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Document 62015CJ0327

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 21 décembre 2016.
TDC A/S contre Teleklagenævnet et Erhvervs- og Vækstministeriet.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Østre Landsret.
Renvoi préjudiciel – Réseaux et services de communications électroniques – Directive 2002/22/CE – Service universel – Articles 12 et 13 – Calcul du coût des obligations de service universel – Article 32 – Compensation des coûts afférents aux services obligatoires additionnels – Effet direct – Article 107, paragraphe 1, et article 108, paragraphe 3, TFUE – Services de sécurité et d’urgence maritime assurés au Danemark et au Groenland – Réglementation nationale – Présentation d’une demande de compensation des coûts afférents aux services obligatoires additionnels – Délai de trois mois – Principes d’équivalence et d’effectivité.
Affaire C-327/15.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2016:974

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 décembre 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Réseaux et services de communications électroniques — Directive 2002/22/CE — Service universel — Articles 12 et 13 — Calcul du coût des obligations de service universel — Article 32 — Compensation des coûts afférents aux services obligatoires additionnels — Effet direct — Article 107, paragraphe 1, et article 108, paragraphe 3, TFUE — Services de sécurité et d’urgence maritime assurés au Danemark et au Groenland — Réglementation nationale — Présentation d’une demande de compensation des coûts afférents aux services obligatoires additionnels — Délai de trois mois — Principes d’équivalence et d’effectivité»

Dans l’affaire C‑327/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est, Danemark), par décision du 26 juin 2015, parvenue à la Cour le 2 juillet 2015, dans la procédure

TDC A/S

contre

Teleklagenævnet,

Erhvervs- og Vækstministeriet,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, Mme A. Prechal, M. A. Rosas, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er juin 2016,

considérant les observations présentées :

pour TDC A/S, par Me O. Spiermann, advokat,

pour le gouvernement danois, par M. C. Thorning, en qualité d’agent, assisté de Me J. Pinborg, advokat,

pour la Commission européenne, par Mme L. Nicolae, M. G. Conte et Mme M. Clausen, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 32 de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») (JO 2002, L 108, p. 51).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant TDC A/S au Teleklagenævnet (commission des recours en matière de télécommunications, Danemark) et à l’Erhvervs- og Vækstministeriet (ministère de l’Entreprise et de la Croissance, Danemark) au sujet du rejet de plusieurs demandes de compensation des coûts encourus par TDC pour la fourniture de services obligatoires additionnels et d’une demande de dérogation au délai prévu pour introduire de telles demandes de compensation.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive « service universel »

3

Les considérants 4, 18, 19, 21, 23, 25 et 26 de la directive « service universel » énoncent :

« (4)

Garantir un service universel [...] peut entraîner la fourniture de certains services à certains utilisateurs finals à des prix qui s’écartent de ceux découlant de conditions normales du marché. Toutefois, l’indemnisation des entreprises désignées pour fournir ces services dans ces circonstances ne saurait entraîner une quelconque distorsion de la concurrence, à condition que ces entreprises désignées soient indemnisées pour le coût net spécifique encouru et que ce coût net soit recouvré par un moyen neutre du point de vue de la concurrence.

[...]

(18)

Les États membres devraient, lorsqu’il y a lieu, établir des mécanismes de financement du coût net afférent aux obligations de service universel dans les cas où il est démontré que ces obligations ne peuvent être assumées qu’à perte ou à un coût net qui dépasse les conditions normales d’exploitation commerciale. Il importe de veiller à ce que le coût net découlant des obligations de service universel soit correctement calculé et que les financements éventuels entraînent un minimum de distorsions pour le marché et les entreprises, et sont compatibles avec les dispositions des articles [107 et 108 TFUE].

(19)

Le calcul du coût net du service universel devrait tenir dûment compte des dépenses et des recettes, ainsi que des avantages immatériels découlant de la fourniture du service universel, mais ne devrait pas compromettre l’objectif général d’une structure des tarifs qui rende compte des coûts. Les coûts nets qui découlent des obligations de service universel devraient être calculés selon des procédures transparentes.

[...]

(21)

[...] Les mécanismes de financement devraient avoir pour but d’assurer la participation des acteurs du marché au seul financement des obligations de service universel, et non à des activités qui ne seraient pas directement liées à la fourniture du service universel. [...]

[...]

(23)

Le coût net des obligations de service universel peut être réparti entre toutes les entreprises ou certains groupes spécifiés d’entreprises. Les États membres devraient veiller à ce que le mécanisme de répartition respecte les principes de transparence, de distorsion minimale du marché, de non-discrimination et de proportionnalité. Par “distorsion minimale du marché”, on entend que les contributions devraient être récupérées d’une manière qui, dans la mesure du possible, réduise au minimum l’incidence de la charge financière supportée par les utilisateurs finals, par exemple par une répartition des contributions aussi large que possible.

[...]

(25)

[...] Les États membres ne sont pas autorisés à imposer aux acteurs du marché des contributions financières au titre de mesures qui ne relèvent pas des obligations de service universel. Chaque État membre reste libre d’imposer des mesures spéciales (ne relevant pas des obligations de service universel) et de les financer conformément au droit [de l’Union], mais pas par le biais de contributions provenant des acteurs du marché.

(26)

Une concurrence plus effective sur l’ensemble des marchés d’accès et de services élargira le choix proposé aux utilisateurs. Le degré de concurrence et de choix effectifs varie au sein de [l’Union européenne] et, dans les États membres, entre les régions géographiques et entre les divers marchés d’accès et de services. [...] Par souci d’efficacité et pour des raisons sociales, les tarifs pratiqués vis-à-vis des utilisateurs finals devraient refléter les conditions de la demande ainsi que la situation des coûts pour autant que cela n’entraîne pas de distorsions de la concurrence. [...] Des règles d’encadrement des prix, une péréquation géographique ou d’autres instruments analogues, ainsi que des mesures non réglementaires comme des comparaisons entre prix de détail accessibles à tous, peuvent être utilisés pour atteindre le double objectif de la promotion d’une concurrence effective sur les marchés et de la satisfaction de l’intérêt public [...]. Pour pouvoir exercer leurs fonctions réglementaires dans ce domaine, et notamment imposer des contrôles sur les tarifs, les autorités réglementaires nationales doivent pouvoir accéder aux informations utiles en matière de comptabilité des coûts. [...] »

4

L’article 1er de la directive « service universel », intitulé « Champ d’application et objectifs », dispose, à son paragraphe 2 :

« La présente directive établit les droits des utilisateurs finals et les obligations correspondantes des entreprises fournissant des réseaux et des services de communications électroniques accessibles au public. Pour ce qui est de la fourniture d’un service universel dans un environnement d’ouverture et de concurrence des marchés, la présente directive définit l’ensemble minimal des services d’une qualité spécifiée accessible à tous les utilisateurs finals, à un prix abordable compte tenu des conditions nationales spécifiques, sans distorsion de concurrence. [...] »

