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Document EESC-2021-06548-AC

Avis - Comité économique et social européen - Paquet apprentissage et employabilité

EESC-2021-06548-AC

AVIS

Comité économique et social européen

Paquet «apprentissage et employabilité»

_____________

Proposition de recommandation du Conseil sur une approche européenne des microcertifications pour l’apprentissage tout au long de la vie et l’employabilité, COM(2021) 770 final.

Proposition de recommandation du Conseil relative aux comptes de formation individuels
[COM(2021) 773 final]

SOC/708

Rapporteure: Tatjana BABRAUSKIENĖ

Corapporteure: Mariya MINCHEVA

FR

Saisine du Comité par le

Commission européenne, 21/01/2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

Compétence

Emploi, affaires sociales et citoyenneté

Adoption en section

03/05/2022

Adoption en session plénière

18/05/2022

Session plénière nº

569

Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)

204/2/4

1.Conclusions et recommandations

1.1Le CESE invite une nouvelle fois la Commission européenne et les États membres à renforcer les politiques en matière d’éducation et de formation des adultes afin de faire de l’éducation et de la formation inclusive et de qualité pour les compétences de la vie courante un droit pour tous les adultes, dans l’optique d’atteindre et de dépasser l’objectif de 60 % de participation annuelle à cette formation. La mise en œuvre effective du socle européen des droits sociaux nécessite également de remédier à l’inadéquation des compétences et d’améliorer la gouvernance et le financement de l’éducation et de la formation des adultes, y compris la formation des salariés. Il importe aussi que les investissements, les réformes nécessaires et un dialogue social efficace visant à favoriser le développement des compétences, conformément au premier principe du socle européen des droits sociaux relatif au droit à la formation et à l’apprentissage tout au long de la vie, soient intégrés dans le cadre du Semestre européen.

1.2Le CESE rappelle l’importance de ses précédents avis sur l’apprentissage tout au long de la vie et sur l’éducation et la formation des adultes pour ce qui concerne les initiatives relatives aux comptes de formation individuels et aux microcertifications. Il souligne tout particulièrement les éléments suivants: «le perfectionnement et la reconversion professionnels sont de la plus haute importance pour soutenir les transitions écologique et numérique des industries et [...] doivent être considérés comme relevant de la responsabilité sociale et économique, l’objectif étant d’assurer une formation inclusive en vue d’emplois de qualité, et d’imprimer une transition juste pour tous. Des stratégies industrielles tournées vers l’avenir, y compris des politiques efficaces en matière de compétences, sont nécessaires pour soutenir le perfectionnement et la reconversion professionnels de la main-d’œuvre. Elles sont à même de contribuer à assurer une transition juste et socialement équitable vers une économie neutre pour le climat en équilibrant le marché du travail, de sorte à favoriser une numérisation inclusive et des emplois de qualité. Les entreprises ont besoin d’un soutien efficace pour renforcer et financer leurs stratégies de perfectionnement et de reconversion professionnels afin d’encourager l’innovation. Dans le même temps, il convient de respecter l’intérêt général, tant sur le plan économique que social. Les conventions collectives devraient déterminer les conditions d’accès aux différents types de congés de formation rémunérés répondant aux besoins personnels et professionnels des travailleurs». 1 Lorsque les congés rémunérés ne sont pas soumis à un accord entre les partenaires sociaux et font suite à une initiative gouvernementale, ils doivent être financés par des ressources publiques.

1.3Face à la rapidité de l’invention et de la diffusion de nouvelles technologies, il s’impose de développer un perfectionnement et une reconversion professionnels efficaces. L’investissement dans l’éducation et la formation des adultes et dans le développement des compétences peut jouer un rôle crucial pour la reprise économique et pour l’édification de l’Europe sociale. Le compte de formation individuel ne peut être regardé que comme une des approches et un des outils financiers parmi d’autres pris en considération par les États membres et les partenaires sociaux européens. Les mesures proposées ne devraient pas remplacer les offres de formation existantes mises en place par des employeurs ou des services de l’emploi publics et privés, ni les aides publiques apportées aux établissements d’enseignement et de formation, ni les autres types de soutien. En particulier, les fonds de formation gérés par les partenaires sociaux constituent un moyen efficace de dispenser des formations en réponse aux besoins recensés aux niveaux national et sectoriel.

