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Document 62021CJ0061
Judgment of the Court (Grand Chamber) of 22 December 2022.#JP v Ministre de la Transition écologique and Premier ministre.#Request for a preliminary ruling from the Cour administrative d'appel de Versailles.#Reference for a preliminary ruling – Environment – Directives 80/779/EEC, 85/203/EEC, 96/62/EC, 1999/30/EC and 2008/50/EC – Air quality – Limit values for microparticles (PM10) and nitrogen dioxide (NO2) – Exceeded – Air quality plans – Damage caused to an individual on account of deterioration of the air resulting from the exceedance of those limit values – Liability of the Member State concerned – Conditions for establishing that liability – Requirement that the rule of EU law infringed be intended to confer rights on the individuals who have been harmed – No such intention.#Case C-61/21.
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 22 décembre 2022.
JP contre Ministre de la Transition écologique et Premier ministre.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la cour administrative d'appel de Versailles.
Renvoi préjudiciel – Environnement – Directives 80/779/CEE, 85/203/CEE, 96/62/CE, 1999/30/CE et 2008/50/CE – Qualité de l’air – Valeurs limites fixées pour les microparticules (PM10) et pour le dioxyde d’azote (NO2) – Dépassement – Plans relatifs à la qualité de l’air – Préjudices qui auraient été causés à un particulier par la dégradation de l’air résultant d’un dépassement de ces valeurs limites – Responsabilité de l’État membre concerné – Conditions d’engagement de cette responsabilité – Exigence que la règle du droit de l’Union violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers lésés – Absence.
Affaire C-61/21.
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 22 décembre 2022.
JP contre Ministre de la Transition écologique et Premier ministre.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la cour administrative d'appel de Versailles.
Renvoi préjudiciel – Environnement – Directives 80/779/CEE, 85/203/CEE, 96/62/CE, 1999/30/CE et 2008/50/CE – Qualité de l’air – Valeurs limites fixées pour les microparticules (PM10) et pour le dioxyde d’azote (NO2) – Dépassement – Plans relatifs à la qualité de l’air – Préjudices qui auraient été causés à un particulier par la dégradation de l’air résultant d’un dépassement de ces valeurs limites – Responsabilité de l’État membre concerné – Conditions d’engagement de cette responsabilité – Exigence que la règle du droit de l’Union violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers lésés – Absence.
Affaire C-61/21.
Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:1015
*A9* Cour administrative d'appel de Versailles, Formation plénière, Décision du 29/01/2021 (18VE01431)
*P1* Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, Décision du 23/05/2023 (18VE01431)
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
22 décembre 2022 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directives 80/779/CEE, 85/203/CEE, 96/62/CE, 1999/30/CE et 2008/50/CE – Qualité de l’air – Valeurs limites fixées pour les microparticules (PM10) et pour le dioxyde d’azote (NO2) – Dépassement – Plans relatifs à la qualité de l’air – Préjudices qui auraient été causés à un particulier par la dégradation de l’air résultant d’un dépassement de ces valeurs limites – Responsabilité de l’État membre concerné – Conditions d’engagement de cette responsabilité – Exigence que la règle du droit de l’Union violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers lésés – Absence »
Dans l’affaire C‑61/21,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour administrative d’appel de Versailles (France), par décision du 29 janvier 2021, parvenue à la Cour le 2 février 2021, dans la procédure
JP
contre
Ministre de la Transition écologique,
Premier ministre,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice‑président, M. A. Arabadjiev, Mme A. Prechal, M. E. Regan et Mme L. S. Rossi, présidents de chambre, MM. M. Ilešič, J.-C. Bonichot, N. Piçarra, I. Jarukaitis, A. Kumin, N. Jääskinen, N. Wahl, J. Passer (rapporteur) et Mme O. Spineanu-Matei, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : Mme V. Giacobbo, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mars 2022,
considérant les observations présentées :
– |
pour JP, par Me L. Gimalac, avocat, |
– |
pour le gouvernement français, par MM. T. Stéhelin et W. Zemamta, en qualité d’agents, |
– |
pour l’Irlande, par Mmes M. Browne, M. Lane et J. Quaney, en qualité d’agents, assistées de M. D. Fennelly, barrister, et Mme S. Kingston, SC, |
– |
pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato, |
– |
pour le gouvernement polonais, par MM. B. Majczyna et D. Krawczyk, en qualité d’agents, |
– |
pour le gouvernement néerlandais, par Mme A. Hanje, en qualité d’agent, |
– |
