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Document 62006CJ0120

Sommaire de l'arrêt

Affaires jointes C-120/06 P et C-121/06 P

Fabbrica italiana accumulatori motocarri Montecchio SpA (FIAMM) e.a.

contre

Conseil de l’Union européenne et Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Recommandations et décisions de l’organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) — Constat de l’organe de règlement des différends portant sur l’incompatibilité du régime communautaire d’importation des bananes avec les règles de l’OMC — Instauration par les États-Unis d’Amérique de mesures de rétorsion sous la forme d’une surtaxe douanière prélevée sur les importations de certains produits en provenance de divers États membres — Mesures de rétorsion autorisées par l’OMC — Absence de responsabilité extracontractuelle de la Communauté — Durée de la procédure devant le Tribunal — Délai raisonnable — Demande de réparation équitable»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 20 février 2008   I - 6518

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 9 septembre 2008   I - 6549

Sommaire de l'arrêt

  1. Pourvoi – Moyens – Motivation insuffisante ou contradictoire – Recevabilité

    (Art. 225 CE; statut de la Cour de justice, art. 58, al. 1)

  2. Accords internationaux – Accords de la Communauté

  3. Accords internationaux – Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce

  4. Responsabilité non contractuelle – Responsabilité du fait d'un acte licite

    (Art. 288, al. 2, CE)

  5. Droit communautaire – Principes – Droits fondamentaux – Droit de propriété – Libre exercice des activités professionnelles – Portée

  6. Pourvoi – Moyens – Motifs d'un arrêt entachés d'une violation du droit communautaire – Dispositif fondé pour d'autres motifs de droit – Rejet

  7. Procédure – Durée de la procédure devant le Tribunal – Délai raisonnable – Critères d'appréciation

  1.  La question de savoir si la motivation d'un arrêt du Tribunal est contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d'un pourvoi.

    À cet égard, l'obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci soit tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par un requérant, en particulier s'il ne revêt pas un caractère suffisamment clair et précis.

    De même, l'obligation de motivation n'impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite à condition qu'elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n'a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer d'éléments suffisants pour exercer son contrôle.

    (cf. points 90, 91, 96)

  2.  Les effets, dans la Communauté, des dispositions d'un accord conclu par celle-ci avec des États tiers ne sauraient être déterminés en faisant abstraction de l'origine internationale des dispositions en cause. Conformément aux principes du droit international, les institutions communautaires qui sont compétentes pour négocier et conclure un tel accord sont libres de convenir avec les États tiers concernés des effets que les dispositions de cet accord doivent produire dans l'ordre interne des parties contractantes. À défaut pour cette question d'avoir été expressément réglée dans ledit accord, c'est aux juridictions compétentes et en particulier à la Cour dans le cadre de sa compétence en vertu du traité qu'il appartient de la trancher au même titre que toute autre question d'interprétation relative à l'application de l'accord en question dans la Communauté, en se fondant notamment sur l'esprit, l'économie ou les termes de cet accord.

    C'est ainsi, en particulier, qu'il appartient à la Cour de déterminer si les dispositions d'un accord international engendrent pour les justiciables de la Communauté le droit de s'en prévaloir en justice, en vue de contester la validité d'un acte communautaire.

    La Cour ne peut procéder à l'examen de la validité d'une réglementation communautaire dérivée au regard d'un traité international que lorsque la nature et l'économie de celui-ci ne s'y opposent pas et que, par ailleurs, ses dispositions apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises.

    (cf. points 108-110)

  3.  Une décision de l'organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC, qui n'a d'autre objet que de se prononcer sur la conformité du comportement d'un État membre de l'OMC avec les obligations contractées dans ce cadre par cet État, ne saurait en principe être fondamentalement distinguée des règles matérielles traduisant de telles obligations et au regard desquelles opère un tel contrôle, à tout le moins lorsqu'il s'agit de déterminer si une méconnaissance desdites règles ou décision peut ou non être invoquée devant le juge communautaire aux fins de contrôler la légalité du comportement des institutions communautaires.

    Pas plus que les règles matérielles que comportent les accords OMC, une recommandation ou une décision de l’ORD constatant le non-respect desdites règles ne sont, quelle que soit la portée juridique précise s’attachant à de telles recommandation ou décision, de nature à créer pour les particuliers un droit de s’en prévaloir devant le juge communautaire aux fins d’obtenir un contrôle de la légalité du comportement des institutions communautaires, que ce contrôle intervienne au titre du contentieux de l'annulation ou aux fins de statuer sur un recours en indemnité.

