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Document 62020CJ0576

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 7 juillet 2022.
CC contre Pensionsversicherungsanstalt.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Oberster Gerichtshof.
Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Règlement (CE) no 987/2009 – Article 44, paragraphe 2 – Champ d’application – Pension de vieillesse – Calcul – Prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres – Article 21 TFUE – Libre circulation des citoyens.
Affaire C-576/20.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2022:525

 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

7 juillet 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Règlement (CE) no 987/2009 – Article 44, paragraphe 2 – Champ d’application – Pension de vieillesse – Calcul – Prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres – Article 21 TFUE – Libre circulation des citoyens »

Dans l’affaire C‑576/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), par décision du 13 octobre 2020, parvenue à la Cour le 4 novembre 2020, dans la procédure

CC

contre

Pensionsversicherungsanstalt,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. J. Passer, F. Biltgen (rapporteur), N. Wahl et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 novembre 2021,

considérant les observations présentées :

pour CC, par Me G. Schönherr, Rechtsanwalt,

pour le Pensionsversicherungsanstalt, par Mes A. Ehm et T. Mödlagl, Rechtsanwälte, et M. B. Pokorny, expert,

pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Leeb, M. A. Posch, Mme J. Schmoll et M. B. Spiegel, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par MM. J. Pavliš, M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par MM. I. Herranz Elizalde et S. Jiménez García, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et D. Martin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 février 2022,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 21 TFUE et de l’article 44, paragraphe 2, du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2009, L 284, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant CC au Pensionsversicherungsanstalt (office des pensions, Autriche) au sujet de la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies par CC dans d’autres États membres aux fins du calcul du montant de sa pension de vieillesse autrichienne.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 883/2004

3

Le règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), a pour objet de coordonner les régimes nationaux de sécurité sociale. Conformément à son article 91, il est applicable à compter de l’entrée en vigueur de son règlement d’application, le règlement no 987/2009, laquelle a été fixée au 1er mai 2010 par l’article 97 de ce dernier.

4

Les considérants 1 et 3 du règlement no 883/2004 énoncent :

« (1)

Les règles de coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale s’inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes et devraient contribuer à l’amélioration de leur niveau de vie et des conditions de leur emploi.

[...]

(3)

Le [règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO 1971, L 149, p. 2)] a été modifié et mis à jour à de nombreuses reprises afin de tenir compte non seulement des développements intervenus au niveau communautaire, y compris des arrêts de la Cour de justice, mais également des modifications apportées aux législations nationales. Ces facteurs ont contribué à rendre les règles communautaires de coordination complexes et lourdes. Remplacer ces règles en les modernisant et en les simplifiant est dès lors essentiel à la réalisation de l’objectif de la libre circulation des personnes. »

5

L’article 1er, sous t), de ce règlement définit la notion de « période d’assurance » comme étant constituée des périodes de cotisation, d’emploi ou d’activité non salariée telles qu’elles sont définies ou admises comme périodes d’assurance par la législation sous laquelle elles ont été accomplies ou sont considérées comme accomplies, ainsi que toutes les périodes assimilées dans la mesure où elles sont reconnues par cette législation comme équivalant aux périodes d’assurance.

6

L’article 2 dudit règlement, intitulé « Champ d’application personnel », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement s’applique aux ressortissants de l’un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants. »

7

Le titre II du même règlement, intitulé « Détermination de la législation applicable », comprend notamment l’article 11 de celui-ci, intitulé « Règles générales », lequel dispose, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre.

2.   Pour l’application du présent titre, les personnes auxquelles est servie une prestation en espèces du fait ou à la suite de l’exercice de son activité salariée ou non salariée sont considérées comme exerçant cette activité. Cela ne s’applique pas aux pensions d’invalidité, de vieillesse ou de survivant, ni aux rentes pour accident de travail ou maladie professionnelle, ni aux prestations de maladie en espèces couvrant des soins à durée illimitée.

3.   Sous réserve des articles 12 à 16 :

a)

la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre ;

b)

les fonctionnaires sont soumis à la législation de l’État membre dont relève l’administration qui les emploie ;

c)

la personne qui bénéficie de prestations de chômage conformément aux dispositions de l’article 65, en vertu de la législation de l’État membre de résidence, est soumise à la législation de cet État membre ;

d)

la personne appelée ou rappelée sous les drapeaux ou pour effectuer le service civil dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre ;

e)

les personnes autres que celles visées aux points a) à d) sont soumises à la législation de l’État membre de résidence, sans préjudice d’autres dispositions du présent règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d’un ou de plusieurs autres États membres. »

8

L’article 87 du règlement no 883/2004, relatif aux dispositions transitoires, est libellé comme suit :

« 1.   Le présent règlement n’ouvre aucun droit pour la période antérieure à la date de son application.

2.   Toute période d’assurance ainsi que, le cas échéant, toute période d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence accomplie sous la législation d’un État membre avant la date d’application du présent règlement dans l’État membre concerné est prise en considération pour la détermination des droits ouverts en vertu du présent règlement.

