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Document 52000IE1192

Avis du Comité économique et social sur le "Renforcement du droit des concessions et des contrats de Partenariats Publics-Privés (PPP)"

JO C 14 du 16.1.2001, p. 91–99 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52000IE1192

Avis du Comité économique et social sur le "Renforcement du droit des concessions et des contrats de Partenariats Publics-Privés (PPP)"

Journal officiel n° C 014 du 16/01/2001 p. 0091 - 0099


Avis du Comité économique et social sur le "Renforcement du droit des concessions et des contrats de Partenariats Publics-Privés (PPP)"

(2001/C 14/19)

Le 2 mars 2000, le Comité économique et social, conformément à l'article 23, alinéa 3 de son règlement intérieur, a décidé d'élaborer un avis sur le thème suivant: "Le renforcement du droit des concessions et des contrats de Partenariats Publics-Privés (PPP)".

La section "Marché unique, production et consommation", chargée de préparer les travaux en la matière, a élaboré son avis le 1er septembre 2000 (rapporteur: M. Levaux).

Lors de sa 376e session plénière du 19 octobre 2000, le Comité économique et social a adopté le présent avis par 72 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions.

1. Introduction

1.1. Au cours de sa réunion du 14 décembre 1999, la section "Marché unique, production et consommation" a décidé de demander au Bureau l'autorisation d'élaborer un avis d'initiative sur le renforcement du droit des concessions et des contrats de partenariat public-privé (PPP) comme outils de relance de la croissance européenne au service des citoyens européens et de l'intégration des marchés. La législation de la Communauté, s'agissant des marchés publics, n'a pas traité de tous les contrats de PPP. Elle donne une définition et un cadre de concessions de travaux publics dans sa directive 93/37/CEE(1) mais elle n'a pas donné de cadre général aux contrats de partenariat public-privé. Elle en reconnaît la nécessité par plusieurs voies:

- le Groupe de haut niveau constitué par M. Kinnock a émis des recommandations qui ont été entièrement adoptées par la Commission mais qui restent lettre morte dans la législation européenne et dans la réalité juridique de plusieurs États;

- la Communication interprétative de la Commission sur les concessions en droit communautaire(2) publiée après le Livre vert de janvier 1997 sur les marchés publics et une note d'orientation de mars 1998 sont autant de réflexions qui soulèvent plusieurs questions fondamentales. La Commission a reconnu la variété des relations contractuelles qui rentrent dans le PPP et a centré son analyse sur les seules concessions.

1.2. Le Comité entend apporter ses réflexions autour de deux grandes séries de questions.

1.2.1. Des questions économiques, sociales et de stratégie

- Doit-on offrir un cadre harmonisé à ces contrats, devant la lenteur de construction des réseaux transeuropéens (RTE) qui devaient se réaliser avec ces contrats?

- Ne devrait-on pas prendre en compte l'intérêt stratégique de ces contrats:

- sur leur aspect spécifique lié à des prestations de services d'intérêt général (social, environnement)?

- sur la consolidation pour la croissance et la formation d'un vrai marché des capitaux privés affectés aux infrastructures alors qu'ils sont freinés par les incertitudes régnant sur le droit contractuel européen actuel?

- Doit-on se laisser distancer par les autres continents qui développent très vigoureusement ces types de contrats, ce qui pourrait ralentir à terme notre développement économique?

1.2.2. Des questions d'harmonisation juridique et de clarification du droit européen

- Doit-on rendre communes les règles régissant ces contrats à l'instar de ce que propose la CNUDCI(3)?

- Doit-on faire évoluer la législation "marchés publics" devant la progression très sensible des nouvelles formes de contrats dits de PPP et la réorganisation de certains des États membres quant à la gestion des infrastructures par des opérateurs privés?

1.3. Le présent rapport a pour but, à partir du rappel des travaux européens antérieurs sur le sujet, de définir une approche plus claire favorisant la création d'un droit des concessions en Europe. Il est nécessaire de disposer d'une bonne définition des concessions et d'offrir un cadre adapté à ces contrats pour en permettre le développement. Partant des difficultés rencontrées dans les concessions d'infrastructures, le rapport fait des propositions pour l'Europe.

