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Document 52000IE1197

Avis du Comité économique et social sur "Le rôle de l'Union européenne pour une politique pharmaceutique qui réponde aux besoins des citoyens: améliorer l'assistance, relancer la recherche innovatrice, maîtriser les dépenses de santé"

JO C 14 du 16.1.2001, p. 122–132 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52000IE1197

Avis du Comité économique et social sur "Le rôle de l'Union européenne pour une politique pharmaceutique qui réponde aux besoins des citoyens: améliorer l'assistance, relancer la recherche innovatrice, maîtriser les dépenses de santé"

Journal officiel n° C 014 du 16/01/2001 p. 0122 - 0132


Avis du Comité économique et social sur "Le rôle de l'Union européenne pour une politique pharmaceutique qui réponde aux besoins des citoyens: améliorer l'assistance, relancer la recherche innovatrice, maîtriser les dépenses de santé"

(2001/C 14/24)

Le 23 février 1999 le Comité économique et social a décidé, conformément aux dispositions de l'article 23, paragraphe 3, de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème susmentionné.

La section "Marché unique production et consommation", chargée de préparer les travaux en la matière, a élaboré son avis le 19 juillet 2000 (rapporteur: M. Colombo).

Lors de sa 376e session plénière du 19 octobre 2000, le Comité a adopté le présent avis par 81 voix pour, 3 voix contre et 7 abstentions.

1. Introduction

1.1. Le présent avis d'initiative s'inscrit dans le cadre de l'initiative du Comité économique et social intitulée "L'Europe des citoyens" et entend aborder un certain nombre d'aspects importants de la politique pharmaceutique dans les États membres de l'UE. Il met au centre de son analyse les intérêts du patient, ses attentes, son droit à un degré élevé de protection de la santé, tout en reconnaissant le rôle important que joue la pharmacothérapie dans la société moderne.

1.2. Le citoyen européen attend avec une grande insistance la possibilité d'accéder à des médicaments sûrs, efficaces et de qualité élevée, de disposer de sources indépendantes d'information, et la garantie de pouvoir disposer à temps de toutes les innovations produites. Même les médicaments innovateurs récemment commercialisés doivent être rapidement disponibles à des prix raisonnables pour tous les citoyens européens.

1.3. Il convient dès lors de satisfaire à ces attentes en réalisant un saut de qualité par le choix d'une approche qui identifierait les systèmes capables de mettre en relation, d'une part, une évaluation attentive des besoins des patients et, de l'autre, l'efficacité et le bien-fondé des réponses que le système de santé apporte à ces besoins, au moyen des médicaments.

1.4. Le Comité est conscient que le financement du marché pharmaceutique doit être vu en étroite connexion avec les problématiques des régimes de protection sociale des différents États membres. Conformément à l'article 152, ces systèmes relèvent de la compétence exclusive des États membres et sont sujets à une grande pression sur le plan des coûts, due surtout aux tendances démographiques actuelles, à l'amélioration des techniques de diagnostic et aux progrès dans le domaine de la médecine.

1.5. Le présent avis d'initiative entend par ailleurs attirer l'attention sur le problème des dépenses croissantes auxquelles sont confrontés les États membres dans le secteur de la santé, et sur les difficultés croissantes que rencontrent les organismes chargés de leur financement. Même si dans certains États membres les dépenses pharmaceutiques augmentent dans une mesure inférieure à celle des autres composantes des dépenses de santé, le Comité est conscient du risque que sous l'effet de certains produits pharmaceutiques hautement innovateurs et coûteux, les dépenses imputables aux régimes de protection sociale des États membres puissent subir dans un futur immédiat une augmentation sensible. Si cette tendance devait se vérifier, elle rendrait difficile d'assurer les niveaux actuels d'assistance aux patients alors que croissent, précisément, les attentes des citoyens en termes de qualité de vie.

1.6. Il convient de réagir à cette situation dans le respect des principes communautaires tels que, par exemple, la liberté de commercialisation et de circulation des services et des exigences de protection sociale des citoyens européens. Pour concilier ces aspects il est nécessaire, selon le Comité économique et social, de supprimer les obstacles qui freinent l'achèvement du marché intérieur des produits pharmaceutiques.

1.7. L'étendue des problèmes qui freinent encore la libre circulation des médicaments dans l'Union européenne est apparue dans toute son évidence lors de la "Troisième table ronde Bangemann" qui s'est tenue à Paris en décembre 1998, sur le thème des perspectives de la législation communautaire du secteur. À cette occasion, on n'a pas pu dégager de consensus sur les solutions à apporter aux problèmes en discussion, de même que l'on ne peut envisager d'interventions unilatérales des États membres ou de la Commission aux termes du Traité, pas plus qu'il n'apparaît que des progrès significatifs auraient été enregistrés lors des rencontres successives appelées "Dialogue tripartite".

1.8. Une telle situation de surplace n'est pas acceptable dans un processus d'intégration européenne croissante. Aussi le Comité sollicite-t-il une intervention du Conseil Marché intérieur afin qu'il revienne sur le sujet avec une vigueur accrue, après la position exprimée le 18 mai 1998, en relançant toute la problématique du secteur.

1.9. Dans ses nombreuses contributions sur les thèmes du développement et de l'importance de l'industrie pharmaceutique en Europe, le Comité économique et social a toujours défendu énergiquement le rôle stratégique de cette industrie. Dans son avis d'initiative sur la "Libre circulation des médicaments dans l'UE: élimination des barrières existantes"(1), il avait notamment suggéré un parcours pour renforcer progressivement la présence industrielle du secteur pharmaceutique en Europe sans en remettre en question les deux principes de base: l'accès rapide des patients aux nouveaux produits et la nécessité de maîtriser les dépenses à charge des États membres.

1.10. Ces orientations, essentielles à une action au niveau communautaire, sont cependant restées pour une bonne part lettre morte. Le développement du marché intérieur n'a que très peu progressé ces dernières années vers la libre circulation bien que la Cour de justice d'une part et le Conseil Marché intérieur du 18 mai 1998 d'autre part aient invité les autorités communautaires à remédier aux distorsions causées par la diversité des législations en vigueur dans les différents États membres, en donnant leur soutien à la définition de modalités concrètes en vue d'une déréglementation progressive du marché pharmaceutique.

1.11. La tendance à vouloir maintenir le statu quo pèse défavorablement sur l'action de la Commission, qui se heurte à bien des obstacles sur le chemin législatif à parcourir. Cette situation ne permet pas à l'ensemble des citoyens européens d'accéder dans une mesure identique aux médicaments et agit de façon défavorable sur la compétitivité de l'industrie pharmaceutique européenne.

