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Document 62007CJ0204

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 25 juillet 2008.
C.A.S. SpA contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi - Accord d’association CEE-Turquie - Règlement (CEE) nº 2913/92 - Article 239 - Code des douanes communautaire - Remboursement et remise de droits à l’importation - Concentré de jus de fruits en provenance de Turquie - Certificats de circulation - Falsification - Situation particulière.
Affaire C-204/07 P.

Recueil de jurisprudence 2008 I-06135

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2008:446

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

25 juillet 2008 ( *1 )

«Pourvoi — Accord d’association CEE-Turquie — Règlement (CEE) no 2913/92 — Article 239 — Code des douanes communautaire — Remboursement et remise de droits à l’importation — Concentré de jus de fruits en provenance de Turquie — Certificats de circulation — Falsification — Situation particulière»

Dans l’affaire C-204/07 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 16 avril 2007,

C.A.S. SpA, représentée par Me D. Ehle, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Patakia et M. S. Schønberg, en qualité d’agents, assistés de Me M. Núñez Müller, Rechtsanwalt, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka, Mme P. Lindh et M. A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 janvier 2008,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 mars 2008,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, C.A.S. SpA (ci-après la «requérante») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 6 février 2007, CAS/Commission (T-23/03, Rec. p. II-289, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de l’article 2 de la décision de la Commission du 18 octobre 2002 (REC 10/01, ci-après la «décision litigieuse»), relative à une demande de remise de droits à l’importation.

Le cadre juridique

La réglementation relative à l’accord d’association

2

Le présent pourvoi se situe dans le cadre de l’accord d’association créant une association entre la Communauté économique européenne (CEE) et la Turquie, signé le 12 septembre 1963 à Ankara par la République de Turquie, d’une part, et les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part. L’accord d’association a été conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685, ci-après l’«accord d’association»). Il est entré en vigueur le 1er décembre 1964.

3

L’accord d’association comporte une phase préparatoire permettant à la République de Turquie, aux termes de son article 3, de renforcer son économie, avec l’aide de la Communauté européenne, une phase transitoire consacrée, selon son article 4, à la mise en place progressive d’une union douanière et au rapprochement des politiques économiques et une phase définitive qui, aux termes de son article 5, est fondée sur l’union douanière et implique le renforcement de la coordination des politiques économiques.

4

La phase définitive envisagée par l’accord d’association est entrée en vigueur le 31 décembre 1995 [décision no 1/95 du Conseil d’association CE-Turquie, du 22 décembre 1995, relative à la mise en place de la phase définitive de l’union douanière (JO 1996, L 35, p. 1)]. Les décisions du conseil d’association adoptées pendant la phase transitoire étaient également applicables aux importations visées par la décision litigieuse, étant donné qu’elles ont eu lieu entre le 5 avril 1995 et le 20 novembre 1997.

5

Parmi ces décisions figure, en particulier, la décision no 5/72, du 29 décembre 1972, relative aux méthodes de coopération administrative pour l’application des articles 2 et 3 du protocole additionnel à l’accord d’Ankara (JO 1973, L 59, p. 74).

6

L’article 11 de cette décision prévoit que les États membres et la République de Turquie se prêtent mutuellement assistance, par l’entremise de leurs administrations douanières respectives, pour le contrôle de l’authenticité et de la régularité des certificats, en vue d’assurer une application correcte des dispositions de la présente décision.

7

L’article 12 de cette même décision prévoit que «la [République de] Turquie, les États membres et la Communauté prennent, chacun en ce qui le concerne, les mesures que comporte l’exécution des dispositions de la décision».

8

La décision no 1/95 réglemente de façon détaillée la mise en place de la phase définitive de l’union douanière, dont son annexe 7 concerne l’assistance mutuelle entre les autorités administratives compétentes de la Communauté et celles de la République de Turquie en matière douanière.

9

Les articles 3 et 7 de cette annexe prévoient des règles régissant respectivement l’assistance que se doivent ces autorités sur la demande de l’une d’entre elles et l’exécution d’une telle demande d’assistance.

10

En outre, selon l’article 15 de la décision no 1/96 du Comité de coopération douanière CE-Turquie, du 20 mai 1996, portant modalités d’application de la décision no 1/95 (JO L 200, p. 14), les États membres et la République de Turquie se prêtent mutuellement assistance, en vue d’assurer l’application correcte des dispositions de cette décision, par l’entremise de leurs administrations douanières respectives et dans le cadre de l’assistance mutuelle prévue à l’annexe 7 de la décision no 1/95, pour le contrôle de l’authenticité et de la régularité des certificats.

11

Par ailleurs, l’article 13, paragraphe 2, de la décision no 1/96 énonce:

«Le bureau de douane où est effectué le fractionnement délivre un extrait du certificat A. TR. pour chaque partie de l’envoi fractionné en utilisant à cette fin un formulaire du certificat A. TR.

La case 12 de l’extrait doit faire mention du numéro d’enregistrement, de la date, du bureau et du pays de délivrance du certificat initial […]»

La réglementation relative au remboursement et à la remise des droits de douane

12

L’article 239, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «CDC»), énonce:

«Il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation […] dans des situations […]:

[…]

qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. Les situations dans lesquelles il peut être fait application de cette disposition ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin sont définies selon la procédure du comité. […]»

13

L’article 905, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO L 253, p. 1, ci-après le «règlement d’application du CDC»), prévoit:

«Lorsque l’autorité douanière de décision, saisie de la demande de remboursement ou de remise au titre de l’article 239, paragraphe 2, du [CDC], n’est pas en mesure, sur la base de l’article 899, de décider et que la demande est assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé, l’État membre dont relève cette autorité transmet le cas à la Commission pour être réglé conformément à la procédure prévue aux articles 906 à 909. […]»

14

L’article 904, sous c), du règlement d’application du CDC dispose:

«Il n’est pas procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation lorsque, selon le cas, le seul motif à l’appui de la demande de remboursement ou de remise est constitué par:

[…]

c)

la présentation, même de bonne foi, pour l’octroi d’un traitement tarifaire préférentiel en faveur de marchandises déclarées pour la libre pratique, de documents dont il est établi ultérieurement qu’ils étaient faux, falsifiés ou non valables pour l’octroi de ce traitement tarifaire préférentiel.»

