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Document 62019CJ0742

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 15 juillet 2021.
B. K. contre Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo).
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Vrhovno sodišče.
Renvoi préjudiciel – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Aménagement du temps de travail – Membres des forces armées – Applicabilité du droit de l’Union – Article 4, paragraphe 2, TUE – Directive 2003/88/CE – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 3 – Directive 89/391/CEE – Article 2, paragraphe 2 – Activités des militaires – Notion de “temps de travail” – Période de garde – Litige relatif à la rémunération du travailleur.
Affaire C-742/19.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:597

 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

15 juillet 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Aménagement du temps de travail – Membres des forces armées – Applicabilité du droit de l’Union – Article 4, paragraphe 2, TUE – Directive 2003/88/CE – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 3 – Directive 89/391/CEE – Article 2, paragraphe 2 – Activités des militaires – Notion de “temps de travail” – Période de garde – Litige relatif à la rémunération du travailleur »

Dans l’affaire C‑742/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie), par décision du 10 septembre 2019, parvenue à la Cour le 10 octobre 2019, dans la procédure

B. K.

contre

Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo),

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, MM. J.‑C. Bonichot, M. Vilaras, E. Regan et N. Piçarra, présidents de chambre, MM. T. von Danwitz, M. Safjan, D. Šváby, S. Rodin, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos (rapporteur), P. G. Xuereb, Mme L. S. Rossi et M. I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 septembre 2020,

considérant les observations présentées :

pour B. K., par Me M. Pukšič, odvetnik,

pour le gouvernement slovène, par Mmes A. Grum et A. Dežman Mušič, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme S. Eisenberg, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,

pour le gouvernement français, par Mmes A.-L. Desjonquères, E. de Moustier et N. Vincent ainsi que par MM. T. Stehelin et A. Ferrand, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme B. Rous Demiri ainsi que par MM. N. Ruiz García et M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 janvier 2021,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant B. K. à la Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo) [République de Slovénie (ministère de la Défense)] au sujet d’un complément de rémunération au titre d’heures supplémentaires.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 76/207/CEE

3

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO 1976, L 39, p. 40), disposait :

« L’application du principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe dans les conditions d’accès, y compris les critères de sélection, aux emplois ou postes de travail, quel qu’en soit le secteur ou la branche d’activité, et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle. »

La directive 89/391/CEE

4

L’article 2 de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO 1989, L 183, p. 1), prévoit :

« 1.   La présente directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics (activités industrielles, agricoles, commerciales, administratives, de service, éducatives, culturelles, de loisirs, etc.).

2.   La présente directive n’est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s’y opposent de manière contraignante.

Dans ce cas, il y a lieu de veiller à ce que la sécurité et la santé des travailleurs soient assurées, dans toute la mesure du possible, compte tenu des objectifs de la présente directive. »

La directive 89/656/CEE

5

L’article 1er de la directive 89/656/CEE du Conseil, du 30 novembre 1989, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs au travail d’équipements de protection individuelle (troisième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO 1989, L 393, p. 18), dispose :

« 1.   La présente directive, qui est la troisième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE, fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs au travail d’équipements de protection individuelle.

2.   Les dispositions de la directive 89/391/CEE s’appliquent pleinement à l’ensemble du domaine visé au paragraphe 1, sans préjudice de dispositions plus contraignantes et/ou spécifiques contenues dans la présente directive. »

6

L’article 2 de cette directive est ainsi libellé :

« 1.   Aux fins de la présente directive, on entend par équipement de protection individuelle tout équipement destiné à être porté ou tenu par le travailleur en vue de le protéger contre un ou plusieurs risques susceptibles de menacer sa sécurité ou sa santé au travail, ainsi que tout complément ou accessoire destiné à cet objectif.

2.   Sont exclus de la définition visée au paragraphe 1 :

[...]

c)

les équipements de protection individuelle des militaires, des policiers et des personnes des services de maintien de l’ordre ;

[...] »

La directive 2003/88

7

L’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2003/88 énonce :

« La présente directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics, au sens de l’article 2 de la directive 89/391/CEE, sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19 de la présente directive. »

8

Aux termes de l’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions » :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1.

“temps de travail” : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ;

2.

“période de repos” : toute période qui n’est pas du temps de travail ;

[...] ».

9

L’article 17, paragraphe 3, de ladite directive prévoit :

« Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 :

[…]

b)

pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la protection des biens et des personnes, notamment lorsqu’il s’agit de gardiens ou de concierges ou d’entreprises de gardiennage ;

c)

pour les activités caractérisées par la nécessité d’assurer la continuité du service ou de la production [...] ;

[...] »

La directive 2013/35/UE

10

L’article 1er de la directive 2013/35/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (champs électromagnétiques) (vingtième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) et abrogeant la directive 2004/40/CE (JO 2013, L 179, p. 1), dispose :

« 1.   La présente directive, qui est la vingtième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE, fixe des prescriptions minimales en matière de protection des travailleurs contre les risques pour leur santé et leur sécurité résultant ou susceptibles de résulter d’une exposition à des champs électromagnétiques au travail.

[...]

6.   Sans préjudice des dispositions plus contraignantes ou plus spécifiques de la présente directive, la directive 89/391/CEE continue à s’appliquer intégralement à l’ensemble du domaine visé au paragraphe 1. »

11

L’article 10, paragraphe 1, de cette directive énonce :

« Par dérogation à l’article 3, mais sans préjudice de l’article 5, paragraphe 1, les dispositions suivantes s’appliquent :

[...]

b)

les États membres peuvent autoriser la mise en œuvre d’un système de protection équivalent ou plus spécifique pour le personnel travaillant dans des installations militaires opérationnelles ou participant à des activités militaires, y compris des exercices militaires internationaux conjoints, pour autant qu’il permette de prévenir les effets nocifs pour la santé et les risques pour la sécurité ;

[...] »

Le droit slovène

12

L’article 46 de la Kolektivna pogodba za javni sektor (convention collective pour le secteur public), dans sa version applicable au litige au principal (Uradni list RS, no 57/2008 et suivants), disposait que les agents publics ont droit à une indemnité d’astreinte à hauteur de 20 % du taux horaire du traitement de base, sans que ces périodes d’astreinte soient considérées comme du temps de travail.