5

L’article 3, paragraphe 2, de cette directive, intitulé « Disponibilité du service universel », est libellé comme suit :

« Les États membres déterminent l’approche la plus efficace et la plus adaptée pour assurer la mise en œuvre du service universel, dans le respect des principes d’objectivité, de transparence, de non-discrimination et de proportionnalité. Ils s’efforcent de réduire au minimum les distorsions sur le marché, en particulier lorsqu’elles prennent la forme de fournitures de services à des tarifs ou des conditions qui diffèrent des conditions normales d’exploitation commerciale, tout en sauvegardant l’intérêt public. »

6

L’article 8 de la directive « service universel », intitulé « Désignation d’entreprises », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Lorsque les États membres désignent des entreprises pour remplir des obligations de service universel sur tout ou partie du territoire national, ils ont recours à un mécanisme de désignation efficace, objectif, transparent et non discriminatoire qui n’exclut a priori aucune entreprise. Les méthodes de désignation garantissent que la fourniture du service universel répond au critère de la rentabilité et peuvent être utilisées de manière à pouvoir déterminer le coût net de l’obligation de service universel, conformément à l’article 12. »

7

L’article 12 de cette directive, intitulé « Calcul du coût des obligations de service universel », énonce, à son paragraphe 1 :

« Lorsque les autorités réglementaires nationales estiment que la fourniture du service universel, telle qu’elle est énoncée dans les articles 3 à 10, peut représenter une charge injustifiée pour les entreprises désignées comme fournisseurs de service universel, elles calculent le coût net de cette fourniture.

À cette fin, les autorités réglementaires nationales :

a)

calculent le coût net de l’obligation de service universel, compte tenu de l’avantage commercial éventuel que retire une entreprise désignée pour fournir un service universel, conformément aux indications données à l’annexe IV, partie A, ou

b)

utilisent le coût net encouru par la fourniture du service universel et déterminé par mécanisme de désignation conformément à l’article 8, paragraphe 2. »

8

L’article 13 de la directive « service universel », intitulé « Financement des obligations de service universel », dispose, à son paragraphe 1 :

« Lorsque, sur la base du calcul du coût net visé à l’article 12, les autorités réglementaires nationales constatent qu’une entreprise est soumise à une charge injustifiée, les États membres décident, à la demande d’une entreprise désignée :

a)

d’instaurer un mécanisme pour indemniser ladite entreprise pour les coûts nets tels qu’ils ont été calculés, dans des conditions de transparence et à partir de fonds publics, et/ou

b)

de répartir le coût net des obligations de service universel entre les fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques. »

9

L’article 32 de la directive « service universel », intitulé « Services obligatoires additionnels », est libellé comme suit :

« Les États membres peuvent décider de rendre accessibles au public, sur le territoire national, des services additionnels, à l’exception des services qui relèvent des obligations du service universel définies dans le chapitre II, mais, dans ce cas, aucun mécanisme de compensation impliquant la participation d’entreprises spécifiques ne peut être imposé. »

10

L’annexe IV, partie A, de la directive « service universel » prévoit :

« [...]

[...] Le coût net correspond à la différence entre le coût net supporté par une entreprise désignée lorsqu’elle fournit un service universel et lorsqu’elle n’en fournit pas. [...] Il convient de veiller à évaluer correctement les coûts que l’entreprise désignée aurait évités si elle avait eu le choix de ne pas remplir d’obligations de service universel. [...]

[...] »

11

L’annexe IV, partie B, de la directive « service universel » prévoit le mécanisme de la couverture des coûts nets imputables aux obligations de service universel.

La directive 2002/21/CE

12

Aux termes de l’article 2, sous j), de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33), on entend par :

« “service universel” : un ensemble de services minimal, défini dans la [directive “service universel”], de qualité déterminée, disponible pour tous les utilisateurs, quelle que soit leur situation géographique et, compte tenu des conditions nationales spécifiques, d’un prix abordable ».

La décision d’association outre-mer

13

Le Groenland figurait dans la liste des pays et territoires d’outre-mer (PTOM) de l’annexe I A de la décision 2001/822/CE du Conseil, du 27 novembre 2001, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté européenne (« décision d’association outre-mer ») (JO 2001, L 314, p. 1).

La décision 2012/21/UE

14

Conformément à l’article 12 de la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2012, L 7, p. 3), cette décision est entrée en vigueur le 31 janvier 2012. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le litige au principal peut être considéré, compte tenu de la date des faits, comme n’étant pas régi par ladite décision.

Le droit danois

15

La lov nr. 418 om konkurrence- og forbrugerforhold på telemarkedet (loi no 418 relative à la concurrence et à la consommation sur le marché des télécommunications), du 31 mai 2000, telle que codifiée par la lovbekendtgørelse nr. 780 (loi de codification no 780), du 28 juin 2007 (ci-après la « loi sur les télécommunications »), en vigueur à l’époque des faits au principal, contenait les dispositions qui ont transposé la directive « service universel » en droit danois.

16

Il ressort de la décision de renvoi que, conformément à l’article 20 de la loi sur les télécommunications, les opérateurs du service universel désignés conformément à cette loi pouvaient être indemnisés pour l’ensemble des déficits dûment justifiés liés à la fourniture des services mentionnés à l’article 16 de ladite loi et relevant de l’obligation de service universel qui a été mise à leur charge.

17

La loi sur les télécommunications ne précisait pas, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, ce qu’il y avait lieu d’entendre par « l’ensemble des déficits dûment justifiés », mais il ressortait des travaux préparatoires de cette loi qu’un déficit afférent aux services de sécurité et d’urgence maritime fondés sur les fréquences radioélectriques (ci-après les « services de sécurité et d’urgence maritime ») « devait être imputé sur un éventuel excédent au titre de la fourniture d’autres services relevant des obligations de service universel de l’entreprise ». Un éventuel déficit subsistant après déduction des excédents devait, selon la loi sur les télécommunications, être couvert par les acteurs du marché s’il était lié à la prestation de services relevant du chapitre II de la directive « service universel » et par l’État s’il était lié à la fourniture de services obligatoires additionnels, conformément à l’article 20 de cette loi.

18

Ces règles ont été reprises en des termes en substance identiques dans la lov nr. 169 om elektroniske kommunikationsnet og –tjenester (loi no 169 relative aux réseaux et services de communications électroniques), du 3 mars 2011. Toutefois, à la suite d’une lettre de mise en demeure et d’un avis motivé de la Commission européenne, cette loi a été modifiée par la lov nr. 250 (loi no 250), du 31 mars 2012, et prévoit désormais la possibilité d’obtenir la couverture des déficits apparus après le 1er avril 2012 dans le cadre des services de sécurité et d’urgence maritime sans déduction des excédents réalisés au titre d’autres services relevant de l’obligation de service universel de l’entreprise.

