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Document 62015CC0045

    Conclusions de l'avocat général M. P. Mengozzi, présentées le 8 septembre 2016.
    Safa Nicu Sepahan Co. contre Conseil de l'Union européenne.
    Pourvoi – Recours en indemnité – Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran – Liste des personnes et des entités auxquelles s’applique le gel de fonds et de ressources économiques – Préjudice matériel – Préjudice immatériel – Erreur d’appréciation du montant de l’indemnisation – Absence – Pourvoi incident – Conditions nécessaires pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne – Obligation d’établir le bien-fondé des mesures restrictives – Violation suffisamment caractérisée.
    Affaire C-45/15 P.

    Recueil – Recueil général

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2016:658

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. PAOLO MENGOZZI

    présentées le 8 septembre 2016 ( 1 )

    Affaire C‑45/15 P

    Safa Nicu Sepahan Co.

    contre

    Conseil de l’Union européenne

    «Pourvoi — Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire — Liste des personnes et des entités auxquelles s’applique le gel de fonds et de ressources économiques — Responsabilité non contractuelle — Violation suffisamment caractérisée — Préjudice matériel — Préjudice immatériel»

    1. 

    La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci‑après la « prolifération nucléaire »).

    2. 

    La requérante dans la présente affaire, Safa Nicu Sepahan Co., est une société anonyme iranienne qui a figuré pendant une période de presque trois ans sur les listes des entités concourant à la prolifération nucléaire adoptées par des règlements du Conseil de l’Union européenne. Devant le Tribunal de l’Union européenne, elle a contesté la légalité de cette inscription et a demandé à être indemnisée des dommages matériels et immatériels qui, selon elle, en ont découlé. Par son arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986 ; ci-après : l’«arrêt attaqué»), le Tribunal a annulé les actes portant inscription du nom de la requérante sur les listes en cause, a rejeté la demande d’indemnisation au titre des préjudices matériels et a condamné le Conseil à verser une indemnité de 50000 euros au titre du préjudice immatériel subi par la requérante ( 2 ).

    3. 

    La présente affaire a pour objet, d’une part, un pourvoi introduit par la requérante contre le rejet de sa demande d’indemnisation des dommages matériels ainsi que contre le montant de l’indemnisation accordée au titre des dommages immatériels et, d’autre part, un pourvoi incident du Conseil visant à contester l’existence, en l’espèce, des conditions pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne ainsi que contre sa condamnation à réparer le préjudice immatériel causé à la requérante.

    I – Les antécédents du litige et l’arrêt attaqué

    4.

    Les antécédents du litige, figurant aux points 1 à 13 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit pour le besoin de la présente affaire.

    5.

    Le nom d’une entité identifiée comme « Safa Nicu » a été inscrit sur la liste des entités concourant à la prolifération nucléaire qui figure à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC ( 3 ), par la décision 2011/299/PESC ( 4 ) et, par voie de conséquence, sur la liste figurant à l’annexe VIII du règlement (UE) no 961/2010 ( 5 ), par le règlement d’exécution (UE) no 503/2011 ( 6 ). Dans la motivation de la décision 2011/299 et du règlement d’exécution no 503/2011, ladite entité a été décrite comme une « [e]ntreprise de communications qui a fourni du matériel pour l’installation de Fordow (Qom), construite sans avoir été déclarée à l’[Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)] ».

    6.

    Par lettre du 7 juin 2011, la requérante a demandé au Conseil de modifier l’annexe VIII du règlement no 961/2010 soit en complétant et en corrigeant l’inscription de l’entité identifiée comme « Safa Nicu » sur les listes en cause, soit en la supprimant. N’ayant pas reçu de réponse, la requérante a adressé une nouvelle lettre au Conseil le 23 juin 2011.

    7.

    L’inscription a été maintenue par la décision 2011/783/PESC ( 7 ) et par le règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 ( 8 ). La mention « Safa Nicu » a néanmoins été remplacée par d’autres mentions et cinq adresses en Iran, aux Émirats arabes unis et en Afghanistan ont été ajoutées en tant qu’informations d’identification concernant l’entité visée.

    8.

    Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante du maintien de son nom sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement no 961/2010. Il a constaté que les observations présentées par la requérante le 7 juin 2011 ne justifiaient pas la levée des mesures restrictives et il a précisé que l’inscription de l’entité identifiée comme « Safa Nicu » visait bien la requérante. Par lettre du 11 décembre 2012, le Conseil a communiqué à la requérante le règlement (UE) no 267/2012 ( 9 ), abrogeant le règlement no 961/2010, et l’a informée de ce que son nom avait été maintenu sur la liste de l’annexe IX de ce règlement.

    9.

    Par décision 2014/222/PESC ( 10 ), le nom de la requérante a été retiré de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et, par le règlement d’exécution (UE) no 397/2014 ( 11 ), son nom a été retiré, par voie de conséquence, de la liste de l’annexe IX du règlement no 267/2012.

    10.

    Le 22 juillet 2011, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal visant, d’une part, à obtenir l’annulation partielle des règlements nos 503/2011 et 267/2012, en ce qu’ils visaient la requérante et ses sociétés affiliées, et, d’autre part, à faire condamner le Conseil à lui verser une indemnité de 7662737,40 euros assortie d’intérêts au taux de 5 % par an à partir du 1er janvier 2013, à titre de dommages et intérêts pour les préjudices tant matériels que moraux subis du fait de l’adoption des mesures restrictives la visant.

    11.

    Au soutien de sa demande d’annulation, la requérante invoquait trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une erreur d’appréciation ainsi que d’un « abus de pouvoir » et, le troisième, d’une violation de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective. Après avoir écarté le premier moyen ( 12 ) et déclaré irrecevable le grief du deuxième moyen, tiré d’un « abus de pouvoir », aux points 32 à 39 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et accueilli le grief du deuxième moyen tiré d’une erreur d’appréciation. Il a, par conséquent, annulé l’inscription du nom de la requérante dans les listes en cause, sans examiner le troisième moyen de recours (point 40 des motifs et point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué) ( 13 ).

    12.

    S’agissant de la demande de dommages et intérêts, le Tribunal a, tout d’abord, constaté que la condition de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union tenant à l’illégalité du comportement reproché au Conseil était remplie en l’espèce, ce dernier s’étant rendu responsable d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (points 49 à 69 des motifs de l’arrêt attaqué).

    13.

    Il a ensuite examiné les conditions liées à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité pour les différents préjudices invoqués.

    14.

    En ce qui concerne le préjudice immatériel, que la requérante avait évalué, en dernier lieu, à un montant de 2 millions d’euros, le Tribunal a reconnu que lesdites conditions étaient remplies en l’espèce et, évaluant ce préjudice ex aequo et bono, a conclu que l’allocation d’un montant de 50000 euros constituait une indemnisation adéquate (points 78 à 92 des motifs et point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué).

    15.

    Le Tribunal a, en revanche, rejeté la demande d’indemnisation des préjudices matériels invoqués par la requérante. Pour chaque chef de préjudice, il a conclu que cette dernière n’avait pas apporté suffisamment de preuves soit sur la réalité ou l’étendue du dommage prétendument subi, soit sur l’existence d’un lien de causalité entre ce dommage et le comportement reproché au Conseil (points 93 à 148 des motifs et point 4 du dispositif de l’arrêt attaqué).

    16.

    Pour ce qui concerne la demande relative à l’octroi d’intérêts, le Tribunal, d’une part, a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’accorder des intérêts pour la période précédant le jour du prononcé de l’arrêt attaqué et, d’autre part, a conclu que le Conseil devait s’acquitter d’intérêts moratoires, à compter du prononcé de l’arrêt attaqué jusqu’au complet paiement de l’indemnité accordée (points 150 à 152 de l’arrêt attaqué et point 3 du dispositif).

    II – Les conclusions des parties

    17.

    Dans son pourvoi, la requérante demande à la Cour d’annuler partiellement l’arrêt attaqué dans la mesure où il n’a pas reconnu et indemnisé le préjudice matériel qu’elle aurait subi ainsi que dans la mesure où il ne lui a accordé qu’une somme de 50000 euros au titre d’indemnisation du préjudice immatériel. Elle demande, en outre, à la Cour d’exercer son pouvoir de pleine juridiction et, à titre principal, de lui octroyer une somme de 5662737,40 euros, majorée d’intérêts, pour les dommages matériels ainsi qu’une somme de 2 millions d’euros, majorée d’intérêts, pour les dommages immatériels et de condamner le Conseil aux dépens, y inclus ceux afférents à la procédure devant le Tribunal. À titre subsidiaire, elle demande à la Cour de lui accorder un montant déterminé ex aequo et bono, plus intérêts, pour les dommages matériels, ainsi qu’un montant non inférieur à 50000 euros, plus intérêts, pour les dommages immatériels, et de condamner le Conseil aux dépens, y inclus ceux afférents à la procédure devant le Tribunal. À titre plus subsidiaire, la requérante demande à la Cour de renvoyer l’affaire au Tribunal afin que celui-ci réexamine le montant des dommages et prononce un nouvel arrêt en sa faveur.

    18.

    Dans son mémoire en réponse au pourvoi incident du Conseil, la requérante demande à la Cour de rejeter le pourvoi incident comme étant non fondé. Elle réitère, en outre, les conclusions présentées dans le cadre de son pourvoi principal.

    19.

    Dans son pourvoi incident, le Conseil demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il l’a condamné à payer à la requérante une indemnité de 50000 euros au titre du préjudice immatériel, de rejeter la demande de la requérante formulée en première instance visant à obtenir une indemnisation au titre de ce préjudice et de condamner la requérante aux dépens, y inclus ceux afférents à la procédure devant le Tribunal.

    20.

    Dans son mémoire en réponse au pourvoi principal, le Conseil demande à la Cour de rejeter le pourvoi comme étant non fondé, de procéder à une substitution des motifs de l’arrêt attaqué et de condamner la requérante aux dépens, y inclus ceux afférents à la procédure devant le Tribunal.

    21.

    Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, admis à intervenir pour la procédure orale, soutient les conclusions formulées par le Conseil dans le pourvoi incident et en réponse au pourvoi principal.

    III – L’analyse

    A – Les remarques préliminaires

    22.

    Quelques remarques préliminaires concernant certaines des demandes avancées par les parties dans le cadre de leurs conclusions s’imposent.

    23.

    La première remarque concerne la demande de substitution des motifs formulée par le Conseil dans son mémoire en réponse au pourvoi principal. Le Conseil demande à la Cour de substituer les motifs de l’arrêt attaqué ayant conduit au rejet de la demande d’indemnisation du préjudice matériel avancée en première instance par la requérante. Tout en approuvant ce rejet, le Conseil ne souscrit pas à la constatation du Tribunal selon laquelle la première condition de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, tenant à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit, était remplie en l’espèce. Or, il convient de relever que cette constatation constitue la prémisse sur laquelle repose tant la reconnaissance, aux points 78 à 92 de l’arrêt attaqué, du droit de la requérante à être indemnisée pour le préjudice immatériel subi que la condamnation du Conseil, prononcée au point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, à verser à la requérante une indemnité de 50000 euros à ce titre. Il s’ensuit que la Cour ne pourrait faire droit à la demande de substitution des motifs formulée par le Conseil sans invalider en même temps ces parties de l’arrêt attaqué. Ainsi, malgré son libellé, cette demande ne peut être comprise que comme une conclusion visant à l’annulation partielle de la décision du Tribunal, en tant que telle irrecevable, car formulée dans le cadre du mémoire en réponse au pourvoi principal ( 14 ). Les argumentations développées par le Conseil au soutien de ladite demande étant répliquées à l’identique dans son pourvoi incident, la Cour aura tout de même l’occasion de les examiner en statuant sur celui-ci.