3.   Sous réserve du paragraphe 1, un droit est ouvert en vertu du présent règlement, même s’il se rapporte à une éventualité réalisée antérieurement à la date de son application dans l’État membre concerné.

[...] »

Le règlement no 987/2009

9

Aux termes des considérants 1 et 14 du règlement no 987/2009 :

« (1)

Le règlement [no 883/2004] modernise les règles de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale des États membres en précisant les mesures et les procédures de mise en œuvre nécessaires et en veillant à leur simplification au bénéfice de tous les acteurs concernés. Il y a lieu de fixer les modalités d’application de ce règlement.

[...]

(14)

Il y a lieu de fixer des règles et des procédures spécifiques afin de déterminer la réglementation applicable pour la prise en compte des périodes qu’un assuré a consacrées à l’éducation d’enfants dans les différents États membres. »

10

L’article 44 de ce règlement, intitulé « Prise en compte des périodes d’éducation d’enfants », figure dans le chapitre IV de celui-ci, intitulé « Prestations d’invalidité et pensions de vieillesse et de survivant ». Cette disposition prévoit :

« 1.   Aux fins du présent article, on entend par “période d’éducation d’enfants” toute période prise en compte en vertu de la législation en matière de pension d’un État membre ou donnant lieu à un complément de pension pour la raison expresse qu’une personne a éduqué un enfant, quelle que soit la méthode utilisée pour déterminer les périodes pertinentes et que celles-ci soient comptabilisées tout au long de l’éducation de l’enfant ou prises en considération rétroactivement.

2.   Lorsque, au titre de la législation de l’État membre compétent en vertu du titre II du règlement [no 883/2004], les périodes d’éducation d’enfants ne sont pas prises en compte, l’institution de l’État membre dont la législation était, conformément au titre II du règlement [no 883/2004], applicable à l’intéressé du fait de l’exercice par ce dernier d’une activité salariée ou non salariée à la date à laquelle, en vertu de cette législation, la période d’éducation d’enfants a commencé à être prise en compte pour l’enfant concerné reste tenue de prendre en compte ladite période en tant que période d’éducation d’enfants selon sa propre législation, comme si l’enfant était éduqué sur son propre territoire.

3.   Le paragraphe 2 ne s’applique pas si l’intéressé est soumis ou va être soumis à la législation d’un autre État membre du fait de l’exercice d’une activité salariée ou non salariée. »

11

L’article 93 dudit règlement, intitulé « Dispositions transitoires », est libellé en ces termes :

« L’article 87 du règlement [no 883/2004] s’applique aux situations régies par le règlement [no 987/2009]. »

Le droit autrichien

12

L’article 4, paragraphe 1, de l’Allgemeines Pensionsgesetz (loi générale sur les pensions, BGBl. I, 142/2004, ci-après la « loi générale sur les pensions »), intitulé « Pension de retraite, droit », prévoit :

« La personne assurée a droit à une pension de retraite lorsqu’elle atteint l’âge de 65 ans (âge normal de la pension de retraite) à condition de justifier, à la date de référence [...], d’au moins 180 mois d’assurance au titre de la présente loi ou d’une autre loi fédérale dont au moins 84 mois acquis au titre d’une activité professionnelle (période d’assurance minimale). »

13

L’article 16, paragraphe 3 bis, de la loi générale sur les pensions, prévoit que, pour l’accomplissement de la période minimale visée à l’article 4, paragraphe 1, de cette loi, sont également assimilées à des mois d’assurance les périodes correspondant à l’éducation des enfants au sens, notamment, de l’article 227 bis de l’Allgemeines Sozialversicherungsgesetz (loi générale sur les assurances sociales), du 9 septembre 1955 (BGBI. 189/1955), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« ASVG ») et de l’article 116 bis du Gewerbliches Sozialversicherungsgesetz (loi relative à l’assurance sociale pour les personnes exerçant une activité industrielle ou commerciale) qui ont été acquises avant le 1er janvier 2005.

14

L’article 16, paragraphe 6, de la loi générale sur les pensions énonce que, par dérogation à l’article 4, paragraphe 1, de cette loi, l’âge de la retraite pour les femmes qui atteignent l’âge de 60 ans avant le 1er janvier 2024 est déterminé en application de l’article 253, paragraphe 1, de l’ASVG.

15

L’article 224 de l’ASVG, intitulé « Périodes d’assurance », est libellé comme suit :

« Par périodes d’assurance, il convient d’entendre les périodes de cotisation visées aux articles 225 et 226 ainsi que les périodes assimilées visées aux articles 227, 227 bis, 228, 228 bis et 229. »

16

L’article 227 bis, paragraphe 1, de l’ASVG prévoit, en substance, que, pour les assurés ayant effectivement et principalement élevé leurs enfants, sont considérées comme « périodes assimilées » les périodes accomplies sur le territoire national après le 31 décembre 1955 et avant le 1er janvier 2005 qui ont été consacrées à l’éducation des enfants, à concurrence d’un maximum de 48 mois civils ou de 60 mois civils dans le cas d’une naissance multiple, à partir de la naissance de l’enfant.