19

Le ministère de l’Entreprise et de la Croissance a adopté, le 26 juin 2008, le bekendtgørelse nr. 701 om forsyningspligtydelser (arrêté no 701 sur l’obligation de service universel) dont l’article 30 est libellé comme suit :

« Lors de la demande de financement du déficit conformément à l’article 20 de la loi relative à la concurrence et à la consommation sur le marché des télécommunications (voir loi de codification no 780 du 28 juin 2007), l’opérateur de service universel doit fournir à l’IT‑ og Telestyrelsen [autorité nationale des technologies de l’information et des télécommunications] [devenue l’Erhvervsstyrelsen, autorité danoise pour l’entreprise] des éléments sur son déficit d’un exercice clôturé. [...]

Paragraphe 2. L’opérateur de service universel doit présenter sa demande de financement du déficit de l’exercice précédent au plus tard trois mois après le délai de production du rapport annuel à l’Erhvervs- og Selskabsstyrelsen [direction des entreprises industrielles et commerciales et des sociétés]. [...]

Paragraphe 3. L’[autorité nationale des technologies de l’information et des télécommunications] notifie dans les six mois qui suivent la réception des informations adressées par l’opérateur de service universel et mentionnées au paragraphe 1, un calcul établissant si l’opérateur de service universel a le droit au remboursement du déficit. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

20

TDC, précédemment dénommée Tele Danmark A/S, était, jusqu’à sa privatisation intervenue au cours de l’année 1997, une entreprise dont l’État danois était l’unique actionnaire. Elle est, au Danemark, le principal opérateur dans le secteur des services de communications électroniques.

21

Cette entreprise a été chargée par l’État danois, déjà avant sa privatisation, d’assurer au Danemark et au Groenland à titre gracieux les services de sécurité et d’urgence maritime permettant aux navires de demander assistance lorsqu’ils sont en situation de détresse. Cette mission a été maintenue après sa privatisation. TDC demeure le principal opérateur de télécommunications au Danemark et y propose, sur une base volontaire, les services relevant du chapitre II de la directive « service universel », notamment la téléphonie de base. Elle est tenue, en tant que société désignée pour assurer une obligation de service universel, de proposer des services de sécurité et d’urgence maritime au Groenland et n’y exerce aucune activité en dehors de celle qui résulte de l’obligation de service universel. En pratique, les services de sécurité et d’urgence maritime sont assurés par Tele Greenland A/S, qui appartient aux autorités autonomes du Groenland, et TDC ne fait que couvrir les coûts y afférents.

22

En vertu de la réglementation danoise, TDC ne pouvait percevoir de l’État une compensation des coûts liés à la fourniture des services de sécurité et d’urgence maritime au Danemark et au Groenland, dans la mesure où elle réalisait, globalement, un excédent dans le cadre de la fourniture des services relevant des obligations de service universel et des services obligatoires additionnels.

23

À plusieurs reprises, TDC a contesté, en se fondant sur la directive « service universel », la réglementation danoise, telle qu’interprétée par les autorités danoises, ne lui permettant pas d’obtenir la compensation desdits coûts. Au cours de l’année 2008, elle s’est adressée à la Commission pour lui demander de prendre position sur la question de savoir si la réglementation danoise était conforme à la directive « service universel ». Après plusieurs échanges de vues entre la Commission, les autorités danoises et TDC, la Commission a adressé au Royaume de Danemark une lettre de mise en demeure et un avis motivé, respectivement, les 27 janvier et 29 septembre 2011.

24

Le Royaume de Danemark a alors décidé de modifier la réglementation danoise en cause, laquelle prévoit désormais une compensation, par l’État, des déficits apparus après le 1er avril 2012 dans le cadre de la fourniture des services de sécurité et d’urgence maritime sans déduction des excédents réalisés au titre d’autres services relevant de l’obligation de service universel. Elle est cependant sans effets pour la période antérieure au 1er avril 2012.

25

Le 29 juillet 2011, TDC a demandé, sur le fondement du droit de l’Union, la compensation des coûts liés à la fourniture des services de sécurité et d’urgence maritime exposés pour l’année 2010. Le 26 septembre 2011, cette entreprise a présenté des demandes identiques pour les années 2007 à 2009.

26

Parallèlement aux procédures engagées devant les autorités danoises relatives à ladite compensation, TDC a demandé au ministère de l’Entreprise et de la Croissance à bénéficier d’une dérogation au délai prévu à l’article 30, paragraphe 2, de l’arrêté no 701 sur l’obligation de service universel, selon lequel toute demande de compensation doit être introduite au plus tard trois mois après l’échéance du délai de transmission du rapport annuel à l’autorité compétente. Cette entreprise a fait valoir qu’elle n’avait pas sollicité cette compensation dans les délais, puisqu’elle n’avait pas alors, selon la réglementation danoise en cause, le droit d’y prétendre.

27

Le 2 novembre 2011, le ministère de l’Entreprise et de la Croissance a informé TDC qu’il rejetait cette demande de dérogation.

28

Le 24 novembre 2011, l’autorité danoise pour l’entreprise a rejeté les demandes de TDC visant à la compensation des coûts au motif que, d’une part, la créance relative à l’année 2007 était prescrite et que le délai dans lequel une telle demande pouvait être déposée pour les années 2008 et 2009 était expiré et, d’autre part, la réglementation danoise alors en vigueur ne permettait pas de faire droit à la demande de compensation afférente à l’année 2010 sans que soient déduits les excédents provenant des services relevant des obligations de service universel, au sens du chapitre II de la directive « service universel ».

29

TDC a fait appel de ces décisions de rejet devant la commission des recours en matière de télécommunications, qui a confirmé, par une décision du 17 septembre 2012, les décisions en cause portant sur les demandes de compensation relatives aux années 2007 à 2009. En ce qui concerne la demande de compensation relative à l’année 2007, cette commission a jugé que « la demande était prescrite, étant donné que le délai de prescription de trois ans des droits à compensation éventuels de TDC commençait à courir à partir de la date à laquelle TDC pouvait établir le montant définitif de ses droits et présenter sa demande ». En ce qui concerne les demandes de compensation pour les années 2008 et 2009, ladite commission a également confirmé la décision de rejet prise par l’autorité danoise au motif que ces demandes avaient été introduites après l’expiration du délai de trois mois prévu à l’article 30, paragraphe 2, de l’arrêté no 701 sur l’obligation de service universel.

30

S’agissant de la demande de compensation relative à l’année 2010, la commission des recours en matière de télécommunications a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de questions d’interprétation de la directive « service universel ». Dans l’arrêt du 9 octobre 2014, TDC (C‑222/13, EU:C:2014:2265), la Cour a toutefois constaté qu’elle n’était pas compétente pour y répondre, dès lors que cette autorité n’était pas habilitée à saisir la Cour au titre de l’article 267 TFUE.

