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Document 62012CJ0487

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 18 septembre 2014.
Vueling Airlines SA contre Instituto Galego de Consumo de la Xunta de Galicia.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo n° 1 de Ourense.
Renvoi préjudiciel – Transport aérien – Règles communes pour l’exploitation des services aériens dans l’Union européenne – Règlement (CE) nº 1008/2008 – Liberté de tarification – Enregistrement des bagages – Supplément de prix – Notion de ‘tarifs des passagers’ – Protection des consommateurs – Infliction d’une amende au transporteur en raison d’une clause contractuelle abusive – Règle du droit national selon laquelle le transport du passager et l’enregistrement d’un bagage doivent être compris dans le prix de base du billet d’avion – Compatibilité avec le droit de l’Union.
Affaire C-487/12.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:2232

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

18 septembre 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Transport aérien — Règles communes pour l’exploitation des services aériens dans l’Union européenne — Règlement (CE) no 1008/2008 — Liberté de tarification — Enregistrement des bagages — Supplément de prix — Notion de ‘tarifs des passagers’ — Protection des consommateurs — Infliction d’une amende au transporteur en raison d’une clause contractuelle abusive — Règle du droit national selon laquelle le transport du passager et l’enregistrement d’un bagage doivent être compris dans le prix de base du billet d’avion — Compatibilité avec le droit de l’Union»

Dans l’affaire C‑487/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo no 1 de Ourense (Espagne), par décision du 23 octobre 2012, parvenue à la Cour le 2 novembre 2012, dans la procédure

Vueling Airlines SA

contre

Instituto Galego de Consumo de la Xunta de Galicia,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász, A. Rosas (rapporteur), D. Šváby et C. Vajda, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 janvier 2014,

considérant les observations présentées:

pour Vueling Airlines SA, par Mes J. M. Rodríguez Cárcamo et B. García Gómez, abogados,

pour l’Instituto Galego de Consumo de la Xunta de Galicia, par M. O. Peñas González et Mme I. Torralba Mena,

pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González et Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. J. Rius et Mme N. Yerrell, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 22, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO L 293, p. 3).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Vueling Airlines SA (ci-après «Vueling Airlines») à l’Instituto Galego de Consumo de la Xunta de Galicia (institut galicien de la consommation du gouvernement régional de Galice, ci-après l’«Instituto Galego de Consumo»), au sujet de l’infliction à Vueling Airlines, par ce dernier, d’une amende sanctionnant le contenu des contrats de transport aérien de cette société.

Le cadre juridique

Le droit international

3

La convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999, a été signée par la Communauté européenne le 9 décembre 1999 et approuvée au nom de celle-ci par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001 (JO L 194, p. 38, ci-après la «convention de Montréal»).

4

Les articles 17 à 37 de la convention de Montréal constituent le chapitre III de celle‑ci, intitulé «Responsabilité du transporteur et étendue de l’indemnisation du préjudice».

5

L’article 17 de cette convention, intitulé «[...] Dommage causé aux bagages», stipule:

«[...]

2.   Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés, par cela seul que le fait qui a causé la destruction, la perte ou l’avarie s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toute période durant laquelle le transporteur avait la garde des bagages enregistrés. Toutefois, le transporteur n’est pas responsable si et dans la mesure où le dommage résulte de la nature ou du vice propre des bagages. Dans le cas des bagages non enregistrés, notamment des effets personnels, le transporteur est responsable si le dommage résulte de sa faute ou de celle de ses préposés ou mandataires.

3.   Si le transporteur admet la perte des bagages enregistrés ou si les bagages enregistrés ne sont pas arrivés à destination dans les vingt et un jours qui suivent la date à laquelle ils auraient dû arriver, le passager est autorisé à faire valoir contre le transporteur les droits qui découlent du contrat de transport.

4.   Sous réserve de dispositions contraires, dans la présente convention le terme ‘bagages’ désigne les bagages enregistrés aussi bien que les bagages non enregistrés.»

