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Document 62011TJ0422

Arrêt du Tribunal (neuvième chambre) du 5 novembre 2014.
Computer Resources International (Luxembourg) SA contre Commission européenne.
Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services informatiques de développement et de maintenance de logiciels, de conseil et d’assistance pour différents types d’applications informatiques – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Offre anormalement basse – Article 139, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) nº 2342/2002 – Obligation de motivation – Choix de la base juridique – Détournement de pouvoir.
Affaire T-422/11.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2014:927

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

5 novembre 2014 ( *1 )

«Marchés publics de services — Procédure d’appel d’offres — Prestation de services informatiques de développement et de maintenance de logiciels, de conseil et d’assistance pour différents types d’applications informatiques — Rejet de l’offre d’un soumissionnaire — Offre anormalement basse — Article 139, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 — Obligation de motivation — Choix de la base juridique — Détournement de pouvoir»

Dans l’affaire T‑422/11,

Computer Resources International (Luxembourg) SA, établie à Dommeldange (Luxembourg), représentée par Me S. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mmes S. Delaude et D. Calciu, puis par Mme Delaude, en qualité d’agents, assistées de Me E. Petritsi, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de l’Office des publications de l’Union européenne du 22 juillet 2011 de ne pas retenir les offres soumises par le consortium formé par la requérante et une autre société pour les lots nos 1 et 3 dans le cadre de la procédure d’appel d’offres AO 10340, concernant la prestation de services informatiques de développement et de maintenance de logiciels, de conseil et d’assistance pour différents types d’applications informatiques (JO 2011/S 66-106099), et d’attribuer les contrats-cadres à d’autres soumissionnaires,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. O. Czúcz, faisant fonction de président, Mme I. Pelikánová et M. A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 juin 2014,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Par un avis de marché du 5 avril 2011, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2011/S 66-106099), un rectificatif ayant été publié au Journal officiel (JO 2011/S 70-113065), l’Office des publications de l’Union européenne (OP) a lancé l’appel d’offres AO 10340 («Services informatiques de développement et de maintenance de logiciels, de conseil et d’assistance pour différents types d’applications informatiques»).

2

Selon l’avis de marché, les services informatiques en cause étaient répartis en quatre lots, les deux qui sont concernés par le présent recours étant le lot no 1, concernant «[le] soutien et [les] applications administratives spécialisées», et le lot no 3, concernant les «chaînes de production et de réception».

3

L’objet de l’appel d’offres était de conclure, pour chacun des lots, de nouveaux contrats-cadres de services destinés à remplacer les contrats-cadres arrivant à expiration. Dans le cahier des charges, l’OP avait précisé que, pour chaque lot, les soumissionnaires étaient sélectionnés selon le «mécanisme de cascade» et que des contrats-cadres seraient signés, pour une durée de quatre années, avec les soumissionnaires ayant présenté les trois offres économiquement les plus avantageuses, classées selon leur rapport qualité-prix.

4

L’avis de marché et le cahier des charges prévoyaient que, pour chaque lot, les offres étaient appréciées en fonction des critères énoncés dans le cahier des charges. Chaque offre devait être évaluée afin de déterminer dans quelle mesure elle satisfaisait aux exigences énoncées, les trois offres retenues étant celles qui représentaient le meilleur rapport qualité-prix. La qualité, à savoir l’évaluation technique, comptait pour 50 % et le prix, à savoir l’évaluation financière, pour 50 % (point 2.9 du cahier des charges).

5

La requérante, Computer Resources International (Luxembourg) SA, et Intrasoft International SA ont présenté, réunies en consortium (ci-après le «consortium»), des offres pour les lots nos 1 et 3 (ci-après les «offres de la requérante»).

6

Le 27 juin 2011, l’OP a adressé à la requérante, pour le consortium, une demande d’informations, dans laquelle il la priait d’expliquer les modalités de calcul du prix par homme-jour dans ses offres financières. Cette question était adressée dans le cadre d’un examen de ce prix, au regard duquel l’OP indiquait qu’il pourrait être considéré comme anormalement bas au sens de l’article 139 du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357, p. 1, ci-après les «modalités d’exécution»).

7

Le 29 juin 2011, la requérante a répondu, en tant que représentant du consortium, à la demande d’informations de l’OP du 27 juin 2011 (ci-après la «réponse du 29 juin 2011»), en affirmant que le prix par homme-jour dans ses offres pouvait être expliqué par l’organisation interne du consortium et l’optimisation de l’équilibre entre les activités de ce dernier au Luxembourg et celles en Roumanie. Elle a indiqué, en outre, que le consortium avait respecté les législations luxembourgeoise et roumaine en matière d’emploi, en particulier en ce qui concernait le salaire minimal. Elle a ajouté que, s’agissant des activités du consortium en Roumanie, eu égard à la durée de quatre ans du marché, le salaire minimal avait été doublé afin de tenir compte de l’inflation dans cet État membre. Par ailleurs, elle a fourni à l’OP une information détaillée quant au respect, dans ses offres, des deux législations nationales en matière d’emploi.

8

Par lettre du 22 juillet 2011 (ci-après la «décision attaquée»), l’OP a informé la requérante, en tant que représentant du consortium, d’une part, du rejet de ses offres pour les lots nos 1 et 3, en raison de leur caractère anormalement bas, et, d’autre part, du nom des soumissionnaires dont les offres avaient été retenues. Il a également précisé que le consortium pouvait demander des explications supplémentaires sur ledit rejet.

9

Par courrier du 25 juillet 2011, la requérante a fait part à l’OP de son désaccord quant à la décision attaquée, tout en lui demandant un certain nombre d’explications, notamment concernant les critères sur le fondement desquels ses offres avaient été considérées comme étant anormalement basses. La requérante a également demandé à l’OP de lui transmettre, pour les lots nos 1 et 3, les évaluations techniques de ses offres et de celles des soumissionnaires retenus selon le «mécanisme de cascade» ainsi que les notes attribuées à ces offres. Par ailleurs, la requérante a demandé qu’il lui soit confirmé que «l’offre anormalement basse ne concernait que les prix extra-muros, [à savoir les prix des prestations à fournir en dehors des locaux de l’OP,] étant donné que les prix intra-muros[, à savoir les prix des prestations à fournir dans les locaux de l’OP, étaient] les mêmes que ceux qui [avaient] été proposés et acceptés» dans des offres soumises dans le cadre de procédures d’appel d’offres antérieures et qui avaient été retenues par le pouvoir adjudicateur. Enfin, la requérante a affirmé que ses prix extra-muros moyens dans le cadre de la présente procédure d’appel d’offres étaient plus élevés que les prix moyens proposés dans une procédure d’appel d’offres antérieure, dans le cadre de laquelle ils n’avaient pas été rejetés comme étant anormalement bas.

