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Document 62002CJ0138

Arrêt de la Cour (assemblée plénière) du 23 mars 2004.
Brian Francis Collins contre Secretary of State for Work and Pensions.
Demande de décision préjudicielle: Social Security Commissioner - Royaume-Uni.
Libre circulation des personnes - Article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) - Notion de 'travailleur' - Allocation de sécurité sociale versée aux demandeurs d'emploi - Condition de résidence - Citoyenneté de l'Union européenne.
Affaire C-138/02.

Recueil de jurisprudence 2004 I-02703

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2004:172

Arrêt de la Cour

Affaire C-138/02


Brian Francis Collins
contre
Secretary of State for Work and Pensions



(demande de décision préjudicielle, formée par le Social Security Commissioner)

«Libre circulation des personnes – Article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) – Notion de 'travailleur' – Allocation de sécurité sociale versée aux demandeurs d'emploi – Condition de résidence – Citoyenneté de l'Union européenne»

Conclusions de l'avocat général M. D. Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 10 juillet 2003
    
Arrêt de la Cour (assemblée plénière) du 23 mars 2004
    

Sommaire de l'arrêt

1.
Libre circulation des personnes – Travailleur – Notion – Ressortissant d'un État membre à la recherche d'un emploi salarié sur le territoire d'un autre État membre après y avoir travaillé 17 ans auparavant – Exclusion de la notion de travailleur au sens du titre II de la première partie du règlement nº 1612/68

(Règlement du Conseil nº 1612/68)

2.
Libre circulation des personnes – Droit d'entrée et de séjour des ressortissants des États membres – Ressortissant d'un État membre à la recherche d'un emploi salarié sur le territoire d'un autre État membre après y avoir travaillé 17 ans auparavant – Droit de séjour sur le seul fondement de la directive 68/360 – Exclusion

(Directive du Conseil 68/360, art. 4 et 8)

3.
Libre circulation des personnes – Travailleurs – Égalité de traitement – Citoyenneté européenne – Allocation de recherche d'emploi – Condition de résidence – Admissibilité – Conditions

(Traité CE, art. 6, 8 et 48, § 2 (devenus, après modification, art. 12 CE, 17 CE et 39, § 2, CE))

1.
Un ressortissant d’un État membre qui entre sur le territoire d’un autre État membre, dans lequel il a travaillé dix-sept ans auparavant, dans l’intention d’y chercher un emploi salarié, et qui sollicite une allocation de recherche d’emploi, n’est pas un travailleur au sens du titre II de la première partie du règlement nº 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement nº 2434/92.
En effet, dans ce titre du règlement nº 1612/68, le terme «travailleur» vise uniquement les personnes qui ont déjà accédé au marché du travail et qui peuvent dès lors prétendre, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement, aux mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.
Or, faute d’un rattachement suffisamment étroit avec le marché du travail dans l’État d’accueil, la situation de cette personne doit être comparée à celle de tout ressortissant d’un État membre qui cherche un premier emploi dans un autre État membre sans y avoir encore établi un rapport de travail, et qui ne bénéficie du principe d’égalité de traitement que pour l’accès à l’emploi.
S’agissant d’une réglementation nationale subordonnant l’octroi d’une telle allocation à la qualité de travailleur au sens du règlement nº 1612/68, il appartient toutefois à la juridiction nationale de vérifier si la notion de «travailleur» ainsi visée doit être comprise dans le sens dudit titre II.

(cf. points 29-33, disp. 1)

2.
Un ressortissant d’un État membre qui entre sur le territoire d’un autre État membre, dans lequel il a travaillé dix-sept ans auparavant, dans l’intention d’y chercher un emploi salarié, ne possède pas un droit de séjour dans l’État d’accueil sur le seul fondement de la directive 68/360, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté.
En effet, la reconnaissance du droit de séjour dans un État membre visé aux articles 4 et 8 de la directive 68/360 est réservée aux ressortissants d’un État membre qui occupent déjà un emploi dans le premier État membre, à l’exclusion des demandeurs d’emploi, qui ne peuvent se prévaloir que des seules dispositions de cette directive concernant leur déplacement à l’intérieur de la Communauté.

(cf. points 43-44, disp. 2)

3.
Le droit à l’égalité de traitement prévu à l’article 48, paragraphe 2, du traité (devenu, après modification, article 39, paragraphe 2, CE), lu en combinaison avec les articles 6 et 8 du traité (devenus, après modification, articles 12 CE et 17 CE), ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui subordonne le bénéfice d’une allocation de recherche d’emploi à une condition de résidence, pour autant que cette condition peut être justifiée sur le fondement de considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national.

