EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52000AC1189

Avis du Comité économique et social sur la "Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions Agenda pour la politique sociale"

JO C 14 du 16.1.2001, p. 79–82 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52000AC1189

Avis du Comité économique et social sur la "Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions Agenda pour la politique sociale"

Journal officiel n° C 014 du 16/01/2001 p. 0079 - 0082


Avis du Comité économique et social sur la "Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions 'Agenda pour la politique sociale'"

(2001/C 14/16)

Par lettre du 26 juillet 2000, la Présidente du Conseil Emploi et Politique sociale, Mme Aubry, a saisi le Comité économique et social d'une demande d'avis sur la communication susmentionnée.

La section "Emploi, affaires sociales, citoyenneté", chargée d'élaborer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 octobre 2000 (Rapporteur: M. Bloch-Laine).

Lors de sa 376e session plénière du 19 octobre 2000, le Comité a adopté à l'unanimité l'avis suivant.

INTRODUCTION

1. La Commission a adressé, le 28 juin dernier, au Conseil, au Parlement, au Comité économique et social et au Comité des régions, une communication relative à un Agenda social européen. La Présidence française a sollicité l'avis du CES sur ce document.

2. Le Comité a accueilli cette saisine avec une vive satisfaction, en raison des enjeux attachés au texte dont il s'agit. Celui-ci, en effet, porte sur une démarche qui, si elle était engagée, marquerait une étape majeure dans la construction de l'Europe, à deux égards principaux: d'une part, serait affirmée, en termes novateurs, l'importance de la politique sociale, considérée non plus comme un champ d'action juxtaposé, asservi à celui de la politique économique, mais comme facteur d'efficacité et de puissance productives; d'autre part, seraient définis, de façon innovante aussi, des objectifs, une méthode et un calendrier. Pareil projet est au coeur même de la vocation consultative du CES qui, au demeurant, n'eût pas rechigné à être mis à contribution en amont du travail accompli par la Commission.

3. Le Comité considère la perspective qu'ouvrirait un agenda social comme un parcours primordial qui sera inévitablement difficile. Il importe, dès le départ, et il importera tout au long du chemin de choisir les bons itinéraires; d'adopter un rythme de progression réaliste; d'éviter des équivoques, des malentendus ou des désaccords susceptibles de contrarier, de stopper durablement, voire de condamner le processus.

4. Le Comité a estimé qu'à ce stade, son rôle le plus utile n'eût pas été de se prononcer thème par thème, action par action sur la communication de la Commission: il sera temps de le faire plus tard. Le Comité a jugé préférable, aujourd'hui, de formuler un avis succinct comportant, d'une part, une appréciation d'ensemble et, d'autre part, quelques suggestions.

En l'occurrence:

- L'appréciation marque une adhésion dépourvue d'ambiguïtés.

- Les suggestions visent à renforcer, sur quelques points, l'équilibre du document.

I. UNE ADHÉSION

1. Observations générales

1.1. Le document de la Commission porte bien les marques des conclusions du Sommet de Lisbonne. Le Comité s'efforce, depuis longtemps, de faire valoir et de renforcer le rôle de la politique sociale en tant que facteur productif. Il se réjouit donc que le texte consacre ce "principe directeur" et reconnaisse comme objectif majeur le renforcement mutuel des politiques économiques et des politiques sociales. Il approuve cette approche qui préconise de considérer la cohésion sociale et l'investissement dans le mieux-être et le capital humains comme des sources durables d'efficience collective et de compétitivité. Le Comité salue l'accent mis sur la recherche de qualité, point fondamental pour l'avenir et l'identité de l'Europe.

2. Méthode ouverte de coordination

2.1. Cette démarche est approuvée. Elle a déjà fait ses preuves, notamment dans le champ de la politique de l'emploi (processus de Luxembourg) ainsi que dans les travaux préparatoires concernant le Comité de la protection sociale. Il importe que cette méthode implique tous les acteurs concernés sur la base d'une participation raisonnablement structurée et responsabilisante. La "méthode ouverte de coordination" ne doit pas se limiter à un exercice entre experts. Elle doit tendre - et il est heureux que le document le préconise - à optimiser le potentiel d'apports des acteurs praticiens de la société civile organisée. Le Comité se tient prêt à oeuvrer en ce sens, en appuyant, par exemple, les chantiers déjà ouverts concernant la protection sociale et l'exclusion sociale. En ce qui concerne ce dernier d'ailleurs, le Comité estime que la Commission pourrait se prêter plus au développement d'initiatives et d'approches novatrices et concrètes sur le terrain, ayant un caractère d'exemplarité et s'appuyant sur des actions concertées entre les différents acteurs concernés et développés en réseaux(1).