13

Les motifs de cette convention collective exposaient ce qui suit :

« L’astreinte signifie que l’agent public doit pouvoir être joint pour pouvoir se rendre au travail en dehors de son temps de travail. L’astreinte doit être imposée par écrit. Le montant de l’indemnité d’astreinte est le même, indépendamment du fait que l’agent public est soumis à astreinte de jour, de nuit, un jour ouvrable, un dimanche ou un jour férié. »

14

L’article 5 du Zakon o obrambi (loi sur la défense), du 20 décembre 1994 (Uradni list RS, no 82/94), dans sa rédaction applicable au litige au principal (ci-après le « ZObr »), prévoit, à son point 14, que le militaire est, au sens de cette loi, une personne qui exerce une fonction militaire et précise, à son point 14 bis, que le travailleur est, au sens de ladite loi, le militaire, le civil qui travaille à titre professionnel dans l’armée ou une autre personne qui, à titre professionnel, remplit des missions administratives ou techniques spécialisées au ministère.

15

Selon l’article 51 du ZObr, un militaire peut, dans certaines conditions, utiliser les armes pour effectuer des gardes.

16

L’article 97č du ZObr, relatif au service de garde, énonce :

« (1)   Les gardes durent, en règle générale, 24 heures ininterrompues.

(2)   Les militaires qui exercent un service de garde sont considérés comme travaillant pendant le temps de travail partagé. Les heures pendant lesquelles ils n’effectuent pas de travail effectif sont considérées non comme du temps de travail, mais comme une période d’astreinte sur le lieu de travail.

(3)   L’obligation professionnelle journalière pendant la garde ne saurait aller au-delà de 12 heures. En cas d’événement exceptionnel ou de nécessité d’achever une mission entamée, le temps de travail des militaires peut exceptionnellement se prolonger, mais, à cette occasion, les heures travaillées au-delà des 12 heures de travail effectif déjà effectuées sont considérées comme des heures supplémentaires.

(4)   L’exercice du service de garde ne peut durer de manière ininterrompue plus de sept jours. Les militaires ont droit à une pause de repos sur le lieu où ils effectuent la garde, en ce que 12 heures leur sont reconnues comme du temps de travail ordinaire et les 12 heures restantes sont considérées comme une période d’astreinte. »

17

Selon l’article 97e du ZObr, relative à l’astreinte :

« (1)   L’astreinte est le temps pendant lequel le travailleur doit être en disponibilité pour travailler sur son lieu de travail, en un lieu déterminé ou à la maison.

(2)   La période d’astreinte n’est pas incluse dans le compte des heures d’obligations professionnelles hebdomadaires ou mensuelles. Si le travailleur doit, pendant la période d’astreinte, effectivement travailler, ces heures de travail effectif sont incluses dans le compte des heures d’obligations professionnelles hebdomadaires ou mensuelles.

(3)   Le ministre détermine les cas et les modes d’exercice de l’astreinte dans les espaces professionnels, en un endroit déterminé ou à la maison. Les cas et les modes d’exercice de l’astreinte dans l’armée sont déterminés par le chef d’état-major.

(4)   L’astreinte en un lieu déterminé est assimilée à l’astreinte sur le lieu de travail. »

18

Les Pravila službe v Slovenski vojski (règlement de service dans l’armée slovène) (Uradni list RS, no 84/09) définissent la notion de « garde » dans les termes suivants :

« La garde est considérée comme une mission de combat en temps de paix [...], au cours de laquelle un soldat de garde peut également faire usage des armes et de la force létale conformément aux dispositions de l’article 51 du ZObr. La garde est effectuée dans des blocs de temps (dans le cadre d’une période de 7 jours avec une présence permanente c’est-à-dire de 24 heures par jour de présence au lieu de travail) en vue de l’organisation adéquate du travail. La garde est organisée au niveau de l’unité militaire qui veille également à ce que les personnes au sein d’une même unité soient soumises de manière égale à la charge d’assurer les gardes. La garde a une importance militaire et stratégique spécifique. Assurer la disponibilité opérationnelle continue est une tâche fondamentale de l’armée en temps de paix. Afin d’assurer un niveau adéquat de préparation en temps de paix, l’armée assure des forces permanentes et des mesures permanentes pour intervenir. Les forces permanentes permettent d’assurer une capacité ininterrompue et les possibilités pour l’armée d’intervenir militairement et non militairement sur terre, en mer et dans les airs en République de Slovénie. Les forces de défense constituent une partie des forces permanentes.

La garde est assurée par une unité armée ou un groupe de militaires qui assure la protection physique des personnes, des installations, des actifs et du territoire. [...]

Les obligations générales des personnes de garde sont de protéger et de défendre avec vigilance ce qui leur est confié (installations, personnes, etc.), de ne pas lâcher leur arme des mains et d’être constamment prêts à en faire usage, de ne pas quitter le poste de garde jusqu’à ce que quelqu’un les ait remplacés, de n’autoriser personne en dehors d’un supérieur, un commandant adjoint ou un commandant de garde, un officier de service ou un responsable de la surveillance à s’approcher du poste de garde ou du bâtiment protégé ou de se déplacer en un endroit interdit. Les personnes de garde doivent en outre arrêter les personnes ainsi que cela est déterminé pour certains postes de garde et maintenir le contact et ne communiquer qu’avec le commandant de la garde et les autres organes de la garde, et informer le commandant de la garde en cas de perturbation ou d’incendie à proximité, lorsqu’il existe une menace pour l’objet protégé ou les forces en raison de catastrophes naturelles ou d’autres catastrophes, lorsqu’elles tombent malades ou ont besoin de toute autre forme d’assistance.

