COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 23.3.2022
COM(2022) 133 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Préserver la sécurité alimentaire et renforcer les systèmes alimentaires
1.Introduction
L’invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie a déstabilisé plus encore des marchés agricoles déjà fragiles. La pandémie de COVID-19 et le changement climatique mettent sous pression l’agriculture dans le monde entier. Le dernier rapport du GIEC indique comment les menaces pour la sécurité alimentaire et la nutrition résultant des sécheresses, des inondations et des vagues de chaleur ainsi que de l’élévation du niveau des mers sont déjà en train de se matérialiser et devraient prendre de l’ampleur en raison du réchauffement climatique, dont les effets se font particulièrement sentir dans les régions vulnérables.
Avant l’invasion déjà, les marchés des matières premières connaissaient une hausse des prix considérable, qui s’est traduite sur les marchés agricoles par une augmentation des coûts de l’énergie et des engrais et a provoqué une montée des prix agricoles. Les prix des denrées alimentaires dans l’Union européenne ont augmenté de 5,6 % par rapport à février dernier.
L’approvisionnement alimentaire n’est pas en danger dans l’UE aujourd’hui. L’Union est largement autosuffisante en ce qui concerne les principaux produits agricoles, étant l’un des principaux exportateurs de blé et d’orge et capable de pourvoir en grande partie à sa consommation d’autres cultures de base telles que le maïs ou le sucre. L’Union est également largement autosuffisante en produits animaux, qui incluent la viande et les produits laitiers, à l’exception notable des produits de la mer.
Toutefois, l’invasion de l’Ukraine et l’envolée mondiale des prix des matières premières tirent vers le haut les prix sur les marchés des produits agricoles et des produits de la mer et exposent les vulnérabilités de notre système alimentaire, à savoir notre dépendance à l’égard des importations, par exemple d’énergie, d’engrais et d’aliments pour animaux. Cette hausse fait grimper les coûts pour les producteurs et influe sur le prix des denrées alimentaires, soulevant des inquiétudes concernant le pouvoir d’achat des consommateurs et les revenus des producteurs.
La perturbation des échanges suscite également de vives inquiétudes en matière de sécurité alimentaire au niveau mondial, en raison des effets à court terme de la guerre et des incertitudes à plus long terme qui l’accompagnent. On observe des pénuries alimentaires dramatiques dans les villes ukrainiennes assiégées. D’importants flux commerciaux de céréales et d’oléagineux depuis la mer Noire ont pratiquement cessé.
La guerre en Ukraine a radicalement modifié les attentes sur les marchés, ce qui a une influence sur les prix de tous les produits de base, y compris les matières premières agricoles. Le marché mondial du blé est celui qui concentre les principales préoccupations en matière de sécurité alimentaire. Les prix sur les marchés à terme du blé ont augmenté de 70 % depuis l’invasion. La production mondiale de blé est menacée à la fois par le choc de l’offre lié à la taille de la part de l’Ukraine et de la Russie sur les marchés du blé et par le choc du coût des intrants, en particulier le gaz naturel, les engrais azotés et l’oxygène. Il faudrait remplacer jusqu’à 25 millions de tonnes pour répondre aux besoins alimentaires mondiaux lors de la saison en cours et de la prochaine.
Il est plus que jamais temps de faire preuve de solidarité. La présente communication expose la réponse de la Commission à l’invitation du Conseil européen, dans sa déclaration de Versailles des 10 et 11 mars 2022, de présenter des options visant à remédier à la hausse des prix des denrées alimentaires et à répondre à la question de la sécurité alimentaire mondiale. Elle se fonde sur une évaluation de la situation (annexe 1) et s’appuie sur la vision de la Commission d’un système alimentaire juste, sain et respectueux de l’environnement telle qu’elle est définie dans le pacte vert pour l’Europe et dans la stratégie «De la ferme à la table». Elle énonce des mesures à court terme pour soutenir la sécurité alimentaire et l’agriculture en Ukraine, la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale, ainsi que les producteurs et les consommateurs dans l’Union. Elle appelle également à remédier aux lacunes révélées par la crise en cours, de manière à favoriser la transition vers des systèmes alimentaires durables, résilients et équitables dans l’Union et dans le monde.
2.Sécurité alimentaire mondiale
L’invasion russe en Ukraine risque d’avoir de graves conséquences sur la sécurité alimentaire mondiale, non seulement en Ukraine mais aussi dans de nombreux pays en déficit alimentaire en Afrique (notamment en Afrique subsaharienne), au Moyen-Orient et dans les Balkans occidentaux. Ceci, combiné avec la hausse des prix des denrées alimentaires, entraînera probablement un accroissement de la pauvreté et de l’instabilité dans ces pays.
La sécurité alimentaire dans l’Ukraine en guerre est extrêmement préoccupante, notamment parce que la Russie semble délibérément cibler et détruire les stocks alimentaires et les lieux de stockage. L’appel des Nations unies estime que jusqu’à 18 millions de personnes seront touchées en Ukraine, dont 6,7 millions de personnes qui seront nouvellement déplacées. Face aux pénuries alimentaires dans les villes et eu égard aux millions de réfugiés et de personnes déplacées dans le pays, il est urgent d’apporter une aide alimentaire à l’Ukraine. Les acteurs humanitaires tels que le Programme alimentaire mondial (PAM) fournissent une assistance alimentaire et intensifient leurs activités. L’Union apporte son aide par l’intermédiaire de ses mécanismes humanitaires et de protection civile. Déjà opérationnelle, l’aide humanitaire de l’Union s’élève à 93 millions d’euros en faveur de l’Ukraine et de la Moldavie et comprend une assistance alimentaire et un soutien en matière de besoins fondamentaux.