    24.

    La seconde remarque est de la même teneur que la première, mais concerne, cette foi, les conclusions du mémoire de la requérante en réponse au pourvoi incident du Conseil. Outre le rejet dudit pourvoi, cette dernière demande à la Cour d’annuler partiellement l’arrêt attaqué et de lui accorder une indemnisation adéquate pour le préjudice tant matériel qu’immatériel subi, reproduisant les mêmes conclusions formulées dans son pourvoi. Ces demandes doivent également être déclarées irrecevables en tant que formulées dans le mémoire en réponse au pourvoi incident ( 15 ).

    25.

    Ces précisions étant faites, je procède, d’abord, à examiner le pourvoi incident par lequel, comme anticipé ci-dessus, le Conseil conteste, notamment, l’existence en l’espèce d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. En effet, si ce grief devait se révéler fondé, la responsabilité non contractuelle de l’Union ne serait pas engagée et l’ensemble des demandes formulées par la requérante dans son pourvoi principal devraient être rejetées. J’examinerai, ensuite, le pourvoi principal.

    B – Sur le pourvoi incident

    26.

    Dans son pourvoi incident, le Conseil soulève deux griefs à l’encontre de l’arrêt attaqué. Par le premier, il conteste au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit « en ce qui concerne certaines des conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’[Union] », par le second, il lui reproche d’avoir jugé que l’annulation des actes attaqués ne représentait pas une réparation adéquate du préjudice immatériel prétendument subi par la requérante.

    1. Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit concernant les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union

    27.

    Le Conseil, soutenu par le Royaume-Uni, fait valoir que le Tribunal a à tort considéré établie, en l’espèce, une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, requise afin de pouvoir considérer remplie la première des trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, à savoir celle tenant à l’illégalité du comportement reproché aux institutions ( 16 ). Le grief se divise en deux branches.

    a) Sur la première branche, tirée d’une évaluation incorrecte de l’étendue du pouvoir d’appréciation du Conseil

    28.

    Le Conseil reproche, en premier lieu, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en concluant, aux points 59 à 61 de l’arrêt attaqué, qu’il ne disposait d’aucune marge d’appréciation quant à son obligation de fonder sur des motifs étayés par des informations et des éléments de preuve l’inscription de la requérante sur les listes des personnes et des entités désignées dans les actes contestés. En effet, cette conclusion serait fondée sur des développements jurisprudentiels ‐ notamment les arrêts du 21 mars 2012, Fulmen/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), ainsi que du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518) ‐ postérieurs à l’adoption, par le Conseil, des actes inscrivant et maintenant la requérante sur lesdites listes, et non prévisibles à l’époque où ces actes ont été adoptés, respectivement le 23 mai 2011 et les 1er décembre 2011 et 23 mars 2012. Pour preuve, le Conseil renvoie aux conclusions de l’avocat général Bot dans les affaires jointes Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:176) ainsi que dans l’affaire Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:470), dans lesquelles celui-ci a suivi une orientation opposée à celle qui a été finalement retenue par la Cour.

    29.

    Je rappelle, tout d’abord, que, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, l’Union doit réparer les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. Selon une jurisprudence constante, un droit à réparation est reconnu en droit de l’Union dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué ( 17 ). Pour qu’il soit satisfait à la première de ces conditions, la jurisprudence exige que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers et que la violation soit suffisamment caractérisée ( 18 ). La Cour a précisé que le critère décisif pour considérer qu’une violation du droit de l’Union est suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution de l’Union, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation ( 19 ). Lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée ( 20 ). Il ressort, en outre, de la jurisprudence que l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse aux institutions dépend, entre autres, du dégrée de clarté et de précision de cette règle et que, en tout état de cause, une violation du droit de l’Union est manifestement caractérisée lorsqu’elle a perduré malgré le prononcé d’un arrêt constatant le manquement reproché, d’un arrêt préjudiciel ou d’une jurisprudence établie de la Cour en la matière, desquels résulte le caractère infractionnel du comportement en cause ( 21 ).

    30.

    S’agissant, ensuite, des motifs de l’arrêt attaqué ayant conduit le Tribunal à conclure, au point 69 dudit arrêt, que le Conseil s’était, en l’espèce, rendu responsable d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, je note d’emblée que ces motifs ne sont pas dépourvus d’une certaine ambiguïté.

    31.

    En effet, au point 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal renvoie à l’analyse conduite aux points 26 à 40 du même arrêt, à l’issu de laquelle il a conclu que le Conseil n’avait pas établi le bien-fondé de l’allégation constituant le motif unique retenu à l’encontre de la requérante pour l’adoption des mesures restrictives à son égard ( 22 ), violant de la sorte les dispositions des règlements nos 961/2010 et 267/2012 qui « énoncent, de façon limitative, les conditions dans lesquelles de telles [mesures] sont permises » et qui « ont essentiellement pour objet, a contrario, de protéger les intérêts individuels des particuliers concernés» ( 23 ). Il ressort de ces passages de l’arrêt attaqué que l’illégalité reprochée au Conseil consiste en la violation du droit de la requérante de ne pas se voir imposer les mesures en question si les conditions de fond auxquelles est soumise leur adoption ne sont pas réunies ( 24 ).

    32.

    Cependant, lorsqu’il examine la question de savoir si le Conseil disposait en l’espèce d’une marge d’appréciation aux sens de la jurisprudence rappelée au point 29 ci-dessus, le Tribunal affirme que « l’illégalité viciant les actes attaqués tient au fait que le Conseil ne dispose pas d’informations ou d’éléments de preuve établissant, à suffisance de droit, le bien-fondé des mesures restrictives visant la requérante et qu’il est donc, par voie de conséquence, dans l’impossibilité de les produire devant le Tribunal» ( 25 ). Renvoyant à l’arrêt du 21 mars 2012, Fulmen/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), il précise que l’obligation du Conseil d’établir le bien-fondé des mesures restrictives adoptées est dictée par le respect des droits fondamentaux des personnes et des entités concernées et, notamment, de leur droit à une protection juridictionnelle effective. Suit, aux points 64 à 67 de l’arrêt attaqué, le rappel de quatre arrêts du Tribunal – l’arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil (T‑390/08, EU:T:2009:401), l’arrêt du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil (T‑228/02, EU:T:2006:384), l’arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil (T‑256/07, EU:T:2008:461), et l’arrêt du 4 décembre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil (T‑284/08, EU:T:2008:550) – portant sur l’étendue du contrôle juridictionnel de la légalité des actes arrêtant des mesures restrictives. Le Tribunal conclut, au point 68 de l’arrêt attaqué, qu’« une administration normalement prudente et diligente aurait, dans les circonstances de l’espèce, été en mesure de comprendre, au moment de l’adoption du premier acte attaqué, qu’il lui incombait de recueillir les informations ou éléments de preuve justifiant les mesures restrictives visant la requérante afin de pouvoir établir, en cas de contestation, le bien-fondé desdites mesures par la production desdites informations ou desdits éléments de preuve devant le juge de l’Union ». La règle par rapport à laquelle le Tribunal examine la marge d’appréciation du Conseil afin d’établir l’existence d’une violation caractérisée semble, dans ces passages de l’arrêt attaqué, être plutôt le droit de la requérante à une protection juridictionnelle effective.

    33.

    Cette ambiguïté est probablement due à la circonstance que la question des limites du pouvoir du Conseil face aux respect des droits fondamentaux dans le domaine des mesures restrictives s’est posée essentiellement par rapport au droit à une protection juridictionnelle effective. C’est, en effet, avant tout en fonction de l’exigence d’assurer un contrôle juridictionnel des actes imposant de telles mesures que l’obligation du Conseil d’étayer par des éléments de preuve les motifs justifiant leur adoption, à l’instar de celle concernant la motivation de ces actes, s’est, au fil des arrêts rendus par les juridictions de l’Union, progressivement définie ( 26 ). C’est donc sur cette toile de fond qu’il convient de lire les motifs de l’arrêt attaqué qui font l’objet de contestation dans le cadre de cette première branche du premier moyen du pourvoi incident ainsi que d’analyser les argumentations avancées par le Conseil à son soutien.

    34.

    Tout d’abord, je relève que, sous la qualification d’« erreur d’appréciation », le comportement finalement reproché au Conseil dans la partie de l’arrêt attaqué consacrée à l’examen de la demande en annulation a été son incapacité de produire devant le juge de l’Union tout élément de preuve permettant d’apprécier la légalité des mesures restrictives à l’encontre de la requérante. Au point 37 de l’arrêt attaqué, il est exposé que, en réponse à une demande du Tribunal, le Conseil avait indiqué que le seul élément à sa disposition concernant l’adoption et le maintien des mesures restrictives visant la requérante était une proposition d’inscription émanant d’un État membre et que les informations contenues dans cette proposition avaient été reproduites dans la motivation des actes contestés. Cette carence du Conseil a entraîné l’impossibilité de tout contrôle juridictionnel du bien-fondé du motif retenu pour justifier l’adoption des mesures restrictives à l’encontre de la requérante, rendant les actes ayant procédé à l’inscription contestée, notamment pour cette raison, illégales ( 27 ).

    35.

    Il n’est, dès lors, pas question, dans l’arrêt attaqué, d’une quelconque vérification du respect par le Conseil des limites de son pouvoir d’appréciation dans l’évaluation des éléments d’information et de preuve ayant mené à l’inscription de la requérante sur les listes en cause ou dans l’appréciation de situations complexes relevant du domaine politique, qui pourrait conduire à se questionner sur les limites du contrôle juridictionnel. Le renvoi fait par le Conseil aux conclusions de l’avocat général Bot dans les affaires jointes Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:176) ainsi que dans l’affaire Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:470), où celui-ci plaide en faveur de la reconnaissance d’une large marge d’appréciation au Conseil dans le domaine des mesures restrictives et d’un contrôle « adapté de la part du juge de l’Union» ( 28 ), est donc dépourvu de toute pertinence dans la présente procédure.

    36.

    C’est le caractère effectif du contrôle juridictionnel – sinon, encore plus en amont, le principe même d’un tel contrôle – plutôt que ses limites, qui est en cause dans la présente affaire. En effet, une institution qui revendique le pouvoir de fonder l’adoption et le maintien de mesures restrictives à l’encontre d’un particulier ou d’une personne morale sur une simple information reçue par un État membre, non accompagnée d’un quelconque élément de preuve permettant d’étayer, voire simplement d’appuyer, la vraisemblance des allégations qui y sont contenues, et cela même après que la personne intéressée ait fait valoir, par des arguments sérieux, son extranéité aux agissements qui lui ont été imputés, outre à méconnaître les dispositions qui fixent les conditions pour l’adoption et le maintien de telles mesures, nie fondamentalement toute possibilité de contrôle de son action de la part du juge de l’Union.