Les forces de sécurité assurent la sécurité des installations, des documents, des personnes, des armes et équipements militaires, des munitions et autres matériels contre diverses formes de menace. [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

19

Au cours de la période allant du mois de février 2014 au mois de juillet 2015, B. K. a effectué, en sa qualité de sous-officier de l’armée slovène, un « service de garde » ininterrompu de sept jours par mois au cours duquel il devait être joignable et présent en permanence au sein de la caserne où il était affecté. Ce « service de garde » comprenait à la fois des périodes au cours desquelles B. K. devait exercer une activité de surveillance effective et des périodes durant lesquelles ce dernier n’était tenu que de demeurer à la disposition de ses supérieurs. En cas de venue inopinée de la police militaire, d’un groupe d’inspection ou d’un groupe d’intervention, il devait en faire mention sur le formulaire d’enregistrement et remplir les missions que lui imposaient ses supérieurs.

20

Le ministère de la Défense a considéré que, pour chacun de ces jours de « service de garde », huit heures devaient être considérées comme étant du temps de travail, de sorte qu’il a versé à B. K. le traitement ordinaire correspondant pour ces huit heures de travail. Au titre des autres heures, B. K. n’a bénéficié que d’une indemnité d’astreinte à hauteur de 20 % du traitement de base.

21

B. K. a saisi les juridictions slovènes d’un recours tendant à ce que lui soient payées, en tant qu’heures de travail supplémentaires, les heures pendant lesquelles, au cours du « service de garde », il n’avait exercé aucune activité effective au service de son employeur, mais avait été contraint de demeurer à la disposition de ses supérieurs, au sein de la caserne en étant éloigné de sa résidence et de sa famille.

22

Son recours ayant été rejeté en première instance et en appel, B. K. a introduit un recours en révision devant la juridiction de renvoi.

23

Cette dernière relève, en premier lieu, que, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2003/88, lu en combinaison avec l’article 2 de la directive 89/391, la directive 2003/88 ne s’applique pas lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique s’y opposent de manière contraignante. La juridiction de renvoi considère, en se référant à l’arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584), que cette exception n’a été prévue que pour assurer le bon fonctionnement des services qui sont absolument nécessaires à la protection de la sécurité, de la santé et de l’ordre publics en cas d’événements d’une gravité exceptionnelle, lorsqu’il n’est pas possible de planifier le temps de travail des groupes d’intervention et de secours.

24

La juridiction de renvoi fait observer que, en l’occurrence, B. K. a effectué son travail ordinaire, à savoir un « service de garde » en temps de paix, de manière régulière, sans qu’il y ait eu, au cours de la période en cause au principal, la moindre circonstance imprévisible ou le moindre événement exceptionnel. Ainsi, selon cette juridiction, la planification du temps de travail de l’intéressé n’était aucunement impossible.

25

Ladite juridiction se demande toutefois si l’exception prévue à l’article 2 de la directive 89/391 peut être invoquée de manière générale à l’égard des militaires en temps de paix et des travailleurs du secteur de la défense.

26

En deuxième lieu, à supposer que la directive 2003/88 s’applique en l’occurrence, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si les périodes pendant lesquelles, au cours de son « service de garde », B. K. n’exerçait aucune activité effective au service de son employeur mais était tenu de demeurer au sein de la caserne, à la disposition de ses supérieurs, doivent être considérées comme étant du « temps de travail » au sens de l’article 2 de cette directive.

27

Après avoir souligné que cette question pourrait appeler une réponse affirmative, cette juridiction relève que, en droit slovène, de telles périodes sont exclues du temps de travail, au même titre que les périodes durant lesquelles un militaire est tenu de demeurer à son domicile, et qu’un même niveau de rémunération est prévu pour ces deux périodes, ce qui ne serait pas, selon ladite juridiction, conforme à la directive 2003/88.

28

Dans ces conditions, le Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 2 de la directive [2003/88] s’applique-t-il également aux travailleurs qui travaillent dans le domaine de la défense et aux militaires qui effectuent des gardes en temps de paix ?

2)

L’article 2 de la directive [2003/88] fait-il obstacle à une réglementation nationale en vertu de laquelle les périodes d’astreinte des travailleurs qui travaillent dans l’armée, effectuées sur le lieu de travail ou en un endroit déterminé (mais pas à domicile) et la présence des militaires qui travaillent dans le domaine de la défense en périodes de garde, lorsque ces militaires n’effectuent pas de travail effectif, mais doivent être physiquement présents dans la caserne, ne sont pas incluses dans le temps de travail ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

29

Par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à déterminer si certaines périodes au cours desquelles tant les militaires que le personnel civil actif dans le domaine de la défense sont tenus de demeurer à la disposition de leurs supérieurs en cas de besoin peuvent être considérées comme étant du « temps de travail », au sens de l’article 2 de cette directive.

30

Or, il est constant que le litige au principal concerne uniquement un militaire. Il convient dès lors de constater que, en ce qu’elles portent sur la situation du personnel civil actif dans le domaine de la défense, les questions préjudicielles n’ont aucun rapport avec l’objet du litige au principal et sont, partant, en vertu d’une jurisprudence constante, irrecevables (arrêt du 2 février 2021, Consob, C‑481/19, EU:C:2021:84, point 29 et jurisprudence citée).

Sur la première question

31

À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (arrêt du 7 août 2018, Smith, C‑122/17, EU:C:2018:631, point 34 et jurisprudence citée).

32

À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que, afin de déterminer si, comme le demande la juridiction de renvoi, l’article 2 de la directive 2003/88 est applicable à une activité de garde assurée par un militaire en temps de paix, telle que le « service de garde » effectué par B. K. dans les conditions mentionnées au point 19 du présent arrêt, il convient d’examiner si une telle activité relève du champ d’application de cette directive, lequel est fixé non par son article 2 mais par son article 1er, paragraphe 3.

33

D’autre part, la juridiction de renvoi part de la prémisse selon laquelle le litige au principal relève du champ d’application du droit de l’Union. Néanmoins, dans la mesure où ce litige concerne un militaire, il convient d’examiner, au préalable, si, comme l’ont soutenu les gouvernements français et espagnol, le droit de l’Union n’a pas vocation à régir l’aménagement du temps de travail des militaires au motif que cet aménagement relèverait des modalités d’organisation des forces armées des États membres, lesquelles seraient, par leur nature même, exclues du champ d’application de ce droit, conformément à l’article 4, paragraphe 2, TUE.

