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Document 52004AE0315

Avis du Comité économique et social européen sur la «Cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes»

JO C 110 du 30.4.2004, p. 55–71 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/55


Avis du Comité économique et social européen sur la «Cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes»

(2004/C 110/12)

Le 1er juillet 2003, par lettre du commissaire PATTEN, la Commission a demandé au Comité économique et social européen, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, d'élaborer un avis sur le thème de la: «Cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes».

La section spécialisée des relations extérieures, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 février 2004 (rapporteur: M. ZUFIAUR).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 94 voix pour, 5 voix contre et 11 abstentions.

Résumé

i.

Cet avis exploratoire, demandé par le commissaire PATTEN, a pour objet de rendre compte des positions de la société civile organisée européenne, latino-américaine et caribéenne sur la cohésion sociale dans la région ALC, en particulier quant à la manière dont les organisations de la SCO peuvent contribuer à cet objectif, à travers, par exemple, la concertation sociale le développement des systèmes de protection sociale ou la promotion de la responsabilité sociale des entreprises. Dans cette perspective, cet avis du CESE devrait être complété par les contributions des organisations latino-américaines et caribéennes ainsi que par les résultats du débat qui se tiendra dans le cadre de la IIIème Rencontre de la société civile organisée UE-ALC, qui se tiendra dans la ville de Mexico en avril prochain.

ii.

Sans prétendre vouloir donner une définition définitive du concept de cohésion sociale, le présent avis en indique les différentes dimensions - politique, économique, sociale, territoriale - afin de prendre en compte non seulement les facteurs macro-économiques habituellement considérés mais également d'autres, comme l'éducation, les institutions ou l'accès aux biens publics essentiels, qui sont fondamentaux pour analyser le degré de cohésion sociale dans la région ALC.

iii.

La manifestation la plus marquante du manque de cohésion sociale dans la région ALC est, comme il ressort de l'avis, la pauvreté et l'inégalité. Bien que la situation se soit relativement améliorée en ce qui concerne le premier aspect cette dernière décennie (elle touchait 48 % de la population en 1990 et n'en touche plus que 43 % en 2002), pour ce qui est du deuxième aspect, elle a continué à s'accentuer jusqu'à devenir chronique. En conséquence, l'Amérique latine dans son ensemble, et dans le cadre d'une grande hétérogénéité interne, est la région la plus marquée par l'inégalité au monde. À la pauvreté matérielle s'ajoute la pauvreté immatérielle (accès à l'éducation et à la répartition des chances) et la pauvreté juridique (inégalité effective face à la loi, faible citoyenneté civile, politique et sociale, insécurité face à l'existence). Tout cela provoque violence, désagrégation et anomie sociale, et compromet la crédibilité des institutions et du système démocratique. Le risque de voir s'étendre en Amérique latine une perception des citoyens selon laquelle leurs démocraties ne seraient pas fonctionnelles a été souligné dans un rapport récent du PNUD (rapport sur la démocratie en Amérique latine en 2004).

iv.

Le faible développement des éléments structurants, propre à toute société avancée (infrastructures, éducation, systèmes de santé et fiscal, justice, protection sociale, cadre de relations de travail, etc.) est un élément commun à l'ensemble des pays latino-américains et caribéens, à tel point que le rapport précité parle d'états absentéistes, comme d'un phénomène caractéristique de nombreux pays de la région. Cette caractéristique se manifeste essentiellement entre autres par la faible qualité des systèmes éducatifs, l'inégalité dans l'accès à ceux-ci et le fait qu'il soit déconnecté du système productif; l'inefficacité et le caractère inéquitable des systèmes fiscaux dominants dans la région et le manque, dans la majorité des pays, de systèmes de protection sociale universels, ce qui entraîne de profondes inégalités et l'exclusion de la majorité de la population de la couverture sociale des systèmes existants.

v.

Selon le présent avis, parvenir à une plus grande efficacité et démocratisation du système productif est une condition essentielle, ce système étant freiné par des niveaux élevés d'informatisation, la taille réduite des marchés, la diversification insuffisante des économies, et l'insuffisance des infrastructures, surtout en matière de transport et de communication, les réformes agraires pendantes, le manque de ressources financières et leur dépendance en la matière vis-à-vis de l'extérieur, le faible développement des différentes formes d'économie sociale, la faible qualité de l'emploi et la protection insuffisante de celui-ci ainsi que l'inexistence de systèmes de relations de travail fondées sur le respect des droits du travail essentiels, l'équilibre et la confiance.

vi.

Un aspect central du point de vue du CESE est également souligné dans l'avis. À savoir que parvenir dans la région ALC à des niveaux supérieurs de démocratie, de développement humain et de gouvernabilité implique de renforcer la SCO et d'augmenter la participation de celle-ci à la prise de décision. C'est une condition essentielle pour renforcer la démocratie politique, parvenir à une distribution plus juste de la richesse matérielle et immatérielle et permettre l'inclusion dans la vie politique, économique et sociale des secteurs de la population et des minorités tels que la population indigène marginalisée depuis des siècles.

vii.

Dans l'avis, une série de propositions et de suggestions sur la contribution que les relations entre l'UE et l'ALC pourraient apporter à la cohésion sociale dans cette région est formulée. Ces considérations partent de deux postulats. Le premier est l'importance stratégique des relations avec l'ALC pour l'UE, tant en vue de consolider son rôle au plan mondial que pour donner un élan à un ordre international nouveau et fondé sur une gouvernance juste et solidaire de la mondialisation et, d'autre part, l'importance pour l'ALC également de ses relations avec l'UE, tant pour réussir une intégration équilibrée dans la région que pour renforcer sa capacité de négociation à l'échelle internationale. Le second est la conviction selon laquelle, outre la nécessité de contribuer à l'augmentation de la cohésion sociale dans la région ALC à travers l'aide et la coopération au développement, l'UE doit placer cet objectif au centre de l'ensemble de ses relations, dans tous les domaines, avec cette région.

viii.

Parmi les suggestions formulées dans l'avis, certaines portent sur le renforcement de la société civile organisée (appui à des projets de développement de la dimension sociale dans les processus d'intégration régionale, promotion de forums mixtes UE-ALC regroupant les organisations socio-professionnelles, ouverture d'une ligne de financement pour le renforcement des organisations socio-économiques, création d'un programme de protection des défenseurs des droits de l'homme dans la région ALC, etc.). D'autres concernent le développement du système productif et l'instauration de cadres démocratiques de relations de travail et de dialogue social (transferts d'expériences européennes de concertation sociale, encouragement à la création d'infrastructures de nature à attirer les investissements étrangers directs, dotations d'un fonds destiné aux PME pour l'Amérique latine, plans de codéveloppement avec les pays d'origine de l'immigration vers l'UE, établissement d'une Charte de principes de responsabilité sociale des entreprises). Certaines initiatives suggérées ont pour objet la diminution de la charge de la dette extérieure et le financement du développement (formules de renégociation, rachat ou annulation de la dette extérieure au travers de programmes de lutte contre la pauvreté, de coopération environnementale ou dans le domaine de l'éducation, recommandations pour tenter d'éviter la dépendance vis-à-vis des agences de rating). Certaines propositions sont destinées au renforcement des systèmes de protection sociale (transferts d'expériences européennes, soutien à la conclusion d'accords entre les pays sur l'immigration, soutien à la gestion et à la formation spécialisée). Enfin, en ce qui concerne l'aide au développement et la coopération au développement, plusieurs suggestions sont également formulées: accroître la coordination entre les donateurs européens, améliorer la cohérence des aides avec les objectifs poursuivis, soutenir les pays bénéficiaires qui prennent les décisions essentielles sur les interventions à faire, et aider les pays qui en ont le plus besoin pour faciliter et renforcer leur capacité à assumer une présence autonome dans les négociations multilatérales, sans oublier, de manière générale et à titre de priorité, la formation des personnes et le renforcement des institutions.

1.   Introduction

1.1

Le 28 mars 2003, le commissaire PATTEN a présenté aux membres du Groupe de Rio réunis à Vougliameni, en Grèce, une initiative destinée à donner un élan à la cohésion sociale dans les pays d'Amérique latine. Cette initiative devra occuper une place centrale lors du sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'UE, de l'Amérique latine et des Caraïbes, qui se tiendra à Guadalajara, au Mexique les 28 et 29 mai 2004. Cette initiative a pour point de départ le constat que les bénéfices de la démocratisation et du développement économique obtenus dans les années 90 du siècle passé n'ont pas atteint de larges couches de la population, qui sont toujours victimes de l'inégalité et de l'exclusion, ce qui constitue un obstacle au développement économique et une source d'instabilité dans la région.

1.2

L'UE est disposée à promouvoir un nouveau consensus entre les gouvernements d'Amérique latine et des Caraïbes, qui devra être officialisé lors du prochain sommet de Mexico à travers un engagement ferme d'atteindre certains objectifs, notamment en matière de politique sociale, de politique fiscale, de développement économique et de dépense sociale. L'UE a prévu de contribuer à cet objectif, qui représente un aspect particulièrement important pour l'association stratégique birégionale, grâce à un programme de 30 millions d'euros consacré au transfert d'expériences et de connaissances en matière d'élaboration et d'application des politiques sociales.

1.3

Pour donner un élan à cette initiative, la Commission a organisé, les 5 et 6 juin 2003, en collaboration avec la Banque interaméricaine de développement (BID), un séminaire intitulé: «la cohésion économique et sociale en Amérique latine et aux Caraïbes», dont l'objectif était de lancer un large débat sur l'ampleur du problème de manque de cohésion sociale, son impact négatif sur les développements et la stabilité, les options politiques possibles et les efforts que les gouvernements latino-américains doivent développer pour faire face aux problèmes liés à l'absence de cohésion sociale, tels que l'inégalité et l'exclusion sociales.

1.4

Le 1er juillet 2003, le Commissaire PATTEN a adressé au CESE une demande d'avis exploratoire sur la cohésion sociale en Amérique latine, en vue de la Troisième rencontre de la société civile UE-Amérique latine que le CESE, en coopération avec ses homologues d'Amérique latine et des Caraïbes, organisera au Mexique, les 13, 14 et 15 avril 2004.

1.5

Selon le Commissaire PATTEN, l'avis devrait rendre compte des opinions de la société civile organisée en Amérique latine, aux Caraïbes et en Europe en matière de cohésion sociale dans la région ALC, compléter les documents élaborés à l'occasion du séminaire de juin 2003 (précédemment mentionné), faire état du rôle que jouent actuellement les partenaires sociaux en Amérique latine et aux Caraïbes et étudier, avec les organisations de la société civile d'Amérique latine et des Caraïbes, comment les partenaires sociaux peuvent contribuer à une cohésion sociale accrue dans leur pays. Cette contribution pourrait par exemple passer par la concertation sociale, la gestion commune des systèmes de protection sociale ou la mise en oeuvre, par les entreprises européennes qui investissent en Amérique latine, d'une politique de responsabilité sociale (1), qui s'avère bénéfique pour la compétitivité des entreprises et, dans le même temps, pour la cohésion sociale de toutes les parties intéressées.

2.   Le concept de cohésion économique et sociale

2.1

Le concept de cohésion économique et sociale fait l'objet de multiples interprétations. Aux fins de l'élaboration de cet avis, partons du concept développé par la Commission européenne au fil des rapports successifs sur la cohésion économique et sociale dans l'Union, en incorporant à l'analyse certains des aspects qui font la singularité de la situation latino-américaine, tels que la faim, les populations indigènes et l'emploi informel, ainsi qu'un plus grand déterminisme social dans l'accès à l'égalité des chances.