pour la Commission européenne, par MM. M. Noll-Ehlers et F. Thiran, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 5 mai 2022,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO 2008, L 152, p. 1). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant JP au ministre de la Transition écologique (France) et au Premier ministre (France) au sujet des demandes de JP tendant, notamment, d’une part, à l’annulation de la décision implicite du préfet du Val-d’Oise (France) de refuser de prendre les mesures nécessaires à la résolution de ses problèmes de santé liés à la pollution atmosphérique et, d’autre part, à l’indemnisation par la République française des divers préjudices que JP impute à cette pollution. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 80/779/CEE
3 |
L’article 3 de la directive 80/779/CEE du Conseil, du 15 juillet 1980, concernant des valeurs limites et des valeurs guides de qualité atmosphérique pour l’anhydride sulfureux et les particules en suspension (JO 1980, L 229, p. 30), prévoyait : « 1. Les États membres prennent les mesures appropriées pour que, à partir du 1er avril 1983, les concentrations d’anhydride sulfureux et de particules en suspension dans l’atmosphère ne soient pas supérieures aux valeurs limites figurant à l’annexe I, sans préjudice des dispositions ci-après. 2. Dans le cas où un État membre estime que les concentrations d’anhydride sulfureux et de particules en suspension dans l’atmosphère risquent, en dépit des mesures prises, de dépasser au-delà du 1er avril 1983 dans certaines zones, les valeurs limites figurant à l’annexe I, il en informe la Commission [des Communautés européennes] avant le 1er octobre 1982. Il communique simultanément à la Commission des plans visant à améliorer progressivement la qualité de l’air dans ces zones. Ces plans, établis à partir d’informations pertinentes sur la nature, l’origine et l’évolution de la pollution, décrivent en particulier les mesures prises ou à prendre ainsi que les procédures mises ou à mettre en œuvre par l’État membre. Ces mesures et procédures doivent avoir pour effet, à l’intérieur de ces zones, d’amener les concentrations d’anhydride sulfureux et de particules en suspension dans l’atmosphère à des valeurs inférieures ou égales aux valeurs limites figurant à l’annexe I, dans les plus brefs délais et, au plus tard, avant le 1er avril 1993. » |
4 |
Aux termes de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette directive : « 1. À partir de l’entrée en vigueur de la présente directive, les États membres informent la Commission, au plus tard six mois après la fin (fixée au 31 mars) de la période annuelle de référence, des cas où les valeurs limites reprises à l’annexe I ont été dépassées et des concentrations relevées. 2. Ils communiquent également à la Commission, au plus tard un an après la fin de la période annuelle de référence, les raisons de ces dépassements ainsi que les mesures qu’ils ont prises pour en éviter le renouvellement. » |
5 |
L’annexe I de ladite directive, intitulée « Valeurs limites pour l’anhydride sulfureux et les particules en suspension », disposait, à son tableau B : « Valeurs limites pour les particules en suspension [mesurées par la méthode des fumées noires (1)] exprimées en [microgramme par mètre cube (µg/m3)]
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La directive 85/203/CEE
6 |
L’article 3 de la directive 85/203/CEE du Conseil, du 7 mars 1985, concernant les normes de qualité de l’air pour le dioxyde d’azote (JO 1985, L 87, p. 1), disposait : « 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, à partir du 1er juillet 1987, les concentrations de dioxyde d’azote dans l’atmosphère, mesurées conformément à l’annexe III, ne soient pas supérieures à la valeur limite figurant à l’annexe I. 2. Toutefois, lorsque, en raison de circonstances particulières, les concentrations de dioxyde d’azote dans l’atmosphère risquent, dans certaines zones, en dépit des mesures prises, de dépasser après le 1er juillet 1987 la valeur limite figurant à l’annexe I, l’État membre concerné en informe la Commission avant le 1er juillet 1987. Il communique dans les plus brefs délais à la Commission des plans visant à améliorer progressivement la qualité de l’air dans ces zones. Ces plans, établis à partir d’informations pertinentes sur la nature, l’origine et l’évolution de cette pollution, décrivent en particulier les mesures prises ou à prendre ainsi que les procédures mises en œuvre ou à mettre en œuvre par l’État membre. Ces mesures et procédures doivent viser, à l’intérieur de ces zones, à amener les concentrations de dioxyde d’azote dans l’atmosphère à des valeurs inférieures ou égales à la valeur limite figurant à l’annexe I, aussi rapidement que possible et, au plus tard, le 1er janvier 1994. » |
7 |
Aux termes de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette directive : « 1. À partir du 1er juillet 1987, les États membres informent la Commission, au plus tard six mois après la fin (fixée au 31 décembre) de la période annuelle de référence, des cas où la valeur limite figurant à l’annexe I a été dépassée et des concentrations relevées. 2. Les États membres communiquent également à la Commission, au plus tard un an après la fin de la période annuelle de référence, les raisons de ces dépassements ainsi que les mesures qu’ils ont prises pour y faire face. » |
8 |