15

L’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC dispose qu’il n’est pas procédé à une prise en compte a posteriori des droits résultant d’une dette douanière lorsque le montant des droits légalement dus n’a pas été pris en compte par la suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane.

Les antécédents du litige

16

La requérante est une société de droit italien, filiale à 95,1 % de Steinhauser GmbH, établie à Ravensburg. Son activité essentielle consiste à transformer des concentrés de jus de fruits importés et elle exerce parallèlement une activité d’importatrice de ces produits en Italie.

17

Selon les constatations du Tribunal, entre le 5 avril 1995 et le 20 novembre 1997, la requérante a importé et mis en libre pratique dans la Communauté du jus de pomme et de poire concentrés, déclarés comme étant en provenance et originaires de Turquie. L’importation dans la Communauté de ce type de produit a été faite à l’aide de certificats A. TR. 1, de sorte que ces produits ont bénéficié de l’exonération des droits de douane prévue par l’accord d’association et le protocole additionnel à cet accord, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) no 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (JO L 293, p. 1).

18

Le service des douanes de Ravenne (Italie) a effectué un contrôle documentaire a posteriori concernant l’authenticité du certificat A. TR. 1 D 141591, présenté par la requérante lors de l’une des opérations d’importation comprises dans la période susmentionnée. Conformément aux dispositions applicables en cette matière, la demande de vérification de l’authenticité dudit certificat a été adressée aux autorités turques.

19

Par lettre du 15 mai 1998, ces dernières ont informé le service des douanes de Ravenne qu’il résultait du contrôle effectué que ce certificat n’était pas authentique, étant donné qu’il n’avait pas été délivré par les autorités douanières turques. Elles annonçaient, par ailleurs, que d’autres contrôles seraient effectués.

20

En conséquence, les autorités italiennes ont procédé au contrôle a posteriori de 103 certificats A. TR. 1 présentés par la requérante lors de diverses opérations d’importation.

21

Par lettre du 10 juillet 1998, la représentation permanente de la République de Turquie auprès de l’Union européenne (ci-après la «représentation permanente turque») a informé la Commission que 22 certificats A. TR. 1 présentés par la requérante et énumérés dans l’annexe à cette lettre, concernant les exportations de la société turque Akman vers l’Italie, étaient faux.

22

À la suite de cette lettre, entre le 12 et le 15 octobre 1998 ainsi que le 30 novembre et le 2 décembre 1998, l’unité de coordination de la lutte antifraude (UCLAF) de la Commission, le précurseur de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), a entrepris des vérifications en Turquie.

23

Par lettre du 8 mars 1999, la représentation permanente turque a informé le service des douanes de Ravenne que 32 certificats A. TR. 1 présentés par la requérante (ci-après les «certificats litigieux»), incluant 18 certificats énumérés dans l’annexe de la lettre du 10 juillet 1998, n’étaient pas réguliers et n’avaient été ni établis ni validés par les autorités turques. Lesdits certificats étaient désignés dans l’annexe de cette lettre.

24

Par la suite, le caractère inauthentique ou irrégulier d’un important nombre de certificats A. TR. 1 a fait l’objet d’une abondante correspondance entre la Commission, les autorités turques et les autorités italiennes, dans laquelle figurent, notamment, les lettres des autorités turques des 22 avril 1999 et 16 juillet 1999.

25

Les autorités italiennes ont estimé qu’il ressortait de l’ensemble de cette correspondance que les autorités turques considéraient que 48 certificats A. TR. 1, en ce compris les certificats litigieux, étaient soit inauthentiques, soit irréguliers.

26

En l’espèce, les certificats litigieux étaient considérés comme des «faux», étant donné qu’ils n’avaient été ni délivrés ni validés par les bureaux de douane turcs. En revanche, les seize autres certificats (correspondant à des droits de douane d’un montant total de 1904763758 ITL, soit 983728,38 euros) étaient qualifiés d’«invalides», étant donné que, bien qu’ils aient été délivrés par les autorités douanières turques, les marchandises concernées n’étaient pas originaires de Turquie.

27

Dans la mesure où l’ensemble des 48 certificats avait été qualifié soit de «faux», soit d’«invalide», les marchandises couvertes par ceux-ci ne pouvaient bénéficier du traitement préférentiel accordé aux importations de produits agricoles turcs. En conséquence, l’administration des douanes italienne a réclamé à la requérante l’acquittement des droits de douane dus, d’un montant total de 5200954129 ITL, soit 2686068,63 euros.

28

Par lettre du 28 mars 2000, la requérante, se fondant sur les articles 220, paragraphe 2, sous b), 236 et 239 du CDC, a adressé au service des douanes de Ravenne une demande de non-prise en compte a posteriori et de «remboursement» des droits à l’importation réclamés. À l’appui de sa demande, la requérante invoquait sa bonne foi, les erreurs indécelables des autorités compétentes ainsi que des manquements imputables à celles-ci.

29

À la suite de la demande de la requérante, les autorités italiennes ont demandé à la Commission de décider s’il était justifié, d'une part, en vertu de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, de ne pas procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation réclamés à la requérante et, d'autre part, en vertu de l'article 239 du CDC, d’octroyer le «remboursement» de ces droits.

30

Par lettre du 3 juin 2002, la Commission a demandé certaines informations complémentaires aux autorités italiennes, qui ont répondu par lettre du 7 juin 2002.

31

Par lettre du 25 juillet 2002, la Commission a informé la requérante de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande. Avant de prendre une décision définitive, la Commission a toutefois invité la requérante à lui faire part de ses observations éventuelles et à accéder au dossier, afin de prendre connaissance des documents non confidentiels.

32

Le 6 août 2002, les représentants de la requérante ont consulté le dossier administratif dans les locaux de la Commission. Ils ont, par ailleurs, signé une déclaration confirmant avoir eu accès aux documents mentionnés en annexe à celle-ci.