17

L’article 116 bis de la loi relative à l’assurance sociale pour les personnes exerçant une activité industrielle ou commerciale reprend essentiellement les mêmes dispositions que l’article 227 bis de l’ASVG.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18

La requérante au principal, CC, est une ressortissante autrichienne née en 1957.

19

Après avoir exercé une activité non salariée en Autriche jusqu’au 30 septembre 1986, suivie d’études au Royaume-Uni, la requérante au principal s’est installée en Belgique au début du mois de novembre 1987, où elle a donné naissance à deux enfants, respectivement le 5 décembre 1987 et le 23 février 1990. Par la suite, elle a séjourné en Hongrie du 5 au 31 décembre 1991 et au Royaume-Uni du 1er janvier au 8 février 1993.

20

Entre le 5 décembre 1987 et le 8 février 1993, la requérante au principal a élevé ses enfants, sans exercer d’emploi, sans acquérir de période d’assurance et sans percevoir de prestations au titre de l’éducation de ses enfants.

21

Le 8 février 1993, elle est rentrée en Autriche et y a exercé une activité professionnelle en tant qu’indépendante.

22

Entre les mois de février 1993 et de février 1994, la requérante au principal a consacré 13 mois à l’éducation d’enfants en Autriche, tout en étant obligatoirement affiliée et en cotisant auprès du régime de sécurité sociale autrichien. Elle a ensuite travaillé et cotisé dans cet État membre jusqu’à son départ à la retraite.

23

Le 11 octobre 2017, la requérante au principal a sollicité l’octroi d’une pension de retraite auprès du défendeur au principal, l’office des pensions.

24

Par décision du 29 décembre 2017, ce dernier lui a reconnu un droit à une pension de retraite d’un montant mensuel de 1079,15 euros, à compter du 1er novembre 2017. Ce montant a été calculé sur la base de 366 mois d’assurance acquis en Autriche, dont les périodes d’éducation d’enfants effectuées en Autriche, qui ont été assimilées à des périodes d’assurance.

25

La requérante au principal a introduit un recours contre cette décision devant l’Arbeits- und Sozialgericht Wien (tribunal du travail et des affaires sociales de Vienne, Autriche) en faisant valoir que, dans la mesure où elle était couverte par la sécurité sociale autrichienne avant les périodes d’éducation d’enfants qu’elle a accomplies en Belgique et en Hongrie entre le 5 décembre 1987 et le 31 décembre 1991, celles-ci devraient également être prises en compte, en tant que périodes assimilées, aux fins du calcul du montant de sa pension de retraite autrichienne, sous peine de violer l’article 21 TFUE, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour.

26

La juridiction de première instance a rejeté ce recours au motif que la requérante au principal ne remplissait pas les conditions pour que les périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres puissent être assimilées à des périodes d’assurance au titre de l’article 44 du règlement no 987/2009 et de la législation autrichienne y afférente.

27

La requérante au principal a interjeté appel de cette décision devant l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche) en faisant valoir que, quand bien même sa situation ne satisferait-elle pas aux conditions établies à l’article 44 du règlement no 987/2009, il convenait, conformément à la jurisprudence de la Cour issue, notamment, de l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), de prendre en compte les périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres sur la base de l’article 21 TFUE, dès lors qu’elle travaillait et était affiliée à la sécurité sociale autrichienne avant et après les périodes consacrées à l’éducation de ses enfants accomplies dans d’autres États membres et que ces périodes présenteraient donc un lien suffisant avec le régime de sécurité sociale autrichien.

28

Cette juridiction a rejeté l’appel en confirmant que les conditions d’application de l’article 44 du règlement no 987/2009 n’étaient pas satisfaites en l’occurrence et que, dans la mesure où cette disposition présente un caractère exclusif, les périodes consacrées par la requérante au principal à l’éducation de ses enfants accomplies dans d’autres États membres ne sauraient être prises en considération sur la base de l’article 21 TFUE. Par ailleurs, cette même juridiction a considéré que la solution issue de l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), n’est pas transposable à la présente affaire dès lors que, en l’espèce, le règlement no 987/2009 est applicable ratione temporis, mais que tel n’était pas le cas dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.

29

La juridiction de renvoi, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), saisie par la requérante au principal d’un recours en Revision, considère également que les règlements nos 883/2004 et 987/2009 sont applicables ratione temporis à la présente affaire, et que les conditions posées à l’article 44, paragraphe 2, de ce dernier règlement pour la prise en compte, par l’office des pensions, des périodes d’éducation d’enfants accomplies par la requérante au principal en Belgique et en Hongrie ne sont pas remplies puisque, à la date à laquelle la première période d’éducation d’enfants a commencé, à savoir au mois de décembre 1987, la requérante au principal n’exerçait pas d’activité salariée ou non salariée en Autriche.