(cf. point 73, disp. 3)




ARRÊT DE LA COUR (assemblée plénière)
23 mars 2004(1)


«Libre circulation des personnes – Article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) – Notion de ‘travailleur’ – Allocation de sécurité sociale versée aux demandeurs d'emploi – Condition de résidence – Citoyenneté de l'Union européenne»

Dans l'affaire C-138/02,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Social Security Commissioner (Royaume-Uni) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Brian Francis Collins

et

Secretary of State for Work and Pensions,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2434/92 du Conseil, du 27 juillet 1992 (JO L 245, p. 1), et de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 13),

LA COUR (assemblée plénière),,



composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, C. Gulmann, J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur) et A. Rosas, présidents de chambre, MM. A. La Pergola, J.-P. Puissochet et R. Schintgen, Mme N. Colneric et M. S. von Bahr, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

pour M. Collins, par M. R. Drabble, QC, mandaté par M. P. Eden, solicitor,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, assisté par Mme E. Sharpston, QC,

pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing, en qualité d'agent,

pour la Commission des Communautés européennes, par Mme N. Yerrell et M. D. Martin, en qualité d'agents,

ayant entendu les observations orales de M. Collins, représenté par M. R. Drabble, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par Mme R. Caudwell, en qualité d'agent, assistée de Mme E. Sharpston, et de la Commission, représentée par Mme N. Yerrell et M. D. Martin, à l'audience du 17 juin 2003,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 2003,

rend le présent



Arrêt



1
Par ordonnance du 28 mars 2002, parvenue à la Cour le 12 avril suivant, le Social Security Commissioner a posé, en application de l’article 234 CE, trois questions préjudicielles relatives à l’interprétation du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2434/92 du Conseil, du 27 juillet 1992 (JO L 245, p. 1, ci-après le «règlement n° 1612/68»), et de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 13).

2
Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige opposant M. Collins au Secretary of State for Work and Pensions au sujet du refus de ce dernier de lui octroyer l’allocation de recherche d’emploi prévue par la législation du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.


Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3
L’article 6, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 12, premier alinéa, CE) dispose:

«Dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.»

4
L’article 8 du traité CE (devenu, après modification, article 17 CE) énonce:

«1.     Il est institué une citoyenneté de l’Union.

Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre.

2.       Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité.»

5
L’article 8 A, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 18, paragraphe 1, CE) prévoit que tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par ledit traité et par les dispositions prises pour son application.

6
Aux termes de l’article 48, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 39, paragraphe 2, CE), la libre circulation des travailleurs implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

7
Conformément à l’article 48, paragraphe 3, du traité, la libre circulation des travailleurs «comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique:

a)
de répondre à des emplois effectivement offerts,

b)
de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres,

[…]»

8
L’article 2 du règlement nº 1612/68 énonce:

«Tout ressortissant d’un État membre et tout employeur exerçant une activité sur le territoire d’un État membre peuvent échanger leurs demandes et offres d’emplois, conclure des contrats de travail et les mettre à exécution, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives en vigueur, sans qu’il puisse en résulter de discrimination.»

9
Aux termes de l’article 5 du règlement n° 1612/68, «[L]e ressortissant d’un État membre, qui recherche un emploi sur le territoire d’un autre État membre, y reçoit la même assistance que celle que les bureaux de main-d’œuvre ce cet État accordent à leurs propres ressortissants à la recherche d’un emploi».

10
Selon l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, le travailleur ressortissant d’un État membre bénéficie, sur le territoire des autres États membres, des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

11
L’article 1er de la directive 68/360 dispose:

«Les États membres suppriment, dans les conditions prévues à la présente directive, les restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants desdits États et des membres de leur famille auxquels s’applique le règlement (CEE) nº 1612/68.»

12
L’article 4, paragraphe 1, de la directive 68/360 prévoit que les États membres reconnaissent le droit de séjour sur leur territoire aux personnes visées à l’article 1er de cette directive qui sont en mesure de présenter les documents énumérés au paragraphe 3 dudit article 4.

13
Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, premier tiret, de la même directive, ces documents sont, pour le travailleur:

«a)
le document sous le couvert duquel il a pénétré sur leur territoire;

b)
une déclaration d’engagement de l’employeur ou une attestation de travail».

14
Conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 68/360, les États membres reconnaissent le droit de séjour sur leur territoire, sans qu’il soit délivré de carte de séjour, aux travailleurs qui exercent une activité salariée d’une durée prévue ne dépassant pas trois mois, aux travailleurs transfrontaliers et aux travailleurs saisonniers.

