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Document 52012AE1701

Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Exploiter le potentiel de l'informatique en nuage en Europe» — COM(2012) 529 final

JO C 76 du 14.3.2013, p. 59–65 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/59


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Exploiter le potentiel de l'informatique en nuage en Europe»

COM(2012) 529 final

2013/C 76/11

Rapporteur: M. PIGAL

Le 14 août 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Exploiter le potentiel de l'informatique en nuage en Europe»

COM(2012) 529 final.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 décembre 2012.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 16 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 158 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité voit dans le Cloud Computing (CC) une opportunité de croissance et de compétitivité pour l’Europe, et souhaite, par le présent avis, proposer une vision différente et complémentaire de celle qu'expose la Commission dans sa communication. Le Comité encourage fortement la Commission à considérer avec attention cette proposition et à ajuster sa stratégie CC en fonction.

1.2

Le Comité partage le point de vue de la Commission sur la nécessité de développer l’usage du CC en Europe afin de rendre son économie plus agile, plus performante et innovante. Il soutient donc les 3 actions proposées par la Commission:

faire un tri dans la jungle des normes techniques et soutenir les systèmes de certification;

élaborer des conditions contractuelles types «sûres et équitables» pour les contrats CC;

créer un partenariat européen associant les États membres et les entreprises pour développer des secteurs publics s’appuyant sur le CC.

1.3

L’usage du Cloud Computing renforce la nécessité de protéger les citoyens, leurs données et leur vie privé. C’est pourquoi le Comité encourage la Commission à continuer dans cette voie, notamment par la coopération internationale et par le renforcement d’un cadre réglementaire pour:

protection des données et vie privée;

les accès gouvernementaux aux données;

le contrôle des données et la gestion des conflits entre utilisateurs et fournisseurs;

la portabilité et l’interopérabilité.

Le Comité rappelle aussi que ces efforts de protection auront une efficacité maximale pour des données stockées par des fournisseurs CC sur le territoire Européen.

1.4

En parallèle et complément aux usages facilités du CC, et s’inspirant de la réussite qu’ont connue les USA dans le CC, le Comité recommande que la Commission s’attache à favoriser la création d’une production européenne d’énergie numérique, autrement dit l’émergence et le renforcement de fournisseurs européens d’infrastructure CC (IaaS: «Infrastructure as a Service»).

Pour cela, plusieurs voies peuvent être envisagées:

encourager des acteurs européens à se mobiliser et à investir dans des projets de production d’énergie numérique. Les entreprises cibles pourraient notamment être les opérateurs de télécommunication, les éditeurs de logiciels, etc.;

renforcer les allocations des Fonds structurels ou favoriser l'emploi des subventions afin de favoriser l’émergence de centres de données CC gérés et opérés par des acteurs européens; le financement européen du haut débit pourrait servir de modèle pour celui du CC;

lancer des projets européens sur lesquels des consortia européens pourraient proposer des offres compétitives et renforcer ainsi leurs activités, les services, leurs produits.

L’objectif est de profiter de conditions favorables (protection des données forte en Europe, craintes des utilisateurs vis-à-vis de fournisseurs trop distants, besoin de garanties fortes de sécurité, etc.), pour permettre l’émergence de fournisseurs CC européens, qu’ils soient locaux, nationaux (Cloud Souverain) ou transfrontaliers (consortia sur plusieurs États membres).

1.5

Les restructurations liées à la «cloudification» des services informatiques, les pertes d’emplois, les délocalisations, la virtualisation et distanciation entre les utilisateurs et les informaticiens sont autant d’aspects négatifs qu’il convient de prendre en compte. Or cet impact social n’est pas mentionné dans la communication de la Commission.

Au contraire, la Commission s’appuie sur les perspectives d’un cabinet d’analyse pour annoncer que le CC devrait conduire à la création de 2,5 millions d’emplois. Le Comité s’interroge pour savoir si ces chiffres ne sont pas inatteignables et déconnectés de la réalité du terrain informatique.

