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Document 62009TJ0352
Sommaire de l'arrêt
Sommaire de l'arrêt
Affaire T‑352/09
Novácke chemické závody a.s.
contre
Commission européenne
«Concurrence — Ententes — Marché du carbure de calcium et du magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier dans l’EEE, à l’exception de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume-Uni — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Fixation des prix et répartition du marché — Amendes — Obligation de motivation — Proportionnalité — Égalité de traitement — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 — Capacité contributive»
Sommaire – Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 12 décembre 2012
Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Caractère dissuasif de l’amende – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Limites – Prise en compte des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en cas d’infractions aux règles de concurrence – Respect des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement
(Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 37)
Concurrence – Amendes – Montant – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Contrôle juridictionnel – Compétence de pleine juridiction – Portée – Majoration de l’amende infligée à d’autres entreprises n’ayant pas été en mesure de présenter leurs observations à ce sujet – Exclusion
(Art. 261 TFUE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 31)
Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Caractère dissuasif de l’amende – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Application d’un pourcentage identique pour tous les participants d’une entente – Violation du principe d’égalité de traitement – Absence
(Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, points 4, 19, 21 et 25)
Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Caractère dissuasif de l’amende – Augmentation spécifique pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires particulièrement important – Pouvoir d’appréciation de la Commission
(Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 30)
Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Circonstances aggravantes – Rôle de meneur de l’infraction – Notion – Critères d’appréciation
(Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3)
Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Circonstances atténuantes – Ignorance du caractère infractionnel d’une entente ayant pour objet de restreindre la concurrence – Infraction commise de propos délibéré – Exclusion
(Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 29)
Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Circonstances atténuantes – Rôle passif ou suiviste de l’entreprise – Circonstance non reprise dans les nouvelles lignes directrices – Marge d’appréciation de la Commission
(Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 29)
Droit de l’Union – Principes – Droits de la défense – Utilisation, dans le cadre d’une procédure judiciaire, de déclarations d’une entreprise recueillies par la Commission en application de la communication sur la clémence – Violation du droit de cette entreprise de ne pas contribuer à sa propre incrimination – Absence
(Communications de la Commission 2002/C 45/03 et 2006/C 298/11, point 31)
Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Circonstances atténuantes – Coopération de l’entreprise incriminée en dehors du champ d’application de la communication sur la clémence – Inclusion – Conditions
(Art. 81 CE ; communications de la Commission 2002/C 45/03 et 2006/C 210/02, point 29)
Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Lignes directrices arrêtées par la Commission – Possibilité pour la Commission de s’écarter de celles-ci – Limites – Respect du principe d’égalité de traitement – Prise en compte des caractéristiques particulières d’une entreprise au regard, notamment, du risque de disproportion de l’amende
(Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 37)
Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité et durée de l’infraction – Amende infligée à une entreprise de petite ou moyenne taille – Amende supérieure, en pourcentage du chiffre d’affaires, à celle infligée aux entreprises plus grandes ayant participé à la même infraction – Violation du principe de proportionnalité – Absence
(Art. 81 CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3)
Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Montant maximal – Amende infligée à une entreprise de petite ou moyenne taille – Amende représentant un pourcentage très proche du plafond de 10 % de son chiffre d’affaires global – Pourcentage supérieur à celui infligé à d’autres participants à l’entente – Violation, de ce seul fait, du principe d’égalité de traitement – Absence
(Art. 81 CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3)
Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Obligation de prendre en considération la situation financière déficitaire de l’entreprise concernée – Absence – Capacité contributive réelle de l’entreprise dans un contexte social et économique particulier – Prise en considération – Conditions
(Art. 81 CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 35)
Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Décision infligeant des amendes – Indication des éléments d’appréciation ayant permis à la Commission de mesurer la gravité et la durée de l’infraction – Indication suffisante
(Art. 253 CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23)
Concurrence – Amendes – Montant – Caractère approprié – Contrôle juridictionnel – Éléments pouvant être pris en considération par le juge de l’Union – Éléments d’information non contenus dans la décision infligeant l’amende et non requis pour sa motivation – Inclusion
(Art. 253 CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23 et 31)
Concurrence – Règles de l’Union – Objectifs – Décision de la Commission infligeant une amende pour infraction aux règles de concurrence – Violation de l’article 3, § 1, sous g), CE – Absence
[Art. 3, § 1, g), CE et 81 CE]
Voir le texte de la décision.
(cf. points 43-48)
Voir le texte de la décision.
(cf. points 49-51, 55, 56)
Voir le texte de la décision.