30

La juridiction de renvoi n’exclut pas que l’article 44 du règlement no 987/2009 puisse être interprété en ce sens qu’il s’applique de manière exclusive et qu’une prise en compte desdites périodes ne soit, dès lors, pas davantage possible sur la base de l’article 21 TFUE.

31

Cependant, cette juridiction relève que les faits en cause au principal sont comparables à ceux de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), et que la circonstance que la requérante au principal a travaillé et acquis des périodes d’assurance exclusivement en Autriche serait susceptible de démontrer, conformément à la jurisprudence issue de cet arrêt, l’existence d’un lien de rattachement suffisamment étroit avec le régime de sécurité sociale autrichien.

32

La juridiction de renvoi considère, dès lors, que, dans le cadre du règlement no 1408/71, qui était en vigueur à l’époque où la requérante au principal a accompli des périodes d’éducation d’enfants en Belgique et en Hongrie, ces périodes auraient été prises en compte en vertu de l’article 21 TFUE aux fins du calcul de sa pension de retraite autrichienne, conformément à la jurisprudence de la Cour. Ainsi, la situation de la requérante au principal serait devenue moins favorable à la suite de l’entrée en vigueur de l’article 44 du règlement no 987/2009.

33

À titre subsidiaire, la juridiction de renvoi relève que les États membres dans lesquels la requérante au principal a accompli les périodes d’éducation de ses enfants prévoient, en principe, la prise en compte de telles périodes. Dans ce contexte, cette juridiction se demande, dans l’hypothèse où l’article 44 du règlement no 987/2009 serait applicable en l’espèce, si la circonstance visée au paragraphe 2 de cet article, à savoir celle où, « au titre de la législation de l’État membre compétent en vertu du titre II du règlement [no 883/2004], les périodes d’éducation d’enfants ne sont pas prises en compte », devrait être comprise comme visant la situation dans laquelle la législation de cet État membre ne prévoit pas, de manière générale, la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants en vue du calcul de la pension de retraite de la personne concernée ou plutôt comme s’appliquant à la situation où, bien qu’une telle prise en compte soit prévue, cette personne, compte tenu de sa situation concrète, ne saurait y prétendre.

34

Dans ces conditions, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 44, paragraphe 2, du règlement [no 987/2009] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la prise en compte de périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres par un État membre compétent pour l’octroi d’une pension de retraite, sous la législation duquel l’assurée ayant sollicité ladite pension a exercé, pendant toute sa vie active à l’exception de ces périodes d’éducation d’enfants, une activité salariée ou non salariée, du seul fait de l’absence d’exercice par l’intéressée d’une activité salariée ou non salariée à la date à laquelle, en vertu de la législation de cet État membre, la période d’éducation d’enfants a commencé à être prise en compte pour l’enfant concerné ?

En cas de réponse négative à la première question :

2)

L’article 44, paragraphe 2, première phrase, premier membre de phrase, du règlement [no 987/2009] doit-il être interprété en ce sens que l’État membre compétent en vertu du titre II du règlement [no 883/2004] ne prend pas en compte les périodes d’éducation d’enfants au titre de sa législation d’une façon générale ou uniquement in concreto ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

35

À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En effet, la Cour a pour mission d’interpréter toutes les dispositions du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin pour statuer sur les litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les questions qui lui sont adressées par ces juridictions (arrêt du 8 juillet 2021, Staatsanwaltschaft Köln et Bundesamt für Güterverkehr, C‑937/19, EU:C:2021:555, point 22 ainsi que jurisprudence citée).

36

En conséquence, même si, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a limité sa question à l’interprétation de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 987/2009, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction de renvoi, notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir, par analogie, arrêt du 8 juillet 2021, Staatsanwaltschaft Köln et Bundesamt für Güterverkehr, C‑937/19, EU:C:2021:555, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

37

En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que le litige au principal porte sur la question de savoir si la République d’Autriche est tenue de prendre en compte, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, des périodes d’éducation d’enfants accomplies par la requérante au principal dans d’autres États membres. En effet, la juridiction de renvoi indique qu’une telle prise en compte est exclue en vertu de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 987/2009, car cette disposition exige que l’intéressé ait exercé une activité salariée ou non salariée dans l’État membre concerné « à la date à laquelle, en vertu de [la législation de cet État membre], la période d’éducation d’enfants a commencé à être prise en compte pour l’enfant concerné », cette date étant déterminée par les dispositions nationales dudit État membre qui régissent la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants. Or, même si, pendant sa vie active, la requérante au principal a exercé une activité salariée ou non salariée uniquement en Autriche et qu’elle a cotisé seulement auprès du régime de sécurité sociale de cet État membre, il serait établi que, aux dates pertinentes, qui, conformément à la législation autrichienne, sont le 1er janvier 1988 et le 1er mars 1990, elle n’exerçait pas d’activité salariée ou non salariée en Autriche. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi demande si, dans le cas où l’article 44 devrait être interprété en ce sens qu’il ne présente pas un caractère exclusif, la République d’Autriche serait tenue, conformément à la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), dont les faits afférents à l’affaire qui y a donné lieu sont, selon cette juridiction, comparables à ceux de l’affaire au principal, de prendre en compte ces périodes au titre de l’article 21 TFUE.

