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Document 62008CJ0205
Judgment of the Court (Second Chamber) of 10 December 2009.#Umweltanwalt von Kärnten v Kärntner Landesregierung.#Reference for a preliminary ruling: Umweltsenat - Austria.#Reference for a preliminary hearing - Article 234 EC - Concept of ‘national court or tribunal’ - Admissibility - Directive 85/337/EEC - Environmental impact assessment - Construction of overhead electrical power lines - Length of more than 15 km - Transboundary constructions - Transboundary power line - Total length exceeding the threshold - Line mainly situated in the territory of a neighbouring Member State - Length of national section below the threshold.#Case C-205/08.
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 10 décembre 2009.
Umweltanwalt von Kärnten contre Kärntner Landesregierung.
Demande de décision préjudicielle: Umweltsenat - Autriche.
Renvoi préjudiciel - Article 234 CE - Notion de 'juridiction nationale' - Recevabilité - Directive 85/337/CEE - Évaluation des incidences sur l’environnement - Constructions de lignes aériennes de transport d’énergie électrique - Longueur supérieure à 15 km - Constructions transfrontalières - Ligne transfrontalière - Longueur totale supérieure au seuil - Ligne essentiellement située sur le territoire de l’État membre voisin - Longueur du tronçon national inférieure au seuil.
Affaire C-205/08.
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 10 décembre 2009.
Umweltanwalt von Kärnten contre Kärntner Landesregierung.
Demande de décision préjudicielle: Umweltsenat - Autriche.
Renvoi préjudiciel - Article 234 CE - Notion de 'juridiction nationale' - Recevabilité - Directive 85/337/CEE - Évaluation des incidences sur l’environnement - Constructions de lignes aériennes de transport d’énergie électrique - Longueur supérieure à 15 km - Constructions transfrontalières - Ligne transfrontalière - Longueur totale supérieure au seuil - Ligne essentiellement située sur le territoire de l’État membre voisin - Longueur du tronçon national inférieure au seuil.
Affaire C-205/08.
Recueil de jurisprudence 2009 I-11525
Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2009:767
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
10 décembre 2009 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Article 234 CE — Notion de ‘juridiction nationale’ — Recevabilité — Directive 85/337/CEE — Évaluation des incidences sur l’environnement — Constructions de lignes aériennes de transport d’énergie électrique — Longueur supérieure à 15 km — Constructions transfrontalières — Ligne transfrontalière — Longueur totale supérieure au seuil — Ligne essentiellement située sur le territoire de l’État membre voisin — Longueur du tronçon national inférieure au seuil»
Dans l’affaire C-205/08,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Umweltsenat (Autriche), par décision du 2 avril 2008, parvenue à la Cour le 15 mai 2008, dans la procédure
Umweltanwalt von Kärnten
contre
Kärntner Landesregierung,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. J.-C. Bonichot, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la deuxième chambre, MM. C. W. A. Timmermans, K. Schiemann, P. Kūris (rapporteur) et L. Bay Larsen, juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
— |
pour l’Umweltanwalt von Kärnten, par M. U. Scheuch, Landesrat, |
— |
pour Alpe Adria Energia SpA, par Me M. Mendel, Rechtsanwalt, |
— |
pour la Commission des Communautés européennes, par M. J.-B. Laignelot et Mme B. Kotschy, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 juin 2009,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003 (JO L 156, p. 17, ci-après la «directive 85/337»). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours opposant l’Umweltanwalt von Kärnten (ci-après l’«Umweltanwalt») au Kärntner Landesregierung au sujet d’une décision que celui-ci a arrêtée le 11 octobre 2007 (ci-après la «décision litigieuse») à l’égard de la société Alpe Adria Energia SpA (ci-après «Alpe Adria»). |
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 |
La directive 85/337 a pour objet, conformément à son premier considérant, de prévenir les pollutions et toutes autres atteintes à l’environnement en soumettant certains projets publics et privés à une évaluation préalable de leurs incidences sur l’environnement. |
4 |