1.6

En complément au Partenariat européen du CC (ECP), la Commission devrait engager au plus vite le développement d’un « texte de type Cloud First Policy » (s’inspirant de celles des USA ou de la Nouvelle-Zélande) pour favoriser l’usage du CC, parmi les administrations européennes et des États membres. L’objectif en est de casser les barrières culturelles ou les craintes individuelles, et naturellement de bénéficier de la plus grande flexibilité des services, mais aussi de la réduction importante des coûts liées au CC.

Naturellement, le Comité insiste pour que la Commission intègre, dans cette «Cloud First Policy», des garde-fous à l’utilisation du CC dans les services publics et certains secteurs privés sensibles afin de contrôler, voire d’empêcher, son hébergement par des fournisseurs soumis à des réglementations nationales à risque; par exemple le « Patriot Act » pour les fournisseurs nord-américains, même quand ils sont implantés en Europe.

1.7

Une des principales difficultés et craintes des utilisateurs (individuels ou entreprises) concernant le CC est la gestion de conflits avec un fournisseur hors de leurs frontières.

S’inspirant du e-Commerce, tout aussi globalisé et international que le CC, le Comité, qui a produit un avis sur le sujet (1), suggère que la Commission intègre l’ODR (Online Dispute Resolution) comme une possible solution pour résoudre, par la médiation, la plupart des conflits, notamment ceux impliquant plusieurs juridictions. Cette médiation, devant être indépendante et impartiale, pourrait être confiée à une agence européenne existante ou nouvelle. Celle-ci se chargerait de la modération et la négociation entre les fournisseurs et les utilisateurs du CC. De plus, cette activité de médiation permettrait d’identifier les principales causes de conflits, les dysfonctionnements récurrents, les besoins d’ajustement des pratiques ou réglementations.

1.8

Même si les différentes interventions (conférences, presse, etc.) des représentants de la Commission ont confirmé leur volonté de soutenir la communication, la sensibilisation et la formation des utilisateurs potentiels du CC, la communication ne propose pas de mesures concrètes et chiffrées.

Le Comité attend donc que la Commission complète sa communication avec notamment des initiatives visant en priorité les utilisateurs les moins sensibilisés au CC, c'est-à-dire:

l’éducation des utilisateurs individuels sur les protections et précautions d’usage liées au CC; conditions générales ou contrats, la protection de la vie privée, etc.;

la sensibilisation des PME sur les bénéfices qu’elles peuvent attendre du CC; réduction des couts, flexibilité et agilité des développements informatiques, etc.

1.9

Le Comité propose que le Commission ajoute à la communication l’élaboration de normes sur les consommations d’énergie des centres de serveurs spécialisés dans le CC.

1.10

Concernant les actions que la Commission se propose d’entreprendre, le Comité suggère qu’un agenda précis soit établi, et que des dates et rapports d’avancement soient précisément et explicitement planifiés pour chacun des chantiers envisagés.

2.   Proposition de la Commission

2.1

Pour rappel, le CC peut être expliqué par la phrase introductive de la communication:

«L'informatique en nuage peut se résumer au stockage, au traitement et à l'utilisation de données contenues dans des ordinateurs distants [sans en connaitre précisément la localisation] et auxquelles on accède par Internet».

En complément, le Comité a adopté en 2012 un avis traitant exclusivement du CC (2). Les travaux du National Institute of Standards and Technology (NIST), du Parlement européen et du Contrôleur européen de la protection des données sont aussi tout à fait intéressants.

La Commission a publié deux documents (la saisine de la Commission au Comité porte exclusivement sur le premier document):

une communication («la communication») qui présente la stratégie CC de la Commission européenne («la Commission»);

un document d'analyse d'impact.