1.12. Il convient par conséquent que la Communauté et les États membres donnent suite à l'initiative du Comité afin de rattraper le retard du secteur en identifiant les responsabilités, les compétences et les mandats correspondants et en indiquant les objectifs nécessaires pour permettre aux citoyens européens de bénéficier dans la même mesure des avantages qu'offre le médicament en termes de santé et ramener l'industrie pharmaceutique à un niveau élevé de compétitivité.

1.13. Telles sont les raisons qui ont incité le Comité économique et social à vouloir aborder cette problématique sous un angle nouveau: centrer son analyse sur les besoins des citoyens et examiner dans quelle mesure le "système pharmaceutique" répond à leurs besoins.

2. Rôle du médicament dans la société

2.1. Depuis les temps les plus reculés, le médicament a toujours constitué un élément central de la pratique thérapeutique. Ce rôle s'est accentué dans la société industrielle.

2.2. Tout au long des dernières décennies, les gouvernements européens ont eu pour politique de considérer le médicament comme un bien social et de garantir à tous les citoyens une assistance sanitaire, surtout pharmaceutique. Ce principe n'est pas remis en cause par des stratégies plus récentes tendant, d'une part, à améliorer l'efficacité du service de santé publique et, de l'autre, à ouvrir des brèches en vue d'une présence plus affirmée du secteur privé dans la santé.

2.3. Il est dès lors nécessaire que les médicaments réellement innovateurs soient mis à la disposition des citoyens le plus rapidement possible, et en tout cas dans les limites de temps prévues par la législation en vigueur, sans ralentissements imputables à des négociations prolongées pour la fixation de leur prix, sans prétendus besoins de classification ou d'insertion de notices pour en limiter l'emploi, et en évitant que les industries ne refusent de les mettre sur le marché pour des motifs purement économiques.

2.4. En effet, selon le Comité, la politique suivie par les États membres en matière de santé publique ne doit pas refuser le support thérapeutique nécessaire, surtout quand une utilisation correcte des médicaments non seulement apporte une réponse appropriée à de nombreuses maladies, mais constitue de plus une source d'économie lorsque cela permet de réduire les coûts d'autres secteurs de la santé.

2.5. Le Comité a déjà émis un avis favorable sur la proposition de Règlement concernant les médicaments orphelins(2). À cette occasion, il a suggéré un certain nombre d'améliorations en vue d'étendre son application et d'accélérer la procédure d'enregistrement. Ces améliorations ont pour but, précisément, de répondre au besoin de rechercher, de produire et de mettre à disposition des médicaments qui répondent le mieux possible aux besoins des patients et cela peut aller jusqu'au concept extrême d'un médicament créé sur mesure pour sauver la vie d'un seul citoyen.

3. Importance d'une industrie pharmaceutique innovatrice et compétitive

3.1. Une industrie européenne compétitive et innovatrice est à même de garantir la disponibilité de nouveaux médicaments plus efficaces et sûrs, tout en apportant à court terme des avantages indéniables en termes d'emploi de haut niveau qualitatif, de contribuer largement à rendre la balance commerciale favorable et, à long terme, de réduire la dépense sanitaire par la réduction de la durée des hospitalisations et de la dépendance vis-à-vis des importations en provenance d'autres zones géographiques.

3.2. En Europe, le médicament a sûrement joué un rôle essentiel, surtout au cours des 40 dernières années, dans l'amélioration du niveau de santé des citoyens et il faut reconnaître à l'industrie pharmaceutique le mérite d'avoir approvisionné sans cesse le marché en nouveaux produits pour affronter de nouvelles maladies et améliorer le traitement des maladies traditionnelles. L'évolution de ce processus doit cependant être maintenue dans les limites d'un rapport étroit entre intérêts économiques des entreprises et besoins sanitaires des citoyens.

3.3. À l'heure actuelle, l'industrie pharmaceutique se caractérise par:

- un degré élevé de sophistication et de spécialisation technologique;

- des investissements dans la recherche et le développement plus élevés que la moyenne des différents secteurs industriels;

- des stratégies de commercialisation complexes qui reflètent la complexité du secteur pharmaceutique, caractérisé par une forte asymétrie au niveau de l'information entre l'offre et la demande, une désorganisation de la demande qui se manifeste dans des combinaisons variables de trois figures: consommateur, prescripteur, payeur;

- une capacité d'intégrer ou de définir des systèmes de réglementation ou de contrôle de plus en plus sophistiqués et complexes.

Les rares études disponibles donnent à penser, du moins en ce qui concerne les États-Unis, que ces caractéristiques ont permis au secteur pharmaceutique de réaliser des profits plus élevés que la moyenne des autres secteurs industriels.

3.4. Il ne faut pas négliger l'effet positif que cette industrie produit non seulement sur les activités induites traditionnelles mais aussi sur celles qui se déroulent en collaboration avec les universités et avec les hôpitaux, pour la recherche et les études cliniques nécessaires pour remplir les conditions fixées par la réglementation européenne (règlement 2309/93, directive 75/318/CEE et modifications successives, ainsi que 93/39/CEE et 93/40/CEE).

3.5. La proposition de directive concernant le rapprochement des dispositions relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain(3), sur laquelle le Comité s'est déjà exprimé, constitue un pas en avant supplémentaire vers un cadre normatif harmonisé entre les États membres. Le Comité souhaite que cette directive soit adoptée sans tarder, en y incluant les suggestions faites par le Comité pour la rendre plus efficace.

3.6. La concurrence qui doit caractériser le marché pharmaceutique ne doit être limitée ni par une utilisation impropre de la protection du brevet ni par les obstacles qui empêchent la concurrence des médicaments génériques. La protection de la propriété intellectuelle garantie par le brevet doit être respectée aussi bien en tant qu'instrument stimulant la recherche par le retour économique qu'elle procure à son auteur, que parce qu'elle rend publiques des connaissances qui favorisent chez d'autres de nouveaux développements de la recherche. L'échéance du brevet doit de toute façon coïncider avec un véritable processus compétitif, également sur les prix entre médicaments identiques.