La réglementation nationale

15
L’allocation de recherche d’emploi est une prestation de sécurité sociale prévue par la Jobseekers Act 1995 (loi de 1995 relative aux demandeurs d’emploi, ci‑après la «loi de 1995») qui, à son article 1er, paragraphe 2, sous i), exige que le demandeur soit présent en Grande-Bretagne.

16
Une réglementation adoptée en exécution de la loi de 1995, à savoir les Jobseeker’s Allowance Regulations 1996 (ci-après la «réglementation de 1996»), précise les conditions à remplir pour obtenir le bénéfice de l’allocation de recherche d’emploi et les montants qui peuvent être réclamés par les diverses catégories de demandeurs. S’agissant de la catégorie des «personnes de l’étranger», qui sont sans charges de famille, l’annexe 5, paragraphe 14, sous a), de la réglementation de 1996 prévoit un montant égal à zéro.

17
Aux termes de l’article 85, paragraphe 4, de la réglementation de 1996, les termes «personne de l’étranger» sont définis de la manière suivante:

«[…] un demandeur qui ne réside pas habituellement au Royaume-Uni, en République d’Irlande, dans les îles anglo-normandes ou sur l’île de Man, mais, à cet effet, aucun demandeur ne sera traité comme ne résidant pas habituellement au Royaume-Uni s’il est:

a)
un travailleur au sens du règlement (CEE) nº 1612/68 du Conseil ou du règlement (CEE) nº 1251/70 du Conseil ou une personne ayant le droit de résider au Royaume-Uni conformément à la directive 68/360/CEE du Conseil ou à la directive 73/148/CEE du Conseil;

[…]»


Le litige au principal et les questions préjudicielles

18
M. Collins est né aux États-Unis et possède la double nationalité américaine et irlandaise. Dans le cadre de ses études universitaires, il a séjourné durant un semestre au Royaume-Uni en 1978. En 1980 et en 1981, il y est retourné pour un séjour d’environ dix mois, pendant lequel il a travaillé à temps partiel et occasionnellement dans des bars et dans le secteur de la vente. Il a regagné les États-Unis en 1981. Par la suite, il a travaillé soit aux États-Unis, soit en Afrique.

19
M. Collins est revenu au Royaume-Uni le 31 mai 1998, afin d’y trouver un emploi dans le secteur des services sociaux. Le 8 juin 1998, il a introduit une demande d’allocation de recherche d’emploi qui lui a été refusée, par décision de l’Adjudication Officer du 1er juillet 1998, au motif qu’il ne résidait pas habituellement dans cet État membre. M. Collins a saisi le Social Security Appeal Tribunal (Royaume-Uni) qui a confirmé la décision de refus, en faisant valoir qu’il ne pouvait pas être considéré comme résidant habituellement au Royaume‑Uni parce que, d’une part, cette résidence n’était pas d’une durée appréciable et, d’autre part, il n’était pas un travailleur aux fins du règlement nº 1612/68 et ne possédait pas non plus le droit de résider dans ledit État au sens de la directive 68/360.

20
M. Collins a alors saisi le Social Security Commissioner qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)
Une personne se trouvant dans la situation de l’appelant dans la présente affaire est-elle un travailleur aux fins du règlement (CEE) nº 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968?

2)
En cas de réponse négative à la [première] question […], une personne se trouvant dans la situation de l’appelant dans la présente affaire possède-t-elle un droit de résidence au Royaume-Uni au sens de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968?

3)
En cas de réponse négative aux [deux premières] questions […], existe-t-il une disposition ou un principe de droit communautaire exigeant le versement d’une prestation de sécurité sociale soumise aux mêmes conditions d’ouverture que celles qui s’appliquent à l’allocation de recherche d’emploi fondée sur le revenu à une personne se trouvant dans la situation de l’appelant dans la présente affaire?»


Sur la première question

Observations soumises à la Cour

21
M. Collins soutient que, dans l’état actuel du droit communautaire, sa situation au Royaume-Uni, en tant que personne à la recherche réelle d’un emploi, lui donne le statut de «travailleur» aux fins de l’application du règlement nº 1612/68 et le fait relever du champ d’application de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement. En effet, au point 32 de son arrêt du 12 mai 1998, Martínez Sala (C-85/96, Rec. p. I‑2691), la Cour aurait délibérément énoncé la règle selon laquelle les demandeurs d’emploi doivent être considérés comme des travailleurs, au sens dudit règlement, si la juridiction nationale est convaincue que la personne en cause a réellement cherché un emploi en temps utile.

22
En revanche, les gouvernements du Royaume-Uni et allemand, ainsi que la Commission des Communautés européennes, estiment qu’une personne se trouvant dans la situation de M. Collins n’est pas un travailleur aux fins du règlement nº 1612/68.

