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Document 62018CC0658

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 23 janvier 2020.
UX contre Governo della Repubblica italiana.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Giudice di pace di Bologna.
Renvoi préjudiciel – Recevabilité – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction nationale” – Critères – Politique sociale – Directive 2003/88/CE – Champ d’application – Article 7 – Congé annuel payé – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clauses 2 et 3 – Notion de “travailleur à durée déterminée” – Juges de paix et magistrats ordinaires – Différence de traitement – Clause 4 – Principe de non – discrimination – Notion de “raisons objectives”.
Affaire C-658/18.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:33

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 23 janvier 2020 ( 1 )

Affaire C‑658/18

UX

contre

Governo della Repubblica italiana

[demande de décision préjudicielle formée par le Giudice di pace di Bologna (juge de paix de Bologne, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Recevabilité – Indépendance externe et interne des juridictions – Politique sociale – Directive 2003/88/CE – Temps de travail – Article 7 – Congé annuel payé – Juges de paix – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES [Confédération européenne des syndicats], UNICE [Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe] et CEEP [Centre européen des entreprises à participation publique] sur le travail à durée déterminée – Clause 4 – Principe de non-discrimination – Responsabilité des États membres pour violation du droit de l’Union »

I. Introduction

1.

Les juges de paix italiens sont-ils des travailleurs et ont-ils, par conséquent, droit à des congés payés ?

2.

C’est la question qui est posée en l’espèce. De l’avis de la République italienne et de ses juridictions suprêmes, les juges de paix exercent une fonction honorifique en contrepartie de laquelle ils touchent une indemnité à titre de remboursement de frais. La juge de paix requérante au principal, qui a clôturé environ 1800 procédures au cours de l’année ayant précédé la période de congé litigieuse et qui a tenu des audiences deux jours par semaine, estime en revanche qu’elle est une travailleuse et fait valoir son droit à des congés payés. Elle réclame l’indemnité de congés payés qui lui a été refusée dans le cadre d’une procédure en injonction de payer introduite devant un autre juge de paix.

3.

La demande de décision préjudicielle qui s’inscrit dans le cadre de cette procédure soulève en particulier des questions relatives à la directive 2003/88/CE concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ( 2 ) et à la directive 1999/70/CE concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ( 3 ). Toutefois, la recevabilité de la demande est elle‑même litigieuse, car la République italienne et la Commission européenne reprochent un conflit d’intérêts à la juridiction nationale.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. La directive sur le temps de travail

4.

L’article 1er de la directive sur le temps de travail régit l’objet et le champ d’application de celle‑ci :

« 1.   La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

2.   La présente directive s’applique :

a)

aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire et de congé annuel ainsi qu’au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail […]

[…]

3.   La présente directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics, au sens de l’article 2 de la directive 89/391/CEE, sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19 de la présente directive.

[…] »

5.

L’article 7 de la directive sur le temps de travail régit le droit à une période minimale de congé :

« 1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

[…] »

2. La directive 89/391/CEE

6.

L’article 2 de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ( 4 ) définit les secteurs d’activités qui sont visés par cette directive :

« 1.   La présente directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics (activités industrielles, agricoles, commerciales, administratives, de service, éducatives, culturelles, de loisirs, etc.).

2.   La présente directive n’est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s’y opposent de manière contraignante.

Dans ce cas, il y a lieu de veiller à ce que la sécurité et la santé des travailleurs soient assurées, dans toute la mesure du possible, compte tenu des objectifs de la présente directive. »

3. L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée

7.

L’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée a été rendu contraignant par la directive 1999/70.

8.

La clause 2 de l’accord-cadre régit le champ d’application de celui‑ci :

« 1.

Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.

[…] »

9.

La clause 3 de l’accord-cadre définit plusieurs notions :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1.

“travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

2.

“travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences.

[…] »

10.

La clause 4 de l’accord-cadre pose le principe de la non‑discrimination à l’encontre des travailleurs à durée déterminée :

« 1.

Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

2.

Lorsque c’est approprié, le principe du “pro rata temporis” s’applique.

3.

Les modalités d’application de la présente clause sont définies par les États membres, après consultation des partenaires sociaux, et/ou par les partenaires sociaux, compte tenu de la législation [de l’Union] et [de] la législation, des conventions collectives et pratiques nationales.

4.

Les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi sont les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée, sauf lorsque des critères de périodes d’ancienneté différents sont [justifiés] par des raisons objectives. »

B.   Le droit italien

11.

L’article 106 de la Constitution italienne comporte des dispositions fondamentales relatives à l’accès à la magistrature :

« Les magistrats sont nommés par concours.

La loi sur l’organisation judiciaire peut permettre la nomination, y compris élective, de magistrats “honoraires” [onorari] à toutes les fonctions attribuées à des juges uniques.

[…] »

12.

L’article 1er de la legge n. 374, « Istituzione del giudice di pace » (loi no 374 portant institution du juge de paix), du 21 novembre 1991, comporte des dispositions fondamentales relatives au statut et aux fonctions du juge de paix :

« 1.   Il est institué un juge de paix, qui exerce la fonction juridictionnelle en matière civile et pénale, et exerce la fonction de conciliation en matière civile selon les règles prévues par la présente loi.

2.   La fonction de juge de paix est exercée par un magistrat “honoraire” appartenant à l’ordre judiciaire. »

13.

Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la loi no 374 prévoit, pour l’accès à cette fonction, une procédure de concours qui est régie par les articles 4, 4a et 5, et qui se déroule en trois phases : a) établissement d’un classement provisoire sur titres aux fins de l’admission au stage ; b) déroulement du stage pendant une période de six mois ; c) établissement du classement définitif et nomination en tant que juge de paix à la suite des évaluations d’aptitude effectuées par les conseils judiciaires et le Consiglio superiore della magistratura (Conseil supérieur de la magistrature, Italie) ( 5 ). La République italienne expose que c’est le ministre de la Justice qui procède à la nomination proprement dite.

14.

La République italienne expose en outre que les juges de paix sont nommés pour quatre ans et qu’ils peuvent tout au plus être reconduits dans leurs fonctions pour quatre années supplémentaires. Cette indication s’appuie vraisemblablement sur l’article 18, paragraphes 1 et 2, du Decreto legislativo n. 116 del 13 luglio 2017 (décret législatif no 116 du 13 juillet 2017). Il semble que la réglementation antérieure autorisait l’exercice des fonctions pendant une plus longue durée.

15.

La compétence de la requérante en tant que juge de paix en matière pénale est réglementée par le decreto legislativo n. 274, « Disposizioni sulla competenza penale del giudice di pace » (décret législatif no 274 portant dispositions sur la compétence pénale du juge de paix), du 28 août 2000, et par le codice penale (code pénal). L’article 4 du décret législatif no 274/2000 prévoit notamment que le juge de paix est matériellement compétent pour connaître de certaines contraventions visées au code pénal ainsi que de certains délits ou tentatives de délits et contraventions indiqués dans certaines lois spéciales. Le juge de paix est également compétent pour connaître de certaines infractions liées à l’immigration, ainsi que pour contrôler certaines mesures relevant du droit des étrangers.

16.

Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la rémunération des juges de paix se compose de plusieurs éléments. Ces derniers perçoivent, pour chaque mois de service effectif, un montant de base de 258,63 euros. Ils perçoivent en outre des indemnités au titre des audiences présidées et des procédures clôturées. Toutefois, les juges de paix ne sont pas rémunérés pendant les vacances judiciaires en août.

17.