1.4L’offre d’une main-d’œuvre suffisamment qualifiée et d’une employabilité améliorée est une condition essentielle pour que les entreprises et la société prospèrent et se développent, emploient et contribuent aux objectifs politiques fixés par l’Union européenne. Il existe d’ores et déjà à ce jour des inadéquations de compétences et des pénuries de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs et régions, et elles sont appelées à s’amplifier. À cet égard, les États membres et les employeurs ont un rôle cardinal à jouer pour financer et promouvoir la participation à la formation. Le développement des compétences doit répondre aux besoins des marchés du travail si l’Europe veut renforcer sa compétitivité à long terme ainsi que sa capacité à stimuler l’innovation, ce qui est important tant pour les entreprises que pour les travailleurs.

1.5Les travailleurs sont confrontés à de nombreux obstacles pour accéder à la formation. Si chacun se voit reconnaître un contrôle individuel accru de sa propre formation, il importe que l’on veille à ce que des conseils et un soutien appropriés soient apportés pour que chacun puisse faire son choix et accéder à des formations adaptées à ses besoins. Un investissement optimal dans la formation se trouverait ainsi garanti, puisque la formation correspondrait étroitement aux besoins identifiés individuellement par chaque travailleur. Dans le cas d’une formation orientée vers l’emploi, une approche purement individualisée peut affaiblir le lien entre le financement et le contenu de l’offre de formation, ce qui pourrait avoir pour conséquence que la formation soit moins orientée vers l’emploi et partant, qu’elle se révèle insuffisamment adaptée aux besoins des employeurs.

1.6Le CESE souscrit à l’avis du comité consultatif tripartite pour la formation professionnelle lorsque celui-ci affirme la nécessité d’adapter les conditions d’accès et de droit à la formation aux différentes situations et réalités grâce à une combinaison appropriée de dispositions. Le CESE invite la Commission à respecter la répartition des compétences et le principe de subsidiarité, ainsi que les spécificités nationales et les cadres juridiques propres à chaque État membre. Lors de l’adoption et de la mise en œuvre des propositions relatives aux comptes de formation individuels et aux microcertifications, il faut s’assurer que celles-ci sont compatibles avec les systèmes d’éducation et de formation continues existants des États membres, avec le rôle de la négociation collective, avec la réglementation en matière de conditions de travail et les droits à congés des travailleurs.

1.7Le CESE invite la Commission et les États membres à respecter les instruments et systèmes de financement nationaux et sectoriels existants, et à faire la distinction entre «droits à la formation» et «droits d’accès à la formation», des concepts qui, au même titre que celui de «compte de formation», ne sont toujours pas fixés par la loi ou par des conventions collectives dans certains pays et secteurs. Le CESE demande que les propositions garantissent à tous les adultes, en particulier les plus vulnérables, le droit d’accéder à une formation effective, inclusive et de qualité, à un congé de formation rémunéré, à une qualification complète, à la validation de l’apprentissage informel et non formel, ainsi qu’à une orientation et à des conseils. Les États membres sont invités chaque fois que nécessaire à améliorer leurs systèmes d’éducation et de formation des adultes et d’éducation et de formation continues, au terme d’un dialogue social et d’une consultation authentiques avec les parties prenantes concernées. Le CESE se félicite que les comptes de formation individuels puissent être utilisés pour la formation, pour la validation et pour l’orientation professionnelle.

