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Document 62014CJ0333

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 23 décembre 2015.
Scotch Whisky Association e.a. contre Lord Advocate et Advocate General for Scotland.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Court of Session (Scotland).
Renvoi préjudiciel – Organisation commune des marchés des produits agricoles – Règlement (UE) no 1308/2013 – Libre circulation des marchandises – Article 34 TFUE – Restrictions quantitatives – Mesures d’effet équivalent – Prix minimal des boissons alcooliques calculé sur la base de la quantité d’alcool dans le produit – Justification – Article 36 TFUE – Protection de la santé et de la vie des personnes – Appréciation par la juridiction nationale.
Affaire C-333/14.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2015:845

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

23 décembre 2015 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Organisation commune des marchés des produits agricoles — Règlement (UE) no 1308/2013 — Libre circulation des marchandises — Article 34 TFUE — Restrictions quantitatives — Mesures d’effet équivalent — Prix minimal des boissons alcooliques calculé sur la base de la quantité d’alcool dans le produit — Justification — Article 36 TFUE — Protection de la santé et de la vie des personnes — Appréciation par la juridiction nationale»

Dans l’affaire C‑333/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Court of Session (Scotland) [Cour de session (Écosse), Royaume‑Uni], par décision du 3 juillet 2014, parvenue à la Cour le 8 juillet 2014, dans la procédure

Scotch Whisky Association,

spiritsEUROPE,

Comité de la Communauté économique européenne des Industries et du Commerce des Vins, Vins aromatisés, Vins mousseux, Vins de liqueur et autres Produits de la Vigne (CEEV)

contre

Lord Advocate,

Advocate General for Scotland,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de la première chambre, faisant fonction de président de la deuxième chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, A. Arabadjiev, C. Lycourgos (rapporteur) et J.‑C. Bonichot, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mai 2015,

considérant les observations présentées:

pour la Scotch Whisky Association, spiritsEUROPE et le Comité de la Communauté économique européenne des Industries et du Commerce des Vins, Vins aromatisés, Vins mousseux, Vins de liqueur et autres Produits de la Vigne (CEEV), par M. C. Livingstone, advocate, Me G. McKinlay, Rechtsanwalt, M. A. O’Neill, QC, M. J. Holmes et Mme M. Ross, barristers,

pour le Lord Advocate, par Mme S. Bathgate, en qualité d’agent, assistée de Mmes C. Pang et L. Irvine, advocates, ainsi que de Mme G. Moynihan, QC,

pour le gouvernement du Royaume‑Uni, par Mmes C. R. Brodie et S. Behzadi‑Spencer ainsi que par M. M. Holt, en qualité d’agents, assistés de Mme A. Carmichael, barrister,

pour le gouvernement bulgare, par Mmes E. Petranova et D. Drambozova, en qualité d’agents,

pour l’Irlande, par Mme E. Creedon ainsi que par MM. A. Joyce et B. Counihan, en qualité d’agents, assistés de M. B. Doherty, barrister,

pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman et M. Gijzen, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna ainsi que par Mmes M. Szwarc, M. Załęska et D. Lutostańska, en qualité d’agents,

pour le gouvernement portugais, par Mme A. Gameiro et M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agents,

pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,

pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk, C. Meyer‑Seitz, U. Persson et N. Otte Widgren ainsi que par MM. E. Karlsson et L. Swedenborg, en qualité d’agents,

pour le gouvernement norvégien, par Mme K. Nordland Hansen et M. M. Schei, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme B. Eggers et M. G. Wilms, en qualité d’agents,

pour l’Autorité de surveillance AELE, par Mmes J. T. Kaasin et M. Moustakali ainsi que par M. A. Lewis, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO L 347, p. 671, ci‑après le «règlement ‘OCM unique'»), ainsi que des articles 34 TFUE et 36 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Scotch Whisky Association, spiritsEUROPE et le Comité de la Communauté économique européenne des Industries et du Commerce des Vins, Vins aromatisés, Vins mousseux, Vins de liqueur et autres Produits de la Vigne (CEEV) au Lord Advocate et à l’Advocate General for Scotland au sujet de la validité de la loi nationale et du projet de décret relatifs à l’imposition d’un prix minimum par unité d’alcool (ci‑après le «MPU») pour la vente au détail des boissons alcoolisées en Écosse.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 15, 43, 172 et 174 du règlement «OCM unique» énoncent:

«(15)

Il importe que le règlement permette d’écouler les produits achetés dans le cadre de l’intervention publique. Ces mesures devraient être adoptées de manière à éviter des perturbations du marché et à garantir l’égalité d’accès aux marchandises et l’égalité de traitement des acheteurs.

[...]

(43)

Il est important de prévoir des mesures de soutien de nature à renforcer les structures de concurrence dans le secteur vitivinicole. [...]

[...]

(172)

En raison de la spécificité du secteur agricole, qui dépend du bon fonctionnement de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, y compris de l’application effective des règles de concurrence à tous les secteurs interdépendants tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, dont le niveau de concentration peut être élevé, il convient d’accorder une attention particulière à l’application des règles de concurrence établies à l’article 42 [TFUE]. [...]