2.1.1

Pour parvenir à une plus grande cohésion sociale, les États doivent selon les propos de M. Enrique IGLESIAS, président de la BID, se doter d'un cadre de nature à promouvoir des mécanismes et des institutions à même de réduire les inégalités et les divisions. Dans cette perspective, le concept de cohésion sociale ne se limite pas à un ensemble d'indicateurs socio-économiques mais doit également englober plusieurs dimensions.

2.2   Dimension politique

2.2.1

Tout d'abord, la cohésion sociale possède une dimension politique essentielle, qui s'étend de la qualité des institutions démocratiques à la participation des citoyens à la chose publique, en passant par la préservation des liens sociaux, l'instauration de sociétés plus équitables, de systèmes de protection sociale et de solidarité, la conservation du patrimoine culturel et des ressources naturelles ou la participation active des acteurs économiques et sociaux à la vie économique et sociale.

2.2.2

Pour atteindre des niveaux de cohésion sociale supérieurs, il faut une intervention de l'État et des institutions publiques, au moyen de règles et d'actions efficaces: développement d'infrastructures, services publics de qualité, justice indépendante, règles régissant les relations du travail, systèmes fiscaux équitables, etc. Les institutions publiques ont, en somme, un rôle clé à jouer dans la promotion des droits et de la citoyenneté civique, politique et sociale. La cohésion sociale serait donc en premier lieu une question politique.

2.3   Dimension économique

2.3.1

La dimension économique de la cohésion sociale est liée à la richesse et à sa distribution, au développement du tissu productif (accès aux ressources essentielles, renforcement des facteurs ayant une incidence sur la productivité, environnement favorable au développement des investissements et des PME, etc.), à la recherche, au développement et à l'innovation, au taux et à la qualité de l'emploi, au niveau des salaires et aux différences salariales existantes. La réalisation de ces objectifs est rendue difficile, dans le cas des pays d'Amérique latine et des Caraïbes (ALC), notamment par la dualité du marché du travail partagé entre emploi formel et informel, par le manque d'investissements productifs et la faible qualification de la main-d'œuvre de la région. Des niveaux élevés d'inégalité économique, tels que ceux qui caractérisent les sociétés latino-américaines, sont un frein au développement économique et, partant, sont synonymes de retard économique et de déstructuration sociale.

2.3.2

Par ailleurs, il ne sera pas possible d'accroître de manière substantielle la cohésion sociale en ALC si cette région ne s'engage pas sur la voie d'une croissance économique soutenue et du développement social. Pour y parvenir, une plus grande stabilité macroéconomique est nécessaire, sans préjudice de grands progrès en matière d'équité sociale, en accord avec le processus de réformes structurelles qui mobiliseraient les ressources productives de la région, en améliorant en particulier l'incitation à la création d'entreprises, la qualification des travailleurs, une meilleure distribution du revenu et la création d'un cadre démocratique pour les relations de travail.

2.4   Dimension territoriale

2.4.1

La cohésion sociale est étroitement liée à la cohésion territoriale: capacité de créer des synergies entre tous les acteurs d'un territoire; dotation suffisante en infrastructures diverses, y compris les nouvelles technologies de l'information et de la communication, accès pour tous aux services essentiels pour la communauté (depuis la santé jusqu'à l'éducation, en passant par l'eau, les transports, l'électricité ou le logement). Les inégalités se manifestent sur le territoire, entre le centre et la périphérie, entre les zones urbaines et les zones rurales, entre les zones côtières et celles de l'intérieur, ou encore entre différents secteurs de la société, population indigène et celle qui est issue des nouvelles migrations, par exemple.

2.5   Dimension sociale

2.5.1

La répartition équitable de la richesse, des différentes sources de richesse matérielle et immatérielle ainsi que du revenu est inhérente au concept de cohésion sociale. C'est la tentative de conjuguer développement économique et développement social qui a caractérisé le modèle social européen (pour ce qui est des points communs aux différents modèles qui coexistent en Europe: dépenses élevées de protection sociale, rôle régulateur de l'État, rôle important joué par les acteurs sociaux). En d'autres termes, la définition des règles de distribution de la richesse (normes professionnelles et sociales, systèmes de protection sociale en cas de vieillissement, de maladie, de chômage, protection de la famille, négociation collective, régime d'imposition), doit intervenir au bénéfice de tous, avant les résultats économiques et la production de cette richesse.

2.5.2

La dimension sociale de ce concept de cohésion sociale renvoie également aux problèmes, très actuels, d'inégalité horizontale liés à la discrimination basée sur le sexe, la race, l'origine ethnique ou d'autres signes distinctifs de différents groupes sociaux. En ce sens, les principes essentiels sur lesquels se cimente la cohésion sociale sont la sécurité devant l'existence et la garantie de droits pour tous.

2.5.3

Une conception globalisante du concept de cohésion sociale, comme celle qui est proposée ici, ouvre un large éventail de possibilités pour le renforcement de cet objectif, tant grâce aux politiques que doivent mettre en oeuvre les pays d'Amérique latine et des Caraïbes qu'au travers des relations entre l'UE et l'ALC. Il s'agirait, d'une part, d'approfondir - avec le soutien matériel mais également grâce aux expériences réalisées dans l'UE - les vecteurs stratégiques de nature à contribuer à l'accroissement des niveaux de cohésion sociale dans cette région et, d'autre part, de favoriser un type de relations entre l'UE et l'ALC, qui, en plus des ressources destinées à la coopération au développement, intègre l'objectif de favoriser la cohésion sociale en ALC aux échanges et aux politiques commerciales, éducatives, technologiques et sociales. À l'issue des deux premières rencontres de la société civile UE - ALC un constat similaire a été dressé et plusieurs grands dirigeants latino-américains, tels que les Présidents LAGOS au Chili, Lula da SILVA au Brésil et KIRCHNER en Argentine, se sont récemment exprimés dans ce sens.

3.   Le déficit social en Amérique latine

3.1

Toute analyse de la région ALC doit partir de la reconnaissance de la grande hétérogénéité des situations économiques, politiques et sociales qui y règne. Toutefois, et même au risque de simplifier, nous pouvons, aux fins de l'élaboration du présent avis, dégager quelques caractéristiques communes pour analyser le degré de cohésion économique et sociale de la région dans son ensemble et tirer des conclusions sur la manière de résorber le déficit de cohésion, dont pâtissent tous ces pays à des degrés différents.

3.1.1

Dans cet avis, l'on tiendra compte essentiellement de trois niveaux d'analyse de la réalité latino-américaine et caribéenne: le champ socio-économique, le champ politique et les indicateurs d'insatisfaction sociale.

3.2   Le champ socio-économique

3.2.1

Les problèmes de pauvreté et d'inégalité sont perçus par la population latino-américaine comme les plus graves parmi ceux qu'ils subissent. Selon le Latino baromètre, plus de la moitié de la population estime que les problèmes les plus importants en Amérique latine sont le chômage, les bas salaires et la pauvreté. En 2003, pratiquement un quart des citoyens latino-américains ont déclaré que leurs revenus ne leur permettaient pas de couvrir leurs besoins essentiels. Ces problèmes sont jugés comme prioritaires par rapport à d'autres, comme la corruption ou la criminalité.

3.2.2   Pauvreté

3.2.2.1

En l'an 2002, selon les données de la CEPAL (Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes) (2), le niveau de pauvreté dans cette région a atteint 43,4 % de la population et le niveau d'extrême pauvreté 18,8 %, ce qui correspond, en termes absolus, à 220 millions d'habitants et à 95 millions d'habitants respectivement. Les prévisions pour l'année 2003 indiquent une augmentation de 0,5 % du nombre de pauvres, ce qui suppose une augmentation des niveaux de pauvreté dans la région pour la troisième année consécutive. Entre 1997 et 2002, le niveau de pauvreté s'était stabilisé autour de 43,5 % de la population. Toutefois, en termes absolus, la population disposant d'un niveau de vie insuffisant a augmenté pour passer de 204 millions à 220 millions d'habitants. Cela est dû au faible niveau de croissance économique enregistré ces six dernières années et en général, à cette «décennie à moitié perdue», à laquelle la CEPAL a également fait allusion.

3.2.2.2

La pauvreté est plus prononcée dans les zones rurales où elle est deux fois plus élevée que dans les zones urbaines (59,1 % contre 26,1 %). Cependant, en termes absolus et à cause de l'exode rural croissant, la population pauvre est également distribuée entre les zones urbaines et les zones rurales. La pauvreté est concentrée dans les foyers dont le chef de famille travaille dans l'agriculture et dans le secteur des services urbains non financiers (35,5 % et 29,1 %, respectivement de la population pauvre de la région). Très graves également les inégalités internes qui existent dans de nombreux pays comme le Brésil, le Guatemala ou la Colombie, dans lesquels le manque de cohésion territoriale est un facteur qui favorise la violence politique.

3.2.2.3

La pauvreté touche davantage les femmes que les hommes. Le pourcentage de femmes sans revenu est supérieur tant dans les zones urbaines (45 % contre 21 %) que dans les zones rurales (53 % contre 20 %). Dans les zones urbaines, le pourcentage de foyers pauvres dont le chef de famille est une femme est supérieur à celui des foyers dont le chef de famille est un homme (30, 4 % contre 25 %). La pauvreté est également beaucoup plus prononcée parmi les citoyens d'origine indigène ou descendant des Africains que dans le reste de la population. Certaines études relatives au Brésil, à la Bolivie, au Guatemala et au Pérou, indiquent que la pauvreté dans ces catégories de population est deux fois plus élevée que dans le reste de la population.

3.2.3   Distribution du revenu

3.2.3.1

Le décile le plus riche de la population de la région ALC détient 48 % du revenu total, tandis que le décile le plus pauvre ne reçoit que 1,6 % de ce revenu. L'inégalité, mesurée au moyen de l'indice de Gini, s'est accrue dans la région ces trois dernières années. Une étude de la CEPAL couvrant 11 pays de la région (Argentine, Bolivie, Brésil, Colombie, Costa Rica, Équateur, Mexique, Nicaragua, Panama, Uruguay et Venezuela), indique une augmentation de la concentration du revenu dans tous les États, à l'exception du Mexique. Toutefois, il faut savoir qu'il existe des écarts importants en ce qui concerne la distribution du revenu entre les pays de la région, écarts qui ne sont pas liés au niveau de développement industriel.

3.2.4   La faim

3.2.4.1

De manière générale, la faim (mesurée en pourcentage de la population souffrant de dénutrition) a diminué dans la région au cours des périodes 90-92 et 98-2000, pour atteindre une moyenne de 11 % de la population. Cependant, il faut également savoir qu'il existe là aussi de grandes disparités entre les pays de la région, car dans les données relatives à la période 1998-2000, l'on a inclus des pays qui comptent plus de 20 % de leur population en état de sous-alimentation (Bolivie, Guatemala, Haïti, Honduras, Nicaragua et République dominicaine) aux côtés d'autres qui n'en comptent que 5 % (Argentine, Chili et Uruguay). La dénutrition est imputable, entre autres facteurs, selon la CEPAL, à un accès inégal à l'offre d'aliments, à la rareté de l'offre et à la mauvaise distribution du revenu.

3.2.4.2

La dénutrition touche avant tout la population infantile et revêt une importance particulière à cause de ses conséquences à long terme. Bien que les indicateurs montrent une amélioration de l'indicateur de dénutrition infantile pour la période 1995-2000, elle atteint encore des niveaux extrêmement élevés: la dénutrition infantile chronique touche 19,5 %, de la population âgée de moins de 5 ans.

3.2.4.3

La dénutrition infantile chronique est le principal vecteur de transmission du sous-développement et de la pauvreté d'une génération à l'autre, dès lors que le manque d'aliments dans les années les plus critiques du développement physique et psychomoteur des enfants compromet de manière décisive leurs capacités intellectuelles, leur rendement scolaire, leurs capacités productives et leur intégration sociale, et a donc un impact énorme sur le potentiel de développement de la société en général.

