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Document 62020TJ0151

Arrêt du Tribunal (sixième chambre) du 11 mai 2022.
République tchèque contre Commission européenne.
Ressources propres de l’Union – Responsabilité financière d’un État membre – Droits à l’importation – Versement à la Commission des montants correspondant à des ressources propres non recouvrées – Recours fondé sur un enrichissement sans cause de l’Union – Obligations d’un État membre en matière de ressources propres – Obligation de garantie – Dispense de mise à disposition des montants correspondant aux droits constatés déclarés irrécouvrables.
Affaire T-151/20.

Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:2022:281

 ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

11 mai 2022 ( *1 )

« Ressources propres de l’Union – Responsabilité financière d’un État membre – Droits à l’importation – Versement à la Commission des montants correspondant à des ressources propres non recouvrées – Recours fondé sur un enrichissement sans cause de l’Union – Obligations d’un État membre en matière de ressources propres – Obligation de garantie – Dispense de mise à disposition des montants correspondant aux droits constatés déclarés irrécouvrables »

Dans l’affaire T‑151/20,

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Vláčil et O. Serdula, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par

Royaume de Belgique, représenté par MM. S. Baeyens et J.-C. Halleux, en qualité d’agents,

et par

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Materne et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir la restitution de la somme de 40482255 couronnes tchèques (CZK) versée au titre des ressources propres de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz et R. Norkus (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 novembre 2021,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

Rappel des faits principaux

1

Entre le 2 et le 26 novembre 2007, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a effectué une mission communautaire de coopération et d’enquête administratives au Laos, à laquelle a participé une représentante des autorités douanières tchèques (ci-après la « mission d’inspection »). L’enquête portait sur des vérifications concernant l’importation, dans différents pays de l’Union européenne, de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables (ci-après les « briquets de poche ») en provenance du Laos, au cours de la période comprise entre les années 2004 et 2007. Un document intitulé « agreed joint minutes » a été établi le 15 novembre 2007, lequel a été signé par l’ensemble des membres de la mission ainsi que les autorités laotiennes compétentes (ci-après le « procès-verbal du 15 novembre 2007 »).

2

Le 30 mai 2008, à la suite de la mission d’inspection, l’OLAF a adopté un rapport de fin de mission (ci-après le « rapport de l’OLAF »). Il a été transmis à la République tchèque, dans sa version en anglais, en français et en allemand, le 9 juillet 2008.

3

Le rapport final d’enquête a été adopté par l’OLAF le 10 décembre 2008.

4

Il ressort des conclusions du rapport de l’OLAF que, durant la période couverte par ce rapport, Baide lighter Industry (LAO) Co., Ltd. (ci-après la « société BAIDE ») a importé des briquets de poche originaires de Chine, mais présentés en douane comme provenant du Laos, échappant ainsi au droit antidumping applicable aux briquets de poche d’origine chinoise.

5

Le rapport de l’OLAF indiquait à cet égard que « les éléments de preuve de l’origine chinoise établis au cours de la mission d’inspection [suffisaient] pour que les États membres ouvrent une procédure administrative de redressement fiscal ». Selon ledit rapport, il était nécessaire que « les États membres [aient] réalis[é] des audits de suivi et, le cas échéant, des enquêtes sur les importateurs concernés et qu’ils [aient] ouv[ert], d’urgence, une procédure de recouvrement, si cela n’a[vait] pas été déjà fait ».

6

Les conclusions du rapport de l’OLAF portaient notamment sur 28 cas d’importations par la société BAIDE de briquets de poche en République tchèque réalisées et mises en libre pratique entre le 26 septembre 2005 et le 1er mars 2007 (ci-après les « importations litigieuses »).

7

Les bureaux de douane tchèques compétents ont pris des mesures pour procéder au redressement et au recouvrement fiscal dans ces cas.

8

Cependant, il n’a pas été possible, dans la totalité desdits cas, d’effectuer le redressement et de recouvrer l’ensemble des droits constatés.

9

Entre le 22 septembre 2008 et le 18 février 2009, les sommes correspondant aux droits constatés, mais non encore recouvrés, pour les importations litigieuses ont été inscrites dans la comptabilité prévue à cet effet, dite comptabilité B, conformément à l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 2007/436/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO 2000, L 130, p. 1).

10

Puis, entre le mois de novembre 2013 et le mois de novembre 2014, la République tchèque a, conformément à la réglementation applicable, consigné, dans le système d’information WOMIS (Write-Off Management and Information System), les cas d’impossibilité de recouvrement du montant des ressources propres de l’Union.

11

Par lettre du 20 janvier 2015, la Commission européenne a informé la République tchèque, en réponse à la demande de celle-ci d’être dispensée de l’obligation de mettre à disposition les ressources propres de l’Union mentionnées au point 10 ci-dessus, que les conditions prévues à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000 n’étaient réunies dans aucun des cas en cause. La Commission a invité les autorités tchèques à adopter les mesures nécessaires pour que le compte de cette institution soit crédité du montant de 53976340 couronnes tchèques (CZK), au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le dix-neuvième jour du deuxième mois suivant le mois durant lequel cette lettre a été envoyée. La Commission a ajouté que tout retard donnerait lieu au paiement d’intérêts en application de l’article 11 du règlement no 1150/2000.

12

Le 17 mars 2015, la République tchèque a procédé au versement de 75 % du montant visé au point 11 sur le compte de la Commission prévu à cet effet, après déduction des frais de perception représentant 25 % dudit montant, soit une somme de 40482255 CZK (ci-après la « somme litigieuse »).

13

Par lettre du 27 février 2015, la République tchèque a émis des réserves en indiquant à la Commission qu’il s’agissait d’un versement conditionnel, sous réserve du bien-fondé des prétentions de cette autorité, afin d’éviter d’être soumise au paiement des intérêts prévus par l’article 11 du règlement no 1150/2000.

14

La Commission a répondu à la lettre du 27 février 2015 par lettres des 4 et 21 mai 2015.

15

Le versement visé au point 12 ci-dessus a été complété d’un second, en date du 22 décembre 2016, correspondant à 5 % du montant en cause, à savoir la somme de 2698817 CZK, représentant la différence dans le montant destiné à couvrir les frais de perception liée à la réduction du taux de 25 % à 20 % à la suite d’une modification avec effet rétroactif de la réglementation applicable.

Procédure contentieuse antérieure

16

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mars 2015, la République tchèque a introduit un recours tendant à l’annulation de la lettre de la Commission du 20 janvier 2015.

17

Par l’ordonnance du 28 juin 2018, République tchèque/Commission (T‑147/15, non publiée, EU:T:2018:395), le recours a été rejeté comme étant irrecevable, dans la mesure où celui-ci était dirigé contre un acte qui n’était pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

18

Le pourvoi introduit contre l’ordonnance du 28 juin 2018, République tchèque/Commission (T‑147/15, non publiée, EU:T:2018:395), a été rejeté par la Cour dans l’arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission (C‑575/18 P, EU:C:2020:530).

19

La Cour a précisé, au point 81 de cet arrêt, ce qui suit :

« [L]orsqu’un État membre a mis à la disposition de la Commission un montant de ressources propres de l’Union en formulant des réserves à l’égard du bien-fondé de la position de cette institution et que la procédure de dialogue [qu’il incombe à la Commission d’engager avec cet État, conformément au principe de coopération loyale, afin de clarifier leurs positions respectives et de déterminer les obligations incombant à cet État membre,] n’a pas permis de mettre fin au différend entre [ce dernier] et ladite institution, il est loisible audit État membre de demander à être indemnisé en raison d’un enrichissement sans cause de l’Union et, le cas échéant, de saisir le Tribunal d’un recours à cet effet. »

Procédure et conclusions des parties

20

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mars 2020, la République tchèque a introduit le présent recours.

21

Le 7 septembre 2020, la Commission a déposé le mémoire en défense.

22

Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement les 8 et 16 juillet 2020, la République de Pologne et le Royaume de Belgique ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la République tchèque.

23

Par décisions du 16 septembre 2020, la présidente de la sixième chambre du Tribunal a admis ces interventions.

24

La République de Pologne et le Royaume de Belgique ont chacun déposé un mémoire en intervention le 30 novembre 2020.

25

Les parties ont déposé les observations sur le mémoire en intervention du Royaume de Belgique dans les délais impartis. La Commission a également déposé des observations sur le mémoire en intervention de la République de Pologne.

26

La République tchèque a déposé la réplique le 27 novembre 2020 et la Commission a déposé la duplique le 18 janvier 2021.

27

Par lettre du 15 mars 2021, la requérante a formulé une demande d’audience de plaidoiries, au titre de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

28

Par mesure d’organisation de la procédure du 7 septembre 2021, le Tribunal a invité la Commission à produire le rapport final d’enquête de l’OLAF adopté le 10 décembre 2008 et a posé des questions écrites aux parties principales. La République tchèque et la Commission ont répondu à cette demande dans les délais impartis.

29

La République tchèque a indiqué, en réponse à l’une des questions qui lui étaient posées, se désister de ses conclusions en restitution de la somme de 2698817 CZK visée au point 15 ci-dessus.

30

Par lettre du 1er octobre 2021, le Royaume de Belgique a renoncé à participer à l’audience.

31

Par lettre du 13 octobre 2021, la République de Pologne a renoncé à participer à l’audience.

32

Les parties principales ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 novembre 2021.

33

À la suite du désistement partiel visé au point 29 ci-dessus, la République tchèque demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

condamner la Commission à lui rembourser la somme litigieuse en raison d’un enrichissement sans cause de l’Union ;

condamner la Commission aux dépens.

34

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la République tchèque aux dépens.

35

Le Royaume de Belgique et la République de Pologne concluent à ce qu’il plaise au Tribunal d’accueillir le recours.

