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Document 61989CC0044

    Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 4 juin 1991.
    Georg von Deetzen contre Hauptzollamt Oldenburg.
    Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Hamburg - Allemagne.
    Prélèvement supplémentaire sur le lait.
    Affaire C-44/89.

    Recueil de jurisprudence 1991 I-05119

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1991:231

    61989C0044

    Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 4 juin 1991. - Georg von Deetzen contre Hauptzollamt Oldenburg. - Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Hamburg - Allemagne. - Prélèvement supplémentaire sur le lait - Affaire C-44/89.

    Recueil de jurisprudence 1991 page I-05119


    Conclusions de l'avocat général


    ++++

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    1 . La présente affaire fait suite à l' affaire 120/86, Mulder ( Rec . 1988, p . 2321 ), et à l' affaire 170/86, von Deetzen ( Rec . 1988, p . 2355 ), dans lesquelles votre Cour a considéré que le règlement ( CEE ) n 857/84 du Conseil, du 31 mars 1984 ( JO L 90, p . 13 ), tel que complété par le règlement ( CEE ) n 1371/84 de la Commission, du 16 mai 1984 ( JO L 132, p . 11 ), était invalide dans la mesure où il ne prévoit pas l' attribution d' une quantité de référence ( ci-après "quota ") aux producteurs de lait qui avaient pris un engagement au titre du règlement ( CEE ) n 1078/77 du Conseil, du 17 mai 1977 ( JO L 131, p . 1 ). A la suite de ces arrêts, rendus tous deux le 28 avril 1988, le Conseil a adopté le règlement ( CEE ) n 764/89, du 20 mars 1989 ( JO L 84, p . 2 ) qui a ajouté un article 3 bis au règlement n 857/84, et la Commission a adopté le règlement ( CEE ) n 1033/89, du 20 avril 1989 ( JO L 110, p . 27 ) qui a inséré un article 7 bis dans le règlement ( CEE ) n 1546/88 de la Commission, du 3 juin 1988 ( JO L 139, p . 12 ), le règlement de codification qui a remplacé le règlement n 1371/84 ). Nous ferons référence à ces deux nouvelles dispositions comme, respectivement, au "nouvel article 3 bis" et au "nouvel article 7 bis ".

    2 . La nouvelle législation avait pour effet de permettre l' attribution d' un quota à des personnes qui, comme M . von Deetzen, avaient, en échange d' une prime, pris un engagement de non-commercialisation au titre du règlement n 1078/77 . Nous nommerons le quota disponible au titre du nouvel article 3 bis, le "quota spécifique ". M . von Deetzen a maintenant atteint l' âge de la retraite et souhaite prendre des dispositions pour que ses fils reprennent la ferme .

    3 . Le 19 décembre 1988, à la suite de l' arrêt 170/86, précité, le Finanzgericht Hamburg a, à l' origine, déféré les deux questions suivantes à la Cour pour décision préjudicielle :

    "1 ) L' article 177 du traité CEE doit-il être interprété en ce sens qu' une nouvelle demande de décision à titre préjudiciel est possible lorsque la juridiction nationale ne peut pas statuer du fait que les institutions compétentes de la Communauté n' ont pris aucune disposition alors que la Cour avait déclaré une norme invalide et que l' adoption de certaines dispositions est nécessaire pour remédier à cette situation juridique?

    2 ) En cas de réponse affirmative à la question 1 ): quels sont les effets de l' arrêt de la Cour du 28 avril 1988, 170/86, en présence d' une carence du Conseil depuis lors?"

    De toute évidence, ces questions sont devenues sans objet lorsque le Conseil et la Commission ont finalement adopté la nouvelle réglementation en mars et avril 1989 . En conséquence, par ordonnance en date du 8 août 1989, enregistrée à la Cour le 20 octobre 1989, le Finanzgericht a retiré les questions antérieurement déférées et y a substitué les suivantes :

    "1 ) Le règlement ( CEE ) n 857/84 du Conseil, du 31 mars 1984 dans la rédaction du règlement ( CEE ) n 764/89 du Conseil, du 20 mars 1989 et le règlement ( CEE ) n 1033/89 de la Commission, du 20 avril 1989, pris en vertu de ces dispositions, sont-ils valides dans la mesure où la quantité de référence spécifique prévue par l' article 3 bis, paragraphe 2, n' est égale qu' à 60 % de la quantité de lait ou d' équivalent lait qui a servi de base à la prime de non-commercialisation ou de reconversion?