Ainsi qu’il ressort de son cinquième considérant, ladite directive introduit à cet effet des principes généraux d’évaluation des incidences sur l’environnement en vue de compléter et de coordonner les procédures d’autorisation des projets publics et privés susceptibles d’avoir un impact important sur l’environnement. |
5 |
Aux termes des huitième et onzième considérants de la directive 85/337, les projets appartenant à certaines classes ont des incidences notables sur l’environnement et doivent en principe être soumis à une évaluation systématique pour tenir compte des préoccupations visant à protéger la santé humaine, à contribuer par un meilleur environnement à la qualité de la vie, à veiller au maintien des diversités des espèces et à conserver la capacité de reproduction de l’écosystème en tant que ressource fondamentale de la vie. |
6 |
L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 85/337 prévoit: «La présente directive concerne l’évaluation des incidences sur l’environnement des projets publics et privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.» |
7 |
L’article 2, paragraphe 1, de cette directive est libellé comme suit: «Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4.» |
8 |
L’article 4, paragraphe 1, de ladite directive dispose: «[…] les projets énumérés à l’annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10.» |
9 |
L’article 7, paragraphe 1, de la directive 85/337 prévoit: «Lorsqu’un État membre constate qu’un projet est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement d’un autre État membre ou lorsqu’un État membre susceptible d’être affecté notablement le demande, l’État membre sur le territoire duquel il est envisagé de réaliser le projet transmet à l’État membre affecté, le plus rapidement possible, et au plus tard au moment où il informe son propre public, notamment:
et il donne à l’autre État membre un délai raisonnable pour indiquer s’il souhaite participer aux procédures décisionnelles en matière d’environnement visé à l’article 2, paragraphe 2, et il peut inclure les informations visées au paragraphe 2 du présent article.» |
10 |
L’annexe I de cette directive mentionne, à son point 20, la «[c]onstruction de lignes aériennes de transport d’énergie électrique d’une tension de 220 kV ou plus et d’une longueur de plus de 15 kilomètres». |
La réglementation nationale
11 |
L’article 11, paragraphe 7, de la loi constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgesetz, ci-après le «BVG») prévoit que la décision relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement pour les projets laissant prévoir des répercussions notables sur l’environnement, après épuisement des voies de recours dans le cadre du pouvoir exécutif du Land, incombe à l’Umweltsenat. |
12 |
Aux termes dudit article, l’Umweltsenat est un organe indépendant qui se compose d’un président, de juges et d’autres membres experts en droit et est institué près du ministère fédéral compétent. L’institution, les tâches et la procédure de l’Umweltsenat font l’objet d’une loi fédérale. Ses décisions ne sont pas susceptibles d’être annulées ou révisées par la voie hiérarchique et un recours peut être introduit devant le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative suprême). |
13 |
L’article 20, paragraphe 2, du BVG est libellé comme suit: «Si une loi fédérale ou d’un Land a institué une autorité collégiale appelée à statuer en dernière instance, dont les décisions ne sont pas soumises à annulation ou à modification par voie administrative et à laquelle appartient au moins un juge, les autres membres de cette autorité collégiale ne sont pas non plus soumis à des instructions dans l’exercice de leurs fonctions.» |
14 |
À la règle attribuant au Verwaltungsgerichtshof compétence pour connaître de manière générale des recours contre les décisions des différentes administrations publiques, l’article 133, paragraphe 4, du BVG énonce une exception qui vise le cas où, dans un domaine déterminé, cette compétence a été conférée à une autorité indépendante. L’Umweltsenat est l’une de ces autorités. |
15 |
L’article 1er de la loi fédérale de 2000 relative à l’Umweltsenat (Umweltsenatsgesetz 2000, ci-après l’«USG 2000») prévoit: «(1) Il est institué un Umweltsenat auprès du ministère fédéral de l’Agriculture et des Forêts, de l’Environnement et de la Gestion de l’eau. (2) L’Umweltsenat est composé de 10 juges et de 32 autres membres experts en droit. […]» |
16 |