La récolte 2022 en Ukraine, connue pour être le «grenier à blé» de l’Europe, sera fortement touchée par la guerre et les turbulences générales. Les agriculteurs ukrainiens ont besoin de semences, de gazole, d’engrais et de produits phytopharmaceutiques pour garantir la production. La Commission aide l’Ukraine à élaborer et mettre en œuvre une stratégie de sécurité alimentaire à court et à moyen terme afin de veiller à ce que les intrants parviennent aux exploitations dans la mesure du possible et à ce que les installations de transport et de stockage soient préservées pour permettre à l’Ukraine de nourrir ses citoyens et, en fin de compte, de rétablir ses marchés d’exportation. La Commission collabore avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur le terrain dans l’ouest de l’Ukraine afin de soutenir les petites exploitations et de sécuriser la production agricole. De plus, à la demande des autorités agricoles ukrainiennes, la Commission veillera à ce que l’accès aux marchés de l’Union soit préservé et facilité de manière flexible, à la fois pour les importations vers les marchés ukrainiens et pour les exportations en provenance de ces marchés. Le gouvernement ukrainien prévoit de financer les intérêts des prêts accordés aux agriculteurs au titre d’un programme d’un montant de 25 milliards de hryvnias (760 millions d’euros), dans le cadre d’une série de nouvelles mesures visant à atténuer le choc économique de la guerre. Enfin, et surtout, les organisations agricoles de l’Union apportent une aide et un soutien aux agriculteurs ukrainiens.
La guerre a des effets directs sur l’approvisionnement alimentaire au niveau mondial (notamment en blé, maïs, orge et huile de tournesol) et sur les prix des engrais, ainsi que sur les prix de l’énergie. Les hausses de prix actuelles aggravent une situation socio-économique déjà difficile en raison de la COVID-19, d’épisodes de sécheresses et d’autres conflits. En septembre 2021, plus de 161 millions de personnes dans 42 pays étaient en situation d’insécurité alimentaire aiguë. Presque une personne sur trois dans le monde n’a pas accès à une alimentation adéquate et le coût d’une alimentation saine est tel qu’elle est hors de portée pour environ 3 milliards de personnes. Ces chiffres risquent d’augmenter encore, ce qui entraverait davantage la réalisation des objectifs de développement durable fixés pour 2030. Selon l’analyse initiale de la FAO, le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde devrait augmenter de 7,6 millions de personnes (scénario de choc modéré) à 13,1 millions de personnes (scénario de choc grave).
Pour de nombreux pays à revenu faible et même pour des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, cette situation signifie une facture des importations (alimentaires) plus élevée, à un moment où la dette a augmenté et où les taux de change sont sous pression. Les pays qui importent une grande partie de leurs denrées alimentaires, et notamment de l’important produit de base qu’est le blé, depuis la Russie et l’Ukraine (par exemple, des pays d’Afrique, du Moyen-Orient et des Balkans occidentaux) sont durement touchés et pourraient connaître une montée des tensions conduisant à des troubles sociaux, à une radicalisation et à l’instabilité. Les pays qui dépendent de l’importation d’engrais pour une part importante de leur production agricole, dont certains dépendent également des importations de blé, vont subir une flambée des prix qui pourrait entraîner un cercle vicieux intenable, menaçant gravement la production alimentaire pour plusieurs années.
Tant les coûts que les besoins humanitaires devraient augmenter et exercer une pression supplémentaire sur l’aide humanitaire. À titre d’illustration, le PAM estime que ses coûts opérationnels augmenteront de 26,1 millions d’euros par mois par rapport aux niveaux actuels, en raison de l’effet combiné de la hausse des prix des denrées alimentaires et de celle des prix des carburants. Par comparaison avec les niveaux d’avant la pandémie, ces coûts supplémentaires s’élèvent à 63,8 millions d’euros par mois.
L’Union, qui est un acteur majeur dans le domaine de l’aide humanitaire et du développement en ce qui concerne la sécurité alimentaire et nutritionnelle, fournit un soutien financier et politique substantiel. Depuis 2015, l’Union a dépensé un minimum de 350 millions d’euros par an en assistance alimentaire humanitaire. Parallèlement, au cours de la période 2014-2020, l’Union a engagé plus de 10 milliards d’euros dans le cadre de la coopération au développement pour améliorer la sécurité alimentaire des plus pauvres et des plus vulnérables, contribuer à éradiquer la faim et mieux lutter contre toutes les formes de malnutrition. Pour la période 2021-2024, l’Union s’engage à verser au moins 2,5 milliards d’euros (1,4 milliard d’euros pour le développement et 1,1 milliard d’euros pour l’aide humanitaire) en faveur de la coopération internationale dans le cadre d’un objectif nutritionnel. Durant le programme de coopération internationale 2021-2027, l’Union soutiendra les systèmes alimentaires d’environ 70 pays partenaires.
La hausse asymétrique des prix à terme depuis l’invasion russe en Ukraine montre que le marché du blé est celui qui concentre les principales préoccupations en matière de sécurité alimentaire mondiale. Il est fondamental d’un point de vue géostratégique que l’Union contribue à combler l’écart de production afin de compenser la pénurie mondiale de blé attendue. L’Union n’est pas seulement un important exportateur net de blé. C’est aussi elle qui affiche les rendements les plus élevés au niveau mondial. Depuis l’été dernier, l’Union a exporté 19 millions de tonnes de blé, et 13 millions de tonnes supplémentaires devraient suivre jusqu’à la fin du mois de juin. Ce chiffre pourrait légèrement augmenter en réponse aux prix élevés qui encouragent les ventes à l’exportation. Les perspectives pour la récolte de blé d’hiver 2022 dans l’Union sont bonnes étant donné que les superficies ont augmenté de 1 % par rapport à l’année dernière et que les cultures n’ont pas souffert de conditions météorologiques défavorables pendant l’hiver dans les principaux États membres producteurs.