33

Le 18 octobre 2002, la Commission a adopté la décision litigieuse, notifiée à la requérante le 21 novembre 2002. En premier lieu, la Commission a conclu qu’il était justifié de prendre en compte les droits à l’importation faisant l’objet de la demande.

34

En deuxième lieu, la Commission a conclu qu’il était justifié de procéder au «remboursement» des droits à l’importation pour la partie de la demande relative aux seize certificats «invalides», dans la mesure où la requérante se trouvait, à leur égard, dans une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC.

35

En troisième lieu, en ce qui concerne les certificats litigieux, la Commission a, en revanche, conclu que les circonstances invoquées par la requérante n’étaient pas de nature à créer une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC. Par conséquent, la Commission a décidé, à l’article 2 de la décision litigieuse, qu’il n’était pas justifié de procéder au «remboursement» des droits à l’importation y afférents, d’un montant de 1702340,25 euros.

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

36

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2003, la requérante a demandé l’annulation de l’article 2 de la décision litigieuse.

37

Au soutien de ses conclusions, elle a invoqué trois moyens, tirés d’une violation respectivement de ses droits de la défense, de l’article 239 du CDC et de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

38

Le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

Sur le premier moyen

39

Par son premier moyen, la requérante a fait valoir que ses droits de la défense ont été violés au cours de la procédure administrative en ce que, bien qu’elle ait eu accès au dossier contenant les pièces sur lesquelles la Commission avait fondé la décision litigieuse, elle n’a, toutefois, pas eu accès à des documents ayant une importance décisive pour l’appréciation globale que la Commission a faite de la situation.

40

Le Tribunal a toutefois rejeté ce moyen pour les motifs exposés aux points 87 à 102 de l’arrêt attaqué.

Sur le deuxième moyen

41

Le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 239 du CDC, s’articule autour de quatre branches. La première branche concerne la qualification incorrecte du certificat de circulation A. TR. 1 D 437214. Les deuxième et troisième branches exposent respectivement les graves manquements imputés aux autorités turques et ceux imputés à la Commission, afin de démontrer l’existence d’une situation particulière aux termes dudit article. Enfin, la quatrième branche concerne l’absence de négligence manifeste de la requérante et l’appréciation des risques commerciaux.

42

En ce qui concerne la première branche de ce moyen, après avoir rappelé que la détermination de l’origine des marchandises est fondée sur une répartition des compétences entre les autorités de l’État d’exportation et celles de l’État d’importation, en ce sens que l’origine est établie par les autorités de l’État d’exportation, le Tribunal a, d’abord, examiné la correspondance échangée entre la Commission et les autorités italiennes et turques.

43

À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 122 de l’arrêt attaqué, que la Commission s’est fondée essentiellement sur la lettre des autorités turques du 8 mars 1999, adressée au service des douanes de Ravenne, pour ce qui est de la partie de la décision litigieuse concernant les certificats en cause.

44

Toutefois, en comparant la teneur de cette lettre et de celle des communications subséquentes des autorités turques, le Tribunal a, aux points 124 à 128 de l’arrêt attaqué, relevé l’existence d’ambiguïtés en ce qui concerne la qualification du certificat D 437214 et que la Commission n’avait valablement pas pu conclure à la falsification dudit certificat avant l’adoption de la décision litigieuse.

45

Cependant, sur la base d’une lettre du 22 août 2003, donc postérieure à la décision litigieuse, dans laquelle les autorités turques ont confirmé leurs conclusions contenues dans leur lettre du 8 mars 1999, le Tribunal a jugé que cette considération ne suffisait pas, à elle seule, pour emporter l’annulation de la décision litigieuse, parce que la requérante n’avait aucun intérêt légitime à l’annulation pour vice de forme d’une décision, dans le cas où l’annulation de la décision ne pourrait que donner lieu à l’intervention d’une nouvelle décision, identique, quant au fond, à la décision annulée.

46

Le Tribunal a, ensuite, examiné la deuxième branche du deuxième moyen portant sur diverses allégations de manquements imputables aux autorités turques qui reposent essentiellement sur la thèse selon laquelle lesdites autorités ont effectivement délivré et visé les certificats litigieux.

47

À cet égard, le Tribunal, après avoir considéré, aux points 150 à 152 de l’arrêt attaqué, que, d’une part, la constatation du caractère original ou falsifié des documents émis par les autorités turques était du ressort exclusif de celles-ci et que, d’autre part, lesdites autorités ont conclu au caractère falsifié des certificats litigieux, a rejeté l’argument de la requérante selon lequel les empreintes des cachets et des signatures apposés sur les certificats litigieux démontrent qu’ils ont vraisemblablement été délivrés et authentifiés par les autorités turques.

48

Il a, enfin, relevé que ni l’accord d’association ni ses dispositions d’application ne prévoient explicitement la tenue de registres des certificats délivrés par les autorités turques.

49

Néanmoins, le Tribunal a reconnu que l’annexe II, point II, paragraphe 12, de la décision no 1/96 prévoit l’inscription, à la case 12 des certificats A. TR. 1, du numéro du document et que l’article 13 de cette même décision prévoit que, en cas de fractionnement de certificats, la case 12 de l’extrait mentionne, en particulier, le numéro d’enregistrement du certificat initial.

50

Toutefois, il a considéré que cela n’implique pas qu’il s’agisse de certificats authentiques, parce que les faussaires auraient tout intérêt à utiliser pour les certificats falsifiés un numéro d’enregistrement correspondant à un certificat régulier.

51

En ce qui concerne la troisième branche du deuxième moyen, relative à une série d’allégations de manquements imputables à la Commission, le Tribunal s’est appuyé sur les enquêtes menées par l’UCLAF en Turquie pour conclure que la Commission a effectivement veillé à la bonne application de l’accord d’association.

52

Le Tribunal a également constaté, au point 240 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’a pas été en mesure de démontrer que la Commission s’est heurtée à des difficultés dans le cadre de l’assistance administrative convenue avec les autorités turques qui justifieraient la saisine du conseil d’association ou du comité mixte de l’union douanière CE-Turquie (ci-après le «comité mixte»).