    37.

    Or, le principe selon lequel un contrôle juridictionnel effectif doit être assuré sur les actes par lesquels le Conseil adopte des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales a été affirmé par la Cour bien avant les arrêts du 21 mars 2012, Fulmen/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142), ainsi que du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518).

    38.

    Dans l’arrêt du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, EU:C:2007:32), s’agissant de mesures restrictives à l’encontre de personnes et d’entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la Cour a précisé que l’Union « est une communauté de droit dans laquelle ses institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes avec le traité » et dans laquelle « les particuliers doivent pouvoir bénéficier d’une protection juridictionnelle effective ». Dans ce même arrêt, la Cour a également précisé que, dans le domaine des mesures restrictives, l’effectivité d’une telle protection est d’autant plus importante que ces mesures « entraînent des conséquences graves », puisque non seulement toute opération financière et tout service financier s’en trouvent empêchés dans le chef d’une personne, d’un groupe ou d’une entité visés, mais la réputation et l’action politique de ceux-ci sont également lésées ( 29 ). La Cour a également précisé que le contrôle doit porter sur les éléments probants qui ont fondé l’inscription sur les listes en cause et sur l’identification précise du nom des personnes et des entités visées ( 30 ).

    39.

    Ces principes ont été confirmés, toujours dans le domaine des mesures restrictives adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international, dans l’arrêt du 29 juin 2010, E et F (C‑550/09, EU:C:2010:382). Certes, ainsi que l’a souligné le Conseil lors de l’audience, cet arrêt porte sur l’obligation de cette institution de motiver les actes adoptant des mesures restrictives alors que, dans la présente affaire, il n’est pas question, à tout le moins au stade de la procédure de pourvoi, ni d’une absence ni d’un défaut de motivation entachant l’inscription de la requérante sur les listes en cause ( 31 ). Cependant, la Cour y a affirmé, en des termes clairs et non équivoques, tant l’exigence que de telles mesures soient soumises « à un contrôle juridictionnel adéquat de [leur] légalité au fond » que l’étendu de ce contrôle, qui doit viser, notamment « à la vérification des faits ainsi que des éléments de preuve et d’information invoqués à [leur] soutien» ( 32 ). Or, un tel contrôle peut être mis en échec, outre que par l’absence de motivation de l’acte qui y est soumis, par l’absence d’éléments permettant de vérifier, fût-ce même dans les limites d’un examen restreint, le bien-fondé d’une telle motivation.

    40.

    Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le Conseil, à l’époque où le nom de la requérante a été pour la première fois inscrit dans les listes en cause, le 23 mai 2011, il n’existait aucune incertitude dans la jurisprudence de la Cour quant à l’obligation du Conseil de se conformer, lors de l’adoption de décisions prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, aux exigences découlant du respect du droit à une protection juridictionnelle effective des personnes visées, et, dès lors, quant à son obligation de se fonder sur une base factuelle et probatoire permettant au juge de l’Union d’effectuer un contrôle, fût-il restreint, de la légalité desdites décisions.

    41.

    Au demeurant, il convient de relever que l’existence d’une jurisprudence établissant le caractère infractionnel du comportement reproché à l’institution en cause n’est pas une condition indispensable à la qualification d’une violation comme manifestement caractérisée. En effet, il ressort de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus qu’une telle qualification, qui tient compte de l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse aux institutions, dépend, notamment, du dégré de clarté et de précision de cette règle. Or, compte tenu de l’importance que revêt la protection des droits fondamentaux dans la communauté de droit que constitue l’Union, il ne peut, à mon sens, être douté du fait que les institutions de celle-ci ne jouissent pas de marge d’appréciation quant à l’obligation qui leur incombe de fonder l’adoption et le maintien de mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales sur un minimum de base probatoire, permettant au juge de l’Union d’exercer un contrôle, fût-il marginal, sur le bien-fondé – ou même simplement sur le caractère vraisemblable ( 33 ) –, des allégations qui ont justifié l’adoption de telles mesures.

    42.

    En l’espèce, comme il a été exposé au point 34 ci-dessus, ainsi que le Conseil l’a admis en réponse à une demande du Tribunal et il l’a confirmé lors de l’audience dans la présente procédure, l’allégation ayant motivé l’inscription et le maintien pendant presque trois ans de la requérante sur les listes en cause n’a été à aucun moment étayée par un quelconque élément de preuve, rendant ainsi impossible tout contrôle juridictionnelle de la part du juge de l’Union.

    43.

    Dans ces circonstances, c’est sans commettre d’erreurs de droit que le Tribunal a considéré, au point 69 de l’arrêt attaqué, que le comportement reproché au Conseil constituait une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union au sens de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus.

    44.

    Pour les raisons exposées, la première branche du grief du Conseil tiré d’une erreur de droit concernant les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union doit, à mon sens, être rejetée.

    b) Sur la seconde branche, tirée d’une évaluation incorrecte du niveau de complexité de la situation ainsi que des difficultés d’application et d’interprétation des règles violées

    45.

    En second lieu, le Conseil soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 62 de l’arrêt attaqué, que la règle imposant au Conseil d’établir le bien-fondé des mesures restrictives adoptées à l’encontre de la requérante ne relevait pas d’une situation particulièrement complexe et ne suscitait pas de difficultés d’application ou d’interprétation. Le Conseil souligne que les difficultés liées à la communication d’informations confidentielles sous-tendant une décision d’inscription sur une liste en vue de leur appréciation par le Tribunal avaient été mises en exergue par l’avocat général Sharpston dans ses conclusions dans l’affaire France/People’s Mojahedin Organization of Iran (C‑27/09 P, EU:C:2011:482) et que, afin de pallier de telles difficultés, un nouvel article 105 a été inséré dans le règlement de procédure du Tribunal en 2014, à savoir plusieurs années après que la requérante a été inscrite pour la première fois sur les listes en cause.

    46.

    Je rappelle que, selon une jurisprudence constante, le régime dégagé par la Cour au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE prend notamment en compte la complexité des situations à régler et les difficultés d’application ou d’interprétation des textes, ainsi que le degré de clarté et de précision de la règle violée ( 34 ).

    47.

    En l’espèce, il suffit de relever que, à aucun moment pendant la procédure en première instance, le Conseil n’a invoqué la confidentialité de documents ou d’informations en sa possession afin de s’opposer à leur communication au Tribunal. En revanche, ainsi qu’il a été plusieurs fois rappelé ci-dessus, le Conseil a indiqué au Tribunal que les seules informations à sa disposition concernant l’adoption et le maintien des mesures restrictives visant la requérante avaient été reproduites dans la motivation de l’acte d’inscription. Ainsi, comme l’agent du Conseil l’a confirmé lors de l’audience en réponse à une demande ponctuelle adressée par la Cour, il n’a jamais été question, dans la présente affaire, de la transmission d’informations confidentielles au juge de l’Union.

    48.

    Dans ces circonstances, le Conseil n’est pas fondé à s’appuyer sur les prétendues difficultés procédurales liées à une telle transmission à l’époque où les mesures en cause ont été adoptées, afin de contester la constatation contenue au point 62 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la règle imposant au Conseil d’établir le bien-fondé de telles mesures « ne relève pas d’une situation particulièrement complexe », « est claire et précise » et « ne suscite pas de difficultés d’application ou d’interprétation ».

    49.

    Pour les raisons exposées, la deuxième branche du grief du Conseil tiré d’une erreur de droit concernant les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union doit, également, être rejetée.

    2. Sur le second grief, tiré d’une erreur de droit concernant la condamnation du Conseil à indemniser la requérante pour le préjudice immatériel subi

    50.

    Par le deuxième grief de son pourvoi incident, dirigé contre les points 87 à 92 de l’arrêt attaqué, le Conseil, soutenu par le Royaume-Uni, reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en le condamnant à verser à la requérante une somme de 50000 euros au titre du préjudice immatériel prétendument subi par cette dernière. Ainsi faisant, le Tribunal se serait écarté de la jurisprudence selon laquelle l’annulation d’une décision d’inscription sur une liste est de nature à réhabiliter la personne concernée et à constituer une forme de réparation du préjudice immatériel qu’elle a subi. Selon le Conseil, des considérations analogues à celles avancées par le Tribunal pour justifier sa décision, à savoir, notamment, la gravité de l’allégation selon laquelle une entité est associée à la prolifération nucléaire iranienne, s’appliquent, mutatis mutandis, également à d’autres affaires, notamment l’affaire Sison/Conseil (arrêt du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207), dans laquelle le Tribunal aurait, en revanche, rejeté la demande d’indemnisation au titre du préjudice immatériel avancée par le requérant. Le Conseil fait également remarquer que, en l’espèce, il a décidé de retirer le nom de la requérante des listes en cause au mois d’avril 2014, à savoir avant que l’arrêt attaqué ne soit rendu.

    51.

    Avant d’examiner les arguments du Conseil, il convient de rappeler brièvement le raisonnement suivi par le Tribunal dans les motifs de l’arrêt attaqué contestés dans le cadre du grief sous analyse.

    52.

    Aux points 80 et 85 de l’arrêt attaqué, le Tribunal relève, tout d’abord, que lorsqu’une entité est visée par des mesures restrictives en raison de l’appui qu’elle a prétendument apporté à la prolifération nucléaire, elle est associée publiquement à un comportement qui est considéré comme une menace grave pour la paix et pour la sécurité internationales, avec la conséquence de susciter l’opprobre et la méfiance à son égard, affectant ainsi sa réputation, et de lui causer, partant, un préjudice immatériel – distinct du préjudice matériel dû à l’affectation de ses relations commerciales – dont elle a le droit à être indemnisée. Ensuite, après avoir relevé que l’annulation des actes contestés est de nature à constituer une forme de réparation dudit préjudice, puisqu’elle implique la constatation que l’association de la requérante avec la prolifération nucléaire est injustifiée et, partant, illégale, le Tribunal constate que, dans les circonstances de l’espèce, cette annulation est susceptible uniquement de modérer le montant de l’indemnisation à accorder, mais pas de constituer une réparation intégrale du préjudice subi ( 35 ). Le Tribunal expose quatre motifs au soutien de cette constatation. Premièrement, les effets à l’origine du préjudice immatériel de la requérante, notamment l’affectation du comportement des entités tierces, situées pour la plupart en dehors de l’Union, à l’égard de celle-ci, « ne sont pas susceptibles d’être contrebalancés intégralement par le constat a posteriori de l’illégalité des actes attaqués, étant donné que l’adoption des mesures restrictives à l’égard d’une entité tend à attirer plus d’attention et à susciter plus de réactions, notamment en dehors de l’Union, que leur annulation subséquente » (point 88 de l’arrêt attaqué). Deuxièmement, l’allégation retenue par le Conseil à l’encontre de la requérante serait particulièrement grave (point 89 de l’arrêt attaqué). Troisièmement, cette allégation « n’a pas été étayée par le moindre élément d’information ou de preuve pertinent » (point 90 de l’arrêt attaqué). Quatrièmement, alors que l’inscription du nom de la requérante, aurait pu être retirée par le Conseil à tout moment, elle a été maintenue pendant presque trois ans, nonobstant les protestations de la requérante (point 91 de l’arrêt attaqué).