Le droit de l’Union

6

Le règlement no 1008/2008 a été adopté sur la base de l’article 80, paragraphe 2, CE, correspondant à l’article 100, paragraphe 2, TFUE, qui relève du titre VI du traité FUE, intitulé «Les transports», et qui permet l’établissement des dispositions appropriées en ce qui concerne, notamment, la navigation aérienne. Ce règlement constitue une refonte de plusieurs règlements, au nombre desquels se trouve le règlement (CEE) no 2409/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, sur les tarifs des passagers et de fret des services aériens (JO L 240, p. 15).

7

Aux termes du considérant 16 du règlement no 1008/2008:

«Les clients devraient pouvoir comparer effectivement le prix des services aériens pratiqués par différentes compagnies aériennes. Par conséquent, le prix définitif à payer par le client pour des services aériens au départ de la Communauté devrait toujours être indiqué toutes taxes, redevances et charges comprises. [...]»

8

Faisant partie du chapitre I de ce règlement, intitulé «Dispositions générales», l’article 1er de ce dernier, intitulé «Objet», dispose à son paragraphe 1:

«Le présent règlement régit [...] la tarification des services aériens intracommunautaires.»

9

Faisant partie du même chapitre, l’article 2 dudit règlement, intitulé «Définitions», prévoit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[...]

4)

‘service aérien’: un vol ou une série de vols transportant, à titre onéreux et/ou en vertu d’une location, des passagers, du fret et/ou du courrier;

[...]

13)

‘service aérien intracommunautaire’: un service aérien exploité à l’intérieur de la Communauté;

[...]

15)

‘vente de sièges’: la vente directe de sièges au public par le transporteur aérien ou son agent agréé ou un affréteur, à l’exclusion de tout autre service associé tel que l’hébergement;

[...]

18)

‘tarifs des passagers’: les prix exprimés en euro ou en monnaie nationale à payer aux transporteurs aériens, à leurs agents ou à d’autres vendeurs de billets pour le transport des passagers sur des services aériens, ainsi que les conditions d’application de ces prix, y compris la rémunération et les conditions offertes à l’agence et autres services auxiliaires;

19)

‘tarifs de fret’: les prix exprimés en euro ou en monnaie nationale à payer pour le transport de fret, ainsi que les conditions d’application de ces prix, y compris la rémunération et les conditions offertes aux agences et autres services auxiliaires;

[...]»

10

Faisant partie du chapitre IV du règlement no 1008/2008, intitulé «Dispositions tarifaires», l’article 22 de ce dernier, intitulé «Liberté de tarification», dispose à son paragraphe 1:

«Sans préjudice [du paragraphe 1 de l’article 16, intitulé ‘Principes généraux applicables aux obligations de service public’], les transporteurs aériens communautaires et, sur la base de la réciprocité, les transporteurs aériens des pays tiers fixent librement les tarifs des passagers et les tarifs de fret pour les services aériens intracommunautaires.»

11

Faisant partie du même chapitre, l’article 23 de ce règlement, intitulé «Information et non-discrimination», prévoit à son paragraphe 1:

«Les tarifs des passagers et les tarifs de fret offerts au public mentionnent les conditions applicables lorsqu’ils sont proposés ou publiés sous quelque forme que ce soit, y compris sur internet, pour les services aériens au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre auquel le traité s’applique. Le prix définitif à payer est précisé à tout moment et inclut le tarif des passagers ou le tarif de fret applicable ainsi que l’ensemble des taxes, des redevances, des suppléments et des droits applicables inévitables et prévisibles à la date de publication. Outre l’indication du prix définitif, les éléments suivants au moins sont précisés:

a)

tarif des passagers ou tarif de fret;

b)

taxes;

c)

redevances aéroportuaires; et

d)

autres redevances, suppléments ou droits, tels que ceux liés à la sûreté ou au carburant;

lorsque les éléments énumérés aux points b), c) et d) ont été ajoutés au tarif des passagers ou au tarif de fret. Les suppléments de prix optionnels sont communiqués de façon claire, transparente et non équivoque au début de toute procédure de réservation et leur acceptation par le client résulte d’une démarche explicite.