31

Parallèlement à la procédure devant la commission des recours en matière de télécommunications, TDC a introduit, le 13 novembre 2012, devant le Københavns byret (tribunal municipal de Copenhague, Danemark), un recours en indemnisation du préjudice subi au cours des années 2008 et 2009 au titre de la transposition erronée en droit danois de la directive « service universel ». L’affaire a ensuite été renvoyée devant l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est, Danemark).

32

TDC a introduit, en outre, devant le Københavns byret (tribunal municipal de Copenhague), un recours tendant à l’annulation de la décision du ministère de l’Entreprise et de la Croissance, du 2 novembre 2011, rejetant sa demande de dérogation concernant le délai, et de la décision de la commission des recours en matière de télécommunications concernant les années de 2007 à 2009. Cette affaire a également été renvoyée devant l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est), laquelle éprouve des doutes quant à l’interprétation du droit de l’Union.

33

C’est dans ces conditions que l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La directive “service universel” et, en particulier, l’article 32 de celle-ci s’opposent-ils à ce qu’un État membre instaure des règles en vertu desquelles une entreprise n’a pas droit à la couverture spécifique par l’État membre du coût net de la fourniture d’un service obligatoire additionnel qui ne relève pas du chapitre II de cette directive, dès lors que les excédents réalisés par l’entreprise au titre d’autres services qui relèvent de ses obligations de service universel au sens du chapitre II de ladite directive sont supérieurs au déficit lié à la fourniture du service obligatoire additionnel ?

2)

La directive “service universel” s’oppose-t-elle à ce qu’un État membre instaure des règles en vertu desquelles les entreprises n’ont droit à la couverture par l’État membre du coût net de la fourniture de services obligatoires additionnels ne relevant pas du chapitre II de cette directive que si le coût net constitue une charge injustifiée pour les entreprises en question ?

3)

Au cas où la deuxième question appellerait une réponse négative, l’État membre peut-il décider que la fourniture d’un service obligatoire additionnel ne relevant pas du chapitre II de la directive “service universel” ne se traduit pas par une charge injustifiée lorsque l’entreprise a réalisé, globalement, un excédent dans le cadre de la fourniture de tous les services pour lesquels elle a une obligation de service universel, et notamment de la fourniture des services que l’entreprise aurait également assurés si elle n’avait pas été opérateur de service universel ?

4)

La directive “service universel” s’oppose-t-elle à ce qu’un État membre instaure des règles en vertu desquelles le coût net supporté par une entreprise désignée dans le cadre de son obligation de service universel au sens du chapitre II de cette directive est calculé comme la différence entre l’ensemble des recettes et l’ensemble des coûts qui sont liés à la fourniture du service en question, et notamment des recettes et des coûts que l’entreprise aurait également enregistrés si elle n’avait pas été opérateur de service universel ?

5)

Si les règles nationales en cause (voir les première à quatrième questions) s’appliquent aux services additionnels obligatoires qui doivent être fournis non seulement au Danemark mais également au Groenland, qui conformément à l’annexe II du traité FUE est un pays ou un territoire d’outre-mer, les réponses aux première à quatrième questions s’appliquent-elles également à la partie de l’obligation concernant le Groenland lorsque l’obligation est imposée par les autorités danoises à une entreprise établie au Danemark et qui n’exerce pas, au demeurant, d’activités au Groenland ?

6)

Quelle est l’incidence de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ainsi que de la décision [2012/21], sur la réponse aux première à cinquième questions ?

7)

Quelle est l’incidence du principe de distorsion minimale du marché, énoncé notamment à l’article 1er, paragraphe 2, à l’article 3, paragraphe 2, aux considérants 4, 18, 23 et 26 ainsi qu’à l’annexe IV, partie B, de la directive “service universel”, sur la réponse aux première à cinquième questions ?

8)

Si les dispositions de la directive “service universel” font obstacle aux régimes juridiques nationaux visés aux première, deuxième et quatrième questions, ces dispositions ou ces restrictions sont-elles assorties de l’effet direct ?

9)

Quelles circonstances spécifiques doivent être prises en compte dans l’appréciation de la question de savoir si un délai national de présentation d’une demande tel que celui décrit [dans la demande de décision préjudicielle] ainsi que son application sont conformes aux principes du droit de l’Union de loyauté, d’équivalence et d’effectivité ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première, sixième et septième questions

34

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions de la directive « service universel », et, en particulier, l’article 32 de celle-ci, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle une entreprise n’a pas droit à la compensation par l’État membre du coût net de la fourniture d’un service obligatoire additionnel, dès lors que les excédents réalisés par cette entreprise au titre d’autres services qui relèvent de ses obligations de service universel sont supérieurs au déficit lié à la fourniture de ce service obligatoire additionnel.

35

Dans ce contexte, par ses sixième et septième questions, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur l’incidence, pour l’interprétation de cette disposition des règles de l’Union relatives aux aides d’État découlant de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

36

Dans la mesure où les règles de l’Union relatives aux aides d’État visées par la juridiction de renvoi dans ses sixième et septième questions sont applicables à la mise en œuvre des obligations découlant de la directive « service universel » et, notamment, les mécanismes de compensation du service universel et des services obligatoires additionnels, il convient de traiter ces deux questions ensemble avec la première.

37

Il y a lieu de relever, tout d’abord, que la directive « service universel » définit deux ensembles de services que les États membres peuvent confier à des entreprises désignées, à savoir, d’une part, les services relevant des obligations de service universel visés au chapitre II de cette directive et, d’autre part, les services spécifiques visés à l’article 32 de ladite directive.

38

S’agissant des services relevant des obligations de service universel, il convient de relever que, selon l’article 1er, paragraphe 2, de la directive « service universel », l’objet de cette directive est de définir, comme le prévoit l’article 2, sous j), de la directive 2002/21, l’ensemble minimal de services d’une qualité spécifiée accessible à tous les utilisateurs finals, à un prix abordable compte tenu des conditions nationales spécifiques, sans distorsion de concurrence. Cet ensemble minimal de services universels est défini au chapitre II de la directive « service universel ».

39

Les articles 12 et 13 de cette directive et l’annexe IV, partie A, de celle-ci contiennent des règles régissant les mécanismes de calcul du coût net des obligations de service universel relevant du chapitre II de ladite directive et de financement de ces obligations.

40

En ce qui concerne les services spécifiques ne relevant pas des obligations de service universel, l’article 32 de la directive « service universel » prévoit que les États membres peuvent décider de rendre accessibles au public, sur le territoire national, des services obligatoires additionnels, mais, dans ce cas, aucun mécanisme de compensation impliquant la participation d’entreprises spécifiques ne peut être imposé.

41

Ensuite, il convient de constater que, à la différence du service universel relevant du chapitre II de la directive « service universel », l’article 32 de celle-ci ne prévoit pas de mécanisme de compensation des services obligatoires additionnels, celui-ci se limitant à prescrire que, pour ces services, aucun mécanisme de financement impliquant la participation d’entreprises spécifiques ne peut être imposé. Par conséquent, le mécanisme de financement prévu à l’article 13, paragraphe 1, sous b), de la directive « service universel » permettant cette participation ne peut être étendu à de tels services (voir arrêt du 11 juin 2015, Base Company et Mobistar, C‑1/14, EU:C:2015:378, point 41).