3.2.5   Éducation et accès à l'éducation

3.2.5.1

Le niveau d'analphabétisme est élevé comparé aux normes des pays développés mais il est très hétérogène dans la région. Dans certains pays comme l'Argentine, le Chili, le Costa Rica, Cuba et l'Uruguay, le niveau d'analphabétisme est inférieur à 5 % de la population âgée de plus de quinze ans. Toutefois, cet indicateur atteint des niveaux supérieurs à 20 % au Salvador, au Guatemala, en Haïti, en Honduras et au Nicaragua. L'analphabétisme est généralement plus élevé chez les femmes.

3.2.5.2

L'accès à l'éducation élémentaire (élèves entre 7 et 12 ans) est très élevé dans les zones urbaines, où il atteint des niveaux supérieurs à 90 % (l'assiduité ou la régularité des cursus suivis étant une autre question: selon la CEPAL (3), en l'an 2000, près de 15 millions de jeunes, âgé de 15 à 19 ans, sur un total de 49 millions d'habitants, avaient abandonné l'école avant d'avoir terminé leurs douze années de scolarité). Les niveaux de scolarisation sont toujours beaucoup plus élevés dans les familles disposant de revenus supérieurs, surtout dans les pays enregistrant une plus grande concentration du revenu et un développement relatif inférieur, comme c'est le cas de la Colombie, de l'Équateur, du Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et de la République dominicaine. Cette différence en matière d'accès à l'éducation en fonction du niveau de revenus est plus prononcée à mesure que l'âge augmente en raison de la nécessité pour les jeunes plus âgés d'entrer dans le marché du travail pour aider la famille. Dans la majorité des pays ALC, le niveau de scolarisation des femmes est supérieur à celui des hommes (tous niveaux de revenus confondus) et surtout, dans la classe d'âge des 20 à 24 ans.

3.2.5.3

Les problèmes d'éducation dans la région ALC se concentrent sur trois volets. En premier lieu, la qualité de l'offre éducative qui, dans certains domaines comme l'enseignement élémentaire et secondaire est très basse, ce qui se manifeste par des taux d'abandon et d'échec scolaire élevés, les faibles taux de rendement scolaire des élèves, l'insuffisance de l'équipement des établissements ou le peu de motivation du corps enseignant. Ensuite, le manque d'équité dans l'accès à l'offre de formation: les inégalités en la matière se reflètent dans les disparités des taux respectifs d'inscription et de rendement scolaire selon qu'il s'agit d'un environnement urbain ou d'un environnement rural, et en fonction également de l'origine ethnique de la population scolaire, voire de l'appartenance à un sexe. Enfin, il existe un décalage considérable entre le système de formation et les besoins du marché du travail, non seulement en raison des faiblesses de ce dernier mais également des lacunes, entre autres, de l'enseignement secondaire et professionnel.

3.2.6   Santé et situation sanitaire

3.2.6.1

L'espérance de vie varie entre 59 ans en Haïti et 77 ans au Costa Rica ou à la Barbade, tandis que le taux de mortalité infantile suit une courbe avec des valeurs allant de 7 pour 1.000 pour Cuba à 59 pour 1.000 pour Haïti (4).

3.2.6.2

En termes comparatifs, l'espérance de vie de la population latino-américaine est de 8 ans inférieure à celle d'un pays européen comme l'Espagne. Ce retard en matière de santé se reflète également dans les chiffres relativement élevés de la mortalité que la région continue d'enregistrer, lesquels sont 7 fois plus élevés que ceux de l'Espagne ou de l'Allemagne.

3.2.7   Dépense sociale et protection sociale

3.2.7.1

La dépense sociale moyenne en ALC (pour ce qui concerne quatre rubriques uniquement: éducation, santé, sécurité, et assistance sociale et logement) a atteint en 2000-2001 13,8 % du PIB, niveau supérieur de 1,7 % à celui de la période 1996-1997. Les dépenses sont ventilées comme suit: 4,2 % pour l'éducation, 3,1 % pour la santé, 5,1 % pour la sécurité et l'assistance sociale et 1,4 % pour le logement et autres. La dépense sociale publique par habitant moyenne est presque 30 fois inférieure à la moyenne de l'Union européenne.

3.2.7.2

Au cours des années 1990, l'on a observé que les dépenses sociales dans la région suivaient une tendance cyclique, augmentant dans la période de croissance et diminuant dans les périodes de crise économique. Ainsi, bien que les dépenses sociales publiques n'aient pas diminué dans la région, l'on a constaté un ralentissement de leur croissance depuis 1998, à partir du ralentissement de la croissance du produit régional.

3.2.7.3

Les systèmes de protection sociale (vieillesse, maladie, incapacité) atteignent des niveaux de couverture très faible. Dans l'immense majorité des pays ALC, 10 % à 15 % seulement de la population concernée bénéficie d'un système de protection sociale approprié et même dans les pays enregistrant de meilleures prestations, cette couverture ne dépasse pas 50 % de la population active, avec une tendance préoccupante à la baisse comme conséquence de l'«informalisation» de l'économie.

3.2.7.4

Les réformes des systèmes de protection sociale menées à bien ces dernières décennies - privatisation de la gestion des systèmes de retraite et de santé — et la transformation des systèmes de financement par répartition en systèmes financiers de capitalisation individuelle n'ont pas produit les résultats annoncés, ont diminué le contrôle de l'état ainsi que sa capacité de recouvrement et ont favorisé l'emploi informel et laissé en marge des systèmes de protection une majorité croissante de la population. L'accroissement des flux migratoires intra-régionaux, consécutif aux processus d'intégration qui ont lieu, en l'absence de mécanismes de prévention sociale reconnus, contribue également à créer des poches de pauvreté, de marginalité et d'exclusion.

3.2.7.5

L'Année 2004 a été déclarée par les Chefs d'État et de gouvernement d'Amérique latine «année des personnes handicapées». L'on a calculé que l'Amérique latine compte entre 45 et 65 millions de personnes souffrant d'un handicap, lesquels sont pour la plupart des conséquences de l'exclusion sociale et de la pauvreté, le même sort étant souvent réservé à leur famille.

3.2.8   Le marché du travail

3.2.8.1

Le marché (5) du travail en ALC connaît actuellement une période de détérioration des relations de travail à la suite du ralentissement de la croissance économique enregistré ces 6 dernières années. Le taux de chômage urbain a augmenté pour atteindre 9,2 % aux premiers trimestres de 2002, le plus élevé jamais enregistré au cours de ces 22 dernières années. Plus de 70 % des foyers de la région dépendent exclusivement des revenus du travail; un travailleur sur deux reçoit une rémunération qui le situe au seuil de pauvreté. Une majorité croissante de la population active n'est pas couverte par la législation du travail, et cette couverture a diminué pendant les années 90.

3.2.8.2

L'on constate pour la période 1990-2002 une forte tendance à l'«informalisation» de l'emploi (7 emplois sur 10 créés depuis 1990 l'ont été dans le secteur informel et l'emploi informel représente 46,3 % de l'emploi total de la région) et à la précarisation du travail: seuls 6 emplois sur 10 nouveaux emplois créés dans le secteur formel donnent accès à une forme de couverture sociale contre 2 sur 10 dans le secteur informel. L'on estime le déficit en matière de «travail décent» à 93 millions de travailleurs, soit 30 millions de plus qu'en 1990 (il est fait référence ici aux 50,5 % de la population active qui sont sans emploi, travaillent dans le secteur informel ou à ceux qui, tout en travaillant dans le secteur formel de l'économie, ne bénéficient pas de prestations sociales où travaillent dans des conditions très précaires).

3.2.8.3

Les relations de travail sont caractérisées par une reconnaissance inégale et incomplète des droits du travail fondamentaux (il existe des pays disposant de cadres de relations de travail nominalement équivalents à ceux que l'on trouve en Europe et d'autres dans lesquels des dizaines de syndicalistes sont assassinés chaque année dans l'exercice de leurs fonctions), le faible niveau de développement des systèmes de négociation collective et de concertation sociale, le faible pourcentage d'affiliation à des syndicats (14 % seulement de la force de travail urbaine) ou à des organisations d'employeurs, le manque de confiance et le conflit comme règle dans les relations entre les travailleurs et les employeurs.

3.2.9   Immigration

3.2.9.1

L'immigration est un facteur qui a une influence énorme sur la situation socio-économique des pays ALC, apportant à celle-ci aussi bien des aspects positifs que des aspects négatifs. Les principaux flux migratoires concernent le nord, à savoir les États-Unis et le Canada mais pendant cette dernière décennie d'importants flux se sont également dirigés vers l'Union européenne.

3.2.9.2

Ce sont les rentrées d'argent que les immigrés envoient dans leur pays d'origine qui constituent la contribution positive de l'immigration et qui souvent sont une source importante de devises pour le pays, outre le fait qu'elles pallient le manque de ressources de larges pans de la population.

3.2.9.3

Mais les aspects négatifs de l'immigration sont également importants et nous ne mentionneront que ceux de nature macroéconomique, sans entrer dans le détail de ce que suppose pour les personnes de devoir abandonner leur pays et s'éloigner de leur famille. Le principal élément négatif à souligner est la perte de capital humain, dans la mesure où ceux qui émigrent font généralement partie des personnes les mieux préparées, les plus entreprenantes et qui ont le plus d'initiative. De plus, lorsque les flux migratoires se prolongent dans le temps, une certaine «culture de l'immigration» se crée, alimentant l'idée selon laquelle l'immigration est la clé de la prospérité, ce qui enlève de son dynamisme économique à la société du pays de départ et favorise le manque de cohésion sociale.

3.2.10   Croissance, développement et réformes structurelles

3.2.10.1

Les conditions économiques de la région ne sont pas les plus appropriées pour garantir une croissance économique soutenue. Les améliorations importantes réalisées ces dernières années en matière de stabilité macroéconomique dans un assez grand nombre de pays de la région constitue un acquis essentiel, bien qu'insuffisant, pour garantir des rythmes supérieurs et plus stables de croissance économique.

3.2.10.2

Le volet extérieur des économies latino-américaines demeure une entrave à la croissance soutenue. La forte dépendance des flux externes de capital constitue un frein majeur les gênant pour donner un élan au développement interne. La volatilité de ces flux, qui changent au gré des crises internationales ou des changements de la conjoncture des pays émetteurs, met la continuité et l'accroissement de l'investissement productif hors de portée des agents économiques locaux. Les effets de cette dépendance se font plus aigus lorsqu'elle soumet les pays latino-américains, pour ce qui est de l'autre composante de leurs restrictions externes, la dette, à des soubresauts continuels en fonction des coûts variables de financement. Cette extrême vulnérabilité des économies latino-américaines face au cycle économique extérieur est l'un des facteurs les plus significatifs parmi ceux qui gênent la dynamique de celles-ci.

3.2.10.3

Cependant, c'est la faiblesse-même des institutions locales, le fait que les économies latino-américaines sont peu diversifiées, le poids de la dette extérieure et la faible production de ressources financières propres — épargne — qui expliquent ce niveau élevé de dépendance et de vulnérabilité vis-à-vis de l'extérieur. Face à cette situation, un renforcement décisif du marché intérieur (qu'il ne faut pas ramener, de manière simpliste, à des processus de substitution des importations) pourrait ouvrir de nouvelles voies au développement économique latino-américain.

3.2.10.4

En ce sens, donner une impulsion accrue aux processus régionaux d'intégration économique contribuerait à faire fonctionner des marchés de plus grande dimension, dans lesquels les économies d'échelle ainsi obtenues devraient opérer comme un incitatif à l'expansion du tissu productif local et attirer les investissements étrangers.

