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Document 52019AE4412

Avis du Comité économique et social européen sur «Les effets des campagnes sur la participation à la prise de décision politique» (avis exploratoire à la demande de la présidence croate)

EESC 2019/04412

JO C 311 du 18.9.2020, p. 26–35 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

18.9.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 311/26


Avis du Comité économique et social européen sur «Les effets des campagnes sur la participation à la prise de décision politique»

(avis exploratoire à la demande de la présidence croate)

(2020/C 311/03)

Rapporteure:

Marina ŠKRABALO

Corapporteure:

Cinzia DEL RIO

Consultation

Lettre du 10.9.2019

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

3.3.2020

Adoption en session plénière

10.6.2020

Session plénière no

552

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/2/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite de l’initiative prise par la présidence croate de demander un avis consacré aux effets des campagnes sur la participation à la prise de décision politique, lequel devrait, si tout se déroule comme prévu, contribuer au débat d’orientation opportun au sein des formations et instances préparatoires compétentes du Conseil sur les principaux domaines d’amélioration du processus électoral de l’Union européenne, sur la base du rapport post-électoral que publiera prochainement la Commission. Ce débat d’orientation permettra aux États membres d’apporter en temps utile une contribution à l’ordre du jour du plan d’action de la Commission en faveur de la démocratie, ainsi qu’à la conférence sur l’avenir de l’Europe, qui sera lancée au cours de la présidence croate. L’heure est venue de fournir de nouveaux efforts coordonnés afin de protéger et de renforcer la démocratie européenne tout au long du nouveau cycle politique des institutions de l’Union. À cet égard, le CESE encourage la présidence croate à jouer un rôle de catalyseur pour favoriser une coopération étroite entre toutes les institutions européennes, et notamment, en premier lieu, le Parlement européen et la Commission, mais aussi le CESE, le Comité des régions, le Médiateur européen et l’Agence des droits fondamentaux.

1.2.

La participation des citoyens européens à la prise de décision politique de l’Union européenne, principalement par l’intermédiaire de leur participation aux élections, mais aussi par des débats politiques et des consultations stratégiques, est primordiale pour relancer la démocratie européenne et garantir la légitimité des institutions et instruments de l’Union. Le CESE invite celles-ci à s’appuyer sur les enseignements tirés des élections de 2019, en prenant des mesures politiques en temps utile et en produisant un effort coordonné au niveau institutionnel afin d’améliorer l’état actuel du processus électoral de l’Union et d’obtenir un taux de participation le plus satisfaisant possible lors des élections européennes de 2024 et au-delà.

1.3.

Si la participation aux élections européennes suit toujours la tendance historique à la baisse, le taux relativement élevé de 2019 étant encore inférieur à ceux enregistrés entre 1979 et 1994 (1), il s’impose de tirer des enseignements des toutes dernières élections pour renforcer la participation des citoyens en connaissance de cause aux prochains cycles électoraux européens et sur le long terme. Il importe de reconnaître que la participation nettement plus faible aux élections européennes par rapport aux élections nationales est une tendance de longue date (2) et que la mobilisation plus importante des jeunes et des électeurs instruits lors des élections européennes de 2019 est susceptible d’amorcer une nouvelle tendance positive.

1.4.

Le CESE est d’avis que l’adoption, par les institutions de l’Union européenne, d’une approche plus efficace à l’égard des citoyens européens passe par un changement de mentalité et qu’elles doivent fonder l’ensemble de leur communication sur le dialogue avec le public, la société civile et les partenaires sociaux, notamment dans le cadre de campagnes, et encourager leur participation en faisant appel tant à leurs émotions qu’à leur raison. Dans ce contexte, le Comité accueille favorablement la nouvelle approche centrée sur les électeurs que le Parlement européen a adoptée dans ses campagnes d’information publique, et il approuve vivement son plan global visant à tirer parti du succès de sa plus récente campagne électorale. Le CESE plaide en faveur de l’affectation de ressources budgétaires et humaines suffisantes aux travaux du Parlement sur les campagnes, afin qu’il puisse approfondir et élargir son vaste réseau de membres de la société civile, de bénévoles et de faiseurs d’opinion, mener une série de campagnes thématiques au cours des cinq prochaines années et préparer une habile campagne pour les élections de 2024.

1.5.

Le CESE préconise une coopération toujours plus étroite entre le Parlement, la Commission et les États membres, ainsi qu’avec le CESE, le Comité des régions et l’ensemble des parties prenantes, quant à une conception soigneusement pensée et une organisation à la fois décentralisée et centralisée des futures campagnes d’information sur les affaires européennes et les prochaines élections au Parlement, en vue d’améliorer leur efficacité pour toucher, informer et mobiliser une grande majorité d’européens.

1.6.

Le CESE est d’avis que la désinformation menace directement non seulement la capacité des citoyens à prendre des décisions politiques en connaissance de cause, mais aussi le projet d’intégration européenne et, partant, l’unité, la prospérité et l’influence de l’Union européenne à l’échelle mondiale. L’affaiblissement des capacités décisionnelles démocratiques de l’Union profite à toute une série de puissances étrangères, ainsi que de groupes extrémistes qui s’opposent à la coopération européenne et au renforcement de la cohésion (3). Le CESE soutient fermement les efforts actuellement déployés par l’Union européenne pour lutter contre la désinformation (4), qu’elle soit le fait d’acteurs extérieurs ou européens, et demande instamment à la Commission de veiller au respect intégral du code de bonnes pratiques contre la désinformation et d’assurer une action réglementaire de suivi conforme à celui-ci, de poursuivre le développement du «système d’alerte rapide» et des cellules de renseignement «Stratcom» récemment mis en place, et d’étendre les mesures déployées par le Service européen pour l’action extérieure contre la désinformation, parallèlement à une expansion considérable de l’action de l’Union européenne contre la désinformation au niveau national.

1.7.

Le CESE invite la Commission et le Parlement à prendre de nouvelles mesures en vue de dégager des ressources budgétaires suffisantes pour renforcer la résilience de la société face à la désinformation, pour étendre la surveillance à un éventail plus large d’acteurs extérieurs et nationaux qui constituent une menace et pour intensifier les échanges d’informations entre les institutions et les États membres, de même qu’à l’échelle internationale.