42

En l’occurrence, ainsi qu’il a été rappelé au point 17 du présent arrêt, la réglementation danoise prévoyait qu’un éventuel déficit devait être couvert par l’État s’il était lié à la fourniture de services obligatoires additionnels, un tel déficit devant toutefois être imputé sur un éventuel excédent au titre de la fourniture d’autres services relevant des obligations de service universel de l’entreprise.

43

Il découle, cependant, de l’article 32 de la directive « service universel » que l’entreprise désignée comme fournisseur d’un service obligatoire additionnel ne doit pas être conduite à supporter le coût lié à la fourniture de ce service. En effet, cette disposition prévoit qu’il ne saurait y avoir de recours à un mécanisme de compensation impliquant la participation d’entreprises spécifiques.

44

Il y a lieu d’ajouter, s’agissant de ce mécanisme de compensation, qu’il résulte des règles régissant les mécanismes de calcul du coût net des obligations de service universel et de financement de ces obligations prévues par la directive « service universel » qu’une comptabilité séparée est exigée pour les activités relevant du service universel et celles afférentes aux autres types de services, parmi lesquels figurent les services obligatoires additionnels.

45

En effet, les considérants 21 et 25 de la directive « service universel » énoncent, notamment, que, d’une part, les mécanismes de financement doivent avoir pour but d’assurer la participation des acteurs du marché au seul financement des obligations de service universel, et non à des activités qui ne seraient pas directement liées à la fourniture du service universel et, d’autre part, les États membres ne sont pas autorisés à imposer aux acteurs du marché des contributions financières au titre de mesures qui ne relèvent pas des obligations de service universel. Les considérants 4 et 18 de cette directive énoncent, en substance, également que les États membres doivent veiller à ce que les entreprises désignées soient indemnisées pour le coût net « spécifiquement encouru » pour la fourniture du service universel.

46

Ainsi, selon les articles 12 et 13 de la directive « service universel », afin de déterminer le montant de l’indemnisation éventuellement due à une entreprise désignée pour la fourniture d’un service universel, il importe, dans une première étape, de calculer le coût net de l’obligation de service universel pour l’entreprise désignée comme fournisseur et ensuite, lorsque les autorités réglementaires nationales constatent qu’une entreprise est soumise à une charge injustifiée, ces autorités décident d’instaurer un mécanisme pour indemniser ladite entreprise pour les coûts nets tels qu’ils ont été calculés, dans des conditions de transparence et à partir de fonds publics, et/ou de répartir le coût net des obligations de service universel entre les fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques (voir arrêt du 6 octobre 2015, T‑Mobile Czech Republic et Vodafone Czech Republic, C‑508/14, EU:C:2015:657, point 33).

47

Il en découle que, aux fins de l’indemnisation, une distinction doit être opérée entre le coût net des obligations du service universel et le coût net des services obligatoires additionnels ne relevant pas du chapitre II de cette directive.

48

Par conséquent, les mécanismes de compensation prévus par la directive « service universel » relatifs, d’une part, au service universel et, d’autre part, aux services obligatoires additionnels sont indépendants l’un de l’autre et, dès lors, les coûts nets engagés pour chacun de ces services doivent faire l’objet d’une comptabilité séparée de manière à garantir que les recettes dégagées dans le cadre du service universel n’entrent pas dans le calcul du coût net du service obligatoire additionnel et ne déterminent pas l’octroi de l’indemnisation due au titre de la prestation de ce dernier service.

49

Enfin, il importe de souligner que l’exigence d’une séparation comptable non seulement participe à la transparence de la procédure de financement des obligations de service universel, conformément au considérant 19 de la directive « service universel », mais permet également de garantir que le financement du service universel est opéré par un moyen neutre du point de vue de la concurrence. Une telle exigence assure aussi, conformément au considérant 18 de la directive « service universel », que le financement du service universel et des services obligatoires additionnels respecte les règles de l’Union relatives aux aides d’État.

50

En effet, la fourniture d’un service obligatoire additionnel relève, tout comme le service universel, d’un service d’intérêt économique général au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

51

Or, les compensations accordées par les États membres pour la prestation d’un service d’intérêt économique général sont soumises au respect des règles fixées par le législateur de l’Union aux articles 107 et 108 TFUE.

52

Ainsi, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, un certain nombre de conditions doivent être réunies (arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 88).

53

Premièrement, l’entreprise bénéficiaire d’une telle compensation doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de manière objective et transparente, afin d’éviter qu’elle ne comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes. Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. Quatrièmement, ladite compensation doit être déterminée sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement dotée de moyens nécessaires afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, points 89, 90, 92 et 93, ainsi que du 10 juin 2010, Fallimento Traghetti del Mediterraneo,C‑140/09, EU:C:2010:335, points 37 à 40).

54

Il convient par ailleurs d’observer que le respect d’une obligation de tenir des comptes séparés permet d’éviter que ne soient doublement prises en compte les recettes que dégage l’entreprise au titre de ses obligations de service universel, d’une part, aux fins du calcul du coût net de l’obligation de service universel et, par conséquent, de la compensation octroyée à ce titre et, d’autre part, aux fins du calcul du coût net du service obligatoire additionnel et, par conséquent, de l’octroi de la compensation versée au titre de ce service obligatoire additionnel. Une telle pratique revient en effet à faire supporter par l’entreprise prestataire le coût du service obligatoire additionnel, et ce contrairement aux termes mêmes de l’article 32 de la directive « service universel ».

55

Il s’ensuit qu’un mécanisme de compensation des services obligatoires additionnels prenant en compte l’ensemble des recettes que l’entreprise désignée réalise dans le cadre d’autres services relevant de ses obligations de service universel est contraire à la directive « service universel ».

56

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première, sixième et septième questions que les dispositions de la directive « service universel », et, en particulier, l’article 32 de celle-ci, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit un mécanisme de compensation pour la fourniture de services obligatoires additionnels en vertu duquel une entreprise n’a pas droit à la compensation par l’État membre du coût net de la fourniture d’un service obligatoire additionnel, dès lors que les excédents réalisés par cette entreprise au titre d’autres services qui relèvent de ses obligations de service universel sont supérieurs au déficit lié à la fourniture de ce service obligatoire additionnel.

Sur la deuxième question

57

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive « service universel » doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle une entreprise désignée comme fournisseur de services obligatoires additionnels n’a droit à la compensation par l’État membre du coût net de la fourniture de ces services que si ce coût constitue une charge injustifiée pour cette entreprise.

58

Ainsi qu’il a été rappelé au point 46 du présent arrêt, une condition relative à une charge injustifiée pour le paiement d’une indemnisation par l’État membre est prévue par les dispositions de la directive « service universel » portant sur les obligations de service universel.