L’article 2 de l’USG 2000 prévoit que le président fédéral nomme les membres sur proposition du gouvernement fédéral pour une durée de six ans, susceptible de reconduction. Par ailleurs, le gouvernement fédéral est lié par certaines propositions de nomination. |
17 |
Aux termes de l’article 4 de l’USG 2000: «Les membres de l’Umweltsenat exercent leurs fonctions de manière indépendante et ne sont liés par aucune instruction.» |
18 |
L’article 5 de l’USG 2000 dispose: «L’Umweltsenat statue sur des recours portant sur des matières relevant des première et deuxième sections de la loi [de 2000] sur l’évaluation des incidences sur l’environnement [(Umweltverträglichkeitsprüfungsgesetz 2000), (BGBl. 697/1993, modifié en dernier lieu par le BGBl. I, 149/2006, ci-après l’‘UVP-G 2000’)] […]» |
19 |
L’article 6 de l’USG 2000 énonce: «Les décisions de l’Umweltsenat ne sont pas susceptibles d’être annulées ou révisées par la voie administrative. Un recours devant le Verwaltungsgerichtshof est ouvert.» |
20 |
Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, de l’UVP-G 2000, loi transposant la directive 85/337 en droit autrichien, un «projet» est défini comme «la réalisation d’une installation ou toute autre intervention dans le milieu naturel et le paysage, y compris toute mesure ayant un rapport spatial ou matériel avec une telle intervention». |
21 |
L’article 3, paragraphe 1, de l’UVP-G 2000 prévoit: «Les projets […] énumérés à l’annexe I […] doivent être soumis, dans le cadre des dispositions ci-après, à une évaluation des incidences sur l’environnement. En ce qui concerne les projets énumérés dans les colonnes 2 et 3 de l’annexe I, la procédure simplifiée s’applique […]» |
22 |
L’article 3, paragraphe 7, de l’UVP-G 2000 dispose: «L’autorité doit constater, sur demande du candidat/de la candidate pour le projet, d’une autorité avec laquelle elle collabore ou du médiateur pour l’environnement [l’Umweltanwalt], si pour un projet donné une étude d’impact sur l’environnement doit être effectuée en vertu de la présente loi fédérale et quel objectif de l’annexe I ou de l’article 3a, paragraphes 1 à 3, est réalisé par le projet. Cette constatation peut être également effectuée d’office. La décision doit être adoptée par notification dans un délai de six semaines, en première comme en deuxième instance. Le candidat/la candidate pour le projet, l’autorité coopérante, le médiateur pour l’environnement [l’Umweltanwalt] et la commune concernée ont la qualité de partie. L’organisme de planification hydraulique doit être entendu avant l’adoption de la décision. Le contenu essentiel des décisions ainsi que les motifs essentiels doivent être divulgués par l’autorité d’une manière adéquate ou ouverts à la consultation du public. La commune concernée peut former un recours contre la décision auprès du Verwaltungsgerichtshof. Le médiateur pour l’environnement [l’Umweltanwalt] et l’autorité coopérante sont libérés de l’obligation de remboursement des débours.» |
23 |
L’annexe I de l’UVP-G 2000 comprend les projets obligatoirement soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement conformément à son article 3. Ceux-ci sont divisés en trois groupes (colonnes). Les projets des deux premiers groupes (colonnes) doivent en tout état de cause être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, lorsque les seuils fixés sont atteints et que les critères prévus sont remplis. Les projets du troisième groupe (colonne) doivent être examinés au cas par cas, dès lors que le seuil minimum indiqué est atteint. |
24 |
L’annexe I, point 16, sous a), de l’UVP-G 2000 indique, dans la colonne 1, les «lignes aériennes de transport d’énergie électrique d’une tension d’au moins 220 kV et d’une longueur d’au moins 15 km». |
25 |
L’annexe I, point 16, sous b), de l’UVP-G 2000 mentionne, dans la colonne 3, les «lignes aériennes de transport d’énergie dans des régions à protéger relevant des catégories A [zone spéciale de conservation] ou B [région alpine] d’une tension d’au moins 110 kV et d’une longueur d’au moins 20 km». |
Le litige au principal et la question préjudicielle
26 |
Il ressort de la décision de renvoi que Alpe Adria est une entreprise italienne qui souhaite construire une ligne de transport d’énergie électrique de 220 kV et d’une puissance nominale de 300 MVA afin de relier le réseau de l’entreprise italienne Rete Elettrica Nazionale SpA à celui de l’entreprise autrichienne VERBUND-Austrian Power Grid AG. |