1.8.

Le CESE approuve vivement la proposition de la Commission de mettre au point un «plan d’action pour la démocratie européenne», qui devrait être complet, continu et en capacité de provoquer le changement, grâce à un soutien financier et à une coordination interinstitutionnelle. Le plan d’action pour la démocratie européenne et les futures initiatives connexes devraient inciter à redoubler d’efforts afin de garantir la liberté et le pluralisme des médias et un journalisme indépendant et de qualité, la réglementation efficace des médias sociaux, afin notamment de lutter contre la désinformation et de réglementer la publicité politique en ligne et la responsabilité du contenu, la modernisation du processus électoral, l’inclusion des groupes privés de leurs droits, principalement les personnes handicapées, ainsi que l’éducation civique généralisée à l’Union européenne et son processus démocratique dans l’ensemble des États membres. Le CESE rappelle sa proposition relative à une stratégie européenne ambitieuse de communication, d’éducation et de sensibilisation du public aux droits fondamentaux, à l’état de droit et à la démocratie (5).

1.9.

Le CESE invite les institutions européennes et la présidence croate à accorder une attention continue aux négociations relatives au budget de l’Union européenne sur les dotations en faveur de l’éducation aux valeurs de l’Union, aux affaires institutionnelles et à la citoyenneté, qui constitue l’un des principaux vecteurs de la démocratie européenne. Il convient de prévoir un financement adéquat de la totalité des activités menées par l’Union en matière d’éducation, ainsi que des mesures proposées au titre du plan d’action pour la démocratie européenne, et d’assurer une meilleure cohérence entre les différents volets budgétaires. Il y a lieu de continuer à allouer une part accrue du financement au programme à succès Erasmus, en consacrant à cette fin une part plus importante des ressources du Fonds social européen et d’autres programmes de l’Union.

1.10.

Pour susciter un plus large soutien politique en faveur d’un renforcement de l’éducation civique à l’Union européenne, le CESE invite les institutions de l’Union européenne (et la présidence croate) à soutenir sa proposition de créer, à l’échelon européen, un groupe d’experts à haut niveau sur le thème «Enseigner l’Europe», composé de représentants des États membres et d’éminents spécialistes de l’éducation. Ce groupe pourrait formuler, en vue de leur examen par les ministres de l’éducation, des propositions et des recommandations sur les politiques qui pourraient aboutir à des conclusions du Conseil. Il pourrait également apporter des améliorations sur le plan opérationnel, telles que la mise en place d’une plateforme centrale en ligne contenant un inventaire des supports pédagogiques existants créés dans le cadre de projets financés par l’Union et des programmes nationaux, comme l’a suggéré le Comité.

1.11.

Le CESE demande au Conseil et à la Commission d’accorder une attention particulière à la question brûlante de l’inclusion des personnes handicapées, des minorités ethniques, des migrants, des pauvres en milieu rural et d’autres groupes sociaux défavorisés qui sont constamment sous-représentés lors des élections européennes dans les différents États membres de l’Union. Il propose à la Commission d’élaborer, dans le cadre du plan d’action pour la démocratie européenne: (1) une proposition législative relative à des normes minimales en matière d’accessibilité du processus électoral européen aux personnes handicapées; et (2) une «feuille de route de l’Union en vue d’un processus électoral plus inclusif», assortie d’une proposition de financement visant à appuyer les efforts de modernisation électorale et d’inclusion sociale consentis par les États membres.

1.12.

La nouvelle Commission devrait poursuivre dans les meilleurs délais la modernisation des règles de campagne et du processus électoral de l’Union, en s’appuyant sur les mesures prises par la Commission précédente (6). À cet égard, le CESE est résolument favorable à: (1) un travail actif et continu des réseaux de coordination des élections en coopération avec les points de contact nationaux, qui devrait servir à apporter rapidement des améliorations; (2) un renforcement de la surveillance réglementaire des partis politiques européens en ce qui concerne la transparence des campagnes et du financement des partis, le respect des règles en matière de protection des données et l’adhésion aux valeurs de l’Union; (3) des mesures incitatives supplémentaires pour que les partis politiques européens renforcent leur cohérence politique et leur engagement citoyen au sein et en dehors des partis membres nationaux; (4) des mesures visant à permettre à l’ensemble des groupes sociaux marginalisés et privés de leurs droits de participer pleinement au processus démocratique. La Commission devrait par ailleurs renforcer l’application des règles imposant une responsabilité relative au développement de l’éducation aux médias qui soit partagée non seulement entre les institutions européennes et nationales et la société civile, mais aussi entre les médias sociaux et les sociétés de plateformes numériques, ainsi que les acteurs politiques.

2.   Les possibilités de renforcer la participation informée des citoyens européens aux élections

2.1.   Mener des campagnes d’information plus efficaces à destination de la population

2.1.1.

Ces dernières années, l’Union a fait des progrès considérables pour ce qui est des échanges avec les citoyens au moyen de campagnes d’information et de communication, déployant des efforts remarquables afin de faire le lien entre ses politiques et des effets spécifiques sur la vie quotidienne, de montrer l’impact de ses initiatives par l’intermédiaire des points de vue de citoyens «ordinaires» et d’utiliser de nouvelles technologies pour diffuser des informations. Les institutions européennes disposent de vastes moyens pour informer le public, que ce soit par l’intermédiaire de leurs bureaux de liaison présents dans les États membres, de leurs sites web et de leurs comptes de médias sociaux, de leurs activités dans la presse et les médias, des agences de l’Union et des nombreux réseaux d’experts et de parties intéressées, ou de leurs services aux visiteurs.

2.1.2.

Les institutions de l’Union européenne et les gouvernements nationaux devraient redoubler d’efforts, améliorer leur coordination et coopérer davantage avec la société civile, les partenaires sociaux et les bureaux des institutions de l’Union européenne dans les États membres afin de diffuser des informations précises sur la législation, les politiques et les initiatives de l’Union, et pour permettre aux citoyens et aux organisations de se renseigner sur les affaires européennes, de s’y intéresser et d’y participer. Les institutions de l’Union européenne et les États membres devraient investir davantage dans le renforcement des capacités et l’autonomisation des organisations représentatives de la société civile et des partenaires sociaux qui promeuvent l’idée européenne dans leurs propres campagnes ascendantes en faveur des valeurs européennes, et s’appuyer sur eux en tant que partenaires et catalyseurs dans le cadre d’un dialogue avec le public.