Cette réglementation concernant la rémunération se distingue de celle qui s’applique aux magistrats professionnels. Ceux-ci perçoivent un traitement mensuel et ont droit à un congé annuel payé de 30 jours.

18.

Si les juges de paix peuvent exercer d’autres activités professionnelles, certaines activités leur sont interdites. Ainsi, ils ne peuvent pas, en particulier, exercer la profession d’avocat dans le ressort du tribunal dans lequel ils exercent leurs fonctions.

19.

Selon la demande de décision préjudicielle, la rémunération des juges de paix italiens est soumise aux mêmes impôts que la rémunération des autres travailleurs. Des cotisations sociales ne sont pas prélevées, mais les juges de paix ne bénéficient pas non plus d’une protection sociale ( 6 ).

20.

Enfin, les juges de paix sont soumis, en matière disciplinaire, à des obligations analogues à celles des magistrats professionnels. Le Conseil supérieur de la magistrature veille, conjointement avec le ministre de la Justice, à leur respect.

III. Les faits et les questions préjudicielles

21.

La requérante au principal (ci‑après la « requérante ») exerce les fonctions de juge de paix depuis le 26 mars 2002.

22.

Selon les indications de la juridiction de renvoi, la requérante a rendu, en tant que juge pénal, 478 jugements et 1326 ordonnances de non‑lieu entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2018. En outre, elle a siégé deux fois par semaine, sauf pendant la période de congés du mois d’août 2018.

23.

Le 8 octobre 2018, la requérante a saisi le Giudice di pace di Bologna (juge de paix de Bologne, Italie) d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint au gouvernement italien de lui payer une indemnité pour le mois d’août 2018 au titre de la responsabilité de l’État. Elle réclame la somme de 4500 euros, ce qui correspond au traitement d’un magistrat ordinaire ou professionnel ayant une ancienneté de quatorze ans, et tout au moins, à titre subsidiaire, le montant de sa rémunération nette pour le mois de juillet 2018, qui s’élève à 3039,76 euros.

24.

La requérante demande ce paiement à titre de réparation du préjudice subi à cause de la violation manifeste, par l’État italien, des dispositions combinées de la clause 2 et de la clause 4, points 1, 2 et 4, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, de l’article 1er, paragraphe 3, et de l’article 7 de la directive sur le temps de travail ainsi que de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

25.

Dans le cadre de cette procédure, le Giudice di pace di Bologna (juge de paix de Bologne) a, dans un premier temps, adressé cinq questions à la Cour ( 7 ), mais il a renoncé ultérieurement à deux d’entre elles. Il ne reste donc plus que les trois questions suivantes :

« 1)

Le juge de paix, en tant que juge du renvoi préjudiciel, relève-t-il de la notion de “juridiction ordinaire d’un État membre de l’Union”, compétente pour présenter une demande de décision préjudicielle en vertu de l’article 267 TFUE, même si l’ordre juridique interne ne lui accorde pas, en raison de la précarité de sa situation professionnelle, des conditions de travail équivalentes à celles des magistrats professionnels, alors qu’il exerce les mêmes fonctions juridictionnelles et qu’il s’inscrit dans l’ordre judiciaire national, et cela en violation des garanties d’indépendance et d’impartialité de la juridiction ordinaire d’un État membre de l’Union, indiquées par la Cour dans les arrêts du 19 septembre 2006, Wilson (C‑506/04, EU:C:2006:587, points 47 à 53), du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, points 32 et 41 à 45), et du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, points 50 à 54) ?

2)

En cas de réponse affirmative à la première question, du fait de son activité de service, le juge de paix requérant relève-t-il de la notion de “travailleur à durée déterminée” prévue, en combinaison, à l’article 1er, paragraphe 3, et à l’article 7 de la directive [sur le temps de travail], à la clause 2 de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée, mis en œuvre par la directive 1999/70, et à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, dans l’interprétation qu’en a donné la Cour dans les arrêts du 1er mars 2012, O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110), et du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914), et, en cas de réponse affirmative, le magistrat ordinaire ou professionnel peut-il être considéré comme un travailleur à durée indéterminée comparable au travailleur à durée déterminée qu’est le juge de paix, aux fins de l’application des mêmes conditions de travail, prévues à la clause 4 de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée mis en œuvre par la directive 1999/70 ?

3)

En cas de réponse affirmative aux première et deuxième questions, l’article 47 de la Charte, lu en combinaison avec l’article 267 TFUE, à la lumière de la jurisprudence de la Cour en matière de responsabilité de l’État italien pour violation manifeste de la législation [de l’Union] par la juridiction de dernière instance, dans les arrêts du 30 septembre 2003, Köbler (C‑224/01, EU:C:2003:513), du 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo (C‑173/03, EU:C:2006:391), et du 24 novembre 2011, Commission/Italie (C‑379/10, non publié, EU:C:2011:775), s’opposent-ils à l’article 2, paragraphes 3 et 3 bis, de la legge no 117 – Risarcimento dei danni cagionati nell’esercizio delle funzioni giudiziarie e responsabilità civile dei magistrati (loi no 117, Réparation des dommages causés dans l’exercice des fonctions juridictionnelles et responsabilité civile des magistrats), du 13 avril 1988 (GURI no 88, du 15 avril 1988), qui prévoit la responsabilité du juge pour dol ou faute grave “en cas de violation manifeste de la loi ainsi que du droit de l’Union européenne” et qui place le juge national devant une alternative – dans laquelle, quelle que soit l’option qu’il choisit, le juge engage sa responsabilité civile et disciplinaire envers l’État dans les affaires auxquelles les pouvoirs publics sont parties au fond, en particulier lorsque le juge de l’affaire est un juge de paix travaillant à durée déterminée, sans protection juridique, économique ni sociale effectives – dont les termes sont, comme en l’espèce, d’enfreindre la législation interne en la laissant inappliquée et en appliquant le droit de l’Union […], tel qu’il est interprété par la Cour, ou au contraire d’enfreindre le droit de l’Union […], en appliquant les règles du droit interne qui s’opposent à la reconnaissance de la protection et sont contraires à l’article 1er, paragraphe 3, et à l’article 7 de la directive [sur le temps de travail], aux clauses 2 et 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, mis en œuvre par la directive 1999/70, et à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte ? »

26.

La requérante, la République italienne et la Commission ont présenté des observations écrites ainsi que des observations orales lors de l’audience du 28 novembre 2019.

IV. Appréciation juridique

27.

Nous examinerons tout d’abord la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, en analysant déjà, dans ce cadre, la première question. Nous répondrons ensuite aux deuxième et troisième questions.

A.   La recevabilité

28.

La République italienne et la Commission ont toutes deux émis des doutes quant à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, doutes qui rejoignent la première question du juge de paix.

1. Sur la nécessité du renvoi préjudiciel

29.

La Commission soutient tout d’abord que la juridiction de renvoi affirme elle‑même qu’un renvoi préjudiciel n’est pas nécessaire. Elle méconnaît cependant à cet égard le fait que le passage indiqué de la décision de renvoi ( 8 ) présente uniquement l’argumentation de la requérante.

30.

La Commission estime par ailleurs que la juridiction de renvoi n’a pas expliqué clairement pourquoi un arrêt de la Cour est nécessaire. Partant, elle invoque la violation de l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour. Aux termes de cet article, la demande de décision préjudicielle contient l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. Selon la Commission, la décision de renvoi ne satisfait pas à ces exigences.

31.

Il convient cependant d’opposer à cela le fait que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ( 9 ).

32.

