucun fondement que BIEK suppose que Deutsche Post aurait pris pour référence les salaires convenus dans la branche des transports pour calculer les salaires qu’elle paye par rapport à ses concurrents. Il ressort en effet de l’expertise de M. Weber que Deutsche Post a calculé les salaires habituels sur la base des salaires effectivement payés par ses concurrents.

VII.   APPRÉCIATION DES SUBVENTIONS RELATIVES AUX RETRAITES AU REGARD DES DISPOSITIONS RÉGISSANT LES AIDES D’ÉTAT

VII.1.   Existence d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE

(258)

Aux termes de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, «sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.» Pour définir si une mesure constitue une aide d’État aux sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, la Commission doit examiner si les critères suivants sont réunis: la mesure est imputable à l’État et implique l’utilisation de ressources d’État, un avantage faussant la concurrence est accordé à certaines entreprises ou branches et la mesure affecte les échanges entre les États membres.

(259)

Les subventions relatives aux retraites reposent sur l’article 16 de la PostPersG de 1994 et sont financées à partir du budget de l’État, de sorte qu’elles sont imputables à l’État et sont accordées à partir de ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE. De plus, la mesure est sélective puisque les subventions relatives aux retraites sont attribuées au fonds de pension uniquement dans le but d’alléger les coûts supportés par Deutsche Post pour les retraites des fonctionnaires et que, partant, c’est Deutsche Post qui finalement en bénéficie.

VII.1.1.   Avantage financier résultant de la réforme des retraites de 1995

(260)

En s’appuyant sur l’arrêt Combus, l’Allemagne soutient que les subventions relatives aux retraites n’ont conféré aucun avantage financier étant donné que lesdites subventions ont déchargé Deutsche Post de charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal.

(261)

Pour établir si les subventions concernées ont conféré un avantage financier sélectif, il convient de vérifier si elles ont permis d’éviter à Deutsche Post d’avoir à supporter des coûts qui auraient normalement dû grever les ressources financières propres de l’entreprise et ont ainsi empêché que les forces en présence sur le marché ne produisent leurs conséquences normales (67).

(262)

La Commission ne saurait accepter les arguments avancés par les autorités allemandes sur le fondement de l’arrêt Combus. À ce sujet, elle souligne que l’arrêt précité n’a pas été confirmé par la Cour. D’ailleurs un certain nombre d’arrêts de la Cour contredisent la thèse selon laquelle les mesures de compensation d’un désavantage structurel ne doivent pas être considérées comme des aides d’État. Selon la jurisprudence constante de la Cour à ce sujet, l’existence d’une aide d’État s’apprécie en fonction des effets et non selon les causes ou les objectifs des interventions visées (68). Selon la jurisprudence de la Cour, les avantages consentis par les autorités publiques qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise relèvent également de la notion d’aide d’État (69). En outre, selon la Cour, les coûts liés à la rémunération de leurs employés grèvent, par leur nature, le budget des entreprises, indépendamment de la question de savoir si ces coûts découlent ou non d’obligations légales ou d’accords collectifs (70). Dans ce contexte, la Cour a jugé que le fait que des mesures étatiques en cause visent à compenser des surcoûts ne saurait suffire pour écarter d’emblée l’existence d’une aide d’État (71).

(263)

La Commission considère que les coûts qui découlent des obligations qu’une entreprise doit assumer en vertu de la législation du travail ou de conventions collectives conclues avec les syndicats, tels que les charges de retraite par exemple, font partie des coûts normaux qu’une entreprise doit financer sur ses ressources propres (72). De telles charges doivent être considérées comme des coûts inhérents à l’activité économique de l’entreprise (73). À cet égard, il importe peu que l’entreprise supporte les coûts correspondants par financement direct des retraites payées à ses anciens employés (comme dans le cas des fonctionnaires employés par Deutsche Post) ou par versement d’une contribution à l’assurance retraite des salariés de droit privé qui, de son côté, utilise les cotisations versées pour financer les retraites de tous ces salariés. Ce qui est déterminant est en effet que les entreprises supportent d’une manière ou d’une autre la totalité des coûts des retraites.

(264)

La Commission constate en outre que depuis sa fondation en 1950, Deutsche Bundespost revêt la forme juridique d’un actif spécial. Un actif spécial n’a aucune personnalité juridique distincte, mais il dispose néanmoins de son propre budget et d’une comptabilité propre [article 3 de la PostVwG de 1953 et article 48 de la loi relative au principe du droit budgétaire (Haushaltsgrundsätzegesetz; ci-après la «HGrG») (74)]. En vertu des règlements administratifs applicables aux entités publiques, leur budget doit comprendre les coûts liés au personnel employé dont font partie les coûts des pensions des fonctionnaires à la retraite qui travaillaient au sein d’une telle entité publique (article 10 de la HGrG). En conséquence, depuis 1950, les coûts correspondants étaient financés par Deutsche Post à partir de ses recettes. En effet, l’article 15 de la PostVwG de 1953 interdit expressément l’octroi de subventions à Deutsche Bundespost à partir du budget de l’État. Cette disposition a été reprise à l’article 37, paragraphe 1, de la PostVerfG de 1989.

(265)

La PostVerfG de 1989 confirme cette obligation en son chapitre consacré aux ressources humaines et aux affaires sociales. Conformément à l’article 54, paragraphe 2, de ladite loi, Deutsche Post était tenue de financer tous les coûts liés à ses fonctionnaires, y compris ceux des retraites, à partir de ses ressources propres.

(266)

À partir de la deuxième réforme de la poste en 1995, l’obligation de paiement et de supporter les coûts liés aux droits pécuniaires des fonctionnaires continuait à incomber à Deutsche Post en vertu de l’article 2, paragraphe 3, de la PostPersRG de 1994. Deutsche Post a toutefois été libérée d’une partie des coûts à supporter pour les retraites des fonctionnaires. En vertu de l’article 16, paragraphe 1, de la PostPersRG de 1994, Deutsche Post a versé au fonds de pension un montant forfaitaire annuel de 2 045 millions d’EUR tout au long de la période comprise entre 1995 et 1999. Conformément à l’article 16, paragraphe 2, de la PostPersRG de 1994, ce montant forfaitaire annuel a été remplacé à partir de l’an 2000 par une contribution de 33 % du total des salaires des fonctionnaires. En outre, la même disposition prévoit qu’à partir de 1995, le solde des coûts de retraites est supporté par l’État. Le graphique 1 illustre, année par année, les versements annuels que l’État a effectués dans ce contexte à partir de 1995, date à laquelle ils s’élevaient à 151 millions d’EUR.

(267)

Il s’ensuit que les arguments avancés par l’Allemagne pour démontrer que la DPAG aurait supporté des coûts de retraites plus élevés que ses concurrents privés sont dénués de toute pertinence en ce qui concerne la question de savoir si les subventions relatives aux retraites constituent une mesure d’aide d’État. Il conviendra toutefois d’en tenir compte lors de l’examen de la compatibilité de l’aide.

(268)

L’Allemagne a, en particulier, argué que pour déterminer si Deutsche Post avait tiré un avantage des subventions relatives aux retraites, la contribution versée par cette dernière au fonds de pension doit être comparée à la contribution versée par un employeur privé au titre de l’assurance retraite en excluant la part de la contribution correspondante du salarié. Cet argument concerne la compatibilité de la mesure avec le marché intérieur, toutefois par souci d’exhaustivité, la Commission se permet ici de relever que c’est à l’employeur qu’il incombe de verser aux assurances sociales la contribution du salarié contenue dans la contribution totale due en fonction du salaire brut du salarié. D’autre part, et c’est encore plus fondamental, lorsqu’un État membre libère les salariés d’une certaine entreprise de payer une charge qu’ils devraient normalement supporter, il confère un avantage à l’employeur correspondant, puisqu’une telle mesure réduit la différence entre le salaire brut et le salaire net. L’employeur a ainsi la possibilité de recruter ou de conserver du personnel dont le salaire brut est beaucoup plus faible. Il s’ensuit que les avantages liés à la contribution du salarié aux assurances sociales sont synonymes d’un avantage pour l’employeur.

(269)

L’Allemagne a en outre avancé qu’un avantage financier de Deutsche Post tiré de la compensation de ses charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal n’existerait que si les versements de compensation avaient dépassé le montant total de ce type de charges que Deutsche Post a supportées pour ses fonctionnaires dans les secteurs réglementé et non réglementé. La Commission rappelle que la nature compensatoire d’une mesure n’exclut pas d’emblée son caractère d’aide d’État et, dans ce contexte, elle renvoie au considérant 260.

(270)

L’Allemagne persiste en outre à dire que l’État est toujours resté l’unique responsable du financement des droits de retraite des fonctionnaires. À son avis, comme la réforme des retraites de 1995 n’a rien changé à la responsabilité de l’État envers les fonctionnaires, les subventions relatives aux retraites n’ont conféré aucun avantage à Deutsche Post.

(271)

La Commission ne conteste pas qu’avant comme après 1995, l’État fédéral était en dernier ressort le garant du financement des droits des fonctionnaires à une retraite, même si elle se permet de noter à cet égard que l’article 3 de la PostVwG de 1953 et l’article 2 de la PostVerfG de 1989 établissent clairement que seul l’actif spécial, et non l’État fédéral, répond des dettes de l’actif spécial. Toutefois, conformément à la législation applicable au secteur postal comme en vertu des dispositions générales, le paiement des retraites était compris, jusqu’en 1995, dans le budget de l’actif spécial Deutsche Post. Les versements correspondants devaient être intégralement couverts par les recettes de l’actif spécial. Pour l’appréciation de la mesure sous l’angle du droit relatif aux aides d’État, il n’est du reste pas décisif de savoir qui supporte, en fin de compte, la responsabilité de garantir le financement des droits de retraite. Le point clé est, au contraire, de savoir qui était normalement tenu de les financer aux termes de la législation en vigueur. Or, selon la PostVwG de 1953, la HGrG et la PostVerfG de 1989, cette obligation incombe clairement et intégralement à Deutsche Post.

(272)

Par ailleurs, les coûts des retraites constituent des coûts d’exploitation normaux pour toutes les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées et qu’elles disposent ou non d’une personnalité juridique. Il existe une grande diversité de mécanismes de financement des retraites tant d’un État membre à l’autre qu’à l’intérieur des États membres eux–mêmes. Il est fréquent que différents régimes soient applicables en fonction de la date de recrutement. Par conséquent, Deutsche Post doit pour tout son personnel, fonctionnaires compris, supporter les coûts correspondant au financement des retraites de la même façon que toute autre entreprise. Le fait que la méthode de financement des retraites des fonctionnaires se distingue de celle appliquée pour le financement des retraites des agents contractuels n’affecte pas l’obligation de Deutsche Post d’inclure le financement des coûts liés aux retraites de son personnel dans ses frais d’exploitation normaux. Admettre l’argumentation de l’Allemagne reviendrait à dire que l’État peut décharger les entreprises publiques d’un facteur coût important qui est lié à leurs opérations ordinaires.

(273)

Enfin, lorsque l’Allemagne soutient que Deutsche Post n’a jamais disposé de ressources suffisantes pour financer les droits liés aux retraites des fonctionnaires qui lui ont été affectés, elle méconnaît que l’évaluation de l’existence d’un avantage financier est indépendante de la capacité économique d’une entreprise.

(274)

Étant donné que la réforme des retraites de 1995 a en partie relevé Deutsche Post de son obligation de financement des droits à une retraite des fonctionnaires qu’elle emploie, les subventions relatives aux retraites lui ont procuré un avantage financier.

VII.1.2.   Distorsion de la concurrence et affectation du commerce

(275)

Lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, elle affecte ces échanges. Selon une jurisprudence constante (75), une mesure fausse la concurrence et affecte le commerce entre les États membres, dès lors que le destinataire de l’aide est en concurrence avec d’autres entreprises sur des marchés ouverts à la concurrence.

(276)

En Allemagne, les marchés des colis et de la presse ont toujours été ouverts à la concurrence. Sur ces marchés, Postdienst a toujours été en concurrence avec d’autres entreprises, également établies dans d’autres États membres (comme UPS, FedEx, TNT Express, GLS ou DPD). De 1998 à 2007, DPAG a progressivement perdu ses droits exclusifs dans le secteur du courrier. À la suite de l’ouverture du marché à la concurrence, d’autres entreprises sont intervenues sur ce marché. Il s’ensuit que l’aide accordée affecte le commerce entre les États membres et est propre à fausser la concurrence.

(277)

À ce sujet, la Commission relève en outre qu’à partir de 1997, Deutsche Post et sa société holding DPWN ont absorbé un certain nombre de services de colis sur les marchés européens et internationaux. Ainsi, dès 1999, DPWN occupait une position de leader sur les marchés européens des colis et des services express avec des recettes annuelles s’élevant à quelque 4 600 millions d’EUR. En outre, à la suite de la reprise de DHL en 1998, DPWN a élargi le champ de ses activités à l’Asie et à l’Amérique du Nord D’autres mesures au sein de sociétés de logistique (Danzas, Nedlloyd, ASG, Air Express International, par exemple) ont conduit à faire de DPWN le plus grand prestataire de services aériens et maritimes, et le champion des services de logistique à l’échelon mondial. De plus, DPWN est désormais présente sur les marchés postaux en dehors de l’Allemagne (à la suite de la reprise d’Unipost en Espagne et de Williams Lee au Royaume–Uni, par exemple). Entre 1998 et 2007, DPWN a repris des entreprises à raison d’une valeur de quelque 21 000 millions d’EUR au total (76).

(278)

La Commission est par conséquent parvenue à la conclusion que les subventions relatives aux retraites constituent une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.

VII.2.   Appréciation des aides existantes au sens de l’article 108, paragraphe 1, du TFUE

(279)

L’Allemagne considère que les subventions relatives aux retraites, si tant est qu’elles constituent une aide d’État, doivent être considérées comme une aide existante au sens de l’article 1er, point b) i), du règlement (CE) no 659/1999. L’Allemagne fait valoir que depuis l’entrée en vigueur, en 1953, de la disposition pertinente introduite dans la Loi fondamentale, l’État est l’ultime débiteur responsable du financement des droits des fonctionnaires à une retraite. L’Allemagne maintient son avis que la création du fonds de pension n’a rien changé à cette obligation.

(280)

Aux termes de l’article 1er, point d) i), du règlement (CE) no 659/1999, la notion d’aides existantes comprend toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur.

(281)

Jusqu’en 1995, les paiements liés aux retraites étaient, conformément à la législation nationale applicable au secteur postal comme en vertu des dispositions générales, inclus dans le budget de l’actif spécial de Deutsche Bundespost et devaient être intégralement couverts par les recettes réalisées par cet actif spécial (voir l’appréciation détaillée de ces dispositions aux considérants 262 et 263). Avant la deuxième réforme de la poste en 1995, Deutsche Post était donc tenue de financer les coûts liés aux retraites de ses fonctionnaires à partir de ses ressources propres et elle ne recevait aucune aide visant à la décharger de ces dépenses.

(282)

La création de DPAG et l’instauration du fonds de pension en 1995 ont conduit à une restructuration complète du régime de financement des retraites des fonctionnaires. Après cette seconde réforme de la poste en 1995, Deutsche Post a repris à sa charge l’obligation de paiement et de supporter les coûts liés aux droits pécuniaires des fonctionnaires prévue à l’article 2, paragraphe 3, de la PostPersRG de 1994, mais elle a été en partie libérée des coûts à supporter pour les retraites des fonctionnaires. En vertu de l’article 16, paragraphes 1 et 2, de la PostPersRG de 1994, Deutsche Post n’était en effet plus tenue de financer le coût des retraites au-delà de sa contribution forfaitaire (pour la période 1995-1999) ou des contributions fixées (à partir de l’an 2000). Depuis, le déficit résiduel a été couvert par les subventions relatives aux retraites.

(283)

Il s’ensuit que lesdites subventions constituent une aide nouvelle, puisqu’elles ont été introduites en 1995.

(284)

En ce qui concerne le renvoi de l’Allemagne à la déclaration de la Commission dans l’affaire T–266/02, la Commission se permet tout d’abord de souligner qu’au point 54 de cet arrêt, c’est le point de vue de l’Allemagne que le Tribunal a reproduit (et non, comme soutenu par l’Allemagne, celui de la Commission). Le point 54 de l’arrêt montre que, même selon l’Allemagne, la décision négative de 2002 ne contenait aucune appréciation des subventions relatives aux retraites. Le point de vue de la Commission est reproduit au point 61 de l’arrêt où l’on peut lire:

«En premier lieu, la Commission rétorque que, dans la mesure où elle a considéré, dans le cadre de la décision attaquée, que seuls étaient pertinents les transferts opérés par la DB-Telekom»

(285)

Il s’ensuit que l’arrêt précité n’apporte aucun soutien à l’avis de l’Allemagne selon lequel la déclaration des agents de la Commission aurait implicitement autorisé les subventions relatives aux retraites. En tout état de cause, il est manifeste qu’une déclaration de cette sorte ne saurait produire un tel effet.