2.1.3.

Les institutions européennes allouent des budgets considérables à l’information de la population, notamment aux campagnes, même ces budgets sont incontestablement dérisoires par rapport à ceux dont disposent les gouvernements des États membres en matière d’information et de campagnes publiques (et aussi aux budgets prévus par les pouvoirs publics locaux et régionaux de ces pays pour de telles activités). En outre, plusieurs directions générales de la Commission soutiennent les efforts consentis par la société civile et les partenaires sociaux afin d’informer et de faire débattre les européens sur certains domaines d’action de l’Union européenne grâce à tout un éventail de moyens. Le nouveau budget de l’Union européenne devrait prendre dûment en compte et élargir le rôle positif que remplissent les institutions de l’Union, ainsi que la société civile européenne et nationale, les partenaires sociaux et les médias indépendants.

2.1.4.

Le Parlement européen a œuvré de manière particulièrement dynamique à promouvoir l’intérêt pour les élections européennes et la participation à celles-ci. Dans le cadre de sa campagne électorale de 2019, il s’est efforcé de mobiliser les électeurs grâce à des messages chargés d’émotions répondant à leurs préoccupations spécifiques, d’associer beaucoup plus activement la société civile et les syndicats et de mener une campagne décentralisée, bien moins institutionnelle, aux effets multiplicateurs nettement plus puissants. La campagne intitulée «Cette fois, je vote» a fourni aux organisations de la société civile (en sus du financement nécessaire à cette fin) la possibilité de mener leurs propres actions et activités de communication en vue d’encourager les citoyens à participer aux élections et à exposer leurs idées et leur vision pour l’avenir de l’Europe. Elle a également incité un large éventail d’acteurs sociaux, y compris les milieux d’affaires, à participer aux campagnes visant à convaincre les électeurs d’aller voter. Selon les données issues de l’enquête post-électorale du Parlement (7), cette vaste campagne interactive pourrait avoir contribué à accroître le taux de participation électorale.

2.1.5.

Il importe de garder à l’esprit, pour toute future action visant à renforcer la participation politique des citoyens, qu’il existe une prise de conscience positive à l’égard de l’Union européenne suivant une tendance croissante, qui se confirme par une augmentation de 11 % des électeurs ayant déclaré qu’il était de leur devoir civique de voter aux élections européennes, par une hausse de 11 % des électeurs ayant voté car ils étaient favorables à l’Union européenne et par une augmentation de 6 % de ceux qui ont pensé que leur vote pouvait faire bouger les lignes. Les principaux facteurs les plus susceptibles de confirmer la décision des répondants de voter aux prochaines élections du Parlement européen sont les suivants: une meilleure information sur l’Union européenne et ses effets sur la vie quotidienne (43 %), un plus grand nombre de jeunes candidats (31 %) et un nombre plus élevé de femmes candidates (20 %). En outre, les européens ont clairement souligné la nécessité d’une participation politique en meilleure connaissance de cause, de processus électoraux plus inclusifs, d’un sens plus fort des responsabilités chez les dirigeants politiques et d’une protection institutionnelle plus efficace contre les manipulations abusives du processus électoral au moyen de la corruption politique, de la désinformation et des cyberattaques (8).

2.1.6.

À l’avenir, les institutions de l’Union devraient mener, tout au long du cycle politique, des campagnes d’information publique qui mettent l’accent en priorité sur des sujets préoccupant particulièrement les électeurs et qui permettent de bâtir un socle commun de connaissances et d’adhésion concernant les affaires européennes avant les prochaines élections au Parlement européen. Une attention particulière devrait être accordée à la pénétration des campagnes d’information dans l’ensemble des zones géographiques et dans toutes les couches de la société, en particulier celles qui se trouvent à la marge de la participation politique et du développement socio-économique et peuvent être particulièrement vulnérables aux campagnes de désinformation malveillantes du fait de leur exclusion sociale globale (9). La capacité des institutions de l’Union européenne à diffuser de manière proactive des informations de sensibilisation passe par un dialogue plus approfondi avec les communautés locales dans l’ensemble de l’Union européenne et une collaboration plus étroite avec les médias locaux, les groupes de la société civile locale, les collectivités locales et les programmes d’éducation civique.

2.2.   Investir dans la liberté et le pluralisme des médias, ainsi que dans le journalisme

2.2.1.

Des médias libres et pluralistes, qui fournissent aux européens des informations précises et impartiales, sont indispensables pour mener un débat éclairé sur les élections et la prise de décision politique, et constituent une arme décisive pour lutter contre la désinformation. Des médias libres et pluralistes doivent assumer la responsabilité de leur contenu et être transparents en ce qui concerne leur actionnariat et leurs intérêts économiques.

2.2.2.

Malgré le déclin des médias dits traditionnels (presse écrite et médias audiovisuels), consécutif à l’accès massif aux médias numériques et sociaux, les sites web et les comptes de médias sociaux des radiodiffuseurs, des journaux et des journalistes sont largement utilisés, partagés et commentés en ligne par les citoyens.

2.2.3.

Dans le classement mondial de la liberté de la presse 2019 (10), alors que les pays européens occupent les premières places parmi ceux affichant une «bonne» situation de la liberté de la presse (sur les 15 pays classés dans cette catégorie, 9 sont membres de l’Union européenne), et qu’aucun d’entre eux ne fait partie de la pire catégorie, à savoir «situation très grave», la situation de la liberté de la presse est seulement qualifiée de «plutôt bonne» dans 12 États membres, tandis qu’elle est considérée comme «problématique» dans 6 d’entre eux et comme «difficile» dans un État membre de l’Union. L’augmentation de la violence et des intimidations à l’encontre de journalistes dans les États membres de l’Union européenne constitue une tendance préoccupante pour la démocratie européenne, comme toute ingérence politique dans les médias.

2.2.4.