10

Le 27 juillet 2011, l’OP a rejeté ces contestations, tout en transmettant à la requérante des extraits du rapport d’évaluation, dont l’un contenait les raisons pour lesquelles ses offres avaient été considérées comme étant anormalement basses du fait de leur prix. Selon cet extrait, les explications fournies par la requérante, en tant que représentant du consortium, dans la réponse du 29 juin 2011 (ci-après les «explications fournies le 29 juin 2011»), concernant la prestation des services ainsi que la localisation du personnel en Roumanie, étaient en contradiction avec ses offres et, dès lors, ne pouvaient pas être acceptées. Les autres extraits du rapport d’évaluation comportaient des informations sur l’évaluation des offres de la requérante et de celles des soumissionnaires retenus. Par ailleurs, l’OP a estimé que les offres de la requérante ne pouvaient pas être comparées aux offres soumises dans le cadre de procédures d’appel d’offres antérieures et que, en tout état de cause, certaines comparaisons effectuées par la requérante étaient erronées.

Procédure et conclusions des parties

11

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2011, la requérante a introduit le présent recours.

12

Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé sur le fondement de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

13

La Commission européenne et l’OP ayant confirmé, à la demande du greffe du Tribunal, que la Commission devait être considérée comme l’unique partie défenderesse en l’espèce, le Tribunal (deuxième chambre) a, par décision du 28 septembre 2011, approuvé la rectification de la désignation de la partie défenderesse.

14

Par ordonnance du 5 octobre 2011, Computer Resources International (Luxembourg), T‑422/11 R (EU:T:2011:566), le président du Tribunal a rejeté la demande de mesures provisoires de la requérante aux motifs qu’elle n’avait pas démontré qu’elle risquait de subir un préjudice grave et irréparable en l’absence des mesures provisoires demandées.

15

La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

16

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Un membre de la neuvième chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure, un autre juge pour compléter la chambre. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 25 juin 2014.

17

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner la Commission aux dépens.

18

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

déclarer le recours non fondé ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

19

Au soutien de son recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, de la violation d’une formalité substantielle, le deuxième, de la violation de la procédure applicable et, le troisième, d’un détournement de pouvoir ou d’une base juridique erronée.

20

À titre liminaire, il convient de considérer que l’OP dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur grave et manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑377/07, EU:T:2011:731, point 22 et jurisprudence citée).

Sur le moyen tiré de la violation d’une formalité substantielle

21

La requérante soutient que, en vertu de l’article 139 des modalités d’exécution, le rejet d’une offre au motif que le prix proposé dans celle-ci est anormalement bas doit être expressément motivé, la motivation correspondant au motif spécifique sur lequel le rejet est fondé. Or, la décision attaquée ne contiendrait aucune motivation relative aux motifs spécifiques pris en compte par le pouvoir adjudicateur pour conclure que les offres de la requérante étaient anormalement basses. Partant, la décision attaquée méconnaîtrait une formalité substantielle, cette lacune ne pouvant pas être comblée par référence à d’autres documents.

22

La Commission conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

23

Il convient de comprendre que, par ce moyen, la requérante invoque, en substance, une violation de l’obligation de motivation de la décision attaquée.

24

Il y a lieu de rappeler que, lorsque, comme en l’espèce, les institutions de l’Union européenne disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (voir, en ce sens, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec, EU:C:1991:438, point 14, et du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, EU:T:2008:324, point 54).

25

Dans le cadre d’une procédure de passation de marchés publics, ce sont l’article 100, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le «règlement financier»), et l’article 149 des modalités d’exécution qui déterminent le contenu de l’obligation de motivation incombant au pouvoir adjudicateur à l’égard du soumissionnaire qui n’a pas été retenu dans le cadre de la procédure de passation d’un marché donné, et non, comme semble le soutenir la requérante, l’article 139 des modalités d’exécution, lequel concerne la procédure que doit suivre le pouvoir adjudicateur avant de rejeter une offre qu’il considère comme étant anormalement basse.

26

Il résulte de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149 des modalités d’exécution ainsi que d’une jurisprudence constante que le pouvoir adjudicateur satisfait à son obligation de motivation si, tout d’abord, il se contente de communiquer immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et, ensuite, fournit aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/OEDT, T‑63/06, EU:T:2010:368, point 111 et jurisprudence citée, et du 12 décembre 2012, Evropaïki Dynamiki/EFSA, T‑457/07, EU:T:2012:671, point 45).

27

Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation consacrée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, selon laquelle il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, au juge d’exercer son contrôle (voir arrêts Evropaïki Dynamiki/OEDT, point 26 supra, EU:T:2010:368, point 112 et jurisprudence citée, et Evropaïki Dynamiki/EFSA, point 26 supra, EU:T:2012:671, point 46 et jurisprudence citée).

28

Il importe également de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée ; arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 24 supra, EU:T:2008:324, point 49).

29

Ainsi, pour déterminer si, en l’espèce, l’OP a satisfait à l’exigence de motivation, il convient d’examiner la décision attaquée, contenant la décision de rejet des offres de la requérante. Il y a lieu d’examiner également la lettre du 27 juillet 2011, adressée à la requérante, dans le délai prévu par l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, en réponse à sa demande expresse du 25 juillet 2011, visant à obtenir des informations complémentaires sur la décision attaquée.

30

En l’espèce, par courrier du 22 juillet 2011, l’OP a signifié à la requérante les motifs pour lesquels ses offres avaient été rejetées, à savoir le fait qu’elles étaient anormalement basses. L’OP informait également la requérante de son droit d’obtenir des informations additionnelles sur les motifs de ce rejet.