1.8Le CESE souligne l’importance des normes de qualité sur le marché de la formation, en ce qui concerne, en particulier, les microcertifications ou encore les avantages et inconvénients possibles des différentes approches du financement de l’éducation et de la formation, par exemple les comptes de formation individuels, y compris le rapport coûts/bénéfices, la charge administrative et les frais, le changement de statut obtenu (titre de formation plus élevé), l’assurance de la qualité, la pertinence des résultats sur le marché du travail, la valeur ajoutée pour l’évolution de la carrière et le taux de participation du groupe cible clé que représentent les travailleurs peu qualifiés. Le CESE regrette que la Commission n’ait pas effectué d’analyse d’impact sur les microcertifications, sachant que la proposition peut avoir une incidence sur les régimes nationaux existants, en ce qui concerne, en particulier, les qualifications et les conventions collectives. À cet égard, il est nécessaire de garantir un dialogue social efficace et une consultation en bonne et due forme, notamment de la société civile organisée, quant à la question de savoir si, et de quelle façon, les initiatives européennes en matière de comptes individuels de formation et de microcertifications peuvent apporter une valeur ajoutée sur le plan de l’amélioration des systèmes de formation nationaux et sectoriels.

1.9Le CESE souligne que le catalogue des microcertifications des prestataires d’enseignement et de formation professionnels devrait être établi avec la participation des partenaires sociaux et des prestataires d’éducation et de formation sur la base des normes de qualité applicables à l’offre. Le catalogue devrait inclure les acquis d’apprentissage des microcertifications et leur reconnaissance par d’autres prestataires d’enseignement et de formation ainsi que par les employeurs.

1.10Le CESE rappelle l’importance du congé de formation rémunéré 2 , conformément également à la convention no 140 de l’Organisation internationale du travail (OIT) 3 , ratifiée dans 11 États membres; il fait observer que la proposition relative aux comptes de formation individuels devrait être compatible avec les systèmes nationaux pour ce qui est de l’invitation faite aux États membres de concevoir des systèmes de comptes de formation individuels aux seules fins du marché du travail, sachant que, dans plusieurs États membres, le congé de formation rémunéré peut également être utilisé à des fins de développement personnel ou pour mener à bien un programme d’études (diplôme universitaire, par exemple).

1.11Le CESE rappelle à la Commission et aux États membres que la participation effective des partenaires sociaux à la gouvernance des systèmes d’éducation et de formation des adultes, de formation des salariés et de congé de formation rémunéré est essentielle, y compris pour ce qui est de la promotion d’actions conjointes entre partenaires sociaux. Il souligne également l’importance de consulter les organisations de la société civile concernées dans le domaine de l’éducation et de la formation des adultes.

1.12Le CESE invite la Commission à soutenir l’échange de bonnes pratiques et l’apprentissage mutuel entre États membres, avec la participation des partenaires sociaux. Il faudrait s’attacher en priorité à définir la meilleure manière d’assurer un accès effectif à la formation et à celle d’améliorer les systèmes de formation des adultes ou encore les stratégies en matière de compétences des États membres, ainsi que leurs mécanismes de financement et types de formation, y compris les microcertifications. Le CESE demande également que le comité consultatif tripartite pour la formation professionnelle soit associé au suivi des propositions et que celui-ci joue un rôle actif dans l’établissement de rapports sur la mise en œuvre des initiatives et dans l’instauration du cadre de suivi en coopération avec le Comité de l’emploi.

1.13Le CESE demande aux États membres de jeter des ponts entre les initiatives relatives aux comptes de formation individuels et aux microcertifications, d’une part, et la mise en place de la « recommandation du Conseil du 19 décembre 2016 relative à des parcours de renforcement des compétences: de nouvelles perspectives pour les adultes », d’autre part. Cette démarche garantirait que tous les adultes peu qualifiés puissent développer leurs compétences de base et leurs compétences professionnelles, et qu’ils soient encouragés et motivés pour participer à des formations visant à améliorer leur vie et leur employabilité, tout en faisant en sorte que 80 % des adultes possèdent des compétences numériques de base.