3.7. Il est donc souhaitable que l'intervention communautaire s'oriente vers des objectifs précis dans le but d'empêcher l'apparition de telles situations défavorables. Elle pourrait par exemple s'orienter vers les objectifs suivants:

- favoriser le développement de la compétitivité et de la concurrence, y compris la diffusion des produits génériques, compte tenu du fait que les importations parallèles sont plus profitables aux importateurs qu'aux patients et entraînent en général des distorsions dans un marché largement réglementé comme le marché pharmaceutique;

- créer les conditions nécessaires pour que les nouveaux médicaments soient réellement disponibles sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne;

- soutenir les efforts de recherche sur les maladies tropicales afin de favoriser l'accès aux médicaments adaptés aux pathologies spécifiques des pays en voie de développement.

4. La dépense pharmaceutique

4.1. Tout en admettant que l'importance des différents facteurs peut varier considérablement dans les différents États membres, les principaux éléments déterminant la dépense pharmaceutique sont les suivants:

- le revenu global des familles;

- le système de choix et de rémunération des médecins ainsi que les contraintes de dépense par médecin et par patient; les systèmes qui prévoient le choix d'un médecin de famille et un accès limité à des spécialistes enregistrent une dépense pharmaceutique inférieure par rapport aux systèmes caractérisés par une liberté totale quant au choix du médecin et du spécialiste à chaque consultation;

- l'âge moyen de la population: une société plus âgée présente une dépense pharmaceutique plus élevée en raison du taux plus élevé de morbidité;

- les exigences sanitaires par rapport au taux de morbidité;

- les systèmes de réglementation des prix et des remboursements (il a été démontré cependant qu'ils n'ont pas d'effets durables sur la dépense pharmaceutique globale);

- le contexte économique et politique et la présence d'une forte industrie pharmaceutique nationale;

- les comportements en matière de prescriptions.

4.2. Au cours des dix dernières années tous les pays européens ont introduit des mesures visant à limiter la dépense pharmaceutique. Ces mesures, motivées davantage par des préoccupations d'ordre budgétaire que par des exigences sanitaires, ont agi tant au niveau des prix (gel des prix de fabrication, réduction des marges des grossistes et des pharmaciens) qu'au niveau des mécanismes de remboursement (prix fixes remboursables, réduction du nombre des produits remboursables, introduction ou augmentation des parts à charge des patients, plafonds pour les budgets nationaux, locaux ou pour les prescripteurs pris individuellement.

4.3. Le fait que la dépense globale ait néanmoins connu une augmentation prouve que cette dépense est rendue incompressible par des variables socioéconomiques. Il apparaît de ce fait nécessaire d'assortir cette évolution d'un ensemble de mesures qui, d'une part, ne perdent pas de vue la dynamique globale des différents segments du secteur, et, de l'autre, orientent la demande de médicaments vers une consommation plus attentive à la taille de la dépense.

4.4. Quel que soit le mécanisme utilisé pour le contrôle des prix, l'on est confronté à un différend difficile à aplanir parce que résultant de raisons contradictoires. Celles de l'industrie, qui soutient que les prix doivent permettre le financement des coûts de R & D. Celles de ceux qui financent l'assistance pharmaceutique et sont appelés à expliquer pourquoi il faudrait payer un prix probablement supérieur pour un médicament qui, quoique plus récent, possède une efficacité et une sécurité comparables à un médicament moins cher. Celles des citoyens et des organisations des consommateurs, qui souhaiteraient intervenir davantage dans les choix en matière de prescriptions et de recherche afin de s'assurer un niveau plus élevé d'assistance sanitaire, sans être injustement pénalisés du côté de la dépense.

4.5. Tout ce qui précède nous amène à une première considération de fond. Il est désormais impensable de répercuter l'augmentation du niveau d'assistance pharmaceutique sur une augmentation continue de la dépense sanitaire à charge des budgets nationaux ou des caisses d'assurance des systèmes légaux et des organismes d'assurance maladie complémentaire. En effet, la difficulté croissante à équilibrer les budgets nationaux est encore accentuée aujourd'hui par l'exigence de se conformer aux paramètres de Maastricht et elle ne permet à aucun État membre de la Communauté de multiplier les ressources qu'il destine à son système pharmaceutique.

5. L'inégalité du citoyen européen devant l'accès au médicament

5.1. Le retard avec lequel les nouveaux médicaments autorisés selon la procédure centralisée de l'Agence européenne pour l'Evaluation des Médicaments (AEEM) sont mis à la disposition des citoyens des différents États membres a fait l'objet d'une étude de la Commission, à la demande du Conseil Marché intérieur du 18 mai 1998, qui a été présentée à l'occasion de l'audit de Londres du 19 mars 1999.

5.2. L'enquête menée par la Commission fait apparaître une situation insatisfaisante:

- l'AEEM parvient en gros à compléter l'évaluation des dossiers relatifs aux nouveaux médicaments dans les délais prévus par le Règlement;

- le processus décisionnel qui transforme un avis positif de l'AEEM en une autorisation officielle de la Commission publiée au Journal Officiel respecte lui aussi ces délais (encore que l'on puisse se demander pourquoi une simple transposition en autorisation communautaire, sans entrer dans la question de fond du dossier d'enregistrement, nécessite un tiers du temps consacré à l'évaluation du contenu technique et scientifique d'un dossier composé de milliers de pages de données);

- le temps qui s'écoule entre le moment où un médicament a été approuvé et celui où il est lancé sur le marché des différents États membres paraît excessivement long et dès lors inacceptable.

5.3. Les différences enregistrées entre les États membres sont considérables: on va de 90 jours à plus de 250 jours, ce qui engendre une inégalité dans l'accès aux médicaments à la fois incompréhensible et inacceptable pour le malade. Dans certains États membres, la majorité des autorisations centralisées est effectivement suivie du lancement des produits en question sur le marché, alors que dans d'autres États membres, 20 à 25 % seulement des produits autorisés sont ensuite commercialisés.

5.4. Les différences observées tant pour ce qui est de l'intervalle qui s'écoule entre l'autorisation et la mise à disposition du produit qu'en ce qui concerne les pourcentages de mise sur le marché semblent s'expliquer principalement par la difficulté de définir un prix acceptable pour la dépense pharmaceutique publique et par la diversité des systèmes de remboursement adoptés par les États membres. Des considérations d'ordre conjoncturel et financier prévalent donc sur l'objectif prioritaire de protection de la santé publique.