Sur le court terme, la Commission assure un suivi des prix des denrées alimentaires et une analyse régulière de l’insécurité alimentaire, à coordonner avec d’autres acteurs mondiaux et comprenant, si possible, un bilan des stocks aux niveaux national et régional, en s’appuyant sur le système d’information sur les marchés agricoles (AMIS). Elle surveille les besoins en produits de base dont le niveau des stocks mondiaux est faible, afin de fournir les signaux du marché adéquats pour stimuler la production en recourant à des pratiques durables. L’aide humanitaire devrait être renforcée en faveur des pays en déficit alimentaire ainsi que des pays touchés par des conflits en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique subsaharienne. Cette aide devrait, le cas échéant, reposer sur une approche associant l’aide humanitaire, le développement et la paix et étendre les travaux du réseau mondial contre les crises alimentaires aux niveaux national et local. En outre, lors du premier Forum humanitaire européen (21-23 mars 2022), un appel à l’action a été lancé en vue de travailler ensemble, sous la bannière de l’Équipe Europe, pour faire face à la crise humanitaire qui se pose en termes de sécurité alimentaire mondiale. En se mobilisant dans le cadre d’une action collective, l’Union européenne et ses États membres peuvent accroître l’aide humanitaire en faveur de l’aide d’urgence et de la réhabilitation.
Le programme d’aide d’urgence proposé par l’UE en faveur de l’Ukraine (330 millions d’euros) doit contribuer à soulager les souffrances de la population ukrainienne causées par l’invasion russe en garantissant l’accès aux biens et services de base ainsi qu’à une protection. Ce programme contribuera également à renforcer la résilience du pays face aux menaces hybrides en augmentant les capacités du gouvernement, des acteurs économiques, des médias et de la société civile à résister aux effets de la crise et à contribuer à la reprise du pays. L’accent sera également mis sur la reconstruction et la planification stratégique de l’infrastructure civile à petite échelle et sur la sécurité énergétique.
À cela peuvent s'ajouter un soutien macroéconomique, si les conditions d’admissibilité sont réunies, pour des mesures d’atténuation destinées à soutenir les groupes les plus touchés par la hausse des prix (des denrées alimentaires), et la mise au point de mécanismes de protection sociale. L’Union peut également continuer à intégrer l’allègement de la dette dans un dialogue politique plus large et dans le cadre d’actions et de stratégies de financement, afin de soutenir la relance verte. Des mécanismes d’anticipation devraient être mis en place afin de prévenir les chocs futurs avant leur survenue et de réduire leur impact lorsqu’ils surviennent, plutôt que de réagir à leurs conséquences.
De plus, l’Union continuera à plaider vivement, y compris dans les enceintes internationales, en vue d’éviter les restrictions à l’exportation et les interdictions d'exporter de denrées alimentaires étant donné que les résultats obtenus en la matière sont désastreux, comme l’a amplement démontré la crise de 2007-2008 dans différentes régions du globe. Une coordination avec l’OMC sera essentielle. Pour gagner en résilience, les pays importateurs sont encouragés à assurer une meilleure diversification de leurs sources d’approvisionnement alimentaire. Le bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement et de la logistique est par ailleurs essentiel à la sécurité alimentaire mondiale.
À moyen terme, l’Union continuera à soutenir les pays dans leur transition vers des systèmes alimentaires agricoles et aquatiques résilients et durables. Ce soutien sera notamment d’ordre analytique et politique et mis au point dans le cadre du suivi du sommet sur les systèmes alimentaires de 2021 et du sommet sur la nutrition pour la croissance. Dans ce contexte, l’Union augmentera sa coopération internationale en matière de recherche et innovation dans le domaine alimentaire. Elle jouera notamment un rôle de premier plan au sein du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI), en mettant l’accent sur l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à celui-ci et sur la protection et la gestion durable des ressources naturelles, grâce à des approches telles que l’agroécologie, la gestion du paysage et l’agroforesterie, la diversification des flux commerciaux et des systèmes de production, et la réduction des pertes et du gaspillage alimentaires. En outre, l’Union renforcera sa coopération internationale en matière de nutrition et de régimes alimentaires sains, y compris au moyen de l’aide humanitaire, et en matière de chaînes de valeur résilientes et inclusives. En ce qui concerne l’Afrique, le programme d'action de l’Union africaine et de l’UE pour la transformation rurale arrêté en 2019 constitue une base pour une coopération renforcée.
L’Union est prête à recenser, avec les organisations internationales et dans le cadre du processus en cours du G7, les demandes des pays importateurs nets de denrées alimentaires et à répondre, le cas échéant, par un soutien ciblé et aligné sur les programmes nationaux [aligné par exemple sur les feuilles de route nationales établies dans le cadre du sommet sur les systèmes alimentaires et sur les plans du programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (PDDAA)].
L’Union mobilise activement la communauté internationale pour intensifier d’urgence l’action multilatérale au-delà de l’aide humanitaire. Cela inclut de veiller à ce que les organes des Nations unies dont le mandat couvre la sécurité alimentaire aient la possibilité de prendre les mesures nécessaires. À titre d’illustration, la sécurité alimentaire est au cœur du mandat de la FAO. Elle a un rôle essentiel à jouer dans l’analyse des conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur les systèmes alimentaires internationaux afin d’y faire face et dans la prévention de toute nouvelle détérioration, l’accent étant mis en particulier sur la protection des plus vulnérables. L’Union s’efforce également de faire en sorte que la sécurité alimentaire soit intégrée dans les efforts déployés par l’ensemble du système des Nations unies, y compris le Conseil de sécurité des Nations unies et l’Assemblée générale, afin de réaffirmer la paix et la sécurité internationales.
La Commission propose les actions suivantes et encourage les États membres à:
·faire preuve de solidarité avec l’Ukraine en apportant une aide alimentaire, une aide humanitaire et un soutien à ses secteurs de l'agriculture et de la pêche, en étroite coopération avec les partenaires internationaux;
·continuer à intégrer l’allègement de la dette dans un dialogue politique plus large et dans le cadre d’actions et de stratégies de financement, afin de soutenir la relance verte;
·assurer un suivi des prix des denrées alimentaires et une analyse régulière de l’insécurité alimentaire, à coordonner avec d’autres acteurs mondiaux et comprenant un bilan des stocks aux niveaux national et régional, et mettre des stocks à la disposition des pays qui en ont besoin;
·continuer de soutenir les pays dans leur transition vers des systèmes alimentaires agricoles et aquatiques résilients et durables;
·accroître l’aide humanitaire destinée aux régions et aux groupes de population les plus touchés par l’insécurité alimentaire;
·envisager un soutien macroéconomique aux pays en développement à faible revenu souffrant d’un déficit alimentaire, lorsque les conditions d’admissibilité sont réunies, pour des mesures d’atténuation destinées à soutenir les groupes les plus touchés par la hausse des prix (des denrées alimentaires);
·plaider, notamment dans les enceintes internationales, contre les restrictions à l’exportation et les interdictions d’exporter des denrées alimentaires et en faveur d’un marché unique qui fonctionne bien.