Selon les résultats obtenus en 2017 par l’instrument de surveillance du pluralisme des médias (11), la concentration du marché est une source de risque moyen ou élevé pour le pluralisme des médias dans tous les pays de l’Union européenne, sans exception. Les difficultés économiques des différents médias traditionnels laissent à penser que la concentration des médias est un phénomène qui a peu de chance de se résorber à l’avenir; l’éventuel affaiblissement de la pluralité du marché est un risque qui reste omniprésent. L’Union européenne doit adopter des mesures antitrust pour diversifier l’actionnariat des médias et lutter contre la concentration et les monopoles dans ce domaine.

2.2.5.

Le journalisme indépendant est un bien public, et l’incapacité d’obtenir un paysage médiatique divers et pluraliste constitue une défaillance manifeste du marché. La qualité et la diversité journalistes requièrent de renforcer l’indépendance politique et économique, ainsi que la qualité des médias de service public et leur financement indépendant à long terme, d’où la nécessité de mettre en œuvre de nouveaux modèles économiques et commerciaux. L’Union devrait s’employer davantage à soutenir les médias de service public, en promouvant notamment les initiatives dont le but est de trouver de nouveaux modèles de financement durable. À cet égard, le CESE approuve les propositions formulées pour la période budgétaire 2021-2027 de créer un sous-volet du programme «Europe créative» à hauteur de 61 millions d’euros, consacré à un journalisme de qualité, incluant le pluralisme des médias et l’éducation aux médias (12). Il appelle toutefois à réaliser des investissements publics beaucoup plus massifs et plus stratégiques dans le journalisme et les médias professionnels.

2.2.6.

L’Union devrait aussi consentir davantage d’efforts afin de soutenir les médias indépendants et le journalisme d’investigation, et notamment des plateformes de collaboration transnationales. Elle devrait en outre encourager les initiatives visant à trouver de nouveaux moyens de financer le journalisme de qualité, notamment des modèles sans but lucratif et de nouveaux modèles économiques durables et inclusifs sur le plan social.

2.2.7.

Il conviendrait par ailleurs de durcir, de contrôler et d’appliquer de manière systématique la législation nationale et européenne contre les monopoles et les positions dominantes sur le marché que s’attribuent les médias. Les initiatives menées par l’Union européenne pour surveiller l’indépendance et la propriété des médias en Europe, à l’exemple de l’instrument de surveillance du pluralisme des médias, devraient bénéficier d’un soutien plus important.

2.2.8.

L’Union devrait continuer à promouvoir des mesures et des organismes d’autorégulation tels que les codes de déontologie et les conseils de presse, en vue de renforcer les normes strictes propres au journalisme, y compris dans les médias numériques et sociaux. L’Union européenne doit promouvoir l’égalité d’accès à l’information pour tous les médias et s’opposer à l’exclusion arbitraire de journalistes de conférences de presse et d’autres publications gouvernementales pour des raisons politiques.

3.   Saisir les opportunités qu’offrent les médias numériques et sociaux et répondre aux défis qu’ils posent

3.1.

Les médias numériques et sociaux permettent à la plupart des citoyens d’accéder à une plus grande diversité d’informations et de points de vue, qui sont également plus rapidement disponibles, et de participer beaucoup plus facilement au débat démocratique rendu possible par les réseaux sociaux. Ils devraient aussi donner aux individus la possibilité de prendre leurs propres décisions quant au filtrage des informations qu’ils souhaitent consulter. En 2019, pas moins de 86 % des citoyens de l’EU-27 utilisaient l’internet (13) et 90 % des ménages de l’EU-27 disposaient d’un accès à l’internet, ce qui, malgré l’existence d’inégalités — l’accès des ménages au niveau national allant de 98 % aux Pays-Bas à 75 % en Bulgarie — permet tout de même d’atteindre une audience considérable (14).

3.2.

Néanmoins, si les médias numériques et sociaux offrent davantage de possibilités de participation à un plus grand nombre de personnes, la concentration de la propriété est encore plus forte parmi les plateformes de médias sociaux que parmi les médias traditionnels de la presse et de l’audiovisuel, et des algorithmes secrets complexes et à finalité commerciale servent à filtrer de manière significative les informations disponibles sur les comptes des citoyens. En conséquence, la gamme d’informations à laquelle les citoyens sont exposés peut en réalité être plus restreinte que par l’intermédiaire des médias de presse et audiovisuels traditionnels. L’avènement des médias sociaux a donné lieu à une prolifération de la désinformation — des récits inventés publiés pour des raisons diverses, notamment dans le but d’influencer le débat politique et les résultats des élections. Derrière une majeure partie de cette désinformation se cachent de faux comptes. Les chercheurs affirment que lors des élections présidentielles de 2016 aux États-Unis, la désinformation a eu une incidence considérable sur le comportement des électeurs.

3.3.

Dans le cadre des initiatives de la Commission visant à réduire la désinformation et à assurer des activités de campagne en ligne transparentes, équitables et fiables en amont des élections européennes tenues récemment, des représentants des plateformes en ligne, des réseaux sociaux et du secteur publicitaire (y compris Facebook et Twitter) ont signé en septembre 2018 un code de bonnes pratiques (15) reposant sur l’autorégulation pour lutter contre la propagation de la désinformation en ligne et des fausses informations. Il définit un large éventail d’engagements, consistant notamment à garantir la transparence de la publicité à caractère politique et la fermeture des faux comptes et à priver de leurs recettes les vecteurs de désinformation (16). Ce code est considéré comme un pilier important du plan d’action de la Commission contre la désinformation et comporte une annexe contenant les bonnes pratiques exposées par les signataires (17).

3.4.

Toutes les plateformes ont pris des mesures avant les élections européennes, procédant à un marquage des annonces politiques et rendant celles-ci publiquement accessibles dans des bibliothèques publicitaires dotées d’outils de recherche (18). Dans le cadre de la politique d’autorégulation mise en place par Facebook, les annonces politiques pouvaient uniquement être publiées dans un pays pour lequel les annonceurs disposaient d’un mandat. Étant donné que, de toute évidence, cette règle a entraîné des effets négatifs sur les capacités des partis européens à faire campagne sur tout le territoire de l’Union, une décision ad hoc exemptant les partis européens de cette règle a été prise (19).

3.5.