[...]

(174)

Il convient de prévoir une approche particulière dans le cas des organisations d’exploitations agricoles ou de producteurs ou de leurs associations qui ont notamment pour objet la production ou la commercialisation en commun de produits agricoles ou l’utilisation d’installations communes, à moins qu’une telle action commune n’empêche ou ne cause une distorsion de la concurrence [...]»

4

L’article 167 du règlement «OCM unique», intitulé «Règles de commercialisation visant à améliorer et à stabiliser le fonctionnement du marché commun des vins», prévoit, à son paragraphe 1:

«Afin d’améliorer et de stabiliser le fonctionnement du marché commun des vins, y compris les raisins, moûts et vins dont ils résultent, les États membres producteurs peuvent définir des règles de commercialisation portant sur la régulation de l’offre, notamment par la mise en œuvre de décisions prises par des organisations interprofessionnelles reconnues au titre des articles 157 et 158.

Ces règles sont proportionnées par rapport à l’objectif poursuivi et ne doivent pas:

a)

concerner des transactions après la première mise sur le marché du produit concerné;

b)

autoriser la fixation de prix, y compris à titre indicatif ou de recommandation;

[...]»

Le droit du Royaume‑Uni

5

La loi de 2012 relative au prix minimum des boissons alcoolisées en Écosse [Alcohol (Minimum Pricing) (Scotland) Act 2012, ci‑après la «loi de 2012»] prévoit l’imposition d’un MPU, qui doit être respecté par tout détenteur de la licence qui est requise pour vendre au détail des boissons alcoolisées en Écosse.

6

La loi de 2012 dispose que le gouvernement écossais détermine le MPU par voie réglementaire. À cet égard, ce gouvernement a établi un projet de décret, à savoir le décret de 2013 relatif à un prix minimum par unité d’alcool en Écosse [The Alcohol (Minimum Price per Unit) (Scotland) Order 2013, ci‑après le «décret MPU], pour approbation par le Parlement écossais.

7

Selon ledit décret, le MPU est fixé à 0,50 livre sterling (GBP) (environ 0,70 euro). Le prix de vente minimum d’un produit est ensuite déterminé par application de la formule suivante, à savoir MPU x S x V x 100 où «MPU» désigne le prix minimum par unité d’alcool, «S» désigne la teneur en alcool et «V» désigne le volume d’alcool exprimé en litres.

8

La loi de 2012 dispose que le gouvernement écossais évalue l’effet de la fixation d’un MPU en vue de soumettre un rapport au Parlement dans les cinq ans suivants l’entrée en vigueur de la réglementation en cause. En outre, cette loi prévoit que la fixation d’un MPU prendra fin dans un délai de six ans à compter de l’entrée en vigueur du décret MPU à moins que le Parlement ne décide de maintenir ce mécanisme.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

La loi de 2012 a été adoptée par le Parlement écossais, mais seulement certaines «parties formelles» de cette dernière sont entrées en vigueur le 29 juin 2012. Conformément à ladite loi, les ministres écossais ont adopté le décret MPU, qui fixe le MPU à 0,50 GBP (environ 0,70 euro).

10

Le 25 juin 2012, les ministres écossais ont notifié à la Commission européenne ledit décret, en application de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 204, p. 37). Le 25 septembre 2012, la Commission a notifié son avis, selon lequel la mesure nationale concernée constituait une restriction quantitative au sens de l’article 34 TFUE, qui ne pouvait pas être justifiée au titre de l’article 36 TFUE.

11

Le 19 juillet 2012, les requérantes au principal ont engagé une procédure judiciaire afin de contester la validité de la loi de 2012 et du décret MPU. Déboutées en première instance, elles ont interjeté appel de cette décision devant la Court of Session (Scotland) [Cour de session (Écosse)]. Par ailleurs, les ministres écossais se sont engagés à ne pas faire entrer en vigueur les dispositions relatives au MPU avant l’issue de cette procédure.

12

Dans ces conditions, la Court of Session (Scotland) [Cour de session (Écosse)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Suivant une juste interprétation du droit de l’Union relatif à l’organisation commune du marché des vins, notamment du règlement ‘OCM unique', est‑il licite pour un État membre d’édicter une mesure nationale prévoyant un prix minimum de vente de vins au détail en fonction de la quantité d’alcool contenu dans le produit vendu, régime de prix s’écartant donc du principe de la libre détermination des prix par les forces du marché qui caractérise le marché des vins?

2)

Dans le cas où une justification par l’article 36 TFUE est invoquée, lorsque:

i)

un État membre a conclu que, dans l’intérêt de la protection de la santé humaine, il est opportun d’augmenter le coût de la consommation d’un produit, en l’espèce des boissons alcoolisées, pour les consommateurs ou une partie d’entre eux, et

ii)

il s’agit d’un produit que l’État membre est libre de frapper de droits d’accise ou d’autres taxes (en ce compris des taxes ou des droits basés sur la teneur ou le volume en alcool, ou sur la valeur du produit, ou une combinaison de telles mesures fiscales),

le droit de l’Union permet‑il, et dans l’affirmative à quelles conditions, à un État membre de ne pas adopter de telles mesures fiscales impliquant l’augmentation du prix payé par les consommateurs et d’opter pour des mesures législatives fixant un prix minimum de vente au détail qui faussent les échanges à l’intérieur de l’Union et la concurrence?