2.2

La Commission propose trois «actions stratégiques» pour stimuler l’usage du CC en Europe:

faire un tri dans la jungle des normes techniques et soutenir les systèmes de certification à l'échelle de l'UE pour les prestataires de services en nuage fiables;

élaborer des conditions contractuelles types «sûres et équitables» pour les contrats CC, notamment pour les accords sur les niveaux de service;

créer un partenariat européen en faveur du CC associant les États membres pour développer, ensemble, des secteurs publics basés sur le CC.

3.   Observations générales

3.1

Le Comité propose une nouvelle vision du CC, illustré par le concept d’«énergie numérique» qui tend à se généraliser pour évoquer la capacité informatique (stockage, traitement, transfert d’informations) mise à disposition par le CC.

L’énergie numérique est mise à disposition sans avoir à connaître (pour les consommateurs) le mode de production, autrement dit, le centre de données, sa localisation, les technologies utilisées, etc. Apparaît aussi une nouvelle segmentation du marché: aux utilisateurs et prestataires de services, viennent maintenant s’ajouter des producteurs d’énergie numérique, capables de réaliser d’énormes investissements (en milliards de dollars) pour mettre en place des centres de CC.

3.2

L’énergie numérique devient un enjeu économique et stratégique comme les autres énergies (fossiles, électriques, etc.).

D’abord, la maîtrise de cette énergie (que ce soit pour la production ou la distribution) est à la base du potentiel de croissance et de la création d’emplois tels qu’envisagés dans l’Agenda numérique. De plus, un rôle actif dans la production d’énergie numérique est nécessaire pour assurer à l’Union européenne et ses États membres une indépendance et autosuffisance stratégiques (au moins partielle).

3.3

Le développement du CC en Europe passe donc par la maitrise de toute la chaine de valeur de l’énergie numérique (usage, services et production) comme l’illustre le tableau suivant:

Niveau de développement

Description

Objectifs politiques

Description

Usage

Usage croissant de solutions de CC par les particuliers, les entreprises et les services publics

Cloud Friendly

L'Europe utilise les technologies développées et l'énergie numérique produite en dehors de ces frontières.

Services

Émergence d’un nouvel écosystème CC spécialisé dans le développement de logiciels s’appuyant sur une infrastructure CC

Cloud Active (3)

L'Europe est non seulement utilisatrice, mais aussi active dans l’énergie numérique; par l'innovation et le développement de nouveaux services

Production

Capacités informatiques mises à disposition des prestataires de services et des utilisateurs (par ex. les «mégafermes» de serveurs à la base de l'infrastructure CC)

Cloud Productive (4)

L'Europe ne se contente pas de proposer des services pour consommer l'énergie numérique produite par d'autres, elle est aussi productrice pour être indépendante et autosuffisante

Les dernières décennies permettent de mesurer toute l’importance que revêt la dépendance des États membres ou même de la zone Europe vis-à-vis de différentes sources d’énergie: pétrole, gaz, électricité, etc. Si, à l’avenir les informations des citoyens, des entreprises et des services publics européens devaient être hébergées, gérées et contrôlées par des acteurs du CC non européens, on peut légitimement s’interroger sur les effets d’une telle dépendance:

la protection des informations les plus sensibles si elles sont au cœur d’une compétition stratégique entre des pays non européens et européens; par exemple l’aéronautique, l’automobile, la pharmacie, la recherche, etc.;

la disponibilité des informations dans l’hypothèse de tensions internationales entre des pays «hébergeurs» et des États membres;

l’égalité de traitement des consommateurs d’énergie numérique selon qu’ils soient citoyens ou organisations d’un pays «ami» ou non;

la création d’emplois et de richesses par la production d’énergie numérique, mais aussi par tout l’écosystème de développement de services, dans les pays hébergeurs; et ce, au détriment des pays simples utilisateurs, s’étant contentés d’être «cloud-friendly».

