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Document 62004CJ0095

Sommaire de l'arrêt

Mots clés
Sommaire

Mots clés

1. Concurrence — Position dominante — Abus — Rabais d'objectifs

(Art. 82 CE)

2. Concurrence — Position dominante — Abus — Notion

(Art. 3, § 1, g), CE et 82 CE)

3. Concurrence — Position dominante — Abus — Application de conditions inégales à des prestations équivalentes

(Art. 82, al. 2, c), CE)

4. Concurrence — Position dominante — Abus — Application de conditions inégales à des prestations équivalentes

(Art. 3, § 1, g), CE et 82, al. 2, c), CE)

Sommaire

1. Pour juger de l'éventuel caractère abusif, dans le chef d'une entreprise en position dominante, d'un système de rabais ou de primes qui ne constituent ni des rabais ou primes de quantité, liés exclusivement au volume des achats, ni des rabais ou primes de fidélité, car il ne comporte aucun engagement, de la part des cocontractants, d'exclusivité ou de couverture d'une certaine quotité de leurs besoins auprès de l'entreprise en position dominante, il faut apprécier l'ensemble des circonstances, notamment les critères et les modalités de l'octroi de ces rabais ou primes. Il convient, d'abord, de vérifier s'ils peuvent produire un effet d'éviction, c'est-à-dire s'ils sont à même, d'une part, de rendre plus difficile, voire impossible, l'accès au marché pour les concurrents de l'entreprise en position dominante et, d'autre part, de rendre plus difficile, voire impossible, pour ses cocontractants, le choix entre plusieurs sources d'approvisionnement ou partenaires commerciaux. Il y a lieu, ensuite, de rechercher s'il existe une justification économique objective aux rabais et aux primes consentis. En effet, il est loisible à une entreprise de démontrer que son système de primes produisant un effet d'éviction est économiquement justifié.

S'agissant de l'effet d'éviction, il peut résulter de rabais ou de primes d'objectifs, c'est-à-dire dont l'octroi est lié à la réalisation d'objectifs de ventes définis individuellement, le taux des primes dépendant de l'évolution du chiffre d'affaires provenant des achats ou des ventes des produits de l'entreprise en position dominante par chaque cocontractant durant une période déterminée.

L'engagement des cocontractants envers l'entreprise en position dominante et la pression exercée sur eux peuvent être particulièrement forts en cas de rabais ou de primes appliqués sur le chiffre d'affaires global relatif aux produits de cette entreprise, c'est-à-dire lorsque ces rabais ou ces primes ne se rapportent pas seulement à l'accroissement des achats ou des ventes de ces produits durant la période prise en considération, mais s'étendent également à l'ensemble de ces achats ou de ces ventes. De cette manière, des variations proportionnellement modestes - que ce soit à la hausse ou à la baisse - des chiffres d'affaires relatifs aux produits de l'entreprise en position dominante produisent des effets disproportionnés sur les cocontractants. Tel est le cas lorsque la réalisation des objectifs entraîne une augmentation de la prime versée sur les ventes ou les achats de ces produits durant toute la période prise en considération et non uniquement sur les ventes ou les achats réalisés après que lesdits objectifs ont été atteints. Le caractère progressif des taux des primes majorés déploie alors un effet très sensible à la marge, avec des effets radicaux sur les taux des primes de résultat comme conséquence d'une légère diminution du chiffre d'affaires réalisé.

La pression exercée sur ses cocontractants par une entreprise en position dominante qui octroie des rabais ou des primes présentant de telles caractéristiques est encore renforcée lorsque cette entreprise détient des parts de marché très supérieures à celles de ses concurrents. Dans ces conditions, il est particulièrement difficile pour les concurrents de ladite entreprise de surenchérir face à des rabais ou à des primes fondés sur le chiffre d'affaires global. En raison de sa part de marché sensiblement plus élevée, l'entreprise en position dominante constitue en général un partenaire commercial incontournable sur le marché. Le plus souvent, les rabais ou primes accordés par une telle entreprise sur la base du chiffre d'affaires global l'emportent largement, en termes absolus, même sur les offres plus généreuses de ses concurrents. Pour attirer les cocontractants de l'entreprise en position dominante, ou pour recevoir d'eux un volume de commandes suffisant, lesdits concurrents devraient leur offrir des taux de rabais ou de primes nettement plus élevés.