    2 ) L' article 3 bis, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement précité, selon lequel la quantité de référence spécifique retourne à la réserve communautaire en cas de vente ou location de l' exploitation avant l' expiration de la huitième période d' application du régime du prélèvement supplémentaire, est-il valide?

    3 ) En cas de réponse affirmative à la question 2 ):

    a ) La notion de vente au sens de l' article 3 bis, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement ( CEE ) n 857/84, dans la rédaction du règlement ( CEE ) n 764/89, doit-elle être interprétée en ce sens qu' elle vise également l' apport de l' exploitation à une société civile dans laquelle le producteur qui a droit à la quantité de référence spécifique a une participation?

    Se trouve-t-on en présence d' une vente lorsque celui qui a apporté son exploitation quitte la société en raison de son décès ou pour tout autre motif et que sa part sociale échoit aux autres associés?

    b ) Comment la notion d' opération analogue à l' héritage au sens de l' article 7 bis, premier alinéa, du règlement ( CEE ) n 1546/88, dans la rédaction du règlement ( CEE ) n 1033/89, doit-elle être interprétée? Cette notion vise-t-elle, entre autres, également la location de l' exploitation à une personne qui, en cas de succession ab intestat, serait l' héritier du producteur qui a droit à une quantité de référence spécifique?"

    La première question

    4 . La première question préjudicielle déférée par le Finanzgericht porte sur la validité d' une limitation du montant du quota spécifique pouvant être attribuée, limitation prévue au nouvel article 3 bis, paragraphe 2 . Ce paragraphe avait pour effet de limiter le quota spécifique à 60 % du lait livré ou d' équivalent lait livré vendu par le producteur pendant l' année précédant sa demande de prime de non-commercialisation ou de reconversion ( ci-après "règle des 60 %").

    5 . Le 12 juillet 1980, M . von Deetzen s' est vu accorder une prime de non-commercialisation calculée sur la base de sa production laitière antérieure de 190 665 kg, en échange de quoi il devait s' abstenir de produire jusqu' au 7 septembre 1985 . Appliquant la règle des 60 %, le Landwirtschaftskammer Weser-Ems lui a accordé le 20 juin 1989 un quota spécifique limité à 114 399 kg ( c' est-à-dire à 60 % de 190 665 kg ).

    6 . Cependant, depuis que les présentes questions préjudicielles ont été déférées, la validité de la règle des 60 % a été examinée par votre Cour dans les arrêts du 11 décembre 1990, Spagl ( C-189/89 ) et Pastaetter ( C-217/89 ). Dans ces deux affaires, la règle a été considérée comme invalide, et, dans la présente affaire, il suffira de suivre ces arrêts .

    La deuxième question

    7 . La deuxième question déférée par le Finanzgericht porte sur la validité de la disposition contenue au nouvel article 3 bis, paragraphe 4, deuxième alinéa, selon laquelle un quota spécifique doit retourner à la réserve communautaire "en cas de vente ou location de l' exploitation avant l' expiration de la huitième période d' application du régime du prélèvement supplémentaire" - c' est-à-dire avant le 1er avril 1992 ( ci-après "règle de la déchéance "). Comme le souligne le Finanzgericht, la vente ou la location de l' exploitation n' entraîne pas une telle suppression du quota dans le cas des producteurs qui n' avaient pas à se fonder sur le nouvel article 3 bis pour se le voir attribuer . Dans leur cas, l' article 7, paragraphe 1, du règlement n 857/84, tel que modifié par le règlement n 590/85 du Conseil, du 26 février 1985 ( JO L 68, p . 1 ), dispose :

    "En cas de vente, location ou transmission par héritage d' une exploitation, la quantité de référence correspondante est transférée totalement ou partiellement à l' acquéreur, au locataire ou à l' héritier selon des modalités à déterminer ."

    Ces modalités se trouvent maintenant à l' article 7 du règlement ( CEE ) n 1546/88 de la Commission, dont le premier paragraphe dispose :

    "1 . En cas de vente, location ou transmission par héritage de la totalité d' une exploitation, la quantité de référence correspondante est transférée au producteur qui reprend l' exploitation .

    2 . En cas de vente, location ou transformation* par héritage d' une ou plusieurs parties d' une exploitation, la quantité de référence correspondante est répartie entre les producteurs qui reprennent l' exploitation en fonction des surfaces utilisées pour la production laitière ou d' autres critères objectifs établis par les États membres ...