[...]»

Le droit espagnol

12

L’article 97 de la loi 48/1960 sur la navigation aérienne (Ley 48/1960 sobre Navegación Aérea), du 21 juillet 1960 (BOE no 176, du 23 juillet 1960, p. 10291), telle que modifiée par la loi 1/2011 établissant le programme de sécurité de l’État relative à l’aviation civile et modifiant la loi 21/2003, du 7 juillet, sur la sécurité aérienne (Ley 1/2011 por la que se establece el Programa Estatal de Seguridad Operacional para la Aviación Civil y se modifica la Ley 21/2003, de 7 de julio, de Seguridad Aérea), du 4 mars 2011 (BOE no 55, du 5 mars 2011, p. 24995, ci‑après la «LNA»), dispose:

«Le transporteur est tenu de transporter, pour le prix du billet, le voyageur et ses bagages, dans les limites de poids fixées dans les règlements, indépendamment du nombre de paquets et de leur volume.

L’excédent de bagages fait l’objet d’une stipulation particulière.

À cette fin, ne sont pas considérés comme bagages les objets et bagages à main que le voyageur conserve avec lui. Le transporteur est tenu de transporter gratuitement en cabine, comme bagage à main, les objets et paquets que le voyageur conserve avec lui, y compris les articles achetés dans les boutiques situées dans les aéroports. Ce n’est qu’en considération de raisons de sécurité, de poids ou de taille de l’objet, par rapport aux caractéristiques de l’aéronef, que l’embarquement de ces objets ou paquets peut être refusé.»

13

Aux termes de l’article 82, intitulé «Notion de clauses abusives», du texte codifié de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et d’autres lois complémentaires, adopté par le décret royal législatif 1/2007 (Real Decreto Legislativo 1/2007 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias), du 16 novembre 2007 (BOE no 287, du 30 novembre 2007, p. 49181, ci-après la «loi relative à la protection des consommateurs»):

«1.   Sont considérées comme abusives toutes les clauses d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle et toutes les pratiques non expressément consenties lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elles créent au détriment du consommateur et de l’usager un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations qui découlent du contrat pour les parties.

[...]

4.   Nonobstant les dispositions des paragraphes précédents, sont en tout état de cause abusives les clauses qui, conformément aux dispositions des articles 85 à 90:

[...]

b.

limitent les droits du consommateur et de l’usager,

c.

établissent un défaut de réciprocité dans le contrat,

[...]»

14

L’article 86 de la loi relative à la protection des consommateurs, intitulé «Clauses abusives du fait de la limitation des droits principaux du consommateur et de l’usager», prévoit:

«En tout état de cause, sont abusives les clauses qui limitent ou privent le consommateur et l’usager des droits qui leur sont reconnus par des règles de droit dispositives ou impératives et notamment, les dispositions qui prévoient:

[...]

7.

d’imposer tout renoncement ou toute limitation concernant des droits du consommateur et de l’usager.»

15

L’article 87 de cette loi, intitulé «Clauses abusives pour défaut de réciprocité», énonce:

«Sont abusives les clauses qui établissent un défaut de réciprocité dans le contrat, contraire à la bonne foi, au détriment du consommateur et de l’usager et, notamment:

[...]

6.

Les dispositions qui imposent des obstacles onéreux ou disproportionnés à l’exercice des droits reconnus au consommateur et à l’usager dans le contrat, notamment dans les contrats à exécution successive ou continue de prestations de services ou de fourniture de produits, la fixation de délais excessifs, le renoncement ou la fixation de limites qui excluent ou mettent des obstacles à l’exercice, par le consommateur et par l’usager, de leur droit de mettre fin à ces contrats, ainsi que l’établissement d’obstacles à l’exercice de ce droit par l’intermédiaire d’une procédure contractuelle, comme c’est le cas des clauses qui prévoient des formalités différentes de celles prévues pour la conclusion du contrat ou la perte des sommes versées par avance, le versement de sommes pour des services non effectivement rendus, l’attribution à l’entreprise d’une faculté d’exécution unilatérale des clauses pénales contractuellement fixées ou la fixation d’indemnisations qui ne correspondent pas aux dommages effectivement causés.»