3.2.10.5

Actuellement, le tissu productif de la région est extrêmement atomisé et caractérisé par un cadre institutionnel hautement informel et contraint d'opérer sur des marchés locaux de détail aux dimensions réduites et protégées d'une manière ou d'une autre de la concurrence extérieure. Cependant, avant de les soumettre aux conditions de concurrence de l'environnement, il faudrait aborder les facteurs qui expliquent leur faible niveau de productivité.

3.2.10.6

Le développement des petites entreprises et des micro-entreprises se heurte à des barrières infranchissables, compte tenu d'une culture d'entreprise insuffisante et d'un manque de capital humain ou de l'incertitude juridique de l'environnement institutionnel dans lequel il intervient, tout cela dans le cadre d'un système financier peu évolué et dont les instruments d'intermédiation sont peu développés.

3.2.10.7

De même, l'inégalité dans la distribution actuelle des actifs productifs (de la terre au capital physique ou humain) accentue les goulets d'étranglement auxquels sont confrontées les entreprises latino-américaines.

3.2.10.8

L'expansion de l'activité des entreprises dans les économies latino-américaines est une condition essentielle pour parvenir à une croissance soutenue. Toutefois, les réformes sur ce terrain se déroulent dans un contexte caractérisé par l'indifférence d'une partie du monde des entreprises, le manque de crédibilité où le manque d'esprit de continuité des pouvoirs publics dans leurs programmes d'industrialisation ou de réformes agraires, le manque de consensus politique et social quant à un projet démocratique de société et, assez souvent, avec une forte résistance de certaines élites locales, davantage intéressées par la répartition des bénéfices du démantèlement de l'état industriel, aujourd'hui devenu par ailleurs obsolète, que par la création d'un tissu industriel et productif compétitif.

3.2.10.9

Dans ce contexte, l'économie sociale peut jouer un rôle important en tant que facteur de développement du tissu social, de développement économique et de cohésion sociale. Ce type d'économie devrait également être mis en valeur en tant que porte de sortie dans des situations de crises économiques et de restructurations industrielles (prise en charge d'entreprises en crises par les travailleurs eux-mêmes) et en tant qu'alternative efficace à la promotion du développement local (coopératives de développement local, etc.).

3.3   Le champ politique: éléments politiques définissant la qualité des institutions et des instruments de participation politique

3.3.1

La pratique généralisée du système démocratique en Amérique latine ne s'est pas accompagnée d'un renforcement de la citoyenneté sociale (emploi, assurance vieillesse, assurance-maladie, assurance-chômage, assurance invalidité, éducation, logement, égalité des chances, sécurité des citoyens, améliorations du niveau économique, accès aux nouveaux instruments d'information et de communication). De nombreux citoyens ne bénéficient toujours pas des droits civils et sociaux essentiels. L'incapacité et la faiblesse des États de la région qui ne parviennent pas à garantir des aspects essentiels tels qu'une certaine équité fiscale, l'accès à la justice, la protection contre différentes formes de violence, des systèmes de protection sociale universels, la participation des citoyens aux questions qui les concernent, etc., ont amené certains à parler d'États absentéistes et conduit à une citoyenneté peu affirmée.

3.3.2

Dans le cas de l'Amérique latine, le tissu social est distendu. La société civile est peu articulée et les institutions ne remplissent pas un rôle moteur en ce sens: il semblerait que les élites politiques ont de sérieuses réserves quant à l'ouverture des institutions à la participation de la société civile, avec pour conséquence un tissu social lâche et vulnérable. Toutefois, il est essentiel de pouvoir compter sur des interlocuteurs structurés et crédibles aux yeux la société et sur une collaboration efficace entre les sphères publiques et privées d'action pour rendre plus efficaces les politiques orientées vers la cohésion sociale.

3.3.3

L'égalité des chances est possible avec des politiques sociales, c'est-à-dire, des investissements dans la santé, dans l'éducation, dans l'emploi et dans le logement. Dans le même temps, ces politiques contribuent à une répartition plus équitable du revenu et à un renforcement des institutions pour que les individus participent plus activement aux décisions politiques, en renforçant ainsi la démocratie et la «gouvernabilité».

3.3.4

À cet égard, l'on peut déceler un phénomène de dissociation dans la sensibilité politique des citoyens d'Amérique latine et des Caraïbes. Il se manifeste par le fait que, d'une part, ils exigent de plus en plus de la démocratie qu'elle réponde à leurs besoins matériels et, d'autre part, l'abstentionnisme électoral augmente. Sur ce terrain, la situation la plus problématique est enregistrée chez les plus jeunes, qui expriment un sentiment aigu de désaffection politique vis-à-vis des partis ou d'autres types d'organisations et d'institutions politiques. Selon un rapport du PNUD, 54,7 % de latino-américains seraient disposés à accepter un gouvernement autoritaire, pourvu qu'il règle leur situation économique.

3.4   Indicateurs d'insatisfaction sociale

En étroite interaction avec ce qui précède, l'analyse de la situation en matière de fracture sociale dans l'espace latino-américain et caribéen implique de connaître les niveaux d'insatisfaction de la société quant à la réalité qu'elle vit et de considérer les autres formes d'expression sociale de ce rejet: violence urbaine, délinquance, émergence de sociétés parallèles et de «légalités mafieuses».

3.4.1   Insatisfaction en ce qui concerne les institutions

3.4.1.1

Selon les données du Latino baromètre (6), les citoyens perdent confiance dans toutes leurs institutions, en particulier dans les institutions politiques. Cela conditionne sans aucun doute la dynamique-même des institutions et affecte de manière négative la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques.

3.4.2   Égalité devant la loi

3.4.2.1

Le phénomène précédemment évoqué semble avoir un lien étroit avec l'évolution de la situation en matière d'équité sociale et économique dans la région, mais il est également étroitement lié à l'inexistence de droits civiques et politiques fondamentaux. Ainsi, plus de 50 % des latino-américains interrogés par le Latino baromètre font valoir que le facteur le plus important selon eux pour avoir confiance dans leurs institutions est «l'égalité de traitement» (outre les questions liées à la répartition des richesses, le traitement discriminatoire, même celui qui est légalement reconnu, accordé à certaines minorités sociales ou ethniques peut avoir une influence). Cela pourrait expliquer l'essor de mouvements indigénistes dans différents pays de la région, ainsi que la persistance de phénomènes de travail forcé ou d'esclavage).

3.4.2.2

Bien que tous les pays de la région aient ratifié les conventions internationales sur les droits de l'homme, les violations de ceux-ci y sont très nombreuses. Toutefois, elles ne sont plus la conséquence d'actes de gouvernements dictatoriaux mais découlent d'une violence diffuse pratiquée par des bandes ou des corps particuliers (narcotrafiquants, milices privées, parfois en liaison avec les appareils répressifs de l'État). Dans ce contexte, il est indispensable de renforcer, en conjugaison avec d'autres politiques, le système judiciaire afin qu'il soit respecté et autonome et qu'il permette de fonder la citoyenneté sur l'autorité de la loi, de manière à pouvoir surmonter l'une des contradictions majeures des démocraties des pays ALC, à savoir l'inapplication des normes légales.

3.4.3   La corruption

3.4.3.1

Dans les pays ALC, la confiance des citoyens dans la démocratie en tant que forme de gouvernement a enregistré une baisse tout au long des années 90 (7). La consolidation des institutions va de pair avec le degré d'acceptation de celles-ci par les citoyens. Mais pour qu'une telle identification puisse exister, il est indispensable d'assurer une gestion transparente de la chose publique.

3.4.3.2

La corruption politique et économique, phénomène qui est présent dans presque tous les pays du monde et dont il ne faut pas oublier qu'il a toujours deux faces, celle du corrompu et celle du corrupteur, est considérée comme l'un des problèmes les plus graves de la région. Cela peut expliquer pourquoi l'on enregistre de plus en plus une perception négative des citoyens vis-à-vis de leurs gouvernements et des partis politiques qui les soutiennent, un regain de vitalité de formations politiques populistes et le rejet de certaines réformes économiques réalisées ces dix dernières années.

3.4.3.3

La corruption et l'illégalité institutionnalisées ont pour effet de rompre les liens éthiques, normatifs et communautaires essentiels pour la cohabitation sociale. Pour les retisser, il est indispensable d'agir à partir du champ éducatif, en redonnant du crédit à l'État de droit et de l'efficacité à la loi. La réduction des inégalités sociales à travers des politiques de protection et d'inclusion, d'attention portée aux populations indigènes, aux femmes, aux jeunes et, en général, d'extension et de développement des facteurs de citoyenneté sociale au bénéfice de tous, est essentielle pour assurer un développement durable et accroître la confiance des sud-américains dans leurs institutions politiques et dans le système démocratique.

3.4.4   Violence, Criminalité et insécurité des citoyens

3.4.4.1

Les niveaux élevés de criminalité et de violence dans la région sont liés à l'exclusion sociale, à la pauvreté et à l'inégalité. L'indice de victimologie, élaboré par les Nations Unies montre que les niveaux de délinquance et de criminalité en ALC sont parmi les plus élevés du monde. Une étude promue en l'an 2000 par la Banque mondiale (8) met en évidence une étroite relation entre inégalité économique et niveau de criminalité. En Amérique latine et dans les Caraïbes, le nombre de morts violentes est passé de 8 pour 100.000 habitants dans les années 70 à 13 pour 100.000 dans les années 90. La Colombie est en tête de la liste mondiale y relative avec 60 morts par assassinat (non politique) pour 100.000 habitants.

3.4.4.2

La violence qui caractérise la vie quotidienne dans les grandes agglomérations latino-américaines a des causes historiques et sociales multiples et complexes, qui se sont exacerbées ces dernières années en raison de la crise économique et de l'affaiblissement des institutions. Mis à part les pays dans lesquels la violence a une origine politique, dans le reste de l'Amérique latine, les causes principales de celle-ci sont à chercher dans la présence importante d'organisations criminelles qui se livrent au trafic de drogue et dans les inégalités sociales. Cette violence diffuse est un obstacle important pour la cohabitation, la démocratie et le développement productif.

3.4.4.3

Le narcotrafic, source d'insécurité et de violence qui touche en premier lieu les secteurs les plus pauvres de la population, fragilise les institutions politiques et déstabilise les systèmes économiques et les relations sociales. De plus, il alimente la corruption et les guerres civiles, tout en accroissant les inégalités dans la région. La lutte contre celui-ci exige en outre, non seulement une coopération policière et judiciaire internationale, mais un effort très coûteux pour les pays affectés pour pouvoir éliminer les réseaux et les laboratoires.

3.4.4.3.1

La production de cultures illicites en Amérique latine demeure une question épineuse dans les relations nord/sud, qui prend racine dans la misère de certaines zones rurales qui ne disposent pas d'autres moyens pour survivre.

3.4.4.3.2

Les pays consommateurs devraient assumer leur part de responsabilité dans la lutte contre la culture de drogues et ne pas faire retomber toute la responsabilité sur les pays producteurs, sachant que c'est dans les premiers que l'on trouve les systèmes financiers qui permettent le blanchiment de l'argent de la drogue.

3.4.4.3.3

Le CESE appelle l'UE à poursuivre et à approfondir sa politique d'ouverture commerciale, sans préjudice des règles de l'OMC, vis-à-vis des pays andins qui se montreraient disposés à réduire leurs cultures illicites et à les remplacer par d'autres, tout en condamnant la destruction aérienne aveugle de superficies cultivées, qui s'est avérée être un échec du point de vue de leur élimination, outre le fait qu'elle a favorisé la violence sociale et politique.