L’annexe I de ladite directive, intitulée « Valeur limite pour le dioxyde d’azote », prévoyait : « (La valeur limite est exprimée en µg/m3. L’expression du volume doit être ramenée aux conditions de température et de pression suivantes : 293 ° [kelvins (°K)] et 101,3 [kilopascal (kPa)])
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La directive 96/62/CE
9 |
L’article 4 de la directive 96/62/CE du Conseil, du 27 septembre 1996, concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant (JO 1996, L 296, p. 55), intitulé « Détermination des valeurs limites et des seuils d’alerte pour l’air ambiant », disposait, à ses paragraphes 1 et 5 : « 1. [...] la Commission soumet au Conseil [de l’Union européenne] des propositions concernant la fixation des valeurs limites et, de manière appropriée, des seuils d’alerte [...] [...] 5. Conformément au traité, le Conseil adopte la législation prévue au paragraphe 1 [...] » |
10 |
L’article 7 de cette directive, intitulé « Amélioration de la qualité de l’air ambiant – Exigences générales », prévoyait : « 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer le respect des valeurs limites. 2. Les mesures prises pour atteindre les objectifs de la présente directive doivent :
3. Les États membres établissent des plans d’action indiquant les mesures à prendre à court terme en cas de risque de dépassement des valeurs limites et/ou des seuils d’alerte, afin de réduire le risque de dépassement et d’en limiter la durée. Ces plans peuvent prévoir, selon le cas, des mesures de contrôle et, lorsque cela est nécessaire, de suspension des activités, y compris le trafic automobile, qui concourent au dépassement des valeurs limites. » |
11 |
Aux termes de l’article 8 de ladite directive, intitulé « Mesures applicables dans les zones où les niveaux dépassent la valeur limite » : « 1. Les États membres établissent la liste des zones et des agglomérations où les niveaux d’un ou de plusieurs polluants dépassent la valeur limite augmentée de la marge de dépassement. Lorsqu’il n’a pas été fixé de marge de dépassement pour un polluant déterminé, les zones et les agglomérations où le niveau de ce polluant dépasse la valeur limite sont assimilées aux zones et agglomérations visées au premier alinéa et les paragraphes 3, 4 et 5 s’y appliquent. 2. Les États membres établissent la liste des zones et des agglomérations où les niveaux d’un ou de plusieurs polluants sont compris entre la valeur limite et la valeur limite augmentée de la marge de dépassement. 3. Dans les zones et les agglomérations visées au paragraphe 1, les États membres prennent des mesures pour assurer l’élaboration ou la mise en œuvre d’un plan ou programme permettant d’atteindre la valeur limite dans le délai fixé. Ledit plan ou programme, auquel la population doit avoir accès, contient au moins les informations énumérées à l’annexe IV. 4. Dans les zones et les agglomérations visées au paragraphe 1, où le niveau de plus d’un polluant est supérieur aux valeurs limites, les États membres fournissent un plan intégré englobant tous les polluants en cause. 5. La Commission vérifie régulièrement la mise en œuvre des plans ou programmes soumis en application du paragraphe 3, en examinant les progrès réalisés et les perspectives en matière de pollution de l’air. 6. Lorsque le niveau d’un polluant est supérieur ou risque d’être supérieur à la valeur limite augmentée de la marge de dépassement ou, le cas échéant, au seuil d’alerte, à la suite d’une pollution significative qui a pour origine un autre État membre, les États membres concernés se consultent en vue de remédier à la situation. La Commission peut assister à ces consultations. » |
12 |
L’article 13, paragraphe 1, de la même directive disposait : « Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard dix-huit mois après son entrée en vigueur pour ce qui est des dispositions relatives aux articles 1er à 4 et 12 et aux annexes I, II, III et IV, et au plus tard à la date à laquelle les dispositions visées à l’article 4 paragraphe 5 seront d’application pour ce qui est des dispositions relatives aux autres articles. [...] » |
La directive 1999/30/CE
13 |
L’article 4 de la directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant (JO 1999, L 163, p. 41), intitulé « Dioxyde d’azote et oxydes d’azote », disposait, à son paragraphe 1 : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les concentrations de dioxyde d’azote et, le cas échéant, d’oxydes d’azote, dans l’air ambiant, évaluées conformément à l’article 7, ne dépassent pas les valeurs limites indiquées au point I de l’annexe II, à partir des dates y spécifiées. Les marges de dépassement indiquées au point I de l’annexe II s’appliquent conformément à l’article 8 de la directive 96/62/CE. » |
14 |
L’article 5 de la directive 1999/30, intitulé « Particules », prévoyait, à son paragraphe 1 : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les concentrations de PM10 dans l’air ambiant, évaluées conformément à l’article 7, ne dépassent pas les valeurs limites indiquées au point I de l’annexe III, à partir des dates y spécifiées. Les marges de dépassement indiquées au point I de l’annexe III sont applicables conformément à l’article 8 de la directive 96/62/CE. » |
15 |