2. Les obstacles au PPP et le rappel des précédentes démarches européennes sur le sujet

2.1. Les obstacles juridiques

2.1.1. Les concessions font l'objet d'un cadre confus dans les directives européennes. En effet la question des concessions prend ses sources en droit communautaire, d'une part, dans les principes et les règles du traité et, d'autre part, dans les 6 directives qui mettent en oeuvre ces principes. Les directives élaborées par l'Union européenne ont pour objet d'assurer la transparence de la mise en concurrence dans l'ensemble du domaine des marchés publics(4) et leur champ d'application est parfois confus lorsqu'il s'agit de partenariat public-privé. À ce jour, seule la directive 93/37/CEE coordonnant les procédures de passation des marchés publics de travaux définit le contrat de concession en lui donnant une définition en son article l) alinéa d; il s'agit de la seule concession de travaux publics. Elle prévoit une publicité préalable publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JOCE). Elle le fait malheureusement par référence aux simples marchés de travaux publics(5).

2.1.1.1. S'il est clair qu'une concession de travaux publics - qui comporte à la fois une réalisation de travaux et une exploitation du service associé à cette réalisation - est soumise à la directive 93/37/CEE, il n'en va pas de même pour les concessions dans les télécommunications, les transports, l'eau ou l'énergie. D'une part, dans la directive 92/50/CEE sur les marchés publics de service il n'y a pas de définition ni de la concession ni de son mode de passation. D'autre part, dans la directive 93/38/CEE (qui traite des marchés passés par les titulaires de concessions ou de droits exclusifs dans les télécommunications, l'eau et l'énergie) il n'y a pas de définition de ces contrats de concession ni de leur mode de passation.

2.1.1.2. Il existe donc certaines incohérences de définition et de champs d'application entre ces directives qui nécessitent une vraie clarification pour les contrats qualifiés de concessions ou de PPP.

2.1.2. La notion de concession de travaux publics en droit européen est assez critiquable. Cette critique porte d'une part fondamentalement sur le rattachement des concessions aux marchés de travaux, ce qui est un non-sens, et d'autre part sur l'absence de prise en compte dans la plupart des États membres des propositions autonomes de concessions offertes par le secteur privé.

2.1.2.1. Une concession de travaux publics est un contrat complexe par lequel une autorité publique délègue à une organisation privée le soin de créer un ouvrage en le finançant puis de l'entretenir et l'exploiter pendant une longue durée de temps qui permet l'amortissement des investissements. Ceci nécessite donc un transfert de responsabilité du concédant au concessionnaire et une notion de globalité du contrat, qui inclut de nombreuses fonctions (construction, financement, exploitation) quelles que soient les modalités de paiement du concessionnaire. La rémunération des capitaux et des risques de l'investisseur doit équilibrer équitablement le service rendu au consommateur ou à l'usager.

2.1.2.2. À la suite du Livre vert publié par la Commission européenne en novembre 1996(6) le Comité a adopté un avis le 28 mai 1997(7) dans lequel il demandait à la Commission de réviser son approche concernant les concessions en vue de les rendre plus autonomes vis-à-vis de la définition du marché de travaux:

- "La question des concessions devrait faire l'objet d'un examen approfondi, étant entendu que leur attribution doit faire l'objet de transparence et de critères objectifs. Il existe des différences fondamentales entre une concession et un contrat de marché: objet, durée, conditions de financement, mode de gestion, étendue de la responsabilité. La Commission européenne, afin de favoriser le développement de ces contrats, pourrait mettre à l'étude un outil juridique adapté concernant leur régime d'exécution".

D'autres points de l'avis méritent d'être cités:

- "3.7. Les méthodes de financement privé des ouvrages publics se développent dans plusieurs pays. Il s'agit des contrats de longue durée comportant un apport de financement privé, ce qui les différencie nettement des marchés publics. En raison de l'économie des deniers publics qu'elles procurent aux États, ces méthodes méritent d'être diffusées et promues. Il importe à ce sujet que la Commission, dans une communication interprétative, sauvegarde le caractère négocié de ces contrats, tout en assurant la nécessaire publicité;";

- "8.3.6. Le CES souhaite que l'activité des concessions fasse l'objet d'un régime spécifique, notamment pour les réseaux transeuropéens;";

"8.3.7. Le CES propose que la Commission européenne favorise la promotion des nouvelles méthodes contractuelles fondées sur le financement privé des infrastructures publiques.".

2.1.3. Le droit européen actuel n'assure pas l'égalité de traitement des concessions dans les droits nationaux. Aussi la Commission, consciente des problèmes soulevés par le cadre juridique actuel, a publié une "Communication interprétative de la Commission sur les concessions en droit communautaire" (29 avril 2000).