La deuxième question est pertinente au regard de ces critères, car elle concerne le cœur du litige au principal. En effet, pour trancher le point de savoir si la requérante peut réclamer des dommages-intérêts au titre du refus d’un congé payé, il faut déterminer si les juges de paix italiens sont des travailleurs au sens de la directive sur le temps de travail.

33.

Toutefois, l’article 7 de la directive sur le temps de travail prévoit uniquement un congé minimal de quatre semaines, alors que le mois d’août 2018 comportait des jours ouvrables supplémentaires. En outre, il ne résulte pas de la directive sur le temps de travail que les juges de paix italiens doivent être payés comme des magistrats professionnels pendant leurs congés. Il faut donc également déterminer si le principe de non‑discrimination énoncé dans l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée impose d’accorder aux juges de paix italiens le même nombre de jours de congé que les magistrats professionnels et de leur verser le même traitement au titre de leurs congés.

34.

Le fait que, de l’avis du Conseil supérieur de la magistrature et de la juridiction de renvoi elle‑même, les juges de paix sont incontestablement des travailleurs ne retire pas sa pertinence à la deuxième question, contrairement au point de vue de la Commission. En effet, il ressort de la décision de renvoi que la Corte di cassazione (Cour de cassation, Italie) et le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), les juridictions compétentes en dernière instance pour se prononcer sur cette question, refusent de reconnaître le statut de travailleurs aux juges de paix ou de les assimiler à des magistrats professionnels ( 10 ). En outre, il s’agit là d’une notion du droit de l’Union qu’il convient d’interpréter de façon autonome ( 11 ). La question appelle par conséquent une clarification.

35.

De plus, la première question, relative à l’habilitation de la juridiction nationale à saisir la Cour et aux doutes quant à son indépendance, présente de l’intérêt pour la poursuite de l’analyse de la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, car elle est étroitement liée aux exceptions d’irrecevabilité soulevées par la République italienne et par la Commission. En outre, l’esprit de coopération qui préside aux relations entre les juridictions nationales et la Cour commande, en cas de doute, de répondre aux questions relatives à l’habilitation de la juridiction nationale à saisir la Cour, dans la mesure où celles‑ci sont liées à des affaires en cours ( 12 ).

36.

Il est plus difficile d’apprécier la pertinence de la troisième question. Par cette question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si la législation italienne relative à la responsabilité personnelle du juge pour dol ou faute grave « en cas de violation manifeste de la loi ainsi que du droit de l’Union européenne » est compatible avec les exigences du droit de l’Union.

37.

Cette question n’est pas directement pertinente pour la solution du litige au principal, étant donné que celui‑ci ne concerne pas la responsabilité personnelle des juges. Toutefois, elle est indirectement pertinente, car le juge de renvoi la comprend en ce sens qu’il engage sa responsabilité personnelle envers l’État s’il applique des dispositions nationales incompatibles avec le droit de l’Union, mais aussi lorsqu’il applique le droit de l’Union et laisse dès lors inappliquées des dispositions nationales. Un tel dilemme pourrait empêcher la juridiction d’accorder une protection juridictionnelle effective à la requérante. Par conséquent, cette question est également pertinente.

2. Sur l’indépendance de la juridiction de renvoi à titre de condition de son habilitation à saisir la Cour

38.

En principe, la Cour a déjà reconnu que les juges de paix italiens ont la faculté de la saisir à titre préjudiciel et, partant, qu’ils ont le statut de « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE ( 13 ). La Commission et la République italienne, ainsi que le juge de paix auteur du renvoi lui‑même, doutent cependant de l’indépendance du juge de paix qui a saisi la Cour à titre préjudiciel en l’espèce.

39.

Si nous ne sommes pas convaincue par ces doutes, il est néanmoins nécessaire de les examiner.

40.

Il y a lieu de rappeler tout d’abord que l’indépendance est l’une des conditions auxquelles la Cour subordonne, dans sa jurisprudence constante, la qualité de « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE ( 14 ).

41.

L’indépendance des juridictions nationales est, en particulier, essentielle au bon fonctionnement du système de coopération judiciaire. C’est pour cette raison que la Cour considère que le mécanisme du renvoi préjudiciel ne peut être activé que par une instance, chargée d’appliquer le droit de l’Union, qui répond, notamment, à ce critère d’indépendance ( 15 ).

42.

Selon la jurisprudence, l’exigence d’indépendance d’un organe de renvoi comporte deux aspects, l’indépendance objective, « externe », et l’indépendance subjective, « interne ».

a) L’indépendance objective

43.

L’indépendance objective suppose que la juridiction exerce ses fonctions en toute autonomie, sans être soumise à aucun lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit ( 16 ). Elle est ainsi protégée contre les interventions ou les pressions extérieures susceptibles de mettre en péril l’indépendance de jugement de ses membres quant aux litiges qui leur sont soumis ( 17 ).

44.

Par la première question, la juridiction de renvoi émet, quant à sa propre indépendance objective, des réserves qui sont liées aux conditions de travail des juges de paix italiens. Plus précisément, il s’agit notamment de la rémunération des juges de paix et, en particulier, de leur droit à des congés payés, mais aussi du fait que leur mandat est limité à quatre ans, avec une possibilité de renouvellement pour quatre années supplémentaires.

45.

La rémunération des juges et le caractère limité de leur mandat jouent effectivement un rôle dans l’indépendance objective des juridictions, en particulier à la lumière de la jurisprudence récente de la Cour en ce qui concerne le traitement perçu par les juges au Portugal ( 18 ) et l’indépendance des juridictions polonaises ( 19 ). Il ressort également de la jurisprudence que l’indépendance ainsi comprise est une condition de l’habilitation d’une instance à activer le mécanisme du renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE ( 20 ).

46.

La recevabilité d’une demande de décision préjudicielle n’est toutefois pas remise en cause par la seule existence de doutes quant au caractère adéquat de la rémunération des juges concernés, de la durée de leur mandat ou des modalités du renouvellement éventuel de celui‑ci. Tout comme pour ce qui est de la question de la pertinence d’une demande de décision préjudicielle, la Cour devrait au contraire présumer que les juridictions des États membres jouissent d’une indépendance objective suffisante. Cette présomption s’impose notamment en raison de la confiance mutuelle dans la justice des États membres ( 21 ), qui doit également être manifestée par la Cour.

47.

Si une telle présomption de l’indépendance objective d’une juridiction de renvoi peut être réfutée, rien n’indique en l’espèce que l’indépendance objective de la juridiction de renvoi soit compromise. Le fait que la troisième question n’autorise pas non plus une telle conclusion sera exposé dans le cadre de la réponse à cette question ( 22 ).

48.

Il convient, dès lors, de répondre à la première question que le Giudice di pace di Bologna (juge de paix de Bologne) est une juridiction au sens de l’article 267 TFUE.

b) Sur l’indépendance subjective

49.

L’indépendance subjective rejoint la notion d’« impartialité » et vise l’égale distance par rapport aux parties au litige et à leurs intérêts respectifs au regard de l’objet de celui‑ci. Cet aspect exige le respect de l’objectivité et l’absence de tout intérêt dans la solution du litige en dehors de la stricte application de la règle de droit ( 23 ).

50.

La République italienne et la Commission mettent en doute cette indépendance interne du juge de paix qui a saisi la Cour à titre préjudiciel en l’espèce. En effet, étant donné que le statut et les droits des juges de paix sont en cause, celui‑ci a nécessairement, selon elles, un intérêt personnel à la solution du litige au principal.

51.

