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Document 62010CJ0406
Judgment of the Court (Grand Chamber), 2 May 2012.#SAS Institute Inc. v World Programming Ltd.#Reference for a preliminary ruling from the High Court of Justice of England and Wales (Chancery Division).#Intellectual property — Directive 91/250/EEC — Legal protection of computer programs — Articles 1(2) and 5(3) — Scope of protection — Creation directly or via another process — Computer program protected by copyright — Reproduction of the functions by a second program without access to the source code of the first program — Decompilation of the object code of the first computer program — Directive 2001/29/EC — Copyright and related rights in the information society — Article 2(a) — User manual for a computer program — Reproduction in another computer program — Infringement of copyright — Condition — Expression of the intellectual creation of the author of the user manual.#Case C‑406/10.
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 2 mai 2012.
SAS Institute Inc. contre World Programming Ltd.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la High Court of Justice England & Wales (Chancery Division).
Propriété intellectuelle — Directive 91/250/CEE — Protection juridique des programmes d’ordinateur — Articles 1er, paragraphe 2, et 5, paragraphe 3 — Portée de la protection — Création directe ou par un autre processus — Programme d’ordinateur protégé par le droit d’auteur — Reprise des fonctions par un second programme sans accès au code source du premier — Décompilation du code objet du premier programme d’ordinateur — Directive 2001/29/CE — Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information — Article 2, sous a) — Manuel d’utilisation d’un programme d’ordinateur — Reproduction dans un autre programme d’ordinateur — Violation du droit d’auteur — Condition — Expression de la création intellectuelle propre à l’auteur du manuel d’utilisation.
Affaire C-406/10.
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 2 mai 2012.
SAS Institute Inc. contre World Programming Ltd.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la High Court of Justice England & Wales (Chancery Division).
Propriété intellectuelle — Directive 91/250/CEE — Protection juridique des programmes d’ordinateur — Articles 1er, paragraphe 2, et 5, paragraphe 3 — Portée de la protection — Création directe ou par un autre processus — Programme d’ordinateur protégé par le droit d’auteur — Reprise des fonctions par un second programme sans accès au code source du premier — Décompilation du code objet du premier programme d’ordinateur — Directive 2001/29/CE — Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information — Article 2, sous a) — Manuel d’utilisation d’un programme d’ordinateur — Reproduction dans un autre programme d’ordinateur — Violation du droit d’auteur — Condition — Expression de la création intellectuelle propre à l’auteur du manuel d’utilisation.
Affaire C-406/10.
Court reports – general
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2012:259
*A9* High Court of Justice (Chancery Division), Chancery Division, order of 02/08/2010 (HC09C03293)
- Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht, internationaler Teil 2011 p.170-172
*P1* High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, judgment of 25/01/2013 ([2013] EWHC 69 (Ch))
- Onslow, Robert; Jamal, Isabel: Copyright Infringement and Software Emulation: SAS Inc v World Programming Ltd, European Intellectual Property Review 2013 p.352-356
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
2 mai 2012 ( *1 )
«Propriété intellectuelle — Directive 91/250/CEE — Protection juridique des programmes d’ordinateur — Articles 1er, paragraphe 2, et 5, paragraphe 3 — Portée de la protection — Création directe ou par un autre processus — Programme d’ordinateur protégé par le droit d’auteur — Reprise des fonctions par un second programme sans accès au code source du premier — Décompilation du code objet du premier programme d’ordinateur — Directive 2001/29/CE — Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information — Article 2, sous a) — Manuel d’utilisation d’un programme d’ordinateur — Reproduction dans un autre programme d’ordinateur — Violation du droit d’auteur — Condition — Expression de la création intellectuelle propre à l’auteur du manuel d’utilisation»
Dans l’affaire C-406/10,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), par décision du 2 août 2010, parvenue à la Cour le 11 août 2010, dans la procédure
SAS Institute Inc.,
contre
World Programming Ltd,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, Mme A. Prechal, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Schiemann, G. Arestis (rapporteur), A. Ó Caoimh, L. Bay Larsen, Mme M. Berger et M. E. Jarašiūnas, juges,
avocat général: M. Y. Bot,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 septembre 2011,
considérant les observations présentées:
— |