59

L’article 12, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive « service universel » prévoit en effet que, lorsque les autorités réglementaires nationales estiment que la fourniture du service universel, telle qu’elle est énoncée aux articles 3 à 10 de cette directive, peut représenter une charge injustifiée pour les entreprises désignées comme fournisseurs de service universel, elles calculent le coût net de cette fourniture.

60

Toutefois, les dispositions de la directive « service universel » relatives aux mécanismes de calcul du coût net des obligations de service universel ainsi qu’au financement de ces obligations et, en particulier, l’article 12, paragraphe 1, de cette directive ne s’appliquent pas à la fourniture des services obligatoires additionnels.

61

De plus, ainsi qu’il a été relevé au point 43 du présent arrêt, il découle de l’article 32 de la directive « service universel » que l’entreprise désignée comme fournisseur d’un service obligatoire additionnel ne doit pas supporter le coût lié à la fourniture de ce service.

62

Or, une réglementation nationale, en vertu de laquelle une entreprise désignée comme fournisseur des services obligatoires additionnels n’a droit à la compensation par l’État membre du coût net de la fourniture de ces services que si ce coût constitue une charge injustifiée pour cette entreprise, n’exclut pas que l’entreprise concernée doive supporter elle-même tout ou partie des coûts desdits services.

63

Par conséquent, subordonner le paiement d’une indemnisation par l’État membre à la condition que le coût net de la fourniture des services obligatoires additionnels constitue une charge injustifiée pour l’entreprise désignée est contraire à l’article 32 de la directive « service universel ».

64

En outre, ainsi que le fait valoir la Commission, s’il était autorisé de subordonner le versement d’une compensation pour la fourniture de services obligatoires additionnels au respect des mêmes exigences que celles énoncées au chapitre II de la directive « service universel », cela reviendrait à permettre aux États membres d’étendre unilatéralement le champ d’application des règles relatives à l’obligation de service universel aux services obligatoires additionnels, ce qui serait contraire à l’objectif de cette directive, fixé à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci et consistant à définir l’ensemble minimal des services d’une qualité spécifiée auxquels tous les utilisateurs finals de l’Union doivent avoir accès.

65

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que la directive « service universel » doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle une entreprise désignée comme fournisseur de services obligatoires additionnels n’a droit à la compensation par l’État membre du coût net de la fourniture de ces services que si ce coût constitue une charge injustifiée pour cette entreprise.

Sur la troisième question

66

Eu égard à la réponse apportée à la deuxième question, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question.

Sur la quatrième question

67

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive « service universel » doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le coût net supporté par une entreprise désignée pour remplir une obligation de service universel résulte de la différence entre l’ensemble des recettes et l’ensemble des coûts liés à la fourniture du service en question, y compris les recettes et les coûts que l’entreprise aurait également enregistrés si elle n’avait pas été opérateur de service universel.

68

À cet égard, il convient de rappeler que les autorités réglementaires nationales doivent déterminer et calculer le coût net de l’obligation de service universel conformément à l’article 12 de la directive « service universel » et à l’annexe IV, partie A, de cette directive.

69

Selon l’article 12, paragraphe 1, second alinéa, sous a) et b), de la directive « service universel », lorsque les autorités réglementaires nationales calculent le coût net de l’obligation de service universel, elles tiennent compte de l’avantage commercial éventuel que retire une entreprise désignée pour fournir un service universel, conformément aux indications données à l’annexe IV, partie A, de cette directive, ou elles utilisent le coût net encouru par la fourniture du service universel et déterminé par un mécanisme de désignation conformément à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive. Cette dernière disposition prévoit que les méthodes de désignation garantissent que la fourniture du service universel répond au critère de la rentabilité et peuvent être utilisées de manière à pouvoir déterminer le coût net de l’obligation de service universel, conformément à l’article 12 de ladite directive.

70

Quant à l’annexe IV, partie A, deuxième alinéa, de la directive « service universel », elle prévoit que le coût net de l’obligation de service universel correspond à la différence entre le coût net supporté par une entreprise désignée lorsqu’elle fournit un service universel et lorsqu’elle n’en fournit pas.

71

Il ressort de l’ensemble desdites dispositions que le coût net de la fourniture du service universel correspond à la différence entre le coût net supporté par une entreprise désignée lorsqu’elle fournit un service universel et lorsqu’elle n’en fournit pas. Par conséquent, le coût net de la fourniture d’un service universel ne saurait résulter de la différence entre l’ensemble des recettes et l’ensemble des coûts liés à ladite fourniture.

72

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question que la directive « service universel » doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le coût net supporté par une entreprise désignée pour remplir une obligation de service universel résulte de la différence entre l’ensemble des recettes et l’ensemble des coûts liés à la fourniture du service en question, y compris les recettes et les coûts que l’entreprise aurait également enregistrés si elle n’avait pas été opérateur de service universel.

Sur la cinquième question

73

Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, le fait que l’entreprise en charge d’un service obligatoire additionnel au sens de l’article 32 de la directive « service universel » fournit ce service non seulement sur le territoire du Danemark, mais également sur celui du Groenland, a une incidence sur l’interprétation des dispositions de cette directive.

74

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’article 52 TUE prévoit, à son premier alinéa, que les traités s’appliquent aux États membres et, à son second alinéa, que le champ d’application territorial de ces traités est précisé à l’article 355 TFUE.

75

L’article 355, point 2, TFUE dispose que les PTOM qui figurent dans la liste de l’annexe II du traité FUE font l’objet du régime spécial d’association défini dans la quatrième partie de ce traité, à savoir les articles 198 à 203 TFUE, dont les modalités et les procédures sont, conformément à l’article 203 TFUE, établies par des dispositions adoptées par le Conseil de l’Union européenne.

76

Or, il convient de constater que le Groenland figure dans cette liste et, de ce fait, selon l’article 204 TFUE, fait l’objet de ce régime spécial défini dans les dispositions des articles 198 à 203 TFUE, sous réserve des dispositions spécifiques pour le Groenland figurant dans le protocole (no 34) sur le régime particulier applicable au Groenland, annexé aux traités.

77

La Cour a déjà jugé à cet égard que l’existence du régime spécial d’association entre l’Union et les PTOM a pour conséquence que les dispositions générales du traité FUE, à savoir celles qui ne figurent pas dans la quatrième partie dudit traité, ne sont pas applicables aux PTOM sans référence expresse (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1999, van der Kooy,C‑181/97, EU:C:1999:32, points 36 et 37, ainsi que du 5 juin 2014, X et TBG, C‑24/12 et C‑27/12, EU:C:2014:1385, point 45 et jurisprudence citée).

78

En l’occurrence, il convient de rappeler que les première à quatrième questions posées par la juridiction de renvoi portent sur l’interprétation des dispositions de la directive « service universel » qui a pour base juridique l’article 114 TFUE.