En droit

Sur l’objet du recours et les conditions d’une action fondée sur l’enrichissement sans cause

36

La République tchèque demande la répétition de la somme litigieuse qu’elle estime avoir indûment versée au titre des ressources propres de l’Union. Elle entend, à l’appui de sa demande, engager la responsabilité non contractuelle de l’Union sur le terrain de l’enrichissement sans cause.

37

À cet égard, la Commission fait valoir, en substance, que la République tchèque limite son argumentation à la réfutation du contenu de la lettre du 20 janvier 2015. Or, une action fondée sur l’enrichissement sans cause ne saurait se substituer à un recours en annulation de cette lettre. L’objet du litige ne saurait ainsi être le contenu de la lettre du 20 janvier 2015, mais résiderait dans la question de savoir si « [la somme litigieuse] revien[t] ou non à l’Union en tant que ressources propres ».

38

La République tchèque réplique que la lettre du 20 janvier 2015 constitue le cadre du litige que la Commission ne saurait modifier en présentant, pour contester ses prétentions, des arguments nouveaux qui ne lui auraient pas été opposés dans cette lettre. Elle estime que ladite lettre produit des effets juridiques et que « l’examen du recours en répétition de l’indu et de la condition d’absence de base légale valable pour l’enrichissement en question doit lui aussi découler de la thèse de la Commission exprimée dans [la lettre] du 20 janvier 2015 ».

39

Interrogée sur ce point lors de l’audience, la République tchèque a confirmé la position défendue dans ses écritures.

40

Les principaux arguments des parties principales concernant l’objet du litige ayant été rappelés, il convient de souligner que le recours fondé sur un enrichissement sans cause ne relève pas du régime de la responsabilité non contractuelle au sens strict, dont l’engagement dépend de la réunion d’un ensemble de conditions relatives à l’illégalité du comportement reproché à l’Union, à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué. Il se distingue des recours introduits en vertu dudit régime en ce qu’il n’exige pas la preuve d’un comportement illégal du défendeur, ni même l’existence d’un comportement tout court, mais seulement la preuve d’un enrichissement sans base légale valable du défendeur et d’un appauvrissement de la partie requérante lié audit enrichissement [arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, point 49].

41

À cet égard, il convient de préciser que, selon les principes communs aux droits des États membres, une personne ayant subi une perte qui améliore le patrimoine d’une autre personne sans qu’il y ait un quelconque fondement juridique à cet enrichissement a, en règle générale, droit à une restitution, jusqu’à concurrence de cette perte, de la part de la personne enrichie. En effet, si le traité FUE ne prévoit pas expressément une voie de recours destinée à ce type d’action, une interprétation de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE qui exclurait cette possibilité aboutirait à un résultat contraire au principe de protection juridictionnelle effective. L’action fondée sur l’enrichissement sans cause de l’Union, formée au titre de ces articles, requiert la preuve d’un enrichissement sans base légale valable du défendeur ainsi que celle d’un appauvrissement de la partie requérante lié audit enrichissement [voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, points 44 et 46 à 50].

42

Dans le cadre de l’examen d’une telle action, il appartient au Tribunal d’apprécier, notamment, si l’appauvrissement de l’État membre requérant, correspondant à la mise à la disposition de la Commission d’un montant de ressources propres de l’Union que cet État membre a contesté, et l’enrichissement corrélatif de cette institution trouvent leur justification dans les obligations qui s’imposent audit État membre en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres de l’Union ou sont, au contraire, dénués d’une telle justification (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 83).

43

Dans ces conditions, la République tchèque ne saurait établir le bien-fondé de ses prétentions, dans le cadre d’une action fondée sur un enrichissement sans cause de la Commission, en se limitant à réfuter les arguments contenus dans la lettre du 20 janvier 2015, mais doit démontrer, d’une part, que l’enrichissement de la Commission, à la suite de la mise à disposition de la somme litigieuse, ne trouve pas sa justification dans les obligations qui s’imposaient à elle en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres et, d’autre part, que son appauvrissement est lié audit enrichissement.

44

À cet égard, les obligations de la République tchèque en matière de ressources propres ne découlent pas de « la thèse de la Commission exprimée dans [la lettre] du 20 janvier 2015 », mais s’imposent directement en vertu de la réglementation applicable en cette matière, sans que la Commission soit investie d’un pouvoir décisionnel lui permettant d’enjoindre aux États membres de constater et de mettre à sa disposition des montants de ressources propres de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 62).

45

D’une part, il s’ensuit que les arguments de la République tchèque consistant à contester tant les motifs de la lettre du 20 janvier 2015 que le comportement de la Commission au cours du dialogue mené avec elle sont inopérants dans le cadre du présent litige, dans la mesure où ils ne seraient pas susceptibles de se rattacher à la démonstration que la République tchèque doit accomplir (voir point 43 ci-dessus).

46

D’autre part, contrairement à ce que soutient la République tchèque, la lettre du 20 janvier 2015 ne saurait non plus constituer le cadre du litige en tant qu’elle limiterait les arguments de la Commission visant à contester l’existence d’un enrichissement sans cause à ceux contenus dans cette lettre.

47

En particulier, les informations contenues dans la lettre du 20 janvier 2015 ne sauraient constituer des renseignements précis, inconditionnels, et concordants de nature à faire naître à l’égard de la République tchèque des assurances quant à la délimitation du litige susceptible de l’opposer à la Commission dans le cadre d’une action fondée sur un enrichissement sans cause de cette institution.

48

Il s’ensuit que la Commission pouvait faire valoir à l’instance tout élément visant à contester l’existence d’un enrichissement sans cause, y compris ceux ne figurant pas dans la lettre du 20 janvier 2015, sans porter atteinte au principe de protection de la confiance légitime, ni au droit à une bonne administration, tel que défini à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

49

Compte tenu de tout ce qui précède, il convient à présent d’examiner, dans le cadre défini au point 42 ci-dessus, le bien-fondé du présent recours compte tenu des éléments de preuve apportés par la République tchèque et des arguments échangés entre les parties.

Sur le bien-fondé du recours et l’existence d’un enrichissement sans cause de l’Union

50

La République tchèque soutient, en substance, qu’elle n’est pas redevable de la somme litigieuse, car elle n’a pu prendre les mesures nécessaires à son recouvrement qu’à la suite de la transmission du rapport de l’OLAF.

51

Selon la République tchèque, les conditions pour constater les droits de douane correspondant à la somme litigieuse n’auraient en effet pu être remplies qu’après la remise du rapport de l’OLAF, seul son contenu ayant effectivement permis à la République tchèque de déterminer avec certitude le montant des droits à recouvrer et le débiteur de ces droits.

52

Or, la société BAIDE aurait cessé toute activité sur le territoire de la République tchèque à compter de mai 2008, soit avant la transmission du rapport de l’OLAF, de sorte que, lors de l’adoption dudit rapport, il n’aurait existé en République tchèque aucun autre patrimoine saisissable que celui finalement saisi par les autorités douanières nationales.

53

Le retard prétendument pris par les autorités douanières postérieurement à la réception dudit rapport n’aurait donc pu, en tout état de cause, entraîner l’impossibilité de recouvrer la dette douanière.

54

La République tchèque ajoute que, en tout état de cause, aucun retard ne lui est imputable dans la constatation et le recouvrement de la somme litigieuse après la remise du rapport de l’OLAF. Elle précise que les autorités douanières ont adopté les mesures nécessaires pour éviter la forclusion de la possibilité d’un redressement fiscal dans l’ensemble des 28 cas d’importations concernés.

55

Dans ces conditions, les raisons de l’absence de recouvrement de la somme litigieuse ne seraient pas imputables à la République tchèque et celle-ci pourrait se prévaloir de la dispense de mise à disposition des ressources propres prévue à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000.

56

En conséquence, l’enrichissement de la Commission, consécutif à l’appauvrissement de la République tchèque résultant de la mise à disposition de la somme litigieuse, ne reposerait sur aucune base juridique valable.

57

La Commission conclut au rejet de l’ensemble de l’argumentation de la République tchèque et fait valoir que celle-ci n’a pas apporté la preuve d’un enrichissement sans cause.

58

La Commission fait, principalement, valoir que les dispositions de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000 ne sont pas applicables à la République tchèque, car celle-ci n’aurait pas inscrit les ressources propres non recouvrées dans la comptabilité séparée prévue à cet effet, la comptabilité B, dans le respect des délais prescrits à l’article 6, paragraphe 3, du même règlement.

59

Il résulterait en effet de l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C‑334/08, EU:C:2010:414, point 65), que la possibilité, pour les États membres, de se voir exemptés de leur obligation de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés exige non seulement le respect des conditions énoncées à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000, mais aussi que lesdits droits aient été régulièrement inscrits dans la comptabilité B.

60

Selon la Commission, la République tchèque n’aurait pas respecté les délais prescrits et n’aurait donc pas inscrit régulièrement les droits à recouvrer dans la comptabilité B, car elle aurait agi avec retard en ne constatant pas les droits antidumping dus par la société BAIDE sur les importations litigieuses dès le retour de la mission d’inspection, qui s’est achevée le 26 novembre 2007.

61

À supposer même que les montants correspondant aux droits constatés aient été régulièrement inscrits dans la comptabilité B, la Commission fait valoir que la République tchèque aurait dû constituer une garantie en recouvrement de la somme litigieuse avant de mettre en libre pratique les importations litigieuses, de sorte que la cessation d’activité de la société BAIDE, intervenue postérieurement, n’aurait pu légalement faire obstacle à son recouvrement.

62

La République de Pologne souligne que la solution dégagée dans l’arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission (C‑575/18 P, EU:C:2020:530), présente une importance considérable pour les États membres qui souhaitent faire usage de la possibilité d’être entendus dans les litiges les opposant à la Commission et portant sur les obligations de mise à disposition des ressources propres.

63

La République de Pologne soutient que la République tchèque n’a pu recouvrer les sommes litigieuses pour une raison qui ne lui était pas imputable, puisque le débiteur avait cessé ses activités avant la date à laquelle le rapport de l’OLAF a été adopté.