3.Sécurité alimentaire dans l’Union
3.1.Disponibilité et coût abordable des denrées alimentaires
La disponibilité des denrées alimentaires n’est pas en danger dans l’Union européenne. En revanche, le coût abordable de ces dernières est en jeu pour les personnes à faible revenu.
L’Union est largement autosuffisante en ce qui concerne de nombreux produits agricoles; elle est aussi un exportateur net de blé. Elle est toutefois un importateur net majeur de produits spécifiques, qu’il peut être difficile de remplacer (rapidement), comme les protéines fourragères, l’huile de tournesol ou les produits de la mer. Il n’y a pas de risque de pénurie généralisée pour les consommateurs. Bien que la stabilité de l’approvisionnement alimentaire dans l’Union ne soit pas compromise, ces vulnérabilités, conjuguées à la hausse des coûts des intrants dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, font encore grimper les prix des denrées alimentaires. Si les coûts de production sensiblement plus élevés au niveau des exploitations ne sont pas compensés par une hausse des prix, des incertitudes quant à l’approvisionnement pourraient voir le jour.
Dans ce contexte, la Commission a récemment mis en place un nouveau mécanisme européen de préparation et de réaction aux crises de sécurité alimentaire, qui vise à améliorer les efforts de coordination déployés par les administrations européennes et nationales, ainsi que par les pays tiers et parties prenantes privées concernés, afin de garantir l’approvisionnement et la sécurité alimentaires en période de crise. Dans le cadre de ce mécanisme, dont les activités ont débuté le 9 mars 2022, il sera procédé à un recensement détaillé des risques et des vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement alimentaire de l’Union, puis à la présentation de recommandations et de mesures d’atténuation appropriées.
La sécurité alimentaire et la sécurité des denrées alimentaires reposent sur le bon fonctionnement du marché unique, y compris dans le contexte de la crise actuelle. Nos chaînes d’approvisionnement sont interdépendantes: toute restriction injustifiée au marché unique peut avoir des conséquences imprévues, susceptibles de compromettre notre approvisionnement en denrées alimentaires sûres. La Commission s’oppose fermement aux mesures prises par les États membres consistant à empêcher les exportations afin de protéger l’approvisionnement alimentaire national. De telles mesures de distorsion commerciale sont a priori incompatibles avec le marché unique et finiront par avoir des incidences négatives sur la sécurité alimentaire. Il est important que les États membres coordonnent les mesures prises afin d’améliorer les flux commerciaux et d’acheminer les produits de base et les denrées alimentaires là où le besoin en est le plus impérieux. La mise en place de l’instrument du marché unique pour les situations d’urgence renforcera encore les capacités de préparation et de coordination de l’Union et réduira les risques de restrictions injustifiées. La Commission et les États membres procèdent actuellement au filtrage des investissements directs étrangers (IDE) dans le cadre du règlement (UE) 2019/452, en vertu duquel ils peuvent prendre en considération l’effet potentiel des IDE sur l’approvisionnement en intrants essentiels ainsi que sur la sécurité alimentaire. Les nouveaux cas feront l’objet d’une évaluation approfondie compte tenu de leur incidence éventuelle sur l’approvisionnement en denrées alimentaires et sur les prix de ces dernières.
Il convient d’accorder une attention particulière aux plus vulnérables, notamment aux réfugiés ukrainiens ainsi qu’aux personnes à faible revenu qui subissent déjà les conséquences des prix élevés de l’énergie et qui pâtissent encore du choc socio-économique provoqué par la pandémie de COVID-19. Des études ont montré qu’à la suite de la hausse des prix des denrées alimentaires en 2008, les ménages ont acheté en moyenne moins de fruits et de légumes et se sont tournés vers des aliments moins chers, généralement riches en calories et pauvres en nutriments (c’est-à-dire qui manquent de vitamines, de minéraux et de fibres indispensables à la santé).
Dans un contexte de hausse des prix des denrées alimentaires, les mesures de politique sociale sont importantes à la fois pour protéger les citoyens les plus vulnérables de l’insécurité alimentaire et pour faire en sorte que chacun ait les moyens d’acheter des aliments sains et nutritifs en suffisance, en particulier les groupes vulnérables tels que les familles avec enfants, les personnes âgées et les personnes à faible revenu. Ces mesures doivent s’inscrire dans une approche intégrée visant à cibler les causes profondes de la pauvreté et de l’exclusion sociale. En outre, la garantie européenne pour l’enfance fournit des orientations aux États membres aux fins de garantir aux enfants dans le besoin un accès effectif à une alimentation suffisante et saine, notamment à au moins un repas sain et gratuit chaque jour d’école.
Les États membres peuvent recourir à des fonds de l’Union, tels que le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), qui soutient les actions menées par les États membres de l’Union pour fournir de la nourriture et/ou apporter une assistance matérielle de base aux personnes les plus démunies et permet ainsi à plus de 15 millions de personnes de bénéficier d’une aide alimentaire. Les États membres peuvent compléter leurs ressources en faisant appel au soutien à la reprise en faveur de la cohésion et des territoires de l’Europe (REACT-EU) et exploiter au mieux les marges de manœuvre supplémentaires accordées à leurs programmes du FEAD au titre de l’action de cohésion pour les réfugiés en Europe (CARE), récemment proposée la Commission.
Pour atténuer l’incidence des prix élevés des denrées alimentaires sur les plus vulnérables, les États membres peuvent appliquer des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée et encourager les opérateurs économiques à faire baisser les prix pour les consommateurs. En décembre 2021, le Conseil a approuvé une réforme des taux de TVA au niveau de l’Union, qui permet aux États membres de réduire encore leurs taux, jusqu’à 0 %, pour certains biens et services répondant à des besoins fondamentaux, notamment les denrées alimentaires. Les États membres peuvent déjà faire usage de cette possibilité. De même, ils peuvent effectuer des transferts forfaitaires aux ménages, une solution efficiente et efficace pour assurer le coût abordable des denrées alimentaires.