(286)

Par ailleurs, dans l’affaire T-421/07 (77), le Tribunal a établi que la décision d’ouverture de 1999 concernait également les subventions relatives aux retraites et qu’à l’égard à cette mesure, la procédure n’était pas close par la décision négative de 2002.

(287)

La Commission n’ayant, à aucun moment, adopté une décision sur les subventions relatives aux retraites, en affirmant ou non qu’elles ne constituaient pas une aide d’État et/ou une aide compatible avec le marché intérieur, elle est parvenue à la conclusion que lesdites subventions constituent une aide nouvelle.

VII.3.   Appréciation de la compatibilité de la mesure avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE

(288)

Il apparaît clairement que les dérogations prévues à l’article 107, paragraphe 2, et paragraphe 3, points a) et b), du TFUE ne trouvent pas à s’appliquer.

(289)

Dans la décision d’extension de 2007, la Commission avait envisagé la possibilité que les subventions relatives aux retraites soient, pour le moins partiellement, compatibles avec le marché intérieur au titre de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE, en tant que compensation à la fourniture de services publics. Dans sa réponse à la décision d’extension précitée, l’Allemagne avait insisté sur la nécessité d’examiner lesdites subventions, pour autant qu’elles soient une aide d’État, sur la base de l’article 107, paragraphe 3, point c), et pas sur celle de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE. Dans la décision d’extension de 2011, la Commission a donc en complément décrit une méthode d’examen de la compatibilité des subventions sur la base de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE sur laquelle l’Allemagne a présenté des observations.

(290)

Selon la jurisprudence de la Cour (78), c’est à l’État membre qu’il incombe d’indiquer les raisons justifiant la comptabilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, et de démontrer que les conditions de compatibilité sont réunies. Il ressort ainsi a fortiori de l’arrêt précité que la Commission n’est pas tenue en l’espèce de vérifier la compatibilité avec le marché intérieur des subventions concernées sur la base de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE, dès lors que l’État membre et le bénéficiaire de la subvention rejettent expressément tout examen éventuel de cette compatibilité sur la base de cet article.

(291)

La Commission vérifiera par conséquent si au titre de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, les subventions relatives aux retraites constituent une aide compatible avec le marché intérieur. Selon cette disposition du TFUE, les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur.

(292)

Selon la jurisprudence, la Commission peut déclarer une aide compatible avec le marché intérieur lorsque cette aide contribue à la réalisation d’un objectif d’intérêt général (79), est nécessaire pour atteindre cet objectif (80) et n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun (proportionnalité).

VII.3.1.   Ouverture à la concurrence du marché postal en tant qu’objectif d’intérêt général

(293)

Les services postaux contribuent à la cohésion sociale, économique et territoriale au sein de l’Union. L’ouverture à la concurrence des services postaux, qui s’est amorcée en 1998, a conduit à un renforcement de la qualité et de l’efficacité et une meilleure prise en compte des besoins des utilisateurs (81). L’ouverture du marché a permis la création d’un marché intérieur des services postaux. Elle contribue par conséquent à l’objectif consistant à établir un marché intérieur, tel que fixé à l’article 3, paragraphe 3, du TUE.

(294)

Depuis sa transformation en société anonyme en 1995, Deutsche Post n’a plus recruté de fonctionnaires. Ses obligations en ce qui concerne les prestations sociales dues aux fonctionnaires remontent donc à l’époque antérieure à l’ouverture à la concurrence du marché postal. Elles sont donc comparables à ce que l’on appelle des «coûts échoués», c’est-à-dire à des coûts fondés sur des engagements contractés avant l’ouverture du marché qui ne peuvent plus être honorés plus longtemps dans les mêmes conditions, dans un marché soumis à la concurrence, étant donné que l’opérateur historique n’est plus en mesure de répercuter les coûts correspondants sur les utilisateurs. Si Deutsche Post n’avait pas été libérée, pour le moins partiellement, de ces «charges historiques», elle aurait dû quitter le marché.

(295)

La Commission a reconnu que la transition progressive d’une situation où la concurrence était largement restreinte à une situation de concurrence véritable au niveau de l’Union doit se faire dans des conditions économiques acceptables (82). C’est pourquoi, dans toute une série de décisions, elle a autorisé que les États membres accordent des aides d’État pour libérer les opérateurs historiques d’une partie des charges héritées du passé concernant des obligations de retraites (83).

VII.3.2.   Nécessité et proportionnalité des subventions relatives aux retraites

(296)

Dans sa pratique décisionnelle, la Commission a considéré que l’allègement accordé dans le cadre des (coûts) de retraites doit être limité au minimum nécessaire pour aligner les (coûts) sociaux de l’opérateur historique sur ceux supportés par ses concurrents (84).

(297)

En l’espèce, la Commission reconnaît que sans une intervention de l’État permettant de la libérer d’une partie de ses obligations de retraite vis-à-vis des fonctionnaires, Deutsche Post n’aurait pas été en mesure de faire face à ses concurrents. En raison des charges sociales héritées du passé que ses concurrents n’ont pas à supporter, elle aurait été évincée du secteur du marché des services postaux ouvert à la concurrence.

(298)

Dans la décision relative à La Poste, la Commission a apprécié, pour la première fois, le caractère nécessaire et proportionnel d’une mesure d’aide conférant un allégement des coûts des retraites liées à des fonctionnaires recrutés avant l’ouverture du marché. Dans cette décision, la Commission a examiné si les subventions accordées pour les retraites alignaient le niveau des contributions sociales obligatoires de l’opérateur historique sur celui des autres entreprises du secteur «courrier/colis» (85).

(299)

La Commission appliquera la même approche dans la présente décision. L’examen de la Commission se déclinera en trois temps qui sont les suivants:

1)

la Commission déterminera tout d’abord le niveau des contributions aux assurances sociales des autres entreprises du secteur «courrier/colis»;

2)

dans un deuxième temps, elle établira le niveau des contributions sociales supportées par Deutsche Post pour les fonctionnaires qui lui ont été affectés;

3)

pour finalement, dans un troisième temps, vérifier si les niveaux correspondant aux contributions respectivement déterminées sont équivalents.

VII.3.2.1.   Niveau des contributions sociales des autres entreprises du secteur «courrier/colis»

(300)

Le niveau des contributions sociales est déterminé par deux facteurs, à savoir: le taux de contribution et l’assiette salariale sur laquelle ce taux s’applique.

a)   Calcul du taux de contribution de référence

(301)

Les concurrents privés doivent financer tant la contribution de l’employeur que celle du salarié à partir de leurs recettes. Ainsi qu’il ressort du graphique 2, le taux de contribution totale était compris depuis 1995 entre 38 et 42 % du salaire brut d’un salarié de droit privé (salaire brut = salaire net + contribution du salarié). La part de l’employeur et celle du salarié dans le taux de contribution aux assurances sociales étaient respectivement égales à 19 % et 21 % du salaire brut (pour plus de précision, voir les séries chronologiques figurant à l’annexe).

(302)

À la différence de la contribution aux assurances sociales des salariés de droit privé, celle des fonctionnaires inclut uniquement 30 à 50 % de leurs frais de santé, mais aucune autre cotisation en ce qui concerne leurs frais de retraite, santé et soins. Il s’ensuit que la contribution de Deutsche Post est supérieure à la contribution des employeurs privés en englobant la totalité des coûts des retraites à supporter ainsi que les frais résiduels de santé et de soins.

(303)

Lors de la détermination d’un taux de référence équivalent pour Deutsche Post, il y a donc lieu de tenir compte du fait que la contribution des fonctionnaires est plus faible que celle des salariés de droit privé.

(304)

S’agissant de la contribution des fonctionnaires à leurs frais de santé et de soins à raison de 30 à 50 %, il est possible d’admettre que du point de vue de ses effets économiques, elle correspond largement à la contribution des salariés de droit privé aux assurances obligatoires maladies et soins (qui en 2006, par exemple, totalisait 8,50 % environ du salaire brut d’un salarié de droit privé).

(305)

Comme les fonctionnaires ne versent aucune cotisation aux assurances retraite et chômage, Deutsche Post doit assumer une contribution correspondante pour que le niveau de ses contributions sociales soit effectivement équivalent aux contributions sociales obligatoires qu’une entreprise privée est tenue de financer à partir de ses recettes.

(306)

Le taux de référence de la contribution de Deutsche Post aux assurances sociales (ci-après le «taux de référence») doit donc, comme illustré par le graphique suivant, comprendre les taux de la contribution totale (= cotisation de l’employeur + cotisation du salarié) aux assurances retraite et chômage ainsi que la contribution de l’employeur aux assurances maladie et soins.

Graphique 7

Calcul du taux de référence applicable à la contribution de Deutsche Post aux assurances sociales

Image

(307)

Ainsi qu’il ressort du graphique 8, le taux de référence pour la période 2003-2010 était compris entre 30 et 34,1 % du salaire brut des salariés de droit privé (86).

(308)

L’Allemagne objecte que l’application à Deutsche Post d’un taux de référence supérieur à la contribution de l’employeur aux assurances sociales désavantagerait l’entreprise par rapport à ses concurrents qui, eux, doivent seulement payer la contribution de l’employeur. Or, ainsi que l’illustre l’exemple simplifié suivant (qui s’appuie sur les taux de contribution applicables en 2006), si le taux de référence correspondait seulement à la contribution de l’employeur, Deutsche Post serait nettement avantagée par rapport à ses concurrents. Ainsi, en supposant que

1)

Deutsche Post paye à un fonctionnaire le même salaire net que celui qu’un concurrent du secteur privé paye à un salarié de droit privé, soit 79,5 EUR; et que

2)

les contributions de l’employeur et du salarié aux assurances sociales s’élèvent toutes deux à 20,5 % du salaire brut du salarié de droit privé. Si l’on additionne le salaire net de 79,5 EUR et la cotisation du salarié de 20,5 EUR, on obtient alors un salaire brut de 100 EUR. La contribution totale aux assurances sociales est ainsi de 41 EUR (soit 41 % du salaire brut du salarié de droit privé).

3)

L’Allemagne estime, en revanche, que Deutsche Post ne devrait supporter que la contribution de l’employeur aux assurances sociales qui s’ajoute à la contribution du fonctionnaire à ses frais de santé (supposée être égale à celle du salarié de droit privé aux assurances santé et soins, soit à 7,5 EUR).

4)

L’Allemagne calcule la contribution de l’employeur sur la base du salaire d’un fonctionnaire de 87 EUR (somme du salaire net de 79,5 EUR et de la contribution aux frais de santé du fonctionnaire de 7,5 EUR). Les charges sociales correspondent alors à la somme de 17,8 EUR (contribution de l’employeur de 20,5 % sur un salaire encouru pour le fonctionnaire de 87 EUR) augmenté de la contribution du fonctionnaire à ses frais de santé, soit 7,5 EUR.

5)

Sur la base des calculs de l’Allemagne, les charges sociales encourus par un fonctionnaire seraient ainsi de 25,3 EUR seulement par rapport à 41 EUR pour un salarié de droit privé.

(309)

Ainsi, bien que Deutsche Post et le concurrent privé payent le même salaire net, lorsque la contribution du salarié est comprise dans le taux de référence, Deutsche Post devrait supporter des charges sociales qui s’élèveraient seulement à 62 % des contributions sociales obligatoires à verser pour un salarié de droit privé.

(310)

Par ailleurs, il convient de relever que la contribution de l’employeur aux assurances sociales (comprise depuis 1995 entre 19 et 21 %) était également nettement inférieure au taux de 33 % des salaires des fonctionnaires défini dans la loi relative aux retraites de 1995 en tant que taux de référence de la contribution de Deutsche Post au fonds de pension. Le législateur allemand n’entendait donc pas que Deutsche Post finance seulement la contribution de l’employeur, mais il lui imposait au contraire une contribution beaucoup plus élevée aux coûts des retraites des fonctionnaires ainsi que la prise en charge de toutes les autres charges sociales (contribution aux frais de santé des fonctionnaires, par exemple).

(311)

La Commission s’oppose par conséquent à une utilisation de la contribution de l’employeur aux assurances sociales obligatoires en tant que taux de référence, étant donné que les fonctionnaires, à la différence des salariés de droit privé, n’ont aucune obligation de cotiser aux assurances retraite et chômage. Les contributions correspondantes des salariés de droit privé doivent donc, en tout état de cause, être comprises dans le taux de référence afin de garantir que tant Deutsche Post que les concurrents du secteur privé supportent des contributions directes et indirectes de même niveau.

b)   Calcul de l’assiette salariale

(312)

Comme le niveau des contributions sociales que Deutsche Post doit supporter pour ses fonctionnaires doit être aligné sur celui des contributions sociales obligatoires que doivent supporter ses concurrents privés, il importe non seulement que le taux de contribution de Deutsche Post soit équivalent, mais que ce taux s’applique également à une assiette salariale équivalente. Comme illustré dans l’exemple ci-dessus, le calcul de la contribution de l’employeur de 20,5 % sur la base du salaire d’un fonctionnaire conduit à une contribution de 17,8 EUR, tandis que le concurrent privé doit payer 20,5 EUR (soit 20,5 % sur la base d’un salaire brut de 100 EUR).

(313)

Il est donc nécessaire de définir un salaire brut pour les fonctionnaires (ci-après le «salaire brut d’un fonctionnaire») qui fournisse une assiette salariale correspondant au salaire brut d’un salarié de droit privé. Il est supposé que la contribution des fonctionnaires à leurs frais de santé correspond à la contribution que versent les salariés de droit privé au titre des assurances maladie et soins. La différence résiduelle entre le salaire brut et le salaire encouru est ainsi égale à la contribution du salarié aux assurances retraite et chômage. En appliquant la formule suivante, le salaire encouru est converti en un salaire brut qui correspond au salaire brut d’un salarié de droit privé.

Tableau 6

Calcul du salaire brut d’un fonctionnaire (sur la base des taux de contribution applicables en 2006)

Salaire brut d’un fonctionnaire =

Formula

Formula

(314)

Considéré sur la base des taux de contribution applicables en 2006, par exemple, le salaire brut d’un fonctionnaire est de 15 % supérieur au salaire brut encouru pour celui-ci. Ce pourcentage quantifie par conséquent l’erreur qui serait engendrée si, pour déterminer la contribution sociale de Deutsche Post par rapport aux contributions sociales obligatoires des concurrents privés. on utilisait le salaire encouru au lieu du salaire brut L’exemple présenté au considérant 308 illustre ce point en montrant que la contribution de l’employeur de 20,5 EUR, qui repose correctement sur le salaire brut, est de 15 % plus élevée que la contribution de l’employeur de 17,8 EUR qui découle de l’application incorrecte du salaire encouru.

(315)

La Commission considère par conséquent que le taux de référence à appliquer aux contributions sociales de Deutsche Post doit reposer sur la contribution totale aux assurances retraite et chômage (contribution de l’employeur + contribution du salarié) augmentée de la contribution de l’employeur aux assurances maladie et soins. Ce taux de référence sera appliqué au salaire brut d’un fonctionnaire (tel que défini au tableau 6).

VII.3.2.2.   Contributions de Deutsche Post aux assurances sociales pour les fonctionnaires qui lui ont été affectés

(316)

En vertu de l’article 16, paragraphe 1, de la PostPersRG de 1994, Deutsche Post a dû verser au cours de la période 1995§1999, une contribution annuelle forfaitaire au fonds de pension, s’élevant à 2 045 millions d’EUR, soit au total 10 225 millions d’EUR. Aux termes de l’article 16, paragraphe 2, de la même loi, Deutsche Post s’est acquittée à partir de l’an 2000 d’une contribution fixée à un taux de 33 % qui est appliqué au salaire d’un fonctionnaire.

(317)

L’examen de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure doit toutefois également tenir compte que vu sous un angle économique, Deutsche Post n’a pas eu à supporter la contribution totale au fonds de pension de 2 045 millions d’EUR qui correspond à 33 % des salaires encourus. Dans ce contexte, la Commission estime qu’il convient de distinguer entre la période allant de 1995 à 2002 et celle comprise entre 2003 à aujourd’hui.

a)   La contribution de Deutsche Post au cours de la période 1995-2002

(318)

L’Allemagne fait valoir que, compte tenu notamment des versements forfaitaires annuels de 2 045 millions d’EUR effectués au fonds de pension au cours de la période allant de 1995 à 1999, Deutsche Post a versé une contribution sociale qui, au total, est supérieure aux contributions sociales que ses concurrents ont dû verser au titre des assurances sociales obligatoires. En conséquence, l’Allemagne considère que jusqu’en 1999 ainsi que sur toute la période faisant l’objet de l’analyse, Deutsche Post s’est acquittée de contributions au moins égales, voire supérieure à celles des entreprises privées. Il serait donc impossible de soutenir qu’en raison des subventions relatives aux retraites, Deutsche Post aurait bénéficié d’une situation plus favorable que ses concurrents. La Commission doit rejeter ces arguments étant donné qu’ils ne tiennent pas compte des dispositions réglementaires spécifiques adoptées par les autorités allemandes en ce qui concerne la couverture des coûts des services non réglementés.