    3 . Les dispositions des points 1 et 2 ... sont applicables, selon les différentes réglementations nationales, par analogie aux autres cas de transfert qui comportent des effets juridiques comparables pour les producteurs ."

    ( Ndt : texte français erroné, lire "transmission ".)

    8 . Le nouvel article 7 bis qui, rappelons-le, a été inséré dans le règlement n 1546/88 par le règlement n 1033/89, a prévu des règles détaillées concernant la transmission du quota spécifique . Comme nous l' avons vu ci-avant, l' article 7 fournit des règles portant sur la transmission d' un quota dans un cas normal . Le premier paragraphe de l' article 7 bis prévoit le transfert d' un quota spécifique conformément aux mêmes règles qu' "en cas de transmission de l' exploitation par héritage ou par une opération analogue à l' héritage ". Par conséquent, il n' existe dans un tel cas aucune différence entre les règles applicables aux bénéficiaires de quotas spécifiques et celles applicables aux producteurs n' ayant pas participé à un régime de non-commercialisation . A la lumière de l' article 7, paragraphe 1, point 3, une "opération analogue à l' héritage" au sens du nouvel article 7 bis signifie une opération qui "comporte(nt ) des effets juridiques comparables pour les producteurs ".

    9 . Toutefois, en cas de transmission de l' exploitation par vente ou par location, on applique des règles différentes à, d' une part, ceux qui n' ont pas participé à un régime de non-commercialisation et, d' autre part, aux bénéficiaires d' un quota spécifique : c' est seulement dans ce dernier cas qu' il y a déchéance du quota au titre du paragraphe 4, second alinéa, du nouvel article 3 bis . Les deuxième et troisième paragraphes du nouvel article 7 bis posent des règles détaillées pour l' application de cette disposition .

    10 . Quelle est la justification de cette différence de traitement entre les producteurs auxquels ont été accordés des quotas spécifiques, et ceux qui n' avaient pas participé à un régime de non-commercialisation? Le raisonnement suivi est exprimé comme suit dans le sixième considérant du règlement n 764/89 :

    "Considérant que les quantités octroyées ne sont pas destinées à procurer un bénéfice indu mais à être effectivement produites par leurs attributaires; qu' il convient dans ce but de les soumettre à certaines conditions restrictives ;".

    Le nouvel article 3 bis contient, en fait, un certain nombre de ces "conditions restrictives ". Notamment, les personnes demandant l' attribution d' un quota spécifique ne doivent pas avoir cessé leur activité ou cédé en totalité leur exploitation laitière avant l' échéance de la période couverte par leur engagement de non-commercialisation (( article 3 bis, paragraphe 1, sous a ) )); ils doivent établir qu' ils sont en mesure de produire sur leur exploitation jusqu' à hauteur de la quantité demandée (( article 3 bis, paragraphe 1, sous b ) )); ils doivent établir dans un délai de deux ans à compter du 29 mars 1989 qu' ils ont repris les ventes ou livraisons à un niveau au moins égal à 80 % de la quantité provisoire attribuée ( article 3 bis, paragraphes 1 et 3 ); nous constatons que le 29 mars 1989, date de publication du règlement au Journal Officiel des Communautés européennes, est le premier jour à partir duquel on peut déposer une demande de quota spécifique, et que les demandes doivent être faites dans les trois mois à compter de cette date : voir l' article 3 bis, paragraphe 1 . Un quota non utilisé ne peut faire l' objet d' une cession temporaire ( article 3 bis, paragraphe 4, premier alinéa ). Enfin, nous en arrivons à la condition qui nous préoccupe actuellement, le quota doit retourner à la réserve communautaire si l' exploitation est vendue ou louée avant la fin de la "huitième période", c' est-à-dire avant le 1er avril 1992 ( article 3 bis, paragraphe 4, second alinéa ).

    11 . Comme le Conseil le souligne dans ses observations écrites, ces dispositions visent clairement à empêcher le fermier d' obtenir un quota spécifique uniquement en vue d' accroître la valeur marchande de son exploitation, par opposition au fait d' utiliser le quota en continuant la production . En dépit des doutes du Finanzgericht, ce raisonnement nous semble exprimé de manière suffisante dans le sixième considérant du règlemement n 764/89 . Ainsi, la différence de traitement entre, d' une part, les personnes demandant l' attribution d' un quota spécifique, et d' autre part, les détenteurs d' un quota n' ayant pas participé à un régime de non-commercialisation, peut trouver une explication dans le fait que le premier groupe cité se propose de revenir à la production laitière après avoir participé à un tel régime . Le fait d' exiger que l' exploitation ne soit pas vendue ou louée avant le 1er avril 1992 peut alors être vu comme faisant intégralement partie d' un ensemble de conditions qui exigent que la personne demandant l' attribution d' un quota spécifique retourne véritablement à la production laitière à un niveau correspondant à celui du quota qu' elle a demandé .