3)

Lorsqu’un juge d’un État membre est appelé à se prononcer sur la question de savoir si une mesure législative nationale, qui constitue une restriction quantitative aux échanges incompatible avec l’article 34 TFUE, peut néanmoins se justifier par l’article 36 TFUE pour des raisons de protection de la santé humaine, est‑il limité dans son examen aux seules informations, preuves ou autres pièces dont disposait le législateur et qu’il a examinées lors de l’adoption de cette mesure? Dans la négative, quelles autres restrictions peuvent être posées au pouvoir du juge d’examiner toutes pièces ou preuves disponibles soumises par les parties au moment où il est appelé à se prononcer?

4)

Lorsque, dans le cadre d’une interprétation et d’une mise en œuvre du droit de l’Union, il est demandé à un juge d’un État membre de se prononcer sur une affirmation par les autorités nationales qu’une mesure qui constituerait une restriction quantitative au sens de l’article 34 TFUE se justifie en tant que dérogation admise par l’article 36 TFUE dans l’intérêt de la protection de la santé humaine, dans quelle mesure le juge doit‑il ou peut‑il, sur la base des éléments qui lui sont soumis, se forger une opinion objective sur l’efficacité de cette mesure pour réaliser les objectifs déclarés, sur la possibilité de mettre en œuvre d’autres mesures dont les effets au moins équivalents sont moins perturbateurs pour la concurrence dans l’Union et, de manière générale, sur la proportionnalité de ladite mesure?

5)

Lors de l’examen (dans le contexte d’un litige sur la question de savoir si une mesure est justifiée par des considérations de protection de la santé humaine en application de l’article 36 TFUE) de l’existence d’une autre mesure possible, qui ne perturbe pas ou du moins ne perturbe pas autant les échanges dans l’Union et la concurrence, peut‑on légitimement ne pas retenir cette autre mesure au motif que ses effets peuvent ne pas être parfaitement équivalents à ceux de la mesure contestée sur la base de l’article 34 TFUE mais qu’elle peut apporter des avantages supplémentaires et satisfaire à un objectif plus large et général?

6)

Pour apprécier si une mesure nationale, admise ou constatée comme constituant une restriction quantitative au sens de l’article 34 TFUE et pour laquelle une justification au titre de l’article 36 TFUE est avancée, plus particulièrement pour l’appréciation de sa proportionnalité, dans quelle mesure le juge saisi peut‑il prendre en compte son appréciation de la nature et de la mesure dans laquelle ladite mesure constitue une restriction quantitative contraire à l’article 34 TFUE?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

13

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement «OCM unique» doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une mesure nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose un MPU pour la vente au détail des vins.

14

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 40, paragraphe 2, TFUE, l’organisation commune des marchés agricoles (ci‑après l’«OCM») peut comporter toutes les mesures nécessaires, notamment des réglementations des prix, afin d’atteindre les objectifs de la politique agricole commune (PAC) définis à l’article 39 TFUE.

15

En outre, ainsi que l’énonce le considérant 3 du règlement «OCM unique», ce dernier vise à établir une OCM pour tous les produits agricoles énumérés à l’annexe I des traités UE et FUE, dont relève le vin.

16

S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour relative à la réglementation de la Communauté européenne en vigueur dans les années 80 régissant l’OCM vitivinicole, les requérantes au principal soutiennent, à cet égard, que le règlement «OCM unique» constitue un système complet de réglementation du marché commun des vins, notamment en matière de prix. Dans ces conditions, les États membres ne sauraient adopter une réglementation nationale telle que celle en cause au principal. En particulier, l’interdiction pour les États membres d’imposer des mesures unilatérales fixant les prix au détail des vins ressortirait expressément de l’article 167, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

17

Il convient de constater, toutefois, ainsi que l’indique à juste titre la Commission dans ses observations écrites, que le règlement «OCM unique» ne comporte ni de dispositions autorisant la fixation des prix de vente au détail des vins, que ce soit au niveau national ou de l’Union, ni de dispositions interdisant aux États membres d’adopter des mesures nationales fixant de tels prix.

18

En effet, si l’article 167, paragraphe 1, sous b), dudit règlement prévoit expressément que les États membres producteurs ne peuvent pas autoriser la fixation de prix, y compris à titre indicatif ou de recommandation, c’est toutefois uniquement dans le cadre de la définition des règles de commercialisation portant sur la régulation de l’offre, notamment par la mise en œuvre de décisions prises par des organisations interprofessionnelles dans le marché commun des vins.