2.1.3.1. Cette communication a été publiée dans sa version définitive à la suite d'une consultation au niveau européen mais pour laquelle le CES n'a pas été saisi pour avis. Cette interprétation traite du rattachement des concessions au traité, de la notion de concession et de son champs d'application. Ce travail est utile mais il ne constitue qu'une étape et de nombreuses voix se sont prononcées en faveur d'une directive européenne sur le sujet afin de sortir d'ambiguïtés juridiques inutiles, et de disposer de bases juridiques harmonisées pour ces contrats à l'instar de ce qui se fait dans le reste du monde. En l'état actuel les droits nationaux non harmonisés, plus ou moins étendus en droits et en obligations, accueillent les concessions et les PPP de façon extrêmement variée. Il n'est pas normal que la passation et l'exécution de ce type de contrat varient autant au sein des États membres alors que les Autorités européennes répètent sans cesse que le recours au PPP permettra de réaliser les infrastructures structurantes de l'Europe. Les notions de partenariat public-privé et de concession doivent être affirmées clairement en droit européen afin de ne pas décourager l'investissement privé dans l'équipement public.

2.1.3.1.1. La Communication interprétative comporte un utile rappel des règles du traité dans leur application à toutes les concessions de service ou de travaux ainsi qu'à l'attribution des droits exclusifs(8). Elle insiste à juste titre sur la nécessité de mettre en concurrence les structures parapubliques ou publiques avec le secteur privé lors de l'attribution de contrats ou d'actes unilatéraux valant concession. Au nom du principe d'égalité de traitement, la Commission considère comme contraires aux règles précitées du traité et au principe d'égalité de traitement des dispositions "réservant des contrats publics aux seules sociétés dans lesquelles l'Etat ou le secteur public détient de façon directe ou indirecte une participation majoritaire ou totale".

2.1.3.2. Pour autant, la communication ne règle pas tous les problèmes ni pour le contenu des contrats de concession ni pour le droit applicable à ceux-ci. La Commission utilise "le droit d'exploitation de l'ouvrage ou ce droit assorti d'un prix" comme critère distinctif et exclusif entre le marché et la concession en précisant: "Le droit d'exploitation permet de percevoir des droits sur l'usager", pour elle la rémunération directement opérée auprès des usagers de l'ouvrage distingue les concessions des marchés et elle assimile "exploitation" à "risque de fréquentation" ce qui ne correspond ni à la réalité de tous les contrats de concession ni à la directive travaux et encore moins à la directive services.

2.1.3.3. Selon la nature du service à rendre, les risques sont très divers et ils ne se limitent pas au seul risque de trafic (hôpital, parking, réseau d'eau ...). Le concessionnaire doit réaliser avant cette exploitation: la conception, le financement, l'exécution des travaux et le service de maintenance pendant de nombreuses années. La concession ne saurait donc se ramener à un seul critère, le risque sur la seule source du paiement, c'est un concept beaucoup plus vaste et il est nécessaire d'en donner et d'en hiérarchiser tous les éléments si l'on veut réellement clarifier la notion. C'est d'ailleurs par une négociation au cas par cas que sont fixés les transferts de risques dans chaque contrat.

2.1.4. Des applications différentes du droit européen engendrant des différences juridiques. Le Comité constate que le régime juridique des contrats de concession dans chaque État diffère sensiblement. Par exemple en Belgique, en Espagne et au Portugal la qualification de contrat de concession de travaux publics est réservée aux concessions de travaux avec une exploitation de longue durée et un paiement public; il n'en va pas de même en revanche en Allemagne, en France et en Italie. Or il s'agit des mêmes types de contrats et au demeurant ceux-ci connaissent un très fort développement à l'heure actuelle en Europe et dans le monde.

2.1.4.1. Par conséquent, il faut constater que les concepts contractuels publics européens actuels ne sont pas source d'unité en Europe et dans un pays il sera considéré qu'un contrat est un marché et dans un autre qu'il est une concession: ainsi le même contrat aura donc deux régimes de passation selon le pays où l'on se trouve. On ne voit pas ce qui dans la communication interprétative pourrait changer à cet égard: les contrats de Private Finance Initiative (PFI) en Grande-Bretagne sont de très longue durée, ils sont entièrement négociés, et comportent un paiement public total après un transfert de risques plus ou moins importants au secteur privé. Ces contrats peuvent être considérés soit comme des marchés publics, soit comme des concessions au regard de la communication interprétative.