1.14Le CESE rappelle que les comptes de formation individuels et les systèmes de financement similaires doivent favoriser l’accès à des formations reconnues et validées, et permettre aux travailleurs d’inscrire leur démarche dans des procédures de validation de leurs compétences et de leur expérience professionnelle. Les microcertifications doivent être reconnues par les autorités compétentes avec la participation des partenaires sociaux. Le CESE demande que la «recommandation du Conseil relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel» 4 soit effectivement mise en œuvre et que des fonds publics suffisants soient alloués aux systèmes de validation dans chaque pays de l’Union. Tout en veillant à ce que la formation soit reconnue, les employeurs et les syndicats peuvent aider les travailleurs à améliorer leur qualification et contribuer à l’évolution de leur carrière ainsi qu’à une transition juste sur le marché du travail.

1.15Le CESE juge essentiel que les initiatives portent sur les besoins de perfectionnement et de reconversion professionnels des adultes et de la main-d’œuvre dans son ensemble (travailleurs, salariés, travailleurs indépendants) et d’autres groupes cibles, par exemple, les chômeurs de longue durée et les inactifs, et en particulier les personnes qui reprennent le travail après un congé parental 5 , les personnes handicapées, les retraités, les femmes, les jeunes de moins de trente ans, les retraités ou encore celles et ceux ne travaillant pas, ne suivant pas d’études ou de formation (NEET) afin qu’ils aient également accès à une formation inclusive et de qualité. Il convient de remédier d’urgence et de manière appropriée à la situation propre aux travailleurs atypiques et aux travailleurs indépendants, dans le respect du rôle cardinal des partenaires sociaux en matière de formation des salariés. Dans le soutien à la formation de leurs employés, le rôle des entreprises est essentiel, tout comme l’est celui des États membres pour ce qui est de garantir des ressources nécessaires à l’accès à l’éducation et à la formation des adultes. Lorsque l’on sait que dans l’Union, 90 % des formations liées à l’emploi sont financées par les employeurs 6 , l’engagement et le rôle positif de ces derniers en faveur du développement des compétences doivent être pleinement reconnus et soutenus au niveau européen.

1.16Le CESE invite les États membres à étudier les instruments possibles pour la portabilité des comptes individuels de formation, par exemple en mettant sur pied des accords bilatéraux. Le CESE demande l’inclusion d’un «système de gouvernance avec la participation des partenaires sociaux» dans les normes de qualité européennes en matière de microcertifications, et demande que ces dernières soient prises en considération parallèlement aux qualifications complètes et à la formation des salariés. Le CESE demande aux prestataires de formation de publier les catalogues des microcertifications qu’ils proposent, y compris les acquis d’apprentissage, ainsi que leur politique en matière de reconnaissance de ce type de formation par d’autres prestataires et entreprises. Il est important d’améliorer l’accès à toutes les formes d’éducation et de formation inclusives et de qualité, y compris les microcertifications, pour tous les apprenants, notamment les groupes défavorisés et vulnérables, pour garantir l’égalité d’accès aux programmes d’études et aux qualifications complètes. Un soutien efficace — financier et non financier — doit être apporté aux travailleurs occupant des formes de travail atypiques, pour leur permettre d’accéder à des cours, y compris des microcertifications, pour le développement professionnel et la mobilité, en garantissant l’accessibilité et la facilité d’utilisation des supports et outils de formation, qu’ils soient virtuels ou non, conformément à la directive (UE) 2016/2102 du 26 octobre 2016 .

2.Observations générales

2.1Le 10 décembre 2021, la Commission européenne a publié sa proposition de recommandation du Conseil relative aux comptes de formation individuels et sa proposition de recommandation du Conseil sur une approche européenne des microcertifications pour l’apprentissage tout au long de la vie et l’employabilité . Ces initiatives visent à appuyer le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux qui fixe un nouvel objectif visant à ce que d’ici à 2030, au moins 60 % de l’ensemble des adultes suivent chaque année une formation. Il s’agit de garantir que «toute personne a droit à une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie inclusifs et de qualité» (principe 1), «indépendamment du type et de la durée de la relation de travail» (principe 5), ce qui comprend «le droit de transférer ses droits en matière de protection sociale et de formation durant les périodes de transition professionnelle» (principe 4). Il importe aussi que les investissements, les réformes nécessaires et un dialogue social efficace visant à favoriser le développement des compétences, conformément au premier principe du socle européen des droits sociaux relatif au droit à la formation et à l’apprentissage tout au long de la vie, soient intégrés dans le cadre du Semestre européen.