(319)

Dans la présente décision, la Commission constate que sur les marchés des services non réglementés, Deutsche Post a bénéficié d’une situation plus favorable que ses concurrents parce qu’une partie des charges sociales encourues pour les fonctionnaires affectés à ces services n’a pas été supportée par ces services eux-mêmes. Au lieu de cela, cette partie de charges sociales a été imputée au secteur des services à tarifs réglementés dont les recettes ont été maintenues à un niveau suffisamment élevé pour assurer qu’en supplément des coûts spécifiquement encourus dans ce secteur, elles puissent également financer d’autres coûts.

(320)

De fait, la comptabilité interne de Deutsche Post montre que depuis 1995, Deutsche Post a limité le pourcentage des contributions sociales imputées aux services non réglementés au taux de contribution réglementaire. La CR de 2002 et les CR pour les exercices suivants confirment cette pratique. Il s’ensuit que l’avantage économique dont ont bénéficié les services non réglementés existait tant avant qu’après 1999, étant donné que ces services ont été clairement libérés de coûts qui leur étaient imputables.

(321)

L’argument de l’Allemagne selon lequel Deutsche Post aurait subi un désavantage comparatif sur les marchés à tarifs réglementés parce qu’elle aurait dû financer des charges sociales plus élevées en raison des versements forfaitaires effectués de 1995 à 1999, n’est pas fondé en fait. Premièrement, en effet, Deutsche Post continuait à disposer de droits exclusifs pour la majorité de ses services à tarifs réglementés. Deuxièmement, et plus important encore, les tarifs pour les services faisant l’objet de droits exclusifs étaient suffisamment élevés pour que les charges sociales soient répercutées sur les utilisateurs captifs.

(322)

Pour la période allant jusqu’en 1995, la réglementation des tarifs reposait sur le règlement concernant les services postaux du 24 juin 1991 (Postdienstverordnung) (87) qui précisait que les tarifs du secteur monopolistique devaient être équilibrés. Dans la pratique administrative, cela incluait les coûts des retraites. Pour la période 1995-1997, la réglementation des tarifs reposait sur la loi régissant les services de télécommunication et postaux du 14 septembre 1994 (Gesetz über die Regulierung der Telekommunikation und des Postwesens; BGBl. I, p. 2325 et 2371). En vertu des dispositions combinées des articles 4, 2 et 7 de ladite loi, les recettes réalisées dans le domaine des services à tarifs réglementés pouvaient non seulement servir à financer les coûts encourus dans le cadre de ces services, y compris les contributions au fonds de pension, mais également les coûts des services non réglementés.

(323)

Ainsi qu’il ressort des rapports financiers de Deutsche Post, le niveau des tarifs réglementés, après la réforme des retraites de 1995, était le même que celui qui s’appliquait auparavant, lorsque Deutsche Post devait encore supporter la totalité des coûts des retraites. Or, alors que ces coûts ont été plus tard limités, soit au niveau de la contribution forfaitaire (pour la période 1995-1999) soit au taux fixé (à partir de 2000) à 33 % du volume des salaires des fonctionnaires, qui régressait d’année en année, les tarifs réglementés n’ont pas été réduits en conséquence, afin qu’ils ne couvrent plus qu’un volume de contributions sociales correspondant à celui payé par les concurrents au titre des assurances sociales obligatoires. Comme le montant des contributions au fonds de pension fixé jusqu’en 1999 (2 045 millions d’EUR par an) était resté figé approximativement au niveau des coûts des retraites de 1994, la situation économique était restée la même pour Deutsche Post en ce qui concerne la couverture des coûts des retraites à partir des services à tarifs réglementés. Tant les recettes de Deutsche Post que sa contribution au fonds de pension restaient équilibrées.

(324)

Dans la PostG de 1997, on peut lire clairement que les tarifs réglementés ne devaient pas seulement servir à couvrir les coûts d’une prestation de services efficace, mais également les charges qui découlaient, par exemple, de la fourniture de prestations sociales aux fonctionnaires. La PostG de 1997 reconnaît donc explicitement que les recettes réalisées à partir des tarifs réglementés devaient être fixées de manière telle que la couverture de la totalité des versements forfaitaires soit garantie. Comme le législateur allemand considérait apparemment que le niveau des tarifs appliqués satisfaisait aux exigences de la PostG de 1997, il avait décidé de maintenir les tarifs de 1997 jusqu’en 1999. Plus tard, le 27 mars 2000, le ministre de l’économie et de la technologie en charge à l’époque a également décidé que les tarifs autorisés au 1er septembre 1997 resteraient en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002.

(325)

Les tarifs réglementés ont été ainsi maintenus au niveau historiquement élevé et n’ont donc pas été réduits à un niveau qui aurait entraîné un désavantage comparatif à Deutsche Post.

(326)

À partir de l’an 2000, Deutsche Post se trouvait dans une situation encore plus favorable par rapport à ses concurrents, étant donné que les contributions au fonds de pension ont été réduites à un taux de 33 % des salaires des fonctionnaires. En chiffres absolus, cette diminution se traduit par une réduction des coûts de 2 045 millions à 735 millions d’EUR (et à un montant encore plus faible au cours des années suivantes en raison du recul du nombre des fonctionnaires; une évolution qui n’a été contrebalancée qu’en partie par l’augmentation des salaires). Les tarifs réglementés ayant été maintenus au niveau historiquement élevé, Deutsche Post a pu réaliser des bénéfices importants dans le secteur des services à tarifs réglementés, à partir de l’an 2000.

(327)

Dans le cadre de l’examen de la rentabilité de Deutsche Post dans le secteur des services à tarifs réglementés sur toute la période 1995-2002, l’expertise WIK est parvenue à la conclusion que Deutsche Post n’a subi aucune perte dans ce secteur jusqu’en 1999, en dépit des versements forfaitaires versés au fonds de pension. À partir de l’an 2000, l’expertise WIK conclut même à des résultats nettement positifs.

(328)

La Commission ne peut donc pas accepter l’argument de l’Allemagne lorsqu’elle affirme qu’à l’égard de la couverture des charges sociales dans le secteur des services à tarifs réglementés, Deutsche Post aurait été désavantagée par rapport à ses concurrents et que les subventions relatives aux retraites auraient été nécessaires et proportionnelles pour la période antérieure à 2002.

(329)

En dépit de ce qui précède, la Commission doit admettre qu’elle ne dispose à ce sujet pas de preuves suffisantes pour déterminer le niveau exact des contributions sociales dont Deutsche Post s’est acquittée au cours de la période 1995-2002. Elle considère qu’une telle quantification ne saurait correctement reposer sur la constatation a posteriori qu’une certaine partie des charges sociales des services non réglementés a été transférée pour être financée à partir des recettes réalisées dans le secteur des services tarifs réglementés, et que d’une manière générale, Deutsche Post n’a subi aucun préjudice dans le cadre de l’application des dispositions relatives au fonds de pension, puisque les recettes dans le secteur à tarifs réglementés étaient fixées à un niveau suffisamment élevé pour couvrir les contributions au fonds de pension et les charges transférées. Il n’est pas non plus possible d’établir une méthode qui permettrait à l’État membre de calculer le niveau des contributions pour cette période. Après avoir analysé le cadre juridique entourant les tarifs réglementés qui étaient en vigueur au cours de la période 1995-2002, la Commission constate que les dispositions législatives ne permettent pas de déduire clairement comment les autorités compétentes ont fixé ex ante la composition des tarifs réglementés. Il n’est notamment pas possible de démontrer avec certitude si dans leurs décisions, les autorités compétentes, lorsqu’elles ont fixé les tarifs réglementés à un niveau qui, de facto, couvrait en définitive les coûts transférés, ont clairement affecté une certaine partie des tarifs réglementés à la couverture du montant des charges invoquées découlant des services non réglementés.

(330)

À la différence des décisions de plafonnement tarifaire de 2002, 2007 et 2011, dans lesquelles ces charges ont été expressément confirmées et approuvées par l’Autorité nationale de régulation, il est possible que cette couverture, de facto antérieure, résulte de considérations des autorités de régulation compétentes au regard de l’évolution d’autres composantes de coûts ou d’autres variables d’exploitation. Cette couverture ne suffit donc pas en l’espèce pour déterminer avec certitude dans quelle mesure ces autorités ont relevé le tarif régulé pour tenir compte des charges invoquées dans le secteur des services non réglementé.

(331)

Pour la période à partir du 1er janvier 2003, les décisions de plafonnement tarifaire de 2002, 2007 et 2011 permettent en revanche de déduire clairement comment l’Autorité nationale de régulation a fixé la composition des tarifs réglementés. Les tarifs réglementés ont été indubitablement augmentés pour couvrir les charges des services non réglementés à partir des recettes du secteur à tarifs réglementés.

b)   La contribution de Deutsche Post depuis 2003

(332)

En vertu de la PostG de 1997, Deutsche Post peut demander à l’Autorité nationale de régulation que, lors de la fixation du niveau licite des recettes résultant des droits exclusifs et des services à tarifs réglementés, celle-ci intègre entre autres les «charges ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal» ainsi que les coûts pour la fourniture efficace du service universel dans les coûts qui seront récupérés auprès des utilisateurs. L’Autorité nationale de régulation a appliqué cette méthode pour la première fois dans la décision de plafonnement tarifaire de 2002. Dans les décisions de plafonnement tarifaire de 2007 et 2011, elle a en outre autorisé les charges découlant des contributions sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal. La circonstance qu’une partie des services à tarifs réglementés soit désormais soumise à un contrôle tarifaire ex ante ne modifie en rien l’appréciation de la Commission. Deutsche Post restait en droit de répercuter la totalité de la charge en question, en exploitant sa position dominante. Peu importe, à cet égard, que l’Autorité nationale de régulation exerce son contrôle ex ante ou ex post.

(333)

L’Autorité nationale de régulation a toujours fait droit à la demande de Deutsche Post de refinancer la charge # 2 (surcoûts sociaux encourus par rapport aux coûts calculés sur la base du taux CR) à partir des recettes réalisées dans le secteur à tarif réglementé. Ainsi, aux fins de déterminer les surcoûts sociaux ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal (charge # 2) pour l’exercice 2001, elle a comparé les charges sociales encourues par Deutsche Post pour ses fonctionnaires, soit un pourcentage compris entre [40 % et 45 %] de leurs salaires (88), à la contribution réglementaire de référence qui se compose des contributions de l’employeur aux assurances sociales, à l’assurance accident et à l’assurance de retraite complémentaire qui conjointement totalisent [20 à 25 %] des salaires encourus.

(334)

La différence entre les deux taux [15 à 20 %] du salaire d’un fonctionnaire a été intégrée dans la charge # 2 et, partant, elle est couverte par les recettes du secteur à tarif réglementé (voir le tableau 2).

(335)

Du point de vue économique, Deutsche Post ne paye donc pas un taux de contribution sociale de 33 % des salaires encourus, mais seulement un taux de [20 à 25 %]. Depuis 2003, la part restante est supportée par les consommateurs captifs qui doivent payer les tarifs couvrant les charges sociales de Deutsche Post associées aux services pour lesquels elle disposait de droits exclusifs jusqu’en 2007, et aux services universels dans le secteur desquels elle détient une position dominante.

(336)

Pour pouvoir comparer le taux de contribution appliqué aux salaires encourus avec le niveau des contributions sociales d’un concurrent, il est de plus nécessaire de convertir le salaire encouru en salaire brut d’un fonctionnaire.

(337)

Le salaire encouru correspond à un taux compris entre [85 et 90 %] du salaire brut d’un fonctionnaire (89). Sur cette base un taux de contribution sociale de [20 à 25 %] des salaires encourus correspond à un taux de [17,5 à 22,5 %] du salaire brut.

(338)

À la suite de la limitation de la contribution de Deutsche Post au fonds de pension à un taux de 33 % et de la reconnaissance de la charge # 2 par l’Autorité nationale de régulation, Deutsche Post ne paye ainsi plus que [17,5 à 22,5 %] du salaire brut d’un fonctionnaire en tant que contribution sociale.

VII.3.2.3.   Comparaison

a)   Période 1995-2002

(339)

Au cours de la période 1995-2002, les recettes réalisées par Deutsche Post à partir des tarifs appliqués dans le secteur réservé ont réduit considérablement la charge économique réelle constituée par sa contribution à la couverture de ses coûts sociaux. Toutefois, faute de précisions spécifiques sur les tarifs, la Commission peut seulement constater que le niveau de la contribution de Deutsche Post est resté inférieur au taux de référence. La Commission ne peut ni calculer la différence exacte entre ces deux niveaux ni établir une méthode qui permettrait à l’État membre à le faire.

b)   Période depuis 2003

(340)

Aux fins de la comparaison du taux CR avec le taux de référence, il y a lieu de relever que le taux CR repose sur les salaires des fonctionnaires, ce qui constitue une assiette salariale trop faible par rapport au salaire brut des salariés de droit privé. Il s’ensuit que le taux CR doit être recalculé sous la forme d’un pourcentage des salaires bruts des fonctionnaires.

(341)

De la comparaison avec l’année 2006, il résulte que les charges sociales effectivement supportées par les services non réglementés étaient de l’ordre de [17,5 à 22,5] % des salaires bruts des fonctionnaires (ou de l’ordre de [20 à 25] % des salaires des fonctionnaires) par rapport au taux de référence de 33,5 %. En termes de taux de contribution sociale, Deutsche Post a donc, en 2006, bénéficié d’un avantage comparatif de [10 à 15] % des salaires bruts des fonctionnaires.

Tableau 7

Comparaison du taux CR avec le taux de référence applicable pour le calcul de la sociale contribution sociale de Deutsche Post en 2006

 

Taux de contribution sociale obligatoire

Taux CR

Taux de référence applicable pour le calcul de la contribution sociale de Deutsche Post

en pourcentage de

Salaire brut des salariés de droit privé

Salaire brut des fonctionnaires

Salaire brut des fonctionnaires

Contribution de l’employeur

20,50 %

17,84 %

20,50 %

Assurance-maladie

6,65 %

5,79 %

6,65 %

Assurance soins

0,85 %

0,74 %

0,85 %

Assurance chômage

3,25 %

2,83 %

3,25 %

Assurance retraite

9,75 %

8,48 %

9,75 %

Contribution du salarié

20,50 %

 

 

Assurance-maladie

6,65 %

 

 

Assurance soins

0,85 %

 

 

Assurance chômage

3,25 %

 

3,25 %

Assurance retraite

9,75 %

 

9,75 %

Ass. retraite complémentaire

 

[0 % à 5 %]

 

Assurance accident

 

[0 % à 5 %]

 

Taux de contribution

 

[17,5 % à 22,5 %]

33,50 %

(342)

Il ressort du tableau 7 que le taux de référence applicable à Deutsche Post est de 33,5 % du salaire brut des fonctionnaires et qu’il est ainsi à raison de [10 à 15] points de pourcentage supérieur au niveau qu’elle a effectivement supporté.

(343)

La différence de [10 à 15] points de pourcentage pour l’année 2006 est supérieure à la différence nominale de [8 à 13]% entre le taux de référence de 33,5 % et le taux CR de [20 à 25] %. La différence comprend une majoration de [2 à 3] points de pourcentage qui tient compte du fait que le taux CR nominal de [20 à 25] % repose de manière incorrecte sur le salaire encouru pour les fonctionnaires et non sur le salaire brut de ces derniers qui correspond au salaire brut des salariés de droit privé.

VII.3.2.4.   Conclusion provisoire sur la nécessité et sur la proportionnalité de la mesure

(344)

Les subventions relatives aux retraites qui couvrent les besoins de financement du fonds de pension dépassant la contribution de 33 % des salaires des fonctionnaires de Deutsche Post ne sont ni nécessaires ni proportionnelles, pour les raisons suivantes:

1)

entre 1995 et 2002, les coûts réels encourus par Deutsche Post étaient inférieurs au taux de référence; la différence exacte ne peut toutefois pas être déterminée;

2)

depuis 2003, Deutsche Post a supporté en moyenne des coûts compris entre [17,5 à 22,5 %] du salaire brut des fonctionnaires, tandis que le taux de référence moyen est de 32 % du salaire brut des fonctionnaires; le reste des coûts a été supporté par les utilisateurs, étant donné que les recettes autorisées en vertu de la règle du plafonnement tarifaire contiennent la charge correspondant aux surcoûts sociaux ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal qui couvrent les [10 à 15]% restants du salaire brut des fonctionnaires.

(345)

La différence entre les taux depuis 2003 s’explique de deux façons, à savoir:

1)

les contributions sociales obligatoires que les entreprises payent dans le secteur du courrier et de la distribution des colis s’élèvent à 41 % des salaires bruts. Pour pouvoir les comparer avec les contributions sociales que Deutsche Post supportent pour ses fonctionnaires, il est nécessaire d’opérer une correction qui tienne compte du fait que les fonctionnaires supportent eux–mêmes 30 à 50 % de leurs frais de santé et de soins. Cette part que doivent supporter les fonctionnaires doit être assimilée à la contribution des salariés aux assurances maladie et soins à hauteur de 7,5 % de leurs salaires bruts.

2.

La contribution de Deutsche Post est calculée sur la base du salaire encouru, et non sur celle du salaire brut des fonctionnaires. Le taux de référence pour les fonctionnaires de Deutsche Post est donc de l’ordre de 33,5 % du salaire brut. L’allégement qui dépasse ce taux n’est en principe ni nécessaire ni proportionnel.