Toutefois, la Cour a déjà répondu à plusieurs questions préjudicielles relatives au statut des juges, sans émettre de doutes quant à l’indépendance des juridictions de renvoi ( 24 ).

52.

Certaines circonstances de la présente affaire pourraient cependant faire naître, à première vue, des doutes quant à l’indépendance subjective du juge de paix auteur du renvoi. En effet, l’argumentation de la République italienne et de la Commission revient à soutenir que la requérante et le juge de paix assumant la responsabilité de la demande de décision préjudicielle ont créé abusivement les conditions de la compétence de ce dernier pour connaître du litige au principal.

53.

La République italienne et la Commission soulignent tout d’abord que les prétentions formulées s’inscrivent dans le cadre d’un litige en matière de droit du travail qui concerne le point de savoir si les juges de paix sont des travailleurs. Dans des demandes de décision préjudicielle antérieures relatives aux conditions de travail des juges de paix italiens, les juges de paix ayant saisi la Cour ont reconnu expressément qu’ils n’étaient pas compétents pour statuer sur ce litige. La Cour a dès lors rejeté ces demandes comme étant irrecevables ( 25 ).

54.

Toutefois, la présente procédure est non pas une action en matière de droit du travail, mais une action en indemnisation dirigée contre l’État. La République italienne et la Commission ne contestent pas le fait que les juges de paix sont compétents pour connaître de telles actions. Cette circonstance distingue la présente demande de décision préjudicielle des demandes irrecevables citées à la note 25.

55.

La République italienne soutient en outre que la compétence du juge de paix repose sur un fractionnement, interdit par le droit italien, des créances de la requérante à l’égard de l’État italien. Si elle faisait valoir toutes ses prétentions, la valeur litigieuse maximale prévue pour les juges de paix serait dépassée. Elle devrait par conséquent introduire sa demande devant les juridictions civiles ordinaires. Les magistrats professionnels compétents de ces juridictions n’auraient pas d’intérêt personnel au statut des juges de paix.

56.

Toutefois, il n’appartient pas à la Cour de vérifier si la décision de renvoi a été prise conformément aux règles nationales d’organisation et de procédure judiciaires ( 26 ), ce qu’elle a déjà constaté expressément dans d’autres affaires, en réponse à l’argument tiré du fractionnement des créances ( 27 ). Même en cas de doutes portant sur l’application du droit procédural national, la Cour doit, au contraire, s’en tenir à la décision de renvoi émanant d’une juridiction d’un État membre, tant qu’elle n’a pas été rapportée dans le cadre des voies de recours prévues éventuellement par le droit national ( 28 ).

57.

À cela s’ajoute, dans le cas d’une demande de décision préjudicielle, le fait que les juges nationaux à l’origine de cette demande se bornent à déclencher la procédure devant la Cour. En revanche, la Cour donne sa réponse sous sa propre responsabilité, si bien que l’issue de la procédure préjudicielle ne peut pas être influencée par l’éventuelle partialité du juge de renvoi.

58.

C’est donc principalement dans le cadre de voies de recours de droit interne qu’il conviendrait de faire valoir d’éventuels doutes quant à la compétence de la juridiction de renvoi et à son indépendance subjective.

59.

Par voie de conséquence, les doutes de la République italienne et de la Commission quant à la compétence de la juridiction de renvoi pour connaître du litige au principal ne font pas obstacle à l’habilitation de celle‑ci à saisir la Cour à titre préjudiciel.

3. Sur l’utilisation de la procédure d’injonction de payer

60.

D’autres exceptions soulevées par la République italienne et par la Commission quant à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle sont fondées sur le fait que la procédure au principal a été engagée sous la forme d’une procédure d’injonction de payer et que la partie adverse, l’État italien, n’a pas encore eu la possibilité de formuler des observations dans le cadre de cette procédure.

61.

La Commission en déduit qu’il ne s’agit pas d’une procédure contradictoire, ce qui est pourtant l’une des caractéristiques d’une juridiction habilitée à saisir la Cour à titre préjudiciel au sens de l’article 267 TFUE.

62.

En principe, il est certes utile d’entendre l’autre partie en ses observations et cela est d’ailleurs commandé par le principe du respect des droits de la défense. Toutefois, la Cour a déjà jugé qu’une demande de décision préjudicielle peut également lui être adressée dans le cadre de procédures non contradictoires ( 29 ), et notamment dans le cadre d’une procédure d’injonction de payer italienne ( 30 ), sans qu’il soit nécessaire d’entendre préalablement la partie adverse ( 31 ). Ce qui importe, c’est de savoir si la juridiction de renvoi est appelée à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel ( 32 ). Or, tel est le cas en l’espèce.

B.   Sur les droits à congé du juge de paix (deuxième question)

63.

Pour trancher le point de savoir si et dans quelle mesure la requérante peut réclamer des dommages-intérêts au titre du refus d’un congé payé, il faut déterminer si les juges de paix italiens sont des travailleurs au sens de la directive sur le temps de travail. En outre, dans la mesure où le mois d’août a une durée plus longue que le congé minimal de quatre semaines prévu à l’article 7 de la directive sur le temps de travail, il faut également vérifier si le principe de non‑discrimination consacré par l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée impose d’accorder aux juges de paix italiens le même nombre de jours de congé et la même indemnité de congés payés que les magistrats professionnels italiens.

1. Sur la directive sur le temps de travail

64.

Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur le temps de travail, les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines.

65.

Par conséquent, il faut déterminer si la directive sur le temps de travail est applicable aux juges de paix italiens [voir sous a) ci-dessous] et si les juges de paix italiens sont des travailleurs au sens de la disposition précitée [voir sous b) ci‑dessous].

a) Sur le champ d’application de la directive sur le temps de travail

66.

L’article 1er, paragraphe 3, de la directive sur le temps de travail définit le champ d’application de celle‑ci en renvoyant à l’article 2 de la directive 89/391.

67.

En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/391, cette dernière directive s’applique à « tous les secteurs d’activités, privés ou publics ».

68.

L’activité juridictionnelle du juge de paix italien n’est certes pas mentionnée expressément dans les exemples cités, mais elle constitue également un secteur d’activité public. Elle relève dès lors, en principe, du champ d’application des deux directives.

69.

Ainsi qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391, celle‑ci n’est cependant pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s’y opposent de manière contraignante.

70.

Le critère utilisé à l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 pour exclure certaines activités du champ d’application de cette directive et, indirectement, de celui de la directive sur le temps de travail est fondé, non pas sur l’appartenance des travailleurs à l’un des secteurs de la fonction publique visés à cette disposition, considéré dans sa globalité, mais exclusivement sur la nature spécifique de certaines missions particulières exercées par les travailleurs des secteurs visés par cette disposition, nature qui justifie une exception aux règles énoncées par ladite directive, en raison de la nécessité absolue de garantir une protection efficace de la collectivité ( 33 ).

71.

Toutefois, rien ne justifie d’exclure globalement les juges de paix italiens du champ d’application des deux directives. En particulier, la réglementation relative aux congés pourrait manifestement, sans problèmes majeurs, être également appliquée aux juges de paix italiens, car les magistrats professionnels italiens bénéficient de congés payés.

72.

Par conséquent, la directive sur le temps de travail est applicable aux juges de paix italiens.

b) Sur la notion de « travailleur » au sens de la directive sur le temps de travail

73.

Il convient donc de déterminer si les juges de paix italiens sont des travailleurs au sens de l’article 7 de la directive sur le temps de travail.

74.