L’article 9 de la directive 1999/30, intitulé « Abrogations et dispositions transitoires », disposait : « 1. La directive [80/779] est abrogée à compter du 19 juillet 2001 [...] sauf l’article 1er, l’article 2, paragraphe 1, l’article 3, paragraphe 1, l’article 9, l’article 15 et l’article 16 ainsi que l’annexe I, l’annexe III, point B et l’annexe IV qui sont abrogés avec effet au 1er janvier 2005. [...] 3. La directive 85/203/CEE [...] est abrogée à compter du 19 juillet 2001 sauf l’article 1er, paragraphe 1, premier tiret et paragraphe 2, l’article 2, premier tiret, l’article 3, paragraphe 1, l’article 5, les articles 9, 15 et 16 et l’annexe I qui sont abrogés avec effet au 1er janvier 2010. [...] » |
16 |
L’article 12, paragraphe 1, de la directive 1999/30, intitulé « Mise en œuvre », était ainsi libellé : « Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 19 juillet 2001. Ils en informent immédiatement la Commission. [...] » |
17 |
L’annexe II de cette directive, intitulée « Valeurs limites pour le dioxyde d’azote (NO2) et les oxydes d’azote (NOx) et seuil d’alerte pour le dioxyde d’azote », prévoyait : « I. Valeurs limites pour le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote Les valeurs limites sont exprimées en μg/m3. L’expression du volume doit être ramenée à une température de 293 °K et à une pression de 101,3 kPa.
[...] » |
18 |
L’annexe III de ladite directive, intitulée « Valeurs limites pour les particules (PM10) », disposait :
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La directive 2008/50
19 |
Aux termes du considérant 2 de la directive 2008/50 : « Afin de protéger la santé humaine et l’environnement dans son ensemble, il est particulièrement important de lutter contre les émissions de polluants à la source, ainsi que de définir et de mettre en œuvre les mesures de réduction les plus efficaces aux niveaux local, national et communautaire. Il convient dès lors d’éviter, de prévenir ou de réduire les émissions de polluants atmosphériques nocifs, et de définir des objectifs appropriés en matière de qualité de l’air ambiant en tenant compte des normes, des orientations et des programmes de l’Organisation mondiale de la santé. » |
20 |
L’article 1er de la directive 2008/50, intitulé « Objet », dispose, à ses points 1 à 3 : « La présente directive établit des mesures visant :
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21 |
L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », prévoit, à ses points 5, 7, 8, 16 à 18 et 24 : « Aux fins de la présente directive, on entend par : [...]
[...]
[...]
[...]
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22 |
L’article 13 de la directive 2008/50, intitulé « Valeurs limites et seuils d’alerte pour la protection de la santé humaine », prévoit, à son paragraphe 1 : « Les États membres veillent à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, les niveaux d’anhydride sulfureux, de PM10, de plomb et de monoxyde de carbone dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’annexe XI. En ce qui concerne le dioxyde d’azote et le benzène, les valeurs limites indiquées à l’annexe XI ne peuvent pas être dépassées à partir des dates indiquées à ladite annexe. Le respect de ces exigences est évalué conformément à l’annexe III. Les marges de dépassement indiquées à l’annexe XI s’appliquent conformément à l’article 22, paragraphe 3, et à l’article 23, paragraphe 1. » |
23 |
L’article 23 de cette directive, intitulé « Plans relatifs à la qualité de l’air », dispose, à son paragraphe 1 : « Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les niveaux de polluants dans l’air ambiant dépassent toute valeur limite ou toute valeur cible, majorée dans chaque cas de toute marge de dépassement, les États membres veillent à ce que des plans relatifs à la qualité de l’air soient établis pour cette zone ou agglomération afin d’atteindre la valeur limite ou la valeur cible correspondante indiquée aux annexes XI et XIV. En cas de dépassement de ces valeurs limites après le délai prévu pour leur application, les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible. Ils peuvent comporter des mesures additionnelles spécifiques pour protéger les catégories de population sensibles, notamment les enfants. Ces plans relatifs à la qualité de l’air contiennent au moins les informations énumérées à l’annexe XV, section A, et peuvent aussi inclure les mesures visées à l’article 24. Ils sont transmis à la Commission sans délai, et au plus tard deux ans après la fin de l’année au cours de laquelle le premier dépassement a été constaté. Lorsque des plans relatifs à la qualité de l’air doivent être élaborés ou mis en œuvre pour plusieurs polluants, les États membres élaborent et mettent en œuvre, s’il y a lieu, des plans intégrés relatifs à la qualité de l’air couvrant tous les polluants concernés. » |
24 |
L’article 31 de ladite directive, intitulé « Abrogations et dispositions transitoires », prévoit, à son paragraphe 1 : « Les directives 96/62/CE, 1999/30/CE [...] sont abrogées à partir du 11 juin 2010, sans préjudice des obligations des États membres concernant les délais de transposition ou d’application de ces directives. [...] » |
25 |