2.2Le 16 août 2021, dans l’optique de contribuer à la proposition relative aux comptes de formation individuels, le comité consultatif tripartite pour la formation professionnelle (CCFP), qui réunit des représentants des gouvernements et des partenaires sociaux, a adopté un avis sur les comptes de formation individuels et le renforcement de l’offre de formation à l’échelle de l’Europe. Cet avis tripartite (disponible en anglais) rappelle que «la pandémie de COVID-19, la numérisation et la décarbonation ont une incidence considérable sur l’économie, les entreprises et la main-d’œuvre européennes, qui doivent faire face à une adaptation très difficile à un travail en mutation rapide. La pandémie a accéléré les changements structurels dans de nombreux secteurs, intensifiant ainsi le rythme des transformations écologique et numérique. Cette évolution va de pair avec les défis actuels liés à l’évolution démographique, aux nouveaux besoins de formation et à l’inadéquation des compétences». L’avis tripartite souligne également que, «compte tenu de toutes les réalités du marché du travail, […] il est nécessaire d’adapter les conditions d’accès et de droit à la formation aux différentes situations et réalités grâce à une combinaison appropriée de dispositions».

2.3Le projet de 2021 des partenaires sociaux européens sur les compétences, l’innovation et la formation cible également dans ses conclusions (publiées en anglais) le fait que «les entreprises et les travailleurs jouent un rôle crucial dans l’innovation et le développement de nouvelles aptitudes et compétences proposées par la formation des salariés, lesquelles sont essentielles pour s’adapter à un environnement en mutation. Par conséquent, il est essentiel d’offrir et de rendre accessible aux salariés une formation qui réponde aux besoins des employeurs et des travailleurs en matière de développement de technologies et de modèles économiques innovants, et qui permette aux travailleurs de trouver et de conserver un emploi conforme à leurs aptitudes, attentes et compétences» 7 . À cette fin, un défi majeur réside dans le fait de rendre les différents outils disponibles, notamment des bons d’achat, des congés de formation rémunérés (encadrés par la loi ou par des conventions collectives), des comptes personnels de formation ou des fonds de formation (interprofessionnels ou sectoriels), interopérables et alignés sur le cadre institutionnel propre à chaque pays 8 .

2.4La législation nationale et les conventions collectives garantissent le droit individuel à l’éducation et à la formation, y compris le droit des adultes à l’apprentissage et à la formation, ainsi que, dans certains États membres, le droit à un congé de formation rémunéré pour une formation adaptée à son emploi. Partout en Europe, avec des modalités différentes selon les pays, les partenaires sociaux, le dialogue social et la négociation collective jouent un rôle essentiel pour faciliter l’accès effectif des travailleurs à la formation. Ils peuvent considérer que les approches nationales et/ou sectorielles existantes ou d’autres approches de substitution à un modèle de comptes de formation individuels sont mieux adaptées pour favoriser l’offre de formation dans le contexte national. Il convient de respecter et de garantir en la matière la participation effective des partenaires sociaux nationaux et sectoriels.

2.5La diversité des cadres juridiques et de négociation collective reflète le choix de chaque État membre d’adopter et de mettre en œuvre ses propres politiques de formation et de s’appuyer sur les mécanismes de financement existants. Dès lors, le compte de formation individuel ne peut être regardé que comme une des approches et un des outils financiers parmi d’autres pris en considération par les États membres et les partenaires sociaux européens. Une approche unique et uniforme ne saurait fonctionner, et les différents systèmes de formation nationaux et les spécificités sectorielles doivent être respectés. La décision d’adopter ou non le compte de formation individuel comme l’un des mécanismes d’offre et de financement de la formation doit rester entièrement de la compétence des États membres, de la même façon que le marché de la formation est réglementé au niveau national. Le CESE souligne que les États membres, en consultation avec les partenaires sociaux, ont aussi la liberté de décider de ne pas adopter une démarche axée sur le compte de formation individuel, et qu’ils pourraient, au contraire, adapter ou développer plus avant les approches qui sont d’ores et déjà les leurs en matière de formation.