27 |
À cette fin, par lettre du 12 juillet 2007, Alpe Adria a demandé au Kärntner Landesregierung qu’il prenne, sur le fondement de l’article 3, paragraphe 7, de l’UVP-G 2000, une décision de constatation portant sur la construction et l’exploitation de ce projet. Sur le territoire autrichien, le projet comprend une ligne aérienne d’une longueur d’environ 7,4 km avec une station de commutation à construire à Weidenburg allant jusqu’à la frontière en passant par la vallée de Kronhof et le Kronhofer Törl. Sur le territoire italien, la longueur de la ligne projetée est d’environ 41 km. |
28 |
Le Kärntner Landesregierung a constaté, dans la décision litigieuse, qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement dudit projet, dans la mesure où celui-ci n’atteignait pas, dans sa partie autrichienne, le seuil de 15 km prévu par l’UVP-G 2000. |
29 |
Il a ajouté que si, en vertu de l’article 7 de la directive 85/337, un projet était susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement d’un autre État membre, les États membres sur le territoire desquels le projet est envisagé seraient tenus de faire participer cet autre État membre à la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement. Toutefois, cet article ne viserait que les projets entièrement situés sur le territoire d’un État membre et non les projets transfrontaliers. |
30 |
Partant, en l’absence de disposition spécifique concernant les projets transfrontaliers dans la directive 85/337, chaque État membre devrait apprécier, en se référant à son seul droit national, si un projet relève de l’annexe I de cette directive. |
31 |
Le Kärntner Landesregierung a ensuite indiqué que l’UVP-G 2000 ne contient, pour sa part, aucune disposition en vertu de laquelle, en présence de lignes de transport d’énergie transfrontalières ou de tout projet de ligne, il y aurait lieu de prendre en considération la totalité de l’installation. |
32 |
Le 18 décembre 2007, l’Umweltanwalt a introduit auprès de l’Umweltsenat un recours en annulation dirigé contre la décision litigieuse. |
33 |
C’est dans ce contexte que l’Umweltsenat a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante: «La directive 85/337 […] doit-elle être interprétée en ce sens qu’un État membre est tenu de prévoir un contrôle obligatoire des types de projets énumérés à l’annexe I de [ladite] directive, à savoir au point 20 (‘Construction de lignes aériennes de transport d’énergie électrique d’une tension de 220 kV ou plus et d’une longueur de plus de 15 kilomètres’), également en ce qui concerne une installation projetée sur le territoire de deux ou de plusieurs États membres alors que le seuil déclenchant le contrôle obligatoire (en l’occurrence la longueur de plus de 15 kilomètres) n’est certes pas atteint par la partie de l’installation se trouvant sur son territoire, mais que, en revanche, ce seuil est atteint, voire dépassé, s’il est tenu compte de la partie de l’installation projetée située sur le territoire de l’État membre voisin ou des États membres voisins?» |
Sur la recevabilité de la question préjudicielle
Sur la qualité de juridiction de l’Umweltsenat
34 |
À titre liminaire, il convient de se demander si l’Umweltsenat est une juridiction au sens de l’article 234 CE et, partant, si la question préjudicielle est recevable. |
35 |
Selon une jurisprudence constante, pour apprécier si l’organisme de renvoi possède le caractère d’une juridiction au sens de l’article 234 CE, question qui relève uniquement du droit communautaire, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit, ainsi que son indépendance (voir arrêts du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels, 61/65, Rec. p. 377, 395, et du 18 octobre 2007, Österreichischer Rundfunk, C-195/06, Rec. p. I-8817, point 19 ainsi que jurisprudence citée). |
36 |
À cet égard, il convient de relever, d’une part, que les dispositions des articles 11, paragraphe 7, 20, paragraphe 2, et 133, paragraphe 4, du BVG, ainsi que les dispositions des articles 1, 2, 4 et 5 de l’USG 2000, font apparaître, de manière non contestable, que l’Umweltsenat répond aux critères relatifs à l’origine légale, au caractère obligatoire et permanent de l’organisme, à l’application des règles de droit et à l’indépendance d’un tel organe. |
37 |