19

Par conséquent, les États membres restent en principe compétents pour adopter certaines mesures qui ne sont pas prévues dans le règlement «OCM unique» sous réserve que ces mesures ne soient pas de nature à déroger ou à porter atteinte audit règlement ou à faire obstacle à son bon fonctionnement (voir, en ce sens, arrêt Kuipers, C‑283/03, EU:C:2005:314, point 37 et jurisprudence citée).

20

S’agissant de la fixation d’un prix minimal, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 31 et 37 de ses conclusions, en l’absence de mécanisme de fixation des prix, la libre détermination des prix de vente sur la base du libre jeu de la concurrence est une composante du règlement «OCM unique» et constitue l’expression du principe de la libre circulation des marchandises dans des conditions de concurrence effective.

21

Dans l’affaire au principal, il importe de relever que l’imposition d’un MPU a pour effet que le prix de vente au détail des vins produits localement ou importés ne pourra pas, en toute hypothèse, être inférieur à ce prix minimal obligatoire. Une telle mesure est donc susceptible de porter atteinte aux relations concurrentielles en empêchant certains producteurs ou importateurs de tirer avantage de prix de revient inférieurs afin de proposer des prix de vente au détail plus attractifs (voir, en ce sens, arrêts Commission/France, C‑197/08, EU:C:2010:111, point 37, et Commission/Irlande, C‑221/08, EU:C:2010:113, point 40).

22

Or, à cet égard, la Cour a déjà jugé que les organisations communes de marché sont fondées sur le principe d’un marché ouvert, auquel tout producteur a librement accès dans des conditions de concurrence effective (arrêt Milk Marque et National Farmers’ Union, C‑137/00, EU:C:2003:429, point 59 ainsi que jurisprudence citée).

23

Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l’un des objectifs de la PAC est le maintien d’une concurrence effective sur les marchés des produits agricoles (arrêt Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C‑373/11, EU:C:2013:567, point 37), ce qui est reflété à plusieurs des considérants du règlement «OCM unique», tels que les considérants 15, 43, 172 et 174.

24

Par conséquent, il y a lieu de constater que la réglementation nationale en cause au principal, qui impose un MPU pour la vente au détail des vins, est susceptible de porter atteinte au règlement «OCM unique» en ce qu’une telle mesure va à l’encontre du principe de la libre détermination des prix de vente des produits agricoles sur la base du libre jeu de la concurrence sur lequel ce règlement est fondé.

25

Le Lord Advocate fait valoir, toutefois, que ledit règlement n’empêche pas les autorités écossaises d’adopter la mesure en cause au principal étant donné que cette mesure poursuit l’objectif de la protection de la santé et de la vie des personnes au moyen de la lutte contre l’abus d’alcool, objectif qui n’est pas directement visé par le règlement «OCM unique».

26

Il convient de constater, en effet, que l’établissement d’une OCM n’empêche pas les États membres d’appliquer des règles nationales qui poursuivent un objectif d’intérêt général autre que ceux couverts par cette OCM, même si ces règles sont susceptibles d’avoir une incidence sur le fonctionnement du marché commun dans le secteur concerné (voir arrêt Hammarsten, C‑462/01, EU:C:2003:33, point 31 et jurisprudence citée).

27

Dans ces conditions, un État membre peut invoquer l’objectif de la protection de la santé et de la vie des personnes afin de justifier une mesure, telle que celle en cause au principal, qui porte atteinte au système de libre détermination des prix dans des conditions de concurrence effective, sur lequel est fondé le règlement «OCM unique».

28

Une mesure restrictive telle que celle prévue par la réglementation nationale en cause au principal doit, toutefois, satisfaire aux conditions qui ressortent de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne sa proportionnalité, à savoir être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir, par analogie, arrêt Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, point 64), ce que la Cour examinera dans le cadre des deuxième à sixième questions, qui visent spécifiquement l’analyse de la proportionnalité de cette réglementation. Il convient de relever que, en tout état de cause, l’examen de la proportionnalité doit se faire en tenant compte, particulièrement, des objectifs de la PAC ainsi que du bon fonctionnement de l’OCM, ce qui impose une mise en balance entre ces objectifs et celui poursuivi par ladite réglementation, à savoir la protection de la santé publique.

29

Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question que le règlement «OCM unique» doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une mesure nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose un MPU pour la vente au détail des vins, à condition que cette mesure soit effectivement propre à garantir l’objectif de protection de la santé et de la vie des personnes et que, en tenant compte des objectifs de la PAC ainsi que du bon fonctionnement de l’OCM, elle n’aille pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif de protection de la santé et de la vie des personnes.

Sur les deuxième et cinquième questions

30

Par ses deuxième et cinquième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 34 TFUE et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un État membre, afin de poursuivre l’objectif de protection de la santé et de la vie des personnes au moyen de l’augmentation du prix de la consommation d’alcool, opte pour une réglementation, telle que celle en cause au principal, qui impose un MPU pour la vente au détail des boissons alcoolisées et écarte une mesure moins restrictive des échanges et de la concurrence à l’intérieur de l’Union, telle que l’augmentation des droits d’accise, au motif que cette dernière mesure est susceptible d’apporter des avantages supplémentaires et de satisfaire un objectif plus large et général que celui de la mesure retenue.