    12 . Il est exact que dans l' affaire 170/86, précitée, point 13, il a été considéré que M . von Deetzen pouvait légitimement espérer reprendre sa production sans être soumis, à l' expiration de son engagement de non-commercialisation, à des "restrictions spécifiques en raison précisément du fait qu' il avait fait usage ( d' un régime de non-commercialisation )". Par ailleurs, on ne peut pas nier que les conditions restrictives du nouvel article 3 bis comprennent des restrictions qui affectent spécifiquement ceux qui reprennent la production après avoir participé à un tel régime . Ce n' est que dans le cas de ces producteurs que le droit de conserver un quota est lié à l' utilisation de celui-ci pour la production .

    13 . Toutefois, il nous semble que la portée du principe de confiance légitime en cause doit être plus soigneusement définie . Au point 15 de son arrêt 170/86, précité, la Cour fait le raisonnement suivant :

    "... une ... exclusion totale et permanente, pour toute la durée d' application de la réglementation en matière de prélèvement supplémentaire, qui a pour effet d' empêcher les producteurs concernés de reprendre la commercialisation de lait à la fin de la période de cinq ans, n' était pas prévisible pour ces producteurs au moment où ils prenaient, temporairement, l' engagement de ne pas livrer de lait . En effet, ni les dispositions ni les considérants du règlement n 1078/77 ne font apparaître que l' engagement de non-commercialisation pris au titre de ce règlement pourrait entraîner, à son expiration, l' impossibilité de reprendre l' activité en cause . Un tel effet porte donc atteinte à la confiance légitime que ces producteurs pouvaient avoir dans le caractère limité des effets du régime auquel ils se soumettaient ". ( souligné par l' auteur )

    De manière similaire, dans les affaires Spagl ( C-189/89 ), et Pastaetter ( C-217/89 ), précitées au point 6, la Cour a constaté l' invalidité de la règle des 60 %. La Cour a déclaré que si on limitait le quota spécial à 60 % de la production antérieure, le fermier reprenant à la production serait soumis à une limitation de celle-ci qui excéderait de plus du double la limitation la plus élevée subie par ceux qui n' avaient pas participé à un régime de non-commercialisation ( voir les points 24 de l' arrêt Spagl et 15 de l' arrêt Pastaetter ). En d' autres termes, le fermier qui avait accepté de suspendre sa production pour une période limitée se trouverait soumis à une restriction supplémentaire de sa production qui l' affecterait de manière spécifique lors de la reprise de son activité de production . Ainsi, bien que les affaires Spagl et Pastaetter aillent plus loin que l' affaire 170/86 en ce qu' elles ne portaient pas sur une restriction équivalant à une interdiction totale de la production laitière, elles portaient néanmoins également sur la confiance légitime qu' il pouvait avoir dans la possibilité de reprendre la production à la fin de la période de non-commercialisation .

    14 . Cette confiance légitime doit être comprise comme incluant non seulement la reprise de la production par le fermier lui-même, mais également par un héritier ou une personne reprenant l' exploitation par une voie analogue : voir l' arrêt du 21 mars 1991, Rauh/Hauptzollamt Nuernberg-Fuerth ( C-314/89 ). Dans cette affaire, le futur héritier de fermiers qui avaient participé à un régime de non-commercialisation, avait repris l' exploitation de ses parents après l' expiration de leur engagement de non-commercialisation, mais avant qu' il ne soit devenu possible de déposer une demande de quota spécifique . La Cour a déclaré que le droit de solliciter un quota doit être interprété comme s' étendant non seulement aux fermiers qui ont souscrit l' engagement, mais également à ceux qui ont repris l' exploitation par voie d' héritage ou par voie analogue : voir le point 23 de l' arrêt . A notre avis, le raisonnement qui sous-tend cette décision est que dans, un tel cas, on peut dire que les activités professionnelles d' un producteur ont été continuées par son successeur, le producteur ayant eu en conséquence légitimement confiance dans la possibilité de voir l' activité poursuivie par ce moyen . A notre avis, cette confiance légitime ne s' étend pas à la transmission du quota au moyen d' une transaction commerciale comme la vente ou la location à une personne n' ayant aucun lien avec le producteur .