38

Il convient, dès lors, de comprendre la première question comme visant, en substance, à savoir si l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 987/2009 doit être interprété en ce sens que, lorsque la personne concernée ne remplit pas la condition d’exercice d’une activité salariée ou non salariée imposée par cette disposition pour obtenir, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, la prise en compte, par l’État membre débiteur de cette pension, des périodes d’éducation d’enfants qu’elle a accomplies dans d’autres États membres, cet État membre est néanmoins tenu de prendre en compte ces périodes au titre de l’article 21 TFUE.

39

À cet égard, il importe, en premier lieu, de vérifier si l’article 44 du règlement no 987/2009 régit de manière exclusive ou non la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans différents États membres. En effet, dans l’affirmative, de telles périodes ne pourront être prises en considération qu’en vertu de cette seule disposition, de sorte que l’article 21 TFUE n’aura pas vocation à s’appliquer. En revanche, si l’article 44 du règlement no 987/2009 devait être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas de manière exclusive, il ne saurait être, d’emblée, exclu que la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), qui prévoit la prise en compte, par un État membre, des périodes d’éducation d’enfants accomplies par la personne concernée dans d’autres États membres au titre de l’article 21 TFUE, soit transposable à une situation, telle que celle en cause au principal, qui, à la différence de celle ayant donné lieu audit arrêt, relève du champ d’application ratione temporis du règlement no 987/2009, mais où la personne concernée ne remplit pas la condition d’exercice d’une activité salariée ou non salariée imposée par l’article 44, paragraphe 2, de ce règlement.

40

Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte, non seulement des termes de cette disposition, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie, la genèse de cette disposition pouvant également revêtir des éléments pertinents pour son interprétation (arrêt du 8 mai 2019, Inspecteur van de Belastingdienst, C‑631/17, EU:C:2019:381, point 29).

41

En l’occurrence, le libellé de l’article 44 du règlement no 987/2009 n’indique pas expressément si cette disposition régit la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans différents États membres de manière exclusive. Toutefois, il convient de constater que la règle prévue au paragraphe 2 de cet article, selon laquelle l’intéressé relève de la législation de l’État membre qui était compétent en vertu du titre II du règlement no 883/2004 du fait de l’exercice, par ce dernier, d’une activité salariée ou non salariée dans cet État membre à la date à laquelle la période d’éducation d’enfants a commencé à être prise en compte au titre de cette législation, constitue, ainsi que la Commission européenne l’a fait valoir, une codification de la jurisprudence de la Cour issue des arrêts du 23 novembre 2000, Elsen (C‑135/99, EU:C:2000:647), et du 7 février 2002, Kauer (C‑28/00, EU:C:2002:82).

42

En effet, si le législateur de l’Union n’a pas repris expressément le test, établi dans ces arrêts, du « lien étroit » ou du « lien suffisant » entre les périodes d’assurance accomplies du fait de l’exercice d’une activité professionnelle dans l’État membre à la charge duquel la personne concernée sollicite une pension de vieillesse et les périodes d’éducation d’enfants que cette personne a effectuées dans un autre État membre, il n’en demeure pas moins que l’application, aux personnes concernées dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, de la règle établie à l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 987/2009 aurait abouti au résultat dégagé par la Cour au terme de ceux-ci. En effet, ainsi qu’il ressort, en substance, des points 25 à 28 de l’arrêt du 23 novembre 2000, Elsen (C‑135/99, EU:C:2000:647), et des points 31 à 33 de l’arrêt du 7 février 2002, Kauer (C‑28/00, EU:C:2002:82), la Cour a jugé que la circonstance que ces personnes, qui avaient exclusivement travaillé dans l’État membre débiteur de leur pension de vieillesse, exerçaient, au moment de la naissance de leur enfant, une activité salariée sur le territoire de cet État membre permettait d’établir l’existence d’un tel lien étroit ou suffisant et que, partant, la législation dudit État membre était applicable en ce qui concerne la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans un autre État membre aux fins de l’octroi d’une telle pension.

43

Il convient d’ajouter que, dès lors que, à la date de l’entrée en vigueur de l’article 44 du règlement no 987/2009, l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), n’avait pas encore été prononcé par la Cour, les enseignements issus de cet arrêt n’ont pas pu être pris en compte lors de l’adoption de ce règlement aux fins de leur codification éventuelle.