2.6Le CESE rappelle que «[les] mesures décrites dans la présente recommandation ne devraient pas remplacer les offres de formation émanant des employeurs, des services de l’emploi publics et privés, ni les aides publiques apportées aux établissements d’enseignement et de formation ou d’autres types de soutien» 9 . Le CESE convient que la recommandation, selon ses propres termes, «ne devrait pas [...] empêcher [les États membres] de maintenir ou d’établir des dispositions plus avancées en matière de formation/d’apprentissage des adultes que celles recommandées» 10 en son sein, et qu’elle «ne devrait pas limiter l’autonomie des partenaires sociaux lorsqu’ils sont responsables de la mise en place et de la gestion de systèmes de formation» 11 .

2.7Le CESE invite à ce que l’on se réfère à son avis 12 récent où il «fait observer que, face à la rapidité de l’invention et de la diffusion de nouvelles technologies, il s’impose de développer un perfectionnement et une reconversion professionnels efficaces». En outre, «le CESE souligne que l’impact de la crise de la COVID-19 sur la société et l’économie européennes a encore mis en évidence l’importance de disposer de politiques efficaces d’éducation et de formation et d’emplois de qualité pour soutenir une reprise et une résilience durables et justes sur le plan social et économique, ce qui est essentiel pour aider l’Europe à surmonter les conséquences de la pandémie. L’investissement dans l’éducation et la formation des adultes et dans le développement des compétences peut jouer un rôle crucial pour la reprise économique et l’Europe sociale.»

2.8Le CESE rappelle que les obstacles qui empêchent les adultes et les travailleurs d’accéder à la formation sont nombreux, notamment le manque de temps, de financement, de motivation, d’orientation et de conseil de qualité, et parfois le déficit de formations de qualité disponibles, de soutien de la part de l’entreprise (remplacement), en particulier dans les PME, ou encore le non-respect de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Il est important de placer chaque personne aux commandes de sa propre formation, lorsqu’elle est assurée de bénéficier d’une aide efficace pour accéder et s’inscrire à des formations adaptées au marché du travail. Il s’agit notamment d’apporter une assistance individuelle en fournissant à chacun des conseils et des orientations sur les différents types de formation appropriés. Les travailleurs doivent avoir accès à une formation en entreprise, et les travailleurs peu qualifiés ont besoin d’un soutien ciblé, en particulier en ce qui concerne la formation en ligne. «Un rapport de l’OCDE fait apparaître que la formation en ligne offre de nombreuses possibilités pour élargir l’accès à l’éducation et à la formation des adultes, mais qu’il est fort possible que les travailleurs peu qualifiés n’aient pas les compétences nécessaires pour tirer le meilleur parti de ce type de formation et qu’ils aient par conséquent besoin d’un soutien supplémentaire» 13 .

2.9Dans l’optique de lever les divers barrages à l’accès à la formation et d’accroître la motivation des adultes à participer à une formation, les obstacles devraient également être envisagés en tenant compte du statut professionnel et éducatif du travailleur. L’instrument devrait être soutenu par la fourniture d’orientations et de conseils efficaces. La stratégie de sensibilisation doit être améliorée. Pour réduire l’inadéquation existante entre l’offre et la demande de compétences, les besoins de formation doivent être repérés à l’avance, et les formations correctement ciblées. Des systèmes complets de soutien à l’apprentissage sont également nécessaires pour renforcer les synergies entre les incitations financières, les services d’orientation et l’accès aux procédures de validation et de reconnaissance 14 .