L’article 33 de la directive 2008/50, intitulé « Transposition », prévoit, à son paragraphe 1 : « Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive avant le 11 juin 2010. Ils transmettent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions. [...] » |
26 |
L’article 34 de cette directive, intitulé « Entrée en vigueur », est ainsi libellé : « La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne. » |
27 |
Aux termes de l’annexe XI de ladite directive, intitulée « Valeurs limites pour la protection de la santé humaine » : « [...] B. Valeurs limites
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Le litige au principal et les questions préjudicielles
28 |
JP a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise (France), notamment, d’une part, l’annulation de la décision implicite du préfet du Val-d’Oise, qui fait partie de l’agglomération de Paris (France), de refuser de prendre les mesures nécessaires à la résolution de ses problèmes de santé liés à la pollution atmosphérique dans cette agglomération, lesquels auraient débuté en 2003, et, d’autre part, l’indemnisation par la République française des divers préjudices qui lui auraient été occasionnés du fait de cette pollution et qu’il évalue à 21 millions d’euros. |
29 |
JP demande l’indemnisation, notamment, d’un préjudice tenant à la détérioration de son état de santé, qui lui aurait été causé par la dégradation de la qualité de l’air ambiant dans l’agglomération de Paris, où il réside. Cette dégradation résulterait du manquement des autorités françaises aux obligations qui leur incombent en vertu de la directive 2008/50. |
30 |
Par un jugement du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté l’intégralité des demandes de JP, au motif, en substance, que les articles 13 et 23 de la directive 2008/50 ne confèrent aucun droit aux particuliers à obtenir l’indemnisation d’un éventuel préjudice subi du fait de la dégradation de la qualité de l’air. |
31 |
Par une requête du 25 avril 2018, JP a saisi la cour administrative d’appel de Versailles (France) d’un appel contre ce jugement. |
32 |
Le ministre de la Transition écologique conclut au rejet de cet appel. |
33 |
Dans ces conditions, la cour administrative d’appel de Versailles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
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Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
34 |
Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (arrêt du 15 juillet 2021, Ministrstvo za obrambo, C‑742/19, EU:C:2021:597, point 31). En effet, la circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 28). |
35 |
En l’occurrence, il découle de la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’informations qui lui a été adressée par la Cour que le requérant au principal demande à être indemnisé de préjudices qui lui auraient été causés par des dépassements des valeurs limites de concentration en NO2 et en PM10 fixées à l’annexe XI de la directive 2008/50, ayant porté atteinte à son état de santé à compter de l’année 2003. |
36 |
Il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 33, paragraphe 1, et de l’article 34 de la directive 2008/50, cette dernière est entrée en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le 11 juin 2008, et a imposé aux États membres de mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive avant le 11 juin 2010. Par ailleurs, il découle de l’annexe XI de ladite directive que les dates auxquelles les valeurs limites devaient être respectées étaient le 1er janvier 2005 pour les PM10 et le 1er janvier 2010 pour le NO2. |
37 |
Conformément à l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2008/50, cette dernière a remplacé, à partir du 11 juin 2010, notamment, les directives 96/62 et 1999/30. |
38 |
La directive 96/62 est entrée en vigueur le 21 novembre 1996. Celle-ci prévoyait, à son article 7 et, conformément à son article 13, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 12, paragraphe 1, de la directive 1999/30, à partir du 19 juillet 2001, des exigences analogues à celles découlant de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50. Cependant, la directive 96/62 ne fixait pas les valeurs limites de la concentration de polluants dans l’air ambiant. Conformément à l’article 4, paragraphe 5, de cette directive, celles-ci ont été fixées par la directive 1999/30. Les dates auxquelles les valeurs limites prévues dans les annexes II et III de cette dernière directive devaient être respectées, conformément à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 5, paragraphe 1, de celle-ci, avaient été fixées au 1er janvier 2005 pour les PM10 et au 1er janvier 2010 pour le NO2. |
39 |
Avant ces dates, ainsi qu’il découle de l’article 9, paragraphes 1 et 3, de la directive 1999/30, les valeurs limites applicables étaient, sous réserve des exigences découlant de l’article 8, paragraphes 3 et 4, de la directive 96/62, celles fixées dans l’annexe I, tableau B, de la directive 80/779 pour les PM10 et dans l’annexe I de la directive 85/203 pour le NO2, annexes auxquelles les articles 3 de ces deux dernières directives faisaient référence. |
40 |