31

À titre liminaire, il convient de relever qu’il résulte d’une jurisprudence constante que toute mesure d’un État membre susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce au sein de l’Union doit être considérée comme une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives au sens de l’article 34 TFUE (voir, notamment, arrêts Dassonville, 8/74, EU:C:1974:82, point 5, et Juvelta, C‑481/12, EU:C:2014:11, point 16).

32

Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 59 et 60 de ses conclusions, du seul fait qu’elle empêche que le prix de revient inférieur des produits importés puisse se répercuter sur le prix de vente au consommateur, la réglementation en cause au principal est susceptible d’entraver l’accès au marché britannique des boissons alcoolisées légalement commercialisées dans les États membres autres que le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord et constitue donc une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative au sens de l’article 34 TFUE (voir, en ce sens, arrêts Commission/Italie, C‑110/05, EU:C:2009:66, point 37; ANETT, C‑456/10, EU:C:2012:241, point 35, et Vilniaus energija, C‑423/13, EU:C:2014:2186, point 48), ce qui n’est d’ailleurs contesté ni par la juridiction de renvoi ni par aucune des parties ayant présenté des observations dans la présente affaire.

33

Il est de jurisprudence constante qu’une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation ne peut être justifiée, notamment, par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes, au sens de l’article 36 TFUE, que si cette mesure est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne va pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir, en ce sens, arrêt ANETT, C‑456/10, EU:C:2012:241, point 45 et jurisprudence citée).

34

S’agissant de l’objectif poursuivi par la réglementation nationale en cause au principal, la juridiction de renvoi indique qu’il ressort des notes explicatives accompagnant le projet de la loi de 2012 soumis au Parlement écossais ainsi que d’une étude récente, intitulée «Business and Regulatory Impact Assessment», que cette réglementation poursuit un double objectif, celui de réduire, de manière ciblée, la consommation d’alcool des consommateurs s’adonnant à une consommation dangereuse ou nocive, mais aussi, de manière générale, la consommation d’alcool de la population. Lors de l’audience devant la Cour, le Lord Advocate a confirmé ce double objectif, qui, en visant l’ensemble de la population, inclut comme cibles, ne serait‑ce qu’à titre non prioritaire, les buveurs ayant une consommation modérée d’alcool.

35

Il convient donc de constater que la réglementation en cause au principal poursuit, en termes plus généraux, l’objectif de protection de la santé et de la vie des personnes, qui occupe le premier rang parmi les biens ou les intérêts protégés par l’article 36 TFUE. Il appartient, à cet égard, aux États membres, dans les limites imposées par le traité, de décider du niveau auquel ils entendent en assurer la protection (arrêt Rosengren e.a., C‑170/04, EU:C:2007:313, point 39 et jurisprudence citée).

36

En ce qui concerne l’aptitude de cette réglementation à atteindre cet objectif de protection de la santé et de la vie des personnes, il y a lieu d’observer que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 127 de ses conclusions, il ne s’avère pas déraisonnable de considérer qu’une mesure qui fixe un prix minimal de vente des boissons alcoolisées, qui vise tout particulièrement à augmenter le prix des boissons alcoolisées bon marché, est apte à réduire la consommation d’alcool, en général, et la consommation dangereuse ou nocive, en particulier, étant donné que les buveurs s’adonnant à une telle consommation achètent dans une large mesure des boissons alcoolisées bon marché.

37

Par ailleurs, il importe de rappeler qu’une mesure restrictive ne saurait être considérée comme propre à garantir la réalisation de l’objectif recherché que si elle répond véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique (voir, en ce sens, arrêt Kakavetsos‑Fragkopoulos, C‑161/09, EU:C:2011:110, point 42, ainsi que, par analogie, arrêt Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, point 64).

38

Il ressort, à cet égard, des éléments du dossier transmis à la Cour ainsi que des observations du Lord Advocate et des débats lors de l’audience que la réglementation nationale en cause au principal s’inscrit dans une stratégie politique plus générale qui vise à combattre les effets dévastateurs causés par l’alcool. En effet, l’imposition d’un MPU, prévue par cette réglementation, constitue une mesure parmi 40 ayant pour objectif de réduire, de manière cohérente et systématique, la consommation d’alcool de la population écossaise dans son ensemble, quel que soit le lieu ou les modalités de ladite consommation.

39

Il s’ensuit que la réglementation nationale en cause au principal s’avère apte à atteindre l’objectif qu’elle poursuit.

40

S’agissant de la question de savoir si ladite réglementation nationale ne va pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour protéger efficacement la santé et la vie des personnes, il y a lieu de rappeler que, en l’occurrence, cette analyse doit se faire également, ainsi qu’il a été rappelé au point 28 du présent arrêt, au regard des objectifs de la PAC et du bon fonctionnement de l’OCM. Cependant, étant donné la question examinée en l’occurrence, cette analyse devra être menée au titre de la proportionnalité dans le cadre de l’article 36 TFUE et ne devra donc pas être effectuée de manière séparée.

