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Document 62024CJ0244
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 19 décembre 2024.
P contre Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid.
Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées – Directive 2001/55/CE – Articles 4 et 7 – Invasion de l’Ukraine par les forces armées russes – Décision d’exécution (UE) 2022/382 – Article 2, paragraphe 3 – Faculté pour un État membre d’appliquer la protection temporaire aux personnes déplacées qui ne sont pas visées dans cette décision – Moment auquel un État membre qui a accordé la protection temporaire à de telles personnes peut mettre fin à cette protection – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Directive 2008/115/CE – Article 6 – Décision de retour – Moment auquel un État membre peut adopter une décision de retour – Séjour irrégulier.
Affaire C-244/24.
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 19 décembre 2024.
P contre Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid.
Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées – Directive 2001/55/CE – Articles 4 et 7 – Invasion de l’Ukraine par les forces armées russes – Décision d’exécution (UE) 2022/382 – Article 2, paragraphe 3 – Faculté pour un État membre d’appliquer la protection temporaire aux personnes déplacées qui ne sont pas visées dans cette décision – Moment auquel un État membre qui a accordé la protection temporaire à de telles personnes peut mettre fin à cette protection – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Directive 2008/115/CE – Article 6 – Décision de retour – Moment auquel un État membre peut adopter une décision de retour – Séjour irrégulier.
Affaire C-244/24.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:1038
Affaires jointes C‑244/24 et C‑290/24 ( i )
P e.a.
contre
Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid
[demande de décision préjudicielle, introduite par le Rechtbank Den Haag,
zittingsplaats Amsterdam et le Raad van State (Pays-Bas)]
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 19 décembre 2024
« Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées – Directive 2001/55/CE – Articles 4 et 7 – Invasion de l’Ukraine par les forces armées russes – Décision d’exécution (UE) 2022/382 – Article 2, paragraphe 3 – Faculté pour un État membre d’appliquer la protection temporaire aux personnes déplacées qui ne sont pas visées dans cette décision – Moment auquel un État membre qui a accordé la protection temporaire à de telles personnes peut mettre fin à cette protection – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Directive 2008/115/CE – Article 6 – Décision de retour – Moment auquel un État membre peut adopter une décision de retour – Séjour irrégulier »
Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’asile – Protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées – Directive 2001/55 – Faculté pour un État membre d’appliquer la protection temporaire aux personnes déplacées n’étant pas visées par la protection temporaire obligatoire – Personnes ayant été déplacées pour les mêmes raisons et à partir du même pays ou de la même région d’origine – Notion – Ressortissants de pays tiers ou apatrides disposant d’un titre de séjour temporaire en Ukraine en cours de validité le 23 février 2022 et ayant vraisemblablement quitté ce pays après le 26 novembre 2021 – Inclusion
(Directive du Conseil 2001/55, art. 7 ; décision du Conseil 2022/382, considérant 14 et art. 2, § 1 et 3)
(voir points 96, 98-101)
Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’asile – Protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées – Directive 2001/55 – Faculté pour un État membre d’appliquer la protection temporaire aux personnes déplacées n’étant pas visées par la protection temporaire obligatoire – Retrait, par l’État membre, du bénéfice de la protection temporaire facultative à une date précédant celle de la fin de la protection temporaire obligatoire – Admissibilité – Conditions – Sauvegarde des objectifs et de l’effet utile de la directive 2001/55 – Respect des principes généraux du droit de l’Union
[Directive du Conseil 2001/55, art. 2, a), 4, 6, § 1, b), et 7 ; décision du Conseil 2022/382, considérant 14 et art. 2]
(voir points 109-115, 122-129, 131-135, disp. 1)
Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’immigration – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Directive 2008/115 – Politique d’asile – Protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées – Directive 2001/55 – Ressortissant d’un pays tiers séjournant régulièrement sur le territoire d’un État membre au titre de la protection temporaire facultative – Adoption d’une décision de retour à l’égard d’un tel ressortissant avant la cessation de cette protection – Inadmissibilité – Protection prenant fin à une date prochaine – Suspension des effets de cette décision jusqu’à cette date – Absence d’incidence
[Règlement du Parlement européen et du Conseil 2018/1860, art. 3, § 1 ; directive du Parlement européen et du Conseil 2008/115, art. 5 et 6 ; directive du Conseil 2001/55, art. 2, g), 7 et 8]
(voir points 140-148, 152-158, disp. 2)
Résumé
Saisie de deux renvois préjudiciels par des juridictions néerlandaises, la Cour, réunie en grande chambre, précise le moment auquel un État membre peut, d’une part, mettre fin à la protection temporaire facultative qu’il a octroyée, sur la base de la directive 2001/55 ( 1 ) et de la décision d’exécution 2022/382 ( 2 ), à certaines catégories de personnes déplacées au-delà de celles visées par cette décision et, d’autre part, adopter une décision de retour au sens de la directive 2008/115 ( 3 ) à l’égard des personnes ne bénéficiant plus de cette protection.