2.2. Le Comité souscrit pleinement aux objectifs relatifs aux volets Emploi et Qualité du travail. Leur réalisation nécessite des indicateurs quantitatifs et qualitatifs mutuellement reconnus. Le Comité a déjà plaidé en faveur d'une participation plus efficace des partenaires sociaux au développement des plans nationaux. Il approuve ce que comporte à cet égard le document, ainsi que l'accent mis sur la dimension régionale et locale.

3. Le dialogue social

3.1. Le Comité salue l'importance qu'attache la Commission au "Dialogue social" en tant que moyen de modernisation des relations contractuelles d'adaptation de l'organisation du travail et de réalisation d'un équilibre adéquat entre flexibilité et sécurité. (Dans ce contexte, le Comité approuve l'intention d'instaurer un groupe de réflexion sur l'avenir des relations industrielles). Le point est vital au regard du thème "Anticiper et gérer le changement". Il accueille favorablement l'idée d'inviter les partenaires sociaux à développer, en toute indépendance, des initiatives propres dans leurs domaines de responsabilité.

4. Instruments législatifs et non législatifs; rôle de la société civile organisée

4.1. Le Comité prend bonne note de l'approche équilibrée, dans le document, de la question des instruments communautaires législatifs et non législatifs. Il relève positivement le fait que la Commission souhaite voir assurer le développement et le respect des droits sociaux fondamentaux, et ce, en coopération étroite avec la société civile. Il note avec satisfaction la mise en évidence des propositions législatives de lutte contre la discrimination et la perspective de l'adoption imminente de la Charte des droits fondamentaux.

4.2. La proposition de codifier et simplifier la législation en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail, en accompagnant cela d'une communication relative à une nouvelle stratégie communautaire en l'espèce procède aussi d'une approche pertinente.

4.3. Le Comité relève un autre exemple d'approche équilibrée sur le thème, porteur d'un grand défi, de l'assurance maladie complémentaire.

5. Préparer l'élargissement et promouvoir la coopération internationale

5.1. Le Comité souscrit pleinement à la préoccupation de la Commission de préparer l'élargissement dans des conditions de développement économique et social équilibrées. Le processus de transition et de réforme déjà effectué par les pays candidats depuis la fin des années 80 a été accompagné dans une large majorité de cas, par une augmentation importante du chômage et une réduction préoccupante de la protection sociale et sanitaire. Atteindre le niveau de l'acquis communautaire en politique sociale représente un défi majeur dans le processus d'élargissement. Le Comité accueille favorablement à ce propos l'engagement du Conseil Emploi et affaires sociales du 9 mars 1999, de renforcer les aspects emploi et politique sociale dans le programme Phare. Cependant, il est clair qu'une transition soutenable vers l'accession nécessite une participation structurée et engagée de la part des partenaires sociaux et de la société civile organisée toute entière dans les pays candidats. Les tentatives de la Commission de promouvoir le dialogue social et civil dans ces pays doivent être accompagnées d'une mobilisation de tous les acteurs concernés. Le Comité économique et social peut continuer à jouer un rôle clé en la matière, à travers les divers Comités consultatifs mixtes et Conseils économiques et sociaux dans les pays candidats et sur base des réseaux d'échanges, d'expertises et de rencontres qu'il promeut. La méthodologie proposée dans l'agenda pour une politique sociale, ainsi que les actions spécifiques prévues, vont tout à fait dans ce sens. Entre-temps, la promotion de la coopération internationale, proposée par la Commission, et l'encouragement à ratifier les Conventions de l'OIT, doivent être soutenus par des stratégies de développement et une coopération étroite entre les pays candidats et l'Union européenne. Simultanément, les entraves procédurales au sein de la Communauté européenne à la ratification de diverses conventions de l'OIT (notamment la Convention n° 170 sur les produits chimiques de 1990) où la compétence est partagée entre les États membres et la Communauté européenne, devraient être levées.

II. SUGGESTIONS

L'une des difficultés majeures des exercices tels que celui du document soumis à la consultation du Comité économique et social est de faire en sorte qu'un équilibre dynamique soit établi. La communication de la Commission traduit cette préoccupation d'une façon qui mérite d'être soulignée et saluée.

Le Comité, au nom de ce souci d'équilibre dans les approches, formule les quelques suggestions qui suivent:

1. La question de l'élargissement pourrait être traitée de manière un peu plus approfondie sur un point: plusieurs des nouveaux et futurs adhérents à la Communauté doivent faire évoluer dans un délai bref leurs systèmes sociaux. Si l'on veut éviter que dans ces pays, le passage à l'économie de marché soit ressenti, par les peuples, comme un exercice d'investissement économique au détriment de l'investissement social, il importera d'accompagner la mutation par des efforts considérables en matière de formation favorisant l'employabilité.

2. Il conviendrait d'insister davantage sur l'équilibre à assurer quant au renforcement mutuel de l'économique et du social; ceci implique, comme le souligne la Commission, "une interaction positive et dynamique des politiques économique, sociale et de l'emploi et une mise en place d'un consensus politique qui mobilise tous les acteurs clés appelés à travailler conjointement à la réalisation du nouvel objectif stratégique"(2), à évaluer à court et à moyen terme.