3.4.4.3.4

Il faudrait, pour que le système de substitution soit plus efficace, apporter une aide financière et technique à ces nouvelles cultures et les mettre en valeur au moyen de réseaux locaux de transport qui faciliteraient la commercialisation à l'échelle régionale des produits alternatifs.

3.4.4.4

Très souvent, les réseaux délictueux, en particulier à la périphérie des agglomérations urbaines, constituent des formes parallèles d'organisations sociales, qui bloquent et empêchent, par la violence, le développement de la société civile organisée, élément essentiel pour la construction d'un État démocratique qui soit satisfaisant pour la majorité de ses citoyens. Ces sociétés parallèles, en imposant leur propre forme de régulation dans l'environnement dans lequel elles opèrent, portent atteinte à la légitimité de l'État démocratique, voire le remettent en question.

4.   Les racines du déséquilibre social en Amérique latine

4.1

L'indépendance coloniale ne s'est pas accompagnée dans la majorité des pays latino-américains d'un processus de réformes sociales, économiques et politiques en profondeur. Elle s'est généralement traduite par un changement dans les élites politiques sans transformations particulières dans le domaine des institutions. Nombre des structures sociales et économiques pré-capitalistes sont restées en place, maintenant les sociétés latino-américaines dans les mêmes conditions ou dans des conditions similaires à celles d'autrefois.

4.2

L'héritage social et économique colonial et les échecs successifs enregistrés dans les tentatives de modification radicale de celui-ci, ont eu pour résultat une forte concentration dans la propriété des ressources (le cas de la propriété de la terre est emblématique à cet égard dans certains pays latino-américains); la marginalisation politique, économique et sociale de pans entiers des sociétés latino-américaines; l'appropriation de l'activité économique par une partie des élites au pouvoir, avec les conséquences que l'on connaît en termes de corruption et d'inefficacité de l'action publique; la faible régulation du marché qui a entraîné de nombreuses externalités négatives et, en particulier, une profonde inégalité dans la distribution de revenus et enfin, un degré d'urbanisation déstructurée croissant, dans laquelle les bases sociales de l'économie de marché se diluent pour aboutir à l'économie informelle.

4.3

Depuis la décolonisation, l'histoire économique de l'ALC montre (avec de grandes disparités selon les pays toutefois) une suite ininterrompue de crises profondes, caractérisées par un déséquilibre vis-à-vis de l'extérieur, qui a pénalisé les tentatives de la région de promouvoir son développement. Pour résumer, l'on peut distinguer trois stades communs dans la dynamique économique de ces pays au cours des deux derniers siècles. Pendant une grande partie du XIXème siècle et au début du XXème siècle, les économies latino-américaines ont évolué selon un modèle dénommé «exportateur primaire» basé sur une forte spécialisation dans les exportations de produits primaires. Dans un deuxième stade, qui commence dans les années 20 et 30 du siècle passé, à la faveur de la forte expansion économique provoquée dans certains pays latino-américains par la Première guerre mondiale, l'on s'oriente vers un modèle de «substitution des importations», visant à remplacer les importations, dans le cadre de l'intégration des économies nationales dans l'environnement économique mondial, par une production nationale et à créer un tissu productif propre. Cependant l'apparition de profonds déséquilibres macroéconomiques (inflation et déficits des balances des paiements) ont compromis ces tentatives de développement endogènes. Enfin, à la fin des années 70 et au début des années 90, l'on a vu se généraliser dans la région l'application de politiques économiques qui, sous les auspices des organismes internationaux (le dénommé «consensus de Washington»), ont encouragé une large ouverture des économies sur l'extérieur, en basant sur les marchés le développement économique et social.

4.4

Ces dernières décennies, si les réformes en profondeur mises en oeuvre dans les économies latino-américaines dans le cadre du «consensus de Washington» (privatisations, libéralisation et stabilité macroéconomique) ont bien permis d'atteindre ce troisième objectif: surmonter les niveaux d'inflation et d'instabilité monétaire élevés, elles n'ont pas apporté d'améliorations substantielles dans les variables de l'équilibre réel à savoir: emploi, croissance et distribution des revenus. Au contraire, comme nous l'avons vu dans les paragraphes précédents, certains de ces paramètres ont empiré (et ce, de manière spectaculaire dans certains pays comme l'Argentine).

4.5

Outre le fait que nombre de ces politiques préconisées dans le cadre du «consensus de Washington» sont devenues des fins en soi plutôt que des moyens au service d'une croissance durable et équitable, d'autres facteurs externes ont eu une incidence négative sur le niveau de cohésion sociale des pays ALC. C'est le cas de la politique de «deux poids, deux mesures» pratiquée par les pays plus développés dans leurs relations commerciales avec la région d'Amérique latine; des programmes d'ajustement structurel imposés par des institutions financières internationales qui, le plus souvent, ont aggravé les crises de ces pays; de l'absence de législation exigeante et appropriée pour régir les investissements étrangers ou parfois, la non-application de celle-ci, qui ont abouti dans certains cas à l'élimination des concurrents locaux et à la création de situations de monopole au lieu de contribuer à l'amélioration du tissu productif et de la responsabilité sociale des entreprises. C'est aussi le cas de la dette accumulée à partir des années 60 et que les pays débiteurs ont plus que remboursé à travers le paiement de ses intérêts; des aides officielles au développement (AOD) qui ne sont pas toujours destinées à des projets globaux et cohérents mais ne sont parfois que de simples instruments pour alimenter des relations commerciales ou diplomatiques privilégiées. Ce sont autant d'éléments centraux qui conditionnent le progrès de la cohésion sociale dans la région ALC.

5.   Les faiblesses des sociétés latino-américaines face au processus de cohésion sociale

5.1

L'on peut déduire de ce qui a été dit précédemment que les sociétés latino-américaines souffrent de certaines faiblesses essentielles pour affronter le défi consistant à parvenir à des niveaux acceptables de cohésion sociale, que l'on peut résumer aux cinq carences suivantes:

5.2

Carences dans la fonction de l'État, en tant qu'organisme chargé de défendre l'intérêt général et de promouvoir le bien commun, en tant qu'espace de régulation du développement de l'économie de marché et du pacte social, en tant qu'instrument irremplaçable pour assurer la cohésion sociale dès lors que la société civile ne dispose pas à elle seule des moyens pour y parvenir et pour la préserver. L'État, dans les sociétés latino-américaines n'a pas joué son rôle modernisateur et promoteur en matière de développement économique et de protection sociale, qui s'est avéré essentiel dans d'autres zones, aujourd'hui développées, de la planète. Au gré de l'histoire et des circonstances spécifiques de chaque pays, l'État dans cette région a été davantage au service des intérêts peu légitimes de certains groupes sociaux; rôle qui est très différent de celui joué par l'État dans la majorité des pays développés, en tant que régulateur de l'économie de marché, médiateur dans le conflit social, promoteur de l'activité économique à travers un cadre de politiques microéconomiques et macroéconomiques et sociales appropriées pour accompagner le processus de développement. Dans de nombreux cas, la faiblesse de l'État a empêché celui-ci de mener à bien, voire même d'envisager, des politiques effectives de cohésion sociale.

5.3

Inégalité sociale qui, au-delà des statistiques sur la distribution de la richesse, suppose un blocage de la mobilité sociale et économique des citoyens. En l'absence de ces mécanismes de rupture du déterminisme social, ce sont les schémas les plus traditionnels de reproduction des groupes et des classes sociales qui fonctionnent. Dans ce contexte, les instruments de participation caractéristiques des systèmes démocratiques ont d'énormes difficultés à s'implanter et à se consolider en tant que formules d'organisation sociale.

5.4

La faiblesse de la société civile organisée. Pour avancer sur la voie du développement économique et de la cohésion sociale, il ne suffit pas de mettre en place des institutions démocratiques et d'instaurer l'économie de marché. Il faut également transformer les sociétés, mettre un terme à la pauvreté extrême et à l'exclusion, créer les conditions pour l'égalité des chances, faciliter l'accès à des services essentiels tels que la santé et l'éducation. Ce processus ne saurait être décrété depuis l'intérieur du pays ni être dicté de l'extérieur. Il implique que chaque pays assume ses propres responsabilités, ce qui ne sera possible que s'il existe une participation permanente de la société aux décisions, à travers ses différentes formes d'expression: partis politiques, organisations d'employeurs, syndicats, organisations sociales. Une répartition plus juste et plus équitable des richesses, premier fondement de la cohésion sociale, implique toujours une répartition du pouvoir qui n'est pas possible sans le renforcement de la société civile organisée. La productivité même du système économique se ressent de cette carence, dès lors que les situations de manque de cohésion remettent continuellement en cause les bases de la stabilité juridique et politique dont toute institution économique a besoin pour bien fonctionner.

5.5

Déséquilibres dans le contexte de la mondialisation. Les économies latino-américaines sont particulièrement vulnérables face à ce qui se passe à l'extérieur de leurs frontières. Dans certains cas, leur intégration dans le processus de mondialisation économique croissante s'accompagne d'une perte d'efficacité relative et de compétitivité internationale de leurs structures productives. Cela contribue à intensifier le phénomène de «causalité circulaire», selon l'expression de l'économiste et prix Nobel suédois Myrdal, en particulier dans les phases de récession du cycle économique international; phénomène qui empêche d'atteindre des niveaux de cohésion économique et sociale plus élevés.

5.6

Les politiques structurelles pratiquées ces dernières décennies, souvent à la demande des organismes internationaux qui exercent différentes formes de pression pour les voir appliquer, ont contribué à aggraver une partie des déséquilibres traditionnels de ces sociétés, en particulier en ce qui concerne les niveaux de cohésion sociale.

6.   Les vecteurs possibles de la cohésion sociale en Amérique latine et aux Caraïbes

6.1

À la lumière de l'expérience européenne et compte tenu de ce que nous avons identifié dans les paragraphes précédents comme étant les faiblesses du développement économique et social de la région ALC, nous citerons certains des vecteurs qui pourraient également être stratégiques dans la réalité de cette région pour parvenir à des niveaux de cohésion sociale supérieurs.

6.2   État, institutions et politique

6.2.1

L'on ne peut parler de cohésion sociale si l'on n'a pas la garantie que tous les citoyens ont les mêmes droits et que ces droits leur sont garantis de la même manière par la loi, sont exigibles judiciairement et soutenus par des programmes économiques et sociaux qui les prendraient pour objectifs.

6.2.2

De même, il n'est pas possible d'organiser un État moderne, qui assume les fonctions qui lui incombent sans un système d'imposition juste, efficace et suffisant. Ces systèmes d'imposition dans la région ALC sont caractérisés par la faiblesse des mécanismes de gestion du recouvrement et de contrôle fiscal, la tendance du système à tourner autour de l'impôt indirect, la faible pression fiscale et les niveaux élevés d'évasion fiscale. C'est par conséquent un des plus grands défis auxquels sont confrontées les sociétés et les économies de la région ALC. Il est probable que la mise en oeuvre de réformes fiscales se heurte à la résistance de groupes sociaux et économiques, habitués à une activité économique défiscalisée ou avec des charges fiscales essentiellement régressives mais il s'agit là d'une condition essentielle pour la cohésion sociale.

6.2.3

De plus, la cohésion sociale requiert la présence active de l'État dans la promotion de politiques spécifiques qui répondent à des situations d'inégalité sociale manifeste, qui soient des politiques de redistribution et solidaires et de nature à promouvoir l'égalité des chances pour tous les citoyens, en mettant un terme aux situations d'exclusion sociale. Mais pour cela il manque dans les pays de la région des systèmes de protection sociale universels, ceux-ci étant dans la majorité des cas inexistants ou souffrant de graves carences, voire étant des facteurs d'inégalité.