31

Ainsi qu’il a été indiqué au point 10 ci-dessus, à la suite d’une demande d’explications présentée par la requérante, l’OP, par courrier du 27 juillet 2011, a indiqué à cette dernière que ses offres ne pouvaient pas être comparées à des offres soumises dans le cadre de procédures d’appel d’offres antérieures et que, en tout état de cause, certaines comparaisons qu’elle effectuait étaient erronées. Par ailleurs, il a transmis à la requérante un extrait du rapport d’évaluation contenant les raisons pour lesquelles ses offres avaient été considérées comme anormalement basses du fait de leur prix.

32

Dans cet extrait du rapport d’évaluation, il était indiqué que les explications fournies le 29 juin 2011 n’avaient pas dissipé les doutes concernant les prix proposés dans les offres de la requérante.

33

Pour parvenir à cette conclusion, premièrement, quatre éléments d’information transmis par la requérante, au nom et pour le compte du consortium, étaient cités ou repris dans les termes suivants :

«1.

“Notre consortium est parvenu à optimiser et à équilibrer les activités au Luxembourg et les activités ‘near [shore]/off shore’ en Roumanie” ;

2.

‘Proximité du personnel : le personnel proposé sera situé soit au Luxembourg (intra/extra [-muros], afin d’assurer une proximité qui est absolument essentielle pour ce projet), soit en Roumanie (extra-muros)’ ;

3.

[Le consortium] a calculé lui-même un tarif journalier minimal pour le Luxembourg de 138 euros ;

4.

“Frais généraux réalistes : les frais généraux de notre consortium sont compris (gestion, coûts liés aux infrastructures, frais de déplacement et de subsistance pour les personnes se trouvant ‘near shore/off shore’, les frais de gestion de l’entreprise, les frais des installations, coûts de l’infrastructure générale, etc.).” »

34

Deuxièmement, dans cet extrait du rapport d’évaluation, il était indiqué que, s’agissant des points 1 et 2 («AD 1 + 2») (voir point 33 ci-dessus), les activités «near [shore]/off shore» en Roumanie n’étaient pas mentionnées dans les offres de la requérante et que toutes les ressources humaines proposées étaient établies au Luxembourg. Il était ajouté que, dans la partie desdites offres portant sur la qualité technique des ressources humaines proposées, il avait été précisé que «[t]ous les candidats techniques proposés [remplissaient] les conditions tenant à une durée minimale de trois ans d’études universitaires et d’expérience» et qu’«[i]ls [travaillaient] également tous à une distance de route de l’[OP]».

35

S’agissant des points 2 et 3 («AD 2 + 3») (voir point 33 ci-dessus), il était indiqué que certains des prix proposés par le consortium par homme-jour extra-muros, soit «INF-SYS-TRAI – 105 euros» et «INF-SYS-END-USE-SUP – 105 euros», étaient inférieurs au tarif journalier minimal au Luxembourg, tel que calculé par la requérante dans la réponse du 29 juin 2011.

36

Concernant le point 4 («AD 4»), il était précisé que le comité d’évaluation «doutait qu’un ANA-PROG hautement qualifié [acceptât] de travailler à ce salaire minimal» et que, contrairement aux affirmations de la requérante, dans la réponse du 29 juin 2011, les frais généraux ne pouvaient pas être inclus dans le prix par homme-jour.

37

L’extrait du rapport d’évaluation comportait également deux remarques générales par lesquelles le comité d’évaluation exprimait ses doutes quant au fait que les employés «PRO-MAN» et «TEC-CONS», hautement qualifiés, fussent disposés à travailler, respectivement, pour 200 et 210 euros par homme-jour extra-muros.

38

Enfin, l’extrait du rapport d’évaluation contenait des conclusions selon lesquelles les explications fournies le 29 juin 2011, concernant le lieu de la prestation des services ainsi que la localisation du personnel, étaient contraires aux offres des requérantes et, dès lors, ne pouvaient pas être acceptées.

39

Il doit être constaté que, au vu de la décision attaquée et du courrier de l’OP du 27 juillet 2011, la requérante était à même d’identifier les raisons précises de la décision de rejet de ses offres. En effet, l’OP a justifié de manière claire la décision d’écarter ces offres, d’une part, en relevant les éléments d’explication lui apparaissant comme nouveaux par rapport à ces offres et les contradictions qu’il estimait exister entre lesdites offres et les explications fournies le 29 juin 2011 et, d’autre part, en invoquant le prétendu caractère anormalement bas de ces mêmes offres en raison de leur prix.

40

L’OP a ainsi considéré que les offres de la requérante étaient fondées sur du personnel localisé au Luxembourg et travaillant à une distance de route de l’OP, et non sur du personnel localisé en Roumanie et sur des prestations fournies dans cet État membre. Il en a déduit que lesdites offres étaient anormalement basses, car, d’une part, pour certains profils, les tarifs mentionnés étaient inférieurs au tarif journalier minimal au Luxembourg, tel que calculé par la requérante dans la réponse du 29 juin 2011, et, d’autre part, pour certains autres profils, il n’était pas économiquement réaliste de considérer que le personnel proposé dans ces offres accepterait de travailler, au Luxembourg, au tarif proposé.

41

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que l’OP a, dans ses lettres ainsi que dans l’extrait du rapport d’évaluation joint en annexe à la lettre du 27 juillet 2011, motivé à suffisance de droit le rejet des offres de la requérante. Il doit être conclu qu’il a répondu aux exigences prescrites à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et à l’article 149 des modalités d’exécution.

42

Premièrement, cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle le fait qu’elle pouvait être informée des caractéristiques et des avantages relatifs des offres retenues était dénué de pertinence, car le rejet de ses offres n’était pas fondé sur une comparaison de celles-ci avec les offres retenues.

43

Il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, l’OP a effectivement indiqué la possibilité pour la requérante d’être informée des caractéristiques et des avantages relatifs des offres retenues. Si la requérante n’était pas intéressée par la communication de ces informations, elle n’était évidemment pas tenue de les demander. Il n’en demeure pas moins que, aux termes de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, l’OP était tenu de lui indiquer cette possibilité.