3. Un accent plus marqué pourrait être placé, s'agissant de la problématique de la santé et de la sécurité, sur l'importance de la prévention et de la formation permanente.

4. On s'accorde à penser que l'Europe devra accueillir dans un proche avenir un nombre accru de migrants. Cette perspective porte en elle à la fois un enjeu et un défi majeurs. L'enjeu, c'est le renforcement, par des apports humains extérieurs, de la vitalité démographique et des capacités productives des économies européennes. Le défi, c'est la capacité d'inclure harmonieusement dans nos sociétés des personnes relevant de cultures diverses. L'intégration multi-ethnique est difficile par essence; elle commande d'être mûrement préparée, assez longtemps à l'avance, en matière de politique sociale, notamment pour ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation professionnelle et aux systèmes de protection sociale. Ce point, qui concerne l'anticipation, mériterait d'être davantage souligné.

5. Le Comité constate avec plaisir qu'une ligne directrice Emploi, plus précise, interpellante et responsabilisante est maintenant prévue afin de favoriser un taux d'emploi des travailleurs âgés(3), sans lequel l'objectif du Conseil européen de Lisbonne, de porter le taux d'emploi global à un niveau aussi proche que possible de 70 % d'ici 2010, ne pourrait être atteint. Ceci nécessite également une approche plus participative afin de conduire à un changement de mentalité et à une prise de conscience, tant des entreprises que des salariés. Pour cette raison, le Comité suggère à la Commission de promouvoir, en interaction avec les États membres, une large campagne d'information et d'explications afin de contribuer à une perception positive du rôle que peuvent jouer les travailleurs vieillissants dans les entreprises ou les services, tant du secteur marchand que public. Cette campagne pourrait être accompagnée d'instruments spécifiques impliquant les autorités publiques et partenaires sociaux, déjà en cours dans plusieurs États membres.

6. Le Comité constate favorablement que la santé et la sécurité au travail font aussi l'objet d'une des lignes directrices pour l'emploi. Il importerait qu'une telle ligne directrice soit étayée par des exemples de bonne pratique à l'instar du "benchmarking" servant d'appui à des lignes directrices actuellement en cours. Cette ligne directrice, selon le Comité, devrait être accompagnée par des actions d'information, de sensibilisation, de formation et de "benchmarking" sur base d'exemples les plus instructifs et notamment les pratiques mises en oeuvre par les partenaires sociaux(4). Le Comité regrette cependant que la santé et sécurité au travail ne soit pas davantage mise en évidence dans l'agenda.

7. Le Comité estime que, s'agissant des rôles impartis à la "société civile organisée", le document n'accorde pas une place suffisante aux associations. Celles-ci, dans des conditions souvent difficiles et sans luxe de moyens, mènent une action importante en matière d'inclusion et de cohésion sociales, notamment aux niveaux régionaux et locaux. Elles mobilisent des énergies, des capacités inventives. Elles créent du lien social selon des modes de solidarité ne relevant ni du rôle des collectivités publiques ni de celui des entreprises à but lucratif.

8. Le Comité estime que "la Charte des droits fondamentaux devrait dépasser le cadre d'une déclaration solennelle et constituer un véritable engagement politique, social et civique". Le Comité estime surtout que la Charte doit être un processus d'ouverture et participatif au niveau communautaire, dans lequel la société civile organisée puisse s'exprimer et assurer le plein respect et l'application des droits et des obligations repris dans la Charte. Au niveau institutionnel, le Comité considère qu'il représente la société civile organisée au niveau européen et, pour cette raison, dans le cadre d'un tel processus d'intégration et de révision, il conviendrait de lui octroyer formellement un statut consultatif correspondant à ses missions(5).

III. CONCLUSION

Il est vraisemblable, voire probable que l'adoption d'un "agenda social" marquerait plus qu'une étape, c'est-à-dire un tournant, dans la construction européenne. Le document de la Commission le dessine. Le souhait du Comité est, à ce stade, comme à d'autres à venir, d'aider à rendre la trajectoire nouvelle aussi visible et féconde que possible.

Bruxelles, le 19 octobre 2000.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) Voir avis du CES sur "La lutte contre l'exclusion sociale".

(2) COM(2000) 379 final, préface, 3e paragraphe.

(3) Avis d'initiative du CES sur "Les travailleurs âgés".

(4) Avis d'initiative du CES sur la "Santé et sécurité sur le lieu de travail - application des mesures communautaires et nouveaux risques" - JO C 51 du 23.2.2000.

Avis du CES sur les "Lignes directrices pour les politiques de l'emploi des États membres en 2001".

(5) Avis d'initiative du CES sur "Vers une Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne".

Top