41

Il y a lieu, en outre, de souligner qu’une réglementation ou une pratique nationales ne bénéficient pas de la dérogation prévue à l’article 36 TFUE lorsque la santé et la vie des personnes peuvent être protégées de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges dans l’Union (arrêt Rosengren e.a., C‑170/04, EU:C:2007:313, point 43 et jurisprudence citée).

42

À cet égard, la juridiction de renvoi se réfère de manière spécifique à une mesure fiscale, telle qu’une taxation accrue des boissons alcoolisées, considérant qu’elle pourrait atteindre de manière tout aussi efficace qu’une mesure de fixation d’un MPU l’objectif de protection de la santé et de la vie des personnes tout en étant moins restrictive de la libre circulation des marchandises. Cependant, les parties ayant présenté des observations se divisent sur la question.

43

Il importe à ce sujet, tout d’abord, d’indiquer, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 143 de ses conclusions, que le droit de l’Union ne s’oppose pas, en principe, à une taxation accrue des boissons alcoolisées. Les États membres conservent une marge d’appréciation suffisante pour procéder à une augmentation générale des droits d’accise afin, en particulier, de poursuivre la réalisation d’objectifs spécifiques de santé publique.

44

Ensuite, il y a lieu de constater qu’une réglementation fiscale constitue un instrument important et efficace de lutte contre la consommation des boissons alcoolisées et, partant, de protection de la santé publique. L’objectif d’assurer que les prix de ces boissons soient fixés à des niveaux élevés peut adéquatement être poursuivi par une taxation accrue de celles‑ci, les augmentations des droits d’accise devant tôt ou tard se traduire par une majoration des prix de vente au détail, sans que cela porte atteinte à la liberté de détermination des prix (voir, par analogie, arrêts Commission/Grèce, C‑216/98, EU:C:2000:571, point 31, et Commission/France, C‑197/08, EU:C:2010:111, point 52).

45

Il convient de préciser, à cet égard, que, contrairement à ce que fait valoir le Lord Advocate, la circonstance que la jurisprudence citée au point précédent vise les produits du tabac ne saurait empêcher son application à l’affaire au principal, qui a trait au commerce des boissons alcoolisées. En effet, dans le cadre de mesures nationales dont l’objectif est la protection de la santé et de la vie des personnes, et indépendamment des particularités propres à chaque produit, l’augmentation des prix des boissons alcoolisées peut être obtenue, à l’instar de ce qui est le cas pour les produits du tabac, par une taxation accrue.

46

Or, une mesure fiscale qui augmente la taxation des boissons alcoolisées est susceptible d’être moins restrictive du commerce de ces produits au sein de l’Union qu’une mesure imposant un MPU. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 21 du présent arrêt, cette dernière mesure, contrairement à une augmentation de la taxation desdits produits, limite fortement la liberté des opérateurs économiques de déterminer leur prix de vente au détail et, par conséquent, constitue un obstacle sérieux à l’accès au marché britannique des boissons alcoolisées légalement commercialisées dans les États membres autres que le Royaume‑Uni ainsi qu’au libre jeu de la concurrence dans ce marché.

47

Enfin, en ce qui concerne la question de savoir s’il est possible d’écarter les mesures fiscales au bénéfice de l’adoption d’un MPU, pour la raison que les premières ne permettraient pas d’atteindre de manière aussi efficace l’objectif poursuivi, il y a lieu de souligner que la circonstance qu’une taxation accrue des boissons alcoolisées entraîne une augmentation généralisée des prix de ces boissons affectant aussi bien les buveurs ayant une consommation modérée d’alcool que ceux s’adonnant à une consommation dangereuse ou nocive ne semble pas, eu égard au double objectif poursuivi par la réglementation nationale en cause au principal, tel que rappelé au point 34 du présent arrêt, conduire à la conclusion que ladite taxation accrue présente une efficacité moindre que la mesure retenue.

48

Bien au contraire, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 150 de ses conclusions, dans de telles conditions, le fait qu’une mesure de taxation accrue soit susceptible de procurer des avantages supplémentaires par rapport à l’imposition d’un MPU en contribuant à la réalisation de l’objectif général de lutte contre l’abus d’alcool, non seulement ne pourrait constituer une raison pour rejeter une telle mesure, mais constituerait en fait un élément justifiant de retenir cette mesure plutôt que celle imposant un MPU.

49

Il revient, cependant, à la juridiction de renvoi, qui est seule à disposer de tous les éléments de droit et de fait caractérisant les circonstances de l’affaire en cause au principal, de déterminer si une mesure autre que celle prévue par la réglementation nationale en cause au principal, telle que la taxation accrue des boissons alcoolisées, est de nature à protéger la santé et la vie des personnes de manière aussi efficace que cette réglementation, tout en étant moins restrictive du commerce de ces produits au sein de l’Union.