44

Il s’ensuit que, au regard de son libellé, l’article 44 du règlement no 987/2009 doit être interprété en ce sens qu’il ne régit pas la prise en considération des périodes d’éducation d’enfants de manière exclusive.

45

Cette interprétation est corroborée par le contexte dans lequel s’inscrit cette disposition.

46

En effet, il convient de constater que, eu égard au titre et au chapitre du règlement no 987/2009 dont relève l’article 44 de ce règlement, à savoir le titre III, intitulé « Dispositions particulières applicables aux différentes catégories de prestations » et le chapitre IV qui regroupe les dispositions relatives aux « [p]restations d’invalidité et pensions de vieillesse et de survivant », cette disposition constitue une disposition particulière applicable à des prestations relevant des pensions qui favorise la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants aux fins du calcul de ces prestations. Pour ce faire, cette disposition introduit, lorsque la législation de l’État membre compétent en vertu du titre II du règlement no 883/2004 ne prend pas en compte lesdites périodes, une compétence qui n’est que subsidiaire à la charge d’un État membre qui n’est pas compétent en vertu des règles générales, mais qui l’était précédemment du fait de l’exercice, par la personne concernée, d’une activité salariée ou non salariée dans cet État membre au moment où, en vertu de sa législation, lesdites périodes peuvent commencer à être prises en compte.

47

Par conséquent, l’article 44 du règlement no 987/2009 instaure une règle additionnelle permettant d’augmenter la probabilité pour les personnes concernées d’obtenir une prise en compte complète de leurs périodes d’éducation d’enfants et d’ainsi éviter, dans toute la mesure du possible, que tel ne soit pas le cas. Cette disposition ne saurait, dès lors, être interprétée en ce sens qu’elle présente un caractère exclusif.

48

En ce qui concerne les objectifs de la réglementation dont l’article 44 du règlement no 987/2009 fait partie, il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort respectivement du considérant 3 du règlement no 883/2004 et du considérant 1 du règlement no 987/2009, le règlement no 883/2004 a pour objet de remplacer les règles de coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale prévues par le règlement no 1408/71 en les modernisant et en les simplifiant en vue de la réalisation de l’objectif de la libre circulation des personnes, le règlement no 987/2009 étant destiné à en fixer les modalités d’application. Le considérant 1 du règlement no 883/2004 indique, en outre, que des règles de coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale, telles que celles prévues par ce dernier règlement, par le règlement no 987/2009 et, auparavant, par le règlement no 1408/71, s’inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes.

49

À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante depuis l’entrée en vigueur du règlement no 883/2004 que, d’une part, si, en l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union, les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale et pour déterminer, notamment, dans ce contexte, les conditions qui ouvrent droit à des prestations, ces États doivent néanmoins respecter le droit de l’Union dans l’exercice de cette compétence et, en particulier, les dispositions du traité FUE relatives à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2019, Vester, C‑134/18, EU:C:2019:212, points 29 à 31 et jurisprudence citée).

50

D’autre part, si, par suite de l’exercice de leur droit à la libre circulation, les travailleurs migrants devaient perdre des avantages de sécurité sociale que leur assure la législation d’un État membre, une telle conséquence pourrait les dissuader d’exercer leur droit à la libre circulation et constituerait, dès lors, une entrave à cette liberté (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2019, Vester, C‑134/18, EU:C:2019:212, point 33 et jurisprudence citée).

51

Il en découle que l’objectif d’assurer le respect du principe de la libre circulation, tel que consacré à l’article 21 TFUE, prévaut également dans le cadre des règlements nos 883/2004 et 987/2009.

52

Or, force est de constater qu’une interprétation selon laquelle l’article 44 du règlement no 987/2009 régirait la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans différents États membres de manière exclusive reviendrait à permettre à l’État membre débiteur de la pension de vieillesse d’une personne, au sein duquel celle-ci a, comme la requérante au principal, exclusivement travaillé et cotisé, tant antérieurement que postérieurement au transfert de sa résidence dans un autre État membre où elle s’est consacrée à l’éducation de ses enfants, de refuser la prise en compte, aux fins de l’octroi d’une telle pension, des périodes d’éducation d’enfants accomplies par cette personne dans cet autre État membre et, partant, à la désavantager, au seul motif qu’elle a exercé son droit à la libre circulation.

53

Une telle interprétation irait, dès lors, à l’encontre des objectifs poursuivis par le règlement no 987/2009, en particulier s’agissant de la finalité de garantir le respect du principe de la libre circulation et risquerait, dès lors, de mettre en péril l’effet utile de l’article 44 de ce règlement.

54

Dans ce contexte, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, lorsqu’une disposition du droit de l’Union est susceptible de faire l’objet de plusieurs interprétations, il convient de privilégier celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile (arrêt du 7 octobre 2010, Lassal, C‑162/09, EU:C:2010:592, point 51).

55

Par conséquent, il convient de considérer que, au regard de son libellé, du contexte dans lequel il s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie, l’article 44 du règlement no 987/2009 doit être interprété en ce sens qu’il ne régit pas de manière exclusive la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies par une même personne dans différents États membres.