    15 . C' est pourquoi, il nous semble que la Commission a raison d' affirmer que la confiance légitime de ceux qui ont participé à un régime de non-commercialisation consistait à croire qu' ils pourraient reprendre la production après l' expiration de la période de non-commercialisation plutôt que dans la possibilité de réaliser la valeur marchande du quota . Ainsi, lorsque M . von Deetzen a pris l' engagement de non-commercialisation, cela n' a engendré aucune confiance légitime dans la possibilité de recueillir les fruits financiers fortuits d' un système de quotas qui, au moment où il s' est engagé, n' existait pas encore .

    16 . Il s' ensuit que la confiance légitime d' un producteur reprenant son activité n' est pas mise en échec par des conditions destinées à assurer que sa reprise n' est pas purement momentanée ou partielle . Notamment la condition selon laquelle une exploitation ne doit pas être transmise ( excepté par voie d' héritage ou par une voie analogue ) avant le 1er avril 1992, c' est-à-dire dans les trois ans de l' attribution du quota spécifique, ne saurait être considérée comme faisant échec à la confiance légitime du producteur .

    17 . D' ailleurs, selon nous, une telle condition ne viole aucun autre principe général du droit communautaire . Il est exact que la limitation traite différemment les attributaires du quota spécifique en ce qu' ils sont soumis à une limitation qui n' est pas imposée aux autres détenteurs de quotas . Toutefois, il nous semble qu' il s' agit là d' une différence de traitement qui ne constitue pas une discrimination puisqu' elle peut être justifiée par la situation différente des deux groupes de fermiers . Ceux qui reprenaient la production après l' expiration de l' engagement de non-commercialisation le faisaient à un moment où le système des quotas existait depuis de nombreuses années au cours desquelles ceux-ci étaient devenus un élément d' actif précieux . C' est pourquoi c' est à juste titre que ces fermiers ont été soumis à des conditions les empêchant de retirer un avantage purement financier de l' attribution de quotas . A l' époque où les quotas ont été introduits pour la première fois et alors qu' ils n' avaient pas encore acquis une valeur marchande, il n' était pas nécessaire d' imposer de telles conditions .

    18 . De plus, la règle de la déchéance ne nous paraît pas pouvoir être considérée comme constituant une atteinte injustifiée au droit de propriété . Il est exact qu' elle constitue une restriction temporaire à une cession avantageuse de l' activité agricole de M . von Deetzen . Toutefois, selon nous, la limitation est de nature à pouvoir être justifiée par la nécessité de décourager une reprise de la production ayant pour seul objectif d' accroître la valeur de l' exploitation ( en recevant une attritution de quota ), par opposition à l' utilisation effective du quota pour la production . Permettre la transmission d' un quota dans de telles circonstances aurait pour conséquence d' accroître le volume global des quotas au préjudice de l' objectif communautaire de contrôle de la production laitière . D' autre part, elle servirait le seul intérêt du fermier individuel qui espère réaliser un gain spéculatif . Comme la Cour l' a souligné dans l' arrêt du 11 juillet 1989, Schraeder, point 15 ( 265/87, Rec . p . 2237 ), le droit de propriété, bien que faisant partie des principes généraux du droit, ne constitue pas une prérogative absolue, et son exercice peut être soumis à des restrictions limitées qui ne portent pas atteinte à la substance même du droit .

    19 . Enfin, étant donné que la règle de la déchéance s' applique pour une période maximale de trois ans à compter de l' attribution du quota, nous ne pensons pas qu' on puisse dire qu' elle viole le principe de proportionnalité .

    20 . C' est pourquoi, nous pensons qu' il n' existe pas de fondement permettant d' établir l' invalidité de la disposition mentionnée par le Finanzgericht dans sa deuxième question . Nous devons donc répondre aux questions restantes .

    La troisième question

    21 . La troisième question, qui est divisée en deux parties, porte sur la distinction entre, d' une part, la vente ou la location et, d' autre part, la transmission par voie d' héritage . N' oublions pas que ce n' est que dans le premier cas qu' une transmission de l' exploitation conduit à une déchéance du droit au quota spécifique . La question a pour objet de déterminer la manière dont cette règle s' applique dans diverses hypothèses .