23
Le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission soutiennent que M. Collins ne peut pas prétendre être un «ancien» travailleur migrant qui désire simplement bénéficier d’une prestation en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 1612/68, puisqu’il n’existe aucun rapport entre le travail qu’il a effectué au cours des années 1980 et 1981 et le type de travail que, selon lui, il recherchait en 1998.

24
Or, dans son arrêt du 18 juin 1987, Lebon (316/85, Rec. p. 2811), la Cour aurait jugé, d’une part, que l’égalité de traitement en ce qui concerne les avantages sociaux et fiscaux, établie à l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 1612/68, n’est applicable qu’aux travailleurs et, d’autre part, que ceux qui se déplacent pour chercher un emploi ne bénéficient d’une telle égalité de traitement que pour l’accès à celui-ci, conformément à l’article 48 du traité ainsi qu’aux articles 2 et 5 de ce règlement.

25
Le gouvernement allemand rappelle le contexte particulier de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Martínez Sala, précité, qui se caractérisait par les relations très étroites et durables que la demanderesse entretenait avec l’État membre d’accueil, tandis que, dans l’affaire au principal, il n’existerait manifestement aucun lien entre l’ancien travail accompli par M. Collins et celui qui fait l’objet de la recherche d’emploi par ce dernier.

Réponse de la Cour

26
Selon la jurisprudence de la Cour, la notion de «travailleur», au sens de l’article 48 du traité et du règlement nº 1612/68, revêt une portée communautaire et ne doit pas être interprétée de manière restrictive. Doit être considérée comme «travailleur» toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La caractéristique de la relation de travail est, selon cette jurisprudence, la circonstance qu’une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération (voir, notamment, arrêts du 3 juillet 1986, Lawrie-Blum, 66/85, Rec. p. 2121, points 16 et 17; Martínez Sala, précité, point 32, et du 8 juin 1999, Meeusen, C-337/97, Rec. p. I-3289, point 13).

27
La Cour a également jugé que certains droits liés à la qualité de travailleur sont garantis aux travailleurs migrants même si ceux-ci ne se trouvent plus engagés dans un rapport de travail (arrêts du 24 septembre 1998, Commission/France, C‑35/97, Rec. p. I-5325, point 41, et du 6 novembre 2003, Ninni-Orasche, C‑413/01, non encore publié au Recueil, point 34).

28
Ainsi qu’il ressort du dossier transmis à la Cour par la juridiction de renvoi, M. Collins a travaillé occasionnellement au Royaume-Uni dans des bars et dans le secteur de la vente, pendant un séjour de dix mois qu’il a effectué dans cet État membre au cours des années 1980 et 1981. Il y a lieu toutefois de relever que, à supposer même que de telles activités professionnelles remplissent les conditions, rappelées au point 26 du présent arrêt, permettant d’admettre que, lors dudit séjour, le demandeur au principal avait la qualité de travailleur, aucun lien ne saurait être établi entre ces activités et la recherche d’un autre emploi effectuée plus de dix-sept années après qu’il a été mis fin à celles-ci.

29
Faute d’un rattachement suffisamment étroit avec le marché du travail au Royaume-Uni, la situation de M. Collins en 1998 doit donc être comparée à celle de tout ressortissant d’un État membre qui cherche un premier emploi dans un autre État membre.

30
À cet égard, il convient de rappeler que la jurisprudence de la Cour opère une distinction entre les ressortissants des États membres qui n’ont pas encore établi un rapport de travail dans l’État membre d’accueil où ils cherchent un emploi et ceux qui travaillent déjà dans celui-ci ou qui, y ayant travaillé mais ne se trouvant plus dans un rapport de travail, sont néanmoins considérés comme des travailleurs (voir arrêt du 21 juin 1988, Lair, 39/86, Rec. p. 3161, points 32 et 33).

31
En effet, tandis que les ressortissants des États membres qui se déplacent pour chercher un emploi ne bénéficient du principe d’égalité de traitement que pour l’accès à celui-ci, ceux qui ont déjà accédé au marché du travail peuvent prétendre, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 1612/68, aux mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux (voir, notamment, arrêts Lebon, précité, point 26, et du 12 septembre 1996, Commission/Belgique, C-278/94, Rec. p. I-4307, points 39 et 40).

32
Ainsi, la notion de «travailleur» n’est pas utilisée dans le règlement nº 1612/68 d’une manière uniforme. Si dans le titre II de la première partie dudit règlement ce terme vise uniquement les personnes qui ont déjà accédé au marché du travail, dans d’autres parties du même règlement la notion de «travailleur» doit être comprise dans une acception plus large.