64

Le Royaume de Belgique estime qu’un État membre peut se prévaloir de la dispense de mise à disposition des ressources propres prévue à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000 dans l’hypothèse même où les ressources propres seraient inscrites tardivement dans la comptabilité B, si de telles ressources remplissent les conditions de fond d’une telle inscription et que cet État membre démontre que l’absence de recouvrement de certaines ressources propres résulte de circonstances qui ne lui sont pas imputables.

65

En l’espèce, la République tchèque n’aurait pas procédé tardivement au recouvrement des sommes litigieuses dans la mesure où, en substance, il aurait appartenu à l’OLAF, s’il l’estimait nécessaire, de transmettre de manière officielle et dès le retour de la mission d’inspection les éléments utiles au recouvrement de la dette douanière et non de compter « passivement » sur la représentante de l’administration tchèque présente lors de la mission pour le faire.

66

Le Tribunal estime que l’argumentation échangée entre les parties, telle qu’elle vient d’être rappelée, doit le conduire à examiner, dans cet ordre, les quatre points suivants : les conditions d’application à la République tchèque de la possibilité de se voir dispensée de son obligation de mettre à disposition la somme litigieuse ; la date à laquelle les droits antidumping dus par la société BAIDE correspondant à la somme litigieuse devaient être constatés ; les conséquences de la cessation d’activité de ladite société sur l’obligation de mise à disposition de la somme litigieuse, et l’obligation pour la République tchèque de constituer une garantie en recouvrement de la somme litigieuse.

Sur les conditions d’application à la République tchèque de la possibilité de se voir dispensée de son obligation de mettre à disposition la somme litigieuse

67

Ainsi qu’il a été rappelé au point 58 ci-dessus, la Commission fait valoir que la République tchèque ne pouvait pas se prévaloir des dispositions de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000, car elle n’aurait pas établi avoir inscrit dans les délais prévus à l’article 6, paragraphe 3, sous b), du même règlement les droits non recouvrés dans la comptabilité B.

– Dispositions applicables

68

S’agissant de la période concernée par les faits à l’origine du litige, deux décisions relatives au système des ressources propres de l’Union se sont appliquées successivement, à savoir la décision 2000/597/CE, Euratom du Conseil, du 29 septembre 2000, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2000, L 253, p. 42), puis, à compter du 1er janvier 2007, la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2007, L 163, p. 17).

69

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision 2000/597, dont le contenu a été repris, en substance, à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436, constituent des ressources propres inscrites au budget général de l’Union les recettes provenant, notamment, « des droits du tarif douanier commun et des autres droits établis ou à établir par les institutions [de l’Union] sur les échanges avec les pays non membres ».

70

L’article 8, paragraphe 1, premier et troisième alinéas, des décisions 2000/597 et 2007/436 prévoit, notamment, d’une part, que ces ressources propres de l’Union sont perçues par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales qui sont, le cas échéant, adaptées aux exigences de la réglementation de l’Union et, d’autre part, que les États membres mettent lesdites ressources à la disposition de la Commission.

71

Le règlement no 1150/2000 applicable au présent litige est le résultat de deux modifications introduites, au cours de la période concernée par les faits à l’origine du litige, respectivement, avec effet au 28 novembre 2004, par le règlement (CE, Euratom) no 2028/2004 du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO 2004, L 352, p. 1), et, avec effet au 1er janvier 2007, par le règlement (CE, Euratom) no 105/2009 du Conseil, du 26 janvier 2009 (JO 2009, L 36, p. 1).

72

En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, un droit de l’Union sur les ressources propres est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable. La date à retenir pour la constatation visée audit paragraphe 1 est la date de la prise en compte prévue par la réglementation douanière, conformément à l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement.

73

L’article 6, paragraphe 1 et paragraphe 3, sous a) et b), de ce règlement prévoit :

« 1.   Une comptabilité des ressources propres est tenue auprès du trésor de chaque État membre ou de l’organisme désigné par chaque État membre et ventilée par nature de ressources.

[...]

a)

Les droits constatés conformément à l’article 2 sont, sous réserve du point b) du présent paragraphe, repris dans la comptabilité [couramment désignée comme la ‘comptabilité A’] au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.

b)

Les droits constatés et non repris dans la comptabilité visée au point a) parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’a été fournie sont inscrits, dans le délai prévu au point a) dans une comptabilité séparée [couramment désignée comme la ‘comptabilité B’]. Les États membres peuvent procéder de la même manière lorsque les droits constatés et couverts par des garanties font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus. »

74

L’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement dispose :

« Selon les modalités définies à l’article 10, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son trésor ou de l’organisme qu’il a désigné. »

75

Conformément à l’article 10, paragraphe 1, du même règlement :

« Après déduction des frais de perception, en application de l’article 2, paragraphe 3, et de l’article 10, paragraphe 3, de la décision [2007/436], l’inscription des ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, [sous] a), de cette décision intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2 du présent règlement.

Toutefois, pour les droits repris dans la comptabilité séparée conformément à l’article 6, paragraphe 3, [sous] b), du présent règlement, l’inscription doit intervenir au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui du recouvrement des droits. »

76

En vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’intérêts de retard.

77

Enfin, l’article 17, paragraphes 1 à 4, dudit règlement énonce :

« 1.   Les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par le présent règlement.

2.   Les États membres sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés qui s’avèrent irrécouvrables :

a)

soit pour des raisons de force majeure ;

b)

soit pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables.

Les montants de droits constatés sont déclarés irrécouvrables par décision de l’autorité administrative compétente constatant l’impossibilité du recouvrement.

Les montants de droits constatés sont réputés irrécouvrables au plus tard après une période de cinq ans à compter de la date à laquelle le montant a été constaté conformément à l’article 2 ou, en cas de recours administratif ou judiciaire, à compter de la date de la notification ou de la publication de la décision définitive.

[…]

Les montants déclarés ou réputés irrécouvrables sont définitivement retirés de la comptabilité séparée visée à l’article 6, paragraphe 3, [sous] b). Ils sont mentionnés en annexe au relevé trimestriel visé au paragraphe 4, [sous] b), du même article ainsi que, le cas échéant, dans le relevé trimestriel visé au paragraphe 5 de cet article.

3.   Dans les trois mois suivant la décision administrative mentionnée au paragraphe 2 ou suivant l’échéance visée à ce même paragraphe, les États membres communiquent à la Commission les éléments d’information portant sur les cas d’application dudit paragraphe 2 pour autant que le montant des droits constatés en jeu dépasse 50000 euros.

[...]

Cette communication, qui est faite sur un modèle établi par la Commission après consultation du comité visé à l’article 20, doit permettre à cette dernière d’apprécier les raisons visées au paragraphe 2, sous a) et b), qui ont empêché l’État membre concerné de mettre à disposition le montant en cause, ainsi que les mesures prises par ce dernier pour assurer le recouvrement.

4.   La Commission dispose d’un délai de six mois à compter de la réception de la communication visée au paragraphe 3 pour transmettre ses observations à l’État membre concerné.

[…] »

– Interprétation de la Cour

78

Il résulte de l’article 8, paragraphe 1, des décisions 2000/597 et 2007/436 que les ressources propres de l’Union visées, respectivement, à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2000/597 et à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436 sont perçues par les États membres et que ceux-ci ont l’obligation de mettre ces ressources à la disposition de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie, C‑334/08, EU:C:2010:414, point 34).

79

À cette fin, les États membres sont tenus, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000 de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable. Les États membres sont, par conséquent, obligés de reprendre les droits constatés conformément à l’article 2 de ce règlement dans la comptabilité des ressources propres de l’Union dans les conditions prévues à l’article 6 dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, Commission/Allemagne, C‑442/08, EU:C:2010:390, point 76 et jurisprudence citée).

80

À cet égard, il y a lieu de préciser que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, sous b), du même règlement, un droit constaté qui n’a pas encore été recouvré et pour lequel aucune caution n’a été fournie est inscrit dans une comptabilité séparée, à savoir la comptabilité B [voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, Commission/Italie (Ressources propres – Recouvrement d’une dette douanière), C‑304/18, non publié, EU:C:2019:601, point 52].

81

Les États membres doivent ensuite mettre les ressources propres de l’Union à la disposition de la Commission dans les conditions fixées aux articles 9 à 11 du règlement no 1150/2000, en les inscrivant, dans le respect des délais prévus, au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de cette institution. Conformément à l’article 11, paragraphe 1, de ce règlement, tout retard dans l’inscription à ce compte donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’intérêts de retard (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 58).

82

En outre, en vertu de l’article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1150/2000, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 de ce règlement soient mis à la disposition de la Commission. Les États membres n’en sont dispensés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure ou lorsqu’il s’avère qu’il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des raisons qui ne peuvent leur être imputées. Les montants déclarés ou réputés irrécouvrables sont définitivement retirés de la comptabilité séparée visée à l’article 6, paragraphe 3, sous b), dudit règlement (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 60).

83

L’inscription des ressources propres dans la comptabilité B traduit ainsi une situation exceptionnelle caractérisée par le fait de permettre aux États membres soit de ne pas mettre ces droits à la disposition de la Commission dès leur constatation parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés, au titre de l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1150/2000, soit d’être dispensés de le faire si lesdits droits s’avèrent irrécouvrables pour des raisons de force majeure ou pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables, sur le fondement de l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement (arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie, C‑334/08, EU:C:2010:414, point 68).

84

Toutefois, la possibilité, pour les États membres, de se voir exemptés de leur obligation de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés exige non seulement le respect des conditions énoncées à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000, mais aussi que lesdits droits aient été régulièrement inscrits dans la comptabilité B (arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie, C‑334/08, EU:C:2010:414, point 65).

– Application au cas d’espèce

85

La Commission se prévaut, ainsi qu’il a été précisé au point 59 ci-dessus, de l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C‑334/08, EU:C:2010:414, point 65), tel qu’il vient d’être rappelé au point 84 ci-dessus.