(346)

Pour la période 1995-2002, il n’est pas possible de déterminer exactement quelle est la part de l’allégement supérieure à ce qui est nécessaire et proportionnel par rapport au niveau acceptable. À partir de 2003, cette part correspond à un taux de [10 à 15]% du salaire brut.

VII.3.2.5.   Incidence de l’environnement concurrentiel et réglementaire spécifique sur les critères de nécessité et de proportionnalité

(347)

Dans le cadre de l’appréciation de la nécessité et de la proportionnalité des subventions relatives aux retraites, il convient toutefois de tenir compte en l’espèce du caractère spécifique de l’environnement concurrentiel et réglementaire.

(348)

Comme expliqué au point II.2.1, Deutsche Post disposait jusqu’au 31 décembre 2007 de droits exclusifs pour l’acheminement de certains courriers. En vertu de l’article 52 de la PostG de 1997, elle était jusqu’à cette date chargée de répondre à l’obligation de service universel prévue au chapitre 2 de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil (90) et à l’article 11 de la PostG de 1997. Depuis le 1er janvier 2008, Deutsche Post fournit des services universels sur une base volontaire.

(349)

Tant que Deutsche Post détenait des droits exclusifs pour certains services du courrier, ses concurrents ne pouvaient pas proposer leurs services sur ce segment du marché des services postaux. Le fait que l’Autorité nationale de régulation ait autorisé Deutsche Post à refinancer, intégralement ou partiellement, au moyen d’une augmentation des tarifs des services à tarifs réglementés, la part des charges sociales se rapportant aux fonctionnaires chargés de fournir les services relevant de la licence exclusive dont elle disposait, ne devrait donc pas avoir altéré les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

(350)

L’obligation de service universel est fondée sur le fait que, dans un marché concurrentiel, les opérateurs postaux peuvent s’abstenir d’offrir certains services dans les régions rurales ou reculées, ou ne les proposer qu’à des prix excessifs. C’est pourquoi, chaque État membre doit, en vertu de l’article 4 de la directive 97/67/CE, veiller à ce que les utilisateurs jouissent du droit à un service universel qui correspond à une offre de services postaux de qualité déterminée, fournis de manière permanente en tout point du territoire, à des prix abordables pour tous les utilisateurs.

(351)

À cet égard, la législation allemande impose un devoir spécifique à tous les opérateurs postaux qui détiennent une position dominante sur un marché auquel s’applique l’obligation de service universel. En vertu de l’article 2 du décret concernant les services postaux (Postdienstleistungsverordnung – en abrégé «PDLV») (91), de tels prestataires de services postaux doivent fournir des services universels à tous les utilisateurs sur ce marché aux mêmes conditions. Deutsche Post, qui, à ce jour, est le seul prestataire à détenir une telle position dominante sur le marché concerné, était soumise à cette obligation.

(352)

Depuis sa privatisation, Deutsche Post n’a reçu aucune aide d’État en compensation de la fourniture de services universels. Elle perçoit toutefois à partir des recettes des services à tarifs réglementés, dans le secteur desquels elle détient une position dominante, une compensation pour les coûts qu’elle encourt dans le cadre de la garantie du service universel. La Commission considère qu’il convient de tenir compte de ce fait dans le cadre de l’appréciation de la proportionnalité et de la nécessité des subventions relatives aux retraites.

(353)

La Commission parvient ainsi à la conclusion que s’agissant des charges sociales liées aux fonctionnaires qui ont été encourues pour la fourniture de services à tarifs réglementés relevant de l’obligation de service universel et sur un segment du marché où Deutsche Post détient une position dominante, le fait que l’Autorité nationale de régulation ait approuvé une couverture intégrale de ces coûts par le biais d’une augmentation des tarifs, même lorsque lesdits coûts dépassaient le niveau normalement supporté par les concurrents de Deutsche Post, n’altère pas les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. Cette conclusion repose sur le caractère spécifique de l’environnement concurrentiel et réglementaire dans lequel ces services sont fournis. Elle ne peut donc pas être transposée à d’autres domaines.

VII.3.3.   Conclusion

(354)

Il peut être conclu qu’à partir de 2003, Deutsche Post s’est acquittée pour les fonctionnaires exerçant leurs activités dans ses services non réglementés de contributions sociales qui étaient inférieures de quelque 11 à 14 points de pourcentage à celles de ses concurrents.

Graphique 8

Avantage comparatif eu égard au taux de contribution sociale appliqué aux services non réglementés (contributions en pourcentage des salaires bruts des fonctionnaires)

[…]

(355)

Le faible niveau des contributions sociales n’est ni nécessaire ni proportionné pour atteindre l’objectif d’une ouverture progressive du marché des services postaux. Sur les marchés concernés, Deutsche Post est en concurrence directe avec d’autres prestataires. La Commission considère par conséquent que le faible niveau des contributions sociales altère les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun; il ne saurait donc être déclaré compatible avec le marché intérieur.

(356)

La part non compatible avec le marché intérieur des subventions relatives aux retraites pour la période commençant à courir au 1er janvier 2003 est calculée en appliquant la formule suivante: différence entre le taux de référence et le taux CR multipliée par la somme des salaires bruts des fonctionnaires exerçant leurs activités dans les services non réglementés.

Tableau 8

Formule de calcul de l’aide non compatible avec le marché intérieur pour la période commençant à courir au 1er janvier 2003

 

Aide non compatible avec le marché intérieur =

 

 

=

(Taux de référence – Taux CR)

×

Somme des salaires bruts des fonctionnaires dans le secteur des services non réglementés

(357)

Les calculs effectués sur la base des données disponibles font ressortir un avantage comparatif cumulé de [500 à 1 000] millions d’EUR pour la période 2003-2010 (voir l’annexe). Durant cette période, le montant annuel de l’aide non compatible avec le marché intérieur est tombé de […] millions d’EUR (2003) à […] millions d’EUR (2010) en raison de la diminution du nombre des fonctionnaires employés.

VII.3.4.   Réponses à l’encontre des arguments présentés par l’Allemagne

(358)

Dans la décision d’extension de 2011, la Commission a exprimé des doutes quant à la nécessité et la proportionnalité des subventions relatives aux retraites étant donné que les contributions sociales versées pour le secteur des services non réglementés étaient de 11 à 14 % inférieures à celles des concurrents privés. Dans la même décision, l’avantage annuel qui en résulte a été chiffré à un montant compris entre 100 et 200 millions d’EUR.

(359)

Dans ces observations sur la décision précitée, l’Allemagne a soulevé deux objections principales, à savoir:

1)

l’Allemagne maintient que le taux de référence ne peut s’appuyer que sur la contribution de l’employeur aux assurances sociales, étant donné que les entreprises privées ne sont légalement pas tenues de payer la contribution du salarié auxdites assurances. En outre, les calculs du taux de référence doivent tenir compte du fait que le niveau des salaires de Deutsche Post a toujours été supérieur au niveau «normal dans un contexte concurrentiel»;

2)

l’Allemagne affirme que la Commission n’a pas prouvé que les recettes émanant des services universels à tarifs réglementés étaient suffisantes pour financer les charges invoquées au titre de charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal.

VII.3.4.1.   L’incorporation des contributions des salariés dans le taux de référence, tel qu’effectué par la Commission, ainsi que la renonciation à un alignement du niveau des salaires sur un salaire «normal dans un contexte concurrentiel» sont correctes.

(360)

L’Allemagne argue qu’un taux de référence supérieur à la contribution de l’employeur aux assurances sociales désavantagerait Deutsche Post par rapport à ses concurrents qui sont uniquement tenus de s’acquitter de la contribution de l’employeur.

(361)

S’agissant du premier argument, la Commission insiste sur le fait qu’à l’inverse des salariés de droit privé, les fonctionnaires n’ont aucune obligation envers les assurances retraite et chômage. Par conséquent, les contributions correspondantes doivent nécessairement être comprises dans le taux de référence pour garantir l’équivalence entre les niveaux de contributions directes et indirectes supportées par Deutsche Post et les concurrents privés.

(362)

L’Allemagne réaffirme par ailleurs que le taux de référence ne s’applique ni au salaire brut des fonctionnaires ni aux salaires encourus pour ces derniers, mais seulement au salaire «normal dans un contexte concurrentiel». Selon Deutsche Post, dans les CR de 2002, 2007 et 2011, le salaire considéré comme «normal dans un contexte concurrentiel» correspondrait au salaire de la convention collective ETV (Entgelttarifvertrag) ou aux conventions tarifaires de 2003 applicables au secteur postal.

(363)

Dans la CR de 2009, le salaire considéré comme «normal dans un contexte concurrentiel» correspond au salaire minimum de 2007 qui est encore plus bas que celui prévu dans la convention collective ETV.

(364)

L’Allemagne soutient qu’il est nécessaire de faire reposer les calculs sur de tels salaires «normalement appliqués dans un contexte concurrentiel», pour aligner au même niveau les contributions sociales de Deutsche Post et celles de ses concurrents.

(365)

Cet argument ne peut être accepté car l’aide doit être limitée au minimum nécessaire afin de garantir que la transition progressive d’une situation où la concurrence était largement restreinte à une situation de concurrence véritable au niveau de l’Union s’opère dans des conditions économiques acceptables.

(366)

Il serait donc disproportionné de relever l’aide à un tel point que le montant des coûts sociaux devant être financées par Deutsche Post à partir de 1995 aurait été limité aux contributions sociales basées sur les salaires «normalement appliqués dans un contexte concurrentiel» qui ne tiennent pas compte des conditions de marché au cours des années antérieures. Il est logique du point de vue économique, que des divergences existent entre les salaires de personnes recrutées à des périodes différentes par des entreprises historiques et par de nouveaux acteurs sur le marché.

(367)

Dans l’affaire d’aide d’État «France Telecom» (92), la Commission a également rejeté l’argument de la France selon lequel le niveau des cotisations à la sécurité sociale devrait être apprécié en tenant compte du niveau supérieur des traitements versés aux fonctionnaires par rapport à celui des salaires du personnel employé par les concurrents. Dans ce contexte, la Commission a fait observer que grâce aux fonctionnaires, l’opérateur historique disposait au moment de l’ouverture du marché de collaborateurs qualifiés et compétents, sans lesquels il n’aurait pas pu maintenir sa position sur le marché. En tout état de cause, il est absolument artificiel de distinguer séparément les désavantages de l’opérateur postal historique en excluant les avantages importants dont il a bénéficié, en termes de part de marché, de notoriété et de clientèle, par exemple.

(368)

Par ailleurs, les calculs de Deutsche Post quant aux économies de salaire qu’elle aurait pu réaliser ne permettent pas d’établir de manière crédible qu’elle aurait pu les faire si elle n’avait pas été tenue d’employer des fonctionnaires. Même dans l’hypothèse d’un changement effectif en 1995 du statut des fonctionnaires en statut salarié, il n’est ni précisé à combien se serait chiffré le nombre de fonctionnaires qui, à l’époque, auraient été remplacés par des salariés de droit privé ni à quel niveau de salaire cela aurait eu lieu. À lui seul, le nombre important de fonctionnaires employés par Deutsche Post en 1995 (93) suffit pour rendre invraisemblable qu’à partir de 1995, il aurait été juridiquement et économiquement possible de remplacer tous les fonctionnaires par des salariés de droit privé tout aussi performants, mais sur la base de salaires plus faibles.

(369)

La Commission réfute par conséquent les deux objections de l’Allemagne en ce qui concerne le taux de référence et les salaires.

VII.3.4.2.   Au sujet de l’argument de l’Allemagne selon lequel les recettes réalisées à partir des services à tarifs réglementés ne suffisaient pas pour financer les charges invoquées

(370)

L’Allemagne fait valoir que la Commission a apprécié seulement le niveau des contributions sociales pour les services non réglementés, sans examiner si les bénéfices résultant des services universels à tarifs réglementés suffisaient pour financer les charges invoquées.

(371)

Dans ce contexte, l’Allemagne formule deux arguments: premièrement, la Commission n’a pas démontré que l’Autorité nationale de régulation a effectivement reconnu les charges invoquées par Deutsche Post; deuxièmement, même si ladite autorité de régulation devait avoir reconnu ces charges, les bénéfices réalisés à partir des services universels à tarifs réglementés n’auraient pas été suffisants pour les financer. À ce sujet, l’Allemagne souligne avoir transmis deux expertises, l’une réalisée par M. Weber et l’autre par CTcon, pour démontrer que les recettes résultant des services à tarifs réglementés ne suffisaient pas pour couvrir les charges invoquées au titre de surcoûts sociaux ne relevant pas des conditions normales du marché, de sorte que Deutsche Post aurait été sous-compensée pour ces charges ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal.

a)   Les décisions de plafonnement tarifaire de 2002, 2007 et 2011 reposent sur les CR présentées par Deutsche Post et reconnaissent toutes les charges invoquées

(372)

Différents documents prouvent que depuis la décision de plafonnement tarifaire de 2002, l’Autorité nationale de régulation a reconnu les charges de Deutsche Post et fixé les tarifs réglementés de manière à les couvrir. Les décisions de plafonnement tarifaire de 2007 et 2011 confirment en outre que l’Autorité nationale de régulation a fait droit à la demande de Deutsche Post en autorisant le financement des charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal invoquées à partir des recettes des services à tarifs réglementés.

b)   L’expertise de M. Weber n’apporte aucun soutien à l’argument selon lequel les recettes réalisées à partir des services universels à tarifs réglementés ne suffisaient pas pour couvrir les charges invoquées par Deutsche Post

(373)

L’expertise de M. Weber se rapporte à la période 1995-2010 et constate que Deutsche Post n’a pas seulement bénéficié de subventions relatives aux retraites, mais que la charge # 2 a également été entièrement couverte par les recettes résultant des services à tarifs réglementés [voir le point VI.1.4.2.a) où figure une description détaillée de l’expertise].

(374)

Dans le cadre de l’appréciation de l’expertise précitée, la Commission rappelle tout d’abord les critères de l’autorisation des tarifs en vertu de l’article 20, paragraphe 2, de la PostG de 1997. Selon ces critères, les plafonnements tarifaires doivent raisonnablement tenir compte des coûts d’une prestation de services efficace ainsi que des charges dues aux coûts occasionnés par la fourniture de services postaux sur l’ensemble du territoire et aux coûts liés à la reprise des charges de prévoyance envers le personnel de Deutsche Bundespost par les ayants droit de cette dernière.

Tableau 9

Fixation des tarifs conformément à l’article 20, paragraphe 2, de la PostG de 1997

 

Plafonnement tarifaire des services réglementés =

=

Coûts liés à la prestation de services réglementés efficace + charges

=

Total des coûts liés aux services réglementés + charges liées aux services non réglementés

(375)

L’Autorité nationale de régulation doit fixer les tarifs réglementés de manière telle que les recettes couvrent les coûts de la «fourniture efficace» des services à tarifs réglementés et les charges reconnues. En d’autres termes, les tarifs réglementés ne doivent pas seulement couvrir la totalité des coûts liés aux services réglementés, et ce indépendamment du fait qu’ils soient comptabilisés comme des «charges» ou comme des «coûts liés à la fourniture efficace de services», mais également la part des charges encourues dans le secteur des services non réglementés. L’article 20, paragraphe 2, de la PostG de 1997 assure ainsi la couverture intégrale des charges reconnues à partir des recettes résultant des services à tarifs réglementés. Contrairement à ce que l’Allemagne soutient, il est de jure exclu que les services à tarifs réglementés puissent souffrir d’une sous-compensation à la suite d’un transfert de surcoûts sociaux associés au personnel des services non réglementés du secteur de ces services au secteur des services à tarifs réglementés.

(376)

Dans l’expertise précitée, les surcoûts sociaux liés à l’emploi de fonctionnaires sont tout d’abord définis en tant que différence entre toutes les charges sociales de Deutsche Post pour ses fonctionnaires (versements au fonds de pension plus frais de santé, assurance accident et autres prestations d’assurance) et les contributions de l’employeur aux assurances retraite, maladie et soins, calculées sur la base du salaire minimum de 2007. Dans un deuxième temps, cette différence est comparée à la charge # 2.

(377)

L’expertise de M. Weber est contestable à deux points de vue. En premier lieu, en effet, elle fixe à un niveau excessif les surcoûts ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal. En second lieu, elle méconnaît que, de ce fait, les surcoûts contiennent également de des coûts pour lesquels Deutsche Post a reçu des compensations qui ne sont pas comptabilisées sous la charge #2, mais sous d’autres postes. Plus spécifiquement, la Commission se permet de souligner les erreurs suivantes.

(378)

Premièrement, l’expertise détermine les surcoûts sociaux sur la base de la contribution de l’employeur aux assurances sociales, mais la charge # 2 est toutefois calculée sur la base du taux CR. Or, comme ce dernier est plus élevé que la contribution de l’employeur aux assurances sociales, les surcoûts sociaux déterminés dans l’expertise sont plus élevés que la charge # 2. Par conséquent, l’expertise ne tient pas compte des surcoûts sociaux que l’Autorité nationale de régulation considère comme étant des coûts pour la «fourniture efficace» de services.