79

Or, ni la quatrième partie du traité FUE ni la décision d’association outre-mer, adoptée en vertu de cette partie du traité, ne font référence à l’article 114 TFUE.

80

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les dispositions de la directive « service universel » ne sont pas applicables au Groenland.

81

Partant, TDC s’étant vu désignée par l’État danois pour assurer des services de sécurité et d’urgence maritime, le fait que cette entreprise est chargée d’assurer la fourniture desdits services à la fois au Danemark et au Groenland n’a pas d’incidence sur l’interprétation des dispositions de la directive « service universel ».

82

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la cinquième question que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, le fait que l’entreprise en charge d’un service obligatoire additionnel au sens de l’article 32 de la directive « service universel » fournit ce service non seulement sur le territoire du Danemark, mais également sur celui du Groenland, n’a pas d’incidence sur l’interprétation des dispositions de cette directive.

Sur la huitième question

83

Par sa huitième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 32 de la directive « service universel » doit être interprété en ce sens qu’il a un effet direct.

84

Il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État membre, soit lorsque celui-ci s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte (arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez,C‑282/10, EU:C:2012:33, point 33 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 octobre 2015, T-Mobile Czech Republic et Vodafone Czech Republic, C‑508/14, EU:C:2015:657, point 52 et jurisprudence citée).

85

À cet égard, l’article 32 de la directive « service universel » interdit aux États membres de faire supporter tout ou partie des coûts liés à la fourniture de services obligatoires additionnels par les entreprises du secteur parmi lesquelles figure l’entreprise désignée.

86

Les termes de cette disposition sont suffisamment précis et inconditionnels pour revêtir, quant à cette interdiction, un effet direct.

87

Dès lors, il y a lieu de répondre à la huitième question que l’article 32 de la directive « service universel » doit être interprété en ce sens qu’il a un effet direct, en tant qu’il interdit aux États membres de faire supporter par l’entreprise en charge de la fourniture d’un service obligatoire additionnel tout ou partie des coûts liés à cette fourniture.

Sur la neuvième question

88

Par sa neuvième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les principes de loyauté, d’équivalence et d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation, telle que celle en cause au principal, qui soumet la présentation, par l’opérateur en charge d’un service universel, des demandes de compensation du déficit de l’exercice précédent à un délai de trois mois à compter de l’expiration du délai imposé à cet opérateur pour communiquer un rapport annuel à l’autorité nationale compétente.

89

À cet égard, il y a lieu de relever qu’un tel délai constitue une modalité procédurale pour la présentation d’une demande destinée à assurer l’exercice d’un droit que l’intéressé tire du droit de l’Union, à savoir le droit à compensation de la fourniture d’un service universel.

90

En l’absence de règles fixées par le droit de l’Union concernant les modalités procédurales relatives à l’introduction et à l’examen d’une demande de compensation du déficit de l’exercice d’un service universel applicables au Danemark, il appartient à l’ordre juridique interne de cet État membre, conformément au principe de coopération loyale désormais consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, de régler ces modalités, pour autant, d’une part, que lesdites modalités ne sont pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et, d’autre part, qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêts du 27 juin 2013, Agrokonsulting,C‑93/12, EU:C:2013:432, point 36 ainsi que jurisprudence citée, et du 20 octobre 2016, Danqua,C‑429/15, EU:C:2016:789, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

91

C’est au regard de ces deux principes qu’il convient d’examiner la neuvième question posée par la juridiction de renvoi.

92

En ce qui concerne le principe d’équivalence, il convient de rappeler que le respect de ce principe exige l’application indifférenciée d’une règle nationale aux procédures fondées sur le droit de l’Union et à celles fondées sur le droit national (arrêt du 20 octobre 2016, Danqua,C‑429/15, EU:C:2016:789, point 30 et jurisprudence citée).

93

Afin de vérifier si le principe d’équivalence est respecté dans l’affaire au principal, il appartient à la juridiction nationale, qui a une connaissance directe des modalités procédurales destinées à assurer, en droit interne, la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, de vérifier que celles-ci sont conformes à ce principe (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Rosado Santana,C‑177/10, EU:C:2011:557, point 90 et jurisprudence citée).

94

Dans l’affaire au principal, selon le gouvernement danois, le délai prévu à l’article 30, paragraphe 2, de l’arrêté no 701 sur l’obligation de service universel constitue un délai général prévu pour tous les prestataires du service universel, qui s’applique indifféremment aux prétentions à compensation fondées sur le droit danois ou le droit de l’Union. En revanche, TDC fait valoir, en substance, que ledit délai n’a été introduit que pour la présentation des demandes de compensation du déficit des services obligatoires additionnels.

95

Eu égard à ces divergences, il incombera à la juridiction de renvoi de vérifier si le délai prévu à l’article 30, paragraphe 2, de l’arrêté no 701 sur l’obligation de service universel n’est pas moins favorable que celui prévu dans le droit national pour une demande analogue.

96

En ce qui concerne le principe d’effectivité, ainsi qu’il a été rappelé au point 90 du présent arrêt, une règle de procédure nationale, telle que celle en cause au principal, ne doit pas être de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union.

97

À cet égard, il importe de relever que la Cour a déjà jugé que chaque cas dans lequel se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et des particularités de celle-ci, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu, notamment, de prendre en considération, le cas échéant, la protection des droits de la défense, le principe de la sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2010, Bulicke,C‑246/09, EU:C:2010:418, point 35 et jurisprudence citée ; du 8 septembre 2011, Rosado Santana,C‑177/10, EU:C:2011:557, point 92, ainsi que du 20 octobre 2016, Danqua,C‑429/15, EU:C:2016:789, point 42 et jurisprudence citée).

98

Il est de jurisprudence constante que la fixation des délais de forclusion satisfait, en principe, à l’exigence d’effectivité dans la mesure où elle constitue une application du principe fondamental de la sécurité juridique qui protège à la fois l’intéressé et l’administration concernée. En effet, de tels délais ne sont pas, en principe, de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union. Il appartient cependant aux États membres de déterminer, pour les réglementations nationales qui entrent dans le champ d’application du droit de l’Union, des délais en rapport avec, notamment, l’importance pour les intéressés des décisions à prendre, la complexité des procédures et de la législation à appliquer, le nombre de personnes susceptibles d’être concernées et les autres intérêts publics ou privés qui doivent être pris en considération. Sous cette réserve, les États membres sont libres de prévoir des délais plus ou moins longs (voir, en ce sens, arrêts du 15 avril 2010, Barth,C‑542/08, EU:C:2010:193, point 28 et jurisprudence citée ; du 8 juillet 2010, Bulicke,C‑246/09, EU:C:2010:418, point 36 et jurisprudence citée, ainsi que du 20 octobre 2016, Danqua,C‑429/15, EU:C:2016:789, point 44 et jurisprudence citée).