Cependant, les premiers rapports annuels d’autoévaluation établis par les signataires du code en octobre 2019 (20) et le rapport publié en juin 2019 par le groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels (ERGA) (21) indiquent que les annonces politiques présentes dans les archives de publicités à caractère politique des plateformes n’ont pas toutes été correctement signalées comme de la publicité politique et que les archives en question ne divulguent pas encore suffisamment de données sur le microciblage du public, en vue de prévenir la manipulation des électeurs et d’assurer une plus grande transparence des campagnes et de la publicité politiques, s’agissant notamment de leurs sources de financement et des liens avec des groupes d’intérêts spécifiques. En outre, les signataires du code n’ont adopté aucune norme commune visant à permettre aux chercheurs et aux journalistes d’accéder aux données à caractère personnel tout en respectant le droit des utilisateurs à la vie privée ainsi que leur consentement.

3.6.

Compte tenu des lacunes constatées en matière d’autorégulation et de l’évaluation actuelle du code de bonnes pratiques lancée par la Commission, le CESE invite cette dernière à prendre des mesures législatives si le code volontaire s’avère insuffisant à lui seul pour accomplir des progrès substantiels dans la réalisation des objectifs de la Commission. Il convient d’améliorer considérablement l’autorégulation dans le domaine de la désinformation en ligne et d’adopter en parallèle une approche globale quant à sa réglementation. Le moment est venu d’élaborer et de proposer une réglementation des médias sociaux et des plateformes numériques, en mettant l’accent sur la transparence de tous les aspects de la publicité politique (règles de financement, de marquage et de divulgation) et sur la désinformation, dans le cadre du nouveau train de mesures de la Commission en matière électorale et du plan d’action pour la démocratie européenne.

3.7.

La promotion de la responsabilité en ligne ne devrait pas se focaliser uniquement sur les mesures de transparence, mettant en lumière les sources d’information, mais également être axée sur la responsabilité des acteurs de l’écosystème qui tirent profit de la diffusion de contenus trompeurs et sensationnalistes. La désinformation est un symptôme de marchés numériques concentrés, non responsables, du pistage permanent et du traitement illicite des données à caractère personnel. Les entreprises dominantes du secteur des médias sociaux réalisent des bénéfices en générant des données de profilage grâce à la diffusion de contenus attirant l’attention, quelle que soit leur véracité. Ce type de manipulation des données appelle une application pleine et adéquate du règlement général sur la protection des données dans le but de modifier l’équilibre des mesures d’incitation pour les entreprises de manière à les éloigner d’un modèle qui repose sur le sensationnalisme et le scandale. Si le modèle commercial de base des plateformes facilite ou propage lui-même le phénomène, il ne suffira pas d’encourager les plateformes à adopter des mécanismes de suppression ou de vérification. En outre, les législations nationales et européenne doivent s’attaquer au problème des positions dominantes des entreprises numériques et de médias sociaux sur le marché et envisager l’interopérabilité obligatoire, en mettant en place des protocoles communs afin de permettre la circulation de la communication entre les plateformes.

3.8.

Il est nécessaire de garantir une participation plus grande et plus vaste des institutions de l’Union européenne, de la société civile, des partenaires sociaux, des médias indépendants, des médias sociaux, des plateformes en ligne et du public à la lutte contre la désinformation (22). Le Comité se félicite de l’initiative de la Commission européenne, entreprise par la DG CONNECT, de créer l’Observatoire européen des médias numériques, à savoir une plateforme permettant aux vérificateurs de faits, aux universitaires et aux chercheurs de collaborer, de nouer activement des liens avec les organisations médiatiques et les experts de l’éducation aux médias et d’apporter un soutien aux décideurs politiques (23), et il préconise d’investir davantage dans son renforcement et son développement.

4.   Prévenir les ingérences malveillantes via internet lors des élections européennes

4.1.

L’internet a permis à une nouvelle menace de voir le jour, à savoir une ingérence plus aisée dans les élections s’appuyant sur de faux comptes, des trolls actifs sur les médias sociaux et des organisations de diffusion gérées par les États. Bien qu’une grande attention ait été portée à l’ingérence étrangère, la réalité est bien plus complexe: la désinformation intérieure constitue un problème au moins aussi important et les serveurs mandataires locaux, les nouvelles technologies et autres évolutions (telles que l’utilisation de groupes fermés) créent la confusion entre la désinformation intérieure et étrangère. La Russie, par exemple, a été accusée d’avoir influencé les élections présidentielles de 2016 aux États-Unis, le référendum britannique sur le Brexit et plusieurs élections récentes tenues dans l’Union européenne (24), ainsi que les élections du Parlement européen de mai 2019 (25), mais l’ingérence d’autres acteurs intérieurs ou extérieurs pose un risque tout aussi inquiétant.

4.2.

Le plan d’action de la Commission européenne contre la désinformation indique que «[s]elon les informations disponibles, plus de 30 pays recourent à des activités de désinformation et d’influence» (26). Le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a mis en place la task-force «East Stratcom», un service chargé de surveiller et de dénoncer la désinformation «pro-Kremlin» via son site internet spécifique (27), ainsi que des task-forces «Balkans occidentaux» et «Sud» sur la communication stratégique.

4.3.

Il y a lieu de saluer l’initiative du SEAE visant à créer un «système d’alerte rapide», en l’occurrence un réseau de responsables gouvernementaux des États membres travaillant sur la désinformation, qu’il conviendrait de renforcer et d’étendre, tout en encourageant les États membres à garantir un échange intensif d’informations entre le système d’alerte rapide et les réseaux électoraux nationaux récemment mis en place, lesquels devraient en principe également associer des organisations spécialisées de la société civile et des vérificateurs de faits. À l’avenir, il faudra en outre veiller à un échange régulier d’informations entre le système d’alerte rapide et les structures de l’Observatoire des médias numériques établies dans chacun des pays sur tout le territoire de l’Union.

4.4.

Compte tenu de l’importance que revêtent les mécanismes de prévention de l’ingérence pour la démocratie européenne, il est nécessaire d’élargir et de renforcer l’action des initiatives menées par le Service européen pour l’action extérieure contre la désinformation, afin notamment de surveiller et de combattre la désinformation provenant d’autres pays et régions et d’intensifier les échanges d’informations avec d’autres mécanismes de prévention similaires, tels que ceux mis en place par le Canada et l’Australie. Dans le même temps, l’action de l’Union européenne contre la désinformation intérieure doit être considérablement intensifiée, par l’application d’une approche globale qui permette un suivi en temps utile, renforce le journalisme professionnel et favorise l’éducation aux médias.