P, AI, ZY et BG sont des ressortissants de pays tiers qui disposaient d’un permis de séjour temporaire en Ukraine en cours de validité le 24 février 2022. Après l’invasion du territoire ukrainien par les forces armées russes, ils ont fui vers les Pays-Bas où ils se sont vu octroyer une protection temporaire, au sens de la directive 2001/55, conformément à la réglementation néerlandaise alors applicable ( 4 ). En vertu de cette dernière réglementation, le bénéfice de la protection temporaire facultative était accordé à l’ensemble des titulaires d’un permis de séjour ukrainien, y compris temporaire, en cours de validité le 23 février 2022 et dont il était vraisemblable qu’ils avaient quitté l’Ukraine après le 26 novembre 2021 ( 5 ). En outre, cette réglementation n’imposait pas qu’il soit évalué si ces personnes étaient en mesure de rentrer dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables.
Par un arrêt du 17 janvier 2024, le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas) a jugé que la protection temporaire des ressortissants de pays tiers se trouvant dans une situation telle que celle de P, AI, ZY et BG prendrait fin de plein droit le 4 mars 2024, à savoir à la date limite ( 6 ) à laquelle la protection temporaire aurait cessé en l’absence d’une décision adoptée par le Conseil en application de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/55 ( 7 ). Par conséquent, par quatre décisions de retour au sens de la directive 2008/115, rendues le 7 février 2024, le secrétaire d’État ( 8 ) a ordonné à P, à AI, à ZY et à BG de quitter le territoire de l’Union dans un délai de quatre semaines à compter du 4 mars 2024.
P a saisi le rechtbank Den Haag, zittingsplaats Amsterdam (tribunal de La Haye, siégeant à Amsterdam, Pays-Bas), d’un recours contestant la légalité de la décision le concernant.
Les recours introduits par AI et BG contre les décisions les concernant ont été accueillis en première instance par des jugements du 19 mars 2024 et du 27 mars 2024. Le secrétaire d’État a interjeté appel de ces jugements devant le Conseil d’État. Le recours introduit par ZY contre la décision le concernant ayant, en revanche, été rejeté comme étant non fondé en première instance par un jugement du 27 mars 2024, ZY a interjeté appel de ce jugement devant la même juridiction.