34

Dans ces conditions, afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont elle est saisie, il convient de reformuler la première question et de considérer que, par celle-ci, cette juridiction demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2003/88, lu à la lumière de l’article 4, paragraphe 2, TUE, doit être interprété en ce sens que l’activité de garde exercée par un militaire en temps de paix est exclue du champ d’application de cette directive.

35

En premier lieu, il convient de vérifier si l’article 4, paragraphe 2, TUE impose d’exclure l’intégralité des membres des forces armées du champ d’application du droit de l’Union et notamment des règles sur l’aménagement du temps de travail.

36

Aux termes de cet article 4, paragraphe 2, l’Union respecte, d’une part, l’égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles et, d’autre part, les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. Cette même disposition précise que la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre.

37

À cet égard, il y a lieu de relever que les missions principales des forces armées des États membres, que sont la préservation de l’intégrité territoriale et la sauvegarde de la sécurité nationale, figurent explicitement parmi les fonctions essentielles de l’État que l’Union doit respecter, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, TUE.

38

Il ressort d’ailleurs de la jurisprudence de la Cour que les choix d’organisation militaire des États membres qui ont pour objet la défense de leur territoire ou de leurs intérêts essentiels ne sont pas régis, en tant que tels, par le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2003, Dory, C‑186/01, EU:C:2003:146, point 35).

39

Cela étant, il ne découle pas du respect dû par l’Union aux fonctions essentielles de l’État, consacré à l’article 4, paragraphe 2, TUE, que les décisions des États membres relatives à l’organisation de leurs forces armées échapperaient au champ d’application du droit de l’Union, en particulier lorsque sont en cause des règles relatives à l’aménagement du temps de travail.

40

En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, bien qu’il appartienne aux seuls États membres de définir leurs intérêts essentiels de sécurité et d’arrêter les mesures propres à assurer leur sécurité intérieure et extérieure, y compris les décisions relatives à l’organisation de leurs forces armées, le seul fait qu’une mesure nationale a été prise aux fins de la protection de la sécurité nationale ne saurait entraîner l’inapplicabilité du droit de l’Union et dispenser les États membres du respect nécessaire de ce droit (voir, en ce sens, arrêts du 26 octobre 1999, Sirdar, C‑273/97, EU:C:1999:523, point 15 ; du 11 janvier 2000, Kreil, C‑285/98, EU:C:2000:2, point 15, ainsi que du 6 octobre 2020, Privacy International, C‑623/17, EU:C:2020:790, point 44 et jurisprudence citée). Il doit en aller de même des mesures nationales adoptées aux fins de la protection de l’intégrité territoriale d’un État membre.

41

Par ailleurs, comme l’a relevé, en substance, M. l’avocat général aux points 44 et 45 de ses conclusions, cette affirmation n’est pas contredite par l’arrêt du 11 mars 2003, Dory (C‑186/01, EU:C:2003:146).

42

En effet, alors que l’instauration d’un service militaire obligatoire, qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, ne constitue pas une question appréhendée par le droit de l’Union, l’aménagement du temps de travail est une matière qui a été harmonisée, en vertu de l’article 153, paragraphe 2, TFUE, par le biais de la directive 2003/88.

43

Toutefois, si le respect dû par l’Union aux fonctions essentielles de l’État n’implique pas de soustraire intégralement l’aménagement du temps de travail des militaires au champ d’application du droit de l’Union, il n’en demeure pas moins que l’article 4, paragraphe 2, TUE requiert que l’application aux militaires des règles du droit de l’Union relatives à cet aménagement ne soit pas de nature à entraver le bon accomplissement de ces fonctions essentielles. Dès lors, ces règles ne sauraient être interprétées d’une manière telle qu’elles empêcheraient les forces armées d’accomplir leurs missions et qu’elles porteraient atteinte, par voie de conséquence, aux fonctions essentielles de l’État que sont la préservation de son intégrité territoriale et la sauvegarde de la sécurité nationale.

44

Il s’ensuit que les spécificités que chaque État membre confère au fonctionnement de ses forces armées doivent être dûment prises en considération par le droit de l’Union, que ces spécificités résultent, entre autres, des responsabilités internationales particulières assumées par cet État membre, des conflits ou des menaces auxquels il est confronté, ou encore du contexte géopolitique dans lequel cet État évolue.

45

Ainsi, l’application des dispositions du droit de l’Union et, plus particulièrement, de celles relatives à l’aménagement du temps de travail ne saurait empêcher l’accomplissement des missions spécifiques que chaque État membre confie, compte tenu de ses contraintes et de ses responsabilités propres, à ses forces armées, en vue de préserver son intégrité territoriale ou de sauvegarder sa sécurité nationale.

46

Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 4, paragraphe 2, TUE n’a pas pour effet d’exclure l’aménagement du temps de travail de l’ensemble des militaires du champ d’application du droit de l’Union.

47

En deuxième lieu, il convient de rappeler que la directive 2003/88 a pour objet de fixer des prescriptions minimales destinées à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs par un rapprochement des réglementations nationales concernant, notamment, la durée du temps de travail. Cette harmonisation au niveau de l’Union européenne en matière d’aménagement du temps de travail vise à garantir une meilleure protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, en faisant bénéficier ceux–ci de périodes minimales de repos – notamment journalier et hebdomadaire – ainsi que de périodes de pause adéquates, et en prévoyant une limite maximale à la durée hebdomadaire de travail [arrêt du 9 mars 2021, Radiotelevizija Slovenija (Période d’astreinte dans un lieu reculé), C‑344/19, EU:C:2021:182, point 25 et jurisprudence citée].

48

Par ailleurs, les dispositions de la directive 2003/88 précisent le droit fondamental à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et doivent, dès lors, être interprétées à la lumière de ce dernier (arrêt du 17 mars 2021, Academia de Studii Economice din Bucureşti, C‑585/19, EU:C:2021:210, point 37 et jurisprudence citée). Il s’ensuit notamment que ces dispositions ne sauraient faire l’objet d’une interprétation restrictive au détriment des droits que le travailleur tire de cette directive [arrêt du 9 mars 2021, Radiotelevizija Slovenija (Période d’astreinte dans un lieu reculé), C‑344/19, EU:C:2021:182, point 27 et jurisprudence citée].