53

Par la suite, le Tribunal a jugé que ni l’accord d’association, ni les décisions du conseil d’association, ni la réglementation communautaire applicable n’ont prévu une quelconque obligation de communication de spécimens de cachets et de signatures entre les parties contractantes, ni l’avertissement des importateurs en cas de doutes quant à la validité des transactions douanières effectuées par ces derniers dans le cadre d’un régime préférentiel, ni l’adoption par l’UCLAF d’une certaine méthode d’enquête.

54

Quant à la quatrième branche du deuxième moyen ayant trait à l’absence de négligence manifeste de la requérante, le Tribunal l’a rejetée comme inopérante après avoir relevé que la Commission ne s’est pas prononcée, dans la partie de la décision litigieuse relative aux certificats en cause, sur la question de la diligence ou de la négligence de la requérante.

Sur le troisième moyen

55

Le Tribunal a également rejeté le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, étant donné que la requérante n’avait pas démontré qu’un comportement actif de la part des autorités compétentes avait contribué à l’établissement ou à l’acceptation des certificats litigieux qui s’étaient révélés faux.

Sur les mesures d’organisation de la procédure et les mesures d’instruction requises

56

Enfin, le Tribunal a rejeté les offres de preuves et les mesures d’instruction demandées par la requérante, telles que, inter alia, la demande d’inviter la Commission à produire l’ensemble des documents que la requérante estime ne pas avoir pu consulter dans le cadre de l’accès au dossier administratif.

Les conclusions des parties

57

Par son pourvoi, la requérante conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler l’arrêt attaqué;

faire droit aux demandes présentées en première instance; à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il se prononce sur le fond du litige;

faire droit aux demandes de mesures d’organisation de la procédure formulées par la requérante dans ses mémoires des 28 janvier 2003, 4 août 2003 et 11 août 2003, ainsi que

condamner la défenderesse en première instance aux dépens.

58

La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

rejeter le pourvoi dans son intégralité;

faire droit aux conclusions de la Commission présentées en première instance, et

condamner la requérante aux dépens y compris à ceux exposés en première instance.

Sur le pourvoi

59

À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève neuf moyens.

60

En premier lieu, elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en déterminant la répartition des compétences entre l’État d’exportation et l’État d’importation dans la mesure où les autorités turques ne jouiraient pas, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, d’une compétence exclusive pour constater le caractère authentique ou non des certificats litigieux.

61

En deuxième lieu, la requérante invoque une violation de son droit d’accès au dossier qui ne saurait être limité aux seuls documents sur lesquels la Commission a fondé sa décision litigieuse.

62

Ses troisième et quatrième moyens sont tirés d’une répartition erronée de la charge de la preuve du fait que le Tribunal lui aurait imposé la totalité de cette charge, tout en rejetant ses offres de preuve et les mesures d’instructions qu’elle avait demandées.

63

Des erreurs dans la qualification juridique des manquements reprochés aux autorités turques et de la Commission font l’objet du cinquième moyen. À cet égard, la requérante invoque plusieurs griefs, concernant, l’appréciation des certificats litigieux en tant qu’irréguliers ou inauthentiques, la non-communication des spécimens de cachets et de signatures, la violation de l’obligation de mise en garde des importateurs, la façon dont les enquêtes ont été menées en Turquie et la non-divulgation de l’enregistrement des certificats litigieux.

64

Par son sixième moyen, elle critique l’arrêt attaqué en ce qu’il affirme que la Commission n’était pas tenue de saisir le comité mixte ou le conseil d’association.

65

La méconnaissance de son intérêt légitime quant à l’annulation de la décision litigieuse en ce qu’elle concerne le certificat A. TR. 1 D 437214 fait l’objet du septième moyen du pourvoi, alors que l’absence d’appréciation des considérations d’équité et des risques dans l’arrêt attaqué fait l’objet du huitième moyen.

66

Finalement, dans un neuvième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

Observations liminaires

67

Il y a lieu de signaler, en premier lieu, que la requérante fait valoir, lors de l’audience, que l’exécution de l’article 2 de la décision litigieuse n’a été que partiellement suspendue, une partie des droits à l’importation afférents aux certificats litigieux ayant été versée par celle-ci. Or, l’on se trouve, par conséquent, dans l’hypothèse tant de remboursement des droits à l’importation, en ce qui concerne les sommes qui ont été payées par la requérante, que de remise de tels droits, en ce qui concerne les droits pris en compte a posteriori, mais non payés par la requérante.

68

En deuxième lieu, il convient de souligner que la requérante a invoqué, à l’appui de son pourvoi, de nombreux griefs tenant tant à la violation des formes substantielles qu’à la violation de règles de fond. Toutefois, au vu des circonstances particulières de l’espèce et outre les moyens tirés d’une violation du droit d’accès au dossier et de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, ces griefs reviennent, en substance, à contester l’application faite par le Tribunal de l’article 239 du CDC, notamment en ce qui concerne l’existence d’une situation particulière au sens de ce même article. Dès lors, il convient d’examiner, d’emblée, l’ensemble de ces griefs.

Sur la violation de l’article 239 du CDC

Argumentation des parties

69

La requérante critique, en substance, la qualification juridique opérée par le Tribunal des manquements imputables, d’une part, aux autorités turques et, d’autre part, à la Commission.

70

Quant aux manquements reprochés aux autorités turques, la requérante estime que le Tribunal a commis une erreur de droit sur plusieurs aspects:

lors de l’appréciation des certificats litigieux, et en particulier du certificat A. TR. 1 D 437214, en tant que ceux-ci résulteraient de falsifications;

en ce qui concerne le manquement desdites autorités à leurs obligations relatives aux spécimens des cachets et des signatures qu’elles utilisent, et à l’enregistrement des certificats qu’elles délivrent;

dans le cadre de l’assistance mutuelle, sur l’existence d’un concours des autorités turques à l’établissement des certificats litigieux, et

sur d’autres éléments qui, selon elle, démontrent des manquements des autorités turques constitutifs d’une situation particulière à son égard.

71

En ce qui concerne les manquements reprochés à la Commission, la requérante fait valoir qu’il existe suffisamment d’indices objectifs qui plaident en faveur de la constatation de violations systématiques et volontaires de la part des autorités turques, lesquelles auraient dû justifier un contrôle renforcé du régime préférentiel de la part de la Commission.