pour SAS Institute Inc., par M. H. J. Carr, QC, et MM. M. Hicks et J. Irvine, barristers, |
— |
pour World Programming Ltd, par M. M. Howe, QC, M. R. Onslow et Mme I. Jamal, barristers, mandatés par M. A. Carter-Silk, solicitor, |
— |
pour le gouvernement espagnol, par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent, |
— |
pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent, |
— |
pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. L. Seeboruth et Mme C. Murrell, en qualité d’agents, assistés par M. S. Malynicz, barrister, |
— |
pour la Commission européenne, par Mme J. Samnadda, en qualité d’agent, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 novembre 2011,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, paragraphe 2, et 5, paragraphe 3, de la directive 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur (JO L 122, p. 42), ainsi que de l’article 2, sous a), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO L 167, p. 10). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SAS Institute Inc. (ci-après «SAS Institute») à World Programming Ltd (ci-après «WPL»), au sujet d’une action en contrefaçon introduite par SAS Institute pour violation des droits d’auteur sur les programmes d’ordinateur et sur les manuels relatifs à son système informatique de bases de données. |
Le cadre juridique
La réglementation internationale
3 |
L’article 2, paragraphe 1, de la convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, signée à Berne le 9 septembre 1886 (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979 (ci-après la «convention de Berne») dispose: «Les termes ‘œuvres littéraires et artistiques’ comprennent toutes les productions du domaine littéraire […] quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression […].» |
4 |
L’article 9 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après l’«ADPIC»), figurant à l’annexe 1 C de l’accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, qui a été approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1), prévoit: «1. Les Membres se conformeront aux articles 1er à 21 de la [convention de Berne] et à l’Annexe de ladite convention […]. 2. La protection du droit d’auteur s’étendra aux expressions et non aux idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts mathématiques en tant que tels.» |
5 |
Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, de l’ADPIC: «Les programmes d’ordinateur, qu’ils soient exprimés en code source ou en code objet, seront protégés en tant qu’œuvres littéraires en vertu de la [convention de Berne].» |
6 |
L’article 2 du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d’auteur, adopté à Genève le 20 décembre 1996 et entré en vigueur, en ce qui concerne l’Union européenne, le 14 mars 2010 (JO L 32, p. 1), est libellé comme suit: «La protection au titre du droit d’auteur s’étend aux expressions et non aux idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts mathématiques en tant que tels.» |
7 |
Aux termes de l’article 4 de ce traité: «Les programmes d’ordinateur sont protégés en tant qu’œuvres littéraires au sens de l’article 2 de la Convention de Berne. La protection prévue s’applique aux programmes d’ordinateur quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression.» |
La réglementation de l’Union
La directive 91/250
8 |
Les troisième, septième, huitième, quatorzième, quinzième, dix-septième, dix-huitième, vingt et unième et vingt-troisième considérants de la directive 91/250 prévoient:
[...]
[…]
[…]
[…]
[…]
|
9 |
Sous le titre «Objet de la protection», l’article 1er de la directive 91/250 dispose: «1. Conformément aux dispositions de la présente directive, les États membres protègent les programmes d’ordinateur par le droit d’auteur en tant qu’œuvres littéraires au sens de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. Le terme ‘programme d’ordinateur’, aux fins de la présente directive, comprend le matériel de conception préparatoire. 2. La protection prévue par la présente directive s’applique à toute forme d’expression d’un programme d’ordinateur. Les idées et principes qui sont à la base de quelque élément que ce soit d’un programme d’ordinateur, y compris ceux qui sont à la base de ses interfaces, ne sont pas protégés par le droit d’auteur en vertu de la présente directive. 3. Un programme d’ordinateur est protégé s’il est original, en ce sens qu’il est la création intellectuelle propre à son auteur. Aucun autre critère ne s’applique pour déterminer s’il peut bénéficier d’une protection.» |
10 |
L’article 4, sous a) et b), de cette directive, intitulé «Actes soumis à restrictions» prévoit: «Sous réserve des articles 5 et 6, les droits exclusifs du titulaire au sens de l’article 2 comportent le droit de faire et d’autoriser:
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11 |