2.1.5. Concernant les propositions autonomes faites par le secteur privé en dehors des processus de consultation du secteur public, de nombreux pays dans le monde ont institué un droit spécifique reconnaissant la possibilité pour des acteurs privés de proposer un projet aux autorités publiques responsables. Si celui-ci est validé par les pouvoirs publics une compétition s'engage réservant les droits de l'apporteur d'idée(9).

2.2. Les obstacles économiques

2.2.1. Le droit européen est au demeurant incomplet pour permettre un développement correct des financements privés dans les infrastructures publiques

2.2.1.1. Les investisseurs soulignent son caractère incertain, peu créateur de droits, ce qui crée un environnement peu favorable au financement privé des infrastructures. Ceci est d'autant plus regrettable que le droit des PPP a formidablement progressé dans le reste du monde comme le montrent les travaux de la Commission des Nations Unies pour le développement du commerce international (CNUDCI)(10). Ces travaux montrent que les droits nationaux comportent des dispositions non seulement en matière de passation mais encore de régime d'exécution des concessions. La question a été en partie abordée lors de la publication du Livre vert sur les marchés publics par la Commission en novembre 1996. Elle demeure sans réponse. Un droit uniquement centré sur la passation des contrats est insuffisant, voire dissuasif et c'est d'ailleurs ce que disait le rapport Kinnock.

2.2.2. Le constat d'un faible développement du programme de réseau transeuropéen de transport amène depuis longtemps à se questionner sur l'efficacité de l'approche actuelle en matière de droit des concessions en Europe. Cette question a été étudiée de façon approfondie par le groupe Kinnock qui a procédé à la publication du rapport final du groupe de haut niveau sur le financement de projets du réseau transeuropéen de transport par des partenariats entre le secteur public et le secteur privé (mai 1997).

- De nombreuses propositions ont été faites par les groupes de travail concernant des aspects variés du régime juridique des concessions. Peu d'entre elles ont vraiment été suivies à ce jour et très peu de réalisations de projets d'infrastructures de transport ont été menées à bien dans le cadre d'un véritable partenariat public-privé. Ceci est naturellement l'une des causes des retards constatés dans le programme décidé à Essen pour les 14 projets prioritaires.

2.2.3. Résumé des propositions du rapport du groupe de haut niveau concernant les problèmes que rencontre le partenariat public-privé en Europe (paragraphes 2.2.3.1 à 2.2.3.3):

2.2.3.1. Avoir une stratégie européenne de la concession

- La structure politique du PPP doit être claire. Il faut donner de la certitude aux projets et offrir une structure de solutions des problèmes initiaux.

- Il est noté le manque de coordination et de motivation des acteurs publics.

- Il serait nécessaire de disposer de fonds publics initiaux importants et d'agences de projets préparant très avant les dossiers de viabilité financière, d'étude de sols; l'idée d'une agence européenne assurant la capacité et la continuité de la coopération a été avancée pour les projets transfrontaliers.

- Créer un statut d'une compagnie européenne pour les concessions transfrontalières et développement de groupements d'intérêt public.

- Développement de méthodes communes d'évaluation et de présentations des projets fondées sur les analyses coût-bénéfice en transparence incluant les mesures d'externalités et les revenus fiscaux futurs.

- Confier au secteur privé le soin de démontrer la viabilité financière des projets.

- Développer les savoir-faire des autorités publiques dans le montage des projets de concessions.

- Régler de façon harmonisée le problème central de la fiscalité évolutive dans le temps.

- Établir une fiscalité garantie à long terme. C'est une barrière d'investissement (ex. TVA de 20 % en F).

- Les sociétés de construction prennent le risque principal de concevoir et construire un projet dans un délai et un budget.

2.2.3.2. Développer des méthodes financières ad hoc

- Développer des avances remboursables (quand le trafic est atteint).

- Permettre le réinvestissement des remboursements.

- Créer un vrai marché de financement à long terme et disposer de quasi fonds propres.

- Encourager les investisseurs privés (remboursement en cas de rachat).

- Créer une obligation à taux zéro.

- Permettre des coconcessions d'activités additionnelles pour équilibrer la concession principale.

- Développer le recours aux fonds de pensions.