3.4

Or, l’Europe est déjà très dépendante de fournisseurs non européens pour la fourniture de matériels, de logiciels et de réseaux informatiques. Les stars des réseaux sociaux sont issues des USA. Les moteurs de recherche les plus populaires sont contrôlés par des firmes basées soit aux USA, soit en Chine. Les développements informatiques sont de plus en plus externalisés en Inde ou d’autres pays à bas coûts.

Actuellement, la production d’énergie numérique est presque totalement contrôlée au niveau mondial par un oligopole de producteurs. Le premier acteur européen est, selon certaines études, OVH (acronyme de «On Vous Héberge» - www.ovh.com), sans qu’il bénéficie pourtant de la même visibilité et puissance mondiale. Quelques initiatives ont été lancées par des opérateurs de télécommunications tels que T-Systems, Telefonica Digital, Cloud Sigma, Numergy/SFR ou Cloudwatt/Orange; sans qu'ils soient, cependant, en position de rivaliser avec les leaders du marché: Amazon, Microsoft et Google.

3.5

Actuellement, même s’il existe certaines différences entre les réglementations des États membres, elles restent proches des textes, normes et directives européens, d’où les craintes des utilisateurs, parfois légitimes, de voir leurs informations délocalisées en dehors de la zone Europe, avec des difficultés et blocages judiciaires en cas de litige.

De plus, l’aspect qui catalyse le plus les craintes des utilisateurs est le «patriotAct». Issu de la lutte contre le terrorisme (après les attentats contre les tours jumelles du World Trade Center), il permet au gouvernement des USA ou à un juge fédéral d’accéder à n’importe quelle information; son propriétaire peut être américain ou non, la seule condition est qu’elle soit hébergée et contrôlée par une société américaine; y compris, si les données sont hébergées dans un centre sur le sol européen. Surtout, le propriétaire de ces informations ne peut pas être informé que l’hébergeur a révélé les données hébergées.

3.6

Économiquement, le secteur devrait, selon la Commission, permettre de créer 2,5 millions de nouveaux emplois d'ici huit ans en Europe et contribuer à hauteur de 160 milliards d'euros par an au PIB de l'Union européenne (1 % environ).

Le Comité s’interroge sur la pertinence de ces objectifs chiffrés. En effet, une analyse détaillée de l’impact du CC sur le terrain fait apparaître que:

les services d’exploitation seront «mutualisés» entre les clients du CC, s’accompagnant naturellement d’une réduction des effectifs, voire d’une délocalisation;

le CC favorise l’utilisation de logiciels standards (cf. SaaS) au détriment de développements plus spécifiques qui requièrent aussi plus de développeurs. Donc là aussi, une perte d’emplois est à prévoir.

Or dans la communication, l’impact social décrit ci-dessus n’est pas mentionné ni pris en compte; pas plus, d’ailleurs, que les restructurations liées à la «cloudification» des services informatiques, les pertes d’emplois, les délocalisations, la virtualisation et la distanciation des utilisateurs et des informaticiens.

3.7

Le simple usage du CC permet déjà des économies d’énergie pour les équipements informatiques. En parallèle, les grands fournisseurs de CC (espace de stockage et services associés) possèdent des fermes de serveurs dont la majorité utilise des processeurs ayant une consommation de l’ordre de 100 W/h par unité, et qui pourrait être divisée par 10 à court ou moyen terme. Quelques constructeurs de microprocesseurs offrent des processeurs bon marché, dégageant moins de chaleur (un vrai problème pour la climatisation des salles machines) et consommant moins d’énergie.

4.   Observations particulières

4.1

La Commission s’intéresse principalement au Cloud public sans se pencher sur le marché du Cloud privé. Il s’agit pourtant d’une approche considérée comme fiable et parfois nécessaire pour les informations critiques avant de passer au «tout Cloud Public».

Il convient de noter que par Cloud public, il faut comprendre «Cloud publiquement disponible» et non «Cloud pour les services publics».