33
Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question qu’une personne se trouvant dans la situation du requérant au principal n’est pas un travailleur au sens du titre II de la première partie du règlement nº 1612/68. Il appartient toutefois à la juridiction nationale de vérifier si la notion de «travailleur» visée par la réglementation nationale en cause doit être comprise en ce sens.


Sur la deuxième question

Observations soumises à la Cour

34
M. Collins considère que la directive 68/360 confère un droit de séjour d’une durée de trois mois aux personnes à la recherche d’un emploi.

35
Les gouvernements du Royaume-Uni et allemand, ainsi que la Commission, estiment que c’est en se prévalant directement de l’article 48 du traité et non des dispositions de la directive 68/360, qui sont applicables exclusivement aux personnes ayant trouvé un emploi, que M. Collins serait en droit de se rendre au Royaume-Uni pour y rechercher un emploi et y demeurer en tant que demandeur d’emploi durant une période raisonnable.

Réponse de la Cour

36
Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que, dans le cadre de la libre circulation des travailleurs, l’article 48 du traité accorde aux ressortissants des États membres un droit de séjour sur le territoire des autres États membres afin d’y exercer ou rechercher un emploi salarié (arrêt du 26 mai 1993, Tsiotras, C-171/91, Rec. p. I‑2925, point 8).

37
Le droit de séjour que les demandeurs d’emploi tirent de l’article 48 du traité peut être limité dans le temps. En l’absence de disposition communautaire fixant un délai pour le séjour des ressortissants communautaires à la recherche d’un emploi, les États membres sont en droit de déterminer un délai raisonnable à cette fin. Toutefois, si, après l’écoulement de ce délai, l’intéressé apporte la preuve qu’il est toujours à la recherche d’un emploi et qu’il a de véritables chances d’être engagé, il ne saurait être contraint de quitter le territoire de l’État membre d’accueil (voir arrêts du 26 février 1991, Antonissen, C-292/89, Rec. p. I-745, point 21, et du 20 février 1997, Commission/Belgique, C-344/95, Rec. p. I-1035, point17).

38
Quant à la directive 68/360, elle vise à supprimer, à l’intérieur de la Communauté, les restrictions en matière de déplacement et de séjour des ressortissants des États membres et des membres de leur famille auxquels s’applique le règlement nº 1612/68.

39
En ce qui concerne les restrictions au déplacement, d’une part, l’article 2, paragraphe 1, de la directive 68/360 impose aux États membres de reconnaître le droit de quitter leur territoire aux ressortissants communautaires ayant l’intention de se rendre dans un autre État membre pour y rechercher un emploi. D’autre part, selon l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, les États membres admettent ces ressortissants sur leur territoire, sur simple présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité.

40
En outre, étant donné que le droit de séjour est un droit directement conféré par le traité (voir, notamment, arrêt du 5 février 1991, Roux, C-363/89, Rec. p. I-273, point 9), la délivrance d’un titre de séjour à un ressortissant d’un État membre, telle que prévue par la directive 68/360, doit être considérée non comme un acte constitutif de droits, mais comme un acte destiné à constater, de la part d’un État membre, la situation individuelle d’un ressortissant d’un autre État membre au regard des dispositions du droit communautaire (arrêt du 25 juillet 2002, MRAX, C-459/99, Rec. p. I‑6591, point 74).

41
Conformément à l’article 4 de la directive 68/360, les États membres ne reconnaissent le droit de séjour sur leur territoire qu’aux travailleurs qui sont en mesure de présenter, outre le document sous le couvert duquel ils ont pénétré sur leur territoire, une déclaration d’engagement de l’employeur ou une attestation de travail.

42
Quant à l’article 8 de la même directive, il énumère, d’une manière limitative, les situations dans lesquelles certaines catégories de travailleurs peuvent se voir reconnaître le droit de séjour, sans qu’il leur soit délivré une carte de séjour.

43
Il s’ensuit que la reconnaissance du droit de séjour dans un État membre visé aux articles 4 et 8 de la directive 68/360 est réservée aux ressortissants d’un État membre qui occupent déjà un emploi dans le premier État membre. Les demandeurs d’emploi en sont exclus. Ils ne peuvent se prévaloir que des seules dispositions de cette directive concernant leur déplacement à l’intérieur de la Communauté.

44
Dès lors, il y a lieu de répondre à la deuxième question qu’une personne se trouvant dans la situation du requérant au principal ne possède pas un droit de séjour au Royaume-Uni sur le seul fondement de la directive 68/360.