5.5. De telles différences quant à la durée de l'attente pour pouvoir disposer des mêmes médicaments étant inacceptables pour le citoyen de l'Union européenne, il est urgent que le Conseil et la Commission se penchent sur le problème et s'efforcent de mettre au point des modalités uniformes permettant de déterminer le prix des médicaments et comparables du point de vue des résultats, de façon à garantir des prix compatibles pour des produits égaux. Le point de départ pourrait être la définition d'un cadre européen de référence qui puisse guider les autres États membres dans un rapprochement progressif des différents modèles de remboursement, tant en ce qui concerne l'aspect spécifique du classement aux fins du remboursement qu'en ce qui concerne celui plus général des droits protégés, mettant ainsi dans des conditions d'égalité les citoyens, l'industrie et les États membres.

5.6. Les différences observées quant au pourcentage de médicaments effectivement mis sur le marché après autorisation par procédure centralisée révèlent une situation encore plus alarmante: si l'accès aux médicaments les plus innovateurs n'est pas garanti dans l'ensemble de l'Europe, il se crée une situation inégale en termes de protection de la santé qui remet en cause le sens même d'une procédure d'enregistrement européenne. Ce faisant, on risque d'affaiblir la crédibilité de l'Union européenne et de sa législation commune, fruit de plusieurs années d'effort.

5.7. Le Comité réaffirme la nécessité que la Commission poursuive son analyse des raisons qui expliquent les retards observés et vérifie si ces retards n'auraient pas notamment pour cause le fait que les entreprises limitent la commercialisation d'un produit donné aux pays dont le marché leur paraît le plus rentable en intervenant, le cas échéant, pour faire respecter la législation communautaire, qui prévoit la commercialisation dans tous les États membres une fois effectué l'enregistrement centralisé.

5.8. En effet, l'autorisation centralisée vise à rendre un médicament commercialisable simultanément dans tous les États membres de la Communauté, rendant par là-même inacceptable la défense d'intérêts économiques en violation du principe prioritaire de la protection de la santé et de la base juridique du système d'enregistrement, même quand ces intérêts découlent de l'étroitesse de la dépense publique.

6. L'innovation pharmaceutique

6.1. Les médicaments introduits ces dernières décennies résultent presque exclusivement du travail de recherche et de développement (R & D) fourni par l'industrie pharmaceutique. Le coût de R & D a augmenté considérablement ces dernières années: selon l'industrie, introduire une nouvelle molécule sur le marché coûte entre 300 et 500 millions d'euros. Ces coûts se sont répercutés dans des prix de vente très élevés.

6.2. Il est important d'observer que l'autorisation de commercialiser un nouveau médicament n'est pas basée sur l'appréciation de son degré d'innovation, et donc sur l'avantage thérapeutique qu'il introduit par rapport aux thérapies existantes. L'autorisation de commercialiser un nouveau médicament n'est donc pas un critère suffisant pour en mesurer le degré d'innovation. Il serait plus probant de démontrer que le nouveau médicament possède une efficacité et/ou une sécurité supérieures aux thérapies existantes pour les mêmes indications, pour des groupes significatifs de patients.

6.3. Pour l'instant, aucune institution publique européenne n'est chargée de réaliser ce genre d'analyse. L'absence de ce type d'évaluation empêche toute discussion sereine sur le concept d'innovation parce qu'elle permet une utilisation essentiellement arbitraire de cette étiquette prestigieuse dès lors qu'il n'est pas possible de faire la distinction entre une réelle valeur thérapeutique et un changement qui n'entraînerait pas une amélioration tangible pour les patients. De plus, l'obtention de prix de vente élevés pour des médicaments nouveaux mais pas réellement innovateurs pourrait dissuader l'industrie pharmaceutique de gérer intelligemment ses coûts de R & D.

6.4. La décision d'autoriser la commercialisation d'un nouveau médicament doit se fonder sur des critères de qualité, de sécurité et d'efficacité définis par des réglementations communautaires. Il convient en effet de réfléchir attentivement au fait que baser la décision d'autoriser la commercialisation d'un nouveau médicament sur son degré d'innovation pourrait entraîner d'importants effets indésirables dans la pratique tels que:

- engendrer des situations de monopole qui auraient l'exclusivité sur toute une indication thérapeutique, avec des conséquences imprévisibles sur les prix;

- réduire la capacité compétitive et de recherche des petites et moyennes entreprises, qui ne peuvent pas affecter de sommes considérables aux activités de R & D mais doivent se concentrer sur des segments particuliers;

- créer la nécessité de répercuter sur un seul produit les coûts de R & D de toute une entreprise.

6.5. Le coût de la recherche clinique atteint désormais des niveaux très élevés, notamment pour certaines catégories de médicaments (cardiovasculaires, anti-hypertenseurs, hypolipidomiques) pour lesquelles on recourt de plus en plus souvent à un nombre élevé de patients (entre 5000 et 10000 ou davantage). Dans ces cas, une seule étude clinique peut coûter des dizaines de millions d'euros. Ces coûts ne sont pas dus seulement à l'organisation complexe nécessaire pour planifier et mener un essai, mais ils résultent aussi du paiement par l'entreprise initiatrice de l'ensemble des dépenses encourues pour les soins prodigués au patient tout au long de l'essai.

6.6. La "Conférence internationale sur l'harmonisation des conditions d'enregistrement des médicaments" (connue sous l'initiale CIH, Conférence internationale sur l'Harmonisation) constitue une initiative de grande importance de nature à favoriser la réduction des coûts entraînés par les systèmes d'autorisation de mise sur le marché.

6.7. Cette initiative a mis en place un processus qui a permis de réduire les différences entre les études exigées dans les trois régions du monde qui constituent les trois-quarts du marché mondial et qui appliquent les systèmes de réglementation et de contrôle les plus sophistiqués (Japon, États-Unis et Union européenne).

6.8. En plus de permettre une réduction sensible des coûts de développement de nouveaux médicaments, il est clair que le processus mis en place par la CIH rendra graduellement plus difficile, pour les pays non participants, de prendre des décisions qui s'écarteraient de celles arrêtées par les autorités des pays CIH, plus développés technologiquement et disposant de beaucoup plus de ressources. En harmonisant les normes de référence au niveau le plus élevé possible, ce processus compromettra graduellement la survie d'industries pharmaceutiques purement locales, notamment dans les pays en voie de développement.

7. Encourager la recherche pharmaceutique

7.1. Jusqu'en 1990 l'industrie pharmaceutique européenne occupait la première place mondiale en termes de R & D et d'innovation. L'Europe a perdu progressivement du terrain au profit des États-Unis, qui l'ont dépassée pour la première fois en 1997 en termes de ressources investies dans la R & D pharmaceutique. Dans la période 1990-1998, les investissements en R & D en Europe ont doublé, tandis qu'ils triplaient aux États-Unis, en raison surtout des investissements considérables dans le domaine des biotechnologies.