Il y a également lieu de souligner, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 58 et 59 de ses conclusions, que la procédure devant l’Umweltsenat garantit que tous ceux qui ont participé au dossier administratif ainsi que les institutions mentionnées dans l’UVP-G 2000 peuvent former des recours. La tenue d’une audience est prévue d’office ou à la demande des parties et tout intéressé peut être représenté par un avocat. Les décisions de l’Umweltsenat ont force de chose jugée, doivent être motivées et sont rendues en audience publique. |
38 |
D’autre part, il convient de constater que les dispositions de l’USG 2000 et de l’UVP-G 2000, lues en combinaison avec celles de l’article 133, paragraphe 4, du BVG, garantissent la nature contradictoire de la procédure devant l’Umweltsenat qui statue en appliquant les règles générales de la loi relative à la procédure administrative (Verwaltungsverfahrensgesetz). |
39 |
Il résulte de ce qui précède que l’Umweltsenat doit être considéré comme une juridiction au sens de l’article 234 CE, de sorte que sa question préjudicielle est recevable. |
Sur l’objet de la question préjudicielle
40 |
Alpe Adria soutient que les questions de droit communautaire soulevées n’ont concrètement dans la présente affaire qu’une signification hypothétique. En effet, elles ne répondent pas à un besoin objectif pour la solution du litige au principal et sont sans rapport avec les questions que doit trancher la juridiction de renvoi. |
41 |
À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (voir arrêt du 5 mars 2009, Apis-Hristovich, C-545/07, Rec. p. I-1627, point 28 et jurisprudence citée). |
42 |
En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir arrêt Apis-Hristovich, précité, point 29 et jurisprudence citée). |
43 |
Or, en l’espèce, la Cour est appelée à fournir à la juridiction de renvoi des éléments d’interprétation de la directive 85/337 afin de lui permettre d’apprécier si, en vertu du droit communautaire, le projet en cause relève des obligations procédurales prévues par cette directive, quand bien même le droit national ne comporterait pas de telles obligations procédurales pour ce même projet. |
44 |
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la demande de décision préjudicielle est recevable. |
Sur le fond
45 |
Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, de la directive 85/337 doivent être interprétés en ce sens qu’un projet visé au point 20 de l’annexe I de cette directive, tel que la construction de lignes aériennes de transport d’énergie électrique d’une tension de 220 kV ou plus et d’une longueur de plus de 15 km, doit être soumis par les autorités compétentes d’un État membre à la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement alors même que ce projet est transfrontalier et que seule une longueur inférieure à 15 km est située sur le territoire de cet État membre. |
46 |
À titre liminaire, il y a lieu de relever qu’un projet qui concerne la construction d’une ligne de transport d’énergie électrique de 220 kV, d’une puissance nominale de 300 MVA et d’une longueur de 48,4 km est au nombre de ceux que vise le point20 de l’annexe I de la directive 85/337 et qui doivent, en conséquence, être obligatoirement soumis à une évaluation de leur incidence sur l’environnement, en application des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, de cette directive. |
47 |
Il convient par suite de vérifier, pour répondre à la question posée par la juridiction de renvoi, si ladite directive doit être interprétée en ce sens que cette obligation s’applique également au cas d’un projet transfrontalier tel que celui en cause dans l’affaire au principal. |
48 |
Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les termes d’une disposition du droit communautaire qui ne contient aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent trouver, dans toute la Communauté européenne, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir arrêts du 19 septembre 2000, Linster, C-287/98, Rec. p. I-6917, point 43, et du 4 mai 2006, Barker, C-290/03, Rec. p. I-3949, point 40). |
49 |
À cet égard, l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 prévoit une obligation pour les États membres de soumettre à l’évaluation les projets qui, notamment, en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. |
50 |