44

Deuxièmement, le caractère suffisamment motivé du rejet des offres de la requérante n’est pas remis en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle la décision attaquée a violé une exigence essentielle prévue à l’article 147, paragraphe 3, des modalités d’exécution. Selon la requérante, si la décision à laquelle cette disposition se réfère ne doit mentionner que les motifs de la non-conformité d’une offre aux critères de sélection ou le fait qu’une offre n’est pas la meilleure, compte tenu des critères d’attribution, une disposition particulière est prévue dans le cas du rejet d’une offre en raison de son caractère anormalement bas. Partant, en l’espèce, la décision attaquée aurait violé cette exigence essentielle.

45

Ce grief doit être rejeté comme étant non fondé, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité, laquelle est contestée par la Commission. En effet, l’article 147 des modalités d’exécution concerne, ainsi que son titre l’indique, le résultat de l’évaluation. Les paragraphes 1 et 2 de cet article portent sur le procès-verbal d’évaluation tandis que le paragraphe 3 dudit article vise la décision prise par le pouvoir adjudicateur. Si l’article 147, paragraphe 3, des modalités d’exécution précise les mentions devant figurer dans cette décision, cette disposition ne prévoit pas que celles-ci doivent être précisées dans la lettre communiquant la teneur de ladite décision aux soumissionnaires évincés. La communication entre le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires, notamment ceux qui ont été évincés, ainsi que le contenu de cette communication sont, en effet, régis par l’article 149 des modalités d’exécution. Partant, l’article 147 des modalités d’exécution est dénué de pertinence aux fins de déterminer le contenu de l’obligation de motivation incombant au pouvoir adjudicateur, à l’égard d’un soumissionnaire évincé, concernant la lettre lui communiquant la teneur de la décision du pouvoir adjudicateur.

46

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le présent moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation de la procédure applicable

47

Par ce moyen, la requérante invoque, en substance, la violation de la procédure prévue à l’article 139, paragraphe 1, des modalités d’exécution et, plus globalement, la violation de cet article dans la mesure où elle conteste le bien-fondé du rejet de ses offres en ce qu’elles auraient été anormalement basses.

48

La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

49

Aux termes de l’article 139, paragraphe 1, des modalités d’exécution, si, pour un marché donné, des offres apparaissent anormalement basses, le pouvoir adjudicateur, avant de rejeter ces offres pour ce seul motif, demande, par écrit, les précisions qu’il juge opportunes sur la composition de l’offre et vérifie de manière contradictoire cette composition en tenant compte des justifications fournies.

50

En premier lieu, si le Tribunal devait considérer que la motivation du rejet de ses offres peut être trouvée dans la lettre du 27 juillet 2011, la requérante tient à relever que le motif de ce rejet, retenu par l’OP dans cette lettre, était le caractère anormalement bas des prix proposés. Or, la motivation qu’il aurait ajoutée en se référant au rapport d’évaluation du comité d’évaluation ne présenterait pas de lien avec ce motif et serait dépourvue de pertinence. À cet égard, la requérante cite la conclusion de ce rapport, selon laquelle «l’information fournie par le consortium dans sa réponse, concernant le lieu de prestation des services ainsi que la localisation du personnel, [étai]t contraire [aux] offre[s] et, dès lors, [n’aurait pas pu] être acceptée».

51

Il doit être constaté que, par ce premier grief, la requérante soutient, en substance, que la motivation du rejet de ses offres figurant dans le rapport d’évaluation est dépourvue de lien avec le motif du rejet mentionné dans la décision attaquée.

52

Ce grief doit être écarté.

53

En effet, il y a lieu de considérer que, dans la mesure où la requérante entendrait soutenir que ses offres ont été rejetées pour un motif autre que celui du caractère anormalement bas de leur prix, l’examen de ce grief relève du moyen tiré d’une base juridique erronée de la décision attaquée.

54

Par ailleurs, il doit être rappelé qu’il a déjà été conclu, dans le cadre de l’examen du premier moyen, que l’OP a fourni une motivation suffisamment détaillée du motif du rejet des offres de la requérante. En effet, il a exposé les raisons précises pour lesquelles les explications fournies le 29 juin 2011 n’avaient pas dissipé les doutes concernant les prix proposés dans lesdites offres et indiqué les raisons pour lesquelles il avait été considéré que celles-ci étaient anormalement basses du fait de ces prix (voir points 39 à 46 ci-dessus).

55

Enfin, il convient de lire la conclusion mentionnée dans l’extrait du rapport d’évaluation et citée par la requérante dans son contexte (voir points 32 à 38 ci-dessus). L’extrait commence par l’affirmation selon laquelle, après avoir analysé la réponse du 29 juin 2011, le comité d’évaluation est parvenu à la conclusion que les offres de la requérante devaient être rejetées en raison de prix anormalement bas. Vient ensuite une analyse des explications fournies le 29 juin 2011, concernant les prix considérés par le pouvoir adjudicateur comme étant anormalement bas, cette analyse mettant en exergue des incohérences entre lesdites explications et les offres de la requérante, mettant en doute le réalisme économique des prix proposés pour certains profils et contestant l’inclusion de certains coûts dans ces mêmes prix. L’extrait s’achève par la conclusion citée par la requérante, résumant les raisons pour lesquelles les explications fournies le 29 juin 2011 ne pouvaient pas être prises en considération en raison de leur incohérence avec le contenu des offres de la requérante. Partant, contrairement aux allégations de la requérante, cette conclusion n’était pas dépourvue de pertinence à l’égard du motif de rejet de ses offres, en l’occurrence leur prix anormalement bas, et la motivation que l’OP a ajoutée, en se référant au rapport d’évaluation du comité d’évaluation, n’était pas dépourvue de lien avec ledit motif.

56

En deuxième lieu, l’absence de prise en compte, par le comité d’évaluation, de la justification avancée par la requérante dans la réponse du 29 juin 2011 aurait constitué une violation de l’article 139 des modalités d’exécution et de la jurisprudence. La requérante soutient que, du fait de l’absence de prise en compte de ses explications, il n’y a pas eu un échange de vues approprié, mais plutôt un monologue de l’OP. Si la requérante admet que le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de poursuivre un dialogue sans fin avec un soumissionnaire, elle soutient qu’il doit avoir laissé à ce dernier la possibilité de justifier son offre.