(379)

Deuxièmement, l’expertise néglige de considérer que la charge # 1 (surcoûts de salaire) contient également une fraction des surcoûts sociaux (entre autres, en raison de la différence entre les salaires encourus et la valeur de référence pour le niveau normal des salaires dans un contexte concurrentiel) et que cette fraction est donc financée à partir de la charge #1. Par ailleurs, l’expertise tient compte d’autres charges sociales qui sont couvertes par d’autres charges. Ainsi, les versements à l’institut fédéral de la poste et des télécommunications (BAnstPT) relèvent par exemple de la charge # 6 et sont donc compensés. Tandis que l’expertise indique la somme de tous les coûts encourus pour les fonctionnaires, elle néglige de mentionner que certains surcoûts sont couverts par des postes de charge autres que celui correspondant à la charge #2.

(380)

Troisièmement, il convient de considérer que la charge # 2 regroupe les surcoûts sociaux générés par le personnel statutaire et par le personnel contractuel. Avant 2003, les contributions aux assurances sociales pour les salariés de droit privé étaient supérieures à la contribution réglementaire de référence, étant donné que ces coûts comprenaient également des coûts pour intérêts à raison de […] millions d’EUR au titre de l’assurance retraite complémentaire des agents contractuels. Depuis 2003, ces coûts pour intérêts sont imputés aux coûts financiers et les charges sociales encourues pour les salariés de droit privé sont ainsi tombées en dessous du taux CR.

(381)

L’expertise utilisant toute la charge #2 en tant que compensation pour les surcoûts sociaux dus au personnel statutaire, elle conduit à un allégement excessif de ces surcoûts pour la période 2003 et à un allégement insuffisant à partir de 2003. Pour déterminer quelle peut être la compensation raisonnable des surcoûts sociaux liés au personnel statutaire qui résulterait de la charge #2, il convient donc de scinder ce poste de charge en distinguant le personnel statutaire du personnel contractuel.

(382)

La conclusion de l’expertise quant à une sous–compensation est donc trompeuse, vu que l’expert a omis de considérer que les surcoûts sociaux invoqués ne sont pas seulement couverts par le poste de charge # 2 et que l’Autorité nationale de régulation a considéré sous la qualification de «coûts pour la fourniture efficace de service» une fraction plus importante des charges sociales. Une rectification appropriée des erreurs contenues dans l’expertise au sujet de la compensation conduit à un équilibre exact entre charges et charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal, comme exigé par l’article 20, paragraphe 2, de la PostG de 1997.

(383)

L’objection de l’Allemagne selon laquelle la Commission aurait dans la décision d’extension de 2011 commis l’erreur de déterminer uniquement l’avantage comparatif pour le secteur non réglementé doit être rejetée, ne serait-ce que parce que l’Autorité nationale de régulation est tenue en vertu de l’article précité de fixer le plafonnement tarifaire de manière que les recettes des services à tarifs réglementés couvrent les coûts de la fourniture efficace de services réglementés et des charges reconnues.

c)   Aucune preuve de sous-compensation des surcoûts sociaux sur la base de l’expertise WIK

(384)

En référence à la CR de 2009, l’Allemagne soutient que depuis 1990, Deutsche Post affichait des déficits importants dans le secteur des services à tarifs réglementés, étant donné que les coûts liés à ces services ainsi que les coûts nets résultant de l’obligation de service universel absorbaient entièrement les recettes réalisées à partir de ce secteur (94). Pour cette raison également, l’Allemagne a rejeté l’argument de la Commission selon lequel les bénéfices résultant des services à tarifs réglementés auraient été suffisamment élevés pour financer certains surcoûts sociaux dans les services non réglementés.

(385)

À ce sujet, la Commission maintient, premièrement, que depuis 2003, il ressort clairement des décisions de l’Autorité nationale de régulation qu’elle a réservé à titre de compensation pour la charge #2 une partie des recettes découlant des services à tarifs réglementés. L’existence d’une telle contribution des recettes des services à tarifs réglementés résulte donc clairement des décisions de l’Autorité nationale de régulation.

(386)

Deuxièmement, l’expertise WIK indique, à l’inverse de la CR de 2009, que depuis l’an 2000, les services à tarifs réglementés ont affiché des marges bénéficiaires positives considérables de plus de [6,5 à 8,5]% du chiffre d’affaires.

Graphique 9

Calcul de la MDE des services à tarifs réglementés sur la base de l’expertise WIK

[…]

Notes explicatives:

Les calculs reposent sur les ajustements de la CR de 2009 effectués dans l’expertise WIK. Par ailleurs, il est parti du principe que les services à tarifs réglementés couvrent toutes les pertes des services universels dans le secteur non réglementé. Le bénéfice plus faible en 2007 s’explique notamment par un amortissement extraordinaire élevé pour le portefeuille immobilier.

(387)

Les bénéfices plus élevés depuis l’an 2000 sont étroitement liés à la réduction de la contribution aux fonds de pension fixée par les dispositions légales relatives aux retraites de 1995. Tandis qu’en 1999, Deutsche Post s’acquittait encore d’un versement forfaitaire annuel de 2 045 millions d’EUR, la contribution versée en l’an 2000 n’était plus que de 735 millions d’EUR (soit 33 % des salaires des fonctionnaires). Étant donné qu’en l’an 2000, l’Autorité nationale de régulation n’a pas ajusté à la baisse les tarifs réglementés sur les contributions plus faibles payées au fonds de pension, les bénéfices de Deutsche Post ont considérablement augmenté. Le niveau du bénéfice réalisé est resté élevé également après la décision de plafonnement tarifaire de 2002, étant donné que la réduction des tarifs réglementés n’était pas suffisante pour correspondre aux coûts des services à tarifs réglementés.

(388)

À la critique de l’Allemagne à l’encontre de l’expertise WIK, la Commission répond que pour sa part, elle estime que comparée à la CR de 2009, ladite expertise permet une image plus correcte de la situation économique de Deutsche Post, en général, et des bénéfices réalisés par les services à tarifs réglementés, en particulier. Cette constatation est justifiée pour deux raisons.

i)   L’imputation des coûts aux services commerciaux est plus correcte dans l’expertise WIK

(389)

Conformément à l’arrêt Chronopost, les services commerciaux doivent supporter eux-mêmes leurs coûts directs et verser une contribution raisonnable en couverture des coûts fixes. La ventilation correcte des coûts entre les différents services peut être démontrée soit sur la base d’une référence externe (prix du marché, par exemple), soit au moyen de données internes sur les coûts (95).

(390)

La CR de 2009 s’appuie sur le principe de l’article 20, paragraphe 2, de la PostG de 1997, qui précise que seuls les coûts nécessaires à la fourniture d’une prestation de services efficace peuvent être imputés aux services non réglementés, tandis que toutes les charges (comme les dépenses supplémentaires liées à la reprise des charges de prévoyance envers le personnel de Postdienst et les coûts nets de l’obligation de service universel, par exemple) doivent être financées à partir des recettes résultant des services à tarifs réglementés. Or, après examen de la CR de 2009 en comparaison avec la rentabilité des concurrents privés, l’expertise WIK constate que Deutsche Post affecte une part trop élevée de charges aux services à tarifs réglementés et une part trop faible de coûts aux services commerciaux.

(391)

Les résultats de l’expertise WIK sont corroborés par un examen des taux de référence prétendument «normaux» que Deutsche Post utilise pour calculer les différentes charges. Ainsi qu’il a été démontré, le taux CR utilisé par Deutsche Post pour le calcul de la charge #2 (charges sociales ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal) est trop faible en comparaison des contributions obligatoires aux assurances sociales que les concurrents doivent payer. En outre, en ce qui concerne la charge infrastructurelle liée aux agences postales, par exemple, il s’agit d’un taux de référence purement hypothétique, étant donné qu’il est impossible de démontrer qu’à partir de 1990, si elle n’avait pas été tenue de respecter l’obligation de service universel, Deutsche Post aurait fermé ses propres bureaux de poste. Il n’est pas non plus possible de démontrer qu’à partir de 1990, Deutsche Post aurait pu travailler uniquement avec du personnel auquel elle aurait seulement payé le salaire minimum de 2007.

(392)

La Commission conclut donc que l’expertise WIK constitue un instrument mieux approprié en tant que base de calcul des coûts devant être attribués aux services commerciaux.

(393)

En outre, en vertu des directives 97/67/CE et 2006/111/CE, l’évaluation des coûts doit être conforme aux principes généraux de reddition des comptes. Les rapports financiers annuels de Deutsche Post ne font état ni d’une augmentation des coûts d’amortissement ni de charges supplémentaires pour les retraites. De tels coûts sont normalement financés à partir des bénéfices au bilan d’une entreprise, cela vaut pour Deutsche Post comme pour ses concurrents. Par conséquent, une réévaluation à la hausse avantagerait Deutsche Post par rapport à ces concurrents.

ii)   Évaluation du bénéfice raisonnable sur la base d’une analyse comparative tenant compte des risques encourus par Deutsche Post

(394)

Les bénéfices réalisés par Deutsche Post depuis l’an 2000 étaient nettement supérieurs à la MDE médiane de 3,48 % indiquée dans l’expertise WIK et à la MDE inférieure de 6,1 % que mentionne l’expertise Deloitte-II. L’argument de l’Allemagne selon lequel Deutsche Post aurait subi des pertes tellement élevées qu’elle n’aurait pas pu supporter les charges invoquées à partir des services à tarifs réglementés ne peut donc être accepté.

(395)

Par ailleurs, l’expertise Deloitte, qui se base sur un petit groupe d’entreprises comparables appartenant principalement au secteur des services de colis express multinationaux (UPS, FedEx, TNT Express e.a.), appelle un examen critique. La recommandation formulée par cette expertise de faire reposer la marge de bénéfice raisonnable sur une MDE inférieure de 6,1 % et une MDE médiane de 7,4 %, méconnaît que Deutsche Post effectue des opérations qui, comparativement, requièrent non seulement une très faible intensité capitalistique, mais qui, de plus, comportent très peu de risques:

1)

Les services de colis express internationaux ne sont pas fournis par Deutsche Post elle-même, mais par le biais de ses filiales DHL.

2)

Pour les services du courrier qui représentent 75 % des recettes de Deutsche Post, cette dernière doit investir un volume de capitaux considérablement plus faible que les opérateurs assurant des services de colis multinationaux. Le principal poste de coûts dans le secteur du courrier est en effet constitué par les salaires des facteurs. En comparaison, les opérateurs de services de colis express doivent effectuer des investissements beaucoup plus importants dans des équipements à forte intensité capitalistique (96).

3)

La position dominante de Deutsche Post sur le marché du courrier et l’affirmation de cette position résultent des droits exclusifs qui lui ont assuré une clientèle captive, sans qu’elle ait eu besoin de procéder à de gros investissements en marketing et pour sa notoriété. En revanche, les services de colis multinationaux ont dû, de fond en comble, imposer leur position sur chaque marché national et créer un certain nombre de marques renommées (97), à leurs propres risques et à leurs propres frais.

4)

Les risques de Deutsche Post sur le marché et ses risques financiers ont été couverts par des mesures étatiques (98). La réglementation des tarifs, notamment, lui a permis de couvrir toutes les charges en provenance des services non réglementés (99).

(396)

L’expertise WIK applique donc correctement un taux de référence inférieur à la fourchette indiquée pour le bénéfice dans l’expertise Deloitte-II, afin de tenir compte de manière raisonnable des investissements à moindre intensité capitalistique effectués par Deutsche Post et des risques plus faibles que comportent ses activités par rapport aux services de courrier express multinationaux. Il n’est du reste pas nécessaire de calculer le niveau exact du taux de bénéfice de référence, étant donné que les MDE moyennes réalisées, à savoir 8,3 %, sont déjà supérieures à la MDE inférieure de 6,1 % estimée dans l’expertise Deloitte-II. Même sur la base de le rapport d’expert présenté par l’Allemagne elle-même, il a été impossible de constater que Deutsche Post aurait, à partir de l’an 2000, reçu une trop faible compensation.

(397)

En tout état de cause, il est difficile de comprendre la critique de l’expertise WIK effectuée par l’Allemagne, car la MDE médiane de 3,48 % ne dépasse pas le niveau du bénéfice que l’Autorité nationale de régulation et Deutsche Post ont elles-mêmes qualifié de raisonnable. D’une part, comme expliqué au point IV.4.3, la MDE de référence de 3,48 % fait ressortir que, dans l’absolu, Deutsche Post a réalisé un bénéfice plus élevé que les coûts du capital qu’elle fait valoir dans sa CR, et qui ont été reconnus par l’Autorité nationale de régulation (coûts pour […] et pour […], par exemple). D’autre part, la RDA médiane de 7,66 % qui est indiquée dans l’expertise WIK se situe dans une fourchette comparable aux rendements du capital que Deutsche Post […].

(398)

Le renvoi de l’Allemagne aux marges bénéficiaires raisonnables dans le secteur des transports par chemins de fer et autobus (RDA de 7 à 8 %) n’a aucune incidence sur les conclusions tirées de l’analyse comparative effectuée pour déterminer le bénéfice raisonnable. Les branches économiques de ce secteur sont en effet caractérisées par une intensité capitalistique beaucoup plus grande et exigent, par conséquent, des rendements de l’actif plus élevé pour couvrir les coûts du capital. Les chiffres indiqués par l’Allemagne montrent au contraire que le taux de référence du bénéfice raisonnable estimé dans l’expertise Deloitte-II correspond davantage à la MDE moyenne d’une branche à forte intensité capitalistique qu’à celle d’une branche à forte intensité de main-d’œuvre.

d)   Conclusions

(399)

La Commission ne peut accepter l’argument de l’Allemagne selon lequel les recettes en provenance du secteur de services à tarifs réglementés ne suffisaient pas pour couvrir les charges invoquées en raison de surcoûts sociaux. Ni l’expertise transmise ni la CR de 2009 ne sont en mesure d’étayer les arguments de l’Allemagne.

(400)

En revanche, les décisions de plafonnement tarifaire de 2002, 2007 et 2011 illustrent clairement que l’Autorité nationale de régulation a toujours approuvé que les charges invoquées soient compensées à partir des recettes résultant des services à tarifs réglementés.

VII.3.5.   Annulation des aides non compatibles avec le marché intérieur à partir du 1er janvier 2003

(401)

Selon une jurisprudence constante, la Commission est compétente, lorsqu’elle a constaté l’incompatibilité d’une mesure avec le marché intérieur, pour décider que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier (100). Selon la même jurisprudence, une telle obligation vise au rétablissement de la situation antérieure (101). Dans ce contexte, la Cour a constaté que cet objectif est atteint lorsque le bénéficiaire a remboursé l’aide illégale et perd, par cette restitution, l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents, et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (102).

(402)

Au sens de cette jurisprudence, l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 énonce ce qui suit: «En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire […]. La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.»

(403)

Par ailleurs, la Commission constate que les décisions d’extension de 2007 et de 2011 se rapportent à la période 1990-2007. Les subventions relatives aux retraites constituent toutefois un régime d’aide qui se poursuit au-delà de l’année 2007, de sorte que la compensation des charges à partir des recettes des services à tarifs réglementés n’a pas non plus cessé en 2007. La communication de l’Allemagne du 2 janvier 2012 contenait, de fait, des informations sur lesdites subventions et sur les recettes réalisées jusqu’en 2010 à partir des tarifs réglementés. La Commission parvient donc à la conclusion que la récupération de la part des subventions relatives aux retraites qui est incompatible avec le marché intérieur ne doit pas s’arrêter à l’année 2007, mais s’étendre jusqu’à la date de la publication de la présente décision.

(404)

En ce qui concerne le calcul de l’élément de l’aide que Deutsche Post a déjà reçu, il convient de souligner que, selon la jurisprudence de la Cour, aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché commun, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (103).

(405)

Les aides incompatibles avec le marché intérieur doivent être calculées en appliquant la formule indiquée au tableau 8 sur la base du taux CR et du taux de référence, tel que définis dans l’annexe et au tableau 7, et sur la base du salaire brut des fonctionnaires, tel que défini au tableau 6. Le montant des aides illégales accordées doit en outre être majoré d’un intérêt annuel jusqu’à leur restitution. Cet intérêt est calculé conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (104).

(406)

Les calculs qui, dans l’annexe de la présente décision, estiment le montant des aides illégales (hors intérêt) pour la période 2003 à 2010 reposent sur l’hypothèse que le pourcentage des fonctionnaires actifs dans le secteur des services à tarifs réglementés et dans celui des services non réglementés était identique. Les données disponibles ne fournissent aucune information sur le nombre exact des fonctionnaires travaillant dans l’un ou l’autre de ces deux secteurs. Il est donc présumé que les pourcentages de recettes affichés par les services à tarifs réglementés et les services non réglementés fournissent respectivement une première estimation, suffisamment fiable pour la ventilation des coûts de salaire.