Aux fins de l’application de la directive sur le temps de travail, la notion de « travailleur » ne saurait recevoir une interprétation variant selon les droits nationaux, mais revêt une portée autonome propre au droit de l’Union ( 34 ). Par voie de conséquence, il importe peu, contrairement au point de vue du gouvernement italien, que l’activité des juges de paix soit considérée comme une fonction honorifique en droit interne.

75.

Le droit de l’Union définit au contraire la notion de « travailleur » selon des critères objectifs qui caractérisent la relation de travail en considération des droits et des devoirs des personnes concernées. Or, la caractéristique essentielle de la relation de travail est la circonstance qu’une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle‑ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération ( 35 ). Sont toutefois exclues les activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires ( 36 ).

76.

Selon les indications de la juridiction de renvoi, la requérante a accompli, en faveur de la justice italienne, des prestations dont le volume est très important. En effet, elle a rendu, en tant que juge pénal, 478 jugements et 1326 ordonnances de non‑lieu entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2018. En outre, elle a siégé deux fois par semaine, sauf pendant la période de congés du mois d’août 2018. Elle a d’ailleurs perçu, en contrepartie, une rémunération qui s’élevait à environ 3000 euros pour le mois de juillet 2018.

77.

Contrairement au point de vue de la République italienne, la circonstance que cette rémunération se composait de plusieurs éléments ne fait pas obstacle à l’existence d’une relation de travail, car la Cour a déjà tranché le point de savoir comment l’indemnité de congés payés devait être calculée dans de tels cas ( 37 ).

78.

La condition de la rémunération devrait peut-être être appréciée différemment si la contrepartie avait le caractère d’une indemnité à titre de remboursement de frais ou d’une compensation de la perte de salaire.

79.

Cela est toutefois exclu en l’espèce, ne serait-ce qu’en raison du volume et de la durée de l’activité de la requérante. Deux jours d’audience par semaine et la clôture de quelque 1800 procédures au cours de l’année ne permettent pas d’exercer une autre activité dont le salaire pourrait être remplacé. La contrepartie ne peut donc pas se limiter à une indemnité à titre de remboursement de frais, mais doit tout au moins assurer la subsistance et garantir l’indépendance objective des juges de paix.

80.

La nécessité d’une rémunération découle également des règles strictes relatives à l’incompatibilité de la fonction de juge de paix avec certaines autres activités professionnelles ( 38 ). Par application de celles‑ci, il est exclu en pratique de gagner sa vie d’une autre manière. En particulier, la profession d’avocat, proche de celle de juge de paix en raison des qualifications juridiques nécessaires, ne peut pas être exercée par les juges de paix, tout du moins dans le ressort du tribunal dans lequel ils exercent leurs fonctions ( 39 ).

81.

Par ailleurs, selon la demande de décision préjudicielle, la rémunération des juges de paix italiens est soumise aux mêmes impôts que la rémunération des autres travailleurs. Le fait que des cotisations sociales ne soient pas prélevées paraît en revanche être d’ordre secondaire, en particulier compte tenu du fait que les juges de paix ne semblent pas non plus bénéficier d’une protection sociale ( 40 ).

82.

Toutefois, une relation de travail suppose l’existence d’un lien de subordination entre le travailleur et son employeur. L’existence d’un tel lien doit être appréciée dans chaque cas particulier en fonction de tous les éléments et de toutes les circonstances caractérisant les relations entre les parties ( 41 ).

83.

Il est certes inhérent à la fonction de juge qu’ils ne peuvent pas recevoir d’instructions dans le cadre de l’adoption de leurs décisions juridictionnelles – cela serait incompatible avec l’indépendance objective qui doit nécessairement les caractériser ( 42 ). Cela n’exclut cependant pas de les considérer comme des travailleurs ( 43 ). Non seulement ils sont liés de manière générale par la règle de droit, mais ils sont également soumis à des obligations particulières en raison de leur activité et ils reçoivent même des instructions – par exemple en ce qui concerne l’organisation d’audiences en certains lieux ou à certaines heures. Par conséquent, la Cour considère également les juges comme des travailleurs pour ce qui est des désavantages liés à la mise à la retraite et à la pension de retraite ( 44 ).

84.

Les juges de paix italiens sont notamment soumis, en matière disciplinaire, à des obligations analogues à celles des magistrats professionnels. Le Conseil supérieur de la magistrature veille, conjointement avec le ministre de la Justice, à leur respect ( 45 ).

85.

Il y aurait cependant lieu d’exclure l’existence d’une relation de travail si les juges de paix pouvaient décider librement quelles affaires ils traiteront. Dans ce cas, ils pourraient, tout comme les avocats, déterminer librement le volume de leur activité et le temps consacré à celle‑ci. En revanche, il serait sans incidence que les juges de paix puissent indiquer à l’avance qu’ils souhaitent se charger d’un nombre plus restreint d’affaires pendant une certaine période. Si leur activité n’en devient pas, de ce fait, tout à fait secondaire et négligeable de par son volume, elle relèvera toujours d’une relation de travail dirigée par autrui. Étant donné que la décision de renvoi et l’argumentation des parties ne comportent pas d’éléments en ce sens, il appartiendra à la juridiction nationale d’examiner cette question.

86.

Par voie de conséquence, il convient d’interpréter l’article 7 de la directive sur le temps de travail en ce sens qu’une juge de paix italienne, dont la rémunération se compose d’un faible montant de base ainsi que de paiements pour les affaires clôturées et les audiences tenues, doit être considérée comme une travailleuse au sens de cette disposition et qu’elle a par conséquent droit à un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, dès lors qu’elle exerce des activités juridictionnelles dans une mesure importante, qu’elle ne peut pas décider elle‑même quelles affaires elle traitera et qu’elle est soumise aux obligations des magistrats professionnels en matière disciplinaire.

2. Sur l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée

87.

Il reste cependant à déterminer si, outre la période minimale de congé prévue à l’article 7 de la directive sur le temps de travail, les juges de paix italiens ont le même droit à des congés payés et à une indemnité de congés payés que les magistrats professionnels italiens. Un tel droit pourrait découler du principe de non‑discrimination consacré par la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.

a) Les juges de paix italiens en leur qualité de travailleurs à durée déterminée

88.

Il convient tout d’abord de déterminer si les juges de paix italiens doivent également être considérés comme des travailleurs au sens de l’accord-cadre ou si la République italienne estime à juste titre, à tout le moins en ce qui concerne l’accord-cadre, qu’il s’agit d’une fonction honorifique.

89.

Il semble, à première vue, que la République italienne puisse s’appuyer à cet égard sur le libellé de la clause 2, point 1, de l’accord-cadre. Selon cette clause, l’accord-cadre s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. Cela pourrait être interprété en ce sens que le fait que la République italienne qualifie l’activité du juge de paix de fonction honorifique s’oppose à l’application de l’accord-cadre.

90.

La Cour a cependant jugé qu’il ressortait de ce libellé que le champ d’application de l’accord-cadre était conçu de manière large ( 46 ).

91.

Par voie de conséquence, la définition de la notion de « travailleur à durée déterminée » au sens de l’accord-cadre, énoncée à la clause 3, point 1, de celui‑ci, englobe, selon une jurisprudence constante, l’ensemble des travailleurs, sans opérer de distinction selon la qualité publique ou privée de l’employeur auquel ils sont liés et – surtout – quelle que soit la qualification de leur contrat en droit interne ( 47 ).

92.