57

Il y a lieu, à titre liminaire, de rappeler que, selon les dispositions de l’article 139, paragraphe 1, des modalités d’exécution, le pouvoir adjudicateur a l’obligation de permettre au soumissionnaire d’expliciter, voire de justifier, les caractéristiques de son offre avant de la rejeter, s’il estime qu’une offre est anormalement basse. Aussi, l’obligation de vérifier le sérieux d’une offre résulte de l’existence préalable de doutes quant à sa fiabilité, sachant en outre que cet article a pour objet principal de permettre à un soumissionnaire de ne pas être écarté de la procédure sans qu’il ait eu la possibilité de justifier la teneur de son offre qui apparaîtrait comme anormalement basse (arrêt du 11 mai 2010, PC-Ware Information Technologies/Commission, T‑121/08, Rec, EU:T:2010:183, point 72 et jurisprudence citée).

58

Il en découle que, en l’espèce, dans la mesure où l’OP a eu des doutes quant à la fiabilité des offres de la requérante, il avait l’obligation de lui donner la possibilité de justifier la teneur de ses offres qui lui apparaissaient comme étant anormalement basses.

59

En l’espèce, l’OP a satisfait à cette obligation.

60

Dans la réplique, l’argumentation de la requérante est certes ambiguë à cet égard, admettant que la possibilité de s’expliquer sur la teneur de ses offres lui a été donnée, tout en sous-entendant également l’inverse. En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la requérante a indiqué que seule une lettre de demande d’explications lui avait été adressée, ce qui aurait été insuffisant pour considérer que la procédure prévue à l’article 139 des modalités d’exécution avait été respectée.

61

Cependant, il doit être constaté que, conformément à l’article 139, paragraphe 1, des modalités d’exécution, l’OP a donné à la requérante la possibilité d’expliquer la teneur de ses offres. En effet, par lettre du 27 juin 2011, l’OP a adressé à la requérante, en tant que représentant du consortium, une demande d’informations, dans laquelle il la priait d’expliquer les modalités de calcul du prix par homme-jour dans ses offres (voir point 6 ci-dessus). La requérante a déféré à cette demande par la réponse du 29 juin 2011.

62

Par ailleurs, pour autant que la requérante soutienne que l’OP lui a adressé la décision attaquée sans lui permettre d’apporter des explications plus détaillées et plus complètes pour répondre à ses inquiétudes, il suffit de constater que, dans la réplique, la requérante admet que l’OP n’était pas tenu d’engager un dialogue sans fin avec le consortium.

63

Enfin, dans la mesure où la requérante regrette l’absence de prise en considération des explications fournies le 29 juin 2011, il ressort de l’extrait du rapport d’évaluation, communiqué à la requérante, que l’OP les a prises en compte, en ce qu’il les a examinées et les a confrontées aux offres de la requérante, avant de les rejeter (voir points 31 à 38 ci-dessus).

64

Par conséquent, la requérante n’a pas démontré l’existence d’une violation de la procédure prévue à l’article 139 des modalités d’exécution.

65

En troisième lieu, la requérante estime non fondée la justification par l’OP de l’absence de prise en compte des explications fournies le 29 juin 2011 et soutient que l’OP les a parfois mal comprises.

66

À cet égard, la requérante a confirmé lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, que, par ce grief, elle invoquait une erreur de la part du pouvoir adjudicateur dans l’appréciation des explications fournies le 29 juin 2011 et dans le rejet de ses offres en ce que ces dernières auraient été anormalement basses au sens de l’article 139 des modalités d’exécution.

67

Premièrement, il convient de considérer que la requérante ne saurait prétendre que l’OP a commis une erreur en ce qu’il se serait borné à déclarer que les prix proposés dans des offres soumises dans le cadre de procédures d’appel d’offres antérieures étaient dépourvus de pertinence, sans autre explication, au simple motif que les appels d’offres étaient indépendants les uns des autres.

68

En effet, l’OP a certes précisé que les évaluations étaient indépendantes pour chaque appel d’offres et que, par conséquent, certaines comparaisons opérées par la requérante avec un autre contrat étaient dépourvues de pertinence. Mais il a ajouté que lesdites comparaisons étaient, de surcroît, erronées et il en a indiqué les raisons. D’une part, selon l’OP, les prix intra-muros n’étaient pas identiques dans les offres de la requérante et dans celles présentées quatre ans auparavant. D’autre part, contrairement aux affirmations de la requérante dans la réponse du 29 juin 2011, ses offres n’auraient pas comporté des prix inférieurs à ceux indiqués dans des offres précédentes, citées par la requérante, pour les seuls profils extra-muros.

69

Par ailleurs, c’est à juste titre que l’OP a estimé qu’une comparaison des prix proposés dans les offres de la requérante avec des prix proposés dans le cadre d’autres procédures d’appel d’offres était dépourvue de pertinence. En effet, contrairement à l’allégation de la requérante selon laquelle aucun précédent n’est dépourvu de pertinence lorsqu’il s’agit du «même marché», le contenu d’une offre doit être examiné au regard de l’appel d’offres auquel elle répond.

70

Deuxièmement, la requérante prétend que le comité d’évaluation a fondé à tort son affirmation, selon laquelle l’information fournie ne dissipait pas les doutes quant aux prix proposés, sur la considération que toutes les ressources humaines proposées par le consortium devraient être localisées au Luxembourg. En effet, en dépit du fait qu’il n’aurait pas existé d’obligation ni d’engagement que le personnel fusse à Luxembourg, le comité d’évaluation aurait supposé que le personnel proposé par le consortium y demeurerait. Le comité d’évaluation aurait poursuivi la procédure en écartant les explications fournies le 29 juin 2011, dans laquelle elle aurait précisé que certaines des personnes qu’elle employait à Luxembourg pourraient être éventuellement envoyées en Roumanie, le cas échéant à temps partiel. Le personnel de proximité n’aurait été proposé dans les offres de la requérante que pour les besoins de l’exécution directe du projet.