86

Il convient, à titre liminaire, de relever que l’argument avancé par la Commission, indépendamment de son bien-fondé, est inopérant dans le cadre du présent recours, fondé sur un enrichissement sans cause de l’Union.

87

Dans ce cadre, en effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 42 ci-dessus, il convient de vérifier si la partie requérante a apporté la preuve d’un enrichissement sans base légale valable de la Commission et de son appauvrissement lié audit enrichissement, ou si, en l’absence de cette preuve, il convient de conclure que cet enrichissement était justifié par les obligations imposées par la réglementation relative aux ressources propres. Or, en tout état de cause, une mise à disposition de ressources propres ne trouve pas de justification dans l’obligation de respecter les délais prévus à l’article 6 du règlement no 1150/2000, dont la méconnaissance ne conduit à aucun versement, pas même à celui d’intérêt de retard, lequel est conditionné au retard pris dans l’inscription au compte ouvert à cet effet au nom de la Commission, conformément à l’article 11 du règlement no 1150/2000 modifié.

88

Il ne saurait donc être exigé de la République tchèque, dans le cadre de son action fondée sur un enrichissement sans cause, d’établir, ainsi que le fait valoir, en substance, la Commission, que « l’ensemble du processus lors de la procédure douanière, du recouvrement de la créance et des opérations relatives aux ressources propres a été exécuté conformément à toutes les règles, correctement, en temps utile et dans le respect de la protection des intérêts financiers de l’Union », mais d’établir uniquement, outre son appauvrissement et l’enrichissement corrélatif, que celui-ci était dénué de toute justification.

89

En tout état de cause, il ressort du dossier que les droits en cause ont été inscrits dans les délais prévus à l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1150/2000.

90

L’inscription dans la comptabilité B est une opération purement comptable, de sorte que les délais prévus pour y procéder doivent, contrairement à ce que fait valoir la Commission, être calculés à partir non pas de la date à laquelle les droits en cause auraient dû être constatés, conformément à l’article 2 du règlement no 1150/2000, mais de la date à laquelle ces droits ont effectivement été constatés.

91

Or, il est constant entre les parties, ainsi qu’elles l’ont confirmé dans leurs réponses aux questions écrites, que les droits antidumping dus par la société BAIDE sur les importations litigieuses ont été constatés et inscrits dans la comptabilité B le même jour, soit entre le 22 septembre 2008 et le 18 février 2009. La Commission a au demeurant reconnu, dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 28, que « l’inscription dans la comptabilité B immédiatement après la prise en compte prévue par la réglementation douanière [était] acceptable ».

92

Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que, conformément aux dispositions de l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1150/2000, les droits dus par la société BAIDE, mais non encore recouvrés et alors qu’aucune caution n’avait été fournie, ont été inscrits dans la comptabilité B, en tout état de cause, au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel ces droits ont été constatés.

93

Il convient donc de vérifier si la somme litigieuse était irrécouvrable pour des raisons non imputables à la République tchèque, lui permettant de l’inscrire dans une comptabilité séparée.

Sur la date à laquelle les droits antidumping dus par la société BAIDE correspondant à la somme litigieuse devaient être constatés

94

La République tchèque soutient, ainsi qu’il a été rappelé au point 51 ci-dessus, qu’elle n’a été en mesure de constater les droits antidumping dus par la société BAIDE sur les importations litigieuses qu’à la suite de la transmission du rapport de l’OLAF, cependant que la Commission prétend qu’elle aurait dû y procéder dès le retour de la mission d’inspection, ainsi qu’il ressort du point 60 ci-dessus.

95

La République tchèque aurait, en effet, eu connaissance du procès-verbal du 15 novembre 2007, ainsi que des preuves de l’origine chinoise des marchandises en cause obtenues lors de la mission et annexées à ce document, puisque celui-ci avait été signé par la représentante de l’administration douanière tchèque, laquelle aurait été présente tout au long de la mission et participé à l’ensemble des réunions ainsi qu’à l’inspection des installations de production. Dans ces conditions, la République tchèque aurait disposé des informations suffisantes pour procéder, dès le retour de mission de sa représentante, à la constatation de la dette douanière.

96

Ainsi qu’il résulte des textes applicables, rappelés aux points 68 à 77 ci-dessus, tels qu’ils sont interprétés par la Cour, les États membres doivent constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable.

97

À cet égard, l’article 217, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes »), dans sa version applicable au litige, dispose que « [t]out montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière […] doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte) ».

98

Ces conditions sont remplies si les autorités douanières disposent des éléments nécessaires et sont donc en mesure de calculer le montant des droits résultant de la dette douanière et de déterminer le débiteur (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Danemark, C‑392/02, EU:C:2005:683, points 57 à 59).

99

En l’espèce, il est constant qu’une représentante de l’administration douanière tchèque a participé à la mission d’inspection et que celle-ci a signé le procès-verbal du 15 novembre 2007.

100

La République tchèque affirme que la représentante de son administration douanière n’a pas reçu communication des documents en annexes audit procès-verbal à la fin de la mission d’inspection, de sorte qu’elle n’aurait pas, à cette date, disposé des preuves nécessaires au recouvrement de la somme litigieuse.

101

Lors de l’audience, la Commission a confirmé qu’elle n’alléguait pas que la représentante de l’administration douanière tchèque présente lors de la mission d’inspection avait matériellement reçu les documents annexés au procès-verbal, mais que celle-ci avait eu forcément connaissance des éléments de preuve recueillis lors de cette mission, car elle avait pu les consulter.

102

Toutefois, il ne peut être souscrit à l’affirmation de la Commission selon laquelle il aurait suffi que la représentante de l’administration douanière tchèque « [ait] vu avec ses propres yeux ce qui s’[était] passé » pour que la République tchèque, sur la seule foi du témoignage de sa représentante, soit en mesure de procéder à la constatation des droits dus par la société BAIDE au retour de la mission d’inspection.

103

Il ne saurait en effet être suffisant d’avoir connaissance de l’existence d’une preuve pour se prévaloir de cette preuve dans le cadre d’une procédure administrative. Afin de leur permettre de prendre en compte le montant des droits dus et d’en informer le redevable, les autorités tchèques auraient dû être en mesure d’authentifier les éléments de preuve recueillis lors de la mission d’inspection, puis de les opposer au contribuable. Or, ainsi qu’il vient d’être dit, il n’est pas contesté que de tels éléments n’ont pas été transmis à la République tchèque à la fin de la mission d’inspection.

104

La Commission fait cependant valoir que, dans la mesure où la République tchèque, par le procès-verbal du 15 novembre 2007, avait été informée de la liste des preuves collectées, il lui revenait d’en obtenir communication en faisant la demande auprès de l’OLAF si elle l’estimait nécessaire.

105

À cet égard, il convient de relever que la République tchèque affirme qu’aucune base légale ne permettait à la représentante de son administration douanière de transmettre directement aux autorités nationales compétentes des éléments collectés dans le cadre d’une mission conduite sous la responsabilité de l’OLAF, lesquels seraient confidentiels et ne sauraient servir de preuve dans une procédure administrative ou judiciaire qu’après avoir été transmis par la Commission et vérifiés par l’OLAF, seuls destinataires des documents et des informations recueillis dans le cadre d’une mission de l’Union dans un pays tiers.

106

En vertu de son article 1er, le règlement (CE) no 515/97 du Conseil, du 13 mars 1997, relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole (JO 1997, L 82, p. 1), « détermine les conditions dans lesquelles les autorités administratives chargées dans les États membres de l’exécution des réglementations douanière et agricole collaborent entre elles ainsi qu’avec la Commission en vue d’assurer le respect de ces réglementations dans le cadre d’un système communautaire ».

107

L’article 12 du règlement no 515/97, dans sa version applicable au litige, dispose que « les constatations, attestations, informations, documents, copies certifiées conformes et tous les renseignements obtenus par des agents de l’autorité requise [à savoir l’autorité compétente d’un État membre à laquelle la demande d’assistance est adressée] et transmises à l’autorité requérante [à savoir l’autorité compétente d’un État membre qui formule une demande d’assistance] dans les cas d’assistance prévus aux articles 4 à 11 [relatifs aux modalités de mise en œuvre de l’assistance sur demande] peuvent être invoqués comme éléments de preuve par les instances compétentes de l’État membre de l’autorité requérante ».

108

L’article 20 du règlement no 515/97 prévoit ce qui suit :

« 1.   En vue d’atteindre les objectifs du présent règlement, la Commission peut, dans les conditions prévues à l’article 19, procéder à des missions communautaires de coopération et d’enquête administratives dans des pays tiers en coordination et en coopération étroite avec les autorités compétentes des États membres.

2.   Les missions communautaires dans des pays tiers visées au paragraphe 1 s’effectuent dans les conditions suivantes :

a)

la mission peut être entreprise à l’initiative de la Commission, le cas échéant sur la base d’éléments d’information fournis par le Parlement européen, ou à la demande d’un ou de plusieurs États membres ;

b)

participent aux missions, des agents de la Commission désignés à cet effet et des agents désignés à cet effet par le ou les États membres concernés ;

c)

la mission peut également, avec l’accord de la Commission et des États membres concernés, être exécutée, dans l’intérêt communautaire, par les agents d’un État membre, notamment en application d’un accord bilatéral d’assistance avec un pays tiers; dans ce cas, la Commission est informée des résultats de la mission ;

[…] »

109

L’article 21, qui fait partie du titre IV « Relations avec les pays tiers », du règlement no 515/97, dans sa version applicable au litige, précise :

« 1.   Les constatations effectuées et les informations obtenues dans le cadre des missions communautaires visées à l’article 20, notamment sous la forme de documents communiqués par les autorités compétentes des pays tiers concernés, sont traitées conformément à l’article 45.