7.2. Il est dès lors indispensable et urgent de créer les conditions et d'élaborer des réglementations qui soient en mesure de stimuler la recherche scientifique et d'enclencher un processus tendant à favoriser les entreprises réellement innovatrices. À cette fin, il est nécessaire d'améliorer l'utilisation des fonds publics destinés à soutenir la R & D dans le secteur pharmaceutique, surtout dans le secteur de la biotechnologie et de la recherche de base, et de tendre à renforcer la coopération entre le secteur privé et les structures académiques.

7.3. Comme il a déjà été souligné dans la Communication de la Commission sur les "Orientations de politique industrielle à appliquer au secteur pharmaceutique dans la Communauté européenne"(4), et repris dans l'avis précédent du Comité sur la libre circulation des médicaments dans l'UE, la recherche scientifique peut aussi être encouragée par des instruments indirects comme la certitude du cadre réglementaire, à partir de la validité de la protection des brevets, la transparence des procédures, la cohérence et la constance des politiques nationales, la garantie d'une prise en compte appropriée des exigences industrielles, la rapidité avec laquelle l'administration publique arrête ses décisions et ses autorisations.

7.4. Il est important de définir des mécanismes permettant d'étendre la recherche pharmaceutique au-delà du milieu restreint constitué par quelques multinationales. Si la tendance actuelle à la concentration devait encore se renforcer, l'indépendance réelle des petites et moyennes entreprises hautement spécialisées serait menacée et on risquerait de créer une situation de dépendance des systèmes de santé vis-à-vis d'un petit nombre de fournisseurs de médicaments hautement innovateurs, ce qui aurait pour conséquence directe une pression incontrôlable sur les prix et par conséquent sur la dépense publique. Or, il faut au contraire soutenir, sur le plan législatif, un processus qui, dans le cadre des phénomènes de concentration en cours dans le secteur, libère des espaces de haute spécialisation sur des zones thérapeutiques particulières favorisant le développement des PME.

7.5. Le Comité juge très favorablement le fait que la Commission ait proposé un règlement sur les médicaments orphelins et une directive sur les études cliniques ainsi que des programmes d'action pour les maladies rares et les maladies liées à la pollution. Toutes ces initiatives favorisent en effet la participation de Centres de recherche indépendants et de PME à des activités de recherche extrêmement utiles pour relever le défi de la santé pour les citoyens européens.

7.6. Il faut toutefois observer que, dans l'Union européenne, les mécanismes destinés à encourager la recherche n'ont pas l'efficacité de ceux rencontrés aux États-Unis et, dans une moindre mesure, au Japon, qui ont favorisé énormément la croissance des investissements dans la recherche, par des mesures administratives et des encouragements, notamment sur le plan fiscal.

7.7. Le Comité considère que, pour stimuler de façon déterminante la capacité de R & D, il faut également améliorer les conditions d'accès au marché des médicaments innovateurs et mettre fin au morcellement du marché pharmaceutique européen.

8. Le secteur pharmaceutique face à l'élargissement de l'UE

8.1. L'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale fera entrer en Europe de nouveaux Etats membres dans lesquels les ressources financières destinées à l'achat de produits pharmaceutiques sont de loin inférieures à celles des États membres actuels. En effet, parmi les six pays désignés en préadhésion se trouvent des nations dont le PIB par habitant, à égalité de pouvoir d'achat, n'arrive qu'à 28 % de la moyenne actuelle de l'UE.

8.1.1. Les États membres et les instances européennes devront tenir compte des différences importantes entre les États membres actuels et les candidats à l'adhésion, en termes de conditions de santé, de protection de la propriété intellectuelle, de conditions industrielles, économiques et sociales. Dans sa Communication de 1998 sur le développement futur de la politique en matière de santé publique, la Commission souligne le fossé qui sépare les États membres actuels et les pays candidats sur le plan de la santé.

8.1.2. Ces questions spécifiques concernant le secteur devront nécessairement être prises en compte au moment de l'élaboration du Traité d'adhésion, attendu que l'élargissement de l'Union européenne et le défi qu'il constitue en termes d'accès aux soins de santé ont été un des éléments déterminants dans la réflexion du Conseil "Marché intérieur" en vue de proposer une déréglementation du marché pharmaceutique.

9. Récupération de ressources internes au secteur

9.1. Le financement d'une assistance pharmaceutique de niveau qualitatif élevé, l'importance des ressources nécessaires pour relancer une activité de recherche hautement innovante et l'impossibilité de garantir une augmentation continue et progressive de la dépense sanitaire à charge des budgets nationaux imposent de vérifier sérieusement la possibilité de trouver des ressources à l'intérieur du secteur. Même si la dépense pharmaceutique doit être perçue comme une composante de la dépense sanitaire nationale et qu'il convient, de ce fait, d'apprécier dans quelle mesure une utilisation correcte des médicaments serait susceptible de réduire la dépense d'autres secteurs, il semble nécessaire de mener une lutte contre les gaspillages dans ce secteur également, afin d'affecter les ressources de façon optimale pour la santé des citoyens.

9.2. Le Comité estime que cette vérification doit se faire sur deux fronts: réduire l'utilisation non rationnelle des médicaments, réduire les gaspillages et améliorer l'efficacité des systèmes de distribution. Dans ce dernier domaine, il existe encore, dans certains États membres, des privilèges injustifiés et certaines conditions de faveur qui mobilisent des ressources que l'on pourrait affecter plus utilement aux systèmes sanitaires de façon plus générale.

10. Propositions

10.1. Les propositions ci-après visent à réaliser les objectifs suivants:

- stimuler et améliorer l'efficacité de la R & D européenne afin de garantir la disponibilité de médicaments hautement innovateurs;

- assurer un contrôle de la dépense sanitaire et pharmaceutique en promouvant les mesures de prévention ainsi que l'utilisation optimale des médicaments et en garantissant la qualité élevée des prescriptions;

- garantir à tous les citoyens de l'UE une égalité d'accès aux médicaments;

- contribuer à une utilisation appropriée des médicaments;

- développer l'efficacité économique des systèmes de distribution des médicaments.

10.2. Évaluation de l'avantage thérapeutique pour le patient.