    53.

    Les arguments du Conseil se fondent sur une série de prémisses à mon sens erronées.

    54.

    En premier lieu, contrairement à ce que cette institution laisse entendre, la Cour n’a pas transposé dans le domaine des mesures restrictives le principe, qu’elle a dégagé dans le cadre du contentieux de la fonction publique, selon lequel l’annulation d’un acte de l’administration, et donc la reconnaissance de son illégalité, constitue en elle-même une réparation adéquate et, en principe, suffisante du préjudice immatériel que cet acte a causé au fonctionnaire qui l’attaque ( 36 ). Certes, ainsi que le rappelle le Tribunal au point 86 de l’arrêt attaqué, au point 72 de l’arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331), la Cour a affirmé que la reconnaissance de l’illégalité de l’acte attaqué était de nature à réhabiliter le requérant ou à constituer une forme de réparation du préjudice immatériel qu’il avait subi du fait de cette illégalité. Toutefois, d’une part, c’est en se prononçant sur la persistance de l’intérêt à agir du requérant après la suppression de son nom de la liste litigieuse que la Cour a procédé à cette affirmation, qui doit, dès lors, être regardée comme un obiter dictum dans le contexte dudit arrêt. D’autre part, la Cour s’est bornée à affirmer que l’annulation de l’acte « était de nature [...] à constituer une forme de réparation du préjudice moral» ( 37 ), sans reprendre la formule bien plus étroite employée au point 26 de l’arrêt du 7 février 1990, Culin/Commission (C‑343/87, EU:C:1990:49) – auquel elle a pourtant renvoyé –, au vu de laquelle l’annulation de l’acte attaqué « constitue en elle-même une réparation adéquate de tout préjudice moral que [le requérant] peut avoir subi» ( 38 ).

    55.

    En deuxième lieu, quand bien même la Cour avait procédé à transposer le principe rappelé au point 54 ci-dessus, il ressort de la jurisprudence que l’application de celui-ci n’est pas, contrairement à ce que semble sous-entendre le Conseil, automatique. Ainsi, d’une part, afin d’apprécier si l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut avoir pour effet d’effacer rétroactivement le dommage immatériel subi par le requérant, il convient de prendre en considération l’ensemble des circonstances du cas d’espèce ( 39 ), parmi lesquelles la gravité et la durée de l’infraction ( 40 ), de même que les circonstances aggravantes caractérisant la situation spécifique de l’intéressé ( 41 ). D’autre part, la partie requérante peut démontrer avoir subi un préjudice immatériel détachable de l’illégalité fondant l’annulation de l’acte et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation ( 42 ). À ce propos, la jurisprudence a précisé que les accusations graves formulées publiquement à l’encontre de l’intéressé, dans un acte lui faisant grief ou dans le cadre d’une procédure aboutissant à tel acte, sont susceptibles d’engendrer, pour lui, un préjudice immatériel distinct de cet acte lorsqu’elles portent atteinte à son honneur, à sa dignité, à son estime de soi ou à sa réputation ( 43 ). Or, ainsi que la Cour l’a relevé dans l’arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331), les personnes visées par des mesures restrictives sont publiquement désignées comme étant associées à des comportements qui soulèvent l’opprobre et la méfiance ( 44 ). De ce fait, elles subissent un préjudice immatériel détachable de celui qui découle de l’acte en soi et qui, selon les circonstances, peut s’avérer insusceptible d’être intégralement réparé par l’annulation de cet acte ( 45 ).

    56.

    En troisième lieu, contrairement à ce que fait entendre le Conseil, la demande visant à la réparation du préjudice immatériel prétendument subi par le requérant dans l’affaire Sison/Conseil (arrêt du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207) a été rejetée sur d’autres bases que le constat selon lequel l’annulation des mesures restrictives en cause était de nature à intégralement effacer ce préjudice. En effet, le point 241 de cet arrêt, auquel renvoie le Conseil, porte sur le seul préjudice découlant du non-respect des droits de la défense du requérant, préjudice que le Tribunal a estimé pouvoir être adéquatement réparé par l’annulation de l’acte attaqué, étant donné la nature de garantie procédurale de la règle violée. C’est en revanche au point 247 de ce même arrêt que le Tribunal se prononce sur la demande visant à la réparation du préjudice immatériel découlant, notamment, de la stigmatisation du requérant en tant que « terroriste », en la rejetant faute de preuve d’un lien de causalité directe entre ce préjudice et les actes communautaires mis en cause.

    57.

    Il découle des considérations qui précèdent que c’est sans commettre les erreurs que lui reproche le Conseil que le Tribunal a procédé, dans l’arrêt attaqué, a une appréciation des circonstances du cas d’espèce afin de vérifier si et dans quelle mesure le préjudice immatériel invoqué par le requérant pouvait s’estimer intégralement effacé par l’annulation des actes en cause.

    3. Conclusion sur le pourvoi incident

    58.

    Sur la base de l’ensemble des considérations exposées, je suis d’avis que le pourvoi incident du Conseil soit dépourvu de fondement et qu’il doive, dès lors, être rejeté.

    C – Sur le pourvoi principal

    59.

    La requérante soulève deux moyens à l’appui de son pourvoi. Par son premier moyen, dirigé contre les points 93 à 149 de l’arrêt attaqué, elle reproche au Tribunal d’avoir commis différentes erreurs de droit en rejetant sa demande d’indemnisation des dommages matériels qu’elle aurait subis du fait de son inscription dans les listes en cause. Le second moyen est, en revanche, dirigé contre la partie de l’arrêt attaqué dans laquelle le Tribunal s’est prononcé sur la demande de réparation du préjudice immatériel avancée par la requérante.

    1. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, de l’article 41, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et des principes de proportionnalité et d’évaluation équitable, d’un déni de justice, d’une dénaturation des faits et d’un raisonnement défectueux et contradictoire en ce qui concerne la demande de réparation des dommages matériels prétendument subis par la requérante

    60.

    Le moyen est divisé en plusieurs branches.

    a) Sur la première branche, tirée d’une violation du principe d’indemnisation intégrale énoncé à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE et à l’article 41, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux

    61.

    Par la première branche de son premier moyen du pourvoi, la requérante reproche au Tribunal la violation de son droit à être intégralement indemnisée des dommages causés par le comportement illégal du Conseil, conformément aux principes énoncés à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE et à l’article 41, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux. Elle fait valoir que parmi les principes généraux communs aux droits des États membres, auxquels renvoient ces dispositions, figurent les principes de « proportionnalité » et d’« évaluation équitable », selon lesquels, lorsque l’existence des dommages a été prouvée, mais que l’établissement de leur ampleur ou de leur montant précis est difficile ou laborieux, le Tribunal a pour obligation de fixer le montant des dommages et intérêts « d’une manière juste et équitable ou, à titre subsidiaire, ex aequo et bono », au lieu de rejeter « l’évidence » dans sa totalité. La requérante soutient également que c’est par des motifs illogiques et contradictoires que le Tribunal a rejeté l’intégralité de ses demandes d’indemnisation au titre de dommages matériels, après qu’il ait reconnu, dans différents passages de l’arrêt attaqué ( 46 ), que le comportement du Conseil avait effectivement et « par définition » causé de tels dommages à la requérante.

    62.

    Je remarque, à titre liminaire, que les arguments exposés ci-dessus sont systématiquement et intégralement reproduits par la requérante dans les autres branches de son premier moyen, lesquelles portent sur les motifs de l’arrêt attaqué visant les différents chefs de préjudice allégués par elle en première instance, de sorte que l’on puisse légitimement s’interroger sur l’autonomie de la branche sous analyse dans le contexte dudit moyen.

    63.

    Cela étant dit, je rappelle que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE pour comportement illicite de ses organes, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions cumulatives, parmi lesquelles figurent la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché aux institutions et le préjudice invoqué ( 47 ). Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, il appartient à la partie requérante d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue du préjudice qu’elle invoque ( 48 ). Il est également de jurisprudence constante qu’il appartient au premier chef à la partie qui met en cause la responsabilité de l’Union d’établir le lien de causalité entre ce préjudice et le comportement incriminé des institutions ( 49 ).

    64.

    Contrairement à ce que semble sous-entendre le requérant, ces principes s’appliquent également lorsque la responsabilité non contractuelle de l’Union est mise en cause dans le contexte de l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, à savoir de mesures conçues pour affecter négativement la situation juridique ou financières des entités et des particuliers visés afin de susciter un changement de comportement de leur part. Il ne saurait dès lors être reproché au Tribunal d’avoir procédé, sur la base des éléments de preuve apportés par la requérante, à une appréciation tant de la réalité des différents préjudices invoqués par la requérante que de l’étendu de ceux-ci et d’avoir vérifié pour chaque chef de préjudice allégué l’existence d’un lien de causalité directe avec le comportement illégal imputé au Conseil. Dès lors, la circonstance que, à la suite d’un tel examen, le Tribunal ait rejeté l’ensemble des prétentions avancées par la requérante ne permet pas, en elle-même et indépendamment de la constatation d’erreurs entachant ledit examen, de conclure à une violation de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE ni du principe consacré à l’article 41, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux.

    65.

    Quant au grief tiré du caractère prétendument illogique et contradictoire des motifs, je relève, tout comme le Conseil, qu’il repose sur une lecture sélective de l’arrêt attaqué. En effet, premièrement, l’affirmation contenue au point 88 dudit arrêt, selon laquelle il ressort des éléments du dossier que l’allégation de l’implication de la requérante dans la prolifération nucléaire a affecté le comportement d’entités tierces situées en dehors de l’Union, est contenue dans les motifs consacrés à l’examen de la demande d’indemnisation au titre du préjudice immatériel – le Tribunal précisant que ces effets sont à l’origine même de ce préjudice – et ne peut donc pas être regardé comme un élément de l’appréciation portant sur la réalité des préjudices matériels allégués par la requérante. Deuxièmement, au point 109 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, certes, ainsi que le souligne la requérante, relevé que « la rupture de relations commerciales de la part des entités situées dans l’Union est une conséquence inévitable de l’adoption des mesures restrictives » et que, en l’espèce, la cessation de la relation commerciale entre Siemens AG et la requérante était la « conséquence directe » de l’adoption des mesures en cause. Cependant, au terme de l’analyse qui suit, le Tribunal a conclu que la requérante n’avait pas prouvé à suffisance de droit la réalité du préjudice matériel invoqué comme conséquence de cette cessation. Troisièmement, l’affirmation contenue au point 145 de l’arrêt attaqué, selon laquelle « les extraits de la comptabilité de la requérante et le tableau récapitulatif en question font effectivement état d’une baisse significative de son chiffre d’affaires », est accompagnée, ce que la requérante omet de mentionner, par le constat que lesdits documents « n’établissent pas les causes de cette évolution ». Il en va de même en ce qui concerne l’affirmation, contenue au point 147 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les mesures restrictives concernées « tendent, par définition, à limiter le libre exercice de l’activité économique de la requérante », qui est suivie, dans la suite du même point par le constat que la requérante n’a pas produit d’éléments permettant d’apprécier l’étendu du préjudice subi.