2.   L’article 12 est applicable mutatis mutandis aux constatations et aux informations visées au paragraphe 1.

3.   Aux fins de leur utilisation au titre de l’article 12, les documents originaux obtenus ou des copies légalisées de ceux-ci sont délivrés par la Commission aux autorités compétentes des États membres, sur demande de ces derniers. »

110

L’article 45 du règlement no 515/97, dans sa version applicable au litige, énonce :

« 1.   Les renseignements communiqués, sous quelque forme que ce soit, en application du présent règlement ont un caractère confidentiel, y compris les données stockées dans le [système d’information douanier]. Ils sont couverts par le secret professionnel et bénéficient de la protection accordée par la loi nationale de l’État membre qui les a reçus pour les renseignements de même nature, ainsi que par les dispositions correspondantes s’appliquant aux instances communautaires.

Les renseignements visés au premier alinéa ne peuvent notamment être transmis à des personnes autres que celles qui, dans les États membres ou au sein des institutions communautaires, sont, de par leurs fonctions, appelées à les connaître ou à les exploiter. Ils ne peuvent pas non plus être utilisés à des fins différentes de celles prévues par le présent règlement, à moins que l’État membre ou la Commission qui les a fournis ou qui les a enregistrés dans le [système d’information douanier] n’y ait expressément consenti, sous réserve des conditions imposées par cet État membre ou par la Commission et pour autant que les dispositions en vigueur dans l’État membre où l’autorité qui les a reçus a son siège ne s’opposent pas à une telle communication ou utilisation.

2.   Sans préjudice des dispositions du titre V concernant le [système d’information douanier], les informations relatives aux personnes physiques et morales ne font l’objet des communications visées par le présent règlement que dans la mesure strictement nécessaire pour permettre la prévention, la recherche ou la poursuite d’opérations contraires aux réglementations douanière ou agricole.

3.   Les paragraphes 1 et 2 ne font pas obstacle à l’utilisation, dans le cadre d’actions judiciaires ou de poursuites engagées par la suite pour non-respect des réglementations douanière ou agricole, des renseignements obtenus en application du présent règlement.

[…] »

111

L’article 9, intitulé « Rapport d’enquête et suites des enquêtes », du règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) (JO 1999, L 136, p. 1), est ainsi rédigé :

« 1.   À l’issue d’une enquête effectuée par l’Office, celui-ci établit sous l’autorité du directeur un rapport qui comporte notamment les faits constatés, le cas échéant le préjudice financier et les conclusions de l’enquête, y compris les recommandations du directeur de l’Office sur les suites qu’il convient de donner.

2.   Ces rapports sont établis en tenant compte des exigences de procédure prévues par la loi nationale de l’État membre concerné. Les rapports ainsi dressés constituent, au même titre et dans les mêmes conditions que les rapports administratifs établis par les contrôleurs administratifs nationaux, des éléments de preuve admissibles dans les procédures administratives ou judiciaires de l’État membre où leur utilisation s’avère nécessaire. Ils sont soumis aux mêmes règles d’appréciation que celles applicables aux rapports administratifs établis par les contrôleurs administratifs nationaux et ont une valeur identique à ceux-ci.

3.   Le rapport établi à la suite d’une enquête externe [par laquelle, conformément à l’article 3 du règlement, l’Office effectue des contrôles et des vérifications prévus par l’article 9, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 et par les réglementations sectorielles visées à l’article 9, paragraphe 2, du même règlement, dans les États membres et, conformément aux accords de coopération en vigueur, dans les pays tiers] et tout document utile y afférent sont transmis aux autorités compétentes des États membres concernés conformément à la réglementation relative aux enquêtes externes.

[…] »

112

L’article 17, intitulé « Missions d’enquête dans les pays tiers », des directives internes sur les procédures d’enquête de l’OLAF (ci-après les « directives internes ») énonce, à son paragraphe 5, que « [l]es membres de l’unité d’enquête [à laquelle a été attribuée l’affaire par le directeur général de l’OLAF, conformément à l’article 6.1 des directives internes] engagés dans l’exécution de la mission d’enquête établissent un rapport sur les activités entreprises au cours de la mission, dont une copie est remise aux participants [à savoir, conformément au paragraphe 7, pour ce qui concerne les missions d’enquête concernant les douanes ou les ressources propres, aux fonctionnaires des États membres concernés participant à la mission d’enquête] ».

113

Les dispositions applicables au présent litige et invoquées par les parties ayant été rappelées, il convient de noter qu’il résulte du cadre réglementaire ainsi défini que la collaboration des États membres avec la Commission est une condition essentielle du respect de l’exécution de la législation douanière au sein de l’Union.

114

À cette fin, des missions communautaires de coopération et d’enquête administratives sont diligentés dans les pays tiers, auxquelles participent des agents désignés, à cette fin, par les États membres, conformément à l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 515/97.

115

Si les constatations effectuées et les informations obtenues dans le cadre des missions communautaires ont un caractère confidentiel, le secret professionnel dont elles sont revêtues, conformément à l’article 45, paragraphe 1, du règlement no 515/97, ne saurait faire obstacle à ce qu’elles soient communiquées aux représentants désignés par les États membres au sein de telles missions, sauf à priver d’effet utile l’objectif de ce règlement, tel que défini au point 113 ci-dessus, conformément à l’article 1er dudit règlement.

116

Dans ces conditions, ces représentants doivent être regardés, au sens de l’article 45, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 515/97, comme des personnes, qui sont, dans les États membres, de par leurs fonctions, appelées à les connaître ou à les exploiter.

117

En conséquence, les constations et les informations recueillies dans le cadre d’une mission communautaire diligentée dans un pays tiers peuvent être utilisées par les agents désignés par les États membres pour y participer aux fins de l’application du règlement no 515/97.

118

En vertu de l’article 45, paragraphes 2 et 3, du même règlement, les renseignements obtenus dans le cadre des missions communautaires peuvent être utilisés pour permettre la poursuite d’opérations contraires à la réglementation douanière, ainsi que dans le cadre d’actions judiciaires ou de poursuite engagées par la suite. De tels renseignements peuvent, en particulier, être invoqués comme éléments de preuve par les autorités compétentes des États membres, conformément à l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 515/97.

119

Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la République tchèque, la représentante de son administration douanière au sein de la mission d’inspection était pleinement habilitée à demander et à recevoir de l’OLAF, ainsi que le fait valoir la Commission, les éléments de preuve annexés au procès-verbal du 15 novembre 2007, sans qu’y fasse obstacle l’obligation de confidentialité prévue à l’article 45 du règlement no 515/97. Elle était également habilitée à les communiquer aux autorités compétentes de la République tchèque afin que celles-ci utilisent ces éléments comme éléments de preuve à l’encontre de la société BAIDE dans le cadre de la procédure en recouvrement de la dette douanière due par ladite société.

120

À cet égard, la République tchèque fait cependant valoir, ainsi qu’il a été précisé au point 105 ci-dessus, que l’OLAF était tenu d’apprécier les constatations effectuées lors de la mission d’inspection avant de les transmettre dans le cadre de son rapport d’enquête, conformément au point 17.5 des directives internes ainsi qu’à l’article 9, du règlement no 1073/1999.

121

La circonstance que l’OLAF vérifie les éléments de preuve avant de les transmettre dans le cadre de son rapport, si elle était susceptible de retarder, le cas échéant, la communication de tels éléments, ne faisait cependant pas obstacle, par elle-même, à ce que la République tchèque, ainsi que le soutient la Commission, lui en fît la demande dès le retour de mission de sa représentante.

122

Toutefois, il n’est pas contesté que l’OLAF s’était engagé à communiquer à la République tchèque les éléments de preuve collectés lors de la mission d’inspection dès le début de l’année 2008. Or, il est constant, ainsi que la Commission l’a d’ailleurs reconnu lors de l’audience, que l’OLAF a tardé à communiquer son rapport, auquel étaient joints de tels éléments.

123

Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la République tchèque d’avoir attendu la communication du rapport de l’OLAF et de ne pas avoir sollicité la production des éléments de preuve dès le retour de la mission d’inspection.

124

En outre, la République tchèque pouvait, en l’espèce, estimer nécessaire d’attendre que de tels éléments de preuve soient analysés et vérifiés par l’OLAF avant de les utiliser dans le cadre d’une procédure de redressement fiscal. L’OLAF était en effet le mieux à même de procéder à cette vérification, puisque la collecte des preuves s’était effectuée dans le cadre d’un accord de coopération entre la Commission et le Laos et en l’absence d’accord bilatéral d’assistance entre ce pays et la République tchèque.

125

Dans ces conditions, la République tchèque a établi n’avoir pas pu être en possession des éléments de preuve nécessaires à la constatation des droits antidumping dus par la société BAIDE sur les 28 cas d’importations litigieux dès le retour de la mission d’inspection.

126

En conséquence, contrairement à ce que fait valoir la Commission, la République tchèque, en ne procédant pas, dans les circonstances de l’espèce, à la constatation des droits en cause dans les jours suivant le retour de la mission d’inspection, n’a pas violé les obligations qui lui incombaient en vertu des dispositions rappelées aux points 68 à 77 ci-dessus.

Sur les conséquences de la cessation d’activité de la société BAIDE sur l’obligation de mise à disposition de la somme litigieuse et son recouvrement

127

La République tchèque soutient, ainsi qu’il a été rappelé au point 52 ci-dessus, qu’elle n’a pu procéder au recouvrement de la somme litigieuse dès lors que la société BAIDE avait cessé toute activité sur le territoire national à compter du mois de mai 2008, de sorte que la majorité du patrimoine de cette société ne pouvait plus être saisi lorsque le rapport de l’OLAF lui a été remis.

128

Il est constant que le rapport de l’OLAF permettait effectivement de constater les droits de douane dus par la société BAIDE. Un tel rapport précise, en effet, que les éléments de preuve de l’origine chinoise des marchandises étaient suffisants pour ouvrir une procédure de redressement fiscal et fait état des 28 cas d’importations litigieux concernant en République tchèque la société BAIDE.