La Cour a déjà constaté que, en matière d’obligation d’évaluation des incidences sur l’environnement, la directive 85/337 a un champ d’application étendu et un objectif large (voir arrêt du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C-72/95, Rec. p. I-5403, points 31 et 39). |
51 |
Il convient de souligner également que la directive 85/337 s’attache à une appréciation globale des incidences des projets sur l’environnement (arrêt du 25 juillet 2008, Ecologistas en Acción-CODA, C-142/07, Rec. p. I-6097, point 39 et jurisprudence citée) indépendamment du fait qu’il s’agisse éventuellement d’un projet transfrontalier. |
52 |
De plus, les États membres doivent donner à la directive 85/337 une exécution qui corresponde pleinement aux exigences qu’elle pose compte tenu de son objectif essentiel qui est, ainsi que cela résulte de son article 2, paragraphe 1, que, avant l’octroi d’une autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences (voir, en ce sens, arrêt Ecologistas en Acción-CODA, précité, point 33). |
53 |
Par ailleurs, la Cour a jugé que l’objectif de la directive 85/337 ne saurait être détourné par le fractionnement d’un projet et que l’absence de prise en considération de l’effet cumulatif de plusieurs projets ne doit pas avoir pour résultat pratique de les soustraire dans leur totalité à l’obligation d’évaluation alors que, pris ensemble, ils sont susceptibles d’avoir des «incidences notables sur l’environnement» au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 (voir, en ce sens, arrêt Ecologistas en Acción-CODA, précité, point 44). |
54 |
Il s’ensuit que des projets visés à l’annexe I de la directive 85/337 qui s’étendent sur le territoire de plusieurs États membres ne peuvent être soustraits à l’application de cette directive au seul motif que cette dernière ne contient pas de disposition expresse les concernant. |
55 |
Une telle exemption porterait sérieusement atteinte à l’objectif poursuivi par la directive 85/337. Son effet utile serait en effet gravement compromis si les autorités compétentes d’un État membre pouvaient, pour se prononcer sur la question de savoir si un projet est soumis à l’obligation d’évaluation de son incidence sur l’environnement, ignorer la partie du projet à réaliser dans l’autre État membre (voir, par analogie, arrêt du 16 septembre 2004, Commission/Espagne, C-227/01, Rec. p. I-8253, point 53). |
56 |
Cette constatation est renforcée, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 81 de ses conclusions, par les termes de l’article 7 de la directive 85/337 qui prévoient la coopération interétatique lorsqu’un projet est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement dans un autre État membre. |
57 |
S’agissant de la circonstance que le tronçon situé en Autriche est d’une longueur inférieure à 15 km, il convient de préciser qu’elle ne saurait par elle-même faire échapper ce projet à la procédure d’évaluation prévue par la directive 85/337. L’État membre concerné devra procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement d’un tel projet sur son propre territoire en prenant en considération des effets concrets dudit projet. |
58 |
Eu égard à ce qui précède, les articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, de la directive 85/337 doivent être interprétés en ce sens qu’un projet visé au point 20 de l’annexe I de ladite directive, tel que la construction de lignes aériennes de transport d’énergie électrique d’une tension de 220 kV ou plus et d’une longueur de plus de 15 km, doit être soumis par les autorités compétentes d’un État membre à la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement alors même que ce projet est transfrontalier et que seule une longueur inférieure à 15 km est située sur le territoire de cet État membre. |
Sur les dépens
59 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit: |
Les articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, doivent être interprétés en ce sens qu’un projet visé au point 20 de l’annexe I de ladite directive, tel que la construction de lignes aériennes de transport d’énergie électrique d’une tension de 220 kV ou plus et d’une longueur de plus de 15 km, doit être soumis par les autorités compétentes d’un État membre à la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement alors même que ce projet est transfrontalier et que seule une longueur inférieure à 15 km est située sur le territoire de cet État membre. |
Signatures |
( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.