3.2.Stabiliser les marchés agricoles de l’Union et soutenir les producteurs
La dynamique du marché influence les choix des producteurs. Afin d’alléger la pression exercée par les prix élevés, des ajustements à court terme pourraient permettre de réduire la demande de combustible ainsi que l’utilisation d’aliments pour animaux et d’accroître l’offre en encourageant les plantations de blé de printemps. Les agriculteurs adoptent de plus en plus des pratiques durables, lesquelles gagnent à être davantage encouragées.
La politique agricole commune (PAC) et la politique commune de la pêche (PCP) prévoient une série de mesures, dont un filet de sécurité en matière de prix et la possibilité de prendre des mesures exceptionnelles. Ces mesures peuvent être déployées pour garantir la stabilité des marchés et pour faire face à des situations exceptionnelles. Un soutien ciblé aux producteurs confrontés à une augmentation du coût des intrants est nécessaire, mais il ne devrait pas compromettre les objectifs à long terme d’un système alimentaire plus résilient et durable.
La Commission suit attentivement la situation actuelle grâce aux outils d’information sur le marché mis au point depuis 2008. Pour mieux surveiller le niveau des stocks dans ce contexte de prix élevés et d’incertitude apparente quant à l’approvisionnement, la Commission proposera aux États membres de communiquer des données mensuelles sur les stocks privés de produits de base essentiels à l’alimentation humaine et animale afin de pouvoir obtenir en temps utile une image précise de leur disponibilité.
Compte tenu de la situation exceptionnelle actuelle, la Commission a proposé une aide d’un montant de 500 millions d’euros, notamment en utilisant la réserve de crise, afin de soutenir les producteurs les plus touchés par les lourdes conséquences de la guerre en Ukraine. Sur cette base, les États membres pourraient apporter un soutien financier aux agriculteurs afin de contribuer à la sécurité alimentaire mondiale ou de remédier aux perturbations du marché dues à l’augmentation des coûts des intrants ou aux restrictions commerciales. Il convient de donner la priorité au soutien à destination des agriculteurs engagés dans des pratiques durables, tout en veillant à ce que les mesures ciblent les secteurs et les agriculteurs les plus durement touchés par la crise. Pour faire face à d’éventuels problèmes de trésorerie cet automne, la Commission autorisera les États membres à augmenter les avances versées aux agriculteurs sur les paiements directs et sur les mesures de développement rural liées aux surfaces et aux animaux à partir du 16 octobre 2022.
La réponse de l’Union en matière d’approvisionnement est limitée par la disponibilité de terres fertiles. Afin d’élargir la capacité de production de l’Union, la Commission a adopté aujourd’hui un acte d’exécution afin d’autoriser, à titre exceptionnel et temporaire, les États membres à déroger à certaines obligations en matière de verdissement. En particulier, ils peuvent autoriser la production de toute culture destinée à l’alimentation humaine et animale sur des terres mises en jachère qui constituent des surfaces d’intérêt écologique en 2022, sans incidence sur le niveau du paiement vert. Cette flexibilité temporaire permettra aux agriculteurs d’adapter et d’étendre leurs plans de culture cette année.
La Commission soutient les États membres dans le recours aux possibilités permettant de réduire la proportion de biocarburants mélangés, ce qui pourrait entraîner une réduction des terres agricoles de l’Union utilisées pour produire des matières premières destinées à la fabrication de biocarburants, allégeant ainsi la pression sur les marchés des produits de base destinés à l’alimentation humaine et animale.
En ce qui concerne les opérateurs du secteur de la pêche, la Commission envisage de mettre en œuvre le mécanisme de crise du Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (Feampa), conçu pour faire face à des événements exceptionnels entraînant une perturbation importante des marchés. Il permet aux États membres d’accorder des compensations destinées aux opérateurs pour leurs pertes de revenus et leurs pertes économiques, ainsi qu’aux organisations de producteurs et aux associations reconnues qui stockent des produits de la pêche.
Afin de permettre aux États membres de remédier aux graves perturbations de l’économie découlant de la guerre en Ukraine, la Commission a adopté, le 23 mars 2022, un nouveau cadre temporaire indépendant pour les crises. Ce cadre permet de venir en aide aux entreprises directement ou indirectement touchées par la crise, notamment les agriculteurs et les pêcheurs, sous la forme d’un soutien de trésorerie et d’une aide pour pallier l’augmentation des coûts du gaz et de l’électricité. Ce cadre permet de fournir une aide, y compris des subventions directes, aux producteurs qui subissent les conséquences de la crise (par exemple, ceux qui sont touchés par l’augmentation significative des coûts des intrants, en particulier les aliments pour animaux et les engrais), ainsi qu’une aide aux entreprises grandes consommatrices d’énergie (telles que les fabricants d’engrais et l’industrie de transformation).
À court terme, la disponibilité des aliments pour animaux est également préoccupante. Les éleveurs et les aquaculteurs recherchent déjà d’autres sources d’approvisionnement pour remplacer les quantités perdues en raison de la guerre. Certains États membres ont décidé de faire usage, à titre exceptionnel et temporaire, de la souplesse prévue par la législation de l’Union en ce qui concerne les importations, dans des cas dûment justifiés qui ne compromettent pas la sécurité alimentaire et la santé des consommateurs. La Commission surveille ces mesures nationales. Enfin, des mesures de marché du type «filet de sécurité» sont mises en place pour soutenir le marché de la viande de porc, compte tenu des difficultés spécifiques rencontrées par ce secteur.