4.5.

Le CESE fait observer que dans le contexte de la crise de la COVID-19, qui a éclaté alors que l’élaboration du présent avis était déjà bien avancée, il est d’autant plus urgent que la Commission prenne des mesures supplémentaires pour lutter contre la désinformation liée aux causes, à la propagation et au traitement de l’infection, et susceptible de nuire à la santé publique. Si elles ne sont pas correctement surveillées et canalisées, les informations en rapport avec la pandémie diffusées sur les médias sociaux pourraient entraîner certains types de comportement préjudiciables et semer la panique, mettant ainsi en danger la santé de la population. Le CESE invite la Commission européenne à faire preuve de vigilance et à collaborer avec les États membres et les acteurs sociaux pour remédier aux graves conséquences de cette désinformation, provenant de sources tant nationales qu’étrangères (28).

5.   Améliorer l’éducation aux médias et l’éducation civique européennes

5.1.

Il est crucial de promouvoir de manière systématique l’éducation aux médias et la citoyenneté active auprès des européens pour permettre à l’Union d’être plus résiliente face aux tendances et aux menaces antidémocratiques. Comme il l’a exposé dans de récents avis (29), le CESE demande d’imprimer une nouvelle dynamique aux activités en matière d’éducation à l’Union européenne au cours du nouveau cycle politique des institutions de l’Union européenne. Il estime que la déclaration de Paris de 2015 (30) et la recommandation du Conseil de 2018 (31) ont la valeur d’un mandat clair des États membres, soutenu par le Parlement européen au moyen de sa résolution de 2016 (32), pour inscrire résolument l’enseignement et l’apprentissage de l’Union européenne parmi les priorités de l’action publique.

5.2.

Le CESE insiste sur la nécessité de mettre en œuvre le premier principe du socle européen des droits sociaux pour que l’éducation, la formation et l’apprentissage tout au long de la vie inclusifs et de qualité deviennent un droit pour tous en Europe (33) et recommande d’inclure l’éducation à l’Union européenne et la construction de l’identité européenne au sein de la stratégie Europe 2030 et du cadre stratégique «Éducation et formation 2030», ainsi que du processus du semestre européen (parmi les recommandations par pays pertinentes), pour autant que des données précises et systématiques soient disponibles (34).

5.3.

Pour susciter un plus large soutien politique en faveur d’un renforcement de l’enseignement consacré à l’Union européenne, le CESE réclame la création, à l’échelon européen, d’un groupe d’experts à haut niveau sur le thème «Enseigner l’Europe», composé de représentants des États membres et d’éminents spécialistes de l’éducation. Ce groupe pourrait formuler, en vue de leur examen par les ministres de l’éducation, des propositions et des recommandations sur les politiques qui pourraient aboutir à des conclusions du Conseil. Il pourrait également apporter des améliorations sur le plan opérationnel, telles que la mise en place d’une plateforme centrale en ligne contenant un inventaire des supports pédagogiques existants créés dans le cadre de projets financés par l’Union et des programmes nationaux, comme l’a suggéré le Comité.

5.4.

Comme point de départ d’une action politique plus globale, le CESE estime nécessaire d’entreprendre de nouvelles recherches critiques sur la base de l’étude menée en 2013 sur le thème «Apprendre l’Europe à l’école» (35), qui examineraient la situation réelle dans les États membres en matière d’enseignement de l’Union dans les écoles et de formation et de développement professionnel continu des enseignants, ainsi que les programmes éducatifs sur l’Union européenne élaborés par la société civile et les partenaires sociaux (36). En outre, il est indispensable de procéder à un réexamen complet des capacités éducatives et des sources de financement afin de développer les compétences liées à la citoyenneté active chez les adultes de l’Union, conformément à la version révisée du cadre européen relatif aux compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (37).

5.5.

La société civile européenne et les partenaires sociaux ont vivement plaidé pour un financement adéquat de l’éducation civique sur les affaires européennes, la culture et la citoyenneté, en complément des ressources nationales. L’Union européenne devrait aider les États membres à faire en sorte que les chefs d’établissement, les enseignants et les autres membres du personnel éducatif soient mieux équipés pour promouvoir l’esprit critique, les valeurs démocratiques et les droits de l’homme, l’engagement civique et l’utilisation responsable des nouvelles technologies. Il convient par ailleurs de renforcer et d’étendre les programmes de soutien à la mobilité pour les échanges des enseignants, des universitaires et des étudiants afin de leur permettre de faire l’expérience des valeurs de l’Union européenne telles que la démocratie, la liberté et la tolérance dans d’autres environnements d’apprentissage et d’autres États membres de l’Union (38).

5.6.

L’Union européenne devrait encourager résolument et soutenir financièrement l’éducation aux médias de toutes les générations au sein de la société, ainsi que les formations dispensées par et pour les journalistes dans l’ensemble de ses États membres, et ce de manière systématique et en étroite coopération avec les établissements d’enseignement nationaux et les agences nationales indépendantes chargées de la réglementation des médias. L’objectif est de faire rapidement un grand pas en avant vers un niveau plus élevé d’éducation aux médias chez les européens, compte tenu des menaces toujours plus nombreuses posées par une désinformation généralisée et souvent malveillante.

5.7.

L’Union devrait seconder en temps utile les efforts déployés par les États membres pour respecter leurs nouvelles obligations en matière médiatique s’agissant de favoriser le développement des compétences liées à l’éducation aux médias et de prendre des mesures en ce sens, notamment élaborer de nouveaux programmes d’enseignement et exercer une surveillance efficace des plateformes de partage de vidéos, tel qu’il est stipulé dans la directive «Services de médias audiovisuels» récemment révisée. À cet égard, le CESE escompte que le groupe d’experts sur l’éducation aux médias fournira des orientations claires; celui-ci se réunira à Zagreb, en Croatie, le 30 mars 2020, au cours de la deuxième édition de la Semaine de l’éducation aux médias — une nouvelle initiative de sensibilisation lancée l’année dernière à l’échelle de l’Union.