16

L’article 89 de la loi relative à la protection des consommateurs, intitulé «Clauses abusives qui affectent la conclusion et l’exécution du contrat», dispose:

«En tout état de cause, sont considérées comme clauses abusives:

[...]

5.

Les augmentations de prix pour services accessoires, financement, reports, majorations, indemnisation ou pénalités qui ne correspondent pas à des prestations complémentaires susceptibles d’être acceptées ou rejetées dans chaque cas, exprimées avec la clarté ou de la manière séparée qui sont requises.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

17

Au mois d’août 2010, Mme Arias Villegas a acheté, par l’intermédiaire d’Internet, des billets d’avion auprès de la compagnie aérienne Vueling Airlines. Il s’agissait de quatre billets aller-retour lui permettant de voyager avec trois autres personnes entre La Coruña (Espagne) et Amsterdam (Pays-Bas), les vols correspondants devant avoir lieu les 18 et 23 octobre 2010. Mme Arias Villegas ayant enregistré au total deux valises pour les quatre passagers concernés, Vueling Airlines a majoré de 40 euros, soit dix euros par bagage et par trajet, le prix de base des billets d’avion, qui s’élevait à 241,48 euros.

18

Après avoir effectué le voyage en question, Mme Arias Villegas a déposé une plainte contre Vueling Airlines, auprès de la mairie d’Ourense, dans laquelle elle a reproché à cette compagnie aérienne d’avoir fait figurer une clause abusive dans le contrat de transport aérien concerné. Selon l’intéressée, cette clause est incompatible avec le droit espagnol applicable, qui reconnaîtrait au passager aérien le droit de faire enregistrer une valise sans coût supplémentaire. Cette plainte a été transmise à l’Instituto Galego de Consumo, lequel a engagé, contre Vueling Airlines, une procédure de sanction au terme de laquelle une amende de 3 000 euros a été infligée à cette société. Cette sanction est motivée par la violation de l’article 97 de la LNA ainsi que par celle d’un certain nombre de dispositions de la réglementation espagnole relative à la protection des consommateurs, notamment, des articles 82, 86, 87 et 89 de la loi relative à la protection des consommateurs.

19

Ayant, dans un premier temps, introduit un recours hiérarchique infructueux contre ladite sanction, Vueling Airlines a, dans un second temps, saisi le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo no 1 de Ourense (juge de l’ordre du contentieux administratif no 1 d’Ourense). Devant cette juridiction, elle soutient que le droit de l’Union européenne, notamment l’article 22 du règlement no 1008/2008, prévoit un principe de libre fixation des tarifs, selon lequel les transporteurs aériens peuvent fixer un prix de base des billets ne comprenant pas l’enregistrement des bagages et majorer ce prix, par la suite, dans l’hypothèse où le client désire procéder à un tel enregistrement. L’Instituto Galego de Consumo fait valoir, au contraire, que la réglementation de l’Union relative à la liberté des tarifs du transport aérien ne s’oppose pas aux dispositions du droit espagnol qui, en fixant le contenu du contrat de transport aérien, reconnaissent aux passagers le droit d’inclure, de manière automatique, dans la prestation de transport, l’enregistrement d’un bagage présentant certaines caractéristiques.

20

Selon la juridiction de renvoi, le droit espagnol reconnaît clairement au consommateur le droit d’enregistrer, en tout état de cause, un bagage présentant certaines caractéristiques, et cela sans majoration du prix de base du billet d’avion. Un tel droit constituerait une mesure logique et raisonnable de protection du consommateur, touchant à la dignité même du passager. Étant donné que ce droit s’inscrit dans la définition légale du contrat de transport aérien, parmi les prestations que toutes les sociétés qui se consacrent à cette activité doivent généralement assurer, il ne serait pas contraire au principe de libre fixation des tarifs aériens.