(407)

Il s’ensuit que des données plus précises pourraient conduire à des calculs plus précis qui modifieraient les résultats. L’Allemagne a présenté récemment de nouvelles informations sur la somme des salaires des fonctionnaires dans le secteur des services non réglementés pour la période comprise entre 1995 et 2007. Ces informations suggèrent d’estimer la somme des salaires des fonctionnaires au moyen d’une ventilation sur la base des coûts de personnel indiqués dans la comptabilité analytique de Deutsche Post. Une telle approche pourrait conduire à une réduction de la somme des salaires estimée sur la base de la répartition en fonction du pourcentage de recettes. En date des 2 et 19 janvier 2012, l’Allemagne a en outre transmis des observations qui indiquent que la répartition proportionnelle des charges à l’intérieur des services à tarifs réglementés ainsi qu’entre ces services et les services réglementés a été modifiée, pour le moins en ce qui concerne la décision de plafonnement tarifaire de 2011. Selon ces informations, il semble qu’à partir de 2008, une partie des charges ait été imputée aux services non réglementés. Dans le cadre de l’exécution de la présente décision, le montant exact des aides illégales sera calculé conjointement avec l’Allemagne en tenant compte des considérations précitées.

(408)

En dépit de tous les efforts qu’elle a déployés, la Commission n’a pas réussi à estimer fiablement le montant des aides illégalement accordées au cours de la période 1995-2002. Il ne lui semble pas non plus possible d’indiquer, dans la présente décision, des paramètres de calcul suffisamment précis pour que l’État membre puisse procéder (seul ou en coopération avec la Commission) à des calculs définitifs en cours d’exécution de la décision. Dans ces circonstances particulières, les droits de la défense de l’État membre concerné ainsi que le principe de sécurité juridique s’opposent à une récupération, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999. Cette disposition prévoit en effet que «(l)a Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.»

(409)

En conséquence, l’action de récupération s’appliquera à la période à partir du 1er janvier 2003 jusqu’à la date à laquelle l’avantage comparatif dont bénéficient les services non réglementés aura disparu.

(410)

Pour la période à partir de la date de la publication de la présente décision, l’Allemagne doit veiller à ce que le niveau de la contribution de sécurité sociale en fonction des salaires que Deutsche Post paie pour ses fonctionnaires ne soit pas inférieur à celui applicable pour les salariés de droit privé de ses concurrents. La comparaison doit tenir compte de toutes les compensations que Deutsche Post reçoit sur la base de la réglementation des tarifs visée à l’article 20 de la PostG.

VIII.   APPRÉCIATIONS DES TRANSFERTS PUBLICS SOUS L’ANGLE DES DISPOSITIONS EN MATIÈRE D’AIDE D’ÉTAT

VIII.1.   Existence d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE

(411)

Aux termes de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, «sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.» Pour déterminer si une mesure constitue une aide d’État aux termes de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, la Commission doit examiner si les critères suivants sont réunis: la mesure est imputable à l’État et implique l’utilisation de ressources d’État, un avantage faussant la concurrence est accordé à certaines entreprises ou branches et la mesure affecte les échanges entre les États membres.

(412)

Les transferts publics sont des ressources d’État, étant donné qu’ils ont été octroyés en vertu des articles 37 et 40 de la PostVerfG de 1989 et de l’article 2 de la PostUmwG de 1994 et financés à partir de ressources de l’entreprise publique Telekom.

VIII.1.1.   Avantage financier résultant des transferts publics

VIII.1.1.1.   L’argument de l’Allemagne selon lequel les rétrocessions doivent être considérées comme des charges exceptionnelles

(413)

L’Allemagne avance que les transferts publics serviraient seulement à compenser les rétrocessions qui constituent des coûts que les concurrents privés n’ont normalement pas à supporter. L’Allemagne considère que les rétrocessions sont une contribution «sui generis» qu’on ne peut qualifier ni d’impôt ni de dividende.

(414)

Depuis 1924 jusqu’en 1995, Deutsche Post a dû verser des rétrocessions comprises entre 6,6 et 10 % de son chiffre d’affaires. Selon l’expertise KPMG, dans son arrêt du 22 mars 1984, le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) n’a pas statué définitivement sur la nature juridique exacte des rétrocessions, mais il les a imputées aux revenus de l’État («Erwerbseinkünfte»). En outre, lesdites rétrocessions ont été qualifiées de «coûts de prestation» (Kosten der Leistung), c’est-à-dire de coûts dont Deutsche Post devait s’acquitter pour la fourniture de ses services.

(415)

Bien que le Bundesverfassungsgericht n’ait pas exactement défini dans quelle mesure il conviendrait de considérer que les rétrocessions remplacent un impôt ou un dividende, il est clair que pour le budget de l’État, elles se sont traduites par des revenus.

(416)

Premièrement, par le passé, un grand nombre d’États membres ont utilisé les recettes du monopole des services postaux et de télécommunication en tant que source de revenu pour le budget de l’État. Comme, jusqu’en 1995, en raison de leur statut d’organisme public, la Bundespost et ses prédécesseurs n’étaient pas soumis à la règle de l’assujettissement général à l’impôt, une contribution «sui generis» avait été instaurée afin que l’État bénéficie également de revenus à partir de ces secteurs. En outre, il était également utile, du point de vue économique, de prélever des contributions sur ces monopoles. Les utilisateurs étant disposés à accepter une augmentation des tarifs, sans restriction importante de l’usage qu’ils faisaient des services proposés, des revenus élevés pouvaient ainsi être réalisés en faveur du budget de l’État.

(417)

Deuxièmement, à la différence des entreprises privées, Deutsche Post n’était ni directement ni indirectement imposables et elle n’était pas non plus tenue de verser des dividendes pour le capital propre mis à sa disposition. Les rétrocessions étaient donc la seule possibilité qui s’offrait à l’État pour, en sa qualité d’autorité fiscale ou d’actionnaire, obtenir des revenus de Deutsche Post. À cet égard, la question de savoir si les rétrocessions correspondaient exactement à un régime fiscal ou de distribution de dividendes précis est sans importance. En tout état de cause, il s’agissait de versements que Deutsche Post était tenue d’effectuer depuis 1924 et qui étaient sources de revenus pour l’État.

(418)

Enfin, on peut constater que l’obligation de paiement des rétrocessions était conforme à la finalité publique de fournir des recettes à l’État que ce soit sous la forme de taxes ou de dividendes. Il s’ensuit que les rétrocessions constituaient des coûts normaux que Deutsche Post était tenue de financer à partir de ses propres ressources.

VIII.1.1.2.   L’argument de l’Allemagne selon lequel les transferts publics sont compatibles avec le comportement d’un investisseur privé

(419)

L’Allemagne avance avoir, en partie, agit en qualité d’investisseur privé lorsqu’elle a octroyé les transferts publics, étant donné que ceux-ci ont permis de financer des investissements productifs dans le réseau de Deutsche Post.

(420)

Il est toutefois manifeste qu’un investisseur privé n’aurait pas suivi une telle stratégie étant donné que la base desdits transferts n’était pas constituée par des plans d’investissement, mais par les pertes cumulées.

(421)

Il s’ensuit que les transferts publics ont conféré un avantage financier à Deutsche Post.

VIII.1.1.3.   L’argument de l’Allemagne selon lequel les transferts publics seraient une compensation des coûts nets de l’obligation de service universel

(422)

L’Allemagne avance que les transferts publics ne constituent pas une aide d’État étant donné qu’ils servent à compenser les coûts nets engendrés par l’obligation de service universel.

(423)

Dans l’arrêt Altmark (105), la Cour a constaté que les compensations versées en contrepartie d’obligations de services publics ne constituent pas des aides d’État au sens de l’article 107 du TFUE, lorsque les quatre conditions indiquées ci-après sont réunies: premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent en outre être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente. Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. Quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations de service public, dans un cas concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’aurait encourus une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport.

(424)

Comme Deutsche Post n’a pas été sélectionnée dans le cadre d’une procédure de marché public et que l’Allemagne n’a pas démontré que Deutsche Post est une entreprise bien gérée, la quatrième condition indiquée dans l’arrêt Altmark n’est pas remplie.

VIII.1.2.   Conclusions sur l’existence d’une aide d’État

(425)

Les transferts publics ont été accordés à partir de ressources d’État et ont permis à Deutsche Post de ne pas avoir à supporter des coûts qui normalement grèvent le budget des entreprises privées. L’Allemagne n’a pas réussi à démontrer que lesdits transferts réunissaient les critères de l’arrêt Altmark et qu’elles ne constituent donc pas une aide d’État.

(426)

Pour les motifs explicités au point VII.1.2, les transferts publics sont susceptibles de fausser la concurrence et d’affecter le commerce.

(427)

La Commission est donc parvenue à la conclusion que les transferts publics constituent une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.

VIII.2.   Appréciation des aides existantes au sens de l’article 108, paragraphe 3, du TFUE

(428)

Les transferts publics ont été introduits par l’article 37, paragraphes 2 et 3, de la PostVerfG de 1989 et constituent par conséquent une aide nouvelle.

VIII.3.   Appréciation de la compatibilité de la mesure avec le marché intérieur au sens de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE

(429)

Aux termes de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE, les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du traité, et notamment aux règles de la concurrence. Le traité autorise toutefois une exception à ses propres règles pour autant qu’il soit satisfait à un certain nombre de critères: Premièrement, il doit exister un acte officiel par lequel l’État confère la responsabilité de l’exécution d’une mission donnée à une entreprise. Deuxièmement, ce mandat doit se rapporter à un service d’intérêt économique général. Troisièmement, l’exception doit être nécessaire pour l’exécution des tâches confiées et proportionnelle. Enfin, le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté.

(430)

Dans les communications des années 1996 (106) et 2001 (107) ainsi que dans l’encadrement communautaire de 2005, la Commission a expliqué la manière dont il convenait d’appliquer les critères de nécessité et de proportionnalité eu égard à une exception en vertu de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE. En dernier lieu, les dispositions sur la signification et la portée de ces critères qui, par le passé, ont été appliqués de manière conséquente par la Cour, le Tribunal et la Commission, ont été codifiées au point 2.4 de l’encadrement communautaire de 2005.

(431)

En vertu du point 2.4 de l’encadrement communautaire de 2005, la nécessité et la proportionnalité de la compensation accordée doivent répondre aux principes suivants:

1)

Le montant de la compensation ne peut pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution de l’obligation de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de cette obligation

2)

Le montant de la compensation comprend tous les avantages accordés par l’État ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit, indépendamment de leur qualification au regard de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.

3)

le montant de la compensation doit être effectivement utilisé pour assurer le fonctionnement du service d’intérêt économique général concerné. La compensation d’un service d’intérêt économique général, si elle est en fait utilisée pour intervenir sur d’autres marchés, n’est pas justifiée et constitue donc une aide d’État incompatible

(432)

Dans sa pratique décisionnelle, la Commission a considéré que les transferts publics étaient compatibles avec le marché intérieur (ou ne constituaient pas des aides d’État) dans la mesure où ils étaient inférieurs aux coûts nets encourus pour le service universel (108).

VIII.3.1.   Mission de service d’intérêt économique général

(433)

Les différentes directives postales ainsi que la jurisprudence de la Cour (109) reconnaissent que la fourniture de services postaux sur l’ensemble du territoire constitue un service d’intérêt économique général.

(434)

Par les lois successivement adoptées en liaison avec les services postaux, Deutsche Post avait été chargée jusqu’au 31 décembre 2007 de fournir des services universels.

VIII.3.2.   Nécessité et proportionnalité des transferts publics

(435)

L’Allemagne maintient son avis selon lequel les transferts publics constituent une compensation raisonnable étant donné qu’au vu de la CR de 2009, leurs montants étaient, de 1990 à 1995, largement inférieurs aux coûts nets occasionnés par les obligations de service universel. L’Allemagne avance qu’en dépit des transferts publics, la CR de 2009 affiche en 1995 une sous-compensation de Deutsche Post, à raison d’un montant de […] millions d’EUR (valeur actualisée en 1995) des coûts nets cumulés pour les obligations de service universel au cours de la période 1990-1995.

(436)

Pour la période précitée, l’expertise WIK a, en revanche, conclu, après ajustements de l’imputation et de l’évaluation des coûts de la CR de 2009, que les transferts publics avaient compensé les coûts nets cumulés des obligations de service universel.

(437)

Les calculs effectués dans l’expertise WIK montrent que la compensation opérée dépasse de [0 à 20] millions d’EUR les coûts nets cumulés. La Commission admet toutefois que les informations comptables relatives à ces exercices sont de qualité médiocre. En outre, dans l’expertise WIK, seules les rétrocessions sont reconnues en tant que coûts du capital, sans aucune prise en compte d’un bénéfice raisonnable.

(438)

Pour ces deux raisons, la Commission constate que l’expertise WIK ne peut pas servir de base pour rejeter l’argument de l’Allemagne selon lequel les transferts publics auraient constitué une compensation raisonnable des coûts liés au service universel confié à Deutsche Post.

Tableau 10

Calcul des coûts nets cumulés de l’obligation de service universel et du montant des transferts publics (valeur actualisée en 1995)

 

CR de 2009

Expertise WIK

Coûts nets cumulés

- […] millions d’EUR

- […] millions d’EUR

Transferts publics

+6 707 millions d’EUR

+6 707 millions d’EUR

Sur- ou sous-compensation

- […] millions d’EUR

+ [0 à 20] millions d’EUR

(439)

En vertu de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE, les transferts publics sont donc des aides compatibles avec le marché intérieur, puisqu’ils ne dépassent pas les coûts nets que Deutsche Post a encourus en raison de ses obligations de service universel.

IX.   LA GARANTIE PUBLIQUE POUR LES TITRES DE DETTES ÉMIS AVANT 1995 EST UNE AIDE EXISTANTE AU SENS DE L’ARTICLE 108, PARAGRAPHE 3, DU TFUE

(440)

La Commission constate que les règles relatives à la garantie publique pour les titres de dettes émis en 1953 ont été introduites par l’article 22, paragraphe 4, de la PostVwG de 1953. Lors de l’abrogation de la PostVwG de 1953 par la PostVerfG de 1989, cette disposition a été reprise sans modification dans l’article 40 de la nouvelle loi.

(441)

Comme la garantie publique pour les titres de dettes a été introduite en 1953 et, partant, avant l’entrée en vigueur du traité CEE en 1958, elle constitue une aide existante au sens de l’article 1er, point b) i), du règlement (CE) no 659/1999.

(442)

L’article 2, paragraphe 4, de la PostUmwG de 1995 a mis fin à cette aide existante. Le fait que l’État continue a assumé la garantie pour les titres de dettes qui ont été émis avant la privatisation de Deutsche Post, ne constitue pas une aide nouvelle, car l’avantage dont bénéficie Deutsche Post lui a été accordé à l’époque à laquelle les titres de dettes ont été émis.

X.   CONCLUSIONS

(443)

La Commission constate que les subventions relatives aux retraites et les transferts publics sont des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, étant donné qu’ils ont permis à Deutsche Post de ne pas avoir à supporter des coûts qui normalement grèvent le budget des entreprises.

(444)

La Commission constate par ailleurs que les subventions relatives aux retraites ainsi que les transferts publics ont été illégalement mises à exécution par l’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 2, du TFUE. La garantie publique pour les titres de dettes émis par Deutsche Post avant sa privatisation constitue une aide existante qui a été supprimée en 1995.

(445)

Les subventions relatives aux retraites ne sont pas compatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE dans la mesure où elles ont conféré un avantage comparatif aux services non réglementés, compte tenu de l’autorisation délivrée par l’Autorité nationale de régulation de financer les charges de ce secteur à partir des recettes réalisées dans le secteur des services à tarifs réglementés. L’Allemagne a libéré Deutsche Post AG de contributions sociales de manière disproportionnée étant donné que dans le cadre des mesures d’allégement prévues pour les retraites des fonctionnaires, elle n’a pas seulement accordé des subventions mais également permis à Deutsche Post AG de répercuter sur les utilisateurs des services à tarifs réglementés une partie des charges sociales des services non réglementés que Deutsche Post AG aurait dû supporter elle-même comme ses concurrents privés.

(446)

En résumé: à la suite des mesures d’allégement relatives aux retraites, Deutsche Post AG se trouve dans une position plus avantageuse que les concurrents privés, étant donné que les charges sociales que Deutsche Post AG a dû supporter pour ses services non réglementés sont plus faibles que les charges sociales nécessairement encourues par ses concurrents du secteur privé au titre des contributions obligatoires.

(447)

En conséquence, l’aide d’État incompatible avec le marché intérieur correspond à la différence entre le taux de référence qui aligne les contributions sociales de Deutsche Post AG pour ses services non réglementés sur celle des concurrents et le taux CR effectivement supporté par Deutsche Post AG multiplié par les salaires bruts des fonctionnaires exerçant leurs activités dans le secteur non réglementé. Plus spécifiquement, l’aide incompatible avec le marché intérieur doit être calculée sur la base des définitions du taux CR et du taux de référence CR, telles que spécifiées au tableau 7 et dans l’annexe, et se baser sur le salaire brut des fonctionnaires qui figure au tableau 6 en appliquant la formule du tableau 8.