- Développer une appréciation du risque sur une base loyale et raisonnable harmonisée.

- Affirmer le principe de l'équilibre financier des contrats de concessions.

- Ne pas faire porter au concessionnaire plus que le risque du coût des travaux, du fonctionnement et de la maintenance. Faire porter au secteur public les risques environnementaux et le coût de la phase initiale garantie.

- Réduire le coût des études et le risque associé.

- Réduire les coûts de négociation en ayant de bons cahiers de charges.

- Développer la garantie minimum de revenu contre le partage du profit. La Commission devrait recourir aux contrats de concessions à paiement public.

2.2.3.3. Adopter des méthodes communes de passation

- Pour réduire les coûts de procédure de passation, rendre les autorités publiques plus impliquées dans le travail de préparation des projets: études de trafic, études géologiques - protection des idées des perdants.

- Développer les procédures de négociation après des offres restreintes - Choix au mieux disant.

- Limiter le niveau de description pour la partie construction. La Commission aiderait à simplifier les procédures.

- Interdiction de changement de programme en cours de construction.

- Les appels d'offres ne devraient être lancés qu'après les terrains achetés, les plans approuvés, et les études de faisabilité effectuées et la subvention définie.

- Développer des procédures de préqualification des concessionnaires.

- Permettre l'accueil des propositions autonomes du secteur privé.

2.2.4. La situation juridique européenne n'a pas évolué depuis la publication du rapport Kinnock. En outre, le Comité pense que les procédures devraient être utilisées pour prendre en compte les trois piliers (économie, environnement et aspects sociaux).

2.2.5. Le maintien de monopoles dans les grands projets

2.2.5.1. Malgré les demandes réitérées de la Commission aux États membres en faveur d'un réel recours aux contrats de PPP, on voit parfois régresser celui-ci dans certains projets (lien Barcelone-Perpignan) ou bien des projets où le secteur privé est totalement exclu, tel le lien Lyon-Turin alors même qu'il pourrait apporter des solutions innovantes ou alternatives.

2.2.5.2. Quand bien même des critères de péréquation économique peuvent justifier une dérogation opposable au contenu de l'article 90-2 du traité(11) (voir le rapport: "Les Projets d'infrastructure à financement privé", 2 mars 1998 - CNUDCI trente et unième session), ou bien la prise en compte de l'aménagement du territoire et de l'ordre public(12), les objectifs du traité de Maastricht avec ces règles de la concurrence s'imposent. En effet, ce traité donne comme but à l'action des États membres d'être conduite "conformément au respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre(13)".

2.2.5.3. La Communication interprétative souligne nettement et à juste titre la soumission des entités publiques et parapubliques au droit actuel des directives et du traité en matière de compétition entre le public et le privé.

2.2.6. L'Europe se trouve confrontée à d'importants défis, non seulement à court terme en ce qui concerne les infrastructures nécessaires mais aussi à moyen et long terme pour le maintien de la compétitivité des entreprises européennes et leur capacité d'exportation. Le problème de financement dû aux moyens limités du secteur public peut être résolu grâce aux contrats de PPP. Actuellement, l'Europe utilise encore peu ces moyens en comparaison d'autres pays, et devrait d'autant plus tirer parti de leur expérience en la matière. Il conviendrait d'analyser l'incidence de ces partenariats pour les consommateurs.

2.2.7. Un manque de diversification des modes de gestion publique

2.2.7.1. Il est clair que le contrôle de l'équilibre des budgets publics incite à utiliser dans certains cas des procédures d'externalisation de ces dépenses avec l'usage du partenariat public-privé.

2.2.7.2. Plusieurs États ont décidé d'en faire un outil central de leur action publique. Le gouvernement britannique a posé le principe que le recours au privé permet de limiter l'action de la puissance publique à l'essentiel de ses missions et de se focaliser sur la qualité des prestations. Le PPP ne signifie pas seulement recourir au secteur privé pour financer des projets d'investissement mais aussi de faire appel aux compétences et au savoir-faire de gestion du secteur privé pour réaliser et opérer des projets publics de façon plus efficace pendant leur longue durée d'exploitation.

2.2.8. Une absence de principes fermes et unifiés au niveau européen pour développer les PPP

2.2.8.1. S'agissant des RTE, cet immense chantier ne progressera réellement que si les États membres décident également de prendre les mesures nécessaires pour le favoriser, qu'ils cessent de tout confier aux sociétés publiques ou parapubliques et qu'ils lancent de façon coordonnée des appels à la concurrence pour faire progresser ces grands projets en accueillant des idées alternatives et des propositions variées de la part du secteur privé.