21

À cet égard, la juridiction de renvoi fait observer qu’il appartient au passager de décider s’il souhaite ou non enregistrer un bagage et que le transport du bagage enregistré a également une incidence sur les frais de carburant et la gestion du vol. Or, il en irait de même du poids spécifique du voyageur ou de l’utilisation des toilettes de l’avion durant le vol, sans que les compagnies aériennes puissent, pour autant, appliquer une majoration du prix de base du billet en fonction de ces facteurs, une telle pratique affectant, selon cette juridiction, la dignité du voyageur et les droits de celui-ci en tant que consommateur.

22

Ladite juridiction expose que, en l’occurrence, Mme Arias Villegas a été attirée par la modicité du prix du billet annoncé sur le site Internet de Vueling Airlines. Au cours de la procédure d’achat du billet, elle aurait découvert que le prix annoncé ne comprenait pas la possibilité d’enregistrer un bagage, alors même que le voyage envisagé nécessitait logiquement un tel enregistrement. Ainsi, selon la juridiction de renvoi, le consommateur a été contraint de renoncer non seulement au droit reconnu par le droit espagnol d’enregistrer un bagage par passager, mais il a également été obligé de payer un surcoût, non annoncé au préalable sur le site Internet de la compagnie aérienne concernée, pour l’enregistrement des bagages.

23

Dans ces conditions, le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo no 1 de Ourense a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Faut-il interpréter l’article 22, paragraphe 1, du règlement [no 1008/2008] en ce sens qu’il s’oppose à une règle nationale (l’article 97 de la [LNA]) qui oblige les compagnies de transport aérien de voyageurs à reconnaître en tout état de cause aux passagers le droit d’enregistrer une valise sans surcoût ni majoration du prix de base du billet convenu?»

Sur la question préjudicielle

24

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 1008/2008 s’oppose à une règle du droit national qui oblige les transporteurs aériens à transporter, en toutes circonstances, non seulement le passager, mais également les bagages enregistrés de celui‑ci, pour autant que ces bagages répondent à certaines exigences relatives, notamment, au poids de ceux-ci, pour le prix du billet d’avion et sans qu’aucun supplément de prix puisse être exigé pour le transport de tels bagages.

25

Il convient de relever, à titre liminaire, que le gouvernement espagnol a fait valoir, dans ses observations écrites ainsi qu’à l’audience qui s’est tenue devant la Cour, que la juridiction de renvoi interprète la législation nationale en cause au principal de manière erronée. D’après ce gouvernement, cette législation porte sur le contenu du contrat de transport aérien et vise notamment l’obligation, pour les compagnies aériennes, d’assurer le transport des bagages des passagers. Ainsi, cette disposition ne réglementerait pas le prix du titre de transport et n’obligerait aucunement les compagnies aériennes à transporter gratuitement les bagages enregistrés.

26

À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation des dispositions nationales ni de juger si l’interprétation qu’en donne la juridiction de renvoi est correcte (voir notamment, arrêts Corsten, C‑58/98,EU:C:2000:527, point 24; Dynamic Medien, C‑244/06, EU:C:2008:85, point 19; Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, point 48, ainsi que Samba Diouf, C‑69/10, EU:C:2011:524, point 59).

27

Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner la demande de décision préjudicielle en partant de la prémisse, qui est celle de la juridiction de renvoi, selon laquelle la réglementation en cause au principal oblige les transporteurs aériens à transporter, en toutes circonstances, les bagages enregistrés des passagers, pour autant que ces bagages répondent à certaines exigences relatives, notamment, à leur poids, pour le prix du billet d’avion et sans qu’aucun supplément de prix puisse être exigé à ce titre.