49

À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, aux fins de l’application de la directive 2003/88, la notion de « travailleur » doit être définie selon des critères objectifs qui caractérisent la relation de travail en considération des droits et des devoirs des personnes concernées. Or, la caractéristique essentielle de la relation de travail est la circonstance qu’une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle reçoit une rémunération. Il s’ensuit qu’une relation de travail suppose l’existence d’un lien de subordination entre le travailleur et son employeur. L’existence d’un tel lien doit être appréciée dans chaque cas particulier en fonction de tous les éléments et de toutes les circonstances caractérisant les relations entre les parties (arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, points 41 et 42 ainsi que jurisprudence citée).

50

En l’occurrence, il est constant que, au cours de la période en cause au principal, B. K. percevait une rémunération et se trouvait, en sa qualité de sous-officier de l’armée slovène, dans un lien de subordination par rapport à son employeur, au sens du point précédent. Il s’ensuit que la directive 2003/88 a, a priori, vocation à s’appliquer à sa situation.

51

En troisième lieu, il convient de déterminer si les activités des forces armées en général ou, à tout le moins, certaines d’entre elles doivent être exclues du champ d’application de la directive 2003/88 en vertu de son article 1er, paragraphe 3, lu à la lumière de l’article 4, paragraphe 2, TUE.

52

L’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2003/88 définit le champ d’application de celle-ci par renvoi à l’article 2 de la directive 89/391. Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de cette dernière directive, celle-ci s’applique à « tous les secteurs d’activités, privés ou publics ».

53

Toutefois, l’article 2, paragraphe 2, de la directive 89/391 prévoit, à son premier alinéa, que celle-ci n’est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, notamment dans les forces armées, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile, s’y opposent de manière contraignante, et précise, à son second alinéa, que, dans un tel cas, la sécurité et la santé des travailleurs doivent être assurées, dans toute la mesure du possible, compte tenu des objectifs de ladite directive.

54

Il convient, dès lors, de déterminer si les activités des forces armées en général ou, à tout le moins, certaines d’entre elles doivent être exclues du champ d’application de la directive 2003/88 au motif qu’elles relèveraient de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391, en tenant dûment compte de la nécessité d’interpréter ledit champ d’application à la lumière de l’article 4, paragraphe 2, TUE.

55

Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire à la sauvegarde des intérêts qu’il permet aux États membres de protéger (arrêts du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 54, ainsi que du 30 avril 2020, Készenléti Rendőrség, C‑211/19, EU:C:2020:344, point 32).

56

En outre, le critère utilisé à l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 pour exclure certaines activités du champ d’application de cette directive et, partant, de celui de la directive 2003/88 est fondé non pas sur l’appartenance des travailleurs à l’un des secteurs de la fonction publique visés à cette disposition, considéré dans sa globalité, mais exclusivement sur la nature spécifique de certaines missions particulières exercées par les travailleurs des secteurs visés par cette disposition, nature qui justifie une exception aux règles en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, en raison de la nécessité absolue de garantir une protection efficace de la collectivité (arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, point 55 ainsi que jurisprudence citée).

57

Figure au nombre des particularités inhérentes de ces activités spécifiques qui justifient, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391, une exception aux règles en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs le fait qu’elles ne se prêtent pas, par leur nature, à une planification du temps de travail (arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, point 64 ainsi que jurisprudence citée).

58

L’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 permet ainsi de préserver l’efficacité des activités spécifiques de la fonction publique dont la continuité est indispensable pour assurer l’exercice effectif des fonctions essentielles de l’État. Cette exigence de continuité doit être appréciée en tenant compte de la nature spécifique de l’activité considérée (arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, points 65 et 66 ainsi que jurisprudence citée).

59

À cet égard, d’une part, la Cour a jugé que l’exigence de continuité des services actifs dans les domaines de la santé, la sécurité et l’ordre publics ne fait pas obstacle à ce que, lorsqu’elles ont lieu dans des conditions normales, les activités de ces services puissent être organisées, en ce compris quant aux horaires de travail de leurs employés, si bien que l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 n’est applicable à de tels services que dans des circonstances d’une gravité et d’une ampleur exceptionnelles, telles que des catastrophes naturelles ou technologiques, des attentats ou des accidents majeurs, qui nécessitent l’adoption de mesures indispensables à la protection de la vie, de la santé ainsi que de la sécurité de la collectivité, et dont la bonne exécution serait compromise si toutes les règles énoncées par la directive 2003/88 devaient être respectées. Dans de tels cas, il convient de reconnaître une priorité absolue à l’objectif de protection de la population, au détriment du respect des dispositions de cette directive, lesquelles peuvent provisoirement être méconnues au sein desdits services (voir, en ce sens, arrêts du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, point 67, ainsi que du 30 avril 2020, Készenléti Rendőrség, C‑211/19, EU:C:2020:344, point 42 et jurisprudence citée).

60

D’autre part, la Cour a jugé que certaines activités particulières de la fonction publique présentent, même lorsqu’elles sont exercées dans des conditions normales, des caractéristiques à ce point spécifiques que leur nature s’oppose, de manière contraignante, à une planification du temps de travail respectueuse des prescriptions imposées par la directive 2003/88 (arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, point 68).

61

Tel est, en particulier, le cas des activités qui, afin de remplir efficacement l’objectif d’intérêt général qui leur est assigné, ne peuvent être exercées que de manière continue et par un seul et même travailleur, sans qu’il soit possible d’instaurer un système de rotation permettant d’accorder, à intervalles réguliers, audit travailleur, le droit à des heures ou à des jours de repos après qu’il a effectué un certain nombre d’heures ou de jours de travail (voir, en ce sens, arrêts du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, points 70 à 74, ainsi que du 30 avril 2020, Készenléti Rendőrség, C‑211/19, EU:C:2020:344, points 43 et 44).

62

De telles activités doivent être intégralement exclues, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391, du champ d’application de la directive 2003/88.