6.   Rendre les élections européennes plus inclusives

6.1.

Différents groupes sociaux sont susceptibles d’être exposés au risque d’exclusion électorale dans l’ensemble de l’Union européenne: les personnes handicapées, les minorités ethniques (en particulier les Roms), les travailleurs migrants venus d’Europe et les immigrants, ainsi que les couches sociales pauvres, sans emploi, non instruites et rurales. Étant donné que la moitié des européens ne participent pas aux élections européennes, il convient de lutter contre les inégalités structurelles qui influent sur le comportement électoral dans le cadre des futures initiatives politiques visant à renforcer la démocratie européenne et à garantir l’égalité de traitement de tous les européens lors des prochaines élections européennes.

6.2.

Comme l’indique le rapport d’information détaillé du CESE publié en mars 2019 (39), de nombreux citoyens dans l’ensemble des 27 États membres de l’Union européenne ne peuvent pas prendre part aux élections européennes en raison d’obstacles juridiques et organisationnels qui privent les personnes handicapées de leurs droits politiques. Quelque 800 000 européens dans 16 États membres sont privés, du fait des règles en vigueur dans leur pays, de leur droit de participer aux élections au Parlement européen en raison de leur handicap ou de problèmes liés à leur santé mentale, tandis que des millions d’autres citoyens européens n’ont pas la possibilité de voter en raison de modalités d’organisation (obstacles techniques) qui ne tiennent pas compte des besoins liés à leur handicap.

6.3.

Le CESE suggère d’envisager, dans le cadre du nouveau train de mesures relatives à la réforme électorale et du plan d’action pour la démocratie européenne, une «feuille de route de l’Union pour un processus électoral inclusif», assortie d’une proposition de financement destiné à aider les États membres à réaliser la nécessaire modernisation de l’administration électorale, laquelle implique de procéder à des adaptations technologiques et de mettre en place des services de soutien aux groupes sociaux défavorisés qui ont tendance à être exclus du processus électoral et dont les niveaux de participation politique dans un contexte national donné sont plus faibles. La feuille de route devrait être fondée sur une cartographie détaillée des obstacles auxquels sont confrontés différents groupes sociaux menacés d’exclusion électorale, qui serait établie en collaboration avec les autorités électorales nationales, les institutions du médiateur et les organisations des différentes sociétés civiles nationales ainsi que leurs réseaux européens.

6.4.

Les règles de l’Union européenne en vigueur régissent dès à présent une série de questions concernant les élections européennes. Il n’existe dès lors aucun obstacle formel à ce que ces règles comportent également des garanties permettant aux personnes handicapées de voter. Le CESE est d’avis que si l’on mettait en œuvre les bonnes pratiques existant dans tous les États, l’on obtiendrait un système idéal dans lequel chaque européen en situation de handicap disposerait non seulement de l’entière possibilité de voter mais pourrait également choisir la forme qui lui siérait le mieux.

6.5.

En conséquence, dans le contexte du débat politique à venir sur la réforme électorale de l’Union et du nouveau plan d’action pour la démocratie européenne, le CESE propose, en plus des mesures plus complètes énoncées dans la proposition de «feuille de route de l’Union pour un processus électoral inclusif», de réfléchir à une initiative juridique qui fixerait des normes minimales en matière de vote à l’intention des personnes handicapées. Cette proposition devrait être élaborée au moyen d’un dialogue politique mené avec les autorités électorales nationales, des spécialistes de l’inclusion sociale et des processus électoraux, ainsi que des organisations de la société civile représentant les personnes handicapées.

7.   Encourager les partis politiques européens à être attentifs aux citoyens et à leur rendre des comptes

7.1.

Tel qu’il est stipulé dans le traité de Maastricht adopté en 1992, «les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union. Ils contribuent à la formation d’une conscience européenne et à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union». L’évolution relativement récente et progressive des partis politiques européens, lesquels sont devenus des acteurs politiques supranationaux dotés de structures de gouvernance intégrées et capables de mettre en œuvre des programmes politiques cohérents et de mobiliser les électeurs dans l’ensemble de l’Union européenne, pose un défi structurel quant à la participation politique des européens. Plus précisément, le cadre réglementaire régissant la gouvernance et le financement des partis européens n’a évolué que depuis le traité de Nice en 2003 et demeure plutôt restreint pour ce qui est de la cohérence organisationnelle et programmatique, ce qui devrait favoriser la capacité des partis européens à façonner et à renforcer l’intégration politique de l’Union, sur la base de valeurs communes et d’engagement citoyen.

7.2.

L’adoption d’une nouvelle réglementation devrait avoir pour objectif de soutenir la promotion active des valeurs de l’Union par les partis politiques européens, ainsi que leur cohérence politique par-delà les frontières nationales et leurs capacités organisationnelles, afin de mobiliser les citoyens au sein mais aussi en dehors de partis membres nationaux très divers, dans de nombreuses régions différentes de l’Union européenne.

7.3.

À cet égard, le CESE salue la proposition de la Commission de mieux faire appliquer l’obligation légale des partis européens de respecter les valeurs fondatrices de l’Union telles qu’énoncées à l’article 2 du TUE, laquelle s’applique également à leurs membres nationaux. Il s’agit des valeurs défendues dans leurs programmes politiques et leurs campagnes, et de leurs pratiques internes en matière d’égalité entre les hommes et les femmes et de lutte contre la discrimination, ainsi que du respect de l’état de droit et de la lutte contre la corruption. Si elle le juge nécessaire, la Commission pourrait demander à l’Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes de vérifier le respect des conditions fixées dans le règlement (40) en question.

7.4.