28

Il convient de rappeler que le règlement no 1008/2008 régit, notamment, la tarification des services aériens exploités à l’intérieur de l’Union. À cet égard, aux termes de l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement, les transporteurs aériens fixent librement les «tarifs des passagers», qui sont définis à l’article 2, point 18, de celui‑ci, comme visant, notamment, les prix à payer aux transporteurs aériens pour le transport des passagers sur des services aériens ainsi que les conditions d’application de ces prix. Ledit règlement envisage donc, de manière explicite, la liberté de fixation des tarifs en ce qui concerne le transport des passagers, sans toutefois aborder expressément la tarification du service de transport des bagages enregistrés de ceux-ci.

29

Or, s’agissant de l’expression «tarifs des passagers», figurant à l’article 2, point 18, du règlement no 1008/2008, force est de constater qu’il existe une certaine disparité entre les versions linguistiques de cette disposition. Si, comme dans la version en langue française, sont visés les «tarifs des passagers» notamment dans la version en langue suédoise («passagerarpriser»), il est fait mention des «tarifs aériens» dans les versions en langues espagnole («tarifas aéreas») et anglaise («air fares»), des «tarifs des vols» dans les versions en langues allemande («Flugpreise») et finnoise («lentohinnat»), ou encore des «tarifs des billets», dans les versions en langues danoise («flybilletpriser») et estonienne («piletihinnad») dudit règlement.

30

À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle la nécessité d’une application et, dès lors, d’une interprétation uniformes des dispositions du droit de l’Union exclut que, en cas de doute, le texte d’une disposition soit considéré isolément dans l’une de ses versions, mais exige au contraire qu’il soit interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles (voir notamment, arrêts Stauder, 29/69, EU:C:1969:57, point 3; EMU Tabac e.a., C‑296/95, EU:C:1998:152, point 36, et Profisa, C‑63/06, EU:C:2007:233, point 13).

31

En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir notamment, arrêts Bouchereau, 30/77, EU:C:1977:172, point 14; Italie/Commission, C‑482/98, EU:C:2000:672, point 49, ainsi que Eleftheri tileorasi et Giannikos, C‑52/10, EU:C:2011:374, point 24).

32

Dans ces conditions, il convient ‘de constater que, au chapitre IV du règlement no 1008/2008, consacré aux dispositions tarifaires, l’article 22, paragraphe 1, relatif à la liberté de tarification, est complété par l’article 23, paragraphe 1, qui vise à garantir, notamment, l’information et la transparence des prix des services aériens au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre et qui contribue, partant, à assurer la protection du client recourant à ces services (voir, en ce sens, arrêt ebookers.com Deutschland, C‑112/11, EU:C:2012:487, point 13). À cet égard, cette dernière disposition prévoit des obligations d’information et de transparence en ce qui concerne, notamment, les conditions applicables aux tarifs des passagers, le prix définitif à payer, le tarif des passagers et les éléments de prix inévitables et prévisibles s’ajoutant à celui‑ci, ainsi que les suppléments optionnels de prix afférents à des services qui complètent le service aérien lui‑même.

33

Nonobstant le fait que l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 1008/2008 ne vise pas expressément la tarification du transport des bagages, il convient de considérer que les obligations prévues à cette disposition couvrent également cette tarification, compte tenu, notamment, de l’objectif de comparabilité effective des prix des services aériens énoncé au considérant 16 de ce règlement.

34

En outre, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général notamment au point 46 de ses conclusions, il y a lieu de relever que le supplément de prix lié à l’enregistrement d’un bagage constitue une condition d’application du prix à payer au transporteur aérien pour le transport de passagers sur des services aériens, au sens de l’article 2, point 18, du règlement no 1008/2008.

35

Par conséquent, il y a lieu de considérer que le règlement no 1008/2008 s’applique à la fixation des tarifs afférents au transport des bagages.

36

S’agissant de la manière dont ces tarifs doivent être fixés, l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 1008/2008 exige notamment, d’une part, que les éléments inévitables et prévisibles du prix du service aérien soient toujours précisés en tant que composantes du prix définitif à payer et, d’autre part, que les suppléments de prix, relatifs à un service qui n’est ni obligatoire ni indispensable pour le service aérien lui‑même, soient communiqués de façon claire, transparente et non équivoque au début de toute procédure de réservation et que ces derniers fassent l’objet d’une démarche explicite d’acceptation par le client (voir, en ce sens, arrêt ebookers.com Deutschland, EU:C:2012:487, point 14).