Sur la troisième question

Observations soumises à la Cour

45
Selon M. Collins, il ne fait aucun doute qu’il est un ressortissant d’un autre État membre qui était en situation de séjour régulier au Royaume-Uni et que l’allocation de recherche d’emploi relève du champ d’application du traité. En conséquence, ainsi que la Cour l’aurait jugé dans son arrêt du 20 septembre 2001, Grzelczyk (C-184/99, Rec. p. I-6193), le versement d’un avantage non contributif et fondé sur les ressources à un ressortissant d’un État membre autre que l’État membre d’accueil ne peut pas être soumis au respect d’une condition qui ne s’appliquerait pas aux ressortissants de ce dernier État. M. Collins admet que le critère de la résidence habituelle s’impose également aux ressortissants du Royaume-Uni. Toutefois, il serait établi qu’une disposition de droit national doit être considérée comme discriminatoire au sens du droit communautaire si, intrinsèquement, les ressortissants de l’État membre concerné sont susceptibles d’y satisfaire plus facilement.

46
Les gouvernements du Royaume-Uni et allemand font valoir qu’il n’existe aucune disposition ni aucun principe de droit communautaire exigeant le paiement d’une prestation telle que l’allocation de recherche d’emploi à une personne se trouvant dans la situation de M. Collins.

47
En ce qui concerne l’éventuelle existence d’une discrimination indirecte, le gouvernement du Royaume-Uni estime qu’il existe des justifications objectives pertinentes pour ne pas octroyer l’allocation de recherche d’emploi, qui est fondée sur le revenu, à des personnes dans la situation de M. Collins. Contrairement à la situation sur le fondement de laquelle a été rendu l’arrêt du 11 juillet 2002, D’Hoop (C-224/98, Rec. p. I-6191), les critères retenus pour l’octroi de l’allocation en question n’iraient pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. Ils constitueraient une méthode proportionnée et, partant, admissible pour s’assurer de l’existence d’un lien réel entre le demandeur et le marché géographique du travail. En l’absence de tels critères, des personnes n’ayant aucun lien ou n’entretenant qu’un lien ténu avec le marché du travail au Royaume-Uni, comme dans le cas de M. Collins, auraient alors la possibilité de réclamer le bénéfice de cette allocation.

48
Selon la Commission, il est constant, d’une part, que M. Collins a réellement recherché un emploi au Royaume-Uni pendant la période de deux mois qui a suivi son arrivée dans cet État membre et, d’autre part, qu’il résidait légalement sur le territoire de celui-ci en qualité de demandeur d’emploi. En tant que citoyen de l’Union résidant légalement au Royaume-Uni, il ne ferait aucun doute qu’il pouvait bénéficier de la protection offerte par l’article 6 du traité contre toute discrimination en raison de la nationalité, dans toutes les situations relevant du domaine d’application ratione materiae du droit communautaire. Tel serait justement le cas de l’allocation de recherche d’emploi, qui devrait être considérée comme un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 1612/68.

49
La Commission rappelle en outre qu’il est clair que le droit de séjourner dans un autre État membre afin d’y rechercher un emploi peut être limité à une durée raisonnable et que, par conséquent, le droit de M. Collins de se prévaloir des articles 6 et 8 du traité pour demander le bénéfice de ladite allocation, au même titre que les ressortissants du Royaume-Uni, serait également limité à cette période de résidence légale.

50
Néanmoins, la Commission considère que la condition de résidence habituelle peut être constitutive d’une discrimination indirecte dans la mesure où elle est plus facilement remplie par les ressortissants de l’État membre d’accueil que par ceux d’autres États membres. Si des raisons objectives peuvent justifier une telle condition, dans la mesure où elles auraient nécessairement pour fin d’éviter le «tourisme social» et donc de prévenir d’éventuels abus de la part de faux demandeurs d’emploi, la Commission observe que, s’agissant de M. Collins, l’authenticité de la recherche d’un emploi n’est pas contestée. En effet, il n’aurait pas cessé de travailler depuis qu’il a trouvé un emploi peu de temps après son arrivée au Royaume-Uni.

Réponse de la Cour

51
Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance s’il existe une disposition ou un principe de droit communautaire sur la base duquel un ressortissant d’un État membre qui est à la recherche réelle d’un emploi dans un autre État membre peut y prétendre à une allocation de recherche d’emploi, telle que celle prévue par la loi de 1995.

52
À titre liminaire, sans qu’il y ait lieu d’examiner la question de savoir si une personne telle que le requérant au principal relève du domaine d’application ratione personae du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) nº 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1, ci-après le «règlement nº 1408/71»), il convient de constater, à la lecture de l’ordonnance de renvoi, que l’intéressé n’a jamais résidé dans un autre État membre avant de rechercher un emploi au Royaume-Uni, de telle sorte que la règle de totalisation contenue à l’article 10 bis du règlement nº 1408/71 ne trouve pas à s’appliquer dans l’affaire au principal.