63

En l’occurrence, il convient de déterminer dans quelle mesure la jurisprudence rappelée aux points 57 à 61 du présent arrêt est applicable aux activités des membres des forces armées, étant entendu que, comme il a été souligné aux points 43 et 45 de cet arrêt, il convient de veiller à ce que l’application à ceux-ci de la directive 2003/88 n’affecte pas le bon accomplissement des fonctions essentielles des États membres, au sens de l’article 4, paragraphe 2, TUE.

64

À cet égard, il convient, premièrement, de relever que l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 ne saurait être interprété en ce sens que les membres des forces armées des États membres sont exclus, dans leur intégralité et en permanence, du champ d’application de la directive 2003/88.

65

En effet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 55, 56 et 58 du présent arrêt, bien qu’il vise à préserver l’exercice effectif des fonctions essentielles de l’État, l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 doit être interprété restrictivement et a pour objet de faire échapper au champ d’application de cette directive et, par voie de conséquence, à celui de la directive 2003/88 non pas certains secteurs de la fonction publique, considérés dans leur globalité, mais seulement certaines catégories d’activités dans ces secteurs, en raison de leur nature spécifique.

66

Or, d’une part, la Cour a déjà jugé que l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 ne peut justifier l’exclusion intégrale du personnel non civil des administrations publiques du champ d’application de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Commission/Espagne, C‑132/04, non publié, EU:C:2006:18, points 30 à 40).

67

Du reste, et comme M. l’avocat général l’a relevé, en substance, à la note de bas de page 88 de ses conclusions, les exceptions spécifiques à l’égard des militaires, qui sont expressément prévues tant à l’article 2, paragraphe 2, sous c), de la directive 89/656 qu’à l’article 10, paragraphe 1, sous b), de la directive 2013/35, auraient été inutiles si l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 avait exclu, de façon générale, les membres des forces armées du champ d’application de cette dernière directive. En effet, cet article 2, paragraphe 2, premier alinéa, détermine également le champ d’application des directives 89/656 et 2013/35, ainsi qu’il ressort, respectivement, de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 89/656 et de l’article 1er, paragraphe 6, de la directive 2013/35.

68

D’autre part, comme M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, aux points 82 et 83 de ses conclusions, il ne saurait être considéré que l’intégralité des activités exercées par les militaires présentent des particularités telles que celles-ci s’opposent à toute planification du temps de travail respectueuse des exigences imposées par la directive 2003/88.

69

Au contraire, certaines activités susceptibles d’être exercées par les membres des forces armées, comme celles liées notamment à des services d’administration, d’entretien, de réparation, de santé, de maintien de l’ordre ou de poursuite des infractions, ne sauraient être exclues, dans leur intégralité, du champ d’application de la directive 2003/88.

70

En effet, il est constant que de telles activités relèvent, en principe, du champ d’application de cette directive lorsqu’elles sont exercées, dans des conditions similaires, par des travailleurs de la fonction publique n’ayant pas le statut de militaire.

71

Or, il convient de rappeler que l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 est applicable, de la même manière, à tous les travailleurs qui exercent des activités spécifiques identiques au service de la collectivité (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, point 59).

72

Par ailleurs, s’il est vrai que tout militaire est soumis à une exigence de disponibilité de nature telle qu’il doit être en mesure d’être projeté en opération dans un très bref délai, l’application à ce militaire des règles prévues par la directive 2003/88, au cours des activités visées au point 69 du présent arrêt, n’est cependant pas de nature à contrarier le respect effectif d’une telle exigence de disponibilité, à tout le moins tant que ces activités ne sont pas exercées dans le cadre d’une opération militaire, en ce compris au cours de sa préparation immédiate.

73

Cela étant, deuxièmement, il découle, d’une part, de la jurisprudence rappelée au point 59 du présent arrêt que, lorsque les membres des forces armées sont confrontés à des circonstances d’une gravité et d’une ampleur exceptionnelles, au sens de cette jurisprudence, les activités de ceux-ci sont exclues du champ d’application de la directive 2003/88, en vertu de son article 1er, paragraphe 3, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391.

74

Il en va ainsi lorsque, eu égard à la gravité et à l’ampleur de l’ensemble des circonstances pertinentes, il apparaît qu’il est impossible de protéger la population tout en organisant les activités des forces armées de telle manière que chacun de leurs membres puisse bénéficier des garanties prévues par la directive 2003/88 en matière de durée du temps de travail et du temps de repos, notamment par un mécanisme de rotation des effectifs (voir, par analogie, arrêt du 30 avril 2020, Készenléti RendőrségC‑211/19, EU:C:2020:344, points 47 à 50).

75

D’autre part, il peut être déduit de la jurisprudence rappelée au point 60 du présent arrêt que certaines catégories d’activités militaires échappent, dans leur intégralité, au champ d’application de la directive 2003/88, lorsque ces activités sont à ce point spécifiques qu’elles s’opposent de manière contraignante et permanente au respect des exigences imposées par cette directive.

76

Tel est le cas des activités exercées par des membres des forces armées qui, en raison de leurs hautes qualifications ou du caractère extrêmement sensible des tâches qui leur sont assignées, ne peuvent que très difficilement être remplacés par d’autres membres des forces armées, au moyen d’un système de rotation permettant de garantir tout à la fois le respect des périodes maximales de travail et des périodes de repos prévues par la directive 2003/88 et le bon accomplissement des missions essentielles qui leur sont imparties.

77

Troisièmement, il importe de relever que tous les militaires appelés à prêter leur concours aux opérations impliquant un engagement militaire des forces armées d’un État membre, que celles-ci se déploient, de façon permanente ou occasionnelle, à l’intérieur de ses frontières ou à l’extérieur de celles-ci, exercent une activité qui, en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2003/88, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391, et à la lumière de l’article 4, paragraphe 2, TUE, doit, par sa nature même, être exclue, dans son intégralité, du champ d’application de la directive 2003/88.