    66.

    S’agissant, enfin, du grief tiré de la prétendue obligation du Tribunal d’accorder une réparation ex aequo et bono lorsque l’existence des dommages a été prouvée, mais l’évaluation de leur étendue requière d’opérations complexes, il convient de l’examiner dans le contexte de l’appréciation concrète des différents chefs de préjudice invoqués par la requérante, appréciation qui fait l’objet de critiques ponctuelles dans les autres branches du moyen sous analyse. À ce stade, il suffit de relever qu’une telle obligation ne peut, en tout état de cause, pas exempter le juge de l’Union de son devoir de vérifier, dans chaque cas concret, si les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union tenant, notamment, à la réalité du préjudice invoqué et au lien de causalité sont remplies.

    67.

    Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, j’estime que la première branche du premier moyen du pourvoi principal, pour les parties qui ne se confondent pas avec les autres branches du même moyen, doit être rejetée comme étant non fondée.

    b) Sur la deuxième branche, tirée de diverses erreurs de droit entachant le rejet de la demande d’indemnisation des dommages prétendument subis par la requérante en raison de la résiliation du contrat relatif à la réhabilitation de la centrale électrique de Derbendikhan (Iraq) et de la clôture des comptes bancaires

    i) Sur la demande d’indemnisation des dommages liés à la résiliation du contrat relatif à la réhabilitation de la centrale électrique de Derbendikhan

    68.

    Par la deuxième branche de son premier moyen du pourvoi, la requérante fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal a, de manière arbitraire et en violation des principes de proportionnalité et d’« évaluation équitable », refusé de lui accorder toute indemnisation pour le préjudice qu’elle a subi du fait de l’annulation du contrat relatif à la réhabilitation de la centrale électrique de Derbendikhan (Iraq).

    69.

    Elle relève que le Tribunal a reconnu, d’une part, au point 102 de l’arrêt attaqué, que ce contrat, signé entre la requérante et les autorités du Kurdistan irakien, avait été résilié par ces dernières du fait qu’elle n’avait pas pu obtenir un paiement de la part de la Banque mondiale, bloqué par une banque intermédiaire européenne et, d’autre part, au point 104 de l’arrêt attaqué, que ledit blocage était intervenu peu de temps après l’adoption des mesures restrictives visant la requérante. Cependant, il n’aurait pas tiré de ces constats la conclusion qui s’imposait, à savoir que la seule raison plausible expliquant le blocage du paiement était l’inscription de la requérante sur les listes en cause.

    70.

    S’agissant de l’affirmation contenue au point 104 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la réalité et le montant du préjudice invoqué n’avaient pas été démontrés, la requérante fait valoir qu’elle a produit devant le Tribunal les éléments permettant d’apprécier la valeur du contrat, les dépens encourus pour sa préparation ainsi que la marge bénéficiaire escomptée, justifiant ainsi, dans le détail, le montant demandé à titre d’indemnisation du préjudice subi. Le Tribunal aurait illégitimement écarté ou dénaturé ces éléments de preuve.

    71.

    Il convient de relever que, après avoir constaté, au point 103 de l’arrêt attaqué, que les éléments de preuve à sa disposition ne démontraient pas, de manière explicite, que le blocage du paiement de la part de la banque intermédiaire européenne résultait de l’adoption des mesures restrictives à l’encontre de la requérante, le Tribunal a poursuivi en affirmant que, même à supposer qu’un lien de causalité entre ledit blocage et lesdites mesures avait été établi, la requérante n’avait en tout état de cause pas démontré la réalité et le montant du préjudice qu’elle invoquait. Par ses argumentations, la requérante conteste cette affirmation en remettant en cause l’appréciation faite par le Tribunal des éléments de preuve produits devant lui.

    72.

    Je rappelle, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, le pourvoi étant limité aux questions de droit, le Tribunal est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, ainsi que pour apprécier les éléments de preuve retenus. La constatation de ces faits et l’appréciation de ces éléments ne constituent donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour ( 50 ). Il ressort, en outre, de la jurisprudence qu’une dénaturation des éléments de preuve existe lorsque, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation faite par le Tribunal des éléments existants apparaît manifestement erronée. Tel est notamment le cas lorsque les déductions que le Tribunal a tirées de certains documents ne sont pas conformes au sens et à la portée desdits documents lus dans leur intégralité ( 51 ).

    73.

    En l’espèce, si la requérante allègue une dénaturation des preuves produites en première instance, elle n’explique cependant pas en quoi consisterait précisément une telle dénaturation, mais se borne à renvoyer génériquement à des passages de ses mémoires devant le Tribunal ainsi qu’à des annexes à ces mémoires. À toutes fins utiles, je relève que les points 71 à 77 du mémoire en réplique devant le Tribunal, auxquels la requérante renvoie, ne contiennent qu’un résumé des circonstances de la résiliation du contrat en cause. Ce n’est qu’au point 76 de ce mémoire que la requérante fait état du préjudice subi, alléguant une perte de 10 % de la valeur dudit contrat à titre de dépenses exposées pour la préparation de celui-ci et de 20 % de cette valeur à titre de marge bénéficiaire escomptée. Elle renvoie, dans ce contexte, à l’annexe A-5 à la requête en première instance et aux annexes A-25-a et A-25-b au mémoire en réplique devant le Tribunal. Or, ces annexes consistent, le premier, en un tableau récapitulatif des projets de la requérante qui auraient été affectés et des marchés publics qu’elle aurait perdus à cause des sanctions adoptées à son égard et, les deux derniers, en une copie du contrat en cause et des conditions spéciales y annexées. Ces documents, s’ils donnent des informations sur la valeur du contrat en cause, ne sont en revanche pas aptes à prouver ni la réalité des dépenses que la requérante aurait engendrées en relation avec ce contrat ni l’étendu de la marge bénéficiaire qu’elle pouvait raisonnablement s’attendre de l’exécution dudit contrat. S’agissant des réponses aux septième et huitième questions posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 14 janvier 2014, auxquelles la requérante a réagi par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 janvier 2014, je relève que la première ne concerne que le prétendu lien de causalité entre le blocage du paiement en cause et les mesures restrictives à l’encontre de la requérante et que la seconde ne contient que de simples allégations concernant les frais qu’elle aurait exposés et le manque à gagner résultant de la résiliation du contrat en cause. Ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 106 de l’arrêt attaqué, ces allégations ne sont accompagnées ni des relevés des coûts engagés ni d’indications précises sur le taux de rentabilité général de la requérante ou du secteur industriel où elle opère ( 52 ).

    74.

    En l’absence d’évidence d’une dénaturation de la part du Tribunal des éléments de preuve qui lui ont été soumis, les griefs soulevés par la requérante à l’encontre de la conclusion selon laquelle elle n’aurait pas prouvé la réalité et l’étendu du prétendu préjudice découlant de la résiliation du contrat portant sur la réhabilitation de la centrale électrique de Derbendikhan doivent être déclarés irrecevables.

    75.

    Étant donné que les conditions relatives, notamment, à la réalité du préjudice invoqué et au lien de causalité entre ce préjudice et le comportement reproché aux institutions sont cumulatives et que, à défaut de l’une de ces conditions, la responsabilité non contractuelle de l’Union ne saurait être engagée, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur le grief tiré du caractère erroné de la conclusion selon laquelle ledit lien faisait défaut s’agissant du chef de préjudice en cause

    76.

    En outre, dans la mesure où, d’une part, le Tribunal, sans commettre les fautes que lui reproche la requérante, a conclu à l’absence de preuve de la réalité et du montant du préjudice invoqué et, d’autre part, la requérante n’a pas argué d’une impossibilité ou même d’une difficulté de quantification de ce préjudice, les griefs tirés de la violation des principes de proportionnalité et d’« évaluation équitable » ne sauraient, en tout état de cause, prospérer.

    ii) Sur la demande d’indemnisation des dommages liés à la clôture des comptes bancaires de la requérante

    77.

    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le Tribunal a refusé, de manière arbitraire et sur la base de motifs illogiques et contradictoires ainsi qu’en dénaturant les éléments de preuve, toute indemnisation pour le préjudice qu’elle aurait subi en raison de la clôture de ses comptes bancaires par la Emirate National Bank of Dubai.

    78.

    Il convient de relever que, aux points 95 et 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, sur la base de la lettre adressée par la Emirate National Bank of Dubai à la requérante, l’informant de la clôture de ses comptes bancaires, que cette clôture était une conséquence de l’adoption, peu de temps auparavant, des mesures restrictives visant la requérante. Cependant, dans la suite des motifs de cet arrêt, le Tribunal a relevé, s’agissant de la réalité et de l’étendu du préjudice invoqué, premièrement, que la Emirate National Bank of Dubai n’avait pas gelé les fonds sur les comptes de la requérante, mais qu’elle les avait retournés à cette dernière (point 97 de l’arrêt attaqué), deuxièmement, que la requérante n’avait invoqué aucun élément tendant à établir qu’elle n’était pas en mesure d’obtenir les services financiers fournis antérieurement par la Emirate National Bank of Dubai de la part d’une autre banque (point 98 de cet arrêt), troisièmement, qu’elle n’avait pas présenté d’éléments concrets tendant à démontrer que la clôture de ses comptes ou l’interruption de ses paiements auraient affecté ses relations avec ses partenaires commerciaux ou avec d’autres personnes ou entités (point 99 dudit arrêt) et, quatrièmement, qu’elle n’avait pas présenté d’éléments justifiant le montant du préjudice prétendument subi (point 100 du même arrêt).

    79.

    S’agissant, tout d’abord, du constat effectué au point 99 de l’arrêt attaqué, selon lequel l’impact que l’interruption des services financiers en cause avait eu sur les relations commerciales de la requérante n’avait pas été démontré, cette dernière se borne à affirmer qu’il n’est pas motivé et à alléguer une dénaturation des faits. Cependant, hormis des affirmations génériques, selon lesquelles « cette interruption a conduit à paralyser ses affaires et ses activités économiques », la requérante ne fait état d’aucun élément concret susceptible d’étayer un tel impact, que le Tribunal aurait omis de considérer ou qu’il aurait dénaturé ou dont la mise à l’écart n’aurait pas été motivée.

    80.

    Ensuite, contrairement à ce que prétend la requérante, l’affirmation, faite par le Tribunal au point 96 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le refus de la part de la Emirate National Bank of Dubai de continuer à fournir des services financiers à la requérante était vraisemblablement dû à l’adoption des mesures restrictives en cause et à la crainte de cette banque de se voir imposer à son tour de telles mesures restrictives n’équivaut pas à admettre que le même refus aurait certainement été opposé à la requérante par toute autre banque vers laquelle elle aurait pu rediriger ses paiements. C’est donc sans se contredire que le Tribunal a constaté, au point 98 de ce même arrêt, que la requérante était restée en défaut de prouver qu’elle n’était pas en mesure d’obtenir les mêmes services financiers par une autre banque. Il ne résulte, par ailleurs, pas des écritures de la requérante qu’elle ait fait état, devant le Tribunal, d’une quelconque démarche visant à solliciter d’autres établissements bancaires les services financiers auparavant fournis par la Emirate National Bank of Dubai et d’avoir échoué un refus. Dans ces circonstances, il n’y a pas d’évidence que le constat du Tribunal procède d’une dénaturation des faits ou des éléments de preuve.