53
Selon la réglementation de 1996, les ressortissants d’autres États membres à la recherche d’un emploi, pour autant qu’ils ne sont pas des travailleurs au sens du règlement no 1612/68 ou qu’ils ne tirent pas un droit de séjour de la directive 68/360, ne peuvent prétendre au bénéfice de cette allocation que s’ils résident habituellement au Royaume-Uni.

54
Il convient donc de vérifier si le principe d’égalité de traitement s’oppose à une réglementation nationale qui subordonne le bénéfice d’une allocation de recherche d’emploi à une condition de résidence.

55
Conformément à l’article 6, paragraphe 1, du traité, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite dans le domaine d’application du traité, sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit. L’article 48, paragraphe 2, du traité, étant une telle disposition particulière, il convient d’examiner en premier lieu la réglementation de 1996 au regard de cet article.

56
À cet égard, il y a lieu de rappeler que parmi les droits que l’article 48 du traité confère aux ressortissants des États membres figure celui de circuler librement sur le territoire des autres États membres et d’y séjourner aux fins d’y rechercher un emploi (arrêt Antonissen, précité, point 13).

57
Les ressortissants d’un État membre à la recherche d’un emploi dans un autre État membre relèvent ainsi du champ d’application de l’article 48 du traité et, partant, bénéficient du droit à l’égalité de traitement prévu au paragraphe 2 de cette disposition.

58
Quant à la question de savoir si le droit à l’égalité de traitement dont bénéficient les ressortissants des États membres à la recherche d’un emploi dans un autre État membre comprend également des prestations de nature financière comme celle en cause au principal, la Cour a jugé que les ressortissants des États membres qui se déplacent pour chercher un emploi ne bénéficient de l’égalité de traitement que pour l’accès à celui-ci conformément à l’article 48 du traité et aux articles 2 et 5 du règlement n° 1612/68, mais pas en ce qui concerne les avantages sociaux et fiscaux au sens de l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement (arrêts précités Lebon, point 26, et du 12 septembre 1996, Commission/Belgique, point 39 et 40).

59
L’article 2 du règlement n° 1612/68 concerne les échanges de demandes et d’offres d’emplois ainsi que la conclusion et l’exécution de contrats de travail, tandis que l’article 5 dudit règlement a trait à l’assistance accordée par les bureaux de main-d’œuvre.

60
Certes, ces articles ne mentionnent pas expressément des prestations de nature financière. Toutefois, afin de déterminer la portée du droit à l’égalité de traitement pour les personnes à la recherche d’un emploi, il convient d’interpréter ce principe à la lumière d’autres dispositions du droit communautaire, notamment l’article 6 du traité.

61
En effet, ainsi que la Cour l’a relevé à plusieurs reprises, les citoyens de l’Union qui résident légalement sur le territoire de l’État membre d’accueil peuvent se prévaloir de l’article 6 du traité dans toutes les situations relevant du domaine d’application ratione materiae du droit communautaire. Le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d’obtenir, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique (voir, notamment, arrêts Grzelczyk, précité, points 31 et 32, ainsi que du 2 octobre 2003, Garcia Avello, C-148/02, non encore publié au Recueil, points 22 et 23).

62
Il y a lieu de relever que la Cour a jugé, à propos d’un étudiant citoyen de l’Union, que le bénéfice d’une prestation sociale d’un régime non contributif, telle que le minimum de moyens d’existence («minimex») belge, relève du champ d’application de l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité et que, partant, les articles 6 et 8 du traité s’opposent à ce que la possibilité de bénéficier de cette prestation soit soumise à des conditions qui sont susceptibles de constituer une discrimination en raison de la nationalité (arrêt Grzelczyk, précité, point 46).

63
Compte tenu de l’instauration de la citoyenneté de l’Union et de l’interprétation jurisprudentielle du droit à l’égalité de traitement dont jouissent les citoyens de l’Union, il n’est plus possible d’exclure du champ d’application de l’article 48, paragraphe 2, du traité, qui est une énonciation du principe fondamental d’égalité de traitement garanti par l’article 6 du traité, une prestation de nature financière destinée à faciliter l’accès à l’emploi sur le marché du travail d’un État membre.

64
L’interprétation de la portée du principe d’égalité de traitement en matière de l’accès à l’emploi doit refléter cette évolution, par rapport à l’interprétation suivie dans les arrêts précités Lebon et du 12 septembre 1996, Commission/Belgique.