Les prix élevés des engrais incitent à utiliser plus efficacement ces derniers et à innover en ayant recours à des solutions de remplacement plus durables qui contribuent à l’objectif de la stratégie «De la ferme à la table», à savoir réduire les pertes de nutriments de 50 % d’ici à 2030. L’agriculture biologique, par exemple, utilise des quantités limitées d’engrais minéraux et est donc moins exposée aux hausses de prix. Néanmoins, à court terme, le coût et la disponibilité des engrais minéraux doivent demeurer une priorité, dans l’attente de la transition vers le recours à des types d’engrais ou à des méthodes de fertilisation durables. L’industrie des engrais dans l’Union doit pouvoir bénéficier des importations nécessaires, notamment en gaz, pour produire des engrais au sein même de l’UE. Les prix des engrais et l’approvisionnement des agriculteurs feront l’objet d’un suivi afin de veiller à ce que les prévisions de récolte dans l’Union ne soient pas compromises.
4.Garantir la résilience du système alimentaire
4.1.Des systèmes alimentaires durables
S’il est important de prendre, à court terme, des mesures de soutien d’urgence, il est tout aussi important de recentrer, à long terme, le secteur alimentaire sur la durabilité et la résilience.
La durabilité alimentaire est fondamentale pour la sécurité alimentaire. Si la transition définie dans la stratégie «De la ferme à la table» et dans la stratégie en faveur de la biodiversité ne s’opère pas, la sécurité alimentaire sera gravement menacée à moyen et long terme et les conséquences à l’échelle mondiale seront irréversibles. La Commission s’efforce de veiller à ce que la productivité globale de l’agriculture de l’Union, de même que sa production de poissons et de produits de la mer, ne soient pas compromises dans la mise en œuvre de ces stratégies.
Particulièrement attentive aux interrelations existant entre notre santé, nos écosystèmes, nos chaînes d’approvisionnement, nos modes de consommation et nos limites planétaires, la Commission a exposé sa vision d’un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement dans le cadre de la stratégie «De la ferme à la table». Dans cette stratégie, la Commission a souligné l’importance de la résilience du système alimentaire de l’Union, afin de fournir aux citoyens des denrées alimentaires en suffisance à des prix abordables en toutes circonstances et d’opérer, de manière équitable et démocratique, une transition vers des systèmes alimentaires durables, conformément au socle européen des droits sociaux.
La crise actuelle met en lumière la dépendance du système alimentaire de l’Union à l’égard des intrants importés, tels que les combustibles fossiles, les engrais, les aliments pour animaux et les matières premières. Elle est la confirmation qu’il est nécessaire de réorienter fondamentalement l’agriculture et les systèmes alimentaires de l’Union vers la durabilité, conformément au pacte vert pour l’Europe et à la PAC réformée et avec l’aide des actions proposées dans la vision à long terme pour les zones rurales.
La transition vers une agriculture durable repose notamment sur une meilleure utilisation des intrants (nutriments, pesticides) et sur une réduction du recours à ces derniers, ainsi que sur l’agriculture biologique (qui dépend moins de ces intrants). L’arrêt des rejets inutiles en mer et la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée permettront d’amener les stocks halieutiques à des niveaux durables. La crise actuelle met également en évidence le coût de l’inaction, notamment l’urgence qu’il y a à relever les défis liés à la productivité agricole et aux conséquences environnementales du changement indirect dans l’utilisation des terres, y compris dans les pays tiers.
L’innovation reposant sur la recherche, la connaissance, la technologie, l’agroécologie et l’adoption de bonnes pratiques permet d’atténuer la pression sur les coûts des intrants sans pour autant nuire aux capacités de production, ce qui permet de faire progresser la productivité sur le long terme, afin de réaliser la transition écologique. Plus important encore, elle contribuera à un changement fondamental dans la société, qui passe par la réduction du gaspillage alimentaire, par la promotion de régimes alimentaires à base de végétaux et par l’établissement de partenariats avec les pays tiers pour le développement de systèmes alimentaires durables. En disposant de meilleures informations sur la durabilité des denrées alimentaires, les consommateurs pourront opérer un choix durable. La lutte contre les pertes et le gaspillage alimentaires réduit la pression sur les ressources naturelles limitées et génère des économies, tandis que la redistribution des excédents alimentaires vient en aide aux personnes dans le besoin.
Il convient de donner la priorité aux actions destinées à accroître les rendements de façon durable, au moyen d’une innovation tant technologique qu’agroécologique. La Commission proposera de nouvelles règles visant à faciliter la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives d’origine biologique. Elle examine également les possibilités d’établir de nouvelles règles concernant les nouvelles techniques génomiques, susceptibles d’être utilisées pour créer des variétés végétales moins sensibles à l’évolution des températures et aux menaces climatiques, plus résistantes aux organismes nuisibles et plus efficientes pour ce qui est de l’utilisation d’engrais. Pour préserver la fertilité des sols, la mission d’Horizon Europe «Un pacte pour des sols sains en Europe» vise à établir 100 «laboratoires vivants» et «phares» pour mener la transition vers des sols sains.
La crise dramatique que nous traversons en est la confirmation: nous devons accélérer la transition du système alimentaire vers la durabilité afin d’être mieux préparés aux crises futures. Dans le prolongement du sommet 2021 des Nations unies sur les systèmes alimentaires, la Commission se joindra à huit coalitions qui ont toutes pour finalité la transformation du système alimentaire, la résilience et la croissance durable de la productivité.
Les plans stratégiques relevant de la PAC pour la période 2023-2027 joueront un rôle essentiel pour soutenir la transition vers des pratiques agricoles durables et des systèmes de production résilients, notamment en combinant un cadre d’action davantage axé sur les résultats et un ensemble d’instruments et de mécanismes plus efficaces. Les prochaines observations de la Commission relatives aux projets de plans des États membres se concentreront sur ces éléments.
La Commission invite les États membres à veiller à une répartition plus équitable de l’aide au revenu afin de renforcer en particulier la résilience des petites et moyennes exploitations, exposées à la volatilité des marchés, qui peut constituer une menace pour la continuité des activités. La Commission encourage également les États membres à recourir davantage au Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) pour financer des outils de gestion des risques, afin d’aider les agriculteurs à faire face aux pertes de revenus et de profits et de soutenir le développement de circuits d’approvisionnement courts et d’autres types de diversification du revenu agricole. De même, elle accueille favorablement les plans visant à faciliter l’accès au crédit pour les agriculteurs, afin de leur permettre d’investir dans des méthodes de production durables, y compris, par exemple, la production et l’utilisation d’énergies renouvelables.