50

Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre aux deuxième et cinquième questions que les articles 34 TFUE et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre, afin de poursuivre l’objectif de protection de la santé et de la vie des personnes au moyen de l’augmentation du prix de la consommation d’alcool, opte pour une réglementation, telle que celle en cause au principal, qui impose un MPU pour la vente au détail des boissons alcoolisées et écarte une mesure, telle que l’augmentation des droits d’accise, qui peut être moins restrictive des échanges et de la concurrence à l’intérieur de l’Union. Il revient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est bien le cas au regard d’une analyse circonstanciée de tous les éléments pertinents de l’affaire dont elle est saisie. La seule circonstance que cette dernière mesure est susceptible d’apporter des avantages supplémentaires et de satisfaire plus largement à l’objectif de lutte contre l’abus d’alcool ne saurait justifier qu’elle soit écartée.

Sur les quatrième et sixième questions

51

Par ses quatrième et sixième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur l’interprétation à donner à l’article 36 TFUE quant au degré d’intensité du contrôle de proportionnalité que cette juridiction doit effectuer lorsqu’elle examine une réglementation nationale au regard de la justification relative à la protection de la santé et de la vie des personnes, au sens de cet article.

52

Il y a lieu de relever que, eu égard à la jurisprudence citée au point 35 du présent arrêt, il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé et de la vie des personnes, au sens de l’article 36 TFUE, tout en tenant compte des exigences de la libre circulation des marchandises à l’intérieur de l’Union.

53

Dès lors qu’une interdiction comme celle qui résulte de la réglementation nationale en cause au principal constitue une dérogation au principe de la libre circulation des marchandises, il appartient aux autorités nationales de démontrer que ladite réglementation satisfait au principe de proportionnalité, c’est‑à‑dire qu’elle est nécessaire pour réaliser l’objectif invoqué, et que celui‑ci ne pourrait pas être atteint par des interdictions ou des limitations de moins grande ampleur ou affectant de manière moindre le commerce au sein de l’Union (voir, en ce sens, arrêts arrêt Franzén, C‑189/95, EU:C:1997:504, points 75 et 76, ainsi que Rosengren e.a., C‑170/04, EU:C:2007:313, point 50).

54

À cet égard, les raisons justificatives susceptibles d’être invoquées par un État membre doivent être accompagnées des preuves appropriées ou d’une analyse de l’aptitude et de la proportionnalité de la mesure restrictive adoptée par cet État, ainsi que des éléments précis permettant d’étayer son argumentation (voir, en ce sens, arrêts Lindman, C‑42/02, EU:C:2003:613 point 25; Commission/Belgique, C‑227/06, EU:C:2008:160, point 63, et ANETT, C‑456/10, EU:C:2012:241, point 50).

55

Il importe, toutefois, de relever que cette charge de la preuve ne saurait aller jusqu’à exiger que, lorsqu’elles adoptent une réglementation nationale imposant une mesure telle que le MPU, les autorités nationales compétentes démontrent, de manière positive, qu’aucune autre mesure imaginable ne permet de réaliser l’objectif légitime poursuivi dans les mêmes conditions (voir, en ce sens, arrêt Commission/Italie, C‑110/05, EU:C:2009:66, point 66).

56

Dans ce contexte, il appartient à la juridiction nationale appelée à contrôler la légalité de la réglementation nationale concernée de vérifier la pertinence des éléments de preuve apportés par les autorités nationales compétentes afin de vérifier la conformité de cette réglementation avec le principe de proportionnalité. Sur la base de ces éléments de preuve, cette juridiction doit, en particulier, examiner de manière objective si les éléments de preuve fournis par l’État membre concerné permettent raisonnablement d’estimer que les moyens choisis sont aptes à réaliser les objectifs poursuivis ainsi que la possibilité d’atteindre ces derniers par des mesures moins restrictives de la libre circulation des marchandises.

57

En l’occurrence, dans le cadre d’un tel examen, la juridiction de renvoi peut tenir compte de l’existence éventuelle d’incertitudes scientifiques quant aux effets concrets et réels sur la consommation d’alcool d’une mesure telle que le MPU afin d’atteindre l’objectif poursuivi. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 85 de ses conclusions, la circonstance que la réglementation nationale prévoit que la fixation d’un MPU prendra fin dans un délai de six ans à compter de l’entrée en vigueur du décret MPU, à moins que le Parlement écossais ne décide de le maintenir, constitue un élément que la juridiction de renvoi peut également prendre en considération.

58

Cette juridiction doit également évaluer la nature et l’ampleur de la restriction à la libre circulation des marchandises résultant d’une mesure telle que le MPU, lors de sa comparaison avec d’autres mesures possibles affectant de manière moindre le commerce à l’intérieur de l’Union, ainsi que l’incidence d’une telle mesure sur le bon fonctionnement de l’OCM, cette évaluation étant inhérente à l’examen de la proportionnalité.

59

Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 36 TFUE doit être interprété en ce sens que, lorsqu’elle examine une réglementation nationale au regard de la justification relative à la protection de la santé et de la vie des personnes, au sens de cet article, une juridiction nationale est tenue d’examiner de manière objective si les éléments de preuve fournis par l’État membre concerné permettent raisonnablement d’estimer que les moyens choisis sont aptes à réaliser les objectifs poursuivis ainsi que la possibilité d’atteindre ces derniers par des mesures moins restrictives de la libre circulation des marchandises et de l’OCM.