72

La requérante est également d’avis, s’appuyant sur l’article 93 du règlement d’application du CDC et sur l’article 4 de la décision no 1/96, que la République de Turquie et la Commission étaient juridiquement tenues de communiquer des spécimens des cachets utilisés par les autorités douanières turques aux douaniers responsables ou de réclamer de tels spécimens et ce, même pendant la période de référence, à savoir 1995/1997.

73

Elle souligne que le Tribunal a également commis une erreur de droit en ne concluant pas que la Commission était tenue d’avertir les importateurs de concentrés de jus de fruits au plus tard vers la fin de l’année 1994 ou le début de l’année 1995, des irrégularités advenues en Turquie dans le cadre de l’établissement de certificats A. TR. 1, ainsi qu’elle était également tenue de saisir le comité mixte ou le conseil d’association.

74

En outre, l’UCLAF aurait manqué à ses obligations de mener une enquête correcte en Turquie, en ce que l’UCLAF n’aurait pas mis en œuvre un certain nombre de méthodes d’enquête.

75

Enfin, la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu le fait qu’il est contraire au principe d’équité qui sous-tend l’article 239 du CDC, vu le rapport entre l’opérateur économique et l’administration, de laisser la requérante subir le préjudice qui découle de la décision litigieuse.

76

La Commission estime, à titre liminaire, que les moyens soulevés par la requérante en ce qui concerne les manquements qui lui sont reprochés ainsi qu’aux autorités turques ne portent pas sur des questions de droit, mais consistent en des appréciations factuelles, qui ne peuvent être remises en cause dans le cadre d’un pourvoi.

77

En outre, elle affirme que les normes juridiques applicables en l’espèce n’imposaient ni à la République de Turquie ni à la Commission de transmettre des spécimens de cachets ou de signatures, pas plus que la tenue de registres des certificats A. TR. 1.

78

En ce qui concerne l’avertissement aux importateurs, la Commission rappelle que les importations litigieuses en l’espèce datent de la période allant du mois d’avril 1995 au mois de novembre 1997, alors que l’authenticité des certificats A. TR. 1 et la régularité de leur contenu n’ont commencé à susciter des doutes qu’ultérieurement, à savoir à partir de 1998.

79

Elle souligne également qu’elle n’avait aucune raison de saisir le comité mixte ou le conseil d’association en l’espèce, compte tenu de la coopération sans faille offerte par les autorités turques.

Appréciation de la Cour

— Sur la recevabilité

80

Conformément aux articles 225, paragraphe 1, CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit communautaire par ce dernier (voir, notamment, arrêt du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C-17/07 P, point 73).

81

À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque de nombreuses circonstances qui sont, à son avis, constitutives d’une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC.

82

Il est de jurisprudence constante qu’une telle situation particulière est établie lorsqu’il ressort des circonstances de l’espèce que le redevable se trouve dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant une même activité (voir, en ce sens, arrêts du 25 février 1999, Trans-Ex-Import, C-86/97, Rec. p. I-1041, points 21 et 22, ainsi que du 7 septembre 1999, De Haan, C-61/98, Rec. p. I-5003, points 52 et 53). Or, c’est au vu de ces circonstances qu’il importe d’examiner la question de savoir si celles-ci sont constitutives d’une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC.

83

Les griefs invoqués dans le cadre du pourvoi reviennent ainsi à critiquer l’application faite par le Tribunal dans l’arrêt attaqué de l’article 239 du CDC, en ce qu’il a jugé que les circonstances de l’espèce ne sont pas constitutives d’une situation particulière. Cette qualification juridique est une question de droit qu’il appartient à la Cour d’examiner dans le cadre d’un pourvoi.

84

L’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission doit, par conséquent, être écartée.

— Sur le fond

85

Il convient de souligner d’emblée que, selon une jurisprudence constante, l’article 239 du CDC constitue une clause générale d’équité (voir, notamment, arrêt du 3 avril 2008, Militzer & Münch, C-230/06, Rec. p. I-1895, point 50).

86

Conformément à l’article 239 du CDC, le redevable a droit au remboursement ou à la remise des droits de douane, pourvu que deux conditions soient satisfaites, à savoir l’existence d’une situation particulière et l’absence de négligence manifeste et de manœuvre de sa part.

87

Quant à la diligence de la requérante et l’absence de manœuvre de sa part, il convient de préciser que celles-ci ne font pas l’objet du présent pourvoi. En effet, ainsi que l’a constaté le Tribunal au point 295 de l’arrêt attaqué, la Commission ne s’est pas prononcée, dans la partie de la décision litigieuse relative aux certificats litigieux, sur la question de la diligence ou de la négligence de la requérante.

88

En ce qui concerne l’existence d’une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC, celle-ci est établie, ainsi qu’il a été rappelé au point 82 du présent arrêt, lorsqu’il ressort des circonstances de l’espèce que le redevable se trouve dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant une même activité et que, en l’absence de ces circonstances, il n’aurait pas subi le préjudice lié à la prise en compte a posteriori des droits de douane (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 1987, Coopérative agricole d’approvisionnement des Avirons, 58/86, Rec. p. 1525, point 22).

89

Ainsi, afin de déterminer si les circonstances de l’espèce sont constitutives d’une situation particulière n’impliquant ni négligence manifeste ni manœuvre de la part de l’intéressé au sens de l’article 239 du CDC, la Commission doit apprécier l’ensemble des données de fait pertinentes (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 1986, Oryzomyli Kavallas et Oryzomyli Agiou Konstantinou/Commission, 160/84, Rec. p. 1633, point 16).

90

Cette obligation implique, dans un cas comme celui de l’espèce où le redevable a invoqué, à l’appui de sa demande de remboursement ou de remise des droits à l’importation, l’existence de certains manquements graves de la part des autorités turques et de la Commission dans le cadre de l’application de l’accord d’association, que la Commission porte son appréciation, lors de l’examen de cette demande, sur l’ensemble des faits relatifs aux certificats litigieux dont elle a eu connaissance dans le cadre de sa fonction de surveillance et de contrôle de l’application correcte dudit accord.