129

Il n’est pas non plus contesté que la société BAIDE avait cessé ses activités sur le territoire de la République tchèque dès le mois de mai 2008, ce que la Commission a reconnu lors de l’audience.

130

Il résulte en outre de l’instruction, en particulier de l’enquête diligentée par les autorités douanières tchèques auprès des banques et des services municipaux de la ville de Prague (République tchèque), ainsi que de l’extrait du registre du commerce, de la réponse des autorités fiscales apportée à la demande des autorités douanières tchèques de versement d’un trop perçu fiscal établi au nom de la société BAIDE, de la réponse à une demande d’information fiscale et de la demande d’insolvabilité du liquidateur de la société BAIDE, joints à la requête, respectivement, en annexes, A.8, A.19, A.20 et A.21, que la société BAIDE ne possédait plus aucun patrimoine saisissable sur le territoire de la République tchèque, à l’exception des sommes déposées sur trois comptes ouverts auprès de la Československá obchodní banka, ainsi que d’un trop perçu fiscal, pour des montants respectifs de 16047,67 CZK, 14,56 dollars américains (USD), 51,60 euros et 82300 CZK, de telles sommes ayant finalement été recouvrées par les autorités douanières.

131

La Commission ne conteste pas le résultat de l’enquête menée par les autorités douanières tchèques sur le patrimoine de la société BAIDE, ni les conclusions et les données financières contenues dans les documents visés au point 130 ci-dessus. Elle ne conteste pas non plus le fait que le constat de la cessation d’activité de la société BAIDE est directement lié au fait que, depuis lors, cette société, hormis les montants susmentionnés, ne disposait d’aucun patrimoine saisissable en République tchèque.

132

Enfin, la Commission n’allègue pas que la République tchèque aurait pu saisir un patrimoine supérieur à celui qu’elle a finalement saisi après la remise du rapport de l’OLAF.

133

Si la Commission reproche à la République tchèque de ne pas avoir agi avec toute la diligence nécessaire à la fin de la mission d’inspection, elle a confirmé à l’audience qu’elle n’entendait pas alléguer que la République tchèque, indépendamment des mesures mises en œuvre après la remise du rapport de l’OLAF, aurait dû recouvrer un montant supérieur à celui finalement recouvré à la suite de la remise de ce rapport.

134

À cet égard, la Commission a fait valoir lors de l’audience, en réponse à une question qui lui était posée sur ce point, que « la République tchèque avait l’obligation de constater les droits de douane au moment où [la société BAIDE] était encore présente sur le territoire tchèque, donc à un moment entre la fin novembre 2007 […] et [la] fin février 2008 », et qu’elle « aurait pu [ainsi] récupérer plus d’argent si elle avait constaté la dette douanière plus tôt ».

135

Or, dans les circonstances particulières de l’espèce, ainsi que cela a été constaté aux points 123 et 124 ci-dessus, la République tchèque pouvait raisonnablement attendre la communication du rapport de l’OLAF annoncée pour le début de l’année 2008 sans solliciter, dès avant cette date, les éléments de preuve collectés lors de la mission d’inspection. Dans ce contexte, et compte tenu du délai qui aurait été nécessaire à l’obtention desdits documents, à leur analyse par les autorités tchèques et à la mise en œuvre d’une procédure de redressement fiscal, la Commission n’est pas fondée à soutenir que la République tchèque aurait pu recouvrer un montant de droits sur les ressources propres plus important si elle avait constaté ces derniers plus tôt.

136

Dans ces conditions, il résulte de l’instruction, compte tenu des éléments au dossier et des arguments échangés entre les parties, que la cessation d’activité de la société BAIDE est susceptible d’avoir constitué une raison non imputable à la République tchèque qui a pu légalement dispenser cet État membre de mettre la somme litigieuse à la disposition de l’Union, sur le fondement de l’article 17, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1150/2000, rappelé au point 77 ci-dessus.

137

Dès lors également que la cessation d’activité de la société BAIDE est intervenue avant la remise du rapport de l’OLAF, la circonstance, à la supposer même fondée, que la République tchèque aurait agi avec retard après la remise de ce rapport est, en tout état de cause, sans incidence sur l’appréciation de l’obligation de mise à disposition de la somme litigieuse par la République tchèque.

Sur l’obligation de constituer une garantie en recouvrement de la somme litigieuse

138

La Commission fait toutefois valoir que la République tchèque avait connaissance du risque de fraude par la société BAIDE lors des contrôles précédant la mainlevée des marchandises en cause. Elle aurait donc dû constituer, avant la mise en pratique de ces marchandises, ainsi qu’il a été précisé au point 61 ci-dessus, une garantie suffisante pour couvrir la différence susceptible d’exister entre le montant des droits déclarés par cette société et les montants dont de telles marchandises pouvaient finalement être passibles, compte tenu des doutes sérieux existant quant à leur origine.

139

La Commission se prévaut sur ce point de l’article 248 du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO 1993, L 253, p. 1, ci-après le « règlement d’application du code des douanes »).

140

La République tchèque conteste la position de la Commission et soutient que les autorités douanières ne pouvaient exiger de garantie dans le cadre des contrôles précédant la mainlevée des marchandises en cause alors que, compte tenu des éléments disponibles, il n’existait aucune preuve d’une dette douanière née ou susceptible de naître.

141

La République tchèque invoque au soutien de son argumentation l’article 190, paragraphe 1, du code des douanes qui dispose que « [l]orsque la réglementation douanière prévoit la constitution d’une garantie à titre facultatif, cette garantie est exigée à l’appréciation des autorités douanières, dans la mesure où le paiement, dans les délais prévus, d’une dette douanière née ou susceptible de naître n’est pas assuré de façon certaine ».

142

Invitée à préciser son argumentation dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 28 ci-dessus, la République tchèque a indiqué qu’« aucune disposition de la réglementation douanière en vigueur à l’époque des faits ne prévoyait qu’une garantie pouvait être exigée en vertu de [l’article 190 du code des douanes] à la suite de contrôles supplémentaires ou d’informations nouvellement acquises après que les marchandises ont été mises en libre pratique ». Elle en a conclu qu’il était ainsi « inconcevable que les autorités douanières tchèques aient exigé une garantie au titre de cette disposition ».

143

Or, il convient de relever que la Commission, ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, ne reproche pas à la République tchèque, pour contester son action dans le présent litige, de ne pas avoir constitué de garantie après la mise en libre pratique des briquets de poche, mais seulement lors de l’octroi de la mainlevée.

144

Ainsi, indépendamment de son bienfondé, l’argumentation de la République tchèque concernant les conditions d’application en l’espèce de la garantie facultative prévue par l’article 190 du code des douanes est sans incidence quant à l’examen, dans le présent litige, de l’obligation de garantie invoquée par la Commission en recouvrement de la somme litigieuse.

145

À cet égard, la République tchèque ne conteste pas que l’examen des marchandises en cause entre dans le champ d’application de l’article 248 du règlement d’application du code des douanes, qui prévoit la constitution, lors de l’octroi de la mainlevée des marchandises, d’une garantie pour autoriser leur mise en libre pratique dans le cas où les contrôles effectués peuvent conduire à la détermination d’un montant de droits supérieur à celui résultant des énonciations de la déclaration en douane. Elle conteste, en revanche, que les conditions de son application sont réunies en l’espèce.

146

Cela étant précisé, il peut être rappelé que, en l’état actuel du droit de l’Union, la gestion du système des ressources propres de l’Union est confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 62). Dans ce cadre, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés, ainsi qu’il a été rappelé au point 77 ci-dessus, soient mis à la disposition de la Commission, conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000.

147

Il revient dès lors aux États membres, conformément à l’article 18, paragraphe 1, dudit règlement, de procéder aux vérifications et aux enquêtes relatives à la constatation et à la mise à disposition des ressources propres provenant, comme en l’espèce, des droits du tarif douanier commun et des autres droits établis par les institutions sur les échanges avec les pays non membres de l’Union, ainsi que ces droits ont été définis au point 69 ci-dessus.

148

La constatation des droits s’effectue selon la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable, conformément à l’article 2 du même règlement.

149

L’article 74, paragraphe 1, première phrase, du code des douanes énonce que, « [l]orsque l’acceptation d’une déclaration en douane entraîne la naissance d’une dette douanière, il ne peut être donné mainlevée des marchandises faisant l’objet de cette déclaration que si le montant de la dette douanière a été payé ou garanti ».

150

L’article 248 figurant sous le titre VIII « Examen des marchandises, reconnaissance du bureau de douane et autres mesures prises par le bureau de douane » du règlement d’application du code des douanes est ainsi rédigé :

« 1.   L’octroi de la mainlevée donne lieu à la prise en compte des droits à l’importation déterminés d’après les énonciations de la déclaration. Lorsque les autorités douanières estiment que les contrôles qu’elles ont entrepris peuvent conduire à la détermination d’un montant de droits supérieur à celui résultant des énonciations de la déclaration, elles exigent en outre la constitution d’une garantie suffisante pour couvrir la différence entre le montant résultant des énonciations de la déclaration et celui dont les marchandises peuvent en définitive être passibles. Toutefois, le déclarant a la faculté, au lieu de constituer cette garantie, de demander la prise en compte immédiate du montant des droits dont les marchandises peuvent en définitive être passibles.

[…] »

151

Il résulte de ces dispositions que, lorsqu’une déclaration en douane est déposée, les droits applicables doivent être soit acquittés, soit couverts par une garantie avant la mainlevée des marchandises. Ainsi, si les autorités douanières estiment que la vérification de la déclaration en douane peut donner lieu à un montant exigible de droits à l’importation plus élevé que celui découlant des énonciations de la déclaration en douane, leur mainlevée sera autorisée après la constitution d’une garantie suffisante pour couvrir la différence de ces montants.