Aux termes de l’article 5 de la directive 91/250, qui prévoit les exceptions aux actes soumis à restrictions: «1. Sauf dispositions contractuelles spécifiques, ne sont pas soumis à l’autorisation du titulaire les actes prévus à l’article 4 points a) et b) lorsque ces actes sont nécessaires pour permettre à l’acquéreur légitime d’utiliser le programme d’ordinateur d’une manière conforme à sa destination, y compris pour corriger des erreurs. […] 3. La personne habilitée à utiliser une copie d’un programme d’ordinateur peut, sans l’autorisation du titulaire du droit, observer, étudier ou tester le fonctionnement de ce programme afin de déterminer les idées et les principes qui sont à la base de n’importe quel élément du programme, lorsqu’elle effectue toute opération de chargement, d’affichage, de passage, de transmission ou de stockage du programme d’ordinateur qu’elle est en droit d’effectuer.» |
12 |
L’article 6 de cette directive, relatif à la décompilation, énonce: «1. L’autorisation du titulaire des droits n’est pas requise lorsque la reproduction du code ou la traduction de la forme de ce code au sens de l’article 4 points a) et b) est indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l’interopérabilité d’un programme d’ordinateur créé de façon indépendante avec d’autres programmes et sous réserve que les conditions suivantes soient réunies:
2. Les dispositions du paragraphe 1 ne peuvent justifier que les informations obtenues en vertu de son application:
3. Conformément aux dispositions de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, le présent article ne peut être interprété de façon à permettre son application d’une manière qui cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit ou qui porte atteinte à l’exploitation normale du programme d’ordinateur.» |
13 |
Conformément à l’article 9 de la directive 91/250, les dispositions de cette directive n’affectent pas les autres dispositions légales concernant notamment les brevets, les marques, la concurrence déloyale, le secret des affaires, la protection des semi-conducteurs ou le droit des contrats. Toute disposition contractuelle contraire à l’article 6 ou aux exceptions prévues à l’article 5, paragraphes 2 et 3, de cette directive sera nulle et non avenue. |
La directive 2001/29
14 |
Selon le vingtième considérant de la directive 2001/29, celle-ci se fonde sur des principes et des règles déjà établis par les directives en vigueur dans ce domaine, et notamment la directive 91/250. Elle développe ces principes et ces règles et les intègre dans la perspective de la société de l’information. |
15 |
L’article 1er de la directive 2001/29 prévoit: «1. La présente directive porte sur la protection juridique du droit d’auteur et des droits voisins dans le cadre du marché intérieur, avec une importance particulière accordée à la société de l’information. 2. Sauf dans les cas visés à l’article 11, la présente directive laisse intactes et n’affecte en aucune façon les dispositions communautaires existantes concernant:
[…]» |
16 |
Aux termes de l’article 2, sous a), de la directive 2001/29: «Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie:
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La réglementation nationale
17 |
Les directives 91/250 et 2001/29 ont été transposées dans l’ordre juridique interne par la loi de 1988 sur le droit d’auteur, les modèles et les brevets (Copyright, Designs and Patents Act 1988), telle que modifiée par le règlement de 1992 sur le droit d’auteur (programmes d’ordinateurs) [Copyright (Computer Programs) Regulations 1992], ainsi que par le règlement de 2003 sur le droit d’auteur et les droits voisins (Copyright and Related Rights Regulations 2003) (ci-après la «loi de 1988»). |
18 |
L’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la loi de 1988 prévoit que le droit d’auteur est un droit de propriété qui existe sur les œuvres originales littéraires, dramatiques, musicales ou artistiques. Selon l’article 3, paragraphe 1, sous a) à d), de cette loi, on entend par «œuvre littéraire» toute œuvre, autre que dramatique ou musicale, écrite, prononcée ou chantée, notamment un tableau ou une compilation autre qu’une base de données, un programme d’ordinateur, le matériel de conception préparatoire pour un programme d’ordinateur, et une base de données. |
19 |
L’article 16, paragraphe 1, sous a), de ladite loi prévoit que le titulaire du droit d’auteur sur une œuvre a le droit exclusif de copier l’œuvre. |
20 |
Selon l’article 16, paragraphe 3, sous a) et b), de la loi de 1988, la limitation par le droit d’auteur d’actes sur une œuvre vaut pour l’œuvre dans son intégralité ou pour toute partie substantielle de celle-ci, que ce soit directement ou indirectement. |
21 |
En vertu de l’article 17, paragraphe 2, de ladite loi, l’acte de copier une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique signifie le fait de reproduire l’œuvre sous toute forme matérielle. Cela comprend le stockage de l’œuvre sur n’importe quel support par des moyens électroniques. |
22 |