    81.

    Enfin, s’agissant du constat contenu au point 100 de l’arrêt attaqué, selon lequel la requérante n’a pas justifié le montant du préjudice prétendument subi, la requérante se borne, encore une fois, à exciper d’une dénaturation des faits sans cependant l’étayer que par des affirmations générales, selon lesquelles la clôture des comptes en cause a eu pour effet « inévitable et incontestable », et « conformément au cours normale des choses », de lui causer un « préjudice financier considérable» ( 53 ).

    c) Sur la troisième et la quatrième branches, tirées de diverses erreurs de droit entachant le rejet de la demande d’indemnisation des dommages prétendument subis par la requérante en raison de la rupture des contrats et des relations avec ses partenaires commerciaux

    82.

    Par ses troisième et quatrième branches du premier moyen du pourvoi, la requérante fait valoir que le Tribunal a violé l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, l’article 41, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux ainsi que les principes de proportionnalité et d’évaluation équitable en refusant de lui accorder une indemnisation quelconque pour le préjudice de 2 millions d’euros qu’elle aurait subi en raison de la rupture des contrats et des relations commerciales avec ses partenaires les plus importants, à savoir Siemens et Mobarakeh Steel Co. (ci‑après « Mobarakeh »). Le raisonnement du Tribunal serait également illogique et contradictoire et procéderait d’une dénaturation des faits et d’un déni de l’évidence.

    83.

    Il convient de rappeler que, au point 109 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a reconnu l’existence d’un lien de causalité directe entre la cessation de la relation commerciale entre Siemens et la requérante et l’adoption des mesures restrictives visant cette dernière. Au point 110 dudit arrêt, se prononçant sur l’existence d’un préjudice, le Tribunal, tout en reconnaissant que la rupture des relations avec des fournisseurs importants perturbe les activités d’une société, a affirmé qu’un refus de fournir des produits n’est pas, en tant que tel, un préjudice, ce dernier naissant seulement si le refus se répercute dans les résultats économiques de cette société.

    84.

    Il a ensuite examiné les différents éléments apportés par la requérante afin de démontrer qu’elle avait subi un préjudice en raison de la cessation par ses fournisseurs européens de toute relation commerciale avec elle. Ces éléments ont trait à l’annulation du contrat avec Mobarakeh (points 112 à 117 de l’arrêt attaqué), aux répercussions de cette cessation sur l’exécution des contrats pour la modernisation de l’équipement électrique de la digue de l’Euphrate en Syrie (points 118 à 125 de cet arrêt) et pour la construction des sous-stations électriques à Kunduz (Afghanistan) et à Baghlan (Afghanistan) (points 126 à 132 dudit arrêt), ainsi qu’à d’autres projets étrangers qui auraient été affectés (points 133 à 148 du même arrêt).

    i) Sur l’annulation du contrat avec Mobarakeh

    85.

    La requérante a soutenu, devant le Tribunal, que, en raison du refus d’expédition de certains équipements par Siemens, elle n’avait pas été en mesure de remplir ses obligations contractuelles envers Mobarakeh, qui a annulé le contrat en question et exclu la requérante de ses appels d’offres futurs. Au point 116 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que l’adoption des mesures restrictives visant la requérante n’avait pas été la cause déterminante et directe de l’annulation du contrat en cause.

    86.

    Selon la requérante, cette conclusion procéderait d’une dénaturation de la lettre que lui a adressée Mobarakeh le 3 septembre 2011 afin de lui notifier la résiliation du contrat. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de cette lettre que l’adoption des mesures restrictives à son égard a été la raison « cruciale et décisive » de la décision de résilier le contrat, l’accent étant plutôt mis par Mobarakeh sur le retard de la requérante dans l’exécution de ses obligations par rapport au délai contractuel de quinze mois, expirant le 15 novembre 2010, à savoir, ainsi que le souligne le Tribunal au point 114 de l’arrêt attaqué, plus de six mois avant l’inscription de la requérante sur les listes en cause. Le Tribunal n’a donc pas dénaturé le sens de cette lettre ( 54 ).

    ii) Sur les pertes prétendument subies par la requérante dans le cadre des contrats pour la modernisation de l’équipement électrique de la digue de l’Euphrate en Syrie

    87.

    La requérante a soutenu, devant le Tribunal, que, en raison de la cessation par ses fournisseurs européens, de toutes relations commerciales avec elle, elle n’a pas été en mesure de fournir le gros de l’équipement, des accessoires et des matériaux nécessaires pour la modernisation de l’équipement électrique de la digue de l’Euphrate en Syrie, ce qui lui aurait causé un préjudice d’au moins 30 % de la valeur de la partie du contrat en question qui a dû être sous-traitée, à savoir 1425000 euros, au titre des travaux de préparation entrepris et de la marge bénéficiaire (voir point 118 de l’arrêt attaqué). Le Tribunal a rejeté la demande d’indemnisation de la requérante à ce titre après avoir constaté l’absence d’éléments de preuve établissant, d’une part, l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché au Conseil et le préjudice invoqué (points 119 à 121 de cet arrêt) et, d’autre part, le préjudice invoqué (points 122 à 124 dudit arrêt).

    88.

    S’agissant, en premier lieu, du lien de causalité, au point 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a reconnu, sur la base des pièces présentées par la requérante, que le début et le calendrier des travaux commissionnés à la requérante avaient été reportés et que celle-ci avait été autorisée à utiliser des « cocontractants secondaires ». Au point 120 dudit arrêt, le Tribunal a cependant constaté que les éléments produits par la requérante n’établissaient pas que la cause du retard intervenu dans la réalisation du projet et du recours à des « cocontractants secondaires » était l’adoption des mesures restrictives la visant.

    89.

    La requérante conteste un tel constat.

    90.

    Il convient de rappeler que, en matière de responsabilité non contractuelle de l’Union, la question de l’existence d’un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage constitue une question de droit qui est, par conséquent, soumise au contrôle de la Cour ( 55 ). Ce contrôle ne peut cependant pas remettre en cause les constats et les appréciations des faits opérés par le Tribunal ( 56 ).

    91.

    En l’espèce, la plupart des arguments de la requérante tendent à remettre en cause l’appréciation des éléments de preuve opéré par le Tribunal, sans invoquer une dénaturation de tels éléments. Ces arguments doivent dès lors être déclarés irrecevables.

    92.

    Est, en revanche, recevable, en ce qu’il vise à reprocher au Tribunal de ne pas avoir procédé à une correcte qualification juridique des faits, le grief tiré d’une erreur que celui-ci aurait commise en ne reconnaissant pas l’existence d’un lien de causalité sur la base du caractère « plausible », au vu des circonstances de l’espèce, des allégations de la requérante. À cet égard, je relève que, selon la jurisprudence, un lien de causalité au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE est admis lorsqu’il existe un lien certain et direct de cause à effet entre la faute commise par l’institution concernée et le préjudice invoqué, lien dont il appartient au requérant d’apporter la preuve ( 57 ). Il ne saurait, dès lors, être reproché au Tribunal de s’être borné à constater l’absence d’évidence d’un tel lien de causalité sans vérifier le caractère « plausible » des allégations de la requérante. Par ailleurs, cette dernière ne saurait invoquer le caractère plausible de son interprétation des faits pertinents pour pallier un défaut de sa part de produire des éléments permettant d’établir à suffisance de droit l’existence d’un tel lien de causalité.

    93.

    En ce qui concerne, en second lieu, le constat du Tribunal selon lequel la requérante n’a pas apporté d’éléments établissant le préjudice allégué, il convient de relever que les arguments de la requérante se bornent à remettre en cause l’appréciation des preuves opérée par le Tribunal, sans alléguer une dénaturation de celles-ci, et doivent dès lors être déclarés irrecevables.

    iii) Sur les dommages prétendument subis par la requérante dans le cadre du contrat portant sur la construction des sous-stations électriques de Kunduz et de Baghlan

    94.

    La requérante a soutenu, devant le Tribunal, que, en raison de la cessation des relations commerciales par ses fournisseurs européens, elle n’a pas été en mesure de fournir une partie des machines et de l’équipement nécessaires pour la construction des sous-stations électriques à Kunduz et à Baghlan et d’avoir subi un préjudice d’au moins 10 % de la valeur de la partie du projet qui a dû être sous-traitée, à savoir 729210,80 euros.

    95.

    Aux points 129 à 132 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, premièrement, qu’il ne disposait pas d’éléments tendant à démontrer que les termes du contrat relatif à la construction des sous-stations électriques à Kunduz et à Baghlan avaient dû être modifiés à la suite de l’adoption des mesures restrictives visant la requérante, notamment en ayant recours à des sous-traitants, deuxièmement, que la requérante n’avait pas apporté la preuve que, à la suite de l’annulation d’une commande de Siemens, il lui était impossible d’exécuter ledit contrat sans recourir à des sous-traitants et, troisièmement, qu’elle n’avait pas non plus précisé le type de préjudice subi ni présenté d’éléments établissant le montant de la partie prétendument sous-traitée dudit contrat.

    96.

    La presque totalité des arguments soulevés par la requérante à l’encontre des constatations reprises ci-dessus visent à remettre en cause l’appréciation des faits et des éléments de preuve opérée par le Tribunal ou se soldent en des simples assertions, souvent fondées sur une lecture sélective de l’arrêt attaqué.

    97.

    Le seul grief à mon sens recevable porte sur une dénaturation des faits et des preuves que le Tribunal aurait commis en affirmant que la requérante n’avait pas prouvé que, à la suite de l’annulation de la commande de Siemens, il lui aurait été impossible d’exécuter le contrat en cause sans avoir recours à des sous-traitants. La requérante fait valoir, à cet égard, que le Tribunal aurait dû savoir qu’elle n’est pas un fabricant et qu’elle dépend, dès lors, de ses fournisseurs et de sous-traitants. Ce grief me semble cependant reposer sur une lecture erronée du point 130 de l’arrêt attaqué. En effet, à mon sens, le Tribunal n’entendait pas affirmer que la requérante aurait pu elle-même fabriquer les équipements et les machines objet du contrat, mais qu’elle aurait pu, le cas échéant, acquérir ce matériel auprès de fournisseurs autres que Siemens, par exemple auprès de fournisseurs non européens, au lieu d’en sous-traiter l’approvisionnement. La dénaturation alléguée par la requérante, seul grief soulevé par elle à l’encontre de ce point de l’arrêt attaqué, n’est donc pas établie.

    iv) Sur les autres éléments appréciés par le Tribunal dans le cadre de l’examen de la demande d’indemnisation pour les dommages prétendument subis par la requérante en raison de la rupture des contrats et des relations avec ses partenaires commerciaux

    98.

    La requérante fait valoir, tout d’abord, que, aux points 133 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté l’absence de preuve de faits qu’il aurait lui‑même considérés comme établis dans d’autres passages de l’arrêt attaqué.