(448)

La récupération de l’aide incompatible avec le marché intérieur, qui a été mise à la disposition de Deutsche Post depuis le 1er janvier 2003, doit être exigée à partir de cette date jusqu’à ce que tout avantage comparatif ait disparu. En outre, l’Allemagne doit prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier l’allégement des coûts des retraites qui repose sur les subventions accordées et sur la réglementation des tarifs de manière à supprimer tout avantage comparatif.

(449)

La Commission constate que les transferts publics constituent une aide compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE, étant donné qu’ils ont permis de compenser les coûts nets cumulés que Deutsche Post a encourus en raison de son obligation de service universel.

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

1.   Les subventions relatives aux retraites en faveur de Deutsche Post AG constituent une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE et ont été accordées illégalement par l’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

2.   Les subventions relatives aux retraites ne sont pas compatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où l’Allemagne a contribué au financement des retraites des fonctionnaires de Deutsche Post AG dans une mesure disproportionnée.

Article 2

Les transferts publics, qui constituent une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE accordée illégalement par l’Allemagne à Deutsche Post AG en violation de l’article 108, paragraphe 3, du TFUE, sont compatibles avec le marché intérieur.

Article 3

La garantie publique en faveur de Deutsche Post AG constitue une aide existante au sens de l'article 107, paragraphe 1, et de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE.

Article 4

1.   L’Allemagne récupère auprès de Deutsche Post AG l’aide incompatible avec le marché intérieur, visée à l’article 1er, qui a été ou est accordée à cette entreprise depuis le 1er janvier 2003 jusqu’à ce que l’avantage comparatif ait complètement disparu.

2.   Le montant de l’aide à récupérer comprend les intérêts courus les intérêts courus entre la date à laquelle l’aide a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à son remboursement effectif.

3.   Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 et au règlement (CE) no 271/2008 de la Commission (110) modifiant le règlement (CE) no 794/2004.

4.   L’Allemagne veille à partir de la date de la publication de la présente décision à ce que Deutsche Post AG ne puisse plus bénéficier d’un avantage comparatif pour ses services non réglementés, au regard du financement des charges à partir des recettes des services à tarifs réglementés, tel qu’autorisé par l’Autorité nationale de régulation.

Article 5

1.   La récupération, prévue à l’article 4, de l’aide visée à l’article 1er est immédiate et effective.

2.   L’Allemagne veille à ce que la présente décision soit mise à exécution dans un délai de quatre mois à compter de sa notification.

Article 6

1.   Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, l’Allemagne communique à la Commission les informations suivantes:

a)

le montant total (aides et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire;

b)

la description détaillée des mesures prises ou prévues en vue de se conformer à la présente décision;

c)

les documents attestant que le bénéficiaire a été mis en demeure de rembourser l’aide incompatible avec le marché intérieur.

2.   L’Allemagne tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide incompatible avec le marché intérieur visée à l’article 1er. Elle transmet immédiatement, sur demande de la Commission, toutes les informations sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit aussi des informations détaillées concernant les montants de l’aide et des intérêts déjà récupérés auprès de Deutsche Post AG.

Article 7

La République fédérale d’Allemagne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 25 janvier 2012.

Par la Commission

Joaquín ALMUNIA

Vice-président


(1)  À compter du 1er décembre 2009, les articles 87 et 88 du traité CE sont devenus respectivement les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le «TFUE»). Dans les deux cas, les dispositions sont, en substance, identiques. Aux fins de la présente décision, les références faites aux articles 107 et 108 du TFUE s’entendent, s’il y a lieu, comme faites respectivement aux articles 87 et 88 du traité CE.

(2)  Invitations à présenter des observations en application de l’article 88, paragraphe 2, du traité CE, en date du 17 août 1999 en ce qui concerne l’aide C 61/99 (ex NN 153/96) – Aide octroyée à Deutsche Post AG (JO C 306 du 23.10.1999, p. 25); et du 19 octobre 2007 en ce qui concerne l’aide C 36/07 (ex NN 25/07) – Aide octroyée à Deutsche Post AG (JO C 245 du 19.10.2007, p. 21); et invitation du 11 mai 2011, à présenter des observations en application de l’article 108, paragraphe 2, du TFUE, concernant l’aide C 36/07 – Aide octroyée à Deutsche Post AG (JO C 263 du 7.9.2011, p. 4).

(3)  Décision 2002/753/CE de la Commission, du 19 juin 2002, concernant des mesures prises par la République fédérale d’Allemagne en faveur de Deutsche Post AG (JO L 247 du 14.9.2002, p. 27).

(4)  Arrêt du Tribunal du 1er juillet 2008 dans l’affaire T-266/02, Deutsche Post AG contre Commission, Rec. 2008, p. II-1233.

(5)  Arrêt de la Cour du 2 septembre 2010 dans l’affaire C-399/08 P, Commission contre Deutsche Post AG, Rec. 2010, p. I-0000.

(6)  Invitation, du 12 septembre 2007, à présenter des observations en application de l’article 88, paragraphe 2, du traité CE, concernant l’aide C 36/07 (ex NN 25/07) – Aide octroyée à Deutsche Post AG (JO C 245 du 19.10.2007, p. 21).

(7)  Avis de marché 2008/S 15-018228 du 23 janvier 2008 (JO S 15 du 23.1.2008).

(8)  (JO C 297 du 29.11.2005, p. 4).

(9)  Expertise de M. Ehlermann, du cabinet WilmerHale (16 juin 2008), «Die Verpflichtung der Europäischen Kommission zur Einzelprüfung angeblicher Beihilfen an die Deutsche Post AG» (sur l’obligation de la Commission européenne d’examiner séparément les prétendues aides d’État en faveur de la Deutsche Post AG)

(10)  JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(11)  Expertise de M. Ehlermann, du cabinet WilmerHale (10 octobre 2008), «Die Periodizität der Überkompensationsrechnung gemäß Art. 86 Abs. 2 EG» (sur la périodicité des calculs de surcompensation aux termes de l’article 86, paragraphe 2, du traité CE).

(12)  Pour plus de détails sur les rétrocessions, voir le point VI.2.1.

(13)  Expertise de KPMG (11 février 2010), «Deutsche Post AG – Rechtliche Qualifikation der Ablieferungen nach § 63 PverfG» [Deutsche Post AG – Qualification juridique des rétrocessions au sens de l’article 63 de la loi sur l’organisation de la poste (PverfG)]; expertise de Deloitte (9 février 2010), «Assessment of the WIK Consult report for the European Commission – A report for Deutsche Post AG».

(14)  Expertise de M. Ehlermann, du cabinet WilmerHale (5 novembre 2010), «Bedeutung des Urteils des Gerichtshofes in der Rs. C-399/08 P Kommission/Deutsche Post AG für das laufende Beihilfeprüfverfahren im Fall C 36/2007 (Deutsche Post AG)» (sur l’importance de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C-399/08 P, Commission contre Deutsche Post AG, pour la procédure d’aide d’État en cours dans l’affaire C 36/2007 (Deutsche Post AG).

(15)  Expertise de M. Ehlermann, du cabinet WilmerHale (19 juillet 2011), «Die Verpflichtung der Europäischen Kommission zum Nachweis einer Überkompensation bei der beihilferechtlichen Beanstandung angeblicher Quersubventionierungen» (sur l’obligation de la Commission européenne de démontrer une surcompensation en cas de contestations au titre du droit régissant les aides d’État de prétendus subventionnements croisés).

(16)  Expertise de M. Ehlermann, du cabinet WilmerHale (19 juillet 2011), «Der Vergleich der effektiv getragenen Sozialkosten mit den marktüblichen Sozialkosten im laufenden Beihilfeprüfverfahren im Fall C 36/07 (Deutsche Post AG)» (sur la comparaison des coûts sociaux effectivement supportés par Deutsche Post avec les coûts sociaux habituellement supportés sur le marché, dans le cadre de la procédure d’examen en cours dans l’affaire d’aide d’État C 36/07 (Deutsche Post AG).

(17)  Expertise de M. Weber, WHU – Otto Beisheim School of Management Vallendar (juillet 2011), «Gutachten zur Ermittlung der Höhe der über das Marktniveau hinausgehenden Sozialkosten der DPAG» (sur la détermination du montant des surcoûts sociaux supportés par DPAG par rapport au niveau supportés par les opérateurs sur le marché); une version actualisée de cette expertise a été transmise le 2 janvier 2012.

(18)  Expertise de Charles River Associates (mars 2011), «Estimating a reasonable profit margin for provision of letter services»; cette étude avait été présentée par la Belgique dans le cadre de l’affaire d’aide d’État SA.14588 – aide d’État accordée à bpost.

(19)  Décision de la Commission 2001/354/CE du 20 mars 2001 dans le cadre d’une procédure au titre de l’article 82, TCE –Deutsche Post AG (JO L 125 du 5.5.2001, p. 27).

(20)  Décision de la Commission du 25 mars 2008 dans l’affaire COMP/37.821 – UPS et DVPT/DPAG, considérants 6, 63, 66 et 70 à 72.

(21)  Arrêt du Tribunal du 8 décembre 2011 dans l’affaire T-421/07, Deutsche Post AG contre Commission, Rec. 2011, p. II-0000.

(22)  Arrêt de la Cour du 13 octobre 2011 dans les affaires jointes C-463/10 P et C-475/10 P, Deutsche Post AG contre Commission, Rec. 2011, p. I-0000.

(23)  Gesetz zum Personalrecht der Beschäftigten der früheren Deutschen Bundespost du 14 septembre 1994 (BGBl. I, p. 2325).

(24)  Gesetz über die Unternehmensverfassung der Deutschen Bundespost du 8 juin 1989 (BGBl. I, p. 1026).

(25)  Gesetz zur Umwandlung von Unternehmen der Deutschen Bundespost in die Rechtsform der Aktiengesellschaft du 14 septembre 1994 (BGBl. I, p. 2325).

(26)  Gesetz über das Postwesen du 3 juillet 1989 (BGBl. I, p. 1450).

(27)  Gesetz über die Versorgung der Beamten und Richter des Bundes du 24 août 1976 (BGBl. I, p. 322).

(28)  Le régime d’assurance retraite est régi par le sixième livre du code de sécurité sociale allemand (en abrégé le «SGB VI»), le régime de l’assurance chômage par le troisième livre (en abrégé le «SGB III»), celui de l’assurance-maladie par le cinquième livre (en abrégé le «SGB V»), et celui de l’assurance dépendance et soins par le onzième livre dudit code (en abrégé le «SGB XI») ainsi que par la loi relative à l’assurance dépendance et soins (Pflegeversicherungsgesetz, en abrégé la «PflegeVG»).

(29)  Statut de la Versorgungsanstalt der Deutschen Bundespost (dans sa version de 1969).

(30)  Secret d’affaires.

(31)  Gesetz über die Regulierung der Telekommunikation und des Postwesens du 14 septembre 1994 (BGBl. I, p. 1509).

(32)  Verordnung zur Regelung der Pflichtleistungen der Deutschen Bundespost Postdienst du 12 janvier 1994 (BGBI. I, p. 86).

(33)  Post-Universaldienstleistungsverordnung du 15 décembre 1999 (BGBl. I, p. 2418).

(34)  Gesetz über die Verwaltung der Deutschen Bundespost (Postverwaltungsgesetz - loi allemande sur l’organisation de la poste), BGBl. I, p. 676.

(35)  Bundesnetzagentur, douzième analyse du marché, septembre 2009.

(36)  Ces services représentaient 38 % environ des recettes totales de la Deutsche Post en ce qui concerne la période 1990-2007, et 44 % environ pour la période 2008-2010.

(37)  L’article 53 de la PostG de 1997 prévoit qu’une fois la licence exclusive expirée, l’envoi d’un volume minimum de 50 lettres ne sera plus assujetti à un contrôle ex ante mais à un contrôle ex post des tarifs.

(38)  Arrêt du Tribunal du 8 décembre 2011 dans l’affaire T-421/07, Deutsche Post AG contre Commission, non encore publié au Recueil, points 74 et 75.

(39)  Arrêt du Tribunal du 16 mars 2004 dans l’affaire T-157/01, Danske Busvognmænd contre Commission, Rec. 2004, p. II-917, point 57.

(40)  Décision 2008/204/CE de la Commission du 10 octobre 2007 concernant les aides d’État accordées par la France en ce qui concerne la réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l’État rattachés à La Poste (JO L 63 du 7.3.2008, p. 16).

(41)  Arrêt de la Cour du 24 juillet 2003 dans l’affaire C-280/00, Altmark Trans GmbH, Rec. 2003, p. I-7747.

(42)  La CR de 2009 illustre les recettes des services à tarif régulé du courrier dans le temps au sein des différents domaines d’activité. La définition couvre pour chaque exercice la somme de toutes les recettes des tarifs réglementés indépendamment du domaine dans lequel elles ont été réalisées.

(43)  Les codes NACE (nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne) constituent la nomenclature statistique des activités économiques dans l’Union européenne.

(44)  Pour étayer les résultats obtenus sur la base de l’échantillon comprenant seulement un petit nombre de concurrents comparables, l’étude WIK a en supplément sélectionné un groupe plus important d’environ 1 160 entreprises comparables appartenant au secteur «Transports terrestres» (code NACE 60), parce qu’à l’intérieur de cette branche économique caractérisée par une concurrence intensive, des entreprises fournissent fréquemment des services similaires aux activités de transport exercées par les opérateurs postaux. La médiane MDE obtenue à partir de ce deuxième groupe de comparaison est de 2,59 %, soit un troisième quartile MDE de 5,57 %, ce qui confirme le résultat obtenu avec le plus petit échantillon.

(45)  La médiane MDE est de 3,48 % et le plafond MDE de 6,77 %.

(46)  La Deutsche Post a présenté l’étude CTcon «Rentabilités des services au guichet des filiales de la poste pour la Postbank de 2002 à 2004» datant de l’année 2005. Dans cette étude les coûts directs et les coûts indirects du réseau d’agences postales sont attribués aux services commerciaux et universels sur la base d’une estimation des coûts en fonction des activités. La rémunération versée par la Postbank apparaît dans l’ensemble couvrir une partie raisonnable du total des coûts du réseau d’agence filiales postales (y compris une partie raisonnable de la charge infrastructurelle # 3 pour le réseau des services postaux).

(47)  (JO L 318 du 17.11.2006, p. 17).

(48)  Fraction des marges bénéficiaires figurant au graphique 5 supérieure à la marge d’exploitation de 3,48 % considérée comme bénéfice raisonnable.

(49)  Pour de plus amples informations sur les rétrocessions, voir le point VI.2.1.

(50)  National Economic Research Associates (NERA), «The Profitability of the Mail Segment of Deutsche Post – An Update» (novembre 2007).

(51)  National Economic Research Associates (NERA), «The Profitability of the Mail Segment of Deutsche Post – An Update» (octobre 2006).

(52)  Le secteur du courrier de DPWN est plus vaste que celui couvert par les activités de DPAG en Allemagne. Il s’étend à toutes les prestations postales fournies à l’échelon mondial. La majeure partie des opérations effectuées par ce secteur de DPWN se situe toutefois en Allemagne.

(53)  Arrêt de la Cour du 3 juillet 2003 dans les affaires jointes C-83/01 P, C-93/01 P et C-94/01 P, Chronopost SA, La Poste et République française contre Union française de l’express (Ufex), DHL International, Federal express international (France) SNC et CRIE SA, Rec. 2003, p. I-6993.

(54)  Arrêt du Tribunal du 16 mars 2004 dans l’affaire T-157/01, Danske Busvognmænd contre Commission, Rec. 2004, p. II–917, point 57.

(55)  Arrêt du Tribunal du 1er juillet 2008 dans l’affaire T-266/02, Deutsche Post AG contre Commission, Rec. 2008, p. II-1233, point 54.

(56)  Décision de la Commission dans l’affaire C 265/02, du 29 juillet 2011, concernant une aide d’État en faveur de Royal Mail (JO C 265 du 9.9.2011, p. 2).

(57)  Voir considérant 41.

(58)  Dans la CR de 2009, les calculs de la charge # 1 – salaires de base ne relevant pas d’un contexte concurrentiel normal reposent sur le salaire minimum 2007.

(59)  Voir considérant 41.

(60)  Voir considérant 41.

(61)  Décision 2005/145/CE de la Commission du 16 décembre 2003 relative aux aides d’État accordées par la France à EDF et au secteur des industries électriques et gazières (JO L 49 du 22.2.2005, p. 9).

(62)  Arrêt de la Cour du 13 mars 2001 dans l’affaire C-379/98, PreussenElektra AG contre Schleswag AG, Rec. 2001, p. I-2099.

(63)  Selon l’Allemagne, les résultats de l’étude Deloitte sont corroborés par l’étude CRA que la Belgique a transmis dans le cadre de l’aide d’État SA 14588 (voir le considérant 44).

(64)  Décision 2008/C 35/10 de la Commission – Contrat de service public entre la Deutsche Bahn Regio et les Länder de Berlin et Brandebourg (JO C 35 du 8.2.2008, p. 13); décision 2009/325/CE de la Commission du 26 novembre 2008 concernant l’aide d’État C 3/08 (ex NN 102/05) — République tchèque relative à la compensation de service public accordée à des compagnies d’autobus de Moravie du Sud (JO L 97 du 16.4.2009, p. 14).