2.2.8.2. Il appartient à la Commission de favoriser l'émergence des projets et de rappeler aux États que ces projets de RTE n'appartiennent pas aux sociétés d'État. Mais d'une façon plus générale, le rôle de la Commission est d'offrir un cadre juridique plus satisfaisant pour ces contrats afin que les fonds viennent s'y investir et ne se sentent pas pénalisés par rapport à d'autres formes de placement.

2.2.8.3. Il faut qu'une vue stratégique soit adoptée par la Commission: ou bien l'Europe prend correctement le train de la gestion publique du nouveau millénaire, ce qui correspond à sa tradition, ou bien elle reste enfermée dans un carcan réglementaire qui engendre des surcoûts tant pour les consommateurs que pour les investisseurs privés supportant un coût de financement plus élevé.

3. Les principales réalisations en PPP en Europe et dans le monde

3.1. Tous les pays européens ont eu recours ou utilisent actuellement le système des concessions. On ne peut pas ne pas rappeler que la "première Europe", du temps des romains, utilisait déjà il y a deux mille ans le système des concessions dans de nombreux domaines de services et d'infrastructures. À notre époque, ce contrat permet de réaliser dans de nombreux pays européens (France, Royaume-Uni, Pays-Bas, Portugal, Italie, Espagne, ...) et ailleurs, non seulement des autoroutes et des parkings, mais aussi des réseaux d'eau, des musées, des aéroports, des tramways ou des métros, des quartiers urbains, des rénovations intégrales d'écoles et d'hôpitaux, etc.

4. Propositions du Comité visant à améliorer et à unifier le droit des concessions

4.1. Définition de la concession

4.1.1. Actuellement, seule la "concession de travaux publics" fait l'objet d'une définition très sommaire comme on l'a dit et d'une réglementation au plan communautaire, résultant de la directive européenne 93/37/CEE du 14 juin 1993. Il apparaît qu'il manque tout d'abord une définition des contrats de concession ou de PPP qui doit en premier lieu affirmer leur contenu et leur étendue.

4.1.2. En effet, la concession et plus largement la délégation ne se résume pas à un seul critère: le risque ou le paiement, comme l'a considéré la directive 93/37/CEE, ni à la seule caractéristique d'une modalité de paiement, mais elle se définit par tout un ensemble d'éléments.

4.1.3. Une concession de travaux publics est un acte (contrat ou acte unilatéral) par lequel une autorité publique délègue à une organisation privée le soin de concevoir, construire, financer, entretenir et exploiter une infrastructure et/ou un service pour une période longue et déterminée. C'est en général un contrat par lequel une autorité publique charge une entreprise de réaliser à ses frais les investissements nécessaires à la création du service et de faire fonctionner celui-ci sur une période de longue durée; l'entreprise pouvant être rémunérée par un prix payé par les usagers et/ou par l'autorité publique, sans que cette disposition ne modifie son caractère de concession.

4.2. Un cadre harmonisé pour le développement des concessions et autres contrats de PPP

4.2.1. Un cadre juridique d'ensemble

4.2.1.1. Maintien de l'approche libérale des concessions: une approche favorisant la compétition doit être maintenue dans la rédaction de la directive 93/37/CEE.

4.2.1.2. Un cadre financier européen: un cadre juridique approprié est nécessaire pour la mise en place de financement à long terme, et ce d'autant que les fonds engagés sont considérables et nécessitent de recourir aux places financières internationales qui ont besoin de certitude quant aux conditions d'exécution des contrats. Toutefois, le recours à des capitaux issus des fonds de pension semble peu adapté à la majorité des États membres compte tenu des régimes de protection sociale existants.

4.2.1.3. Utiliser les capitaux et l'expérience de la BEI: cet établissement bancaire fondé par les États membres finance de très nombreux programmes subventionnés par l'Europe et détient une riche expérience en matière de partenariats.

4.2.1.4. Un statut juridique harmonisé des concessions en Europe: il est nécessaire de procéder à la définition d'une réglementation, imposable aux États membres, garantissant dans les contrats une répartition appropriée et équitable des droits et devoirs entre le concessionnaire et le concédant.