    99.

    Je relève, à cet égard, que, aux points susmentionnés de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné une série de documents produits par la requérante, en concluant, pour chacun d’eux, qu’ils n’apportaient pas d’éléments suffisants à étayer l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché au Conseil et le préjudice invoqué par la requérante en raison de la rupture des relations commerciales avec ses fournisseurs européens ou la réalité d’un tel préjudice. Aux points 88 et 109 de l’arrêt attaqué, auxquels renvoie la requérante, le Tribunal a affirmé que « l’implication de la requérante dans la prolifération nucléaire a affecté le comportement des entités tierces, situées pour la plupart en dehors de l’Union, à l’égard de celle-ci » (point 88 de cet arrêt) et que « la rupture des relations commerciales de la part des entités situées dans l’Union est une conséquence inévitable de l’adoption des mesures restrictives » (point 109 dudit arrêt). Or, ces passages ne constituent pas, contrairement à ce que semble prétendre la requérante, la reconnaissance ni de la réalité du préjudice invoqué par la requérante en raison de cette rupture ni de l’existence d’un lien de causalité entre ce préjudice et les mesures restrictives. Au contraire, au point 110 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a très clairement affirmé qu’« un refus de fournir des produits n’est pas, en tant que tel, un préjudice ».

    100.

    La requérante fait, ensuite, valoir qu’il est « normal », dans des « circonstances ordinaires », que la rupture des relations commerciales par les fournisseurs d’une entreprise engendre des dommages et, plus en général, que les mesures restrictives sont adoptées avec le but d’infliger un dommage économique et financier maximum à l’entité visée, ce que le Tribunal tenterait de nier, notamment, en lui imposant une charge de la preuve impossible à satisfaire.

    101.

    À cet égard, il est certes vrai, ainsi que le Tribunal lui-même le reconnaît au point 147 de l’arrêt attaqué, que les mesures restrictives visent à limiter le libre exercice de l’activité économique des entités concernées, et cela dans le but d’obtenir de leur part une modification de leur comportement dans un sens conforme aux objectifs poursuivis. Cependant, cette évidence ne permet pas de présumer que ces mesures ont concrètement causé à la personne visée un préjudice réel et certain et ne saurait dès lors la dispenser, dans le cadre d’une action visant à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union, de prouver, outre l’illégalité du comportement reproché au Conseil, la réalité et l’étendu du préjudice invoqué ainsi que le lien de causalité entre ce préjudice et ledit comportement. En effet, ainsi que la Cour a déjà eu l’occasion de le souligner, l’existence d’un préjudice réel et certain ne saurait être envisagée de manière abstraite par le juge de l’Union, mais elle doit être appréciée en fonction des circonstances de fait précises qui caractérisent chaque espèce soumise à ce dernier ( 58 ). En outre, conformément à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, l’Union est tenue d’indemniser uniquement les dommages qui sont la conséquence du comportement de ses institutions ou de ses agents, ce qui suppose l’établissement d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre ce comportement et le dommage invoqué ( 59 ). En l’espèce, il ne ressort par ailleurs pas que le Tribunal ait imposé à la requérante une charge de la preuve anormale ou impossible à satisfaire.

    102.

    Pour le reste, les arguments de la requérante visent à remettre en cause l’appréciation des éléments de preuve opérée par le Tribunal et doivent, dès lors, être écartés comme étant irrecevables.

    v) Sur le grief tiré de l’omission du Tribunal de procéder à une estimation équitable des dommages subis par la requérante

    103.

    À titre subsidiaire, la requérante conteste au Tribunal de ne pas avoir procédé à une évaluation ex aequo et bono des dommages à lui accorder en raison de la rupture des relations avec ses partenaires commerciaux, se fondant notamment sur la forte baisse du chiffre d’affaires et sur le licenciement massif de ses salariés, au lieu de rejeter intégralement toute prétention indemnitaire de la requérante.

    104.

    À cet égard, il suffit d’observer que, pour qu’une obligation du Tribunal de procéder à une telle évaluation puisse, le cas échéant, être établie, il aurait fallu que la requérante apporte à tout le moins la preuve de la réalité des préjudices invoqués ainsi que de l’existence d’un lien de causalité, ce que le Tribunal, sans être valablement contesté par la requérante, a en revanche exclu.

    105.

    Dans la mesure où la requérante renvoie aux extraits de sa comptabilité, je relève que, au point 145 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation des preuves, que, si de tels extraits faisaient effectivement état d’une baisse significative de son chiffre d’affaires, ils n’établissaient pas les causes de cette évolution, de telle sorte qu’« il était impossible de déterminer si et, le cas échéant, dans quelle mesure ladite baisse était due à l’adoption et au maintien des mesures restrictives visant la requérante plutôt qu’à d’autres facteurs tels que l’évolution générale du climat économique ».

    d) Conclusion en ce qui concerne le premier moyen

    106.

    Sur la base des considérations qui précèdent, le premier moyen du pourvoi principal dirigé contre le rejet de la demande d’indemnisation du préjudice matériel prétendument subi par la requérante doit, à mon sens, être rejeté.

    107.

    Dans la mesure où il ressort de ce qui précède que les conditions tenant à la réalité et à l’étendu du préjudice et/ou au lien de causalité entre celui-ci et le comportement reproché au Conseil ne sont pas réunies pour l’ensemble des chefs de préjudice invoqués par la requérante dans le cadre de sa demande d’indemnisation au titre des dommages matériels, la demande de la requérante visant à ce que la Cour, dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, fixe en équité le montant desdits dommages ne saurait, en tout état de cause, pas être accueillie.

    2. Sur le deuxième moyen du pourvoi, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et du principe de proportionnalité en ce qui concerne la demande d’indemnisation du préjudice immatériel subi par la requérante

    108.

    Selon la requérante, le montant de 50000 euros alloué par le Tribunal à titre de préjudice immatériel, qu’elle juge insignifiant, a été fixé de manière arbitraire et immotivée ainsi qu’en violation du principe de proportionnalité.

    109.

    S’agissant du grief tiré d’un défaut de motivation, je rappelle que, selon une jurisprudence constante, la motivation d’un arrêt doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel ( 60 ). En l’espèce, le Tribunal a indiqué de manière suffisamment claire, aux points 86 à 91 de l’arrêt attaqué, dont le contenu est résumé au point 52 ci-dessus, les considérations ainsi que les éléments sur lesquels il s’est fondé pour fixer le montant de l’indemnisation à accorder à la requérante.

    110.

    S’agissant du grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité, la requérante ne parvient, à mon sens, pas à démontrer par ses argumentations que l’appréciation du Tribunal est entachée d’un tel vice.

    111.

    D’une part, dans la mesure où elle affirme que le Tribunal n’aurait pas tenu compte de manière adéquate ni de l’ampleur de son préjudice ni de la gravité des violations commises par le Conseil, elle demande en réalité à la Cour une nouvelle appréciation du montant établi par le Tribunal. Or, selon la jurisprudence, une fois que le Tribunal a constaté l’existence d’un dommage, il est seul compétent pour apprécier, dans les limites de la demande, la réparation la plus adéquate ( 61 ).

    112.

    D’autre part, dans la mesure où elle reproche au Tribunal d’avoir considéré que les effets dommageables de son inscription sur les listes en cause ont perduré pendant presque trois ans, alors qu’elle continuerait à en subir les conséquences négatives, il suffit de relever, ainsi que le fait le Conseil, que l’Union ne saurait être tenue pour responsable que des préjudices qui sont la conséquence directe des violations commises par ses organes et agents. Ni le fait que, comme le soutient la requérante, son nom reste, même à ce jour, associé, sur les sites Internet, aux sanctions ni les prétendus dommages qui en découleraient ne sauraient être considérés comme une telle conséquence directe, dès lors que le nom de la requérante a été retiré des listes en cause le 16 avril 2014 et l’arrêt annulant cette inscription a été adopté le 25 novembre 2014.

    113.

    Pour les raisons qui précèdent, le deuxième moyen du pourvoi principal doit, à mon sens, être rejeté.

    3. Conclusion sur le pourvoi principal

    114.

    Sur la base des considérations qui précèdent, j’estime que le pourvoi principal doit être rejeté dans son ensemble.

    IV – Conclusion

    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour :

    de rejeter intégralement tant le pourvoi principal de Safa Nicu Sepahan Co. que le pourvoi incident du Conseil de l’Union europénne et

    de condamner Safa Nicu Sepahan Co., le Conseil de l’Union européenne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à supporter leurs propres dépens, conformément à l’article 138, paragraphes 2 et 3, et à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.


    ( 1 ) Langue originale : le français.

    ( 2 ) Je relève que les actes annulés par le Tribunal ont été adoptés sur le fondement de l’article 215 TFUE et donc en dehors du cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Ces actes relèvent, dès lors, de la compétence générale des juridictions de l’Union, conformément à l’article 19 TUE [voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire Rosneft (C‑72/15, EU:C:2016:381, point 48)]. Le Tribunal était, par conséquent, compétent pour connaître du recours en indemnité intenté par la requérante afin d’obtenir réparation des dommages subis en raison de l’adoption de ces actes, ce qui n’a, d’ailleurs, à aucun moment été contesté par le Conseil ni devant le Tribunal ni devant la Cour.

    ( 3 ) Décision du Conseil du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39).

    ( 4 ) Décision du Conseil du 23 mai 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO 2011, L 136, p. 65).

    ( 5 ) Règlement du Conseil du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007 (JO 2010, L 281, p. 1).

    ( 6 ) Règlement du Conseil du 23 mai 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO 2011, L 136, p. 26).

    ( 7 ) Décision du Conseil du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO 2011, L 319, p. 71).

    ( 8 ) Règlement du Conseil du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO 2011, L 319, p. 11).

    ( 9 ) Règlement du Conseil du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 961/2010 (JO 2012, L 88, p. 1).

    ( 10 ) Décision du Conseil du 16 avril 2014, modifiant la décision 2010/413 (JO 2014, L 119, p. 65).

    ( 11 ) Règlement du Conseil du 16 avril 2014, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2014, L 119, p. 1).

    ( 12 ) Le Tribunal a constaté que la requérante ne contestait plus être visée par l’inscription en cause et a conclu qu’il n’était, dès lors, plus nécessaire d’examiner le premier moyen (points 23 à 25 de l’arrêt attaqué).

    ( 13 ) La demande visant à obtenir l’annulation de l’inscription du nom des « sociétés affiliées » de la requérante a, en revanche, été rejetée comme étant irrecevable (points 41 à 44 de l’arrêt attaqué).

    ( 14 ) Aux termes de l’article 174 du règlement de procédure de la Cour, « les conclusions du mémoire en réponse tendent à l’accueil ou au rejet, total ou partiel, du pourvoi ».

    ( 15 ) Au titre de l’article 179 du règlement de procédure, « lorsqu’un pourvoi incident est formé, la partie requérante [...] peut présenter un mémoire en réponse dont l’objet est limité aux moyens invoqués dans ce pourvoi incident ».

    ( 16 ) Voir point 29 des présentes conclusions.