Dans ce contexte, la Commission attend également des États membres qu’ils définissent et mettent en œuvre le nouveau régime de conditionnalité de manière à accorder la plus grande importance aux objectifs climatiques et environnementaux, tout en réduisant au minimum son incidence potentielle à court terme sur la capacité de production. Par exemple, la détermination de la part minimale de terres arables aux fins de la biodiversité devrait plutôt être axée sur le maintien et la mise en place d’éléments non productifs, tels que les particularités topographiques (par exemple, les haies et les arbres), plutôt que sur la mise en jachère des terres (ce qui restreindrait le potentiel de production de l’Union).
Les États membres sont invités à réviser leurs plans stratégiques relevant de la PAC en s’efforçant d’aider les agriculteurs à adopter des pratiques qui optimisent l’efficience des engrais et, partant, réduisent le recours à ces derniers. Il est possible à cet effet de recourir à l’agriculture de précision, mais aussi à l’agriculture biologique et à l’agroécologie. Une meilleure utilisation des engrais, grâce à des conseils et des formations sur la gestion des nutriments, a également une forte incidence. Les États membres devraient exploiter pleinement les possibilités offertes par leur plan stratégique relevant de la PAC à cet égard. Ils devraient également optimiser et réduire le recours aux autres intrants, tels que les antibiotiques et les pesticides, et encourager la séquestration du CO2 dans les sols agricoles.
4.2.Renforcer la résilience en réduisant la dépendance à l’égard des combustibles fossiles et des intrants importés
Pour assurer la résilience du secteur alimentaire de l’Union, il est nécessaire de diversifier les sources d’importation et les débouchés grâce à une politique commerciale ambitieuse et solide, tant sur le plan multilatéral qu’au moyen d’accords commerciaux. La guerre en Ukraine et la réaction des marchés ont mis en évidence la nécessité de remédier à la dépendance énergétique et à la dépendance à l’égard des importations à forte intensité énergétique de l’agriculture et de la pêche européennes.
Il importe notamment de réduire la dépendance à l’égard des engrais minéraux produits à partir de combustibles fossiles. Les engrais azotés sont principalement produits à partir de gaz naturel (utilisé à la fois en tant que source d’énergie et en tant que réactif). Les investissements dans la bioéconomie circulaire favorisent le remplacement des produits, des matériaux et de l’énergie d’origine fossile, contribuant ainsi à la décarbonation de l’économie. La production d’engrais minéraux à l’aide de technologies propres constitue un terrain d’innovation important. La Commission encourage la transition vers l’ammoniac vert, par exemple pour les producteurs d’engrais, grâce au déploiement d’hydrogène propre, qui est prévu par la stratégie pour l’hydrogène de la Commission et soutenu par l’alliance pour un hydrogène propre et par des investissements à hauteur de 800 millions d’euros.
Le phosphate et la potasse sont des nutriments essentiels pour garantir de bons rendements dans les cultures arables de haute qualité. Il existe une forte dépendance à l’égard des importations de ces deux nutriments, étant donné que la plupart des réserves se trouvent dans des pays tiers, dont la Russie, la Chine, le Maroc et la Biélorussie. Les exportations russes et biélorusses de potasse constituent 40 % du commerce mondial. En raison des sanctions récemment adoptées, l’Union devra remplacer la part des importations que représentent ces deux pays, soit 60 % pour la potasse et 35 % pour le phosphate, par d’autres sources. L’accord de libre-échange déjà en place peut simplifier l’approvisionnement en intrants en provenance d’autres pays. La Commission suivra attentivement la situation afin d’anticiper d’éventuelles pénuries et prendra, si nécessaire, des mesures correctives temporaires pour faciliter cet approvisionnement.
Grâce à Horizon Europe, l’Union investira davantage dans la recherche et l’innovation afin de remplacer les engrais de synthèse utilisés et d’accélérer la transition vers des systèmes alimentaires durables, circulaires et économes en ressources dans l’Union. Dans le cadre de l’un des programmes de travail d’Horizon Europe pour la période 2021-2022, un budget substantiel de 268,5 millions d’euros sera alloué aux secteurs de l’économie circulaire et de la bioéconomie. En outre, le partenariat pour une Europe fondée sur la bioéconomie circulaire sera doté d’un budget pouvant aller jusqu’à 1 milliard d’euros pour une période de sept ans, au cours de laquelle la position des producteurs primaires sera renforcée. Ces éléments vont dans le sens des pistes prometteuses recensées dans la stratégie pour la bioéconomie, telles que le renforcement de l’utilisation durable de la biomasse, la récupération de nutriments précieux, y compris les phosphates
et les nutriments issus des effluents d’élevage, ainsi que la production de solutions biosourcées (notamment par l’utilisation de sous-produits, de résidus et de flux de déchets) afin de clore le cycle des nutriments tout en préservant la qualité de l’eau, de l’air et des sols. L’accès au marché intérieur des produits issus de l’économie circulaire sera facilité. La Commission continuera d’envisager de nouvelles mesures réglementaires sûres afin d’élargir les possibilités d’utilisation des nutriments provenant des effluents d’élevage. En outre, la Commission collaborera avec les États membres afin d’établir un plan d’action pour la gestion intégrée des nutriments qui visera à combattre la pollution par les nutriments à la source et à accroître la durabilité du secteur de l’élevage.
La consommation d’énergie dans l’agriculture et dans la production de produits de la mer diminue déjà dans les pays industrialisés grâce à des gains d’efficacité
. Des gains supplémentaires pourraient être réalisés grâce à une utilisation plus efficace de l’azote, à une valorisation de la biomasse et à une réduction du gaspillage alimentaire. Des activités de recherche et d’innovation ciblées viseront à améliorer encore l’efficience de l’épandage d’engrais au niveau des exploitations, notamment par le déploiement de techniques d’agriculture de précision. En outre, le financement de l’Union encourage la recherche sur des systèmes de production alimentaire durables, notamment la polyculture, l’agroécologie ou l’agriculture biologique. Les légumineuses, qui fixent l’azote et requièrent moins d’engrais azotés, jouent un rôle important dans ces systèmes de production et recevront une attention particulière. Une diminution de l’utilisation du gazole pour les tracteurs pourrait être obtenue grâce à une innovation réduisant le recours à des produits phytopharmaceutiques et au désherbage mécanique.