Dans le cadre des litiges susmentionnés, les deux juridictions de renvoi ont saisi la Cour à titre préjudiciel. D’une part, dans la mesure où l’issue de ces litiges implique de déterminer la date à laquelle prend fin la protection temporaire facultative, au sens de la directive 2001/55, accordée par les autorités néerlandaises, ces juridictions éprouvent les doutes sur le point de savoir si le bénéfice d’une telle protection peut être retiré avant que la protection temporaire obligatoire ( 9 ) arrive à son terme. D’autre part, elles s’interrogent sur la légalité des décisions de retour rendues à l’égard des requérants au principal, étant donné que ces décisions ont été adoptées à une date à laquelle ils se trouvaient toujours en séjour régulier sur le territoire des Pays-Bas.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour examine si les articles 4 et 7 de la directive 2001/55 s’opposent à ce qu’un État membre, qui a accordé la protection temporaire à des catégories de personnes autres que celles visées à l’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision d’exécution, retire à ces catégories de personnes le bénéfice de cette protection temporaire facultative avant que la protection temporaire obligatoire, décidée par le Conseil en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, n’arrive à son terme.
À titre liminaire, elle considère qu’un État membre qui fait usage de la faculté offerte par l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2001/55 met en œuvre le droit de l’Union, de sorte qu’il ne saurait accorder la protection temporaire facultative à des personnes qui n’ont pas été déplacées pour les mêmes raisons et à partir du même pays ou de la même région d’origine que les personnes qui bénéficient de la protection temporaire obligatoire.
Dans ce contexte, la Cour constate que ladite disposition ainsi que l’article 2, paragraphe 3, de la décision d’exécution permettent à un État membre de faire bénéficier de la protection temporaire facultative des ressortissants de pays tiers ou des apatrides disposant d’un titre de séjour temporaire en Ukraine en cours de validité le 23 février 2022 et ayant vraisemblablement quitté ce pays après le 26 novembre 2021, sans qu’il soit évalué si ceux-ci sont en mesure de rentrer dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables. À cet égard, d’une part, la raison de la mise en œuvre de la protection temporaire obligatoire, telle qu’elle est identifiée par le Conseil dans cette décision d’exécution, est l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes ayant débuté le 24 février 2022. Or, des ressortissants de pays tiers ou des apatrides qui, en raison de la durée très limitée de leur droit de séjour sur le territoire de l’Union, auraient été appelés à rentrer en Ukraine peu de temps après le début de cette invasion peuvent être assimilés aux personnes déplacées en raison d’une telle invasion. D’autre part, si l’article 2, paragraphe 3, de la décision d’exécution vise expressément, parmi les bénéficiaires potentiels de la protection temporaire facultative, les apatrides et ressortissants de pays tiers qui séjournaient régulièrement en Ukraine et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables, cette catégorie n’est mentionnée qu’à titre exemplatif.
Ensuite, relevant que la protection temporaire facultative accordée par les autorités néerlandaises aux ressortissants de pays tiers tels que ceux au principal a cessé de produire ses effets avant que la protection temporaire obligatoire n’arrive à son terme, la Cour recherche si les articles 4 et 7 de la directive 2001/55 imposent que le bénéfice de cette protection temporaire facultative perdure aussi longtemps que la protection temporaire obligatoire, mise en œuvre par le Conseil en vertu de l’article 5 de cette directive, produit ses effets ou, à tout le moins, jusqu’à la fin de la prorogation automatique de la durée initiale de cette protection temporaire obligatoire, visée à cet article 4, paragraphe 1.
À cet égard, la Cour dit pour droit que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2001/55, les États membres peuvent décider librement de mettre un terme à la protection temporaire facultative qu’ils ont octroyée avant la fin de la protection temporaire obligatoire fixée au niveau de l’Union ( 10 ).
À ce sujet, d’une part, cette disposition laisse aux États membres la liberté de fixer la date à partir de laquelle ils entendent accorder le bénéfice de la protection temporaire facultative, pour autant que cette date se situe entre la date à laquelle la protection temporaire obligatoire entre en vigueur et celle à laquelle elle cesse de produire ses effets. D’autre part, les États membres conservent la maîtrise de la durée de la protection temporaire facultative qu’ils souhaitent accorder, à condition que cette durée s’inscrive à l’intérieur du cadre temporel de mise en œuvre du mécanisme de protection temporaire défini au niveau de l’Union. En effet, dans la mesure où une telle protection résulte non pas d’une obligation prévue par le droit de l’Union, mais de la décision autonome d’un État membre d’élargir le cercle des bénéficiaires de cette protection, cet État membre doit pouvoir la retirer également de manière autonome.