152

À cet égard, si l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application du code des douanes ménage, en raison de l’utilisation du verbe « estimer », une certaine marge d’appréciation aux autorités douanières des États membres lorsqu’elles décident de la nécessité d’exiger la constitution de garanties, cette marge d’appréciation est limitée par le principe d’effectivité, posé à l’article 325, paragraphe 1, TFUE, en vertu duquel une protection effective des intérêts financiers de l’Union doit être assurée contre toute fraude ou toute autre activité illégale susceptible de porter préjudice à ces intérêts.

153

La portée du principe d’effectivité, en ce que ce dernier s’applique à l’obligation spécifique incombant aux États membres en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE de garantir le prélèvement effectif et intégral des ressources propres de l’Union que constituent les droits de douane, ne peut être déterminée de manière abstraite et statique dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de la fraude ou de l’activité illégale concernées, lesquelles peuvent d’ailleurs évoluer dans le temps.

154

En l’espèce, pour affirmer que la République tchèque avait connaissance du risque de fraude lors de la mainlevée des marchandises en cause, la Commission soutient, en substance, que l’État membre requérant avait été informé que le numéro de série à cinq chiffres « 44001 », inscrit à la base des briquets de poche, pouvait laisser présumer de leur origine chinoise.

155

À cet égard et en premier lieu, la Commission fait valoir que cette information figurait dans une documentation établie par l’OLAF et distribuée lors d’un séminaire organisé les 31 mai et 1er juin 2005 (ci-après la « documentation de l’OLAF de 2005 »). La Commission reconnaît que la République tchèque n’a pas participé audit séminaire, mais soutient qu’elle a été destinataire de cette documentation.

156

La République tchèque conteste avoir reçu la documentation de l’OLAF de 2005.

157

Lors de l’audience, la Commission a indiqué ne pas « [savoir] exactement » à quelle date la documentation de l’OLAF de 2005 aurait été reçue par la République tchèque. Elle a précisé ne pas avoir trouvé de « preuve concrète » de l’envoi de cette documentation à la République tchèque. Il ne ressort pas non plus du dossier qu’une telle documentation, contrairement à ce que la Commission a affirmé lors de l’audience, aurait été transmise à la République tchèque entre « le mois de juin et la fin de l’année [2005] ».

158

En outre, contrairement à ce que fait valoir la Commission dans la duplique, il ne ressort pas non plus de la communication WOMIS/CZ/2014/5, jointe en annexe D.3 et datée du 3 octobre 2016, que, « sur la base de [la documentation de l’OLAF de 2005], les autorités tchèques ont établi un profil de risque le 22 mars 2006 ».

159

Enfin, si la République tchèque a reconnu lors de l’audience que, ainsi qu’il y est d’ailleurs expressément mentionné, le profil de risque qu’elle avait établi le 22 mars 2006 l’avait effectivement été sur le fondement des informations fournies par l’OLAF, elle a indiqué que de telles informations lui avaient été communiquées lors d’une réunion tenue entre le 20 et le 22 mars 2006 avec les représentants de l’OLAF, sans que la Commission fasse d’observations sur cette affirmation.

160

Dans ces conditions, il n’est pas établi que la République tchèque a reçu la documentation de l’OLAF de 2005 entre le mois de juin et la fin de l’année 2005.

161

En conséquence, la Commission ne saurait soutenir que la République tchèque aurait manqué à ses obligations en matière de ressources propres pour ne pas avoir constitué dès l’année 2005, sur le fondement « des informations suffisamment précises sur les risques » de fraude contenues dans cette documentation, une garantie sur les droits antidumping susceptibles d’être dus par la société BAIDE, avant la mise en libre pratique des briquets de poche.

162

En second lieu, la Commission fait valoir que l’information concernant le numéro de série « 44001 », lequel indiquerait l’origine chinoise des briquets de poche, figurait également dans le profil de risque que la République tchèque avait établi le 22 mars 2006 et qu’elle avait mis à jour au mois de novembre suivant (ci-après le « profil de risque »).

163

Il ressort du dossier que le profil de risque, ainsi que l’allègue expressément la République tchèque, a été adopté pour « attir[er] l’attention des différents bureaux de douane sur les risques identifiés et […] oblig[er] ces derniers à procéder à des contrôles approfondis des marchandises compte tenu de ces risques ». Le profil de risque souligne, ainsi que le fait valoir la Commission, que « le code numérique à cinq chiffres au bas des briquets indique qu’il peut s’agir de briquets originaires de Chine ».

164

En premier lieu, la République tchèque soutient que les contrôles effectués sur le fondement du profil de risque n’ont cependant pas permis de démontrer que les briquets de poche avaient une origine différente de celle déclarée par la société BAIDE.

165

À cet égard, la République tchèque renvoie, aux points 43 et 44 de la réplique, aux annexes C.1a à C.1f, C.1h à C.1l et C.2.a à C.2.n. Elle identifie, plus particulièrement, ainsi qu’il ressort du point 22 de ses réponses aux questions écrites posées dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 28 ci-dessus, les annexes C.1h et C.2.a à C.2.n, en particulier les procès-verbaux que celles-ci contiennent, comme se rapportant aux importations réalisées après l’adoption du profil de risque.

166

Toutefois, la République tchèque n’identifie pas au sein de ces annexes, qui présentent une sélection de « documents relatifs aux contrôles douaniers », ainsi qu’ils sont identifiées dans le bordereau joint à la réplique, portant sur 24 des 28 importations en cause, composée, pour l’essentiel, des procès-verbaux des contrôles réalisés, des factures établies par la société BAIDE ainsi que d’un certain nombre de photographies des chargements et marchandises concernés, les éléments dont elle se prévaut pour affirmer qu’« aucun de ces contrôles n’a[urait] mis au jour d’éléments suggérant que l’origine réelle des marchandises serait différente de l’origine déclarée ».

167

À supposer même que de tels éléments auraient été identifiés de manière suffisamment précise pour permettre au Tribunal d’en apprécier le bien-fondé, le caractère parcellaire et incomplet d’une telle documentation, présentée expressément de manière sélective, ne saurait, en tout état de cause, permettre de conclure qu’aucun élément n’aurait été susceptible de laisser présumer de l’origine chinoise des marchandises en cause. En outre, ainsi que l’a observé la Commission au point 66 de la duplique, aucune photo des briquets de poche n’a été jointe aux documents sélectionnés en annexes C.1b, C.1f, C.1h à C.1l, C.2a à C.2n.

168

Interrogée sur ce point dans le cadre de la mesure d’organisation visée au point 28 ci-dessus, la République tchèque s’est bornée à se prévaloir de deux photographies supplémentaires pour affirmer que les autorités douanières tchèques n’avaient pas trouvé le numéro de série « 44001 », signalé par l’OLAF, inscrit au bas des briquets de poche, mais un code différent, composé de trois lettres et de deux chiffres, voire pas de code du tout.

169

La seule production de deux photos à l’appui d’une telle argumentation ne saurait toutefois suffire pour démontrer, ainsi que le soutient la République tchèque, que « les photographies prises lors des contrôles douaniers » permettraient de conclure que le numéro de série « 44001 » ne figurait pas sur les importations litigieuses. Au surplus, si les photos jointes en annexe F.3 font effectivement apparaître, au bas de deux briquets, un code différent de celui signalé par l’OLAF, aucun élément de ces photos ne permet d’identifier l’importateur de ces marchandises.

170

Les importations litigieuses portant sur plusieurs millions de briquets, l’absence, à la supposer établie, du numéro de série identifié par l’OLAF au bas d’une dizaine de briquets importés par la société BAIDE, tels qu’ils figurent sur les photographies jointes aux annexes citées au point 165 ci-dessus, ne saurait donc suffire pour établir que la République tchèque n’aurait pas pu avoir des doutes quant à l’origine chinoise des briquets de poche.

171

En outre, la République tchèque ne saurait utilement se prévaloir, pour établir que les mesures prises n’auraient « rien fait apparaître qui aurait démontré que les marchandises avaient une origine différente de celle déclarée », des procès-verbaux joints en annexes C, puisque ces documents ne font qu’attester des résultats des contrôles tels qu’ils se sont effectivement déroulés, sur la base des seuls éléments pris en compte.

172

Il doit également être relevé, à cet égard, que le point 6.1 de la communication AM 2007/019 de la Commission, du 30 avril 2007, envoyée aux États membres dans le cadre de la coopération mutuelle, précise ce qui suit :

« […]

Pour la période de fin 2004 à juillet 2006, la quantité de briquets importés dans la Communauté depuis le Laos a atteint plus de 80 millions de pièces.

[…]

Au cours des contrôles, deux États membres (douanes tchèques et belges) ont détecté, à la base des réservoirs de briquets déclarés comme originaires du Laos, le code à 5 chiffres attribué par les autorités chinoises aux producteurs de briquets chinois. Dans ce cas, il s’agissait du code 44001, le code donné par les autorités chinoises au producteur chinois mentionné au point 7.1.2 [à savoir la société BAIDE] »

173

Le point 12 de la même communication est par ailleurs ainsi rédigé :

« II a été établi que le producteur chinois mentionné au point 7.1.2 a fixé son centre de distribution européen à Prague, en République tchèque. Les douanes tchèques ont contrôlé la situation de 1’importation de 1’importateur mentionné au point 7.2 et lié à 1’exportateur.

L’importateur lié à 1’exportateur a immédiatement déplacé le dédouanement d’un bureau de douane à un autre afin d’éviter un contrôle complet des cargaisons de briquets déclarés comme originaires du Laos.

Par la suite, les marchandises ont été dégagées pour la libre circulation en Slovaquie. Les douanes slovaques ont été informées du transport de briquets par les douanes tchèques en juillet 2006 et, avec l’aide de l’OLAF, les importations de deux cargaisons ont été arrêtées en août 2006. Quand les douanes slovaques ont demandé les garanties couvrant les droits antidumping sur les briquets, les cargaisons ont été renvoyées dans un entrepôt douanier de Prague.