Selon le Comité économique et social, l'évaluation d'une part de l'avantage thérapeutique en termes d'efficacité et de sécurité par rapport à la (aux) thérapie(s) utilisée(s) précédemment pour les mêmes indications, et d'autre part de la contribution à l'amélioration de la qualité de vie des citoyens, doit se baser sur des critères scientifiques validés par un organisme communautaire ad hoc, et avoir pour objectif de contribuer tant à l'amélioration de la prescription médicale qu'à l'utilisation appropriée du médicament par le patient.

10.2.1. Une évaluation correcte du degré d'innovation effective et des avantages qui en résultent pour le patient passe par la définition de médicaments/thérapies de référence, avec une mise à jour constante de méthodologies et d'orientations validées et harmonisées. Les méthodes développées doivent tenir compte de la réponse différenciée des patients et être diversifiées afin de permettre tantôt de baser les évaluations sur des données disponibles avant l'autorisation de commercialisation, tantôt de les mener durant la phase de commercialisation. En tout état de cause, l'évaluation doit être mise à jour dès que de nouvelles preuves apparaissent lors de la diffusion du médicament dans la phase qui suit sa mise sur le marché.

10.2.2. Afin de mieux comprendre le potentiel ainsi que les conditions optimales d'utilisation d'un nouveau médicament, l'évaluation de l'avantage thérapeutique, qui ne constitue pas toujours un critère supplémentaire pour l'approbation d'un médicament, devrait figurer en bonne et due place parmi les informations fournies au médecin et, le cas échéant, au patient.

10.3. Améliorer l'utilisation de fonds publics destinés à soutenir la R & D

Créer les conditions pour une plus grande synergie entre DG Entreprises, DG Recherche, DG Société de l'information et industrie pharmaceutique aux fins d'une utilisation plus efficace et plus ciblée des contributions publiques destinées à soutenir les activités de recherche, y compris la recherche de base, surtout dans le secteur de la biotechnologie, avec un accent particulier sur la médecine préventive (notamment vaccins) et sur les maladies rares (médicaments orphelins).

10.3.1. Pour reprendre ce qui figurait déjà dans l'avis sur les médicaments orphelins(5), le Comité invite la Commission à préparer une recommandation visant à promouvoir la mise en oeuvre de telles mesures d'incitation, notamment fiscales.

10.3.2. En concentrant davantage le financement public de la recherche sur les produits innovateurs (en contribuant par exemple à l'évaluation du degré effectif d'innovation avant la commercialisation) et sur les nouvelles technologies de recherche (criblage à haut rendement, conception rationnelle des médicaments, génomique), on contribuerait certainement à améliorer l'efficacité de la contribution publique.

10.4. Utilisation appropriée des médicaments

Il convient d'assurer un rapport approprié entre prescription médicale et morbidité afin de garantir que la quantité des médicaments prescrits corresponde à la morbidité réelle parmi la population. Par conséquent, il apparaît nécessaire d'encourager les vérifications au niveau territorial afin de permettre aux organes nationaux compétents de contrôler, sans porter atteinte au principe de la liberté du médecin en matière de prescription ni au droit du patient à la protection des données personnelles, que la demande de médicaments constitue un avantage thérapeutique réel pour le patient. Contribuer à l'utilisation rationnelle des médicaments permet d'influencer plus profondément la qualité de la dépense pharmaceutique en sortant du cadre restreint du contrôle opéré sur les prix.

10.4.1. On peut atteindre un tel objectif en encourageant certaines initiatives menées au niveau local, national et communautaire, qui auraient pour objectif l'analyse des prescriptions et du développement d'activités visant à identifier et à promouvoir les approches thérapeutiques les plus efficaces et les plus économiques.

10.4.2. Ces initiatives pourraient déboucher sur des propositions concrètes de:

- méthodologies pour l'évaluation des prescriptions et de la correspondance entre diagnostic et prescription;

- méthodologies pour l'évaluation pharmacoéconomique;

- méthodologies pour l'évaluation pharmocologico-clinique dans le cadre de la médecine générale;

- orientations pour le traitement de premier choix des pathologies les plus communes dans le cadre de la médecine générale;

- orientations pour l'utilisation appropriée d'antibiotiques en particulier en ce qui concerne la pratique clinique extra-hospitalière;

- études visant un classement plus rationnel des médicaments articulé sur la base des DCI (dénomination commune internationale) (transfert de la catégorie des médicaments sujets à prescription à celle des médicaments grand public, inclusion/exclusion des listes de remboursabilité ou de listes pour utilisation exclusive en milieu hospitalier) et proposant d'apporter certaines modifications à la directive 26/92/CEE sur la classification.

10.4.3. Afin d'offrir aux professionnels de la santé et surtout aux patients/consommateurs la possibilité de jouer un rôle plus responsable et plus actif en vue d'une utilisation appropriée des médicaments, il y a lieu de confier un rôle plus actif au système public et à la société dans la production et la diffusion d'une information indépendante sur les médicaments. Cela suppose, entre autres, que les données relatives à la sécurité et l'efficacité durant la recherche et le développement des médicaments soient accessibles non seulement aux autorités régulatrices mais aussi, après l'autorisation de commercialisation et après exclusion des informations personnelles, à des institutions scientifiques, à des organisations professionnelles et à des associations de consommateurs et de patients, en en garantissant la mise à jour continue. Pour atteindre cet objectif, il pourrait être utile de faire référence à la législation suédoise ou américaine (Freedom of Information Act, Title 5 of US Code, section 552) pour les chapitres régissant la liberté d'information et la transparence des processus d'autorisation de commercialisation des médicaments.

10.4.4. L'information destinée aux médecins doit s'accompagner d'activités tendant à éduquer les patients sur des aspects comme la qualité du médicament, son prix, son utilisation appropriée et l'existence d'alternatives non pharmacologiques. En outre, il est nécessaire de poursuivre le développement d'initiatives destinées à favoriser l'automédication consciente et documentée, qui peut contribuer à la santé des citoyens en réduisant simultanément la pression sur la dépense sanitaire. De telles initiatives doivent tendre, en collaboration avec les médecins et les pharmaciens, à diffuser l'éducation sanitaire et à développer la communication entre les citoyens et les professionnels de la santé, conformément à la tendance générale selon laquelle la santé des citoyens peut être améliorée grâce à une responsabilisation accrue de ces derniers.