71

De ce fait, l’affirmation du comité d’évaluation, figurant sous la référence «AD 2 + 3» (voir point 35 ci-dessus), selon laquelle «certains des prix proposés par le [consortium] par homme-jour extra-muros – INF-SYS-TRAI – 105 euros et INF-SYS-END-USE-SUP – 105 euros – [étaient] inférieurs au tarif journalier minimal au Luxembourg, tel que la [requérante l’avait] calculé dans [l]a réponse [du 29 juin 2011]», et l’affirmation similaire, mentionnée sous la référence «AD 4» (voir point 36 ci-dessus), ne seraient pas pertinentes en l’espèce, puisque, même si les salaires étaient relativement bas pour le Luxembourg, il aurait convenu de les mettre en balance avec les salaires roumains, sensiblement inférieurs.

72

Il convient de relever que le comité d’évaluation a estimé que les prix proposés dans les offres de la requérante pour la rémunération des ressources humaines étaient trop bas pour des personnes travaillant au Luxembourg. D’une part, il a noté que, pour certains des profils proposés, les prix étaient inférieurs au salaire minimal au Luxembourg, tel que calculé par la requérante dans la réponse du 29 juin 2011. D’autre part, il a exprimé des doutes quant au fait que, pour d’autres profils proposés, des employés hautement qualifiés fussent disposés à travailler pour les prix indiqués.

73

À cet égard, il doit être constaté que la requérante ne conteste pas que les prix indiqués dans ses offres pouvaient être considérés, dans les deux cas, comme étant trop bas pour du personnel travaillant au Luxembourg.

74

En revanche, la requérante remet en cause l’appréciation du comité d’évaluation selon laquelle ses offres auraient été modifiées si les explications fournies le 29 juin 2011 avaient été prises en considération. Selon la requérante, le pouvoir adjudicateur a considéré, à tort, qu’il était obligatoire de présenter dans les offres l’ensemble du personnel pouvant être impliqué dans l’exécution du marché et que les explications fournies par la requérante constituaient une modification de ses offres.

75

Selon la requérante, l’obligation de présenter dans les offres l’ensemble du personnel pouvant être impliqué dans l’exécution du marché n’était, toutefois, pas aussi claire que la Commission semblerait le croire.

76

D’une part, la requérante relève que, certes, en son point 4.3.3.4 («Exécution du projet»), «le cahier des charges [prévoyait] que seules les ressources humaines proposées par l’adjudicataire dans le cadre de son offre [seraient] autorisées à exécuter les tâches demandées». Cependant, ce point aurait concerné l’exécution d’un projet spécifique au titre du contrat-cadre, notamment les commandes ou les marchés passés en fonction de considérations de temps et de moyens. Dès lors, il existerait un doute quant au point de savoir si ce point du cahier des charges était relatif à l’offre du soumissionnaire pour le contrat-cadre ou à l’offre du contractant pour un projet spécifique.

77

De plus, la requérante fait valoir que, eu égard à la clause 1.4.2 du contrat-cadre, selon laquelle le contractant devait émettre une proposition à la demande du pouvoir adjudicateur pour une commande ou un marché précis, ladite proposition devant notamment inclure les curriculum vitae des personnes proposées pour l’exécution et une déclaration quant à leur disponibilité, la seule interprétation plausible du point 4.3.3.4 du cahier des charges était que celui-ci se référait à cette commande ou à ce marché précis. Partant, le pouvoir adjudicateur aurait procédé à une interprétation erronée de cette disposition et il n’aurait pas dû considérer que les explications fournies le 29 juin 2011 ne pouvaient pas être acceptées.

78

D’autre part, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, même si le Tribunal devait estimer que cette obligation concernait le contrat-cadre, elle ne pouvait pas être considérée comme une obligation générale. En effet, le point 3 («Ressources humaines et remplacements») du point 4.3.3.4 du cahier des charges aurait concerné uniquement les projets intégrant des considérations de temps et de moyens, et non les projets au forfait.

79

Partant, les explications fournies le 29 juin 2011, relatives à la localisation de la prestation des services extra-muros, n’auraient pas été contraires à l’obligation de ne fournir que du personnel présenté dans les offres de la requérante, car une telle obligation, à la supposer existante, n’aurait existé que pour les projets prévus en fonction de considérations de temps et de moyens, lesquels ne constitueraient, selon l’administration, qu’une petite partie des projets et ne s’avéreraient, de ce fait, pas déterminants pour la fixation du prix global. Dès lors, la requérante affirme qu’elle aurait pu fournir les services offerts aux prix proposés dans ses offres, en compensant les prix plus élevés, pour les projets de ce type avec le personnel présenté dans les offres, avec les prix inférieurs, pour les projets au forfait, ces derniers prix étant dus aux conditions favorables en Roumanie. Partant, les explications fournies le 29 juin 2011 n’auraient pas entraîné une modification de ses offres.

80

Il convient d’observer que le comité d’évaluation ne s’est pas référé aux curriculum vitae des personnes proposées dans les offres de la requérante, mais il a pointé l’absence de toute mention d’activités du consortium en Roumanie dans ces offres.

81

De surcroît, il a souligné que toutes les ressources humaines proposées dans les offres de la requérante étaient localisées au Luxembourg et que la requérante, au nom et pour le compte du consortium, avait précisé que les personnes proposées travaillaient toutes à une distance de route de l’OP. Or, la requérante ne conteste pas la véracité de ces affirmations et elle admet que ses offres ne mentionnaient pas la prestation de services en Roumanie.

82

Dès lors, contrairement aux affirmations de la requérante, les explications fournies le 29 juin 2011 constituaient une modification de ses offres et ne pouvaient pas être retenues.

83

En effet, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si, comme la requérante le fait valoir, un soumissionnaire était en droit de modifier, lors de la conclusion du contrat-cadre, les curriculum vitae des personnes proposées, il suffit de constater que les offres de la requérante précisaient que toutes les personnes proposées travaillaient à une distance de route de l’OP, dont le siège est à Luxembourg. Or, ni l’avis de marché ni le cahier des charges n’imposaient à la requérante de formuler, dans ses offres, une telle proposition quant à la localisation du personnel du consortium. Dès lors, cette proposition doit être considérée comme faisant partie des offres de la requérante.