    D’une part, en effet, la nature des accords OMC et la réciprocité et la flexibilité les caractérisant demeurent présentes une fois adoptées de telles décision ou recommandation et une fois écoulé le délai raisonnable imparti pour leur mise en oeuvre. Les institutions communautaires conservent notamment une marge d’appréciation et de négociation vis-à-vis de leurs partenaires commerciaux dans la perspective de l’adoption de mesures destinées à donner suite à ces décision ou recommandation et une telle marge doit être préservée.

    D’autre part, ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 2, du mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, qui constitue l'annexe 2 de l'accord instituant l'OMC, les recommandations et décisions de l’ORD ne peuvent accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords concernés. Il s'ensuit notamment qu'une décision de l’ORD constatant la violation d’une telle obligation ne saurait avoir pour conséquence d’obliger une partie aux accords OMC à reconnaître aux particuliers un droit qu’ils ne détiennent pas en vertu de ces accords, en l’absence d’une telle décision.

    (cf. points 120, 128-131)

  4.  En consacrant l'existence d'un régime de responsabilité extracontractuelle de la Communauté du fait de l'exercice licite par celle-ci de ses activités relevant de la sphère normative, le Tribunal a commis une erreur de droit. En l’état actuel du droit communautaire, il n’existe pas de régime de responsabilité permettant d’engager la responsabilité de la Communauté du fait d'un comportement relevant de la sphère de compétence normative de celle-ci dans une situation dans laquelle l’éventuelle non-conformité d’un tel comportement avec les accords OMC ne peut pas être invoquée devant le juge communautaire.

    Il est à cet égard indifférent que ledit comportement doive s’analyser comme un acte positif, à savoir, par exemple, l’adoption de règlements à la suite d'une décision de l'organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC, ou comme une omission, à savoir le fait de s’être abstenu d’adopter des actes propres à assurer une correcte exécution de cette décision. En effet, l’abstention des institutions communautaires est également susceptible de relever de la fonction législative de la Communauté, notamment dans le cadre du contentieux de la responsabilité.

    Toutefois, le législateur communautaire dispose d'un large pouvoir d’appréciation pour apprécier si, à l’occasion de l’adoption d’un acte normatif donné, la prise en compte de certains effets préjudiciables devant résulter de cette adoption justifie de prévoir certaines formes d’indemnisation.

    De même, un acte normatif communautaire dont l’application conduit à des restrictions à des droits fondamentaux comme le droit de propriété et le droit au libre exercice d’une activité professionnelle, qui porteraient une atteinte démesurée et intolérable à la substance même desdits droits, le cas échéant à défaut, précisément, d’avoir prévu une indemnisation propre à éviter ou à corriger ladite atteinte, pourrait engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté.

    (cf. points 176, 178, 179, 181, 184)

  5.  Un opérateur économique ne saurait revendiquer un droit de propriété sur une part de marché qu’il détenait à un moment donné, une telle part de marché ne constituant qu’une position économique momentanée, exposée aux aléas d’un changement de circonstances. De même, on ne saurait étendre les garanties conférées par le droit de propriété ou par le principe général garantissant le libre exercice d’une profession à la protection de simples intérêts ou de chances d’ordre commercial, dont le caractère aléatoire est inhérent à l’essence même de l’activité économique.

    C'est ainsi qu'un opérateur dont l’activité tient notamment dans l’exportation vers les marchés d’États tiers doit notamment avoir conscience du fait que la position commerciale dont il dispose à un moment donné peut se trouver affectée et modifiée par diverses circonstances et que figurent parmi celles-ci l’éventualité, du reste expressément prévue et réglementée à l’article 22 du mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (MRD), qui constitue l'annexe 2 de l'accord instituant l'OMC, de voir un tel État tiers adopter des mesures de suspension de concessions en réaction à l’attitude adoptée par ses partenaires commerciaux dans le cadre de l’OMC et choisir librement, dans cette perspective, et ainsi qu’il ressort de l’article 22, paragraphe 3, sous a) et f), du MRD, les marchandises sur lesquelles faire porter lesdites mesures.

    (cf. points 185, 186)

  6.  Si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit communautaire mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté.

    (cf. point 187)

  7.  En l'absence de tout indice selon lequel la durée de la procédure aurait eu une incidence sur la solution du litige, le moyen tiré de ce que la procédure devant le Tribunal aurait dépassé les exigences liées au respect du délai raisonnable ne saurait en règle générale conduire à l'annulation de l'arrêt rendu par ce dernier.

    Par ailleurs, le caractère raisonnable du délai d'une procédure devant le Tribunal doit être apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes.

    (cf. points 203, 212)

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