(cf. points 58-61)
Le point 30 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 prévoit la faculté et non l’obligation pour la Commission d’augmenter l’amende imposée à une entreprise dont le chiffre d’affaires, au-delà des biens et des services concernés par l’infraction, est particulièrement important.
À cet égard, s’il résulte dudit paragraphe qu’une telle augmentation peut s’avérer nécessaire pour assurer à cette amende un effet suffisamment dissuasif, il n’en résulte pas, inversement, qu’une amende qui ne représente pas un pourcentage significatif du chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée ne déploiera pas un effet suffisamment dissuasif à l’égard de cette entreprise. En effet, une amende fixée suivant la méthodologie définie dans les lignes directrices représente, en principe, un pourcentage considérable de la valeur des ventes que l’entreprise sanctionnée a réalisées dans le secteur concerné par l’infraction. Ainsi, du fait de l’amende, l’entreprise en question verra ses bénéfices dans ce secteur diminuer de manière significative, voire enregistrera des pertes. Quand bien même le chiffre d’affaires réalisé par ladite entreprise dans ce secteur ne représenterait qu’une petite fraction de son chiffre d’affaires global, il ne saurait a priori être exclu que la diminution des bénéfices réalisés dans ce secteur, voire leur transformation en pertes, ait un effet dissuasif, dans la mesure où, en principe, une entreprise commerciale s’engage dans un secteur déterminé pour réaliser des bénéfices.
Ainsi, lorsqu’une entreprise n’invoque, outre une référence vague au chiffre d’affaires global prétendument important de certains participants à une entente, aucun élément concret susceptible de démontrer que la Commission aurait dû faire usage de cette faculté, aucune violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ne saurait être reprochée à la Commission pour ce motif.
(cf. points 62-64)
Voir le texte de la décision.
(cf. points 76-80)
Voir le texte de la décision.
(cf. points 84-89)
Le point 29 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 prévoient une modulation du montant de base de l’amende en fonction de certaines circonstances atténuantes, qui sont propres à chaque entreprise concernée. Ce point établit, en particulier, une liste non exhaustive des circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en compte. Toutefois, le rôle exclusivement passif ou suiviste d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction ne figure pas sur cette liste non exhaustive, alors qu’il était expressément prévu comme circonstance atténuante au paragraphe 3, premier tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA.
À cet égard, si la Commission ne saurait se départir des règles qu’elle s’est elle-même imposées, elle est en revanche libre de modifier ces règles ou de les remplacer. Dans un cas qui relève du champ d’application des nouvelles règles, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’une circonstance atténuante non prévue par ces nouvelles règles, au seul motif qu’elle était prévue dans les anciennes. En effet, le fait que la Commission ait considéré, dans sa pratique décisionnelle antérieure, que certains éléments constituaient des circonstances atténuantes aux fins de la détermination du montant de l’amende n’implique pas qu’elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure.
Il n’en reste pas moins que l’énumération des circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en compte par la Commission au point 29 des lignes directrices n’est pas exhaustive. Par conséquent, le fait que les lignes directrices n’énumèrent pas, parmi les circonstances atténuantes, le rôle passif d’une entreprise ayant participé à une infraction, ne fait pas obstacle à la prise en considération, à ce titre, de cette circonstance, si elle est susceptible de démontrer que la gravité relative de la participation de ladite entreprise à l’infraction est moins importante.
(cf. points 92-94)
La coopération au titre de la communication de 2002 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes revêt un caractère purement volontaire de la part de l’entreprise concernée. Celle-ci n’est en effet en aucune manière contrainte de fournir des éléments de preuve concernant l’entente présumée. Le degré de coopération que l’entreprise souhaite offrir au cours de la procédure administrative relève donc exclusivement de son libre choix et n’est, en aucun cas, imposé par ladite communication.
Par ailleurs, depuis la publication de la communication de 2006 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, eu égard au point 31 de celle-ci, une entreprise qui décide de soumettre une déclaration en vue de l’obtention d’une réduction du montant de l’amende est consciente du fait que, alors qu’une réduction ne lui sera accordée que si, de l’avis de la Commission, les conditions d’une réduction prévues dans la communication sont remplies, la déclaration fera en tout état de cause partie du dossier et pourra être invoqué à titre de preuve y compris contre son auteur.