10.5. Promotion de l'utilisation de médicaments génériques

Le Comité estime que l'utilisation de médicaments génériques peut permettre de maîtriser la dépense pharmaceutique sans réduire la qualité de l'assistance. Pour un ensemble de raisons (différences dans les traditions en matière de prescriptions, dans les systèmes de remboursement, dans la protection des brevets), le marché des médicaments génériques s'est développé de façon inégale à l'intérieur des différents États membres. L'UE devrait donc développer des initiatives tendant à promouvoir, dans tous les États membres, une plus grande utilisation des médicaments génériques en alternative à des produits équivalents sur le plan thérapeutique mais plus coûteux. Les autorités communautaires devraient répondre à l'invitation du Conseil Marché intérieur, qui a demandé qu'il soit remédié aux distorsions causées par la diversité des législations en vigueur dans les différents États membres, en donnant leur soutien à la définition de modalités concrètes en vue d'une déréglementation progressive du marché pharmaceutique.

10.5.1. Ces initiatives peuvent prendre la forme d'études de cas-pays ou d'études pharmacoéconomiques destinées à montrer quels mécanismes pratiques peuvent être appliqués pour obtenir des bénéfices économiques en utilisant des médicaments génériques. Il faut cependant observer que pour garantir une concurrence effective, il faut réunir une série de conditions telles que: la participation active des médecins (qui doivent être prêts à prescrire par nom générique et à remplacer le produit), des pharmaciens (qui doivent accepter le remplacement), des organismes d'assurance maladie complémentaire (qui participent au remboursement ou à la prise en charge des médicaments des consommateurs, des organismes administratifs et de contrôle de la dépense (liste de substitution, substitution obligatoire, remboursement limité au prix de l'équivalent thérapeutique le plus économique, campagnes d'information destinées aux patients, contribution des patients proportionnelle au coût du médicament quand il existe un équivalent générique), ainsi que des patients (sensibilité à la dimension économique du médicament).

10.5.2. Le Comité économique et social estime que les médicaments génériques peuvent contribuer à une concurrence loyale sur les prix, en créant des espaces dans le budget pharmaceutique public pour récompenser les médicaments réellement innovateurs. Il est essentiel de signaler l'importance que revêt le marché des médicaments génériques pour de nombreuses PME ainsi que pour les multinationales qui entrent sur le marché des médicaments génériques à l'échéance des brevets de leurs principaux produits. Le Comité économique et social estime que la situation de concurrence engendrée par le développement du marché des médicaments génériques contribue à stimuler l'innovation.

10.6. Égalité d'accès aux médicaments pour les citoyens européens

10.6.1. Les enquêtes menées sur la disponibilité des médicaments approuvés selon la procédure centralisée (cf. paragraphe 5) font apparaître une lenteur administrative excessive dans certains États membres, où les médicaments sont mis sur le marché bien après les délais fixés par la réglementation en vigueur et dans un pourcentage inférieur au nombre d'autorisations accordées.

10.6.2. Tout en respectant les compétences nationales en ce qui concerne l'assistance sanitaire et la définition du système des prix et des remboursements des médicaments, le Comité estime nécessaire et urgent que la Commission veille au respect des délais et des modalités prévus par la directive Transparence (89/105/CEE) pour mettre ainsi fin aux différences de traitement entre citoyens de l'UE.

10.6.3. Aussi la Commission doit-elle se charger de faire évoluer les deux comités actuels, le Comité pharmaceutique et le Comité Transparence, afin qu'ils deviennent de véritables enceintes de discussion et de critique pour mettre fin aux divergences actuelles et pouvoir garantir qu'un médicament qui présente une innovation et des avantages thérapeutiques (tels que définis au paragraphe 9.2) soit mis à la disposition des patients le plus rapidement possible (cf. règlement (CEE) n° 2309/93 et directive 89/105/CEE).

10.6.4. Le Comité suggère qu'à l'échéance prévue, le médicament puisse être commercialisé en tout cas, suivant les modalités des législations nationales relatives au remboursement, le cas échéant.

10.7. Prix des médicaments

La Cour de justice de Luxembourg a reconnu que la réglementation en matière de contrôle des prix constitue effectivement un facteur susceptible, dans certaines conditions, de fausser la concurrence entre les États membres et a invité les autorités communautaires à remédier aux distorsions causées par les différentes réglementations existantes dans les États membres en matière de prix au moyen d'une initiative adéquate.

10.7.1. Malgré cette intervention digne d'intérêt et bien que le Conseil Marché intérieur du 18 mai 1998 ait apporté son soutien à une déréglementation progressive du marché pharmaceutique, la Commission et les États membres n'ont pas convenu à ce jour de propositions concrètes en la matière.

10.7.2. Dans ce contexte, le Comité souhaite un réalignement des prix, lesquels présentent encore des différences considérables entre les États membres. L'établissement du prix des médicaments relève de la responsabilité des gouvernements nationaux mais les différences actuelles apparaîtront de manière évidente avec l'introduction de l'euro, qui permettra de visualiser immédiatement les éventuels écarts de prix pour des spécialités identiques. Certains pays ont introduit des mesures de contrôle des prix, souvent limitées aux médicaments faisant l'objet d'un remboursement par les systèmes d'assurance mutuelle et au moyen de systèmes d'évaluation souvent différents. Il serait important de créer des occasions de confronter les opinions entre États membres pour définir, dans le respect de la directive sur la transparence, des propositions opérationnelles permettant de traiter les distorsions du marché et les effets induits d'un État membre à l'autre.

10.7.3. Il convient de souligner du reste qu'à défaut d'interventions concrètes, on laisse la voie libre au danger de voir s'étendre les "importations parallèles", qui présentent dès aujourd'hui un volume significatif et pourraient s'accroître avec l'élargissement prévisible de l'Union européenne à des pays dont le pouvoir d'achat est de loin inférieur. De l'avis du Comité économique et social, il est important de signaler que les importations parallèles n'entraînent pas une réduction substantielle des coûts pour les patients. En effet, elles n'ont aucun effet sur la convergence des prix vers le bas mais engendrent simplement un flux de médicaments depuis des pays où les prix sont inférieurs vers des pays où le prix de vente est supérieur.

10.8. Contrôle de la promotion

Il convient d'identifier des mécanismes appropriés permettant d'assurer un niveau adéquat d'informations scientifiques aux prescripteurs et aux consommateurs sans que cette activité ne s'assimile à une promotion commerciale. Cela vaut aussi pour les médicaments grand public. Le "Réseau d'information sur les produits pharmaceutiques dans la Communauté" (Eudra) et la banque de données MINE, placée sous la responsabilité de l'AEEM de Londres, ont été des initiatives dans ce sens.

10.8.1. De tels mécanismes peuvent consister en des activités concertées entre autorités nationales de contrôle, organismes nationaux responsables du financement de l'assistance pharmaceutique, associations professionnelles, associations des consommateurs et de l'industrie pharmaceutique.