L’article 50BA, paragraphe 1, de la loi de 1988 indique que ne constitue pas une violation du droit d’auteur par un utilisateur légal d’une copie d’un programme d’ordinateur le fait d’observer, d’étudier ou de tester le fonctionnement de ce programme afin de déterminer les idées et les principes qui sont à la base de n’importe quel élément dudit programme, lorsqu’il effectue toute opération de chargement, d’affichage, de passage, de transmission ou de stockage du programme d’ordinateur que cet utilisateur est en droit d’effectuer. L’article 50BA, paragraphe 2, de cette loi précise que, lorsqu’un acte est autorisé au titre dudit paragraphe 1, est dépourvu de pertinence le fait de savoir s’il existe ou non une clause ou une condition quelconque dans une convention, dont le but est d’interdire ou de limiter l’acte en cause. |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
23 |
SAS Institute est une société qui développe des logiciels analytiques. Elle a, sur une période de 35 ans, développé un ensemble intégré de programmes d’ordinateur qui permet aux utilisateurs d’effectuer un large éventail de travaux de traitement et d’analyse de données, notamment des analyses statistiques (ci-après le «système SAS»). Le composant essentiel du système SAS, appelé «Base SAS», permet aux utilisateurs d’écrire et de passer leurs propres programmes d’application en vue d’adapter le système SAS pour qu’il traite leurs données (scripts). Ces scripts sont écrits dans un langage propre au système SAS (ci-après le «langage SAS»). |
24 |
WPL a estimé qu’il existait un marché potentiel pour des logiciels de substitution capables d’exécuter des programmes d’application écrits dans le langage SAS. WPL a dès lors créé le «World Programming System», conçu pour émuler aussi étroitement que possible la fonctionnalité des composants SAS, en ce sens que, mis à part quelques exceptions mineures, elle a tenté de s’assurer que les mêmes inputs produiraient les mêmes outputs. Cela permettrait aux utilisateurs du système SAS de faire tourner sous le «World Programming System» les scripts qu’ils ont développés pour être utilisés avec le système SAS. |
25 |
La High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, précise qu’il n’est pas établi que WPL ait, pour ce faire, eu accès au code source des composants SAS, qu’elle ait copié une partie quelconque du texte de ce code ou encore qu’elle ait copié une partie quelconque de la conception structurelle dudit code. |
26 |
Elle relève également que deux juridictions antérieures ont jugé, dans le cadre d’autres litiges, que le fait pour un concurrent du titulaire des droits d’auteur d’étudier la manière dont fonctionne le programme et d’écrire ensuite son propre programme pour émuler cette fonctionnalité ne représentait pas une violation des droits d’auteur sur le code source d’un programme informatique. |
27 |
SAS Institute, contestant cette approche, a introduit un recours devant la juridiction de renvoi. Elle reproche, principalement, à WPL:
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28 |
Dans ces conditions, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
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Sur les questions préjudicielles
Sur les première à cinquième questions
29 |
Par ces questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/250 doit être interprété en ce sens que la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ainsi que le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions constituent une forme d’expression de ce programme et peuvent, à ce titre, être protégés par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur au sens de cette directive. |
30 |
Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 91/250, les programmes d’ordinateur sont protégés par le droit d’auteur en tant qu’œuvres littéraires au sens de la convention de Berne. |
31 |
Le paragraphe 2 de cet article étend une telle protection à toutes les formes d’expression d’un programme d’ordinateur. Il précise, néanmoins, que les idées et les principes à la base de quelque élément que ce soit d’un programme d’ordinateur, y compris ceux qui sont à la base de ses interfaces, ne sont pas protégés par le droit d’auteur en vertu de ladite directive. |
32 |
Le quatorzième considérant de la directive 91/250 confirme, à cet égard, que, en accord avec le principe selon lequel seule l’expression d’un programme d’ordinateur est protégée par le droit d’auteur, les idées et les principes qui sont à la base de la logique, des algorithmes et des langages de programmation ne sont pas protégés en vertu de cette directive. Son quinzième considérant indique que, conformément à la législation et à la jurisprudence des États membres ainsi qu’aux conventions internationales sur le droit d’auteur, l’expression de ces idées et de ces principes doit être protégée par le droit d’auteur. |
33 |
S’agissant du droit international, tant l’article 2 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur que l’article 9, paragraphe 2, de l’ADPIC disposent que la protection au titre du droit d’auteur s’étend aux expressions et non aux idées, aux procédures, aux méthodes de fonctionnement ou aux concepts mathématiques, en tant que tels. |