D’autres mesures réglementaires devraient tenir compte du débat d’orientation et des propositions d’action actuels, notamment tout une série d’idées politiques portant sur une évolution des partis européens de manière à les rapprocher des citoyens de l’Union européenne et à les rendre plus responsables à leur égard, par exemple au moyen de déclarations des partis nationaux concernant leur intention d’affiliation à un parti européen, de listes de parti transnationales, de levées de fonds et de campagnes réalisées en toute transparence, de possibilités d’adhésion individuelle, d’actions de communication menées sur le terrain à l’attention de la société civile et des partenaires sociaux, ainsi que d’une obligation de rendre des comptes quant aux messages politiques qui portent ouvertement atteinte aux valeurs communes de l’Union (41). Ces questions devraient également figurer à l’ordre du jour de la conférence sur l’avenir de l’Europe, dont on peut espérer qu’elle constitue pour la société civile, les partenaires sociaux et le public européen une occasion concrète de participer largement et en connaissance de cause à la réforme démocratique de l’Union européenne.

Bruxelles, le 10 juin 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/1f2a7ac7-d8f7-11e9-9c4e-01aa75ed71a1. Il convient de noter que le taux de participation des citoyens européens aux élections a diminué depuis le début des années 90, comme en témoigne le recul de 20 % observé dans les «nouveaux» États membres et la baisse de 10 % enregistrée dans les «anciens» États membres.

(2)  Le taux de participation a atteint 45 % lors des élections européennes tenues en 2004, 43 % en 2009, 42,6 % en 2014, avant de passer à 50,66 % en 2019, ce qui représente pour la première fois depuis 1979 une augmentation du nombre d’électeurs par rapport aux élections précédentes. Source: https://blogs.eurac.edu/eureka/david-vs-goliath-of-voter-turnout-why-is-the-participation-in-eu-elections-so-low/

(3)  https://medium.com/we-are-the-european-journalism-centre/more-than-meets-the-eye-tips-to-find-eu-funding-for-journalism-92f3f1143042

(4)  Plan d’action de l’Union européenne contre la désinformation, https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/plan-daction-contre-la-desinformation

(5)  JO C 282 du 20.8.2019, p. 39, avis du CESE sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil — Poursuivre le renforcement de l’état de droit au sein de l’Union — État des lieux et prochaines étapes envisageables, 3 avril 2019.

(6)  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_18_5681

(7)  https://www.europarl.europa.eu/at-your-service/files/be-heard/eurobarometer/2019/election2019/EB915_SP_EUROBAROMETER_POSTEE19_FIRSTRESULTS_EN.pdf

(8)  Ces conclusions sont tirées de la même source citée précédemment, à savoir l’enquête post-électorale européenne de juin 2019, à laquelle ont répondu 22 464 personnes.

(9)  JO C 97 du 24.3.2020, p. 53.

(10)  https://rsf.org/fr/le-classement-mondial-de-la-liberte-de-la-presse

(11)  https://cmpf.eui.eu/media-pluralism-monitor/mpm-2017-2/

(12)  https://medium.com/we-are-the-european-journalism-centre/more-than-meets-the-eye-tips-to-find-eu-funding-for-journalism-92f3f1143042

(13)  https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tin00028/default/table?lang=fr

(14)  https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tin00134/default/table?lang=fr

(15)  https://ec.europa.eu/commission/news/code-practice-against-disinformation-2019-jan-29_fr

(16)  https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/code-practice-disinformation.

(17)  Un rapport d’étape publié en juin 2019 indique entre autres que Facebook a désactivé 2,2 milliards de faux comptes au cours du premier trimestre 2019 et a pris des mesures spécifiques contre 1 574 pages, groupes et comptes basés en dehors de l’Union et 168 établis en son sein, qui manifestaient des comportements non authentiques à l’égard des États membres, tandis que Twitter a signalé avoir supprimé plus de 6 000 annonces ciblant l’Union pour violation de sa politique en matière de pratiques publicitaires inacceptables, ainsi que quelque 10 000 annonces visant l’Union européenne pour violation de sa politique en matière de qualité des annonces.

(18)  https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/action-plan-against-disinformation-report-progress

(19)  https://twitter.com/alemannoEU/status/1119270730280132610

(20)  https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/annual-self-assessment-reports-signatories-code-practice-disinformation-2019

(21)  http://erga-online.eu/wp-content/uploads/2019/06/ERGA-2019-06_Report-intermediate-monitoring-Code-of-Practice-on-disinformation.pdf

(22)  https://eeas.europa.eu/sites/eeas/files/plan_daction_contre_la_desinformation.pdf

(23)  https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/commission-launches-call-create-european-digital-media-observatory

(24)  https://carnegieendowment.org/files/CP_333_BrattbergMaurer_Russia_Elections_Interference_FINAL.pdf

(25)  https://www.politicalcapital.hu/pc-admin/source/documents/pc_russian_meddling_ep2019_eng_web_20190520.pdf

(26)  https://eeas.europa.eu/sites/eeas/files/plan_daction_contre_la_desinformation.pdf

(27)  https://euvsdisinfo.eu/

(28)  https://www.disinfo.eu/coronavirus/

(29)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 52; JO C 228 du 5.7.2019, p. 68.

(30)  Déclaration de Paris, 17.3.2015.

(31)  Recommandation du Conseil du 22 mai 2018 relative à la promotion de valeurs communes, à l’éducation inclusive et à la dimension européenne de l’enseignement (JO C 195 du 7.6.2018, p. 1).

(32)  Résolution du Parlement européen du 12 avril 2016 Apprendre l'Union européenne à l'école [2015/2138(INI)] (JO C 58 du 15.2.2018, p. 57).

(33)  JO C 228 du 5.7.2019, p. 68.

(34)  JO C 228 du 5.7.2019, p. 68.

(35)  https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/83be95a3-b77f-4195-bd08-ad92c24c3a3c

(36)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 52.

(37)  Recommandation du Conseil du 22 mai 2018 relative aux compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (JO C 189 du 4.6.2018, p. 1).

(38)  https://www.csee-etuce.org/images/attachments/ST_Citizenship_2018-FR.pdf

(39)  Rapport d’information du CESE sur «La réalité du droit de vote aux élections européennes pour les personnes handicapées», 20 mars 2019.

(40)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/DOC/?uri=CELEX:52019DC0343&from=FR

(41)  https://www.idea.int/sites/default/files/publications/reconnecting-european-political-parties-with-european-union-citizens.pdf; https://carnegieeurope.eu/2019/11/06/six-ideas-for-rejuvenating-european-democracy-pub-80279; https://euroflections.se/globalassets/ovrigt/euroflections/euroflections_v3.pdf


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