En outre, une telle interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2001/55 est corroborée tant par l’objectif poursuivi par cette disposition, qui est d’encourager les États membres à étendre les catégories de personnes déplacées pouvant bénéficier de la protection temporaire, que par l’objectif plus général de cette directive consistant à éviter l’engorgement du système d’octroi de la protection internationale. En effet, interdire à un État membre de retirer, pour des raisons qui lui sont propres, le bénéfice de la protection temporaire facultative avant la fin de la protection temporaire obligatoire fixée au niveau de l’Union aurait pour effet de décourager les États membres de mettre en œuvre la faculté prévue à l’article 7 de la directive 2001/55 et de contrecarrer ainsi les objectifs poursuivis par cet article et cette directive.
Toutefois, une telle décision de retrait ne peut porter atteinte ni aux objectifs ni à l’effet utile de la directive 2001/55 et doit respecter les principes généraux du droit de l’Union, notamment le principe de protection de la confiance légitime.
À cet égard, s’agissant, premièrement, de la sauvegarde des objectifs et de l’effet utile de la directive 2001/55, celle-ci veille, notamment, à préserver la possibilité effective des ressortissants de pays tiers et des apatrides bénéficiant de la protection temporaire d’obtenir une protection internationale, au terme d’un examen approprié de leur situation individuelle, tout en leur garantissant, de manière immédiate, une protection de moindre ampleur. Il serait, dès lors, contraire à cet objectif et à l’effet utile de cette directive que l’examen de la demande de protection internationale que ces ressortissants de pays tiers et apatrides ont, le cas échéant, présentée et sur laquelle il n’a pas encore été statué ne soit pas achevé après l’expiration de la protection temporaire facultative. Par ailleurs, une fois que la protection temporaire facultative a pris fin, ces personnes ne sauraient être empêchées d’exercer, de manière effective, leur droit de présenter une demande de protection internationale, qui constitue une étape essentielle dans la procédure d’octroi de cette protection. Ainsi, l’absence de réponse du bénéficiaire de la protection temporaire à la demande des autorités de l’État membre concerné visant à déterminer s’il souhaitait que l’examen de sa demande de protection internationale soit poursuivi ne saurait avoir pour conséquence que l’éventuelle demande de protection internationale qu’il introduirait par la suite soit qualifiée de demande ultérieure, au sens de l’article 2, sous q), de la directive 2013/32 ( 11 ).
S’agissant, deuxièmement, du principe de protection de la confiance légitime, les particuliers ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union. Or, en l’occurrence, d’une part, le Conseil peut mettre fin à tout moment à la protection temporaire obligatoire ( 12 ) et, d’autre part, les États membres ne peuvent faire perdurer la protection temporaire facultative qu’ils ont, le cas échéant, instituée après la date à laquelle la protection temporaire obligatoire a pris fin ( 13 ). Il s’ensuit que les autorités néerlandaises n’auraient pas pu donner aux bénéficiaires de la protection temporaire facultative des assurances précises conformes au droit de l’Union quant à la durée minimale de cette protection autres que l’assurance selon laquelle ces autorités se seraient engagées à ne pas mettre fin à la protection temporaire facultative avant que la protection temporaire obligatoire ne cesse de produire ses effets. Cependant, il n’apparaît pas qu’elles aient fourni aux ressortissants de pays tiers en cause au principal une telle assurance, ce qu’il appartient toutefois aux juridictions de renvoi de vérifier.
La Cour en conclut que les articles 4 et 7 de la directive 2001/55 ne s’opposent pas à ce qu’un État membre, qui a accordé la protection temporaire à des catégories de personnes autres que celles visées par la décision d’exécution, retire à ces catégories de personnes le bénéfice de cette protection temporaire facultative avant l’échéance de la protection temporaire obligatoire décidée par le Conseil en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive ( 14 ).