34 |
L’article 10, paragraphe 1, de l’ADPIC prévoit que les programmes d’ordinateur, qu’ils soient exprimés en code source ou en code objet, seront protégés en tant qu’œuvres littéraires en vertu de la convention de Berne. |
35 |
Dans un arrêt intervenu après le dépôt de la demande de décision préjudicielle dans la présente affaire, la Cour a interprété l’article 1er, paragraphe 2 de la directive 91/250 en ce sens que l’objet de la protection conférée par cette directive vise le programme d’ordinateur dans toutes les formes d’expression de celui-ci, telles le code source et le code objet, qui permettent de le reproduire dans différents langages informatiques (arrêt du 22 décembre 2010, Bezpečnostní softwarová asociace, C-393/09, Rec. p. I-13971, point 35). |
36 |
Conformément à la deuxième phrase du septième considérant de la directive 91/250, le terme «programme d’ordinateur» comprend également les travaux préparatoires de conception aboutissant au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur. |
37 |
Ainsi, l’objet de la protection de la directive 91/250 englobe les formes d’expression d’un programme d’ordinateur ainsi que les travaux préparatoires de conception susceptibles d’aboutir, respectivement, à la reproduction ou à la réalisation ultérieure d’un tel programme (arrêt Bezpečnostní softwarová asociace, précité, point 37). |
38 |
La Cour en a conclu que le code source et le code objet d’un programme d’ordinateur sont des formes d’expression de celui-ci, qui méritent, par conséquent, la protection par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/250. En revanche, s’agissant de l’interface utilisateur graphique, la Cour a jugé qu’une telle interface ne permet pas de reproduire le programme d’ordinateur, mais constitue simplement un élément de ce programme au moyen duquel les utilisateurs exploitent les fonctionnalités dudit programme (arrêt Bezpečnostní softwarová asociace, précité, points 34 et 41). |
39 |
Sur le fondement de ces considérations, il y a lieu de constater que, pour ce qui est des éléments d’un programme d’ordinateur faisant l’objet des première à cinquième questions, ni la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent une forme d’expression de ce programme au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/250. |
40 |
En effet, ainsi que l’indique M. l’avocat général au point 57 de ses conclusions, admettre que la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur puisse être protégée par le droit d’auteur reviendrait à offrir la possibilité de monopoliser les idées, au détriment du progrès technique et du développement industriel. |
41 |
Par ailleurs, le point 3.7 de l’exposé des motifs de la proposition de directive 91/250 [COM (88) 816] indique que la protection des programmes d’ordinateur par le droit d’auteur a pour avantage principal de couvrir uniquement l’expression individuelle de l’œuvre et de laisser ainsi la latitude voulue à d’autres auteurs pour créer des programmes similaires ou même identiques, pourvu qu’ils s’abstiennent de copier. |
42 |
Quant au langage de programmation et au format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour interpréter et exécuter des programmes d’application écrits par les utilisateurs ainsi que pour lire et écrire des données dans un format de fichiers de données spécifique, il s’agit des éléments de ce programme au moyen desquels les utilisateurs exploitent certaines fonctions dudit programme. |
43 |
Il importe de préciser dans ce contexte que, si un tiers se procurait la partie du code source ou du code objet relative au langage de programmation ou au format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur et qu’il créait, à l’aide de ce code, des éléments similaires dans son propre programme d’ordinateur, ce comportement serait susceptible de constituer une reproduction partielle, au sens de l’article 4, sous a), de la directive 91/250. |
44 |
Or, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, WPL n’a pas eu accès au code source du programme de SAS Institute et n’a pas réalisé de décompilation du code objet de ce programme. Grâce à l’observation, à l’étude et au test du comportement du programme de SAS Institute, WPL a reproduit la fonctionnalité de celui-ci en utilisant le même langage de programmation et le même format de fichiers de données. |
45 |
Il y a lieu, en outre, de relever que le constat fait au point 39 du présent arrêt ne saurait affecter la possibilité, pour le langage SAS et le format de fichiers de données de SAS Institute, de bénéficier, en tant qu’œuvres, de la protection par le droit d’auteur, en vertu de la directive 2001/29, s’ils sont une création intellectuelle propre à leur auteur (voir arrêt Bezpečnostní softwarowá asociace, précité, points 44 à 46). |
46 |