La Cour fonde notamment cette conclusion sur l’importance des principes d’égalité de traitement et de non‑discrimination, qui font partie des principes généraux du droit de l’Union. Les dispositions prévues par l’accord-cadre aux fins de garantir aux travailleurs à durée déterminée le bénéfice des mêmes avantages que ceux réservés aux travailleurs à durée indéterminée comparables, sauf si un traitement différencié se justifie par des raisons objectives, doivent dès lors se voir reconnaître une portée générale. Elles constituent des règles du droit social de l’Union revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescriptions protectrices minimales ( 48 ).

93.

L’effet utile de l’accord-cadre ainsi que l’application uniforme de celui‑ci dans les États membres seraient remis en cause si la possibilité d’écarter à leur gré certaines catégories de personnes du bénéfice de la protection voulue par cet instrument de l’Union était réservée aux États membres ( 49 ). La Cour a dès lors jugé qu’il n’y avait pas lieu d’exclure certaines catégories de travailleurs, telles que le personnel auxiliaire ( 50 ) ou les « employés statutaires » ( 51 ), du champ d’application de l’accord-cadre.

94.

Au contraire, l’accord-cadre trouve à s’appliquer à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation d’emploi à durée déterminée les liant à leur employeur ( 52 ).

95.

Comme nous l’avons déjà exposé, une relation de travail lie les juges de paix italiens au ministère de la Justice ( 53 ). La fin de cette relation est déterminée par le fait qu’ils sont nommés pour quatre ans et qu’un seul renouvellement est désormais possible. En revanche, la requérante exerce la fonction de juge de paix depuis maintenant plus de 17 ans, certes également en vertu de nominations à durée déterminée.

96.

Les juges de paix italiens sont donc des travailleurs au sens de l’accord-cadre, en tout cas lorsque le volume de leur activité est analogue à celui de la requérante.

b) Sur les conditions de travail différentes des juges de paix et des magistrats professionnels

97.

Il faut par conséquent vérifier si les différences qui existent entre les conditions de travail des juges de paix et des magistrats professionnels italiens, notamment en ce qui concerne leurs droits à congé et la rémunération, sont licites.

98.

Aux termes de la clause 4, point 1, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités, pour ce qui concerne les conditions d’emploi, d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

99.

Le point de départ de la réflexion sur le caractère comparable des travailleurs à durée déterminée et des travailleurs à durée indéterminée qui incombe à la juridiction de renvoi, conformément à la définition de la notion de « travailleur à durée indéterminée comparable » donnée à la clause 3, point 2, premier alinéa, de l’accord-cadre, consiste à se demander si tous deux ont dans leur établissement un travail ou un emploi identique ou similaire. Cela doit être établi compte tenu d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail ( 54 ).

100.

À première vue, les juges de paix et les magistrats professionnels italiens effectuent un travail similaire ; en effet, ils exercent la fonction de juge. Il n’a pas été fait état de différences en ce qui concerne la formation. Toutefois, l’importance et la difficulté des affaires traitées ne sont probablement pas les mêmes. En vertu de l’article 106, deuxième alinéa, de la Constitution italienne, les juges de paix peuvent uniquement siéger à titre de juges uniques et ne peuvent donc pas être affectés à des juridictions collégiales. En outre, les juges de paix traitent principalement des affaires de moindre importance, tandis que les magistrats professionnels siégeant dans des instances supérieures traitent des affaires de plus grande importance.

101.

Une différence importante réside également dans l’accès à la magistrature. Les magistrats professionnels italiens sont nommés à l’issue d’une procédure formelle de sélection, c’est‑à‑dire d’un concours entre différents candidats qualifiés qui comporte des épreuves spécifiques. En revanche, la nomination des juges de paix n’est pas subordonnée à un tel concours, mais dépend de leurs titres, c’est‑à‑dire de leurs qualifications professionnelles. Toutefois, la Cour n’a pas attaché d’importance à une telle différence lors de la sélection, en tout cas en ce qui concerne la reconnaissance de l’expérience professionnelle d’enseignants du secondaire ( 55 ).

102.

Il n’est cependant pas à exclure que la méthode de sélection des travailleurs justifie des différences en ce qui concerne d’autres conditions de travail, telles que la nature de l’activité, la rémunération ou les possibilités d’avancement.

103.

La décision de la Cour en matière de reconnaissance de l’expérience professionnelle des enseignants du secondaire confirme dès lors notre analyse selon laquelle ce qui importe, c’est le point de savoir si les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs permanents se trouvent dans une situation comparable également du point de vue de la condition de travail en cause ( 56 ).

104.

En effet, tout comme dans le cas général de l’examen des discriminations, le caractère comparable des situations doit, notamment, être déterminé et apprécié à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause ; doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte ( 57 ).

105.

Partant, les critères de comparaison des différentes prestations de l’employeur auxquelles ont droit les travailleurs à durée déterminée, d’une part, et les travailleurs permanents, d’autre part, en vertu du contrat de travail ou de la loi, incluent également la situation de fait et de droit dans laquelle les différentes prestations de l’employeur doivent être demandées ( 58 ).

106.

À la lumière de ces considérations, les situations sont comparables pour ce qui est de la durée des congés. Du fait de leur activité analogue à celles des magistrats professionnels, les juges de paix italiens ont un besoin comparable de se reposer et de profiter de leur temps libre.

107.

Il n’existe pas non plus de raison objective qui justifierait de défavoriser, à cet égard, les juges de paix italiens par rapport aux magistrats professionnels.

108.

En revanche, les deux groupes ne sont pas comparables du point de vue du montant de la paie pendant le congé, car leur activité est rémunérée de manière différente. Les magistrats professionnels italiens touchent un traitement fixe, tandis que la rémunération des juges de paix se compose d’un montant de base mensuel et de versements supplémentaires au titre des jours d’audience et de la clôture d’affaires. Si la Cour devait néanmoins considérer que les situations sont comparables, ces différences relatives au mode de rémunération constitueraient tout au moins une raison objective de traiter différemment les juges de paix et les magistrats professionnels italiens en ce qui concerne l’indemnité de congés payés.

109.

Le traitement d’un magistrat professionnel ne peut donc pas être utilisé aux fins du calcul de l’indemnité de congés payés des juges de paix italiens. Cette indemnité doit au contraire être calculée sur la base de la rémunération habituelle du juge de paix en dehors des périodes de congé ( 59 ).

110.

Pour le cas où la Cour devrait saisir l’occasion que lui donne la présente affaire pour examiner également la compatibilité de la rémunération différente des juges de paix et des magistrats professionnels italiens avec la clause 4 de l’accord-cadre, nous indiquerons brièvement que nous considérons, au vu des informations dont nous disposons, que les juges de paix et les magistrats professionnels italiens ne sont pas comparables du point de vue de leur rémunération.

111.

Dans le cadre de cette comparaison, l’accès à la fonction de juge et la nature différente des affaires traitées revêtent une importance cruciale. Du fait du recrutement des meilleurs candidats qui est inhérent à la procédure formelle de sélection comportant des épreuves spécifiques et du fait des perspectives de carrière qu’il implique, il y a lieu de considérer que, même si les conditions tenant à la formation sont comparables, les magistrats professionnels sont plus qualifiés que les juges de paix. De plus, s’il est exact que les juges de paix traitent, en première instance, des affaires de moindre importance, tandis que les magistrats professionnels siègent dans les juridictions supérieures et traitent des affaires de plus grande importance, les deux groupes ne sont guère comparables du point de vue de la rémunération ; des différences en matière de rémunération sont tout au moins justifiées.

c) Conclusion intermédiaire

112.