Sur la troisième question

60

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 36 TFUE doit être interprété en ce sens que le contrôle de proportionnalité d’une mesure nationale, telle que celle en cause au principal, est limité aux seules informations, preuves ou autres pièces dont disposait le législateur national lorsqu’il a adopté une telle mesure.

61

Cette juridiction relève le désaccord existant entre les parties au principal en ce qui concerne la date à laquelle doit être appréciée la légalité de la mesure nationale concernée. Ainsi, elle s’interroge sur les pièces et les éléments de preuve qu’elle doit examiner dans le cadre de l’appréciation relative à la justification de cette mesure au regard de l’article 36 TFUE, alors que de nouvelles études, qui n’auraient pas été examinées par le législateur national lors de l’adoption de ladite mesure seraient, à présent, à la disposition de cette juridiction.

62

Il y a lieu de souligner d’emblée que les exigences du droit de l’Union doivent être respectées à tout moment pertinent, que ce moment soit celui de l’adoption d’une mesure, de sa mise en œuvre ou de son application au cas d’espèce (arrêt Seymour‑Smith et Perez, C‑167/97, EU:C:1999:60, point 45).

63

En l’occurrence, il importe de constater que la juridiction nationale est appelée à examiner la conformité de la réglementation nationale en cause au principal avec le droit de l’Union alors même que celle‑ci n’est pas entrée en vigueur dans l’ordre juridique national. Par conséquent, cette juridiction est tenue d’apprécier la conformité de cette réglementation avec le droit de l’Union à la date à laquelle elle statue.

64

Dans le cadre de cette appréciation, la juridiction de renvoi doit prendre en considération toute information, tout élément de preuve ou toutes autres pièces pertinentes dont elle a connaissance dans les conditions prévues par son droit national. Une telle appréciation s’impose d’autant plus dans une situation telle que celle du litige au principal, où il semble exister des incertitudes scientifiques quant aux effets réels des mesures prévues par la réglementation nationale dont la légalité est soumise au contrôle de la juridiction de renvoi.

65

Par conséquent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 36 TFUE doit être interprété en ce sens que le contrôle de proportionnalité d’une mesure nationale, telle que celle en cause au principal, n’est pas limité aux seules informations, preuves ou autres pièces dont disposait le législateur national lorsqu’il a adopté une telle mesure. Dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, le contrôle de la conformité de ladite mesure au droit de l’Union doit s’effectuer sur la base des informations, des preuves ou d’autres pièces dont dispose la juridiction nationale à la date à laquelle elle statue, dans les conditions prévues par son droit national.

Sur les dépens

66

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

 

1)

Le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une mesure nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose un prix minimum par unité d’alcool pour la vente au détail des vins, à condition que cette mesure soit effectivement propre à garantir l’objectif de protection de la santé et de la vie des personnes et que, en tenant compte des objectifs de la politique agricole commune ainsi que du bon fonctionnement de l’organisation commune des marchés agricoles, elle n’aille pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif de protection de la santé et de la vie des personnes.

 

2)

Les articles 34 TFUE et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre, afin de poursuivre l’objectif de protection de la santé et de la vie des personnes au moyen de l’augmentation du prix de la consommation d’alcool, opte pour une réglementation, telle que celle en cause au principal, qui impose un prix minimum par unité d’alcool pour la vente au détail des boissons alcoolisées et écarte une mesure, telle que l’augmentation des droits d’accise, qui peut être moins restrictive des échanges et de la concurrence à l’intérieur de l’Union européenne. Il revient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est bien le cas au regard d’une analyse circonstanciée de tous les éléments pertinents de l’affaire dont elle est saisie. La seule circonstance que cette dernière mesure est susceptible d’apporter des avantages supplémentaires et de satisfaire plus largement à l’objectif de lutte contre l’abus d’alcool ne saurait justifier qu’elle soit écartée.

 

3)

L’article 36 TFUE doit être interprété en ce sens que, lorsqu’elle examine une réglementation nationale au regard de la justification relative à la protection de la santé et de la vie des personnes, au sens de cet article, une juridiction nationale est tenue d’examiner de manière objective si les éléments de preuve fournis par l’État membre concerné permettent raisonnablement d’estimer que les moyens choisis sont aptes à réaliser les objectifs poursuivis ainsi que la possibilité d’atteindre ces derniers par des mesures moins restrictives de la libre circulation des marchandises et de l’organisation commune des marchés agricoles.

 

4)

L’article 36 TFUE doit être interprété en ce sens que le contrôle de proportionnalité d’une mesure nationale, telle que celle en cause au principal, n’est pas limité aux seules informations, preuves ou autres pièces dont disposait le législateur national lorsqu’il a adopté une telle mesure. Dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, le contrôle de la conformité de ladite mesure au droit de l’Union doit s’effectuer sur la base des informations, des preuves ou d’autres pièces dont dispose la juridiction nationale à la date à laquelle elle statue, dans les conditions prévues par son droit national.

 

Signatures


( * )   Langue de procédure: l’anglais.

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