Ayant, donc, librement et en tout connaissance de cause, choisi de soumettre une telle déclaration, l’entreprise concernée ne saurait utilement se prévaloir du principe de l’interdiction de l’auto-incrimination en vertu duquel, notamment, la Commission ne saurait imposer à une entreprise l’obligation d’apporter des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l’existence de l’infraction dont il appartient à la Commission d’établir la preuve. Partant, une entreprise ayant soumis une demande de clémence de sa propre volonté et sans y être obligée ne saurait reprocher à la Commission de s’être appuyée sur cette demande de clémence dans ses écrits devant le Tribunal.
(cf. points 110-113)
Voir le texte de la décision.
(cf. points 114, 115)
Voir le texte de la décision.
(cf. points 135-148)
Voir le texte de la décision.
(cf. points 158-160)
Voir le texte de la décision.
(cf. points 161-164)
La Commission n’est pas, en principe, obligée de tenir compte, lors de la détermination du montant de l’amende, de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché.
Par ailleurs, le fait qu’une mesure prise par une autorité de l’Union provoque la faillite ou la liquidation d’une entreprise donnée n’est pas interdit, en tant que tel, par le droit de l’Union. En effet, la liquidation d’une entreprise sous sa forme juridique en cause, si elle peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires, actionnaires ou détenteurs de parts, ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise perdraient eux aussi leur valeur.
En adoptant le point 35 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003, la Commission ne s’est pas imposée une obligation qui irait à l’encontre de ces principes. En témoigne le fait que ledit point ne fait pas référence à la faillite d’une entreprise, mais vise une situation, survenue «dans un contexte social et économique particulier», dans laquelle l’imposition d’une amende «mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur».
Il s’ensuit que le seul fait que l’imposition d’une amende pour infractions aux règles de concurrence risque de provoquer la faillite de l’entreprise concernée n’est pas suffisant, s’agissant de l’application du point 35 des lignes directrices. En effet, si une faillite porte atteinte aux intérêts financiers des propriétaires ou actionnaires concernés, elle n’implique pas nécessairement la disparition de l’entreprise en cause. Celle-ci peut continuer à subsister en tant que telle, soit, en cas de recapitalisation de la société déclarée en faillite, en tant que personne morale assurant l’exploitation de ladite entreprise, soit, en cas de reprise globale par une autre entité des éléments de son actif et donc de l’entreprise, en tant qu’entité exerçant une activité économique. Une telle reprise globale peut intervenir soit par un rachat volontaire soit par une vente forcée des actifs de la société en faillite avec continuité d’exploitation.
Par conséquent, il convient de comprendre le point 35 des lignes directrices, notamment au regard de la référence à la privation des actifs de l’entreprise concernée de toute valeur, comme envisageant la situation où la reprise de l’entreprise, ou tout du moins de ses actifs, paraît improbable voire impossible. Dans une telle hypothèse, les éléments composant l’actif de l’entreprise en faillite seront offerts à la vente un par un et il est probable que beaucoup d’entre eux ne trouveront aucun acheteur ou, au mieux, ne seront vendus qu’à un prix fortement réduit, de sorte qu’il paraît légitime de parler, ainsi que le fait le point 35 des lignes directrices, d’une perte totale de leur valeur.
En outre, l’application dudit point des lignes directrices exige également, selon son libellé, un «contexte social et économique particulier». Un tel contexte est constitué par les conséquences que le paiement de l’amende pourrait avoir, notamment sur le plan d’une augmentation du chômage ou d’une détérioration des secteurs économiques en amont et en aval de l’entreprise concernée.
(cf. points 186-190, 192)
Voir le texte de la décision.
(cf. points 203, 204, 207)
Voir le texte de la décision.
(cf. point 212)
En prévoyant l’établissement d’un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché commun, l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE exige, à plus forte raison, que la concurrence ne soit pas éliminée. Cette exigence est si essentielle que, sans elle, de nombreuses dispositions du traité seraient sans objet. Ainsi, les restrictions de la concurrence que ce traité admet dans certaines conditions, pour des raisons tirées de la nécessité de concilier les divers objectifs à poursuivre, trouvent dans cette exigence une limite au-delà de laquelle le fléchissement du jeu de la concurrence risquerait de porter atteinte aux finalités du marché commun.
Toutefois, ces considérations sont dépourvues de pertinence s’agissant de l’imposition d’une sanction à une entreprise ayant enfreint les règles de la concurrence par sa participation à un accord entre entreprises ou à une pratique concertée ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.
L’imposition de sanctions par la Commission, lorsqu’elle constate une infraction aux règles de concurrence, constitue un moyen visant, précisément, à atteindre l’objectif énoncé à l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE et, à l’évidence, ne saurait être considérée comme étant une violation de cette disposition.
(cf. points 235-237)