Par conséquent, la situation d’une juge de paix qui a uniquement été nommée pour une période limitée est comparable à celle des magistrats professionnels italiens pour ce qui est de la durée du congé annuel payé, si bien que, conformément à la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, la juge de paix peut prétendre à des congés dans la même mesure que les magistrats professionnels. L’indemnité de congés payés doit être calculée sur la base de sa rémunération habituelle pendant les périodes d’exercice de sa fonction de juge.

C.   Sur la responsabilité des juges italiens (troisième question)

113.

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir s’il est compatible avec les exigences résultant du droit de l’Union que le droit national prévoie que la responsabilité personnelle des juges saisis est engagée pour dol ou faute grave « en cas de violation manifeste de la loi ainsi que du droit de l’Union européenne ». Le juge comprend cette législation en ce sens que sa responsabilité est engagée lorsqu’il applique le droit national en violation du droit de l’Union, mais aussi lorsqu’il applique des dispositions de rang supérieur du droit de l’Union et écarte ainsi l’application du droit national.

114.

Du point de vue du droit de l’Union, il y a lieu de constater à cet égard que la menace d’une sanction pour l’application du droit de l’Union s’accompagnant de la non‑application des dispositions incompatibles du droit national serait contraire à la primauté du droit de l’Union, au principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE et au droit à une protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47 de la Charte. Il serait également douteux qu’un juge menacé d’une responsabilité en cas d’application prioritaire du droit de l’Union puisse encore appliquer ce droit de manière indépendante.

115.

Par conséquent, une législation relative à la responsabilité personnelle du juge pour dol ou faute grave « en cas de violation manifeste de la loi ainsi que du droit de l’Union européenne » doit être interprétée en ce sens que l’application des dispositions de rang supérieur du droit de l’Union n’est pas susceptible d’engager la responsabilité du juge. Cette interprétation des dispositions pertinentes est d’ailleurs celle qui a été défendue par la République italienne devant la Cour.

116.

Si une telle interprétation s’avère impossible, la législation ne peut pas être appliquée. Le juge en question ne saurait en aucun cas être menacé d’une sanction au titre de l’application correcte du droit de l’Union.

V. Conclusion

117.

Nous proposons par conséquent à la Cour de statuer comme suit :

1)

Le Giudice di pace di Bologna (juge de paix de Bologne, Italie) est une juridiction au sens de l’article 267 TFUE.

2)

L’article 7 de la directive 2003/88 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu’une juge de paix italienne, dont la rémunération se compose d’un faible montant de base ainsi que de paiements pour les affaires clôturées et les audiences tenues, doit être considérée comme une travailleuse au sens de cette disposition et qu’elle a par conséquent droit à un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, dès lors qu’elle exerce des activités juridictionnelles dans une mesure importante, qu’elle ne peut pas décider elle‑même quelles affaires elle traitera et qu’elle est soumise aux obligations des magistrats professionnels en matière disciplinaire.

Pour ce qui est de la durée du congé annuel payé, la situation d’une juge de paix qui a uniquement été nommée pour une période limitée est comparable à celle des magistrats professionnels italiens. La juge de paix peut donc, conformément à la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, prétendre à des congés dans la même mesure que les magistrats professionnels. L’indemnité de congés payés doit être calculée sur la base de sa rémunération habituelle pendant les périodes d’exercice de sa fonction de juge.

3)

Une législation relative à la responsabilité personnelle du juge pour dol ou faute grave « en cas de violation manifeste de la loi ainsi que du droit de l’Union européenne » doit, quant à elle, être interprétée, à la lumière du droit de l’Union, en ce sens que l’application des dispositions de rang supérieur du droit de l’Union n’est pas susceptible d’engager la responsabilité du juge. Si une telle interprétation s’avère impossible, la législation ne peut pas être appliquée.


( 1 ) Langue originale : l’allemand.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 (JO 2003, L 299, p. 9, ci‑après la « directive sur le temps de travail »).

( 3 ) Directive du Conseil du 28 juin 1999 (JO 1999, L 175, p. 43).

( 4 ) JO 1989, L 183, p. 1. Les modifications ultérieures de cette directive sont dépourvues de pertinence en l’espèce.

( 5 ) Point 85 de la demande de décision préjudicielle.

( 6 ) Voir point 102 de la demande de décision préjudicielle.

( 7 ) JO 2019, C 25, p. 19.

( 8 ) Point 22 de la demande de décision préjudicielle.

( 9 ) Arrêts du 22 juin 2010, Melki et Abdeli (C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 27) ; du 19 décembre 2013, Fish Legal et Shirley (C‑279/12, EU:C:2013:853, point 30) ; du 10 décembre 2018, Wightman e.a. (C‑621/18, EU:C:2018:999, point 27), et du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 98).

( 10 ) Le point 14 de la décision de renvoi mentionne en particulier l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 18 juillet 2017 (no 3556), ainsi que les arrêts de la Corte di cassazione (Cour de cassation) du 31 mai 2017 (no 13721, ECLI:IT:CASS:2017:13721CIV), du 16 novembre 2017 (no 27198, ECLI:IT:CASS:2017:27198CIV), et du 4 janvier 2018 (no 99, ECLI:IT:CASS:2018:99CIV).

( 11 ) Arrêts du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère (C‑428/09, EU:C:2010:612, point 28), et du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a. (C‑147/17, EU:C:2018:926, point 41).

( 12 ) Arrêt du 16 décembre 2008, Cartesio (C‑210/06, EU:C:2008:723, points 68 à 70).

( 13 ) Voir, par exemple, arrêt du 2 décembre 2010, Jakubowska (C‑225/09, EU:C:2010:729), ainsi que ordonnances du 19 janvier 2012, Patriciello (C‑496/10, non publiée, EU:C:2012:24), et du 21 mars 2013, Mbaye (C‑522/11, non publiée, EU:C:2013:190).

( 14 ) Arrêts du 14 juin 2011, Miles e.a. (C‑196/09, EU:C:2011:388, point 37) ; du 17 juillet 2014, Torresi (C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:2088, point 17), et du 16 février 2017, Margarit Panicello (C‑503/15, EU:C:2017:126, point 27). D’autres critères sont l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure et l’application, par ledit organisme, des règles de droit.

( 15 ) Arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, point 43).

( 16 ) Arrêts du 17 juillet 2014, Torresi (C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:2088, point 22) ; du 6 octobre 2015, Consorci Sanitari del Maresme (C‑203/14, EU:C:2015:664, point 19), et du 16 février 2017, Margarit Panicello (C‑503/15, EU:C:2017:126, point 37).

( 17 ) Arrêts du 9 octobre 2014, TDC (C‑222/13, EU:C:2014:2265, point 30) ; du 6 octobre 2015, Consorci Sanitari del Maresme (C‑203/14, EU:C:2015:664, point 19), et du 16 février 2017, Margarit Panicello (C‑503/15, EU:C:2017:126, point 37).

( 18 ) Arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, points 43 et 45).

( 19 ) Arrêt du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, points 45, 71 et 72, ainsi que 108 et suiv.).

( 20 ) Arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, point 43).

( 21 ) Voir arrêts du 11 février 2003, Gözütok et Brügge (C‑187/01 et C‑385/01, EU:C:2003:87, point 33) ; du 10 février 2009, Allianz et Generali Assicurazioni Generali (C‑185/07, EU:C:2009:69, point 30), et du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence) (C‑377/18, EU:C:2019:670, point 39), ainsi que avis 1/03 (Nouvelle convention de Lugano), du 7 février 2006 (EU:C:2006:81, point 163), et 2/13, Adhésion de l’Union à la CEDH, du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 168).