Par ailleurs, dans la mesure où, selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, le requérant au principal demande à être indemnisé de préjudices prétendument causés par les dépassements des valeurs limites de concentration en NO2 et en PM10, préjudices « qui auraient débuté en 2003 », il n’est pas exclu que les articles 7 des directives 80/779 et 85/203, qui ont été abrogés, ainsi qu’il découle également de l’article 9, paragraphes 1 et 3, de la directive 1999/30, à compter du 19 juillet 2001, s’avèrent, eux aussi, pertinents pour la solution du litige au principal. |
41 |
Compte tenu de la période à laquelle la juridiction de renvoi s’est ainsi référée dans ses indications, il convient donc de prendre en considération non seulement les dispositions pertinentes de la directive 2008/50, mais également celles des directives 96/62, 1999/30, 80/779 et 85/203. |
42 |
Par conséquent, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 34 du présent arrêt, il convient de considérer que, par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 13, paragraphe 1, et l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50, les articles 7 et 8 de la directive 96/62, l’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30 ainsi que les articles 3 et 7 des directives 80/779 et 85/203 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ont pour objet de conférer des droits individuels aux particuliers susceptibles de leur ouvrir un droit à réparation à l’égard d’un État membre, au titre du principe de la responsabilité de l’État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables. |
43 |
À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le principe de la responsabilité de l’État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables est inhérent au système des traités sur lesquels cette dernière est fondée (arrêt du 18 janvier 2022, Thelen Technopark Berlin, C‑261/20, EU:C:2022:33, point 42 et jurisprudence citée). Ce principe est valable pour toute hypothèse de violation du droit de l’Union par un État membre, et ce quelle que soit l’autorité publique auteur de cette violation (arrêt du 19 décembre 2019, Deutsche Umwelthilfe, C‑752/18, EU:C:2019:1114, point 55 et jurisprudence citée). |
44 |
S’agissant des conditions d’engagement de cette responsabilité, la Cour a itérativement jugé que les particuliers lésés ont un droit à réparation dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle du droit de l’Union violée a pour objet de leur conférer des droits, que la violation de cette règle est suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le dommage subi par ces particuliers [arrêt du 28 juin 2022, Commission/Espagne (Violation du droit de l’Union par le législateur), C‑278/20, EU:C:2022:503, point 31 et jurisprudence citée]. |
45 |
Il s’ensuit que seule une violation d’une règle du droit de l’Union qui a pour objet de conférer des droits aux particuliers est, conformément à la première des trois conditions susmentionnées, susceptible d’engager la responsabilité de l’État. |
46 |
Selon une jurisprudence bien établie, ces droits naissent non seulement lorsqu’une attribution explicite en est faite par des dispositions du droit de l’Union, mais aussi en raison d’obligations positives ou négatives que celles-ci imposent d’une manière bien définie tant aux particuliers qu’aux États membres ou aux institutions de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 5 février 1963, van Gend & Loos, 26/62, EU:C:1963:1, p. 23 ; du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428, point 31 ; du 20 septembre 2001, Courage et Crehan, C‑453/99, EU:C:2001:465, point 19, ainsi que du 11 novembre 2021, Stichting Cartel Compensation et Equilib Netherlands, C‑819/19, EU:C:2021:904, point 47). |
47 |
La violation de telles obligations positives ou négatives, par un État membre, est susceptible d’entraver l’exercice, par les particuliers concernés, des droits qui leur sont implicitement conférés en vertu des dispositions du droit de l’Union concernées, et que ceux-ci sont censés pouvoir invoquer au niveau national, et ainsi d’altérer la situation juridique que ces dispositions visent à créer pour ces particuliers [voir, en ce sens, arrêts du 4 octobre 2018, Kantarev, C‑571/16, EU:C:2018:807, points 103 et 104, ainsi que du 10 décembre 2020, Euromin Holdings (Cyprus), C‑735/19, EU:C:2020:1014, point 90]. C’est pourquoi la pleine efficacité de ces normes du droit de l’Union et la protection des droits que celles-ci ont pour objet de conférer exigent que les particuliers aient la possibilité d’obtenir réparation (voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428, points 33 et 34), et ce indépendamment de la question de savoir si les dispositions concernées sont d’effet direct, cette qualité n’étant ni nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, points 18 à 22), ni suffisante en elle-même (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, points 108 et 109) pour que la première des trois conditions rappelées au point 44 du présent arrêt soit satisfaite. |
48 |