2.10Le CESE redoute qu’une approche purement individualisée puisse affaiblir le lien entre le financement et le contenu de l’offre de formation, ce qui pourrait avoir pour conséquence que la formation soit moins orientée vers l’emploi et partant, qu’elle se révèle insuffisamment adaptée aux besoins des employeurs. Lorsque l’on sait que dans l’Union, 90 % des formations liées à l’emploi sont financées par les employeurs 15 , l’engagement et le rôle positif de ces derniers en faveur du développement des compétences doivent être pleinement reconnus et soutenus au niveau européen. Les partenaires sociaux ont conjointement un rôle déterminant à jouer pour favoriser l’offre de formation et la participation à celle-ci. En particulier, les fonds de formation gérés par les partenaires sociaux constituent un moyen efficace de dispenser des formations en réponse aux besoins recensés aux niveaux national et sectoriel. Les contributions financières et non financières des particuliers devraient être reconnues et soutenues.

2.11Le CESE reconnaît le rôle complémentaire que les microcertifications peuvent jouer pour élargir l’accès au perfectionnement et à la reconversion professionnels, tout en tenant compte de l’évolution des besoins du marché du travail. Le CESE salue également le fait que les États membres soient encouragés à lier les microcertifications à leurs politiques de l’emploi, y compris les politiques actives du marché du travail, pour contribuer à réduire l’inadéquation des compétences aux niveaux sectoriels et régionaux, tout en respectant l’accès à des qualifications complètes. En ce qui concerne l’«empilabilité» des microcertifications, le CESE souligne que ces dernières ne devraient pas être considérées comme un substitut aux qualifications complètes. Les États membres devraient donc être encouragés à inclure les microcertifications dans les cadres nationaux de certification. Les partenaires sociaux devraient être associés à leur conception au niveau national ainsi qu’à la réflexion sur la manière dont les microcertifications peuvent être reconnues et ajoutées aux qualifications partielles.

2.12Les microcertifications peuvent être importantes pour aider les adultes à se perfectionner et à se reconvertir dans le but de prétendre à de nouvelles possibilités d’emploi, pour autant que les normes de qualité de ces formations soient bien définies et clairement communiquées aux apprenants. Bien que les microcertifications puissent être une forme de formation accessible par le truchement d’un éventuel compte de formation individuel, elles devraient être considérées comme s’en distinguant et s’intégrant à l’arsenal d’outils supplémentaires destinés à l’apprentissage continu. Le CESE se félicite également que, parmi les fournisseurs de microcertifications, le projet de recommandation reconnaisse les partenaires sociaux, et il invite les États membres à promouvoir le développement de microcertifications conçues et approuvées par les représentants des employeurs et des travailleurs dans le cadre du dialogue social.

3.Observations particulières

3.1La libre circulation des travailleurs peut aider à relever les défis liés à l’inadéquation et à la pénurie de compétences. Les réglementations relatives aux exigences en matière de qualifications doivent rester une compétence nationale, avec la participation des partenaires sociaux, ce qui peut passer, par exemple, par la validation des compétences, y compris les microcertifications, et tout en réduisant le nombre de professions réglementées. Parmi les facteurs qui peuvent jouer un rôle, citons également un meilleur appariement entre les ressortissants de pays tiers qualifiés et les postes vacants non pourvus, et ce, à tous les niveaux de qualification et d’expérience. Le train de mesures à venir de la Commission relatif aux compétences et aux talents 16 , et notamment les scénarios envisagés pour un «réservoir européen de talents», peut jouer un rôle important à cet égard.

3.2Les conventions collectives constituent un moyen important par lequel l’octroi de congés de formation rémunérés peut favoriser l’accès des travailleurs à une formation adaptée au marché du travail. Elles jouent un rôle particulièrement important pour connaître les modalités d’accès à ce type de congés pour les travailleurs des PME, lesquelles subissent généralement une perte de capacité de production plus importante lorsque leurs travailleurs sont absents pour suivre une formation. Il importe de souligner que les initiatives législatives au niveau européen ou national ne doivent pas saper le processus de négociation collective ou l’autonomie des partenaires sociaux dans la recherche de solutions à des problèmes importants pour le bon fonctionnement des marchés du travail nationaux, y compris des solutions en matière de développement des compétences, de transitions, et d’emplois de qualité pour les travailleurs dans le contexte de la transition juste.