( 22 ) Voir points 113 et suiv. des présentes conclusions.

( 23 ) Arrêts du 9 octobre 2014, TDC (C‑222/13, EU:C:2014:2265, point 31), et du 16 février 2017, Margarit Panicello (C‑503/15, EU:C:2017:126, point 38).

( 24 ) Arrêts du 13 juin 2017, Florescu e.a. (C‑258/14, EU:C:2017:448, points 61 et suiv.) ; du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117) ; du 7 février 2019, Escribano Vindel (C‑49/18, EU:C:2019:106), et du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982).

( 25 ) Ordonnances du 6 septembre 2018, Di Girolamo (C‑472/17, non publiée, EU:C:2018:684, point 30) ; du 17 janvier 2019, Rossi e.a. (C‑626/17, non publiée, EU:C:2019:28, point 26), et Cipollone (C‑600/17, non publiée, EU:C:2019:29, point 26).

( 26 ) Arrêts du 14 janvier 1982, Reina (65/81, EU:C:1982:6, point 7) ; du 11 avril 2000, Deliège (C‑51/96 et C‑191/97, EU:C:2000:199, point 29) ; du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 26), et du 10 décembre 2018, Wightman e.a. (C‑621/18, EU:C:2018:999, point 30).

( 27 ) Ordonnances du 6 septembre 2018, Di Girolamo (C‑472/17, non publiée, EU:C:2018:684, points 24 et 30), et du 17 janvier 2019, Rossi e.a. (C‑626/17, non publiée, EU:C:2019:28, points 22 et 26).

( 28 ) Arrêts du 14 janvier 1982, Reina (65/81, EU:C:1982:6, point 7) ; du 20 octobre 1993, Balocchi (C‑10/92, EU:C:1993:846, point 16) ; du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C‑39/94, EU:C:1996:285, point 24), et du 7 juillet 2016, Genentech (C‑567/14, EU:C:2016:526, point 23).

( 29 ) Arrêts du 27 avril 2006, Standesamt Stadt Niebüll (C‑96/04, EU:C:2006:254, point 13), et du 25 juin 2009, Roda Golf & Beach Resort (C‑14/08, EU:C:2009:395, point 33).

( 30 ) Arrêts du 14 décembre 1971, Politi (43/71, EU:C:1971:122, points 4 et 5), et du 18 juin 1998, Corsica Ferries France (C‑266/96, EU:C:1998:306, point 23).

( 31 ) Arrêts du 28 juin 1978, Simmenthal (70/77, EU:C:1978:139, points 10 et 11) ; du 20 octobre 1993, Balocchi (C‑10/92, EU:C:1993:846, point 14), et du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a. (C‑332/92, C‑333/92 et C‑335/92, EU:C:1994:79, point 11).

( 32 ) Arrêt du 16 décembre 2008, Cartesio (C‑210/06, EU:C:2008:723, point 56).

( 33 ) Ordonnance du 14 juillet 2005, Personalrat der Feuerwehr Hamburg (C‑52/04, EU:C:2005:467, point 51), ainsi que arrêts du 12 janvier 2006, Commission/Espagne (C‑132/04, non publié, EU:C:2006:18, point 24), et du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a. (C‑147/17, EU:C:2018:926, point 55).

( 34 ) Arrêts du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère (C‑428/09, EU:C:2010:612, point 28), et du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a. (C‑147/17, EU:C:2018:926, point 41).

( 35 ) Arrêts du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère (C‑428/09, EU:C:2010:612, point 28), et du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a. (C‑147/17, EU:C:2018:926, point 41).

( 36 ) Arrêts du 3 mai 2012, Neidel (C‑337/10, EU:C:2012:263, point 23), et du 26 mars 2015, Fenoll (C‑316/13, EU:C:2015:200, point 27).

( 37 ) Arrêts du 15 septembre 2011, Williams e.a. (C‑155/10, EU:C:2011:588, points 22 à 29), et du 22 mai 2014, Lock (C‑539/12, EU:C:2014:351, points 27 à 34).

( 38 ) Points 87 et 97 de la demande de décision préjudicielle.

( 39 ) Point 87 de la demande de décision préjudicielle.

( 40 ) Voir point 102 de la demande de décision préjudicielle.

( 41 ) Arrêts du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère (C‑428/09, EU:C:2010:612, point 29) ; du 26 mars 2015, Fenoll (C‑316/13, EU:C:2015:200, point 29), et du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a. (C‑147/17, EU:C:2018:926, point 42).

( 42 ) Voir arrêt du 1er mars 2012, O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110, point 48), et point 43 des présentes conclusions.

( 43 ) Voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2012, O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110, point 47).

( 44 ) Arrêt du 5 novembre 2019, Commission/Pologne (Indépendance des juridictions de droit commun) (C‑192/18, EU:C:2019:924, point 61). Voir, également, arrêt du 6 novembre 2012, Commission/Hongrie (C‑286/12, EU:C:2012:687).

( 45 ) Points 90 et suiv. de la demande de décision préjudicielle.

( 46 ) Arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, point 56), et du 9 juillet 2015, Regojo Dans (C‑177/14, EU:C:2015:450, point 30).

( 47 ) Arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, point 56), et du 9 juillet 2015, Regojo Dans (C‑177/14, EU:C:2015:450, point 31).

( 48 ) Arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 27), et du 9 juillet 2015, Regojo Dans (C‑177/14, EU:C:2015:450, point 32).

( 49 ) Arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 29), et du 9 juillet 2015, Regojo Dans (C‑177/14, EU:C:2015:450, point 34).

( 50 ) Arrêt du 9 juillet 2015, Regojo Dans (C‑177/14, EU:C:2015:450, point 34).

( 51 ) Arrêt du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 29).

( 52 ) Arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 28), et du 9 juillet 2015, Regojo Dans (C‑177/14, EU:C:2015:450, point 33).

( 53 ) Voir points 73 à 86 des présentes conclusions.

( 54 ) Arrêts du 8 septembre 2011, Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, point 66), et du 13 mars 2014, Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 31), ainsi que ordonnances du 18 mars 2011, Montoya Medina (C‑273/10, non publiée, EU:C:2011:167, point 37), et du 9 février 2017, Rodrigo Sanz (C‑443/16, EU:C:2017:109, point 38) ; voir, dans le même sens déjà, arrêt du 31 mai 1995, Royal Copenhagen (C‑400/93, EU:C:1995:155, point 33).

( 55 ) Arrêt du 20 septembre 2018, Motter (C‑466/17, EU:C:2018:758, points 33 et 34).

( 56 ) Voir nos conclusions dans les affaires Montero Mateos (C‑677/16, EU:C:2017:1021, point 44) ; Grupo Norte Facility (C‑574/16, EU:C:2017:1022, point 49), et Vernaza Ayovi (C‑96/17, EU:C:2018:43, point 71).

( 57 ) Arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26) ; du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission (C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 167), et du 26 juillet 2017, Persidera (C‑112/16, EU:C:2017:597, point 46).

( 58 ) Voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2013, Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, points 44 et 45), et du 5 juin 2018, Montero Mateos (C‑677/16, EU:C:2018:393, point 59).

( 59 ) Voir, à cet égard, la jurisprudence citée à la note 37 et l’arrêt du 11 novembre 2015, Greenfield (C‑219/14, EU:C:2015:745, points 54 à 56).

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