37

Ainsi, afin de trancher la question de savoir si le règlement no 1008/2008 permet d’imposer le paiement d’un prix séparé pour le service de transport des bagages enregistrés, il convient de déterminer si le prix à payer pour le transport de tels bagages constitue un élément inévitable et prévisible du prix du service aérien ou s’il représente un supplément de prix optionnel, relatif à un service complémentaire.

38

À cet égard, la pratique commerciale des compagnies aériennes a traditionnellement consisté à permettre aux passagers d’enregistrer des bagages sans acquitter de frais supplémentaires. Or, les modèles commerciaux des compagnies aériennes ayant connu une évolution considérable avec l’utilisation de plus en plus généralisée du transport aérien, il convient de constater que, actuellement, certaines compagnies suivent un modèle commercial consistant à offrir des services aériens au prix le plus bas. Dans ces conditions, le coût lié au transport des bagages, en tant que composante du prix de tels services, a relativement davantage d’importance qu’auparavant et, partant, les transporteurs aériens concernés peuvent vouloir exiger le paiement d’un supplément de prix à ce titre. En outre, il ne saurait être exclu que certains passagers aériens préfèrent voyager sans bagage enregistré, à condition qu’une telle démarche réduise le prix de leur titre de transport.

39

Au vu de ces considérations, il convient de considérer que le prix à payer pour le transport des bagages enregistrés des passagers aériens peut constituer un supplément de prix optionnel, au sens de l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 1008/2008, étant donné qu’un tel service ne saurait être considéré comme obligatoire ou indispensable pour le transport de ces passagers.

40

En revanche, s’agissant des bagages non enregistrés, à savoir les bagages à main, il convient de relever, afin d’apporter une réponse complète à la juridiction de renvoi, que ces bagages doivent être considérés, en principe, comme constituant un élément indispensable du transport des passagers et que le transport de ceux-ci ne saurait, par conséquent, faire l’objet d’un supplément de prix, à condition que de tels bagages répondent à des exigences raisonnables en termes de poids et de dimensions et satisfassent aux prescriptions applicables en matière de sécurité.

41

En effet, il convient de rappeler, ainsi que l’a fait M. l’avocat général aux points 54 et 55 de ses conclusions, les différences existant entre les caractéristiques du service de transport des bagages enregistrés, d’une part, et celles du service de transport des bagages à main, d’autre part. À cet égard, lorsque les bagages enregistrés sont confiés au transporteur aérien, celui‑ci se charge d’en assurer le traitement et la garde, ce qui est susceptible d’engendrer, pour lui, des coûts additionnels. Or, tel n’est pas le cas du transport des bagages non enregistrés, notamment des effets personnels que le passager conserve avec lui.

42

Cette distinction entre le transport des bagages enregistrés et celui des bagages à main se traduit par ailleurs dans la réglementation relative à la responsabilité du transporteur aérien pour des dommages causés aux bagages, telle qu’elle ressort des stipulations de la convention de Montréal, à laquelle l’Union est partie contractante. Conformément à l’article 17, paragraphe 2, de cette convention, le transporteur aérien est responsable des dommages causés aux bagages enregistrés, dès lors que le fait qui a causé ces dommages s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toute la période durant laquelle le transporteur avait la garde desdits bagages, alors que, en ce qui concerne les bagages non enregistrés, la responsabilité du transporteur est engagée uniquement si le dommage résulte de la faute de celui-ci ou de celle de ses préposés ou mandataires.