4.2

Dans le paragraphe d’introduction, il est mentionné que la technologie Cloud pourrait être porteuse de risques supplémentaires, ce qui ne reflète pas nécessairement la réalité; en effet, le Cloud apporte certes de nouveaux risques, mais en supprime aussi certains autres.

4.3

Certains termes anglophones tels que «cloud-friendly» ou «cloud-active» sont difficilement traduisibles dans d’autres langues; dans certains cas, la traduction de la communication a totalement dénaturé le propos de la version originale.

Par exemple en 3.1 et 3.2 «cloud-friendly» et «cloud-active» sont traduits (dans certaines langues) de manière identique alors qu’ils reflètent des objectifs différents.

5.   Analyse du Comité économique et social européen

5.1

Les propositions de la Commission pour développer l’usage du Cloud visent à:

l’amélioration des contrats liant les consommateurs et les fournisseurs d’énergie numérique; il s’agit d’imposer (ou d’empêcher) certaines clauses afin de mieux protéger les utilisateurs individuels ou les petites entreprises face à la puissance de certains producteurs;

l’émergence de normes cohérentes et reconnues de tous, qui faciliteront l’interopérabilité, voire la portabilité, entre deux plateformes Cloud;

la définition d’un marché unique européen du CC s’appuyant sur un cadre légal cohérent, possiblement unique entre les États membres.

Toutes ces propositions sont concrètes, réalistes et nécessaires; elles recueillent donc l’entier soutien du Comité. Ce dernier note cependant que les deux premières propositions ne portent pas sur des difficultés propres à l’Europe. Il aurait donc attendu que la Commission, par sa communication, s’attaque prioritairement à des difficultés spécifiquement européennes.

5.2

Le Comité reste attaché aux objectifs fondamentaux de l’Agenda numérique; notamment:

positionner l’Europe, ses États membres et ses acteurs économiques, en leader des secteurs informatiques et télécommunications;

atteindre une certaine indépendance vis-à-vis d’autres zones économiques actuellement leaders ou émergentes;

et surtout, la création d’emplois et de richesses au sein même de l’Europe.

5.3

Concernant le développement de l’«usage» du CC, la section 3.1 mentionne à deux reprises le terme anglais de «cloud-friendly» comme objectif à atteindre. Or la commissaire en charge de l’Agenda numérique, dans ses nombreuses interventions pour soutenir le CC, défend, elle, l’objectif de rendre l’Europe «cloud-active».

La Vice-présidente de la Commission européenne, Mme Neelie KROES, indiquait à Davos le 27 janvier 2011): «I want to make Europe not just “cloud-friendly” but “cloud-active”» («Je veux rendre l'Europe non seulement “cloud friendly”, mais surtout “cloud-active”») et annonçait officiellement la communication par un article du 27 septembre 2012 sur son blog «Making Europe cloud active» («Rendre l'Europe “cloud-active”»). Le niveau de développement défendu dans ces interventions est donc plus ambitieux que le seul «cloud-friendly».

Le Comité s’étonne donc de l’écart entre les objectifs légitimement défendus par la Vice-présidente de la Commission, avec, en deçà, la réalité des actions proposées dans la communication. De plus, il rappelle que, dans un précédent avis (5), il avait encouragé la Commission à être plus ambitieuse que «cloud-active» pour l’Europe, en proposant qu'elle vise à être « cloud-productive ».

5.4

La communication ne propose pas la création d’un acteur européen, un «super-nuage européen», pour la production d’énergie numérique. Compte tenu de la mission de DG Connect, de la difficulté de la création d’un tel «géant», le Comité comprend et soutient cette position. Les différents acteurs du secteur rencontrés (opérateurs de télécommunication, éditeurs de logiciels, intégrateurs de systèmes, etc.) sont d’ailleurs unanimes pour renforcer cette position.