En second lieu, la Cour constate que l’article 6 de la directive 2008/115 s’oppose à ce qu’un ressortissant d’un pays tiers séjournant régulièrement sur le territoire d’un État membre au titre de la faculté exercée par ce dernier de lui reconnaître le bénéfice de la protection temporaire facultative, prévue à l’article 7 de la directive 2001/55, fasse l’objet d’une décision de retour avant que cette protection n’ait pris fin, même lorsqu’il apparaît que ladite protection cessera de produire ses effets à une date prochaine et que les effets de cette décision sont suspendus jusqu’à cette date.
À ce sujet, premièrement, cette directive s’oppose à ce qu’une décision de retour soit adoptée par un État membre à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers qui séjourne régulièrement sur le territoire de celui-ci, et cela indépendamment de la circonstance que l’autorité nationale compétente spécifie expressément, dans une telle décision, que cette dernière ne produit pas d’effet tant que le séjour de l’intéressé demeure régulier. En effet, d’une part, toute décision de retour doit, dès son adoption, faire, sans retard, l’objet d’un signalement par l’État membre concerné dans le système d’information Schengen afin de « vérifier si l’obligation de retour a été respectée et de faciliter l’exécution des décisions de retour » ( 15 ), y compris lorsque cette décision est dépourvue d’effet immédiat. Or, dans cette dernière hypothèse, à la date où ce signalement est effectué, la personne concernée séjourne encore régulièrement sur le territoire de cet État membre et peut disposer du droit de se rendre dans d’autres États membres. D’autre part, une telle décision de retour anticipée serait prise sans tenir compte de tout changement de circonstances qui interviendrait entre l’adoption de cette décision et la fin du séjour régulier de la personne concernée et qui aurait une incidence significative sur l’appréciation de sa situation.
Deuxièmement, aussi longtemps que les ressortissants d’un pays tiers continuent de bénéficier de la protection temporaire facultative, ils séjournent régulièrement sur le territoire de l’État membre concerné et ne peuvent donc faire l’objet d’une décision de retour. En effet, les bénéficiaires d’une telle protection doivent disposer de l’intégralité des droits qui sont reconnus par la directive 2001/55 aux bénéficiaires de la protection temporaire obligatoire ( 16 ). Ainsi, dans la mesure où le bénéficiaire de la protection temporaire obligatoire doit se voir délivrer par l’État membre concerné un titre de séjour lui permettant de résider sur le territoire de cet État membre ( 17 ), un tel titre doit être accordé également aux bénéficiaires de la protection temporaire facultative.
Troisièmement, si le risque existe que, à l’échéance de la protection temporaire facultative, les autorités nationales chargées de l’adoption des décisions de retour soient confrontées à un nombre important de situations individuelles devant être examinées simultanément, un tel risque ne saurait suffire, à lui seul, à permettre qu’il soit dérogé au principe rappelé ci-dessus. En outre, si l’éloignement d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier doit, en principe, constituer une priorité pour les États membres, ces derniers doivent également respecter des exigences matérielles et procédurales qui leur incombent en vertu du droit de l’Union, afin que ces ressortissants soient rapatriés d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux ainsi que de leur dignité. Ainsi, lorsque les autorités d’un État membre chargées d’adopter les décisions de retour sont confrontées à un nombre très important de cas individuels à examiner simultanément, en raison de l’échéance de la protection temporaire facultative, la directive 2008/115 s’oppose uniquement à ce que ces autorités diffèrent, au-delà d’un délai raisonnable compte tenu d’une telle situation, l’adoption des décisions de retour devant être prises à l’égard des ressortissants de pays tiers et des apatrides ayant bénéficié d’une telle protection.
( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.