56

Il convient, en second lieu, d’examiner si la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), est transposable à une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle, bien que le règlement no 987/2009 soit applicable ratione temporis, la personne concernée ne remplit pas la condition d’exercice d’une activité salariée ou non salariée imposée par l’article 44, paragraphe 2, de ce règlement pour obtenir, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, la prise en compte, par l’État membre débiteur de cette pension, des périodes d’éducation d’enfants qu’elle a accomplies dans d’autres États membres. Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la personne concernée avait, au moment de la naissance de ses enfants, cessé de travailler dans l’État membre débiteur de sa pension de vieillesse et avait temporairement établi sa résidence sur le territoire d’un autre État membre, dans lequel elle s’était consacrée à l’éducation de ses enfants et n’avait pas exercé d’activité salariée ou non salariée. Cette personne était ensuite rentrée avec sa famille dans le premier État membre où elle avait repris une activité professionnelle.

57

Dans l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), la Cour a, tout d’abord, aux points 24 à 29 de ce dernier, jugé que, dans une telle situation, le règlement no 987/2009 n’était pas applicable ratione temporis et a constaté que, dans ces circonstances, en principe, les règles prévues par le règlement no 1408/71 trouvaient à s’appliquer.

58

Ensuite, ayant constaté, au point 30 de cet arrêt, que le règlement no 1408/71 n’établissait aucune règle spécifique comparable à l’article 44 du règlement no 987/2009 régissant la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres, la Cour a considéré que les questions posées par la juridiction de renvoi devaient être comprises comme visant à établir si, dans une situation telle que celle en cause dans cette affaire, l’article 21 TFUE oblige l’institution compétente de l’État membre débiteur de la pension de vieillesse de la personne concernée à prendre en compte, aux fins de l’octroi d’une telle pension, les périodes d’éducation d’enfants accomplies par cette personne dans un autre État membre. Au point 31 dudit arrêt, la Cour a considéré que, aux fins de répondre à cette question, il convenait, d’une part, de déterminer quel était l’État membre compétent pour définir ou admettre comme périodes assimilées à des périodes d’assurance proprement dites les périodes consacrées par la personne concernée à l’éducation de ses enfants dans un autre État membre et, d’autre part, dans l’hypothèse où la législation de l’État membre débiteur de sa pension de vieillesse serait désignée, d’apprécier si les modalités de prise en compte des périodes d’éducation d’enfants prévues par cette législation sont conformes à l’article 21 TFUE.

59

La Cour a ainsi considéré, d’une part, aux points 35 et 36 de l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), que, lorsqu’une personne a exclusivement travaillé et cotisé dans un seul et même État membre, tant antérieurement que postérieurement au transfert de sa résidence dans un autre État membre dans lequel elle n’a jamais travaillé ni cotisé, il convient d’admettre l’existence d’un lien suffisant entre ces périodes d’éducation d’enfants et les périodes d’assurance accomplies du fait de l’exercice d’une activité professionnelle dans le premier État membre de sorte que, pour ce qui concerne la prise en compte et la validation, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, des périodes d’éducation d’enfants accomplies par cette personne, la législation de ce premier État membre est applicable.

60

D’autre part, s’agissant de la compatibilité de la législation applicable dans cette affaire avec l’article 21 TFUE, la Cour a rappelé, aux points 38 à 40 de cet arrêt, que, si les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, ils doivent, néanmoins, dans l’exercice de cette compétence, respecter le droit de l’Union et, notamment, les dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des citoyens, garantie à l’article 21 TFUE. En outre, la Cour a relevé que, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, les dispositions nationales conduisaient à ce que la personne concernée, dès lors qu’elle n’avait pas acquis, au titre d’une activité salariée ou non salariée, des périodes de cotisation obligatoire pendant les périodes d’éducation d’enfants ou immédiatement avant la naissance de ses enfants, se voyait privée, aux fins de la détermination du montant de sa pension de vieillesse, du droit à la prise en compte de ses périodes d’éducation d’enfants par le seul fait qu’elle avait installé temporairement sa résidence dans un autre État membre, même si elle n’avait exercé aucune activité salariée ou non salariée dans cet autre État membre.

61

Enfin, la Cour a jugé, aux points 41 à 45 du même arrêt, que, dans ces circonstances, une telle personne se voyait appliquer, dans l’État membre dont elle est ressortissante, un traitement moins favorable que celui dont elle bénéficierait si elle n’avait pas fait usage des facilités ouvertes par le traité FUE en matière de circulation des personnes. Une réglementation nationale désavantageant certains ressortissants nationaux du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre engendre, partant, une inégalité de traitement contraire aux principes qui sous-tendent le statut de citoyen de l’Union dans l’exercice de sa liberté de circuler. La Cour en a conclu que, dans une telle situation, d’une part, l’exclusion de la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants effectuées en dehors du territoire de l’État membre compétent prévue par la législation de ce dernier, est contraire à l’article 21 TFUE et, d’autre part, cette disposition de droit de l’Union oblige l’institution compétente de cet État membre pour l’octroi de la pension de retraite à tenir compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies par la personne concernée dans un autre État membre aux fins du calcul du montant de ladite pension.