99

À cet égard, une règle nationale, prévoyant un délai de trois mois à compter de l’expiration du délai imposé à cet opérateur pour communiquer un rapport annuel à l’autorité nationale compétente pour la présentation de la demande de compensation du déficit de l’exercice précédent, ne paraît pas, à première vue, être contraire au principe d’effectivité.

100

TDC estime, cependant, que la situation au principal est comparable à celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 juillet 1991, Emmott (C‑208/90, EU:C:1991:333), puisque le droit danois ainsi que son interprétation par les autorités danoises compétentes ne lui offraient aucune possibilité de bénéficier d’une compensation du déficit des services de sécurité et d’urgence maritime. Elle souligne que, à la date de l’adoption de l’arrêté no 701 sur l’obligation de service universel prévoyant un délai de trois mois pour la présentation d’une demande de compensation, ces autorités étaient conscientes de la transposition incorrecte en droit danois de la directive « service universel ».

101

Le gouvernement danois fait valoir, quant à lui, qu’il n’était ni impossible ni excessivement difficile pour TDC de présenter une demande de compensation et, dans ce cadre, de faire valoir que cette demande était directement fondée sur les dispositions de la directive « service universel ». Selon lui, cela est confirmé par le fait que TDC a présenté sa demande de compensation pour l’année 2010 dans le délai imparti et a fait valoir son droit à compensation devant les juridictions nationales. Ce gouvernement estime, par conséquent, que les circonstances de l’affaire au principal ne sont pas comparables à celles ayant donné lieu à l’arrêt du 25 juillet 1991, Emmott (C‑208/90, EU:C:1991:333).

102

À cet égard, il convient de relever que, certes, la Cour a dit pour droit que, jusqu’à la date de la transposition correcte d’une directive, l’État membre défaillant ne peut pas exciper de la tardiveté d’une action judiciaire introduite à son égard par un particulier en vue de la protection des droits que lui reconnaissent les dispositions de cette directive et qu’un délai de recours de droit national ne peut commencer à courir qu’à partir de cette date (voir arrêt du 25 juillet 1991, Emmott,C‑208/90, EU:C:1991:333, point 23).

103

Toutefois, selon une jurisprudence constante de la Cour postérieure à l’arrêt du 25 juillet 1991, Emmott (C‑208/90, EU:C:1991:333), la Cour a admis que l’État membre défaillant puisse opposer la forclusion à des actions juridictionnelles, alors même que, à la date d’introduction des demandes, il n’avait pas encore correctement transposé la directive en cause, en jugeant que la solution dégagée dans l’arrêt du 25 juillet 1991, Emmott (C‑208/90, EU:C:1991:333), était justifiée par les circonstances propres à l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, dans lesquelles la forclusion avait abouti à priver totalement la requérante au principal de la possibilité de faire valoir son droit en vertu d’une directive (voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 2011, Iaia e.a.,C‑452/09, EU:C:2011:323, point 19, ainsi que du 8 septembre 2011, Q-Beef et Bosschaert, C‑89/10 et C‑96/10, EU:C:2011:555, point 50 et jurisprudence citée).

104

La Cour a précisé, à cet égard, que le droit de l’Union ne s’oppose à ce qu’une autorité nationale excipe de l’écoulement d’un délai de prescription raisonnable que si le comportement des autorités nationales combiné avec l’existence d’un délai de forclusion aboutissent à priver totalement une personne de la possibilité de faire valoir ses droits devant les juridictions nationales (arrêt du 8 septembre 2011, Q-Beef et Bosschaert, C‑89/10 et C‑96/10, EU:C:2011:555, point 51 ainsi que jurisprudence citée).

105

En l’occurrence, il n’apparaît pas des éléments fournis à la Cour que le non-respect du délai de trois mois prévu à l’article 30, paragraphe 2, de l’arrêté no 701 sur l’obligation de service universel ait privé TDC de toute possibilité de faire valoir son droit à la compensation des coûts liés à la fourniture des services de sécurité et d’urgence maritime auprès des autorités danoises compétentes, y compris devant les juridictions nationales, ce qu’il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier.

106

À défaut de circonstances particulières portées à la connaissance de la Cour, cette disposition de l’arrêté no 701 sur l’obligation de service universel ne paraît pas être de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union.

107

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la neuvième question que les principes de loyauté, d’équivalence et d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation, telle que celle en cause au principal, qui soumet la présentation, par l’opérateur en charge d’un service universel, des demandes de compensation du déficit de l’exercice précédent à un délai de trois mois à compter de l’expiration du délai imposé à cet opérateur pour communiquer un rapport annuel à l’autorité nationale compétente, sous réserve que ce délai ne soit pas moins favorable que celui prévu dans le droit national pour une demande analogue et qu’il ne soit pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux entreprises par la directive « service universel », ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur les dépens

108

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

 

1)

Les dispositions de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »), et, en particulier, l’article 32 de celle-ci, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit un mécanisme de compensation pour la fourniture de services obligatoires additionnels en vertu duquel une entreprise n’a pas droit à la compensation par l’État membre du coût net de la fourniture d’un service obligatoire additionnel, dès lors que les excédents réalisés par cette entreprise au titre d’autres services qui relèvent de ses obligations de service universel sont supérieurs au déficit lié à la fourniture de ce service obligatoire additionnel.

 

2)

La directive 2002/22 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle une entreprise désignée comme fournisseur de services obligatoires additionnels n’a droit à la compensation par l’État membre du coût net de la fourniture de ces services que si ce coût constitue une charge injustifiée pour cette entreprise.

 

3)

La directive 2002/22 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le coût net supporté par une entreprise désignée pour remplir une obligation de service universel résulte de la différence entre l’ensemble des recettes et l’ensemble des coûts liés à la fourniture du service en question, y compris les recettes et les coûts que l’entreprise aurait également enregistrés si elle n’avait pas été opérateur de service universel.

 

4)

Dans des circonstances telles que celles en cause au principal, le fait que l’entreprise en charge d’un service obligatoire additionnel au sens de l’article 32 de la directive 2002/22 fournit ce service non seulement sur le territoire du Danemark, mais également sur celui du Groenland, n’a pas d’incidence sur l’interprétation des dispositions de cette directive.

 

5)

L’article 32 de la directive 2002/22 doit être interprété en ce sens qu’il a un effet direct, en tant qu’il interdit aux États membres de faire supporter par l’entreprise en charge de la fourniture d’un service obligatoire additionnel tout ou partie des coûts liés à cette fourniture.

 

6)

Les principes de loyauté, d’équivalence et d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation, telle que celle en cause au principal, qui soumet la présentation, par l’opérateur en charge d’un service universel, des demandes de compensation du déficit de l’exercice précédent à un délai de trois mois à compter de l’expiration du délai imposé à cet opérateur pour communiquer un rapport annuel à l’autorité nationale compétente, sous réserve que ce délai ne soit pas moins favorable que celui prévu dans le droit national pour une demande analogue et qu’il ne soit pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux entreprises par la directive 2002/22, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le danois.

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