4.2.2. Une passation harmonisée et transparente

4.2.2.1. Une passation transparente: les autorités publiques doivent se mettre à l'abri des critiques qui pourraient s'élever quant à la passation de ces contrats. Dans ce but, il faut un site Web européen qui rassemblera les données juridiques concernant ces types de contrats. Ainsi les assemblées compétentes, selon le pays considéré et après consultation des partenaires sociaux, pourraient s'exprimer en toute transparence et mieux contrôler la passation de ces contrats.

4.2.2.2. Choix final du concessionnaire: l'autorité publique doit définir au préalable les objectifs et finalités du projet, tout en laissant à la partie privée les responsabilités techniques et économiques des solutions qui feront l'objet de sa proposition (les concessionnaires n'étant pas favorables aux concours de projets envisagés par la Commission).

4.2.2.3. Critères de sélection: une sélection des soumissionnaires uniquement fondée sur des critères quantitatifs n'est pas adaptée à des projets aussi larges et complexes. La procédure de compétitivité doit être régie par le principe de la transparence des critères. La sélection devrait être fondée sur une combinaison de critères adaptés: qualitatifs, quantitatifs et réalistes à travers la procédure la plus transparente incluant la prise en compte des références de chacun des candidats.

4.2.2.4. Coût des études: les études de faisabilité d'une concession étant longues et coûteuses, il importe que les entreprises soient encouragées à participer à la compétition en prévoyant quelles puissent être indemnisées d'une part significative des coûts de préparation de leur offre.

4.2.2.5. Respect de l'innovation: la réponse d'un candidat pressenti pour une concession peut avoir un caractère original comportant des innovations majeures et essentielles sur tous les aspects techniques, financiers ou commerciaux. Il faut impérativement éviter que les dispositions originales d'un candidat puissent être mises à la disposition des autres concurrents. La propriété du concept doit rester à son auteur. C'est une question d'éthique qui doit être garantie au soumissionnaire car ses propositions originales ne peuvent généralement pas être protégées par des brevets (solution suggérée par la Commission). À défaut de la protection de cette propriété intellectuelle, il est certain que plus aucun candidat à une concession ne dévoilerait ses idées originales - ce qui priverait la collectivité des progrès qui peuvent en découler.

4.2.2.6. Respect du développement durable : en raison de l'importance de ces projets, il est nécessaire que les autorités publiques prennent en compte les aspects sociaux et environnementaux.

4.2.2.7. Procédure négociée: une proposition de contrat de concession doit obéir à l'objectif de service qui doit être défini par le concédant. Le concessionnaire doit bénéficier de toutes les libertés dans la façon d'atteindre cet objectif: conception de l'ouvrage, phasage des travaux, prise de risques techniques, etc. Cela implique qu'après remise des propositions par un ou plusieurs candidats, il s'instaure un dialogue avec les concessionnaires potentiels dans lequel le concédant doit faire preuve de souplesse et de flexibilité dans la mise au point définitive du contrat de concession dans le respect des besoins du concédant.

4.2.2.8. Nécessité de souplesse et de flexibilité. Toute autre procédure doit être exclue, car elle n'intégrerait pas cette phase de dialogue qui est indispensable au concédant pour choisir l'offre la mieux adaptée à ses objectifs. Les dispositions de la directive 93/37/CEE n'induisent pas, s'agissant de concessions de travaux publics, l'obligation pour le concédant de choisir entre les différentes procédures ouvertes, restreintes ou négociées. Il y a donc lieu de préciser la nécessité de l'utilisation de la procédure négociée pour conclure ce type de contrats.

4.3. La nécessaire adoption d'une directive

4.3.1. La directive devra définir les concessions et les autres formes de contrats de PPP par leur caractère de longue durée et leurs éléments constitutifs fondamentaux (conception, réalisation, financement, maintenance et gestion des ouvrages). S'agissant des concessions de travaux incluant des services associés, elle devra affirmer le rôle dévolu au concessionnaire de conception de financement d'exécution des travaux et de la gestion maintenance des ouvrages. Il convient de donner un cadre unifié aux contrats de parkings, d'autoroutes, de ports, d'aéroports, de réseaux d'assainissement, etc.