En ce qui concerne l'appréciation de la justification économique d'un système de rabais ou de primes mis en oeuvre par une entreprise en position dominante, elle s'effectue sur la base de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. Il importe de déterminer si l'effet d'éviction qui résulte d'un tel système, désavantageux pour la concurrence, peut être contrebalancé, voire surpassé, par des avantages en termes d'efficacité qui profitent également au consommateur. Si l'effet d'éviction de ce système est sans rapport avec les avantages pour le marché et les consommateurs ou s'il va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces avantages, ledit système doit être considéré comme abusif.

(cf. points 65, 67-75, 86)

2. L'article 82 CE ne vise pas seulement les pratiques susceptibles de causer un préjudice immédiat aux consommateurs, mais également celles qui leur causent préjudice en portant atteinte à une structure de concurrence effective, telle que mentionnée à l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE. Il s'ensuit que, pour juger de l'éventuel caractère abusif d'un comportement d'une entreprise en position dominante, il n'est pas nécessaire d'examiner s'il a causé un préjudice aux consommateurs au sens de l'article 82, second alinéa, sous b), CE, mais il suffit de vérifier s'il a eu un effet restrictif sur la concurrence.

(cf. points 106-107)

3. Un système de rabais ou de primes d'objectifs octroyés par une entreprise en position dominante, qui, en cas de réalisation des objectifs par les cocontractants, comporte l'augmentation du taux desdits rabais ou primes non seulement sur les achats ou les ventes marginaux des produits de l'entreprise dominante au-delà de ces objectifs, mais sur l'ensemble de ces achats ou de ces ventes réalisés au cours de la période concernée, conduit à rémunérer à des niveaux différents des prestations équivalentes au sens de l'article 82, second alinéa, sous c), CE, à savoir l'achat ou la vente d'une même quantité des produits de l'entreprise dominante, selon que les cocontractants ont atteint leurs objectifs par rapport à la période de référence ou non.

(cf. points 138-139)

4. L'interdiction spécifique de la discrimination visée à l'article 82, second alinéa, sous c), CE fait partie du régime assurant, conformément à l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE, que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur. Le comportement commercial de l'entreprise en position dominante ne doit pas fausser la concurrence sur un marché situé en amont ou en aval, c'est-à-dire la concurrence entre fournisseurs ou entre clients de cette entreprise. Les cocontractants de ladite entreprise ne doivent pas être favorisés ou défavorisés sur le terrain de la concurrence qu'ils se livrent entre eux. Par conséquent, il importe, pour que les conditions d'application de l'article 82, second alinéa, sous c), CE soient réunies, de constater que le comportement de l'entreprise en position dominante sur un marché non seulement est discriminatoire, mais encore qu'il tend à fausser ce rapport de concurrence, c'est-à-dire à entraver la position concurrentielle d'une partie des partenaires commerciaux de cette entreprise par rapport aux autres.

À cet égard, rien ne s'oppose à ce que la discrimination de partenaires commerciaux qui se trouvent dans un rapport de concurrence puisse être considérée comme abusive dès l'instant où le comportement de l'entreprise en position dominante tend, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, à conduire à une distorsion de concurrence entre ces partenaires commerciaux. Dans une telle situation, il ne saurait être exigé que soit apportée en outre la preuve d'une détérioration effective quantifiable de la position concurrentielle des partenaires commerciaux pris individuellement.

(cf. points 143-145)

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