78

En effet, le respect des exigences imposées par la directive 2003/88 au cours de ces opérations ferait peser un risque considérable sur le succès de celles-ci, succès qui suppose de pouvoir exiger un engagement total, au cours de longues périodes, des membres des forces armées impliqués, et, par voie de conséquence, sur le bon accomplissement des fonctions essentielles de sauvegarde de la sécurité nationale ou de préservation de l’intégrité territoriale des États membres.

79

Dans ce cadre, il convient d’avoir égard à l’éventuelle interdépendance existant non seulement entre lesdites opérations, mais aussi entre celles-ci et d’autres activités exercées par les membres des forces armées, auxquelles l’application des règles de cette directive, en imposant aux autorités concernées de mettre en place un système de rotation ou de planification du temps de travail, ne pourrait se faire qu’au détriment de ces mêmes opérations, contrairement aux exigences de l’article 4, paragraphe 2, TUE. Partant, si cela s’avère nécessaire au bon accomplissement des opérations militaires proprement dites, il ne saurait être exclu que certaines activités des forces armées qui n’y ont pas trait directement échappent également, pour la durée de ces opérations, au champ d’application de la directive 2003/88.

80

En outre, l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2003/88, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391, et à la lumière de l’article 4, paragraphe 2, TUE, impose tout autant d’exclure du champ d’application de la directive 2003/88 l’ensemble des activités qui relèvent soit de la formation initiale des militaires, à laquelle il convient d’assimiler le service militaire obligatoire, soit des entraînements opérationnels auxquels les membres des forces armées sont, par la suite, régulièrement astreints.

81

En effet, comme l’a relevé le gouvernement français, afin de garantir l’efficacité opérationnelle des forces armées, les militaires doivent pouvoir être confrontés, au cours de leur formation initiale et de leur entraînement opérationnel, à des situations qui permettent de reproduire au plus près les conditions, y compris les plus extrêmes, dans lesquelles les opérations militaires proprement dites se déroulent. Or, un tel objectif légitime ne pourrait être atteint si les règles relatives à l’aménagement du temps de travail, prévues par la directive 2003/88, devaient être respectées au cours de cette formation initiale et de ces entraînements opérationnels.

82

Du reste, en imposant aux militaires de telles exigences de formation et d’entraînement, les États membres veillent également à ce que la santé et la sécurité de ces militaires soient au mieux protégées au cours des opérations des forces armées proprement dites, dans la mesure où ces exigences permettent à ceux-ci d’acquérir et de conserver un niveau élevé d’endurance face à des conditions de vie dégradées.

83

La circonstance que la formation initiale, les entraînements opérationnels et les opérations militaires proprement dites ont lieu en temps de paix n’est pas de nature à infirmer la conclusion selon laquelle ces activités doivent être intégralement exclues du champ d’application de la directive 2003/88. En effet, les missions qui sont assumées par les forces armées afin d’assurer la préservation de la sécurité nationale et de l’intégrité du territoire doivent pouvoir être pleinement réalisées, même en temps de paix.

84

Il importe d’ajouter qu’il relève de la seule responsabilité de chacun des États membres, compte tenu, notamment, des menaces auxquelles il est confronté, des responsabilités internationales qui lui sont propres ou du contexte géopolitique spécifique dans lequel il évolue, de procéder aux opérations militaires qu’il juge appropriées et de déterminer l’intensité de la formation initiale et des entraînements opérationnels qu’il estime utiles au bon accomplissement desdites opérations, sans qu’un contrôle de la Cour à cet égard soit envisageable, de telles questions devant être considérées comme échappant au champ d’application du droit de l’Union, comme il a été relevé au point 38 du présent arrêt.

85

En l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si l’activité de garde assurée par B. K. relève d’une des hypothèses visées aux points 73 à 83 du présent arrêt. Dans la négative, cette activité devra être considérée comme étant soumise au champ d’application de la directive 2003/88. À cet égard, il ne saurait être exclu, au vu du dossier dont dispose la Cour, que cette juridiction puisse considérer que l’activité de garde en cause au principal constitue une opération militaire proprement dite, de sorte qu’elle échappe au champ d’application de cette directive.

86

Enfin, il y a lieu de préciser que, même lorsque des militaires exercent des activités qui relèvent pleinement du champ d’application de la directive 2003/88, celle-ci contient, contrairement à ce que soutient le gouvernement français, des exceptions aux droits qu’elle instaure, susceptibles d’être invoquées par les États membres à l’égard de ces militaires.

87

Il en va, en tout cas, ainsi de l’article 17, paragraphe 3, sous b) et c), de ladite directive, qui permet, en substance, de déroger, sous certaines conditions, aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 de celle-ci, tant pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la protection des biens et des personnes que pour les activités caractérisées par la nécessité d’assurer la continuité du service ou de la production.

88

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2003/88, lu à la lumière de l’article 4, paragraphe 2, TUE, doit être interprété en ce sens qu’une activité de garde exercée par un militaire est exclue du champ d’application de cette directive :

soit lorsque cette activité intervient dans le cadre de sa formation initiale, d’un entraînement opérationnel ou d’une opération militaire proprement dite,

soit lorsqu’elle constitue une activité à ce point particulière qu’elle ne se prête pas à un système de rotation des effectifs permettant d’assurer le respect des exigences de ladite directive,

soit lorsqu’il apparaît, au vu de l’ensemble des circonstances pertinentes, que cette activité est exécutée dans le cadre d’événements exceptionnels, dont la gravité et l’ampleur nécessitent l’adoption de mesures indispensables à la protection de la vie, de la santé ainsi que de la sécurité de la collectivité et dont la bonne exécution serait compromise si l’ensemble des règles énoncées par ladite directive devaient être respectées,

soit lorsque l’application de ladite directive à une telle activité, en imposant aux autorités concernées de mettre en place un système de rotation ou de planification du temps de travail, ne pourrait se faire qu’au détriment du bon accomplissement des opérations militaires proprement dites.

Sur la seconde question

89

À titre liminaire, il y a lieu de préciser que, dans le cadre de la réponse à la deuxième question posée par la juridiction de renvoi, l’expression « période de garde » sera utilisée afin de désigner l’ensemble des périodes au cours desquelles le militaire, durant son activité de garde, demeure uniquement à la disposition de ses supérieurs, sans exercer effectivement une activité de surveillance.