Il n’en reste pas moins qu’entre un irréaliste «géant» européen, et des «micro-Cloud» européens cantonnés aux marchés de niche face à la puissance marketing, commerciale et financière d’acteurs globaux et non-européens, un juste milieu Européen existe!

La proposition du Comité vise à l’émergence et au renforcement d’acteurs européens majeurs en charge de méga-centres CC, la future Industrie numérique Européenne! Ces acteurs pourront être locaux, nationaux (Cloud Souverain) ou transfrontaliers (consortia sur plusieurs États membres).

5.5

Le Comité fait aussi remarquer que, sans avoir la taille des leaders du marché, les acteurs CC européens bénéficient de plusieurs avantages concurrentiels:

les clients du CC sont encore extrêmement prudents et préfèrent un fournisseur CC de proximité, possiblement national ou même régional, même si cette prudence ne permet pas de maximiser les réductions de coûts du CC;

la réglementation sur la protection des données en Europe et dans les États membres reste complexe pour les utilisateurs et favorise le choix d’un fournisseur CC national;

la réglementation internationale, à laquelle des fournisseurs d’autres pays non européens sont tenus, n’est à l’heure actuelle pas appropriée pour le CC; l’exemple le plus connu étant le Patriot Act aux USA.

Or, ces conditions favorables pour l’émergence d’acteurs européens ne dureront pas. Il est donc important et urgent que la Commission agisse pour favoriser l’émergence d’acteurs européens dans cette période encore favorable.

5.6

Dans la section 2 de la communication il est indiqué: «il est peu vraisemblable que les efforts déployés isolément au niveau national s'avèrent très rentables». Le Comité encourage la Commission à réexaminer sa position vis-à-vis du Cloud souverain.

D’une part, nulle part dans la communication ou l’analyse d’impact, cette affirmation n’est étayée par le moindre élément factuel, fait assez surprenant compte tenu de la sévérité de l’affirmation.

D’autre part, sauf à proposer une solution alternative, qui n’est pas non plus dans la communication, les critiques vis-à-vis des clouds souverains ou locaux sont sévères et pourraient compromettre toute solution crédible pour construire une offre CC robuste, durable et compétitive, face aux géants des autres zones géographiques (Inde, Chine ou USA).

5.7

L’approche proposée, à travers le Partenariat du Cloud européen, est très largement centrée sur le secteur des services publics souhaitant (cf. section 3.5) « investir le secteur public d’un rôle moteur ».

Le Comité reconnait et appuie la position de la Commission sur l’importance des services publics dans les modèles socio-économiques en Europe. Ils ont donc un rôle à jouer dans le développement du CC.

Cependant, le Comité peut difficilement envisager que, dans un contexte généralisé de restrictions budgétaires, les services publics européens puissent être les moteurs de l’innovation CC. Il rappelle d’ailleurs que les plus remarquables réussites européennes ont été portées soit par le secteur privé (exemple: la téléphonie mobile, les cartes à puce), soit par un secteur privé bénéficiant de soutien public (exemple: Airbus, Ariane Espace, etc.).

Le Comité recommande que la Commission soit plus explicite sur le «rôle moteur» envisagé par ce partenariat.

5.8

L’approche proposée par la Commission s’inscrit dans un modèle «top-down»; autrement dit, faciliter l’usage, pour encourager l’émergence des services et possiblement de la production d’énergie numérique.

Le Comité soutiendrait tout à fait cette montée en puissance progressive tirée par la demande; dans un environnement vierge de tout acteur dominant, ou avec un équilibre entre les acteurs européens et non européens. Malheureusement, cet environnement n’existe plus, et les principaux acteurs du Cloud sont non européens et dans une position oligopolistique. Le développement de l’usage du Cloud pourrait donc avoir des effets contre-productifs renforçant encore la position de ces leaders.

Sans refuser ce développement, le Comité insiste pour que la Commission établisse des «garde-fous» pour que ses actions bénéficient aux acteurs européens et leur permettent d’émerger face à la position dominante d’acteurs non européens.