    22 . Dans la procédure au principal, M . von Deetzen cherche en réalité à savoir comment il pourrait prendre des dispositions pour sa retraite sans perdre son droit à quota . En l' occurrence, nous ne pensons pas que tous les tribunaux des États membres se considéreraient comme tenus de répondre à des questions hypothétiques; mais, en application de l' article 177 du traité, il s' agit d' une question qui est du ressort de la juridiction nationale . Bien sûr, il peut exister des circonstances dans lesquelles, dans le contexte d' une question préjudicielle posée au titre de l' article 177, la Cour refusera de répondre à des questions purement générales ou hypothétiques ( voir l' arrêt du 16 décembre 1981, Foglia, point 18 ( 244/80, Rec . p . 3045 ). De telles circonstances sont toutefois exceptionnelles et si la juridiction nationale considère que les questions soulevées devant elle requièrent une réponse, en règle générale, la Cour ne refusera pas d' y répondre . Par ailleurs, lorsque, comme c' est ici le cas, on lui soumet à titre préjudiciel des questions portant sur les effets de transactions dont la Cour ignore les détails précis, de toute évidence elle ne pourra fournir que des lignes directrices sur l' approche à adopter par les juridictions nationales .

    a ) Le concept de "vente "

    23 . Dans la première partie de sa question, le Finanzgericht demande si le concept de "vente" du paragraphe 4, deuxième alinéa, du nouvel article 3 bis, couvre les transactions suivantes : i ) lorsque l' exploitation en question est apportée à une société civile dans laquelle le producteur qui a droit au quota a une participation, et ii ) lorsqu' il quitte la société en raison de son décès ou pour tout autre motif et que sa part sociale échoit aux autres associés .

    24 . Comme nous l' avons vu, la règle de la déchéance peut se trouver justifiée en ce qu' elle a pour objectif d' empêcher qu' un avantage indu ne résulte de l' attribution du quota . Un tel avantage naîtrait lorsque le quota spécifique est obtenu en vue d' accroître la valeur marchande immédiate de l' exploitation plutôt que pour reprendre la production . A l' inverse, il n' y a aucune raison pour qu' une déchéance du droit à quota résulte d' une transaction uniquement destinée à garantir aux détenteurs du quota ou à ses héritiers qu' ils puissent continuer l' exploitation .

    25 . Nous voudrions rappeler que, d' après l' article 7, paragraphe 1, point 3, du règlement n 1546/88, les règles de la transmission de quota de ce paragraphe s' appliquent "par analogie aux autres cas de transfert qui comportent des effets juridiques comparables pour les producteurs ". En cas de transmission de l' exploitation "par héritage ou par une opération analogue à l' héritage", le nouvel article 7 bis, paragraphe 1, applique les mêmes règles à la transmission du quota spécifique . D' un autre côté, l' article 7 bis, paragraphe 2, se réfère simplement au "... cas d' application de l' article 3 bis, paragraphe 4, deuxième alinéa ...". C' est pourquoi le nouvel article 7 bis, paragraphe 2, n' étend pas expressément la règle de la déchéance aux transactions qui y sont "analogues" à une vente ou une location . Toutefois, une telle extension nous paraît résulter implicitement du système du nouvel article 7 bis qui, comme l' article 7 du même règlement, tient compte des effets, et non simplement de la forme, des transactions en cause .

    26 . Il pourrait être objecté que la règle de la déchéance constitue une restriction à l' exercice des droits de propriété du détenteur du quota, et qu' il serait par conséquent nécessaire d' avoir une disposition expresse pour pouvoir étendre la règle aux transactions comportant des "effets juridiques comparables" à une vente ou à une location . A notre avis, il suffit toutefois que les dispositions en question se prêtent à une telle interprétation extensive, en raison de leurs termes, de leur contexte et de leur objectif . Tel serait même le cas pour l' imposition d' une pénalité : voir l' arrêt du 25 septembre 1984, Koenecke, points 11 à 16 ( 117/83, Rec . p . 3291 ); cela est donc a fortiori exact dans le cas de dispositions qui restreignent simplement l' exercice de droits pour une période limitée . Comme nous l' avons vu, l' objectif des dispositions est d' empêcher la réalisation immédiate de la valeur marchande du quota . Cette réalisation pourrait s' effectuer au moyen de transactions comportant des effets juridiques comparables à ceux d' une vente ou d' une location aussi aisément que par la vente ou la location elle-même, et toute interprétation plus étroite du nouvel article 3 bis, paragraphe 4, et du nouvel article 7 bis, paragraphe 2, ferait par conséquent échec à l' objectif clair et précis de ces dispositions .