3.3Le CESE souligne l’importance des normes de qualité sur le marché de la formation, en ce qui concerne, en particulier, les microcertifications ou encore les avantages et inconvénients possibles des différentes approches du financement de l’éducation et de la formation, par exemple les comptes de formation individuels, y compris le rapport coûts/bénéfices, la charge administrative et les frais, le changement de statut obtenu (titre de formation plus élevé), l’assurance de la qualité, la pertinence des résultats sur le marché du travail, la valeur ajoutée pour l’évolution de la carrière et le taux de participation du groupe cible clé que représentent les travailleurs peu qualifiés. Il apparaît nécessaire de garantir un dialogue social efficace et une consultation en bonne et due forme, notamment de la société civile organisée, quant à la question de savoir si, et de quelle façon, les initiatives européennes en matière de comptes individuels et de microcertifications peuvent apporter une valeur ajoutée sur le plan de l’amélioration des systèmes de formation nationaux et sectoriels. Le CESE souligne que le catalogue des microcertifications des prestataires d’enseignement et de formation professionnels devrait être établi avec la participation des partenaires sociaux et des prestataires d’éducation et de formation sur la base des normes de qualité applicables à l’offre. Le catalogue devrait inclure les acquis d’apprentissage des microcertifications et leur reconnaissance par d’autres prestataires d’enseignement et de formation ainsi que par les employeurs.

3.4Le CESE juge essentiel que les initiatives portent sur les besoins de perfectionnement et de reconversion professionnels des adultes et de la main-d’œuvre dans son ensemble (travailleurs, salariés, travailleurs indépendants) et d’autres groupes cibles, par exemple, les chômeurs de longue durée, les inactifs, les retraités ou encore celles et ceux ne travaillant pas, ne suivant pas d’études ou de formation (NEET) afin qu’ils aient également accès à une formation inclusive, efficace et de qualité qui favorise leur employabilité. À cet égard, il est essentiel d’aider les États membres à garantir des ressources pour permettre l’accès à l’éducation et à la formation des adultes. Parallèlement, le rôle des entreprises dans le soutien à la formation professionnelle de leurs travailleurs demeure essentiel. Il convient de remédier d’urgence et de manière appropriée à la situation particulière des travailleurs atypiques et des travailleurs indépendants, qui ne peut être résolue par les comptes de formation individuels et les microcertifications, dans le respect du rôle cardinal des partenaires sociaux en matière de formation des salariés.

Bruxelles, le 18 mai 2022

Christa SCHWENG
Présidente du Comité économique et social européen

_____________

(1)     JO C 374 du 16.9.2021, p. 16.
(2)     JO C 374 du 16.9.2021, p. 16.
(3)    Les données officielles de l’OIT sont disponibles ici .
(4)     JO C 398 du 22.12.2012, p. 1.
(5)     https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2020/658190/IPOL_STU(2020)658190_EN.pdf .
(6)    «Adult learning statistical synthesis report» (en anglais), Commission européenne, 2020/082020.
(7)     BusinessEurope:«Skills, innovation and the provision of, and access to training» (en anglais).
(8)     Base de données du Cedefop sur le financement de l’éducation et de la formation des adultes (en anglais).
(9)     COM(2021) 773 final .
(10)    Ibid.
(11)    Ibid.
(12)     JO C 374 du 16.9.2021, p. 16.
(13)     OCDE: «Building back better: enhancing equal access to opportunities for all» (en anglais).
(14)    Cedefop (2020), «Donner aux personnes les moyens de faire face au changement» .
(15)    «Adult learning statistical synthesis report» (en anglais), Commission européenne, 2020/082020.
(16)

   Prévue pour avril 2022.

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