En l’occurrence, les directives 2008/50, 96/62, 1999/30, 80/779 et 85/203 imposent aux États membres, en substance, d’une part, une obligation de veiller à ce que les niveaux, notamment, de PM10 et de NO2 ne dépassent pas, sur leur territoire respectif et à compter de certaines dates, les valeurs limites fixées par ces directives et, d’autre part, lorsque ces valeurs limites sont néanmoins dépassées, une obligation de prévoir des mesures appropriées pour remédier à ces dépassements, notamment dans le cadre de plans relatifs à la qualité de l’air. |
49 |
En ce qui concerne la première obligation, il convient de relever que les valeurs limites indiquent la concentration exacte, exprimée en µg/m3 et tenant compte, le cas échéant, des marges de dépassement, du polluant concerné dans l’air ambiant dont le dépassement doit être évité par les États membres, dans l’ensemble de leurs zones et de leurs agglomérations. |
50 |
S’agissant de la seconde obligation, la Cour a jugé, concernant la directive 2008/50, qu’il résulte de l’article 23, paragraphe 1, de cette dernière que, si les États membres disposent d’une certaine marge de manœuvre pour la détermination des mesures à adopter, celles-ci doivent, en tout état de cause, permettre que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour le polluant concerné soit la plus courte possible [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 136]. |
51 |
En outre, la Cour a certes considéré que l’article 7, paragraphe 3, de la directive 96/62, qui prévoit une obligation analogue à celle prévue à l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50, n’imposait pas aux États membres une obligation de prendre des mesures permettant d’assurer qu’aucun dépassement ne se produise, mais seulement de prendre des mesures de nature à réduire au minimum le risque de dépassement et sa durée compte tenu de l’ensemble des circonstances du moment et des intérêts en présence. Toutefois, elle a également relevé que cette disposition comportait des limites à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, susceptibles d’être invoquées devant les juridictions nationales, s’agissant de l’adéquation des mesures que doit comporter le plan d’action à l’objectif de réduction du risque de dépassement et de la limitation de sa durée, compte tenu de l’équilibre qu’il convient d’assurer entre cet objectif et les différents intérêts publics et privés en présence (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2008, Janecek, C‑237/07, EU:C:2008:447, points 44 à 46). |
52 |
La même interprétation s’impose, en substance, s’agissant des obligations découlant de l’article 8, paragraphes 3 et 4, de la directive 96/62. |
53 |
Quant aux articles 7 des directives 80/779 et 85/203, il convient de relever que, en cas de dépassements de valeurs limites, ils imposaient aux États membres de prendre des mesures de nature, respectivement, à « en éviter le renouvellement » et à « y faire face ». |
54 |
Il s’ensuit, certes, que l’article 13, paragraphe 1, et l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50 prévoient, à l’instar des dispositions analogues des directives 96/62, 1999/30, 80/779 et 85/203, des obligations assez claires et précises quant au résultat que les États membres doivent veiller à assurer. |
55 |
Cependant, ces obligations poursuivent, ainsi qu’il découle des articles 1er des directives mentionnées au point précédent, de même que, notamment, du considérant 2 de la directive 2008/50, un objectif général de protection de la santé humaine et de l’environnement dans son ensemble. |
56 |
Ainsi, outre le fait que les dispositions concernées de la directive 2008/50 et des directives qui l’ont précédée ne comportent aucune attribution explicite de droits aux particuliers à ce titre, les obligations prévues à ces dispositions, dans l’objectif général susmentionné, ne permettent pas de considérer que des particuliers ou des catégories de particuliers se seraient, en l’occurrence, implicitement vu conférer, à raison de ces obligations, des droits individuels dont la violation serait susceptible d’engager la responsabilité d’un État membre pour des dommages causés aux particuliers. |
57 |
Il découle de tout ce qui précède que la première des trois conditions rappelées au point 44 du présent arrêt, conditions qui sont cumulatives, n’est pas satisfaite. |
58 |
Cela étant, la circonstance que, lorsqu’un État membre n’a pas assuré le respect des valeurs limites visées à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50 et aux dispositions analogues des directives précédentes, les particuliers concernés doivent pouvoir obtenir des autorités nationales, le cas échéant en saisissant les juridictions compétentes, l’adoption des mesures requises en vertu de ces directives (voir, en ce sens, arrêts du 19 novembre 2014, ClientEarth, C‑404/13, EU:C:2014:2382, point 56 et jurisprudence citée, ainsi que du 19 décembre 2019, Deutsche Umwelthilfe, C‑752/18, EU:C:2019:1114, point 56) n’est pas de nature à modifier ce constat. |
59 |
À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 96/62, la Cour a relevé que les personnes physiques ou morales directement concernées par un risque de dépassement de valeurs limites ou de seuils d’alerte doivent pouvoir obtenir des autorités compétentes, le cas échéant, en saisissant les juridictions compétentes, qu’un plan d’action soit établi dès lors qu’un tel risque existe (arrêt du 25 juillet 2008, Janecek, C‑237/07, EU:C:2008:447, point 39). |