    ( 17 ) Voir, inter alia, arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106 et jurisprudence citée).

    ( 18 ) Voir, inter alia, arrêts du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 51) ; du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission (C‑352/98 P, EU:C:2000:361, points 41 et 42) ; du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico (C‑312/00 P, EU:C:2002:736, point 53), ainsi que du 10 juillet 2003, Commission/Fresh Marine (C‑472/00 P, EU:C:2003:399, point 25).

    ( 19 ) Voir arrêts du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 55) ; du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission (C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 43) ; du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico (C‑312/00 P, EU:C:2002:736, point 54), ainsi que du 10 juillet 2003, Commission/Fresh Marine (C‑472/00 P, EU:C:2003:399, point 26).

    ( 20 ) Voir arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission (C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 44) ; du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico (C‑312/00 P, EU:C:2002:736, point 54), ainsi que du 10 juillet 2003, Commission/Fresh Marine (C‑472/00 P, EU:C:2003:399, point 26).

    ( 21 ) Voir arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 57).

    ( 22 ) Voir point 38 de l’arrêt attaqué.

    ( 23 ) Points 56 et 57 de l’arrêt attaqué.

    ( 24 ) Voir, également, point 58 de l’arrêt attaqué.

    ( 25 ) Point 59 de l’arrêt attaqué, c’est moi qui souligne.

    ( 26 ) Voir, notamment, arrêts du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, EU:C:2007:32, points 109 à 111) ; du 29 juin 2010, E et F (C‑550/09, EU:C:2010:382, point 57) ; du 21 mars 2012, Fulmen/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142, points 96 et 97) ; du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil (C‑380/09 P, EU:C:2012:137, point 46) ; du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 142), ainsi que du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil (T‑228/02, EU:T:2006:384, point 159). Il est intéressant de noter que, dans l’arrêt du 18 février 2016, Conseil/Bank Mellat (C‑176/13 P, EU:C:2016:96), la Cour a confirmé l’obligation du Conseil d’étayer le bien-fondé des mesures restrictives adoptées par des éléments d’information et de preuve permettant le contrôle de leur légalité par le juge de l’Union (points 109 à 112), tout en précisant, cependant, que le Conseil n’a pas, à tout le moins s’agissant d’un premier acte d’inscription sur une liste, l’obligation d’examiner la pertinence et le bien-fondé de tels éléments, lorsque ceux-ci lui ont été soumis par un État membre ou par le haut représentant de l’Union (points 88 à 91).

    ( 27 ) Point 38 de l’arrêt attaqué.

    ( 28 ) Point 171 des conclusions dans l’affaire Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:470) ; voir également points 172 et 174 des mêmes conclusions.

    ( 29 ) Points 109 et 110 de cet arrêt.

    ( 30 ) Voir points 109 à 111 dudit arrêt.

    ( 31 ) La question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle, est, bien évidemment et ainsi que la Cour l’a maintes fois souligné, distincte de celle de la preuve du comportement allégué, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte ainsi que la qualification de ces faits comme constituant des éléments justifiant l’application de mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée, voir, inter alia, arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba (C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 60).

    ( 32 ) Voir point 57 dudit arrêt, italiques ajoutés par mes soins. Dans ce même point, la Cour a ajouté que la possibilité d’un tel contrôle s’avérait indispensable pour permettre d’assurer un juste équilibre entre les exigences à la base de l’adoption des mesures en cause, en l’occurrence la lutte contre le terrorisme international, et la protection des libertés et des droits fondamentaux. Dans cette même ligne, dans l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), la Cour avait déjà précisé, notamment, que des mesures restrictives, telles que celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, n’échappaient pas à tout contrôle du juge de l’Union pour le simple fait que l’acte qui les édicte touche à des domaines sensibles tels que la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme (voir, notamment, point 343 ; voir, également, points 281, 326 et 350 à 351 dudit arrêt).

    ( 33 ) Il s’agit de la position soutenue par le Conseil notamment dans l’affaire Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (voir conclusions de l’avocat général Bot dans cette affaire, C‑348/12 P, EU:C:2013:470, point 88).

    ( 34 ) Voir, inter alia, arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission (C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 40).

    ( 35 ) Voir points 86 et 87 de l’arrêt attaqué.

    ( 36 ) Voir, notamment, arrêts du 9 juillet 1981, Krecké/Commission (59/80 et 129/80, non publié, EU:C:1981:170, points 73 et 74) ; du 7 octobre 1985, van der Stijl/Commission (128/84, EU:C:1985:395, point 26) ; du 9 juillet 1987, Hochbaum et Rawes/Commission (44/85, 77/85, 294/85 et 295/85, EU:C:1987:348, point 22) ; du 6 juillet 1999, Séché/Commission (T‑112/96 et T‑115/96, EU:T:1999:134, point 281) ; du 16 décembre 2004, De Nicola/BEI (T‑120/01 et T‑300/01, EU:T:2004:367, point 73), ainsi que du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652, points 82 à 85).

    ( 37 ) Italiques ajoutés par mes soins.

    ( 38 ) Italiques ajoutés par mes soins. Cette même formule est reprise, parfois avec quelques petites variations, dans toutes les affaires du contentieux de la fonction publique dans lesquelles le principe en question est appliqué.

    ( 39 ) Voir, par exemple, arrêts du 26 octobre 1993, Caronna/Commission (T‑59/92, EU:T:1993:91, point 107), et du 10 juin 2004, François/Commission (T‑307/01, EU:T:2004:180, point 110).

    ( 40 ) Voir arrêts du 11 octobre 1995, Baltsavias/Commission (T‑39/93 et T‑553/93, EU:T:1995:177, point 86), ainsi que du 16 juin 2000, C/Conseil (T‑84/98, EU:T:2000:156, point 101).

    ( 41 ) Voir arrêt du 24 novembre 2005, Marcuccio/Commission (T‑236/02, EU:T:2005:417, points 234 et 237).

    ( 42 ) Voir, en ce sens, arrêts du 7 février 1990, Culin/Commission (C‑343/87, EU:C:1990:49, points 27 et 28), ainsi que du 6 juin 2006, Girardot/Commission (T‑10/02, EU:T:2006:148, point 131).

    ( 43 ) Voir arrêts du 7 février 1990, Culin/Commission (C‑343/87, EU:C:1990:49, points 27 à 28) ; du 23 mars 2000, Rudolph/Commission (T‑197/98, EU:T:2000:86, point 98) ; du 10 juin 2004, François/Commission (T‑307/01, EU:T:2004:180, point 110) ; du 9 décembre 2010, Commission/Strack (T‑526/08 P, EU:T:2010:506, point 108), et du 2 octobre 2012, Q/Commission (F‑52/05 RENV, EU:F:2012:139, point 273).

    ( 44 ) Voir point 70 dudit arrêt.

    ( 45 ) Contrairement à l’arrêt attaqué, dans l’arrêt du 18 février 2016, Jannatian/Conseil (T‑328/14, non publié, EU:T:2016:86, points 62 à 66), après avoir apprécié l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, le Tribunal est arrivé à la conclusion, dans des motifs développés à titre surabondant, que l’annulation constituait une réparation adéquate de l’intégralité du préjudice immatériel subi par le requérant.

    ( 46 ) La requérante renvoie aux points 88, 109, 145 et 147 de l’arrêt attaqué.

    ( 47 ) Voir, inter alia, arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106 et jurisprudence citée).

    ( 48 ) Voir arrêts du 16 septembre 1997, Blackspur DIY e.a./Conseil et Commission (C‑362/95 P, EU:C:1997:401, point 31), ainsi que du 16 juillet 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission (C‑481/07 P, non publié, EU:C:2009:461, point 36).

    ( 49 ) Voir arrêts du 21 mai 1976, Roquette frères/Commission (26/74, EU:C:1976:69, points 22 et 23), ainsi que du 16 septembre 1997, Blackspur DIY e.a./Conseil et Commission (C‑362/95 P, EU:C:1997:401, point 31).

    ( 50 ) Voir, inter alia, arrêt du 3 décembre 2015, PP Nature-Balance Lizenz/Commission (C‑82/15 P, non publié, EU:C:2015:796, points 26 et 27).

    ( 51 ) Voir, inter alia, arrêt du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission (C‑326/05 P, EU:C:2007:443, points 60 et 63).

    ( 52 ) S’agissant notamment de la charge de la preuve incombant à la requérante en ce qui concerne la marge bénéficiaire escomptée, je rappelle que, si, lorsqu’il s’agit de déterminer la valeur d’un manque à gagner, et donc la valeur d’opérations économiques hypothétiques, il peut être difficile, voire impossible, pour la partie requérante de chiffrer exactement le préjudice qu’elle prétend avoir subi, cependant, cela ne saurait la dispenser de toute obligation de preuve quant au préjudice invoqué. En effet, si la valeur d’un manque à gagner représente nécessairement une donnée hypothétique qui doit être estimée à défaut de pouvoir être calculée de manière certaine, toujours est-il que les données sur lesquelles se fonde cette estimation peuvent – et doivent, dans toute la mesure du possible – être prouvées par la partie qui s’en prévaut (voir arrêt du 28 avril 2010, BST/Commission, T‑452/05, EU:T:2010:167, points 167 et 168).

    ( 53 ) La requérante fait également référence à la baisse significative de son chiffre d’affaires et de sa rentabilité ainsi qu’au licenciement de nombreux salariés et à d’autres coûts imprévus.

    ( 54 ) Bien que la requérante n’ait pas articulé un grief tiré d’une qualification erronée des faits à l’égard de la conclusion du Tribunal selon laquelle le lien de causalité entre le comportement reproché au Conseil et la résiliation du contrat avec Mobarakeh n’était pas établi, je rappelle, tout de même, que, selon la jurisprudence, les dommages directs sont ceux qui dérivent d’un acte délictuel du sujet responsable et qui sont indépendants de l’intervention d’autres causes, positives ou négatives [voir conclusions de l’avocat général Trabucchi dans l’affaire Compagnie Continentale France/Conseil (169/73, EU:C:1974:32, point 4)], le comportement reproché devant être la cause déterminante du préjudice (voir ordonnance du 31 mars 2011, Mauerhofer/Commission, C‑433/10 P, non publiée, EU:C:2011:204, point 127).

    ( 55 ) Arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric (C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 192).

    ( 56 ) Arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric (C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 193).

    ( 57 ) Arrêt du 30 janvier 1992, Finsider e.a./Commission (C‑363/88 et C‑364/88, EU:C:1992:44, points 24 et 25).

    ( 58 ) Voir arrêt du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission (C‑237/98 P, EU:C:2000:321, point 25).

    ( 59 ) Voir arrêts du 19 mai 1982, Dumortier e.a./Conseil (64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, EU:C:1982:184, point 21) ; du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission (C‑419/08 P, EU:C:2010:147, point 53), ainsi que du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission (T‑279/03, EU:T:2006:121, point 130 et jurisprudence citée).

    ( 60 ) Voir, inter alia, arrêt du 8 mai 2013, Eni/Commission (C‑508/11 P, EU:C:2013:289, point 74 et jurisprudence citée).

    ( 61 ) Voir arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 66).

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