62

Force est de constater que, dans la mesure où, ainsi qu’il découle du point 55 du présent arrêt, l’article 44 du règlement no 987/2009 ne régit pas la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants à l’étranger de manière exclusive et où, ainsi qu’il ressort du point 51 du présent arrêt, l’objectif d’assurer le respect du principe de la libre circulation tel que consacré à l’article 21 TFUE prévaut également dans le cadre des règlements nos 883/2004 et 987/2009, les enseignements de l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), sont transposables à une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle le règlement no 987/2009 est applicable ratione temporis, mais où la personne concernée ne remplit pas la condition d’exercice d’une activité salariée ou non salariée imposée par l’article 44, paragraphe 2, de ce règlement pour obtenir, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, la prise en compte, par l’État membre débiteur de cette pension, des périodes d’éducation d’enfants qu’elle a accomplies dans d’autres États membres.

63

Par ailleurs, ainsi qu’il résulte des points 22 à 25 du présent arrêt, les faits afférents à l’affaire au principal sont comparables à ceux de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), rappelés au point 56 du présent arrêt, puisque, d’une part, en l’occurrence, la requérante au principal a exclusivement travaillé et cotisé dans l’État membre débiteur de sa pension de vieillesse, à savoir en Autriche, tant antérieurement que postérieurement à son déménagement en Hongrie puis en Belgique, où elle s’est consacrée à l’éducation de ses enfants et, d’autre part, elle n’exerçait pas d’activité salariée ou non salariée en Autriche à la date pertinente pour la prise en compte de ses périodes d’éducation d’enfants aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse dans cet État membre. Ainsi, il existe, à l’instar de la situation en cause dans l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), un lien suffisant entre les périodes d’éducation d’enfants accomplies par la requérante au principal à l’étranger et les périodes d’assurance accomplies du fait de l’exercice d’une activité professionnelle en Autriche. Partant, il y a lieu de considérer que la législation de cet État membre doit s’appliquer aux fins de la prise en compte et de la validation de ces périodes, en vue de l’octroi d’une pension de vieillesse par ledit État membre.

64

Il est également constant que, si la requérante au principal n’avait pas quitté l’Autriche, ses périodes d’éducation d’enfants auraient été prises en compte aux fins du calcul de sa pension de vieillesse autrichienne. Partant, il ne fait pas de doute que, à l’instar de l’intéressée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), la requérante au principal est désavantagée au seul motif qu’elle a exercé son droit à la libre circulation, ce qui est contraire à l’article 21 TFUE.

65

Il s’ensuit que, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle la personne concernée a exclusivement travaillé et cotisé dans l’État membre débiteur de sa pension de vieillesse, tant antérieurement que postérieurement au transfert de sa résidence dans les autres États membres où elle a accompli ses périodes d’éducation d’enfants, cet État membre est tenu, conformément à la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C‑522/10, EU:C:2012:475), de prendre en compte, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, lesdites périodes au titre de l’article 21 TFUE.

66

Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 987/2009 doit être interprété en ce sens que, lorsque la personne concernée ne remplit pas la condition d’exercice d’une activité salariée ou non salariée imposée par cette disposition pour obtenir, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, la prise en compte, par l’État membre débiteur de cette pension, des périodes d’éducation d’enfants qu’elle a accomplies dans d’autres États membres, cet État membre est tenu de prendre en compte ces périodes au titre de l’article 21 TFUE, dès lors que cette personne a exclusivement travaillé et cotisé dans ledit État membre, tant antérieurement que postérieurement au transfert de sa résidence dans un autre État membre où elle a effectué lesdites périodes.

Sur la seconde question

67

Dès lors que cette question se poserait uniquement dans l’hypothèse où la Cour aurait été amenée à considérer que l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 987/2009 s’applique à une situation telle que celle en cause au principal et que, en l’occurrence, les conditions d’application de cette disposition ne sont pas remplies, il n’y a pas lieu d’y répondre.

Sur les dépens

68

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

 

L’article 44, paragraphe 2, du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens que, lorsque la personne concernée ne remplit pas la condition d’exercice d’une activité salariée ou non salariée imposée par cette disposition pour obtenir, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, la prise en compte, par l’État membre débiteur de cette pension, des périodes d’éducation d’enfants qu’elle a accomplies dans d’autres États membres, cet État membre est tenu de prendre en compte ces périodes au titre de l’article 21 TFUE, dès lors que cette personne a exclusivement travaillé et cotisé dans ledit État membre, tant antérieurement que postérieurement au transfert de sa résidence dans un autre État membre où elle a effectué lesdites périodes.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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