91

Cette conclusion est d’ailleurs confortée par l’article 904, sous c), du règlement d’application du CDC qui prévoit qu’il n’est pas procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation, lorsque le «seul motif» à l’appui de la demande de remboursement ou de remise est constitué par la présentation, même de bonne foi, pour l’octroi d’un traitement tarifaire préférentiel, de documents dont il est établi ultérieurement qu’ils étaient faux, falsifiés ou non valables pour l’octroi dudit traitement. En d’autres termes, la présentation de certificats faux, falsifiés ou non valables n’est pas constitutive, en soi, d’une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC.

92

En revanche, d’autres circonstances invoquées à l’appui d’une demande de remboursement ou de remise des droits à l’importation, telles que le contrôle déficient de la part de la Commission de l’application correcte de l’accord d’association, peuvent constituer une telle situation particulière.

93

Or, si la Commission jouit d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’application de l’article 239 du CDC, elle ne saurait faire abstraction de son devoir de mettre effectivement en balance, d’une part, l’intérêt de la Communauté au plein respect des dispositions de la réglementation douanière, qu’elle soit communautaire ou liant la Communauté, et, d’autre part, l’intérêt de l’importateur de bonne foi à ne pas supporter des préjudices dépassant le risque commercial normal.

94

Cette mise en balance sous-tend l’économie dudit article 239 qui constitue, ainsi qu’il a été rappelé au point 85 du présent arrêt, une clause générale d’équité. En conséquence, lors de l’examen d’une demande de remboursement ou de remise des droits à l’importation, la Commission ne saurait valablement se contenter d’évaluer le comportement et les agissements de l’importateur et de l’exportateur. Elle doit également tenir compte, notamment, de l’incidence de son propre comportement, sur la situation concrète de l’espèce, dans le cadre de son devoir de surveillance et de contrôle.

95

À cet égard, il y a lieu de souligner qu’il découle de l’article 211 CE que la Commission, en tant que gardienne du traité CE et des accords conclus en vertu de celui-ci, est tenue de s’assurer de la correcte application par un pays tiers des obligations qu’il a contractées en vertu d’un accord conclu avec la Communauté par le biais des moyens prévus par l’accord ou par les décisions prises en vertu de celui-ci.

96

Cette obligation résulte également de l’accord d’association lui-même, ainsi que de nombreuses décisions adoptées pour son application. Ainsi, l’article 7 de cet accord, lu en combinaison avec l’article 211 CE, exige que la Commission prenne toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant dudit accord.

97

En outre, selon l’article 24 de ce même accord, la Commission est présente au sein du conseil d’association et participe, en tant que représentante de la Communauté, aux différents comités, institués par ce conseil, afin d’assurer la continuité de la coopération nécessaire au bon fonctionnement de l’accord. Ainsi, conformément à l’article 52, paragraphe 2, de la décision no 1/95, la Commission peut saisir le comité mixte au cas où des difficultés surviendraient pour la Communauté ou la République de Turquie lors de la mise en œuvre de cette décision.

98

Au demeurant, la Commission dispose d’une représentation permanente en Turquie, ce qui lui permet, à tout le moins, d’être informée, de manière fiable, sur les évolutions juridiques dans cet État et, plus particulièrement, sur l’état d’application dudit accord.

99

Il convient également de relever que, dans le cadre de son obligation de surveillance et de contrôle de l’application correcte de l’accord d’association, la Commission dispose d’importantes prérogatives.

100

Ainsi, la Commission peut demander, conformément aux dispositions de l’article 3 de l’annexe 7 de la décision no 1/95, aux autorités turques tout renseignement de nature à lui permettre de s’assurer que la législation douanière est correctement appliquée.

101

Cette institution peut également, aux termes du paragraphe 4, sous a), de ce même article, demander aux autorités turques de prendre des mesures nécessaires pour exercer une surveillance spéciale sur les personnes physiques ou juridiques dont il y a lieu raisonnablement de croire qu’elles commettent ou ont commis des opérations contraires à la législation douanière.

102

En outre, selon l’article 7, paragraphes 3 et 4, de ladite annexe, les fonctionnaires de la Commission dûment autorisés peuvent recueillir, dans les bureaux respectifs des autorités douanières turques, des renseignements relatifs aux opérations contraires à la législation douanière ou être présents aux enquêtes effectuées sur le territoire turc, avec l’accord et dans les conditions prévues par ces autorités.

103

Par ailleurs, il en va de même pour l’article 15 de la décision no 1/96 selon lequel, en vue d’assurer l’application correcte des dispositions de cette décision, les États membres et la République de Turquie se prêtent mutuellement assistance pour le contrôle de l’authenticité et de la régularité des certificats, par l’entremise de leurs administrations douanières respectives et dans le cadre de l’assistance mutuelle prévue à l’annexe 7 de la décision no 1/95.

104

Par conséquent, la Commission ne saurait valablement prétendre, comme elle l’a fait lors de l’audience, qu’elle se trouve dans la même situation que la requérante en ce qui concerne la vérification des faits qui se sont déroulés dans un pays tiers, à savoir en Turquie. Il lui incombe, tout au contraire, de faire pleinement usage des prérogatives dont elle dispose en vertu des dispositions de l’accord d’association et des décisions adoptées pour son application, afin de ne pas manquer à ses obligations de surveillance et de contrôle de l’application correcte dudit accord.

105

Un tel usage s’imposerait d’autant plus dans une situation où les exportations vers le même port communautaire, à savoir celui de Ravenne, par l’intermédiaire de la même société exportatrice turque, pendant la même période de référence, avaient été effectuées, selon les constatations figurant dans l’arrêt attaqué, sous le couvert tant de certificats irréguliers que de certificats inauthentiques.

106

Le plein usage des prérogatives dont dispose la Commission dans le cadre de son devoir de surveillance et de contrôle de l’application correcte de l’accord d’association s’impose également du fait que les appréciations portées par les autorités turques quant au caractère inauthentique ou irrégulier des certificats litigieux révèlent certaines ambiguïtés ou, à tout le moins, certaines incohérences.