6.2.3.1

L'on ne peut parvenir à la cohésion sociale au moyen de plans d'actions contre l'exclusion sociale uniquement; il faut également des systèmes de sécurité sociale qui assurent, entre autres choses, des soins de santé et des retraites pour toute la population. Il s'avère à cet égard particulièrement indispensable de faire face aux profondes inégalités dont souffre la population plus âgée qui est très souvent au bord de l'indigence et/ou de l'exclusion sociale. La mise en place de systèmes publics de retraite financés par répartition, avec une large couverture générale, est une condition sine qua non pour parvenir à un degré raisonnable de cohésion sociale, sans préjudice de l'éventuel maintien de systèmes complémentaires présentant d'autres caractéristiques.

6.2.3.2

Les systèmes de protection et de sécurité sociale devrait également englober des formules pour fournir une couverture aux travailleurs indépendants, aux faux indépendants et aux travailleurs de l'économie informelle, secteurs qui pèsent lourd dans les pays ALC, en mettant à profit des expériences qui existent dans certains pays européens.

6.2.3.3

L'amélioration de la santé publique est un autre facteur clé pour l'amélioration de la cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes. L'efficacité sociale des systèmes publics de santé, financés selon les principes de la redistribution, a été démontrée dans l'expérience européenne où ils se sont avérés plus solidaires, moins coûteux et plus favorables à la cohésion que le système de l'assurance privée.

6.2.3.4

À partir des années 90, certains pays de la région ALC ont lancé des programmes sociaux publics orientés vers la satisfaction de certains des besoins essentiels des catégories de la population les plus vulnérables. Ces programmes sont soumis à certaines exigences ou contreparties. Ainsi, les programmes d'éducation sont conditionnés par l'assiduité scolaire et les programmes alimentaires sont liés aux campagnes de vaccination et à l'information en matière d'hygiène alimentaire. Ce sont des programmes promus et gérés par l'État qui ont un impact variable sur la redistribution des revenus ainsi que sur la scolarisation et la santé. Dans un autre domaine, certains gouvernements ont pris des initiatives pour favoriser l'accès au crédit. Au Brésil par exemple, des cartes de crédit électroniques ont été distribuées pour faciliter l'accès aux micro - crédits garantis par l'État. L'UE pourrait soutenir ce type de mesures novatrices dans le cadre d'une stratégie orientée vers la cohésion sociale dans la région ALC.

6.2.3.5

Une protection sociale complète dans les relations de travail formelles, une extension progressive de la couverture aux travailleurs de l'économie informelle, la protection sociale des flux d'immigrants et l'éradication de certaines des causes fondamentales de la mortalité infantile constituent également des priorités majeures dans le cadre de l'amélioration de la couverture sociale dans la région ALC.

6.2.3.6

Certaines régions ultrapériphériques de l'UE, situées en Amérique latine et dans les Caraïbes, bénéficient d'aides structurelles communautaires, destinées plus particulièrement au développement d'infrastructures de base. Toutefois, leur niveau de cohésion sociale reste très inférieur à celui du continent européen, leur faible intégration dans la région des Caraïbes leur pose des défis économiques quant à leur avenir et certains de leurs produits essentiels, comme les produits agricoles ou ceux de tourisme, peuvent pâtir d'une concurrence des pays ACP qui bénéficient d'accords préférentiels, tandis que leurs coûts de production sont plus élevés. Il conviendrait par conséquent que l'UE, dans ces nouvelles perspectives financières, prenne en considération la nécessité de maintenir les aides spécifiques concédées à ces régions ultrapériphériques de l'Union.

6.3   Infrastructures économiques, recherche et développement

6.3.1

La dotation en infrastructures de tous types (et plus particulièrement en ce qui concerne cette région, la création d'infrastructures de transport, de communication, de distribution d'eau potable et d'énergie avec des garanties de durabilité et d'entretien) est une condition essentielle du développement économique, de l'accroissement de la production et des échanges et, en définitive, de la progression de la productivité. De même, l'augmentation de la productivité passe par l'incorporation dans les processus productifs d'un contenu technologique plus important et par la formation de tous les éléments intégrant le système productif.

6.3.2

L'effort des sociétés ALC pour s'intégrer de manière compétitive dans l'économie mondialisée doit s'appuyer sur une action décidée des pouvoirs publics et du secteur privé, orientée vers le développement de bases technologiques plus avancées, pour pouvoir non seulement combler le fossé qui les sépare des pays plus développés mais également pour tenter de relever le défi du développement «par le haut», en entrant en concurrence dans le système productif mondialisé en créant de la valeur ajoutée.

6.3.3

Des efforts pour enrichir la formation permanente, au travers de systèmes de formation professionnelle et universitaire, sont essentiels dans cette perspective. C'est un domaine dans lequel l'UE peut apporter des connaissances spécifiques et une expérience dans la gestion de systèmes de formation professionnelle, l'homologation de diplômes professionnels et la création d'infrastructures éducatives.

6.4   L'éducation

6.4.1

L'éducation est un facteur clé dans l'élimination des obstacles qui s'opposent aux processus de développement économique et social ou qui les entravent et il constitue un élément essentiel pour garantir l'égalité des chances et la mobilité sociale. Compte tenu des conditions d'éducation précédemment évoquées (faible qualité de l'enseignement, inégalités dans l'accès à celui-ci, déconnexion de celui-ci d'avec le système productif), l'enseignement dans la région ALC peut finir par se transformer en un mécanisme consolidant et reproduisant l'inégalité sociale au lieu d'être un facteur de progrès, de mobilité sociale et de promotion de l'équité. Sans sous-estimer les espaces éducatifs que peut développer l'initiative privée, c'est à l'État qu'il revient de garantir des niveaux élémentaires d'éducation à tous les citoyens, dans des conditions permettant une qualité satisfaisante, de garantir l'accès sans discrimination aux niveaux supérieurs du système éducatif, de mieux relier l'enseignement au marché du travail et de promouvoir les talents où ils se trouvent et de lutter contre de nouvelles formes d'exclusion dues à l'introduction de la dénommée «société de la connaissance».

6.5   Le système productif et son dynamisme

6.5.1

La cohésion sociale requiert un système productif efficace, capable de générer de l'emploi et du revenu pour tous les citoyens. À cet égard, il est essentiel que dans la région ALC, l'on accorde une attention particulière au tissu d'entreprises de niveau local et régional, constitué par un large réseau de petites entreprises dont un grand nombre se trouve aujourd'hui dans l'économie informelle et ne sont intégrées dans les marchés nationaux que de manière collatérale, avec par conséquent un faible potentiel de croissance.

6.5.2

L'expansion de l'économie informelle est l'expression, en premier lieu, de l'impuissance économique des États à réguler des marchés capables de s'élargir. Plus qu'un potentiel d'expansion, l'économie informelle est le reflet, dans la majorité des cas, des économies en retard et disposant d'une faible capacité de création d'emplois décents.

6.5.3

L'économie sociale - coopératives et associations communautaires - constitue une réalité économique et sociale très significative dans plusieurs pays de l'UE. Dans les pays latino-américains, elle peut être une voie importante à explorer à l'avenir, comme alternative à l'économie informelle, pour le développement économique, la création d'emplois, l'intégration sociale et la participation de larges secteurs au processus productif, et cela a été expressément reconnu dans une récente déclaration des pays latino-américains (9).

6.5.4

Les faiblesses sur le terrain des ressources financières sont l'un des facteurs d'étranglement les plus marquants des systèmes productifs de la région ALC. Il ne s'agit pas seulement des faibles niveaux d'épargne mais également de l'inefficacité des mécanismes d'intermédiation, ce qui rend difficile un accès accru et meilleur au financement des agents économiques, en particulier des PME (environ 80 % des entreprises de la région sont des PME ou des micro-entreprises), des travailleurs indépendants, des coopératives, etc. L'on peut déplorer à cet égard le non-développement de systèmes de micro-crédits et de renforcement de la capacité de gestion des petites entreprises ou des travailleurs indépendants.

6.5.5

L'importance relative que revêt encore le secteur primaire dans de nombreux pays ALC place celui-ci, aux côtés d'une politique de soutien, tant verticale qu'horizontale, au développement industriel, au centre des réformes en cours pour parvenir à un plus grand développement économique et social. La recherche de niveaux de productivité supérieurs dans l'agriculture, qui constitue pour de nombreux pays une source essentielle de devises, doit aller de pair avec le règlement de conflits sociaux fortement enracinés dans les zones rurales des pays ALC. La réforme agraire, avec différents scénarios et contenus selon les pays, demeure une absolue nécessité pour résoudre la situation de millions d'agriculteurs et journaliers plongés dans la pauvreté, pour accroître la capitalisation et la production agricole et contribuer ainsi à une cohésion économique et sociale accrue.

6.5.6

L'intégration économique régionale (une intégration qui englobe, en plus de la libéralisation du marché, des mécanismes de compensation et de solidarité équivalents à ce qu'ont représenté dans l'UE les fonds structurels), telle qu'elle se déroule peu à peu dans le Mercosur, dans la Communauté andine et, entre les deux groupements sous-régionaux, etc., constitue un élément essentiel pour renforcer le développement économique et social de la région ALC, surtout si l'on considère plus particulièrement l'indispensable diversification des économies latino-américaines et la nécessité de développer des secteurs productifs compétitifs et d'attirer des investissements étrangers.

6.6   L'étendue et la qualité de l'emploi

6.6.1

Dans la majorité des pays latino-américains et caribéens, le taux de chômage est, de l'avis de leurs propres citoyens, l'un des problèmes sociaux les plus graves, (Argentine, Colombie, Équateur, Jamaïque,...) et dans tous ces pays, l'emploi illégal atteint des proportions alarmantes et ne cesse de croître. Parvenir à un taux d'emplois supérieur et à des conditions d'emplois décentes pour l'ensemble de la population active est un objectif incontournable et des plus urgents pour les pouvoirs publics et les acteurs sociaux dans la région.

6.6.2

L'objectif de parvenir à plus d'emplois et de meilleure qualité requiert des interventions résolues et issues d'un consensus concernant le fonctionnement des marchés du travail. Les réformes du travail menées à bien dans de nombreux pays de la région n'ont pas atteint les objectifs annoncés. Elles ont même souvent contribué à généraliser la précarité de l'emploi, dont la meilleure illustration sont les chiffres élevés du travail informel enregistrés.

6.6.3

La mise en oeuvre de politiques macro-économiques orientées vers la réduction de l'extrême volatilité économique, le perfectionnement des systèmes d'intermédiation dans le monde du travail, l'établissement d'un lien plus fort entre le système éducatif et la création d'emplois, la mise en place de mécanismes appropriés de protection des travailleurs face à une perte de revenus provoquée par la rotation continuelle des emplois, le renforcement des qualifications des travailleurs, le respect de la législation du travail et la promotion de relations professionnelles négociées et basées sur le consensus constituent en ce sens quelques-unes des exigences d'ordre structurel à satisfaire pour parvenir à augmenter l'emploi et à améliorer la qualité de celui-ci.

6.7   Droit du travail et dialogue social

6.7.1

L'ancien Président de la Commission européenne, Jacques DELORS, a défini le modèle social européen comme celui qui combine État et marché, initiative privée et droits collectifs, entreprises et syndicats. L'existence de cadres démocratiques de relations de travail a été et continue d'être en Europe un facteur essentiel de compétitivité économique et de cohésion sociale.

6.7.2

Outre le respect des droits de l'homme au travail (comme ceux qui sont consignés dans les conventions fondamentales de l'OIT), ce système de relations de travail se caractérise par l'existence d'organisations syndicales et d'employeurs représentatives, par des procédures de négociations collectives à différents niveaux et, dans certains cas, par des formes de concertation tripartite pour les orientations de politique économique et sociale (qui vont des formes de législation négociée à des pactes sociaux sur les revenus) et par différentes formes de participation des travailleurs dans les entreprises et dans les institutions sociales (sécurité sociale, formation professionnelle, etc.).