Il convient donc de répondre aux première à cinquième questions que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/250 doit être interprété en ce sens que ni la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent une forme d’expression de ce programme et ne sont, à ce titre, protégés par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur au sens de cette directive. |
Sur les sixième et septième questions
47 |
Par ces questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 3, de la directive 91/250 doit être interprété en ce sens que la personne ayant obtenu une copie sous licence d’un programme d’ordinateur peut, sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur sur ce programme, observer, étudier ou tester le fonctionnement de celui-ci afin de déterminer les idées et les principes qui sont à la base de n’importe quel élément dudit programme, lorsqu’elle effectue des opérations couvertes par cette licence, dans un but dépassant le cadre défini par celle-ci. |
48 |
Dans l’affaire au principal, il ressort de la décision de renvoi que WPL a légalement acheté des copies de la version d’apprentissage du programme de SAS Institute, qui étaient fournies sous licence «par click» en vertu de laquelle l’acquéreur acceptait les termes de cette licence avant de pouvoir accéder au logiciel. Les termes de ladite licence restreignaient celle-ci à des fins de non-production. Selon la juridiction de renvoi, WPL a utilisé les différentes copies de la version d’apprentissage du programme de SAS Institute afin d’effectuer des opérations sortant du champ de la licence en question. |
49 |
Par conséquent, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si la finalité de l’étude ou de l’observation du fonctionnement d’un programme d’ordinateur a une incidence sur la possibilité, pour la personne ayant obtenu la licence, d’invoquer l’exception de l’article 5, paragraphe 3, de la directive 91/250. |
50 |
À la lecture des termes de cette disposition il y a lieu de relever, d’une part, que le licencié a le droit d’observer, d’étudier ou de tester le fonctionnement d’un programme d’ordinateur afin de déterminer les idées et les principes qui sont à la base de n’importe quel élément du programme. |
51 |
À cet égard, l’article 5, paragraphe 3, de la directive 91/250 vise à assurer que les idées et les principes à la base de tout élément d’un programme d’ordinateur ne soient pas protégés par le titulaire du droit d’auteur au moyen d’un contrat de licence. |
52 |
Cette disposition s’aligne donc sur le principe de base énoncé à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/250 selon lequel la protection prévue par celle-ci s’applique à toute forme d’expression d’un programme d’ordinateur et que les idées et les principes qui sont à la base de quelque élément que ce soit d’un programme d’ordinateur ne sont pas protégés par le droit d’auteur en vertu de cette directive. |
53 |
L’article 9, paragraphe 1, de la directive 91/250 ajoute, par ailleurs, que toute disposition contractuelle contraire aux exceptions prévues à l’article 5, paragraphes 2 et 3, de cette directive sera nulle et non avenue. |
54 |
D’autre part, en vertu dudit article 5, paragraphe 3, le licencié peut déterminer les idées et les principes qui sont à la base de n’importe quel élément du programme d’ordinateur lorsqu’il effectue toute opération de chargement, d’affichage, de passage, de transmission ou de stockage de ce programme qu’il est en droit d’effectuer. |
55 |
Il s’ensuit que la détermination de ces idées et de ces principes peut être réalisée dans le cadre des opérations autorisées par la licence. |
56 |
En outre, le dix-huitième considérant de la directive 91/250 explique qu’une personne jouissant du droit d’utiliser un programme d’ordinateur ne peut être empêchée d’accomplir les actes nécessaires pour observer, étudier ou tester le fonctionnement de ce programme, à condition que ces actes ne portent pas atteinte aux droits de l’auteur dudit programme. |
57 |
Il s’agit, à cet égard, ainsi que l’indique M. l’avocat général au point 95 de ses conclusions, des actes visés à l’article 4, sous a) et b), de la directive 91/250, qui définit les droits exclusifs du titulaire de faire et d’autoriser, ainsi que de l’article 5, paragraphe 1, de celle-ci, relatif aux actes nécessaires pour permettre à l’acquéreur légitime d’utiliser le programme d’ordinateur d’une manière conforme à sa destination, y compris pour corriger des erreurs. |
58 |
En effet, à ce dernier égard, le dix-septième considérant de la directive 91/250 précise que les opérations de chargement et de déroulement nécessaires à cette utilisation ne peuvent pas être interdites par contrat. |
59 |
Par conséquent, le titulaire du droit d’auteur sur un programme d’ordinateur ne peut empêcher, en invoquant le contrat de licence, que la personne ayant obtenu cette licence détermine les idées et les principes à la base de tous les éléments de ce programme lorsqu’elle réalise les opérations que ladite licence lui permet d’accomplir ainsi que les opérations de chargement et de déroulement nécessaires à l’utilisation du programme d’ordinateur et à condition qu’elle ne porte pas atteinte aux droits exclusifs de ce titulaire sur ce programme. |