( 1 ) Directive 2001/55/CE du Conseil, du 20 juillet 2001, relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil (JO 2001, L 212, p. 12). L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2001/55 habilite les États membres à étendre le bénéfice de la protection temporaire prévue par cette directive à des catégories de personnes autres que celles désignées, par le Conseil, dans sa décision visée à l’article 5 de ladite directive et mettant en œuvre cette protection, pour autant que ces personnes aient été déplacées pour les mêmes raisons et à partir du même pays ou de la même région d’origine.
( 2 ) Par la décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil, du 4 mars 2022, constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire (JO 2022, L 71, p. 1, ci-après la « décision d’exécution »), le Conseil a décidé d’activer le mécanisme de protection temporaire prévu par la directive 2001/55. Selon l’article 2, paragraphe 3, de cette décision d’exécution, les États membres peuvent également appliquer ladite décision à d’autres personnes que celles qui sont visées aux paragraphes 1 et 2 de cet article, y compris aux apatrides et aux ressortissants de pays tiers autres que l’Ukraine, qui étaient en séjour régulier en Ukraine et qui n’étaient pas en mesure de rentrer dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables.
( 3 ) Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).
( 4 ) L’article 3.9a, paragraphe 1, sous c), du Voorschrift Vreemdelingen 2000 (règlement de 2000 sur les étrangers), dans sa version en vigueur entre le 4 mars 2022 et le 18 juillet 2022.
( 5 ) Soit 90 jours avant le début de l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes.
( 6 ) Découlant de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/55, selon lequel « [s]ans préjudice de l’article 6, la durée de la protection temporaire est d’une année. À moins qu’il n’y soit mis fin sur la base de l’article 6, paragraphe 1, point b), elle peut être prorogée automatiquement par périodes de six mois pour une durée maximale d’un an ».
( 7 ) Selon l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/55, « [s]’il subsiste des raisons de maintenir la protection temporaire, le Conseil peut décider à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission, qui examine également toute demande d’un État membre visant à ce qu’elle soumette une proposition au Conseil, de proroger cette protection temporaire pour une période maximale d’un an ».
( 8 ) En l’occurrence, le Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la Justice et à la Sécurité, Pays-Bas, ci-après le « secrétaire d’État »).
( 9 ) À savoir la protection découlant d’une décision du Conseil adoptée en vertu de l’article 5 de la directive 2001/55 et constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées. Une telle décision a pour effet d’entraîner la mise en œuvre de la protection temporaire dans tous les États membres liés par la directive 2001/55 à l’égard des groupes spécifiques de personnes décrits dans la même décision, à compter de la date fixée par cette dernière.
( 10 ) La Cour précise que les États membres ne sont donc pas tenus d’aligner la durée de cette protection temporaire facultative sur la durée initiale de la protection temporaire obligatoire ou sa prorogation automatique, prévues à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, ni sur celle découlant, le cas échéant, de sa prorogation optionnelle, visée à l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive.
( 11 ) Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60).
( 12 ) Voir l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2001/55.
( 13 ) Voir l’article 7 de la directive 2001/55.
( 14 ) Cet État membre peut retirer le bénéfice de la protection temporaire qu’il a accordée auxdites catégories de personnes à une date précédant celle à laquelle la protection temporaire décidée par le Conseil cesse de produire ses effets pour autant, notamment, que ledit État membre ne porte atteinte ni aux objectifs ni à l’effet utile de la directive 2001/55 et qu’il respecte les principes généraux du droit de l’Union.
( 15 ) Voir l’article 3, paragraphe 1, du règlement (UE) 2018/1860 du Parlement européen et du Conseil, du 28 novembre 2018, relatif à l’utilisation du système d’information Schengen aux fins du retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2018, L 312, p. 1).
( 16 ) Voir l’article 7 de la directive 2001/55.
( 17 ) Voir l’article 8 de la directive 2001/55, lu en combinaison avec son article 2, sous g).