65
La réglementation de 1996 introduit une différence de traitement selon qu’il s’agit d’une personne qui réside habituellement au Royaume-Uni ou non. Cette condition étant susceptible d’être plus facilement remplie par les ressortissants nationaux, ladite réglementation désavantage les ressortissants des États membres qui ont fait usage de leur droit de circuler aux fins de rechercher un emploi sur le territoire d’un autre État membre (voir, en ce sens, arrêts du 23 mai 1996, O’Flynn, C-237/94, Rec. p. I-2617, point 18, et du 16 janvier 2003, Commission/Italie, C-388/01, Rec. p. I-721, points 13 et 14).

66
Une telle condition de résidence ne pourrait être justifiée que si elle se fondait sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national (arrêt du 24 novembre 1998, Bickel et Franz, C-274/96, Rec. p. I-7637, point 27).

67
Or, la Cour a déjà jugé qu’il est légitime pour le législateur national de vouloir s’assurer de l’existence d’un lien réel entre le demandeur d’allocations ayant le caractère d’un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 et le marché géographique du travail en cause (voir, dans le cadre de l’octroi d’allocations d’attente aux jeunes qui sont à la recherche de leur premier emploi, arrêt D’Hoop, précité, point 38).

68
Il y a lieu de relever que l’allocation de recherche d’emploi instituée par la loi de 1995 est une prestation de sécurité sociale qui, ayant remplacé l’indemnité de chômage et le complément de ressources, exige notamment que la personne qui la réclame soit disponible pour travailler, recherche activement un emploi et ne dispose pas de revenus supérieurs au montant applicable ni d’un capital supérieur à un montant déterminé.

69
Il peut être considéré comme légitime qu’un État membre n’octroie une telle allocation qu’après que l’existence d’un lien réel du demandeur d’emploi avec le marché du travail de cet État a pu être établie.

70
L’existence d’un tel lien pourrait être vérifiée, notamment, par la constatation que la personne en cause a, pendant une période d’une durée raisonnable, effectivement et réellement cherché un emploi dans l’État membre en question.

71
Le Royaume-Uni est ainsi en mesure d’exiger un rattachement entre les personnes qui demandent à bénéficier d’une telle allocation et son marché du travail.

72
Toutefois, si une condition de résidence est, en principe, apte à assurer un tel rattachement, pour être proportionnée, elle ne saurait aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Plus particulièrement, son application par les autorités nationales doit reposer sur des critères clairs et connus à l’avance et la possibilité d’une voie de recours de nature juridictionnelle doit être prévue. En tout état de cause, si une période de résidence est requise pour que ladite condition soit satisfaite, elle ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour que les autorités nationales puissent s’assurer que l’intéressé est réellement à la recherche d’un emploi dans le marché du travail de l’État membre d’accueil.

73
Dès lors, il convient de répondre à la troisième question que le droit à l’égalité de traitement prévu à l’article 48, paragraphe 2, du traité, lu en combinaison avec les articles 6 et 8 du traité, ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui subordonne le bénéfice d’une allocation de recherche d’emploi à une condition de résidence, pour autant que cette condition peut être justifiée sur le fondement de considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national.


Sur les dépens

74
Les frais exposés par les gouvernements du Royaume-Uni et allemand, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (assemblée plénière),

statuant sur les questions à elle soumises par le Social Security Commissioner, par ordonnance du 28 mars 2002, dit pour droit:

1)
Une personne se trouvant dans la situation du requérant au principal n’est pas un travailleur au sens du titre II de la première partie du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2434/92 du Conseil, du 27 juillet 1992. Il appartient toutefois à la juridiction nationale de vérifier si la notion de «travailleur» visée par la réglementation nationale en cause doit être comprise en ce sens.

2)
Une personne se trouvant dans la situation du requérant au principal ne possède pas un droit de séjour au Royaume-Uni sur le seul fondement de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté.

3)
Le droit à l’égalité de traitement prévu à l’article 48, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 39, paragraphe 2, CE), lu en combinaison avec les articles 6 et 8 du traité CE (devenus, après modification, articles 12 CE et 17 CE), ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui subordonne le bénéfice d’une allocation de recherche d’emploi à une condition de résidence, pour autant que cette condition peut être justifiée sur le fondement de considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national.

Skouris

Jann

Timmermans

Gulmann

Cunha Rodrigues

Rosas

La Pergola

Puissochet

Schintgen

Colneric

von Bahr

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 mars 2004.

Le greffier

Le président

R. Grass

V. Skouris


1
Langue de procédure: l'anglais.

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