En outre, des stocks halieutiques gérés de façon durable, d’une part, et des navires de pêche plus économes en énergie, d’autre part, contribueront à réduire l’utilisation de combustibles fossiles dans la production de produits de la mer.
L’accélération de la production et de l’utilisation d’énergies renouvelables est une autre priorité à laquelle contribuent les plans stratégiques relevant de la PAC, le Feampa, ainsi que le financement de NextGenerationEU. Dans les exploitations agricoles, la production d’électricité par l’éolien, l’énergie solaire ou le biogaz permettra non seulement de renforcer la résilience de ces exploitations, mais également de contribuer à la sécurité et à la durabilité de l’approvisionnement énergétique européen. Dans cette crise, nous devons éviter que des cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale servent de plus en plus à la production de biocarburants. La Commission invite les États membres à renforcer les investissements dans le biogaz produit par des exploitations ou des coopératives agricoles à partir de sources de biomasse durables, en particulier les déchets et résidus provenant de l’agriculture et de l’aquaculture, de manière à ancrer la création de valeur dans l’économie rurale.
La réduction de la dépendance à l’égard des importations d’aliments pour animaux s’inscrit dans le cadre plus vaste de la transformation du système alimentaire de l’Union, notamment la transition vers des régimes alimentaires à base de végétaux et la mise en place d’un système alimentaire plus résilient et autonome. Dans sa déclaration de Versailles, le Conseil européen a appelé à accélérer la production de protéines végétales au sein de l’Union.
Au moins 19 États membres ont l’intention de recourir à la possibilité de fournir un «soutien couplé» en faveur des cultures de protéagineux dans leurs plans stratégiques relevant de la PAC pour la période 2023-2027. La Commission invite les États membres à faire également usage d’autres possibilités pour soutenir la production de protéines végétales, y compris des interventions sectorielles spécifiques, au titre de systèmes d’exploitation durables fondés sur des sources d’alimentation diversifiées. La Commission accordera une attention particulière aux cultures de protéagineux dans son rapport de synthèse sur les plans stratégiques relevant de la PAC des États membres et réexaminera les orientations définies dans son rapport de 2018 sur le développement des protéines végétales dans l’Union européenne.
La Commission entend:
Les États membres sont encouragés à:
·soutenir, par l’intermédiaire du FEAD, les actions menées par les États membres de l’Union pour fournir de la nourriture et/ou apporter une assistance matérielle de base aux personnes les plus démunies;
·mettre à disposition une aide d’un montant de 500 millions d’euros pour soutenir les agriculteurs les plus touchés;
·mettre en place des mesures de marché du type «filet de sécurité» pour soutenir des marchés spécifiques et autoriser l’augmentation des avances sur les paiements directs plus tard dans l’année;
·mettre en place un nouveau cadre temporaire indépendant pour les crises;
·autoriser les États membres à déroger à certaines obligations en matière de verdissement en 2022 afin de mettre en production des terres agricoles supplémentaires.
·utiliser les nouveaux plans stratégiques relevant de la PAC pour donner la priorité aux investissements qui réduisent la dépendance à l’égard du gaz, des combustibles et des intrants, tels que les pesticides et les engrais, notamment:
oles investissements dans la production durable de biogaz, réduisant ainsi la dépendance à l’égard du gaz russe,
oles investissements dans l’agriculture de précision, réduisant ainsi la dépendance à l’égard des engrais synthétiques et minéraux ainsi que des pesticides chimiques,
ole soutien à la séquestration du CO2 dans les sols agricoles, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre et assurant de meilleurs revenus aux agriculteurs,
ole soutien aux pratiques agroécologiques, réduisant ainsi la dépendance à l’égard des intrants chimiques et garantissant une sécurité alimentaire durable;
·garantir l’efficacité et la couverture des systèmes de protection sociale ainsi que l’accès aux services essentiels pour les personnes dans le besoin.
5.Conclusions
L’Ukraine, pays dont les sols sont parmi les plus fertiles d’Europe, se retrouve de nouveau confrontée à l’insécurité alimentaire en raison d’une guerre non provoquée sur le continent européen.
Dans sa déclaration de Versailles, le Conseil européen invite la Commission à prendre d’urgence des mesures pour présenter des options visant à remédier à la hausse des prix des denrées alimentaires et à répondre à la question de la sécurité alimentaire mondiale, et ce dès que possible. La présente communication décrit les mesures immédiates et en cours visant à soutenir la sécurité alimentaire des citoyens ukrainiens ainsi que la sécurité alimentaire dans les pays en déficit alimentaire. Elle porte sur le coût abordable des denrées alimentaires dans l’Union et sur les difficultés immédiates que rencontrent les agriculteurs confrontés aux coûts élevés des intrants. Elle rappelle l’engagement de la Commission en faveur du pacte vert pour l’Europe et de la stratégie «De la ferme à la table» et définit des mesures à moyen terme pour soutenir la transition vers un système alimentaire durable.
La Commission invite les États membres à se mobiliser activement et à mettre rapidement en œuvre les mesures nécessaires pour répondre aux problèmes urgents et aux vulnérabilités à long terme. Les États membres sont en mesure de mettre en place un grand nombre de ces mesures sans qu’il soit nécessaire d’adopter un autre cadre réglementaire au niveau de l’Union. En particulier, la Commission invite instamment les États membres à réviser leurs plans relevant de la PAC dans la mesure nécessaire pour garantir la résilience du système alimentaire.
Dans le même temps, la Commission redoublera d’efforts et intensifiera sa coopération avec les organisations internationales et d’autres acteurs clés afin de s’attaquer rapidement et efficacement aux conséquences de l’invasion russe en Ukraine sur la sécurité alimentaire mondiale.