(65)  JO L 15 du 21.1.1998, p. 14.

(66)  Décision 2002/782/CE de la Commission du 12 mars 2002 relative aux aides d’État accordées par l’Italie en faveur de Poste Italiane SpA (ex-Ente Poste Italiane) (JO L 282 du 19.10.2002, p. 29).

(67)  Arrêt de la Cour du 14 février 2002 dans l’affaire C-301/87, République française contre Commission, Rec. 1990, p. I-00307, point 41.

(68)  Arrêts de la Cour du 2 juillet 1974 dans l’affaire 173-73, République italienne contre Commission, Rec. 1974, p. 709, point 13; du 24 février 1987 dans l’affaire 310/85, Deufil GmbH & Co. KG contre Commission, Rec. 1987, p. 901, point 8; et du 26 septembre 1996 dans l’affaire C-241/94, République française contre Commission, Rec. 1996, p. I-4551, point 20.

(69)  Arrêt de la Cour du 15 mars 1994 dans l’affaire C-387/92, Banco Exterior, Rec. 1994, p. I-877, point 13; et l’arrêt précité dans l’affaire C-241/94, point 34.

(70)  Arrêt de la Cour du 12 décembre 2002 dans l’affaire C-5/01, Royaume de Belgique contre Commission, Rec. 2002, p. I-1191, point 39.

(71)  Arrêts de la Cour du 23 février 1961 dans l’affaire 30/59, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, Rec. 1961, p. 3, points 29 et 30; précité dans l’affaire C-173/73, points 12 et 13; précité dans l’affaire C-241/94, points 29 et 35; du 16 mai 2002, dans l’affaire C-251/97, République française contre Commission, Rec. 1999, p. I-6639, points 40, 46 et 47; et du 9 juin 2011 dans les affaires jointes C-71/09 P, C-73/09 P et C-76/09 P, Comitato Venezia vuole vivere contre Commission, Rec. 2011, p. I-0000, points 90 à 96.

(72)  Décision relative à La-Poste, point 141, et lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO C 244 du 1.10.2004, p. 2), point 63.

(73)  Arrêt du Tribunal du 24 septembre 2008 dans l’affaire T–20/03, Kahla contre Commission, Recueil 2008, p. II-2305, points 194 à 197.

(74)  Haushaltsgrundsätzegesetz du 19 août 1969 (BGBl I, p. 1273), modifiée en dernier lieu par l’article 1er de la loi du 27 mai 2010 (BGBl. I, p. 671).

(75)  Arrêt du Tribunal du 30 avril 1998 dans l’affaire T-214/95, Het Vlaamse Gewest contre Commission, Rec. 1998, p. II-717.

(76)  Voir à ce sujet également l’étude WIK, section 2.

(77)  Arrêt du Tribunal du 8 décembre 2011 dans l’affaire T-421/07, Deutsche Post contre Commission, non encore publié au Recueil, points 52 et 75.

(78)  Arrêt de la Cour du 28 avril 1993 dans l’affaire C-364/90, Italie contre Commission, Rec. 1993, p. I-02097, point 20.

(79)  Arrêt du Tribunal du 14 janvier 2009 dans l’affaire T-162/06, Kronoply contre Commission, Rec. 2009, p. II-1, voir notamment les points 65, 66, 74 et 75.

(80)  Arrêts du Tribunal du 7 juin 2001 dans l’affaire T-187/99, Agrana Zucker und Stärke contre Commission, Rec. 2001, p. II-1587, point 74; du 14 mai 2002, dans l’affaire T-126/99, Graphischer Maschinenbau contre Commission, Rec. 2002, p. II-2427, points 41 à 43; ainsi que l’arrêt de la Cour du 15 avril 2008 dans l’affaire C-390/06, Nuova Agricast contre Ministero delle Attività Produttive, Rec. 2008, p. I-2577, points 68 et 69.

(81)  Voir la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008 modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté, considérants 9 et suivants (JO L 52 du 27.2.2008, p. 3).

(82)  Voir la communication de la Commission relative à la méthodologie d’analyse des aides d’État liées à des coûts échoués, lettre de la Commission SG (2001) D/290869 du 6.8.2001.

(83)  Décision 2005/145/CE relative aux aides d’État accordées par la France à EDF et au secteur des industries électriques et gazières; décision 2008/204/CE concernant les aides d’État accordées par la France en ce qui concerne la réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l’État rattachés à La Poste (JO L 63 du 8.3.2008, p. 11); décision 2009/945/CE de la Commission concernant la réforme du mode de financement du régime de retraite de la RATP [aide d’État C 42/07 (ex N 428/06)] que la France envisage de mettre à exécution en faveur de la RATP (JO L 327 du 12.12.2009, p. 6); et décision de la Commission du 20 décembre 2011 dans l’affaire C 25/2008 – Réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l’État rattachés à France Télécom (non encore publiée).

(84)  Décision 2008/204/CE de la Commission concernant les aides d’État accordées par la France en ce qui concerne la réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l’État rattachés à La Poste; décision 2009/945/CE de la Commission concernant la réforme du mode de financement du régime de retraite de la RATP [aide d’État C 42/07 (ex N 428/06)] que la France envisage de mettre à exécution en faveur de la RATP; et décision de la Commission du 20 décembre 2011 dans l’affaire C 25/2008 – Réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l’État rattachés à France Télécom (non encore publiée).

(85)  Décision relative à La Poste, considérant 166.

(86)  Une description circonstanciée figure en annexe.

(87)  Bundesgesetzblatt 1994, Partie I, p. 336.

(88)  La somme de la contribution au fonds de pension (33 %) et des frais de santé et de soins [7 à 12 %] est exprimée en pourcentage du salaire d’un fonctionnaire.

(89)  Pour plus de détails, voir l’annexe.

(90)  JO L 15 du 21.1.1998, p. 14.

(91)  Postdienstleistungsverordnung du 21 août 2001 (BGBl. I, p. 2178).

(92)  Décision de la Commission du 20 décembre 2011 dans l’affaire d’aide d’État C 25/2008, considérants 110 et 111, non encore publiée au Journal officiel.

(93)  140 000 fonctionnaires environ en 1995.

(94)  Par exemple: maintien du réseau de filiales et distribution sur six jours.

(95)  Arrêt Chronopost, point 38; conclusion de l’avocat général Tizzano pour la même affaire, point 54; décision de la Commission du 21 décembre 2005 concernant l’aide d’État N 531/05, La Banque Postale, considérants 75 et suivants.

(96)  Pour le transport international aérien et pour un réseau de distribution intégré, par exemple.

(97)  UPS ou TNT, e.a.

(98)  Par le biais de l’augmentation des tarifs réglementés, de transferts publics, de garanties publiques et grâce aux subventions relatives aux retraites, par exemple.

(99)  Surcoûts sociaux dépassant le taux de référence «normal dans un contexte concurrentiel», par exemple.

(100)  Arrêt de la Cour du 12 juillet 1973 dans l’affaire 70/72, Commission contre République fédérale d’Allemagne, Rec. 1973, p. 813, point 13.

(101)  Arrêt de la Cour du 14 septembre 1994 dans les affaires jointes C-278/92, C-279/92 et C-280/92, Royaume d’Espagne contre Commission, Rec. 1994, p. I-4103, point 75.

(102)  Arrêt de la Cour du 17 juin 1999 dans l’affaire C-75/97, Royaume de Belgique contre Commission, Rec. 1999, p. I-30671, points 64 et 65.

(103)  Voir notamment les arrêts de la Cour du 12 octobre 2000 dans l’affaire C-480/98, Royaume d’Espagne contre Commission, Rec. 2000, p. I-8717, point 25; et du 12 mai 2005 dans l’affaire C-415/03, Commission contre République hellénique, Rec. 2005, p. I-3875, point 39.

(104)  JO. L 140 du 30.4.2004, p. 1.

(105)  Arrêt de la Cour du 24 juillet 2003 dans l’affaire C-280/00, Altmark Trans GmbH, Rec. 2003, p. I-07747, points 89 et suivants.

(106)  Les services d’intérêt général en Europe (JO C 281 du 26.9.1996, p. 3).

(107)  Les services d’intérêt général en Europe (JO C 17 du 19.1.2001, p. 4).

(108)  Décision de la Commission du 12 mars 2002 dans l’affaire N 50/01– Irlande – Equity injection to An Post for the purpose of restructuring the counter network [C(2002) 941 fin.]; décision 2002/782/CE relative aux aides d’État accordées par l’Italie en faveur de Poste Italiane SpA.

(109)  Arrêt de la Cour du 19 mai 1993 dans l’affaire C-320/91, Corbeau, Rec. 1993, p. I-2533, points 15 et 19.

(110)  JO L 82 du 25.3.2008, p. 1.


ANNEXE

Méthode pour le calcul de l’aide incompatible avec le marché intérieur (en millions d’EUR); calculs provisoires sur la base des données disponibles au 31 décembre 2011 pour la période 2003-2010  (1)

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Taux de cotisation aux assurances sociales

(1)

Taux de contribution totale

 

42,20 %

42,00 %

41,54 %

41,00 %

39,70 %

38,93 %

39,25 %

39,55 %

(2)

Assurance-maladie

 

14,50 %

14,30 %

13,84 %

13,30 %

13,90 %

13,90 %

14,60 %

14,90 %

(3)

Assurance soins

 

1,70 %

1,70 %

1,70 %

1,70 %

1,70 %

1,83 %

1,95 %

1,95 %

(4)

Assurance chômage

 

6,50 %

6,50 %

6,50 %

6,50 %

4,20 %

3,30 %

2,80 %

2,80 %

(5)

Assurance retraite

 

19,50 %

19,50 %

19,50 %

19,50 %

19,90 %

19,90 %

19,90 %

19,90 %

(6)

Contribution de l’employeur

 

21,10 %

21,00 %

20,77 %

20,50 %

19,85 %

19,46 %

19,48 %

19,33 %

(7)

Assurance-maladie

 

7,25 %

7,15 %

6,92 %

6,65 %

6,95 %

6,95 %

7,15 %

7,00 %

(8)

Assurance soins

 

0,85 %

0,85 %

0,85 %

0,85 %

0,85 %

0,91 %

0,98 %

0,98 %

(9)

Assurance chômage

 

3,25 %

3,25 %

3,25 %

3,25 %

2,10 %

1,65 %

1,40 %

1,40 %

(10)

Assurance retraite

 

9,75 %

9,75 %

9,75 %

9,75 %

9,95 %

9,95 %

9,95 %

9,95 %

(11)

Contribution du salarié

 

21,10 %

21,00 %

20,77 %

20,50 %

19,85 %

19,47 %

19,77 %

20,22 %

(12)

Assurance-maladie

 

7,25 %

7,15 %

6,92 %

6,65 %

6,95 %

6,95 %

7,45 %

7,90 %

(13)

Assurance soins

 

0,85 %

0,85 %

0,85 %

0,85 %

0,85 %

0,92 %

0,97 %

0,97 %

(14)

Assurance chômage

 

3,25 %

3,25 %

3,25 %

3,25 %

2,10 %

1,65 %

1,40 %

1,40 %

(15)

Assurance retraite

 

9,75 %

9,75 %

9,75 %

9,75 %

9,95 %

9,95 %

9,95 %

9,95 %

(16)

Assurance retraite complémentaire

 

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

(17)

Assusrance accident

 

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Salaires bruts des fonctionnaires

(18)

Salaire brut

 

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

(19)

Assurance chômage (salarié)

 

3,25 %

3,25 %

3,25 %

3,25 %

2,10 %

1,65 %

1,40 %

1,40 %

(20)

Assurance retraite (salarié)

 

9,75 %

9,75 %

9,75 %

9,75 %

9,95 %

9,95 %

9,95 %

9,95 %

(21)

Salaire fonctionnaire encouru en %

= (18) - (19) - (20)

87,00 %

87,00 %

87,00 %

87,00 %

87,95 %

88,40 %

88,65 %

88,65 %

(22)

Somme des salaires bruts des fonctionnaires

 

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

(23)

Somme salaires bruts des fonctionnaires

= (22)/(21)

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Taux CR (recalculé sur la base des salaires bruts des fonctionnaires

(24)

Contribution de l’employeur

= (6)*(21)

18,36 %

18,27 %

18,07 %

17,84 %

17,46 %

17,20 %

17,27 %

17,14 %

(25)

Assurance retraite complémentaire

= (16)*(21)

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

(26)

Assurance accident

= (17)*(21)

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

(27)

Taux CR

 

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Taux de référence assurances sociales

(28)

Contribution de l’employeur

 

21,10 %

21,00 %

20,77 %

20,50 %

19,85 %

19,46 %

19,48 %

19,33 %

(29)

Assurance chômage (salarié)

 

3,25 %

3,25 %

3,25 %

3,25 %

2,10 %

1,65 %

1,40 %

1,40 %

(30)

Assurance retraite (salarié)

 

9,75 %

9,75 %

9,75 %

9,75 %

9,95 %

9,95 %

9,95 %

9,95 %

(31)

Taux de référence assurances sociales

 

34,10 %

34,00 %

33,77 %

33,50 %

31,90 %

31,06 %

30,83 %

30,68 %

Part des recettes des services à tarifs réglementés

(32)

Total des recettes

 

14 683,21

14 726,82

14 479,35

13 773,79

13 479,96

13 392,81

12 846,17

12 656,75

(33)

Recettes des services non réglementés

 

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

(34)

Part des services non réglementés

= (33)/(32)

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Aide incompatible avec le marché intérieur

(35)

Différence entre les taux de contribution

= (31) - (27)

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

(36)

Aide incompatible avec le marché intérieur

= (23)*(34)*(35)

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

(37)

Somme 2003 à 2010

 

 

 

 

 

 

 

 

[…]

Notes explicatives:

Lignes 1 à 17: Données sur les taux de contribution aux assurances sociales

Ces lignes indiquent les taux de contribution que les employeurs privés doivent verser aux assurances sociales (ventilées en fonction de la contribution de l’employeur et celle du salarié). Aux deux dernières lignes figurent les taux de la contribution au titre de l’assurance retraite complémentaire et de l’assurance accident que sont contenues dans le taux CR de Deutsche Post.

Lignes 18 à 23: Calcul du salaire brut des fonctionnaires

Pour ramener les taux de référence à un dénominateur commun, il est souligné que le salaire brut des salariés de droit privé est, en règle générale, défini à partir du salaire net à laquelle s’ajoute la contribution du salarié aux assurances sociales. Comme les fonctionnaires doivent supporter eux-mêmes 30 à 50 % de leurs frais de santé, mais qu’ils ne versent aucune cotisation aux assurances retraite et chômage obligatoires, le salaire d’un fonctionnaire correspond au salaire brut d’un salarié de droit privé (100 %) diminué de la contribution du salarié aux assurances retraite et chômage, en partant du principe d’une contribution de 50 % des fonctionnaires à l’assurance-maladie.

À la ligne 21, le salaire d’un fonctionnaire est exprimé en pourcentage du salaire brut d’un salarié de droit privé. Pour le calcul de la somme des salaires bruts des fonctionnaires, le salaire encouru est majoré de 100/(100 – contribution du salarié aux assurances chômage et retraite), comme indiqué à la ligne 23.

Lignes 24 à 27: Taux CR

Le taux CR comprend la contribution de l’employeur aux assurances sociales majorée des taux de contribution aux assurances retraite complémentaire et accident. Pour pouvoir comparer le taux CR et le taux de référence aux assurances sociales sur une base commune, les taux CR sont exprimés en pourcentage des salaires bruts des fonctionnaires. À la suite de la correction de la base des calculs, les taux CR corrigés sont respectivement plus faibles que les taux de contribution obligatoire.

Lignes 28 à 31: Taux de référence de l’assurance sociale

Comme il est supposé que les fonctionnaires supportent eux-mêmes 50 % de leur frais de santé, le taux de référence de l’assurance sociale comprend certes la totalité de la contribution aux assurances retraite et chômage, mais seulement la contribution de l’employeur aux assurances maladie et soins.

Lignes 32 à 34: Calcul de la somme des salaires bruts des fonctionnaires dans le secteur des services non réglementés

La somme des salaires bruts des fonctionnaires en activité dans le secteur des services non réglementés est une valeur approximative déterminée sur la base de la part desdits services dans le chiffre d’affaires, étant donné que la comptabilité analytique de Deutsche Post ne permet pas de dégager le nombre exact des fonctionnaires employés dans le secteur en question.

Lignes 35 à 37: Calcul de l’aide incompatible avec le marché intérieur

L’avantage comparatif exprimé en pourcentage de la contribution correspond à la différence entre le taux de référence et le taux CR. L’aide incompatible avec le marché intérieur est calculée sur la base de la somme des salaires bruts des fonctionnaires en activité dans le secteur des services non réglementés.


(1)  Le présent tableau repose sur l’hypothèse que l’Autorité nationale de régulation a imputé la charge # 2 à 100 % aux services à tarifs réglementés. Cette hypothèse devra être corrigée si l’Allemagne démontre, au cours de la phase de récupération de l’aide, que l’Autorité nationale de régulation a imputé un certain pourcentage de la charge # 2 aux services non réglementés.


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