6.7.3

Le développement insuffisant des systèmes de relations de travail pleinement démocratiques est l'une des principales faiblesses des sociétés latino-américaines, qui les empêche de renforcer leur cohésion sociale.

6.7.4

En juillet 2001, la Commission européenne a publié un Livre vert relatif à la promotion d'un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, initiative qui s'ajoutait, entre autres, à la Déclaration tripartite de principes sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l'Organisation internationale du travail.

6.7.5

Ce Livre vert énumère une série de critères pour définir la responsabilité sociale des entreprises européennes: le caractère volontaire (au-delà par conséquent des obligations juridiques auxquelles sont tenues les entreprises) des actions entreprises; le caractère durable de l'engagement pris (pas d'actions ponctuelles mais une nouvelle forme de gouvernement de l'entreprise); association des parties concernées, intérieures et extérieures à l'entreprise, aux questions qui les concernent et l'exigence de transparence s'agissant de démontrer les pratiques de responsabilité sociale.

6.7.6

Ces critères devraient être encouragés pour que toutes les entreprises multinationales, et en particulier européennes, présentes dans la région ALC, les respectent volontairement de manière à ce qu'ils deviennent un élément moteur et servent d'exemple pour le développement de cadres démocratiques de relations de travail et de l'action responsable des entreprises en matière de respect des droits du travail et environnementaux.

6.8   Une société articulée: Le renforcement de la société civile

6.8.1

Atteindre des niveaux supérieurs de démocratie, de développement humain et de «gouvernabilité» implique d'augmenter les formes de participation sociale. La participation de la société civile permet l'expression des demandes des citoyens au bénéfice de la réalisation de l'intérêt général, incitant ainsi à une gestion publique plus efficace et constituant un instrument de contrôle citoyen et une forme de participation effective à la prise de décision dans les institutions publiques et privées. C'est une condition de la bonne gouvernance démocratique.

6.8.2

Selon le Latino baromètre, le trait principal de la culture latino-américaine est le faible niveau de confiance entre les personnes. Donner un élan à des projets collectifs constitue par conséquent une condition essentielle pour donner une assise politique au défi de la cohésion sociale dans la région ALC.

6.8.3

Le renforcement des organisations sociales représentatives, disposant d'une capacité à conclure des accords et indépendantes est une condition essentielle pour l'instauration d'un dialogue social et d'un dialogue civil fructueux, et enfin pour le développement-même des pays latino-américains.

6.8.4

La participation de la société civile dans l'expérience européenne s'est appuyée traditionnellement, non seulement sur le système des partis mais également sur les systèmes de relations de travail et de concertation sociale précédemment évoqués, et la création de comités ou de conseils économiques et sociaux a été l'une des manifestations de cette participation. Elle s'est également appuyée sur la participation des acteurs sociaux au sein des différentes institutions sociales (dialogue social, protection sociale, système d'assurance-chômage, institutions publiques d'emplois et de formation, etc.), tant au niveau sectoriel qu'intersectoriel.

6.8.5

La reconnaissance légale de la liberté d'association a été l'un des piliers sur lesquels a reposé la participation de la société civile ainsi que le dialogue avec différentes organisations de défense de groupes sociaux particuliers et, plus récemment, le développement du dialogue civil avec les organisations non gouvernementales.

6.8.6

Le contexte local s'est avéré particulièrement porteur pour l'articulation de cette participation ainsi que pour l'interaction entre les organisations représentatives du dialogue social et du dialogue civil.

7.   Les relations Union européenne/Amérique latine et Caraïbes — Leur incidence sur la cohésion sociale

7.1

Le CESE a élaboré une série d'avis sur ce thème, traitant des relations entre l'UE et les pays ALC ainsi que sur l'initiative de l'ALEA et sur les relations avec différents groupements régionaux ou pays (Mercosur, Mexique, Chili), dans lesquelles il analysait l'état de ces relations, en particulier dans la perspective de la dimension socio-économique des différents accords d'association.

7.2   Des relations plus complètes et plus équilibrées

7.2.1

Pour le CESE, l'approfondissement des relations de l'UE avec l'Amérique latine et les Caraïbes peut très considérablement contribuer, à certaines conditions, à une cohésion sociale accrue dans cette région. En ce sens, l'UE a récemment conclu des accords d'association politique avec la Communauté andine et l'Amérique centrale. De même, un calendrier et une date limite ont été fixés pour parachever les négociations avec le Mercosur.

7.2.2

Le CESE a toujours préconisé une clôture rapide de ces négociations avec le Mercosur afin qu'elles ne soient pas subordonnées à celles de l'OMC, qui sont dans l'impasse après l'échec du dernier sommet de Cancun, ainsi qu'un accord équilibré et satisfaisant, dans lequel seraient incorporés, entre autres questions, celles relatives à l'agriculture et au commerce des services.

7.2.3

La conclusion d'un accord avec le Mercosur et l'approfondissement des accords avec la CAN et le MCCA devraient contribuer à un meilleur équilibre dans les relations économiques de l'UE avec l'Amérique latine et les Caraïbes, qui à l'heure actuelle se caractérisent par un déficit commercial croissant des pays latino-américains par rapport à l'UE.

7.2.4

Pour le CESE, le développement d'une alliance stratégique birégionale, comme celle qui a été proclamée lors du sommet des chefs d'État et de gouvernement de Rio et de Madrid, requiert l'établissement d'un agenda commun permettant de démarrer rapidement les négociations en vue d'un accord d'association avec toute la région latino-américaine.

7.2.5

Les instruments institutionnels encadrant les relations entre l'UE et l'Amérique latine se limitent essentiellement à des accords et des sommets. L'établissement d'un agenda plus opérant exige l'instauration de modes de relations plus structurés. À cet égard, il faut savoir qu'il existe déjà pour les relations de l'UE avec les pays ACP une assemblée paritaire et un secrétariat permanent basé à Bruxelles. De l'avis du CESE, il conviendrait de donner un élan à des mécanismes relationnels plus souples, permanents et structurés entre l'UE et l'AL, pour favoriser cette alliance euro-latino-américaine.

7.2.6

Il s'agirait en définitive d'orienter de manière stratégique les relations de l'UE, dans tous leurs volets: aide et coopération au développement mais également, commercial, technologique, politique, éducatif, culturel, etc. de manière à intégrer dans la formulation de toutes ces composantes l'objectif de cohésion sociale dans les pays ALC.

7.2.7

Au-delà des accords commerciaux, le CESE estime que les relations de l'UE avec l'Amérique latine et les Caraïbes sont essentielles pour renforcer le rôle d'acteur international de l'UE, soutenir un processus d'intégration régionale dans la région ALC qui, à la différence du projet initial de la ZLEA, permette à la région ainsi qu'à ses différents groupements sous-régionaux, de disposer d'une plus grande capacité de négociation sur la scène internationale. Elles sont essentielles également pour donner un élan à l'instauration d'un nouvel ordre économique international et une gouvernance mondiale de la mondialisation. Une gouvernance qui doit se caractériser par le multilatéralisme, la subordination au droit international, la préservation de l'environnement, la défense de la paix et la réduction des écarts de développement entre le nord et le sud de la planète.

7.3   Renforcement et participation de la société civile organisée

7.3.1

Les relations entre l'UE et la région ALC devraient favoriser, du point de vue du CESE, des processus d'intégration régionale en Amérique latine, qui, comme cela s'est produit pour la construction européenne, incorporent, outre une dimension accrue des marchés pour faciliter le développement économique, des mécanismes de solidarité et un ensemble de normes sociales qui accompagnent la réalisation du marché unique dans le cadre de ces processus et favorisent des niveaux de cohésion sociale supérieurs.

7.3.2

En ce sens, le CESE préconise que l'UE établisse des projets visant la consolidation de la dimension sociale dans les processus d'intégration sous-régionale et le renforcement des instances consultatives de la société civile organisée, dans l'ensemble de la région, similaires au projet de soutien à la dimension socio-professionnelle du MERCOSUR.

7.3.3

De même, le CESE demande que dans tous les accords conclus entre l'UE et les différents pays ou groupements sous-régionaux de l'ALC, l'on établisse des procédures institutionnalisées, comme les Comités consultatifs mixtes, de participation et de consultation de la société civile organisée à la mise en œuvre de tels accords. À cette fin, l'UE devrait soutenir la constitution ou le développement d'instances de participation de la SCO là où elles n'existent pas ou n'en sont encore qu'au stade embryonnaire, afin de rendre possible la réalisation de cet objectif.

7.3.4

Favoriser une relation directe entre les organisations socio-professionnelles de l'UE et des pays ALC peut contribuer au transfert d'expériences, aux échanges économiques, politiques, sociaux et culturels et au renforcement des organisations de la SCO. Le CESE estime que les expériences qui existent déjà comme le Forum des entreprises UE-Mercosur, les forums d'ONG UE-Amérique centrale ou Mexique, devraient s'étendre à d'autres secteurs comme les syndicats (un forum socioprofessionnel UE-Mercosur a déjà commencé à fonctionner), l'économie sociale ou l'agriculture.

7.3.5

De même, le CESE préconise de créer dans l'UE, sur le modèle des lignes budgétaires existantes pour favoriser le développement urbain, les échanges de technologies ou la formation, une ligne budgétaire destinée au renforcement des organisations de la société civile organisée — syndicales, entrepreneuriales et sociales dans la région ALC.

7.3.6

La Banque mondiale et le FMI devraient également participer au renforcement des organisations de partenaires sociaux et de la société civile, en coopération avec le CESE et d'autres institutions de l'UE ainsi qu'avec l'OIT.

7.3.7

L'existence d'un cadre développé de relations professionnelles est une condition essentielle pour que puissent exister des processus de concertation sociale favorisant les investissements productifs, des conditions de travail décentes et assorties de droits, un horizon de stabilité pour l'activité économique, des transformations du système productif et une meilleure distribution du revenu. Les expériences européennes et les organisations d'employeurs et syndicales, ainsi que différentes institutions, tant au niveau communautaire qu'à celui des États membres, pourraient contribuer au renforcement de la position des partenaires sociaux, des systèmes de négociation et de règlement des conflits entre les parties, des formes de participation au sein des entreprises et de concertation entre tous les agents sociaux.

7.4   Investissements productifs et responsabilité sociale des entreprises

7.4.1

L'Union européenne est l'un des investisseurs les plus importants en Amérique latine. Le flux d'investissements directs à partir des pays européens affichent toujours une tendance à la hausse, de sorte qu'actuellement il constitue le volume de ressources le plus important pour l'investissement dans la région. La coopération UE/ALC est essentielle pour créer les conditions, au niveau national comme international, de garantie de la qualité et de la permanence des flux d'investissements, en particulier des investissements dans les infrastructures, comme base d'attraction pour les investissements étrangers directs. Selon le CESE, l'action résolue des entreprises européennes investissant en Amérique latine, avec l'appui des institutions communautaires et des États membres doit constituer un élément fondamental des relations avec la région et un facteur d'amélioration de ses niveaux de développement économique et social.

7.4.2

L'aide financière au renforcement des PME s'avère particulièrement importante dans la région ALC, surtout pour améliorer leurs ressources tant en capital physique et technologique qu'humain. Dans cet ordre d'idées, il serait très utile de créer un fonds destiné aux PME d'Amérique latine, alimenté par des contributions des États membres et de l'UE.