    27 . Les concepts de "vente" et de "location" employés dans le nouvel article 3 bis doivent donc être compris comme s' étendant aux transactions qui comportent des "effets juridiques comparables" pour les producteurs . Ainsi, ils incluent non seulement les transactions qui ont la forme d' une vente ou d' une location, mais également les autres dans lesquelles le détenteur du quota transmet une participation dans l' exploitation à une autre partie, chaque fois que de telles transactions sont destinées à réaliser la valeur commerciale du quota .

    28 . La question de savoir si une transaction est uniquement destinée à encourager la continuation de l' activité par le détenteur originaire du quota, par opposition au fait de lui permettre de réaliser la valeur marchande du quota, ne peut être tranchée qu' au moyen d' un examen détaillé de la transaction en cause; et cette tâche est clairement du ressort de la juridiction nationale . Lorsque la transaction consiste dans la constitution d' une société, la réponse à la question dépendra des particularités du contrat de société et de ses effets en droit national . Ainsi, le critère à appliquer consistera à savoir si la formation de la société conduira à échanger un quota, ou les bénéfices résultant de sa mise en oeuvre, contre une participation à d' autres bénéfices ou actifs . Dans un tel cas, la valeur commerciale de la totalité ou d' une partie du quota a bien effectivement été réalisée par le détenteur du quota; et il n' est pas douteux que cela sera généralement le cas lorsque la société est un accord commercial passé entre des personnes qui traitent sur un pied d' égalité . Par ailleurs, une société constituée avec de futurs héritiers peut ne pas entrer dans la définition de la "vente" ou de la "location" parce qu' elle serait une transaction analogue à l' héritage : voir ci-après les points 32 et 33 .

    29 . Des principes similaires devront être appliqués par la juridiction nationale lorsqu' elle qualifiera des transactions dans lesquelles le détenteur originaire du quota cesse de faire partie de la société . Si la transaction a pour objet ou pour effet de permettre au détenteur du quota de réaliser la valeur de sa participation, par exemple, en se la faisant racheter par le reste des associés, il est clair que cela peut être, à bon droit, considéré comme une "vente" au sens de la règle sur la déchéance; encore que, comme nous l' avons vu, une opération équivalant à une "vente" ou à une "location" puisse déjà avoir eu lieu à l' époque de la formation de la société .

    30 . Le Finanzgericht mentionne également le cas dans lequel le détenteur du quota quitte la société en raison de son décès ou pour tout autre motif et où sa part sociale échoit aux autres associés . En fonction des circonstances, cela peut être plus facilement considéré comme une "vente" ou comme un "héritage"; mais il nous semble que ce problème sera mieux débattu dans le contexte de la seconde partie de la question posée par le Finanzgericht ( voir ci-après les points 35 et 36 ).

    b ) Le concept de "( par ) héritage ou ( par ) une opération analogue ... "

    31 . Il convient de rappeler que le nouvel article 7 bis, paragraphe 1, prévoit qu' en cas de transmission de l' exploitation "par héritage ou par une opération analogue à l' héritage", le quota spécifique est transféré conformément aux règles habituellement applicables aux quotas . C' est pourquoi, de telles transactions conduisent à une transmission plutôt qu' à une déchéance du droit à quota . Dans la seconde partie de sa question, le Finanzgericht demande comment doit être interprétée la notion d' "opération analogue à l' héritage" et, notamment, si elle vise la location de l' exploitation à un héritier légal du détenteur du quota .

    32 . Il nous semble que, comme pour l' interprétation de la notion de "vente" et de "location", le principe directeur devrait être de savoir si la transaction est l' une de celles qui sont destinées à réaliser la valeur marchande du quota, par opposition au fait d' aider à la continuation de l' activité de production par le détenteur originaire du quota . Au surplus, il est clair qu' en arrêtant les articles 7 et 7 bis du règlement n 1546/88, le législateur communautaire a admis que les activités de production du détenteur du quota peuvent être considérées comme poursuivies par ces héritiers lesquels devraient en conséquence être autorisés à conserver le bénéfice du quota .