84

Or, il convient de souligner que, aux termes du point 1.10 du cahier des charges («Période de validité de l’offre»), une offre devait demeurer valide neuf mois après la date limite de soumission et, durant cette période, les soumissionnaires devaient maintenir toutes les conditions de leur offre. De plus, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, selon le point 1.9 du cahier des charges («Conditions générales de soumission d’une offre»), «[l]a soumission d’une offre li[ait] le soumissionnaire pendant l’exécution du marché s’il en dev[enai]t l’attributaire». Enfin, il doit être relevé que, en vertu du point 2.7.2, in fine, du cahier des charges («Évaluation des critères techniques d’attribution»), «si l’offre d’un soumissionnaire [allait] au-delà des exigences minimales décrites dans les spécifications techniques, celui-ci rest[ait] lié par cette offre tout au long de l’exécution du contrat, s’il en dev[enai]t l’attributaire».

85

Partant, la requérante ne pouvait pas, sans modifier les termes de ses offres, modifier la proposition, figurant dans celles-ci, relative à la localisation du personnel du consortium.

86

Or, il doit être considéré que des personnes travaillant en Roumanie ne peuvent pas être considérées comme des personnes se trouvant à une distance de route et dans une situation de proximité du Luxembourg.

87

Par conséquent, l’OP a estimé, à juste titre, que les explications fournies le 29 juin 2011, selon lesquelles le personnel proposé ne serait pas nécessairement localisé à une distance de route de l’OP, mais serait également situé en Roumanie, constituaient une modification des offres de la requérante. Il en a déduit, à bon droit, qu’il ne pouvait pas retenir ces explications, la requérante ne contestant pas le fait qu’une modification de ses offres ne pouvait pas être acceptée, à ce stade, par le pouvoir adjudicateur, conformément à l’article 99 du règlement financier et l’article 148 des modalités d’exécution, lesquels interdisent la modification des termes de l’offre initiale (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2012, Astrim et Elyo Italia/Commission, T‑216/09, EU:T:2012:574, point 95).

88

Enfin, il y a lieu de relever que les prix mentionnés dans les offres de la requérante pour la rémunération des ressources humaines devaient être en adéquation avec la proposition relative à la localisation de celles-ci figurant également dans lesdites offres. Cependant, la requérante n’a avancé pour toute explication de ces prix que le fait que, si certains employés travailleraient au Luxembourg, d’autres le feraient en Roumanie. De plus, il convient de rappeler que la requérante ne conteste pas que les prix indiqués dans ses offres pouvaient être considérés comme étant anormalement bas pour du personnel travaillant au Luxembourg.

89

Partant, les explications fournies le 29 juin 2011 ne pouvaient pas permettre de lever les doutes de l’OP quant aux prix proposés dans les offres de la requérante et qu’il considérait comme étant anormalement bas.

90

Il en découle que l’argumentation de la requérante par laquelle elle remet en cause le bien-fondé du rejet de ses offres en raison du caractère anormalement bas de leur prix doit être rejetée.

91

Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation de la requérante par laquelle elle affirme que, les explications ne portant pas sur ses offres, elles ne pouvaient pas entraîner la modification de celles-ci. Selon la requérante, le pouvoir adjudicateur a commis une erreur en ajoutant un critère de sélection aux critères d’attribution et le document répondant audit critère ne saurait être envisagé comme faisant partie des offres.

92

À cet égard, la requérante cite l’article 138, paragraphe 2, l’article 137, paragraphe 1, ainsi que l’article 137, paragraphe 2, sous a), des modalités d’exécution. Par ailleurs, elle invoque une jurisprudence selon laquelle sont exclus à titre de «critères d’attribution» des critères qui ne visent pas à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse, mais qui sont liés essentiellement à l’appréciation de l’aptitude des soumissionnaires à exécuter le marché en question (arrêt du 24 janvier 2008, Lianakis e.a., C‑532/06, Rec, EU:C:2008:40, points 29 et 30).

93

Il y a lieu de relever que, par cette argumentation, la requérante considère, en substance, que le comité d’évaluation a ajouté, lors de l’évaluation des offres, un critère lié à la valeur technique des équipes, lequel aurait constitué un critère de sélection, cela impliquant que le document répondant à ce critère ne saurait être envisagé comme faisant partie de ses offres et n’aurait pas pu les modifier.

94

Il doit être considéré que ce grief a été présenté, pour la première fois, au stade de la réplique, sans pour autant qu’il résulte d’éléments de droit ou de fait révélés durant la procédure ni qu’il constitue l’ampliation d’un moyen exposé dans la requête. Partant, il convient de le rejeter comme irrecevable en application de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

95

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le présent moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré d’un détournement de pouvoir ou d’une base juridique erronée

96

La requérante soutient tout d’abord que la décision de rejet de ses offres ne pouvait être fondée sur l’article 139 des modalités d’exécution et que, dès lors, elle repose sur une base juridique erronée. Elle prétend ensuite que, aux fins de rejeter ses offres, l’OP a détourné la procédure prévue par cette même disposition.

97

La Commission conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

98

En premier lieu, la requérante fait valoir que l’article 139 des modalités d’exécution ne prévoit que le cas du rejet d’une offre apparaissant anormalement basse et que, par conséquent, il ne peut pas être utilisé aux fins d’exclure un soumissionnaire au motif qu’il n’a pas décrit complètement le fonctionnement du consortium en matière de ressources humaines.

99

Or, selon la requérante, ses offres ont été rejetées pour la seule raison qu’elles n’étaient pas suffisamment complètes et détaillées, car elles n’auraient pas fait référence à une partie de la société employant de la main-d’œuvre en Roumanie. Dans son analyse de la réponse de la requérante du29 juin 2011, le comité d’évaluation aurait indiqué que «les activités susmentionnées ‘externalisées en Roumanie’ [n’étaient] pas mentionnées dans [les offres de la requérante]». Cette omission dans les offres de la requérante aurait laissé au comité d’évaluation suffisamment de marge pour apprécier si les prix proposés dans lesdites offres étaient anormalement bas. Selon la requérante, la seule raison possible de rejet de ses offres aurait été, le cas échéant, un rejet compte tenu des critères d’attribution.