107

Ainsi, comme le Tribunal l’a constaté aux points 120 à 128 de l’arrêt attaqué, une comparaison entre la teneur de la lettre des autorités turques du 8 mars 1999 et celle des communications subséquentes de ces mêmes autorités, telles que la lettre de la représentation permanente turque à l’UCLAF du 22 avril 1999, révèle des ambiguïtés en ce qui concerne le caractère prétendument inauthentique du certificat D 437214.

108

En ce qui concerne deux autres certificats A. TR. 1, dont l’authenticité a été évaluée par les autorités turques dans le cadre du même exercice de vérification a posteriori, même s’ils ne font pas partie des certificats litigieux, le Tribunal a, aux points 198 à 201 de l’arrêt attaqué, également constaté certaines incohérences en ce que les autorités turques les ont qualifiés, à différentes étapes de la procédure, soit de falsifiés, soit d’incorrects, soit encore de partiellement incorrects.

109

Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’arrêt attaqué, l’usage par lesdites autorités d’une variété de termes pour décrire le résultat de leurs vérifications des certificats en faisant l’objet, tels que, notamment, «faux» (lettre de la représentation permanente turque à l’UCLAF du 10 juillet 1998, mentionnée au point 41 de l’arrêt attaqué), «[non] corrects et [non] délivrés et visé par [le] bureau de douane [turc]» (lettre de la direction générale des douanes turque du 8 mars 1999, mentionnée au point 123 de l’arrêt attaqué), «incorrects et […] ne répondant pas aux règles d’origine» (lettre de la représentation permanente turque à l’UCLAF du 22 avril 1999, mentionnée au point 124 de l’arrêt attaqué), «incorrect[s]» (lettre de la direction générale des douanes turque du 16 juillet 1999, mentionnée au point 200 de l’arrêt attaqué), a également suscité des ambiguïtés.

110

De surcroît, les termes divergents employés par les autorités turques dans leur correspondance avec la Commission et les autorités douanières italiennes ne correspondent pas aux notions d’«authenticité» et de «régularité» prévues aux articles 11 de la décision no 5/72 et 15 de la décision no 1/96.

111

Les ambiguïtés et les incohérences précédemment décrites auraient dû conduire la Commission à s’interroger sur les appréciations portées par les autorités turques. Il incombait à la Commission, dans ces conditions, de s’assurer, dans le cadre de sa tâche de surveillance et de contrôle de l’application correcte de l’accord d’association, que les autorités turques avaient qualifié, de manière correcte, lesdits certificats comme soit irréguliers, soit inauthentiques.

112

Toutefois, force est de constater que la Commission n’a pas fait pleinement usage des prérogatives que lui confèrent l’accord d’association et ses dispositions d’application.

113

Tout d’abord, s’il est vrai que l’UCLAF a mené deux enquêtes en Turquie entre le 12 et le 15 octobre 1998, ainsi qu’entre le 30 novembre et le 2 décembre 1998, force est de constater que le Tribunal a jugé à tort que, au point 218 de l’arrêt attaqué, aucun élément probant ne permettait de supposer que l’UCLAF n’a pas pu mener une enquête approfondie, notamment auprès de l’administration des douanes de Mersin. Il ressort clairement des rapports de mission de l’UCLAF des 9 et 23 décembre 1998 que, parmi les organisations visitées par ses enquêteurs en Turquie ne figure pas le bureau de douane à partir duquel les produits en cause ont été exportés vers la Communauté, à savoir celui de Mersin. Ainsi, ils n’ont pas pu vérifier le caractère authentique ou non des certificats litigieux. En effet, les deux rapports de mission de l’UCLAF des 9 et 23 décembre 1998 ne traitent pas la question de savoir si les certificats litigieux ont été effectivement falsifiés ou, en revanche, erronément délivrés par les autorités turques.

114

Cette constatation est confirmée par une lettre du 9 décembre 1998, c’est-à-dire postérieurement aux enquêtes menées par l’UCLAF en Turquie, dans laquelle le directeur de l’UCLAF, M. Knudsen, a demandé aux autorités turques de donner «instamment» leur accord à une vérification conjointe dans le bureau de douane de Mersin, afin d’obtenir des détails concernant toutes les exportations de concentrés de jus de fruits depuis la fin de 1993 effectuées par la société Akman.

115

Il ne saurait être contesté, à cet égard, que, pour effectuer une vérification dans les bureaux respectifs des autorités douanières turques, la Commission devait avoir, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe 7 de la décision no 1/95, l’accord desdites autorités. Il suffit de souligner que la Commission n’a nullement fait état du défaut d’accord de la part des autorités turques qui l’aurait empêchée d’effectuer une telle vérification sur place.

116

Ensuite, il ressort des points 244 à 259 de l’arrêt attaqué que la Commission n’a pas exigé des autorités turques les spécimens des empreintes des cachets utilisés dans le bureau de douane de Mersin et ne les a pas communiqués aux autorités douanières des États membres. Le Tribunal a conclu à cet égard que, pendant toute la période couvrant les importations litigieuses, la République de Turquie et la Commission n’étaient soumises à aucune obligation de se communiquer mutuellement les spécimens des empreintes des cachets utilisés par les bureaux de douane.

117

Or, c’est la communication des spécimens des empreintes des cachets et des signatures utilisés dans ces bureaux qui permet d’effectuer une surveillance effective quant au respect des règles douanières relatives aux préférences tarifaires.

118

L’obligation incombant à la Commission de veiller à ce que l’accord d’association soit correctement appliqué exige que celle-ci, et par son intermédiaire les autorités douanières des États membres, dispose à chaque instant de tous les éléments susceptibles de lui permettre de procéder à un contrôle efficace, les spécimens d’empreintes des cachets et de signatures constituant incontestablement de tels éléments.

119

Force est également de souligner que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 255 de l’arrêt attaqué, il ressort sans aucune ambiguïté du libellé de l’article 15, paragraphe 1, de la décision no 1/96, telle que modifiée par la décision no 2/97 du Comité de coopération douanière CE-Turquie, du 30 mai 1997 (JO L 249, p. 18), entrée en vigueur le 1er septembre 1997, c’est-à-dire au cours de la période couvrant les importations litigieuses, que «les autorités douanières des États membres, de la Commission et de la [République de] Turquie se communiquent mutuellement, par l’intermédiaire de la Commission […], les spécimens des empreintes des cachets utilisés dans leurs bureaux pour la délivrance des certificats de circulation des marchandises A. TR.».