7.4.3

Cette augmentation des investissements européens devrait s'accompagner d'un renforcement de l'engagement volontaire de la part des entreprises investissant dans la région à mener une politique de responsabilité sociale qui aille au-delà des exigences nationales correspondantes, qu'elles soient prévues par la loi ou par des conventions, et des normes fondamentales du travail de l'OIT et qui puisse ainsi servir de référence dans la construction de cadres démocratiques de relations de travail.

7.4.4

L'établissement d'une Charte des principes de la responsabilité sociale des entreprises, que les entreprises implantées dans la région, à commencer par les européennes, pourraient librement appliquer, contribuerait considérablement à la promotion du dialogue social et au respect de l'environnement et enfin, à la cohésion sociale dans la région.

7.5   Immigration

7.5.1

Les flux migratoires de l'ALC vers l'UE ont considérablement augmenté ces dernières années. L'UE pourrait contribuer à la cohésion sociale dans la région au moyen d'accords facilitant l'immigration légale, l'insertion des immigrés et de leurs familles dans les États membres de l'UE et la mise en œuvre d'une politique de codéveloppement (programmes éducatifs et de financement de projets productifs sur la base de l'expérience professionnelle des immigrés rapatriés, etc.) entre les pays d'origine et les pays d'accueil. Cela aiderait à pallier la perte de talents et d'initiative que représentent pour les pays latino-américains les processus migratoires vers l'UE.

7.6   Aide officielle au développement

7.6.1

Le CESE estime que l'UE, comme vient de le demander le Parlement européen, devrait développer et doter de manière suffisante un fonds de solidarité birégional pour la région ALC (destiné à promouvoir la gestion et le financement des programmes de santé, d'éducation et de lutte contre la pauvreté extrême, entre autres choses) et augmenter, pour ce qui est des engagements déjà pris par l'Union et ses pays membres, le montant de l'AOD destiné à l'Amérique latine, de même qu'elle devrait en réorienter les modalités d'application. Elle devrait également améliorer la coordination avec les autres les institutions financières régionales ou internationales.

7.6.2

Comme cela a été dit précédemment, le CESE est d'avis que l'UE devrait intégrer l'objectif stratégique de la cohésion sociale dans toutes ses relations (dans les domaines commercial, technologique, entrepreneurial, éducatif, etc.) avec la région ALC. Toutefois, aussi bien l'aide au développement que la coopération au développement conservent toute leur importance. Dans les pays les plus pauvres de la région, l'UE devrait s'efforcer de définir une stratégie de réduction de la pauvreté, s'assurant que l'aide est bien destinée à l'objectif central de la lutte contre la pauvreté et promouvant une meilleure coordination entre les donateurs (tout du moins entre les donateurs communautaires). Dans le cas des pays de cette région enregistrant un développement relatif plus faible, la coopération au développement de l'UE devrait viser à créer les conditions permettant à ces pays de s'intégrer avantageusement à l'environnement international, en diminuant leur degré de vulnérabilité vis-à-vis de l'extérieur et en favorisant des politiques de nature à corriger les niveaux d'inégalité ainsi qu'à légitimer et à enraciner socialement les institutions. Il faut pour cela intégrer à la stratégie précitée le dialogue politique, l'assistance technique, la coopération financière et le soutien dans le contexte international.

7.6.3

En tout état de cause, l'UE et ses pays membres devaient faire un effort pour améliorer la qualité et l'efficacité de l'aide. Cela est possible tout d'abord en améliorant les niveaux de cohérence des politiques publiques, ensuite en améliorant la coordination entre les donateurs et enfin, en apportant un soutien au processus d'appropriation du développement par les pays bénéficiaires auxquels devraient appartenir les décisions essentielles dans les processus de conception et de gestion des interventions.

7.6.4

De l'avis du CESE, une partie de l'aide communautaire devrait être destinée au renforcement de la capacité de négociation des pays moins développés de la région ALC au sein des instances multilatérales, à travers une aide aux institutions qui en sont chargées et un renforcement de ces dernières. Dans tous les pays de la région, il est nécessaire de concentrer les efforts de l'UE sur la formation des ressources humaines, pour les adapter aux exigences du marché du travail, et sur le renforcement des institutions.

7.7   Diminuer la charge de la dette extérieure et financer le développement et la cohésion sociale

7.7.1

La dette extérieure demeure un goulet d'étranglement important pour le développement dans de nombreux pays ALC. L'importance de cette dette et le fonctionnement déficient des marchés financiers sont des facteurs liés et qui ont une incidence sur la concrétisation des investissements, tant étrangers que locaux. Quant à la dette, malgré l'initiative de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international pour alléger celle des pays pauvres les plus endettés (Bolivie, Guyana, Honduras et Nicaragua comptent parmi les pays de l'ALC bénéficiaires de cette initiative), les problèmes de ces pays n'ont pas été résolus. Même l'annulation de la dette sera insuffisante si elle ne s'accompagne pas de mesures d'appui à l'investissement productif.

7.7.2

Les États membres de l'UE détiennent 50 % de la dette des pays ALC. L'UE et ses pays membres devraient, de l'avis du CESE, entreprendre des démarches dans le sens d'un réexamen, au sein des instances multilatérales, des conditions de renégociation de la dette; de l'adoption de formules de rachat de la dette à travers des programmes de coopération dans les domaines environnemental ou éducatif, etc. et de l'annulation même de celle-ci, assortie d'engagements d'investissements (soutien au développement rural, promotion des PME, création d'infrastructures de base, programmes d'incitation pour de nouveaux projets productifs à lancer par des immigrés revenus au pays …).

7.7.3

Le captage de ressources financières sur les marchés internationaux est indispensable pour les pays ALC, qui ont une faible capacité de formation interne de capital. L'accès à ces marchés financiers, à des conditions appropriées en termes de quantité et de coût, est fortement conditionné par les agences de rating (qualification du risque) qui, dès lors qu'elles opèrent en situation d'oligopole de facto, déstabilisent souvent financièrement les marchés internationaux et compromettent le caractère accessible du crédit international pour les pays ALC. La promotion par les instances communautaires comme par les entités financières européennes, d'un niveau de concurrence supérieur sur les marchés du rating pourrait contribuer à un développement et à une cohésion accrus dans la région ALC.

7.8   Renforcer l'échelon local

7.8.1

Dans le contexte de la mondialisation, le niveau local revêt une importance accrue, en tant qu'échelon essentiel tant pour le développement productif, la création d'emplois et l'intégration sociale que pour la concrétisation d'une démocratie plus participative. L'UE et les États membres ont l'expérience et les institutions (les différentes formes de concertation locale, le Comité des régions, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe, etc.) qui pourraient contribuer dans une très large mesure au renforcement des entités locales et des actions en la matière dans région ALC.

7.9   Renforcement des systèmes de protection sociale

7.9.1

Les systèmes de protection sociale sont des éléments centraux d'une stratégie ayant pour objectif l'inclusion sociale, la réduction de la pauvreté et l'amélioration du bien-être social en Amérique latine. En ce sens, l'UE pourrait contribuer à développer des systèmes de protection sociale universels et à favoriser la signature de conventions internationales entre les différents pays de la région ALC pour la coordination de leurs législations en matière de sécurité sociale. Elle pourrait également apporter son soutien à la modernisation de la gestion des systèmes de protection sociale et donner un élan à la formation dans ce domaine.

7.10   Promouvoir et équilibrer le développement régional de la région ALC

7.10.1

De l'avis du CESE, l'UE pourrait contribuer à une intégration régionale meilleure et plus équilibrée en ALC, facteur important pour son développement et l'acquisition d'une plus grande autonomie. Cela peut se faire non seulement à travers des accords d'association mais également au moyen d'une assistance technique et d'un investissement dans des infrastructures, des procédures institutionnelles et sur la base de l'expérience des politiques communautaires. Cette contribution ne doit pas cependant être le seul fait de l'UE ou des gouvernements nationaux; les organisations d'entreprises, syndicales et sociales, devraient également y participer.

7.11   Développement durable

7.11.1

Il est communément admis qu'il n'est pas possible de garantir un développement durable, à moyen et long terme si l'on ne progresse pas en matière d'impacts environnementaux, l'UE pourrait, dans le cadre de ses relations avec la région ALC, contribuer à favoriser une spécialisation productive qui n'ait pas pour effet d'accélérer l'épuisement des ressources naturelles, dont la région est si riche.

7.12   La défense des droits de l'homme

7.12.1

De nombreux rapports publiés par des organisations internationales mettent en exergue les difficultés qu'il y a dans la région ALC à faire respecter les droits de l'homme. Les défenseurs de ces droits sont assez souvent l'objet de persécution, de diffamation, de torture ou d'assassinat. Selon un rapport des Nations Unies (2002), 90 % des assassinats de défenseurs des droits de l'homme perpétrés de par le monde le sont en Amérique latine. La persécution et la criminalisation de mouvements sociaux parfaitement légitimes constituent un frein important à la lutte contre l'exclusion et l'inégalité sociales. De l'avis du CESE, il serait très opportun que l'UE mette en place un programme de protection des défenseurs des droits de l'homme dans la région ALC.

7.13   Document ouvert

7.13.1

Ce projet d'avis est un document ouvert auquel il sera mis un point final seulement après la clôture du débat sur son thème, à savoir la cohésion sociale dans la région ALC, qui doit se dérouler pendant la Troisième rencontre de la société civile organisée qui se tiendra à Mexico à la fin du mois d'avril de l'année prochaine. Nous avançons ici quelques propositions sur les contributions éventuelles que l'UE pourrait promouvoir pour parvenir à une plus grande cohésion dans la région ALC. Cependant, il lui manque des apports concernant la façon dont les organisations de la société civile latino-américaine et caribéenne pensent qu'il faut agir, s'agissant de certains secteurs stratégiques – le rôle de l'état et de ses institutions, la fiscalité, l'éducation, la santé, la sécurité sociale, les infrastructures économiques et la politique industrielle, le cadre des relations de travail, la participation de la société civile et la protection des droits de l'homme, pour parvenir à des niveaux supérieurs de cohésion sociale dans la région. Lorsque ces contributions auront été apportées et que le débat consécutif sera lancé, nous pourrons ajouter une annexe au présent avis ou bien produire un avis complémentaire afin de pouvoir transmettre à la Commission «les points de vue de la société civile d'Amérique latine, des Caraïbes et d'Europe», auxquels se référait le Commissaire PATTEN dans la lettre où il saisissait le Comité d'une demande d'avis à ce sujet.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Lettre du Commissaire PATTEN au Président BRIESCH du 1er juillet 2003: «… le rôle joué par les entreprises européennes investissant dans les pays d'Amérique latine et des Caraïbes pour démontrer que les “politiques sociales” pratiquées par les entreprises peuvent avoir des effets bénéfiques sur la compétitivité». Voir avis du CESE du 20 mars 2002 sur le «Livre vert — promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises» (JO C 125/2002), qui développe le concept de responsabilité sociale des entreprises».

(2)  «Panorama social de l'Amérique latine 2002 – 2003», CEPAL (2003), Santiago du Chili.

(3)  «Panorama social de l'Amérique latine 2002 – 2003», CEPAL (2003), Santiago du Chili.

(4)  «Vers l'objectif du millénaire: réduire la pauvreté en Amérique latine et dans les Caraïbes», CEPAL, Santiago du Chili.

(5)  «À la recherche de nouveaux emplois: les marchés du travail en Amérique latine» (http ://www.iadb.org/res/ipes).

(6)  Http://www.latinobarometro.org.

(7)  Http://www.latinobarometro.org.

(8)  Pablo FAJNZYLBER, Daniel LEDERMAN et Norman LOAYZA: «Illégalité et criminalité violente». Banque mondiale, Washington (2000).

(9)  XIIIème sommet ibéroaméricain des chefs d'État et de gouvernements, tenu à Santa Cruz de la Sierra, en Bolivie.


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