100

Dans la réplique, la requérante remarque que les critères d’attribution incluaient la valeur technique ainsi que le prix et que, s’agissant de ce dernier, ses offres étaient bien meilleures que d’autres offres. Cependant, le rapport d’évaluation n’ayant pas comporté le classement des prix, elle n’aurait pas été en mesure de savoir si ses offres auraient présenté le meilleur rapport qualité-prix. Elle estime, dès lors, que la seule manière licite de rejeter ses offres aurait consisté à appliquer les critères énoncés dans l’avis de marché, y compris l’évaluation d’ensemble de la qualité des réponses du consortium, au sujet de laquelle elle reconnaît que ses offres auraient pu obtenir un classement inférieur à celui des offres des autres soumissionnaires, compte tenu du manque de clarté concernant le fonctionnement du consortium en matière de ressources humaines. En tout état de cause, les critères d’attribution relatifs aux ressources humaines n’auraient pas pu être retenus en tant que critères d’attribution, ce qui aurait conduit à une remise en cause de la légalité du rejet potentiel de l’offre du consortium.

101

Par ailleurs, selon la requérante, eu égard aux explications fournies le 29 juin 2011, en particulier, à propos des conditions économiques de la fourniture des services, ses offres ne pouvaient pas être qualifiées d’anormalement basses.

102

Force est de constater, tout d’abord, que, contrairement aux allégations de la requérante, le comité d’évaluation n’a pas examiné un critère d’attribution relatif aux ressources humaines lorsqu’il a confronté les informations concernant la localisation du personnel proposé par le consortium et les prix indiqués. Il s’est, à ce stade de la procédure, limité à vérifier l’adéquation entre les prix indiqués, dans les offres de la requérante, concernant la rémunération des ressources humaines, les explications de la requérante, selon lesquelles ces prix étaient liés à la localisation des ressources humaines, et les propositions concernant cette localisation dans lesdites offres.

103

Ensuite, la requérante affirme à tort que ses offres auraient, en fait, omis certaines informations, car le consortium n’aurait pas décrit complètement son fonctionnement en matière de ressources humaines.

104

En effet, il doit être considéré que rien ne pouvait indiquer ou laisser supposer au pouvoir adjudicateur qu’une information était manquante dans les offres de la requérante. En revanche, celui-ci a estimé à bon droit que, lorsque la requérante avait été interrogée, en tant que représentant du consortium, sur le prix de ses offres, elle avait modifié l’information concernant la localisation des ressources humaines, alors que cette information avait été insérée dans ses offres sans qu’elle y ait été tenue par les termes de l’appel d’offres ou par le cahier des charges (voir point 83 ci-dessus). Partant, les explications fournies le 29 juin 2011 n’ont pas complété les offres de la requérante, mais les ont modifiées (voir points 82 à 87 ci-dessus).

105

Le comité d’évaluation n’ayant pas pu prendre en compte les informations transmises par la requérante, pour le consortium, sans accepter une modification des offres de la requérante, ces informations n’ont pas permis de répondre aux interrogations du pouvoir adjudicateur quant aux prix indiqués par homme-jour. Ces interrogations n’ayant pas trouvé de réponse, les offres ont alors été rejetées en raison du caractère anormalement bas de leur prix. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la requérante n’a pas démontré que l’OP aurait commis une erreur en rejetant ses offres pour ce motif (voir points 90 et 95 ci-dessus).

106

Il en découle que doit être écartée, comme étant dénuée de pertinence, l’argumentation de la requérante selon laquelle elle n’a pas été en mesure de savoir si ses offres auraient présenté le meilleur rapport qualité-prix et selon laquelle la seule manière licite, le cas échéant, de rejeter ses offres aurait consisté à appliquer les critères énoncés dans l’avis de marché, y compris l’évaluation d’ensemble de la qualité des réponses du consortium.

107

Par conséquent, les offres de la requérante n’ayant pas été rejetées pour un autre motif que celui de leur caractère anormalement bas en raison de leur prix, la décision attaquée n’est pas fondée sur une base juridique erronée et le grief de la requérante doit être rejeté.

108

En second lieu, la requérante fait valoir que l’examen d’un prix anormalement bas ne saurait être utilisé pour exclure un soumissionnaire pour défaut de pertinence de son offre. Partant, l’OP aurait, en l’espèce, détourné la procédure prévue à l’article 139 des modalités d’exécution aux fins de rejeter les offres de la requérante après que celle-ci avait démontré que ses offres n’étaient pas anormalement basses.

109

Cette argumentation ne saurait prospérer.

110

Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir se réfère au fait, pour une autorité administrative, d’avoir usé de ses pouvoirs à une fin autre que celle en vue de laquelle ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise à une telle fin (arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec, EU:C:1990:391, point 24, et du 10 mai 2005, Italie/Commission, C‑400/99, Rec, EU:C:2005:275, point 38). En cas de pluralité de buts poursuivis, même si un motif non justifié se joint aux motifs valables, la décision ne serait pas pour autant entachée de détournement de pouvoir, dès lors qu’elle ne sacrifie pas le but essentiel (arrêt du 21 décembre 1954, Italie/Haute Autorité, 2/54, Rec, EU:C:1954:8, p. 73, 103 ; arrêts du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T‑87/05, Rec, EU:T:2005:333, point 87, et arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 20 supra, EU:T:2011:731, point 109).

111

En l’espèce, il suffit de relever que la requérante n’a apporté aucun élément pertinent étayant son allégation selon laquelle l’OP avait détourné la procédure de l’article 139 des modalités d’exécution aux fins de rejeter les offres de la requérante.

112

Si tant est que la requérante entende, par ce grief, invoquer un détournement de pouvoir du fait de l’utilisation d’une base juridique erronée pour rejeter ses offres, il suffit de rappeler que celle-ci n’a pu démontrer une telle erreur de la part du pouvoir adjudicateur (voir point 107 ci-dessus).

113

Enfin, il doit être constaté que la requérante n’a présenté aucun élément susceptible de démontrer que l’OP aurait utilisé son pouvoir à d’autres fins, en l’espèce, que celle de déterminer les offres devant être retenues.

114

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le présent moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

115

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

116

En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Computer Resources International (Luxembourg) SA est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

 

Czúcz

Pelikánová

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 novembre 2014.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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