4.3.2. Un cadre juridique bien adapté aux concessions est essentiel dans la question de l'exécution du contrat de concession ou de PPP. La possibilité de faire des contrats de partenariat dépend fondamentalement de la possibilité d'atteindre et du respect de l'équilibre contractuel sans lequel aucun opérateur ne s'engagerait dans un contrat de concession. Il faut donc créer des principes permettant une répartition équilibrée des risques entre concédant et concessionnaire tant en concession de travaux qu'en concession de services. Les principes suivants devraient figurer dans le droit européen:

4.3.2.1. Les risques d'une concession d'infrastructure doivent être identifiés, quantifiés et clairement affectés à la partie la mieux à même de les assurer.

4.3.2.2. Le concessionnaire et ses financiers doivent se voir garantir que le contrat ira à son terme sans modification. Par contre, la modification du cadre économique prévue dans le contrat initial donnera lieu à renégociation. Le fait du Prince et la force majeure doivent être prévus. (principe de stabilité du contrat).

4.3.2.3. Des dispositions doivent être prises par le concédant en cas de risque exceptionnel: événement imprévisible, soudain et qui augmente le coût du contrat. C'est notamment le cas de modification des contraintes administratives.

4.3.2.4. Le concessionnaire doit pouvoir bénéficier d'une souplesse suffisante pour assumer la mission qui lui a été déléguée par le concédant. Le concédant ne doit pas interférer de façon indue dans l'exécution du contrat. Son rôle s'applique aux questions régaliennes, de sécurité et d'ordre public, y compris en ce qui concerne ses compétences politiques et sa responsabilité sociale et dans le respect de celles-ci.

4.3.3. Des règles claires devraient être fondées désormais au plan européen sur les questions d'accès aux ressources essentielles, c'est-à-dire les infrastructures qui ont été créées dans le passé dans le cadre de monopoles avec des ressources publiques et qui devraient désormais être accessibles à tous. Dans les contrats de transports, la question a été bien réglée par la directive 91/440/CEE concernant l'exploitation des infrastructures ferroviaires, mais dans d'autres domaines ce n'est pas le cas. Par exemple dans le domaine radio-hertzien, les investissements effectués dans le passé avec les deniers publics doivent être mis à la disposition des sociétés qui rentrent en concurrence avec les anciens monopoles.

4.3.4. La Commission doit proposer impérativement un texte législatif clair permettant le partenariat du secteur privé et du secteur public pour développer les infrastructures et les services dont l'Europe a besoin, qui soit adopté le plus vite possible au plan européen.

Bruxelles, le 19 octobre 2000.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) JO L 199 du 9.8.1993.

(2) JO C 121 du 29.4.2000.

(3) Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International.

(4) - La directive 93/37/CEE du 14 juin 1993 (JO L 199 du 9.8.1993), portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (et qui reprend les deux directives élaborées en 1971 et 1989, la Directive 71/305/CEE (JO L 185 du 16.8.1971), la Directive 89/440/CEE (JO L 210 du 21.7.1989).

- La directive 93/36/CEE du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fourniture.

- La directive 92/50/CEE du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de service.

- La directive 93/38/CEE du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (dits secteurs spéciaux).

(5) "La 'concession de travaux publics' est un contrat présentant les mêmes caractères que ceux visés au point a), à l'exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d'exploiter l'ouvrage, soit dans ce droit assorti d'un prix".

(6) "Livre vert sur les marchés publics dans l'Union européenne : Pistes de réflexion pour l'avenir" COM(96) 583 final.

(7) JO C 287 du 22.9.1997, p. 92.

(8) Les entités publiques doivent respecter le principe de transparence, le principe de proportionnalité et le principe de la reconnaissance mutuelle. "La directive 93/37/CEE impose une publicité préalable pour l'attribution de tout contrat de concession de travaux publics que le concessionnaire potentiel soit privé ou public". Elle ne prend pas partie sur l'attribution des concessions de services.

(9) Ceci se pratique notamment en Italie et l'on ne voit pas pourquoi les autres États membres ne disposeraient pas de procédures similaires. La CNUDCI a d'ailleurs publié récemment des recommandations de législation à cet égard.

(10) Voir le rapport: "Les Projets d'infrastructure à financement privé", 2 mars 1998 - CNUDCI trente et unième session.

(11) CJCE Corbeau, 19 mai 1993, Recueil de Jurisprudence 1993 p. I-2533.

(12) CJCE Commune d'Almelo, Recueil de Jurisprudence 1994 p. I-1477.

(13) Voir: 'Stratégie pour le marché intérieur européen et recommandations pour la révision des actions ciblées'. Avis d'initiative.

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