10.8.2. Ces activités peuvent déboucher sur la mise au point de codes de conduite (basés sur le document OMS "Ethical Criteria for Medicinal Drug Promotion") ou de règles locales de conduite spécifiques, qui limitent ou décrivent les activités d'information autorisées. Il faut que l'autodiscipline de l'industrie s'accompagne d'une plus grande rigueur dans l'application de la directive 92/28/CEE par les autorités nationales, qu'il serait souhaitable de mettre à jour, notamment à la lumière de l'Internet.

10.8.3. Il est par ailleurs nécessaire d'établir des critères et des mécanismes homogènes entre les différents États membres afin de réglementer la promotion destinée aux consommateurs. Il est important, dans ce contexte, de distinguer les médicaments délivrables uniquement sur prescription et ceux faisant l'objet de l'automédication. Pour ces derniers, il est particulièrement nécessaire de favoriser le développement d'activités d'information visant à créer clarté et prise de conscience dans le chef des consommateurs quant au rapport bienfaits/risques de l'automédication.

10.8.4. Il est urgent de développer des réglementations et des initiatives appropriées afin de garantir la protection des consommateurs face à la prolifération de sites contenant des informations incontrôlées ou non fiables et face à la promotion et à la vente de médicaments sur l'Internet. Les "cyberletters" réalisées par la FDA aux États-Unis et les orientations données par l'OMS sont des initiatives intéressantes dans ce sens. L'Union européenne devrait suivre cet exemple et encourager les campagnes destinées à informer les citoyens européens sur les risques que comporte aussi, à côté d'avantages certains, l'utilisation d'Internet pour les questions de santé. La brochure qui a été éditée par le Comité permanent des médecins européens et le Groupement pharmaceutique de l'UE sous le titre "Enjoy the Internet but don't risk your health" ("Profitez d'Internet mais n'y risquez pas votre santé") constitue une initiative remarquable à cet égard.

10.9. Amélioration de l'efficacité économique des systèmes de distribution

10.9.1. Le Comité considère dans sa juste dimension l'activité indispensable qu'est la distribution, fondamentale pour garantir à toute la filière la conservation et l'approvisionnement optimal des médicaments, une information sanitaire et sur les médicaments correcte et la certitude que toute la gamme de médicaments soit mise à la disposition des patients ou en tout cas rapidement repérable. Dans ce contexte, le rôle des pharmacies en tant que centres sanitaires destinés aux citoyens devrait être renforcé de façon à pouvoir profiter au maximum des possibilités offertes par la filière existante.

10.9.2. Il considère toutefois nécessaire de procéder à un réexamen des systèmes actuels de fixation des marges de profit de la distribution des médicaments, de manière à la rattacher à la contribution réelle apportée à la chaîne de valeur. Ces systèmes de rétribution ne devraient pas se rapporter uniquement au prix unitaire d'une boîte de médicaments, mais aussi aux volumes globaux, aux services additionnels fournis, aux efforts des opérateurs pour assurer l'information et la protection de la santé. En d'autres termes, à la valeur ajoutée du service fourni à la "filière médicament" par le grossiste et le pharmacien.

10.9.3. Selon le Comité, il ne faut pas diaboliser, pour certaines catégories de médicaments, l'ouverture de nouveaux canaux alternatifs de vente. Dans ce contexte, il importe que l'UE se dote d'instruments appropriés pour affronter les nouvelles questions soulevées par le commerce électronique.

La vente de médicaments sur Internet pourrait exposer les consommateurs à des risques inutiles. L'assistance pharmaceutique requiert, comme il a déjà été constaté, des normes de qualité spécifiques dont le respect ne peut être garanti en cas d'achats de médicaments par Internet.

10.9.4. Il pourrait être opportun de mettre en place des groupes de travail qui élaboreraient des propositions d'actions en vue de:

- définir une liste de médicaments qui, compte tenu de leur bas profil de risques, pourraient être disponibles dans des points de vente autres que les pharmacies;

- définir des principes directeurs pour fixer la rémunération des grossistes et des pharmaciens tout en garantissant que cette rémunération soit moins strictement liée au prix des médicaments.

10.10. Contrôle

Toutes les règles ont la vie courte: les systèmes s'adaptent aux situations et les acteurs en trouvent les points faibles. Il est nécessaire de mettre en place des mécanismes appropriés afin de suivre, tant au niveau national que communautaire, l'évolution de la consommation et de l'utilisation des médicaments, ainsi que leur disponibilité et leur accessibilité. Un tel suivi est nécessaire pour apporter des correctifs aux règles chaque fois que celles-ci perdent de leur efficacité ou produisent des effets contraires aux intentions.

11. Conclusions et perspectives

11.1. Le Comité économique et social constate avec satisfaction que bon nombre des recommandations formulées dans le présent avis d'initiative ont été largement reprises lors de la Conférence organisée à Lisbonne les 11 et 12 avril 2000 sur le thème "Médicaments et santé publique", et en particulier dans le document présenté par le groupe de travail "Médicaments et santé publique" du Comité de haut niveau pour la santé publique, nommé par les ministres de la Santé des États membres afin d'assister les services de la Commission dans leurs travaux sur des questions liées à la santé publique.

11.2. Le Comité est conscient que le présent document aurait pu aborder de nombreux autres aspects de la politique pharmaceutique, plutôt que de se concentrer sur le patient. Il se réserve le droit de procéder à l'avenir à une analyse plus approfondie, et de suivre avec un grand intérêt l'évolution du secteur de la santé et des produits pharmaceutiques, dans lequel il existe une réelle volonté de changement afin de contribuer à la pleine application de l'article 152 du Traité d'Amsterdam.

11.3. Le Comité économique et social invite par conséquent la Commission et le Comité de haut niveau pour la santé publique à mettre à profit les contributions qu'il pourra apporter à l'analyse de l'impact que de telles transformations auront sur les différents acteurs et sur la société civile organisée, tout en développant une collaboration plus régulière et fructueuse.

Bruxelles, le 19 octobre 2000.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) JO C 97 du 1.4.1996, p. 1.

(2) JO C 101 du 12.4.1999, p. 37.

(3) JO C 95 du 30.3.1998, p. 1.

(4) COM(93) 718 final du 2.3.1994.

(5) Avis sur la proposition de Règlement CE du PE et du Conseil concernant les médicaments orphelins, JO C 101 du 12.4.1999, p. 37, paragraphe 3.1.3.1.

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