43

S’agissant d’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui oblige les transporteurs aériens à transporter, en toutes circonstances, non seulement le passager, mais également les bagages enregistrés de celui‑ci, pour autant que ces derniers répondent à certaines exigences relatives notamment à leur poids, pour le prix du billet d’avion et sans qu’aucun supplément de prix puisse être exigé pour le transport de tels bagages, il y a lieu de constater qu’une telle réglementation ne permet manifestement pas aux transporteurs aériens de facturer séparément un tel supplément au titre du transport des bagages enregistrés et, donc, de fixer librement un prix pour le transport des passagers.

44

À cet égard, il convient de relever que le droit de l’Union ne s’oppose pas, sans préjudice de l’application, notamment, des règles édictées en matière de protection des consommateurs (voir, en ce sens, arrêt ebookers.com Deutschland, EU:C:2012:487, point 17), à ce que les États membres réglementent des aspects relatifs au contrat de transport aérien, en particulier, aux fins de protéger les consommateurs contre des pratiques abusives. Néanmoins, une telle réglementation nationale ne saurait remettre en cause les dispositions tarifaires du règlement no 1008/2008.

45

Or, une réglementation nationale exigeant que le prix à payer pour le transport des bagages enregistrés soit, en toutes circonstances, inclus dans le prix de base du billet d’avion interdit toute fixation d’un prix différent pour un titre de transport comportant le droit d’enregistrer des bagages et pour un titre de transport n’offrant pas une telle possibilité. Partant, elle contrevient non seulement au droit des transporteurs aériens de fixer librement les prix à payer pour le transport des passagers sur des services aériens ainsi que les conditions d’application de ces prix, conformément aux articles 2, point 18, et 22, paragraphe 1, du règlement no 1008/2008, mais est également susceptible de remettre en cause, notamment, l’objectif poursuivi par ce règlement, consistant à rendre possible la comparabilité effective de tels prix, en ce que les transporteurs aériens concernés par une telle réglementation nationale ne sont pas autorisés à faire état d’un tarif séparé pour le service de transport des bagages enregistrés, alors que les compagnies aériennes soumises à une réglementation d’un autre État membre le sont.

46

Par ailleurs, la réalisation de l’objectif consistant à rendre possible la comparabilité effective des prix des services aériens supposant le strict respect des exigences prévues à l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 1008/2008, il y a lieu de rappeler que, en ce qui concerne le respect effectif des obligations d’information et de transparence incombant à Vueling Airlines en vertu de cette disposition, il appartient aux autorités nationales de vérifier, le cas échéant, si ces obligations sont respectées.

47

Enfin, il incombe à la juridiction de renvoi de donner à la réglementation interne qu’elle doit appliquer, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union (arrêts Engelbrecht, C‑262/97, EU:C:2000:492, point 39; ČEZ, C‑115/08, EU:C:2009:660, point 138, et Wall, C‑91/08, EU:C:2010:182, point 70).

48

Dans la mesure où le résultat visé par le droit de l’Union ne peut être atteint en vertu d’une interprétation conforme du droit interne, le juge national a notamment l’obligation d’assurer le plein effet des dispositions du droit de l’Union en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale (voir, en ce sens, arrêts Simmenthal, 106/77, EU:C:1978:49, point 24; Berlusconi e.a., C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, point 72; Pupino, C‑105/03, EU:C:2005:386, point 43, ainsi que Melki et Abdeli, C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 43).

49

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 1008/2008 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation, telle que celle en cause au principal, qui oblige les transporteurs aériens, en toutes circonstances, à transporter non seulement le passager, mais également les bagages enregistrés de celui‑ci, pour autant que ces bagages répondent à certaines exigences relatives, notamment, à leur poids, pour le prix du billet d’avion et sans qu’aucun supplément de prix puisse être exigé pour le transport de tels bagages.

Sur les dépens

50

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

 

L’article 22, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation, telle que celle en cause au principal, qui oblige les transporteurs aériens, en toutes circonstances, à transporter non seulement le passager, mais également les bagages enregistrés de celui‑ci, pour autant que ces bagages répondent à certaines exigences relatives, notamment, à leur poids, pour le prix du billet d’avion et sans qu’aucun supplément de prix puisse être exigé pour le transport de tels bagages.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’espagnol.

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