60 |
De même, s’agissant de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50, la Cour a jugé que les personnes physiques ou morales directement concernées par le dépassement de ces valeurs limites après le 1er janvier 2010 doivent pouvoir obtenir des autorités nationales, le cas échéant en saisissant les juridictions compétentes, l’établissement d’un plan relatif à la qualité de l’air conforme à cet article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, lorsqu’un État membre n’a pas assuré le respect des exigences résultant de l’article 13, paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette directive, tout en ne demandant pas le report de ce délai dans les conditions prévues à l’article 22 de celle-ci (arrêt du 19 novembre 2014, ClientEarth, C‑404/13, EU:C:2014:2382, point 56). |
61 |
Conformément à ce qui est exposé aux points 52 et 53 du présent arrêt, une telle interprétation s’applique également s’agissant de la mise en œuvre effective des articles 7 des directives 80/779 et 85/203 ainsi que de l’article 8, paragraphes 3 et 4, de la directive 96/62. |
62 |
Cependant, la faculté ainsi reconnue par la jurisprudence de la Cour, découlant en particulier du principe d’effectivité du droit de l’Union, effectivité à laquelle les particuliers concernés sont fondés à contribuer, en engageant des procédures administratives ou juridictionnelles en raison de la situation particulière qui est la leur, n’implique pas que les obligations résultant de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50, ainsi que des dispositions analogues des directives précédentes, aient eu pour objet de conférer aux intéressés des droits individuels, au sens de la première des trois conditions rappelées au point 44 du présent arrêt, et que la violation de ces obligations soit, en conséquence, de nature à pouvoir altérer une situation juridique que ces dispositions auraient visé à créer pour ceux‑ci. |
63 |
Il y a lieu d’ajouter que la conclusion exposée au point 57 du présent arrêt n’exclut pas que la responsabilité de l’État puisse être engagée dans des conditions moins restrictives sur le fondement du droit interne [arrêt du 28 juin 2022, Commission/Espagne (Violation du droit de l’Union par le législateur), C‑278/20, EU:C:2022:503, point 32 et jurisprudence citée] et que, le cas échéant, il puisse être, à ce titre, tenu compte de méconnaissances des obligations résultant de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50, ainsi que des autres dispositions du droit de l’Union visées au point 42 du présent arrêt, en tant qu’élément susceptible d’être pertinent aux fins d’établir la responsabilité des pouvoirs publics sur un autre fondement que le droit de l’Union. |
64 |
Cette conclusion n’exclut pas non plus l’éventuel prononcé, par les juridictions de l’État membre concerné, d’injonctions assorties d’astreintes visant à assurer le respect, par cet État, des obligations découlant de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50, et des dispositions analogues des directives précédentes, telles que les injonctions assorties d’astreintes prononcées dans plusieurs arrêts récents par le Conseil d’État (France). |
65 |
Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que les articles 3 et 7 de la directive 80/779, les articles 3 et 7 de la directive 85/203, les articles 7 et 8 de la directive 96/62, l’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30 ainsi que l’article 13, paragraphe 1, et l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50 doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’ont pas pour objet de conférer des droits individuels aux particuliers susceptibles de leur ouvrir un droit à réparation à l’égard d’un État membre, au titre du principe de la responsabilité de l’État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables. |
Sur la seconde question
66 |
Compte tenu de la réponse à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question. |
Sur les dépens
67 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit : |
Les articles 3 et 7 de la directive 80/779/CEE du Conseil, du 15 juillet 1980, concernant des valeurs limites et des valeurs guides de qualité atmosphérique pour l’anhydride sulfureux et les particules en suspension, les articles 3 et 7 de la directive 85/203/CEE du Conseil, du 7 mars 1985, concernant les normes de qualité de l’air pour le dioxyde d’azote, les articles 7 et 8 de la directive 96/62/CE du Conseil, du 27 septembre 1996, concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant, l’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant, ainsi que l’article 13, paragraphe 1, et l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, |
doivent être interprétés en ce sens que : |
ils n’ont pas pour objet de conférer des droits individuels aux particuliers susceptibles de leur ouvrir un droit à réparation à l’égard d’un État membre, au titre du principe de la responsabilité de l’État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables. |
Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : le français.