5.9

En parallèle et complément à l’approche «top-down» décrite précédemment, le Comité souhaite encourager la Commission à proposer des actions concrètes s’inscrivant explicitement dans une approche «bottom-up», c’est-à-dire encourager la création de producteurs CC au niveau régional, national ou transfrontalier pour, par la suite, favoriser le développement des services et l’usage du CC.

D’autres secteurs, tels que l’automobile ou la téléphonie mobile, ont montré combien une production industrielle forte et puissante en Europe pouvait avoir un effet d’entraînement sur les niveaux supérieurs (services et usages). Les mesures d’encouragement pour ces secteurs pourraient être réutilisées pour la production d’énergie numérique.

Autre exemple, à prendre en compte, celui des USA. Le développement du CC dans ce pays a immédiatement adopté une approche «bottom-up», avec le succès que l’on connaît!

Le Comité s’appuie donc sur cet exemple réussi de développement, à grande échelle, du Cloud, pour proposer à la Commission de s’en inspirer et participer à un succès similaire en Europe.

5.10

La Commission, comme les autres institutions européennes, font un usage massif de moyens informatiques. Or à ce jour, les solutions développées ne sont que très rarement basées sur le CC. En parallèle, les USA ont mis en place le «Cloud First Act» qui impose aux administrations concernées de choisir prioritairement une approche Cloud.

S’appuyant sur ce succès, le Comité propose que la Commission s’impose à elle-même, comme aux autres institutions, une « Cloud First policy », permettant ainsi le développement d’un écosystème CC européen et des réductions de budgets de fonctionnement significatives.

5.11

Par le passé, la Commission avait développé et mis en place des actions de terrain; c’était notamment le cas du «haut débit» et de la «modernisation informatique». Il s’agissait notamment:

de programmes d’information et de communication visant à la sensibilisation et la formation des acteurs concernés localement;

de programmes de développement de projets innovants visant au développement d’écosystèmes locaux, y compris dans des régions considérées comme exclues de l’innovation;

de subventions visant à la modernisation des services publics, tels que l'administration en ligne.

Compte tenu du succès de ces programmes passés, le Comité encourage la Commission à planifier et budgéter un programme similaire spécifiquement pour le CC.

Le CESE préconise que des bases de données institutionnelles et sécurisées soient intégrés de manière réglementée, graduellement mais le plus tôt possible dans l'environnement de l'informatique en nuage. Cela permettrait aux citoyens de gérer plus facilement les données sensibles au sens du droit européen ou national et, dans le même temps, d'accroître leur confiance dans l'informatique en nuage.

5.12

La Commission propose une série d’actions pour le développement du CC. La communication ne présente pas, pour ces actions, un planning précis et resserré.

Le Comité encourage la Commission à rendre public, au plus vite, un tel calendrier. En effet les évolutions autour de la technologie CC sont rapides; il est donc urgent et important que tous les acteurs puissent accorder et aligner leur propre stratégie avec les actions de la Commission.

Bruxelles, le 16 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur le «Règlement extrajudiciaire des litiges de consommation», JO C 181 du 21.6.2012, p. 93 et sur le «Règlement en ligne des litiges de consommation», JO C 181 du 21.6.2012, p. 99.

(2)  Avis du CESE sur «L'informatique en nuage (cloud computing) en Europe» (Avis d'initiative), JO C 24 du 28.1.2012, p. 40.

(3)  Mme Neelie KROES, vice-présidente de la Commission européenne, en charge de l’Agenda Numérique, a défendu ce niveau de développement dans de nombreuses interventions.

(4)  Le CESE a proposé cet objectif politique plus ambitieux dans son avis précédent sur le CC (dossier TEN/452).

(5)  Avis du CESE sur «L'informatique en nuage (cloud computing) en Europe» (Avis d'initiative), JO C 24 du 28.1.2012, p. 40.


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