90

Par ailleurs, il convient de souligner qu’il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal concerne exclusivement la rémunération, en tant qu’heures supplémentaires, des périodes de garde assurées par B. K.

91

Partant, afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient de reformuler la seconde question et de considérer que, par celle-ci, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 2 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il impose qu’une période de garde au cours de laquelle le militaire est tenu de demeurer au sein de la caserne où il est affecté mais n’y accomplit pas de travail effectif soit considérée comme étant du temps de travail, aux fins de la fixation de la rémunération due à ce militaire pour une telle période.

92

Il importe encore de préciser que la réponse à cette question ne sera pertinente pour le litige au principal que dans le cas où la juridiction de renvoi devrait aboutir à la conclusion que l’activité de garde en cause au principal n’est pas exclue du champ d’application de la directive 2003/88.

93

Sous le bénéfice de ces précisions liminaires, il convient, en premier lieu, de rappeler que relève de la notion de « temps de travail », au sens de la directive 2003/88, l’intégralité des périodes de garde au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d’une période de garde déterminée n’atteignent pas un tel degré d’intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d’une telle période constitue du « temps de travail », aux fins de l’application de cette directive [arrêt du 9 mars 2021, Radiotelevizija Slovenija (Période d’astreinte dans un lieu reculé), C‑344/19, EU:C:2021:182, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée].

94

S’agissant des périodes de garde effectuées sur des lieux de travail qui, comme en l’occurrence, ne se confondent pas avec le domicile du travailleur, le facteur déterminant pour considérer que les éléments caractéristiques de la notion de « temps de travail », au sens de la directive 2003/88, sont présents est le fait que le travailleur est contraint d’être physiquement présent sur le lieu déterminé par l’employeur et de s’y tenir à la disposition de ce dernier pour pouvoir immédiatement fournir ses services en cas de besoin, étant précisé que le lieu de travail doit être compris comme tout lieu où le travailleur est appelé à exercer une activité sur ordre de son employeur, y compris lorsque ce lieu n’est pas l’endroit où il exerce habituellement son activité professionnelle. Dès lors qu’au cours d’une telle période de garde, le travailleur doit rester éloigné de son environnement social et familial et bénéficie d’une faible latitude pour gérer le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités, l’intégralité de celle-ci doit être qualifiée de « temps de travail », au sens de cette directive, indépendamment des prestations de travail réellement effectuées par le travailleur au cours de ladite période [arrêt du 9 mars 2021, Radiotelevizija Slovenija (Période d’astreinte dans un lieu reculé), C‑344/19, EU:C:2021:182, points 33 à 35 et jurisprudence citée].

95

Il résulte de ce qui précède que, à supposer que la directive 2003/88 s’y applique, une période de garde imposée à un militaire qui implique sa présence continue sur son lieu de travail doit être considérée comme étant du temps de travail, au sens de l’article 2, point 1, de cette directive, lorsque ce lieu de travail ne se confond pas avec son domicile.

96

En deuxième lieu, il importe toutefois de rappeler que, exception faite de l’hypothèse particulière relative au congé annuel payé, visée à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, cette directive se borne à réglementer certains aspects de l’aménagement du temps de travail afin d’assurer la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, de sorte que, en principe, elle ne trouve pas à s’appliquer à la rémunération des travailleurs [arrêt du 9 mars 2021, Radiotelevizija Slovenija (Période d’astreinte dans un lieu reculé), C‑344/19, EU:C:2021:182, point 57 et jurisprudence citée].

97

Partant, le mode de rémunération des travailleurs au titre des périodes de garde qu’ils effectuent relève non pas de la directive 2003/88 mais des dispositions pertinentes du droit national. Cette directive ne s’oppose, par conséquent, pas à l’application d’une réglementation d’un État membre, d’une convention collective de travail ou d’une décision d’un employeur qui, aux fins de la rémunération d’un service de garde, prend en compte de manière différente les périodes au cours desquelles des prestations de travail sont réellement effectuées et celles durant lesquelles aucun travail effectif n’est accompli, même lorsque ces périodes doivent être considérées, dans leur intégralité, comme du « temps de travail » aux fins de l’application de ladite directive [arrêt du 9 mars 2021, Radiotelevizija Slovenija (Période d’astreinte dans un lieu reculé), C‑344/19, EU:C:2021:182, point 58 ainsi que jurisprudence citée].

98

Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 2 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une période de garde au cours de laquelle un militaire est tenu de demeurer au sein de la caserne où il est affecté mais n’y accomplit pas de travail effectif soit rémunérée d’une manière différente qu’une période de garde au cours de laquelle il effectue des prestations de travail effectif.

Sur les dépens

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La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lu à la lumière de l’article 4, paragraphe 2, TUE, doit être interprété en ce sens qu’une activité de garde exercée par un militaire est exclue du champ d’application de cette directive :

soit lorsque cette activité intervient dans le cadre de sa formation initiale, d’un entraînement opérationnel ou d’une opération militaire proprement dite,

soit lorsqu’elle constitue une activité à ce point particulière qu’elle ne se prête pas à un système de rotation des effectifs permettant d’assurer le respect des exigences de ladite directive,

soit lorsqu’il apparaît, au vu de l’ensemble des circonstances pertinentes, que cette activité est exécutée dans le cadre d’événements exceptionnels, dont la gravité et l’ampleur nécessitent l’adoption de mesures indispensables à la protection de la vie, de la santé ainsi que de la sécurité de la collectivité et dont la bonne exécution serait compromise si l’ensemble des règles énoncées par ladite directive devaient être respectées,

soit lorsque l’application de ladite directive à une telle activité, en imposant aux autorités concernées de mettre en place un système de rotation ou de planification du temps de travail, ne pourrait se faire qu’au détriment du bon accomplissement des opérations militaires proprement dites.

 

2)

L’article 2 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une période de garde au cours de laquelle un militaire est tenu de demeurer au sein de la caserne où il est affecté mais n’y accomplit pas de travail effectif soit rémunérée d’une manière différente qu’une période de garde au cours de laquelle il effectue des prestations de travail effectif.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le slovène.

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