[…] »

174

Invitée expressément, dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 28 ci-dessus, à présenter ses observations quant aux informations contenues dans les points 6.1 et 12 de la communication visée aux points 172 et 173 ci-dessus, la République tchèque a fait valoir que « les informations sur la signification du code à cinq chiffres figurant dans la[dite] communication [étaient] très fragmentaires et vagues ». Elle n’a cependant pas remis en cause le fait, mentionné au point 6.1 de ladite communication, que les douanes tchèques avaient détecté, indépendamment de sa signification exacte, un tel numéro de série au bas des briquets importés par la société BAIDE.

175

Si la République tchèque a également soutenu qu’une telle communication était sans incidence dans le présent litige dans la mesure où elle avait été établie postérieurement à la mise en libre pratique des importations litigieuses, cette circonstance ne saurait non plus, par elle-même, invalider les informations contenues dans cette communication selon lesquelles les douanes tchèques avaient détecté au bas des briquets le numéro de série « 44001 ».

176

Au surplus, cette communication, ainsi que la République tchèque le souligne, n’ayant été transmise qu’après la mise en libre pratique des marchandises, la circonstance que l’OLAF ne recommandait pas la mise en place d’une garantie dans la communication en cause ne saurait valablement être prise en compte pour apprécier l’obligation pour la République tchèque de mettre en place une telle garantie lors de la mainlevée de ces mêmes marchandises.

177

Invitée à nouveau lors de l’audience à présenter ses observations sur les informations contenues aux points 6.1 et 12 de la communication AM/2007/019, la République tchèque n’a toutefois apporté aucun élément concret de nature à les invalider. Elle n’a d’ailleurs pas contesté avoir alerté les douanes slovaques de l’existence d’importations frauduleuses, ainsi qu’il ressort du point 12 de la communication AM/2007/019.

178

Il doit ainsi être constaté que la République tchèque, pourtant invitée par écrit à apporter des éclaircissements sur les informations contenues aux points 6.1 et 12 de la communication AM/2007/019, n’a pas été en mesure de présenter des éléments suffisamment précis et pertinents de nature à les réfuter. Elle ne saurait ainsi soutenir ne pas avoir détecté le numéro de série signalé par l’OLAF alors qu’elle a signalé aux autorités slovaques l’existence d’importations frauduleuses, déclarées en provenance du Laos et précédemment introduites sur son territoire par la société BAIDE.

179

Si la République tchèque tente de contester la pertinence des informations transmises par l’OLAF pour apprécier l’origine des marchandises en cause, en faisant valoir, ainsi qu’il a été indiqué au point 174 ci-dessus, que leur caractère lacunaire ne lui aurait pas permis, en substance, d’être certaine de leur signification, il est constant, ainsi qu’elle l’a confirmé à l’audience, qu’elle n’a pas interrogé l’OLAF sur l’exactitude des informations ainsi transmises, alors même qu’elle les a reprises telles quelles dans le profil de risque.

180

En outre, il convient de rappeler qu’il incombe aux autorités douanières des États membres de veiller à l’application du droit douanier de l’Union et, en particulier, d’effectuer des contrôles douaniers appropriés afin de protéger, de manière effective, les intérêts financiers de celle-ci. L’accomplissement d’une telle mission nécessite de la part de ces autorités, un travail continu, cohérent et systémique. Si les actions de contrôles douaniers entreprises au niveau de l’Union visent à soutenir les États membres, elles ne sauraient ainsi, en tout état de cause, remplacer l’action de contrôle et de protection effective des intérêts financiers de l’Union qui leur incombe.

181

Enfin, contrairement à ce que soutient la République tchèque, la constitution d’une garantie en recouvrement de la somme litigieuse n’exigeait pas, lors de la mainlevée des marchandises en cause, la certitude que leur origine était différente de celle déclarée, mais seulement la présence d’indices pouvant conduire, lors du contrôle de ces marchandises, à la détermination d’un montant de droits supérieur à celui résultant des énonciations de la déclaration en douane.

182

À cet égard, la République tchèque ne saurait aujourd’hui soutenir n’avoir pu avoir que de vagues soupçons quant au caractère frauduleux des importations litigieuses, alors qu’elle a elle-même reconnu dans le profil de risque qu’il « exist[ait] un soupçon raisonnable de contournement de la législation douanière », précisé que l’objectif du contrôle interne était « de prendre toutes les mesures possibles pour empêcher l’évitement des droits antidumping, par le biais d’un classement tarifaire différent ou d’une déclaration d’origine différente des marchandises » et indiqué qu’il était recommandé, le cas échéant, « de réaliser une saisie à hauteur du montant du droit antidumping ».

183

La République tchèque a d’ailleurs, ainsi qu’il a été précisé au point 178 ci-dessus, alerté les douanes slovaques de l’existence d’importations frauduleuses. Elle a également mis en place un certain nombre de mesures à la suite de l’adoption du profil de risque, lesquelles révèlent, à tout le moins, qu’elle avait connaissance du risque de fraude dès la mise en place de ce profil. La République tchèque ne conteste pas, ainsi que la Commission l’a souligné au point 15 du mémoire en défense, avoir envoyé le 13 avril 2006 une lettre à l’OLAF sur des soupçons de fraude par la société BAIDE et ouvert une enquête concernant cette société le 28 août 2006. Elle ne conteste pas non plus avoir transmis à l’OLAF, avant sa mission d’inspection, la liste des importations litigieuses dont l’origine devait être vérifiée.

184

Néanmoins et en second lieu, la République tchèque soutient que, à supposer même qu’elle ait dû, compte tenu des informations de l’OLAF, constituer une garantie en recouvrement de la somme litigieuse, elle aurait dû la libérer dès lors que les autorités laotiennes avaient confirmé l’authenticité des certificats d’origine des marchandises en cause et qu’il n’existait « aucune preuve démontrant le contraire ».

185

La simple circonstance, cependant et indépendamment de la portée juridique susceptible d’être accordée dans le cadre du litige aux déclarations des autorités laotiennes, que celles-ci ont confirmé l’authenticité des certificats d’origine joints par la société BAIDE dans 2 des 28 cas d’importations litigieuses ne pouvait, en tout état de cause, suffire pour lever les doutes que la République tchèque avait elle-même éprouvés sur le fondement des informations communiquées par l’OLAF au regard de l’ensemble des importations de la société BAIDE réalisées depuis le Laos.

186

Tout au plus, les certificats produits par la société BAIDE auraient pu servir d’indices de l’origine laotienne des briquets de poche dans la seule mesure où une telle origine aurait été corroborée, et non, comme en l’espèce, invalidée, par les autres éléments en possession de la République tchèque lors de la mainlevée des marchandises en cause.

187

Compte tenu de tout ce qui précède, la République tchèque était tenue, sur le fondement de l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application du code des douanes, de constituer une garantie en recouvrement des droits antidumping susceptibles d’être dus par la société BAIDE à compter de l’adoption du profil de risque, soit à partir du 22 mars 2006.

Conclusion générale sur l’existence d’un enrichissement sans cause de l’Union

188

Ainsi qu’il résulte des points 123 et 124 ci-dessus, la République tchèque a été en mesure de constater les droits de douane dus par la société BAIDE sur les importations litigieuses à compter de la remise du rapport de l’OLAF.

189

Ainsi qu’il a été constaté au point 129 ci-dessus, la remise du rapport de l’OLAF a cependant été effectuée après la cessation d’activité de la société BAIDE.

190

Conformément à la conclusion du point 136, la cessation d’activité de la société BAIDE, antérieure à la remise du rapport de l’OLAF, a été susceptible de constituer une raison non imputable à la République tchèque, au sens de l’article 17, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1150/2000, pouvant légalement la dispenser de mettre la somme litigieuse à la disposition de l’Union, aucun patrimoine ne pouvant plus alors être saisi sur le territoire de la République tchèque.

191

Il a cependant été conclu, au point 187 ci-dessus, que la République tchèque était tenue, sur le fondement de l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application du code des douanes, de constituer une garantie sur les sommes à recouvrer au titre des droits antidumping dus par la société BAIDE à compter du 22 mars 2006.

192

Il est constant entre les parties que les importations litigieuses, ainsi qu’elles l’ont confirmé lors de l’audience, ont été réalisées entre le 26 septembre 2005 et le 1er mars 2007. En outre, la Commission a confirmé à l’audience faire valoir que l’obligation de garantie devait concerner l’ensemble des importations litigieuses.

193

Il ressort du document en annexe F.1, ainsi que du tableau en annexe B.7, que, à compter du 22 mars 2006, seize importations ont été réalisées, la première le 11 avril 2006, la dernière le 1er mars 2007.

194

Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure à l’existence d’un enrichissement sans cause de l’Union à hauteur du montant de la somme litigieuse correspondant aux droits antidumping dus par la société BAIDE sur les douze premières importations de briquets de poche, réalisées entre le 26 septembre 2005, pour la première, et le 20 février 2006, pour la dernière, soit les 26 septembre, 7, 15, 27, 29, 30 novembre 2005, 3, 10, 16, 17, 27 janvier et 20 février 2006.

195

En conséquence, il y a lieu d’accueillir le recours pour autant qu’il vise au remboursement à la République tchèque de la somme visée au point 194 ci-dessus, à savoir, compte tenu des données financières produites en annexe F.1 et non contestées par la Commission, la somme de 17828399,66 CZK versée au titre des ressources propres de l’Union, sur le compte de la Commission prévu à cet effet.

196

Le recours doit être rejeté pour le surplus.

Sur les dépens

197

Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

198

En l’espèce, la République tchèque et la Commission ayant succombé pour partie en leurs conclusions, il y a lieu d’ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens.

199

Le Royaume de Belgique et la République de Pologne supporteront leurs propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours de la République tchèque est accueilli pour autant qu’il vise à la restitution par la Commission européenne de la somme de 17828399,66 couronnes tchèques (CZK) versée au titre des ressources propres de l’Union européenne.

 

2)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

3)

Chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Marcoulli

Schwarcz

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 mai 2022.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le tchèque.

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