120

En tout état de cause, même avant l’entrée en vigueur de cette décision, la Commission aurait dû, en vue de permettre l’application correcte de l’accord d’association, demander aux autorités turques de lui communiquer lesdits spécimens sur le fondement de l’article 3 de l’annexe 7 de la décision no 1/95, qui l’autorise à demander «tout renseignement de nature à lui permettre de s’assurer que la législation douanière est correctement appliquée».

121

Le fait que la République de Turquie a transmis les empreintes des cachets utilisés pour les certificats A. TR. 1 de façon volontaire, ainsi que l’a constaté le Tribunal au point 258 de l’arrêt attaqué, ne remet pas en cause la conclusion que la Commission a manqué à son obligation d’exiger des autorités turques que lui soient communiqués les spécimens des empreintes des cachets et des signatures utilisés dans le bureau de douane de Mersin et de les communiquer, à son tour, aux autorités douanières des États membres.

122

Enfin, il ressort également des points 153 à 160 de l’arrêt attaqué que la Commission s’est simplement contentée d’observer que ni l’accord d’association ni les dispositions d’application ne prévoyaient explicitement la tenue, en Turquie, de registres dans lesquels les certificats de douane étaient inscrits et que, de toute façon, l’existence éventuelle de tels registres n’impliquerait pas qu’il s’agisse de certificats authentiques, étant donné que les faussaires auraient tout intérêt à utiliser pour les certificats falsifiés un numéro d’enregistrement correspondant à un certificat régulier. Ce raisonnement a été admis par le Tribunal aux points 161 et 162 de l’arrêt attaqué.

123

Cette thèse ne saurait cependant prospérer. Force est de souligner, à cet égard, que l’enregistrement des certificats délivrés par les autorités douanières est une pratique indispensable dans les échanges internationaux. En effet, le défaut de tels registres risque de réduire à néant l’efficacité de tout contrôle a posteriori des certificats délivrés par les autorités douanières respectives.

124

Par ailleurs, l’obligation pour les autorités turques d’enregistrer les certificats A. TR. 1 découle, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 161 de l’arrêt attaqué, des dispositions d’application de l’accord d’association. En effet, l’article 13 de la décision no 1/96 prévoit que, en cas de fractionnement des certificats, la case 12 de l’extrait mentionne, en particulier, le numéro d’enregistrement du «certificat initial». Or, même si cet article 13 s’applique au cas spécifique du fractionnement des certificats, il est clair que, à la case 12 du formulaire du certificat A .TR. 1 doit figurer le numéro de l’enregistrement du «certificat initial», c’est-à-dire que le certificat initial doit, en tout état de cause, également être enregistré dans les registres douaniers de l’État d’exportation.

125

En ce qui concerne l’affirmation du Tribunal figurant au point 162 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les faussaires auraient tout intérêt à utiliser un numéro d’enregistrement correspondant à un certificat régulier qui avait déjà été enregistré, elle n’est pas de nature à dispenser la Commission de son obligation de veiller à l’application correcte de l’accord d’association.

126

Au contraire, étant donné que cette affirmation implique une double importation dans la Communauté effectuée sous le couvert de certificats A. TR. 1 ayant le même numéro d’enregistrement, l’un authentique et l’autre inauthentique, la Commission aurait dû vérifier si une telle double importation dans la Communauté sous le couvert de certificats A. TR. 1 portant le même numéro d’enregistrement avait effectivement eu lieu. Or, il peut être déduit des arguments de la Commission tant devant le Tribunal que devant la Cour que tel n’a pas été le cas.

127

En outre, étant donné qu’aucune des deux missions de l’UCLAF n’a été menée au bureau de douane de Mersin, ainsi qu’il a été rappelé au point 113 du présent arrêt, elles n’ont pas pu vérifier non plus l’existence de tels registres, ainsi que l’inscription ou l’absence d’inscription des certificats litigieux dans ces registres.

128

Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission a manqué à ses obligations de surveillance et de contrôle de l’application correcte de l’accord d’association.

129

Or, en l’absence de ce manquement de la part de la Commission, les falsifications des certificats litigieux auraient pu être découvertes et élucidées dès les premières importations dans la Communauté et l’échelle des pertes financières, tant pour le budget communautaire que pour la requérante, aurait pu être limitée. D’ailleurs, la Commission aurait ainsi pu, dès la découverte de telles falsifications, mettre en garde les importateurs en temps utile et saisir, le cas échéant, le comité mixte.

130

En tout état de cause, si la Commission avait fait pleinement usage des prérogatives dont elle dispose dans le cadre de l’accord d’association, les doutes quant au caractère inauthentique ou irrégulier des certificats litigieux auraient pu être dissipés et leur authenticité ou inauthenticité aurait pu être établie avec certitude.

131

Il s’ensuit que ce manquement de la part de la Commission est constitutif d’une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC.

132

En jugeant donc que l’existence d’une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC n’était pas établie, le Tribunal a fait une application incorrecte de cet article 239 et a donc commis une erreur de droit.

133

Ce moyen est, par conséquent, fondé.

134

Eu égard à ce qui précède, il n’y a pas lieu d’examiner les moyens tirés de la violation du droit d’accès au dossier et de la violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

Les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué

135

Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.

136

Il résulte de l’ensemble des considérations développées aux points 85 à 133 du présent arrêt que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les conditions prévues à l’article 239 du CDC n’étaient pas satisfaites et que, par conséquent, il n’y avait pas lieu de procéder au remboursement ou à la remise des droits à l’importation relatifs aux certificats litigieux. Il convient donc d’annuler l’article 2 de la décision litigieuse.

Sur les dépens

137

En vertu de l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

138

Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens des deux instances.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

 

1)

L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 6 février 2007, CAS/Commission (T-23/03), est annulé.

 

2)

L’article 2 de la décision de la Commission du 18 octobre 2002 (REC 10/01) est annulé.

 

3)

La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens des deux instances.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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