    33 . C' est pourquoi, en principe, les transactions "analogues" à l' héritage peuvent inclure des accords passés avec l' héritier présomptif durant la vie du détenteur du quota : voir l' affaire C-314/89, précitée, point 14 . Toutefois, nous répétons que la question de savoir si un accord particulier entre dans la définition des termes "par héritage ou par une opération analogue ..." dépendra des particularités de l' accord en question . Il existe certaines transactions qui ne seraient pas comprises dans la définition de ces termes même si elles étaient passées avec un futur héritier : par exemple, lorsque l' exploitation est vendue à sa pleine valeur marchande . Il appartient encore à la juridiction nationale d' examiner les détails de la transaction afin de déterminer quel objectif elle est destinée à servir au mieux .

    34 . De la même manière, en cas de location de l' exploitation à un héritier présomptif, la transaction ne doit pas d' autre part équivaloir à un moyen indirect de réaliser la valeur du quota . Qui plus est, l' objet de la transaction doit être de permettre la reprise de l' activité par l' héritier présomptif . Ainsi, une location à un héritier futur qui ne prend pas fin au cours de la vie du détenteur du quota, et qui n' autorise pas la sous-location ou le transfert durant cette période, pourrait raisonnablement être considérée comme entrant dans la définition des termes "par héritage ou par une opération analogue ..." au sens du nouvel article 7 bis, paragraphe 1 .

    35 . D' autre part, chaque transmission d' une participation consécutive à la mort du détenteur du quota ne doit pas obligatoirement être considérée comme une transaction "analogue" à un héritage . Pour revenir à la question de la transmission d' une participation dans une société par la mort d' un associé ( voir le point 30 ci-avant ), il est clair qu' il existe des circonstances dans lesquelles il peut s' agir d' un incident survenu dans le cadre d' un arrangement purement commercial . Dans ces cas, on devra toutefois se poser la question de savoir si une "vente" a eu lieu à la date de la formation de la société ou à la date de la mort du détenteur du quota . Bien que cette dernière soit la date à laquelle la participation du détenteur du quota passe aux autres associés, un examen des termes du marché conclu à la première date peut révéler qu' une opération équivalant à une "vente" a déjà eu lieu à ce moment-là .

    36 . A l' opposé, si la société est constituée avec de futurs héritiers, il sera plus naturel de considérer la transmission de la participation par le décès comme une opération analogue à l' héritage, même si la passation de la participation aux autres associés est une matière expressément régie par le contrat de société plutôt que par le testament du détenteur du quota . Nous répétons que la véritable nature de la transaction devra être déduite des termes de l' accord passé à la date de la constitution de la société, et qu' il se peut qu' on constate qu' une transaction pertinente a déjà eu lieu à cette date .

    Conclusion

    37 . Eu égard aux considérations qui précèdent, nous suggérons de répondre aux questions déférées par le Finanzgericht comme suit :

    "1 ) L' article 3 bis, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n 857/84 du Conseil, du 31 mars 1984, tel que modifié par le règlement ( CEE ) n 764/89 du Conseil, du 20 mars 1989, est invalide dans la mesure où il limite la quantité de référence spécifique prévue par cette disposition à 60 % de la quantité de lait livré ou de la quantité d' équivalent lait vendue par le producteur pendant la période de douze mois de calendrier précédant le dépôt de la demande de la prime de non-commercialisation ou de reconversion .

    2 ) L' examen des questions déférées n' a fait apparaître aucun élément de nature à affecter la validité de l' article 3 bis, paragraphe 4, second alinéa, du règlement ( CEE ) n 857/84, tel que modifié par le règlement ( CEE ) n 764/89 .

    3 ) a ) Les notions de "vente" ou de "location" au sens de l' article 3 bis, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement ( CEE ) n 857/84, tel que modifié par le règlement ( CEE ) n 764/89, doivent être interprétées en ce sens qu' elles visent les transactions destinées à réaliser la valeur du quota, par opposition à celles visant à faciliter la continuation de la production laitière de l' exploitation par le détenteur du quota ou ses héritiers présomptifs .

    b ) La notion de "transmission de l' exploitation par héritage ou par une opération analogue à l' héritage" figurant au paragraphe 1 de l' article 7 bis du règlement ( CEE ) n 1546/88 de la Commission, du 3 juin 1988, tel que modifié par le règlement ( CEE ) n 1030/89 de la Commission, du 30 avril 1989, doit être interprétée comme incluant les transactions passées entre le détenteur originaire du quota et ses héritiers présomptifs qui sont destinées à faciliter la continuation par ceux-ci de la production de l' exploitation, par opposition au fait de réaliser la valeur du quota ."

    (*) Langue originale : l' anglais .

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