60 |
S’agissant de cette dernière condition, l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 91/250 relatif à la décompilation précise, en effet, que celle-ci ne saurait justifier que les informations obtenues en vertu de son application soient utilisées pour la mise au point, la production ou la commercialisation d’un programme d’ordinateur dont l’expression est fondamentalement similaire ou pour tout autre acte portant atteinte au droit d’auteur. |
61 |
Il importe ainsi de relever qu’il ne saurait être porté atteinte au droit d’auteur du programme d’ordinateur lorsque, comme en l’espèce, l’acquéreur légitime de la licence n’a pas eu accès au code source du programme d’ordinateur sur lequel porte cette licence, mais s’est limité à étudier, à observer et à tester ce programme afin de reproduire sa fonctionnalité dans un second programme. |
62 |
Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux sixième et septième questions que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 91/250 doit être interprété en ce sens que la personne ayant obtenu une copie sous licence d’un programme d’ordinateur peut, sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, observer, étudier ou tester le fonctionnement de ce programme afin de déterminer les idées et les principes qui sont à la base de n’importe quel élément dudit programme, lorsqu’elle effectue des opérations couvertes par cette licence ainsi que des opérations de chargement et de déroulement nécessaires à l’utilisation du programme d’ordinateur et à condition qu’elle ne porte pas atteinte aux droits exclusifs du titulaire du droit d’auteur sur ce programme. |
Sur les huitième et neuvième questions
63 |
Par ces questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous a), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que la reproduction, dans un programme d’ordinateur ou dans un manuel d’utilisation de ce programme, de certains éléments décrits dans le manuel d’utilisation d’un autre programme d’ordinateur protégé par le droit d’auteur constitue une violation de ce droit sur ce dernier manuel. |
64 |
Il ressort de la décision de renvoi que le manuel d’utilisation du programme d’ordinateur de SAS Institute est une œuvre littéraire protégée au sens de la directive 2001/29. |
65 |
La Cour a déjà jugé que les différentes parties d’une œuvre bénéficient d’une protection au titre de l’article 2, sous a), de la directive 2001/29 à condition qu’elles contiennent certains des éléments qui sont l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur de cette œuvre (arrêt du 16 juillet 2009, Infopaq International, C-5/08, Rec. p. I-6569, point 39). |
66 |
En l’espèce, les mots-clés, la syntaxe, les commandes et les combinaisons de commandes, les options, les valeurs par défaut ainsi que les itérations sont composés de mots, de chiffres ou de concepts mathématiques qui, considérés isolément, ne sont pas, en tant que tels, une création intellectuelle de l’auteur du programme d’ordinateur. |
67 |
Ce n’est qu’à travers le choix, la disposition et la combinaison de ces mots, de ces chiffres ou de ces concepts mathématiques qu’il est permis à l’auteur d’exprimer son esprit créateur de manière originale et d’aboutir à un résultat, le manuel d’utilisation du programme d’ordinateur constituant une création intellectuelle (voir, en ce sens, arrêt Infopaq International, précité, point 45). |
68 |
Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la reproduction desdits éléments constitue la reproduction de l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur du manuel d’utilisation du programme d’ordinateur en cause dans l’affaire au principal. |
69 |
À cet égard, l’examen, au regard de la directive 2001/29, de la reproduction de ces éléments du manuel d’utilisation d’un programme d’ordinateur doit être le même, qu’il s’agisse de la création d’un second programme ou du manuel d’utilisation de ce dernier programme. |
70 |
Par conséquent, eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux huitième et neuvième questions que l’article 2, sous a), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que la reproduction, dans un programme d’ordinateur ou dans un manuel d’utilisation de ce programme, de certains éléments décrits dans le manuel d’utilisation d’un autre programme d’ordinateur protégé par le droit d’auteur est susceptible de constituer une violation du droit d’auteur sur ce dernier manuel si, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, cette reproduction constitue l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur du manuel d’utilisation du programme d’ordinateur protégé par le droit d’auteur. |
Sur les dépens
71 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit: |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.