COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 3.12.2020
COM(2020) 790 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
relative au plan d’action pour la démocratie européenne
«L’Union européenne n’est pas seulement question de partis et de politiques, de règles ou de réglementations, de marchés ou de monnaies. Ce dont il s’agit en fin de compte – et par-dessus tout –, c’est d’un peuple et de ses aspirations. Ce dont il est question, ce sont des citoyens qui luttent ensemble. Pour leur liberté, pour leurs valeurs, pour un avenir meilleur, tout simplement.»
Mme von der Leyen, présidente de la Commission, 27 novembre 2019
1INTRODUCTION
La démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux sont les fondements sur lesquels repose l’Union européenne. La démocratie est une valeur européenne essentielle, et un préalable à toute adhésion à l’UE. Les citoyens de l’Union considèrent le respect de l’UE pour la démocratie, les droits de l’homme et l’état de droit comme son principal atout.
La démocratie permet aux citoyens de façonner la législation et les politiques publiques au niveau européen, national, régional et local. Elle nécessite des garde-fous, un équilibre des pouvoirs et des institutions qui jouent leur rôle et veillent au respect des règles de pluralisme du débat démocratique. Pour que leur participation soit pertinente, les citoyens doivent aussi être en mesure de se forger leur propre opinion – ils devraient pouvoir faire des choix électoraux dans un espace public où la pluralité des points de vue peut s’exprimer librement et où des médias libres, le monde universitaire et la société civile peuvent jouer leur rôle en stimulant un débat ouvert, exempt d’ingérences malveillantes, qu’elles soient nationales ou venues de l’extérieur. La démocratie ne peut s’épanouir que dans un climat dans lequel la liberté d’information et la liberté d’expression sont toutes deux respectées, conformément à la charte des droits fondamentaux, ce qui permet à chacun d’exprimer son opinion, aussi critique soit-elle à l’égard des gouvernements et des dirigeants.
Dans le même temps, l’UE n’est pas uniquement concernée par la protection de la démocratie à intérieur de ses frontières; à mesure que la pression se fait plus forte, dans le monde, sur la démocratie, l’état de droit et les droits de l’homme, l’UE s’efforce activement de protéger, d’inspirer et de soutenir les démocraties à travers le monde. Les défis liés à l’exercice de la démocratie sont mondiaux et les démocraties du monde ont un intérêt commun à collaborer pour les relever. Au niveau de l’UE, cela requiert une approche cohérente entre les actions internes et externes. La manière dont nous entretenons et consolidons nos fondations démocratiques dans l’Union et dans les États membres a une incidence sur la force de notre action extérieure. Avec le présent plan d’action, la Commission propose une riposte axée sur les libertés et les droits individuels, la transparence et l’obligation de rendre compte, qui pourrait aussi fournir un exemple de la manière dont ces défis mondiaux pour la démocratie peuvent être relevés, ainsi qu’une base sur laquelle construire un partenariat avec des démocraties partageant nos valeurs.
La transformation numérique de nos démocraties
La révolution numérique a transformé la manière de faire de la politique en démocratie. De nos jours, les campagnes politiques ne se mènent plus uniquement sur les marchés, les panneaux d’affichage, les ondes radio ou les écrans de télévision, elles se déroulent également en ligne. Les acteurs politiques disposent ainsi de nouveaux moyens pour toucher les électeurs. Cela crée également de nouvelles possibilités d’engagement civique, en facilitant, pour certains groupes — en particulier les jeunes —, l’accès aux informations et la participation à la vie publique et au débat démocratique.
Toutefois, le développement rapide des campagnes et des plateformes en ligne a aussi donné naissance à de nouvelles vulnérabilités et a pour effet qu’il est plus difficile de maintenir l’intégrité des élections, de garantir la liberté et le pluralisme des médias et de protéger les processus démocratiques de la désinformation et d’autres types de manipulation. La numérisation a ouvert la voie à de nouvelles méthodes de financement des acteurs politiques à partir de sources non contrôlées, des cyberattaques peuvent cibler des infrastructures électorales critiques, les journalistes sont confrontés au cyberharcèlement et aux discours de haine, et les fausses informations et messages clivants se propagent rapidement grâce aux médias sociaux, mais aussi par des campagnes de désinformation coordonnées. L’impact de certaines de ces mesures est amplifié par l’utilisation d’algorithmes opaques contrôlés par des plateformes de communication largement utilisées.
Nos cultures démocratiques européennes, dans toute leur diversité, sont bousculées par la transformation numérique. Les garde-fous existants pour garantir la transparence et la parité en termes de ressources et de temps d’antenne pendant les campagnes électorales ne sont pas conçus pour l’environnement numérique. Les instruments de campagne en ligne bénéficient d’une puissance ajoutée, en ce qu’ils combinent des données à caractère personnel et l’intelligence artificielle avec des techniques de profilage psychologique et de microciblage complexes. Certains de ces instruments, comme le traitement des données à caractère personnel, sont régis par la législation de l’UE. Mais d’autres sont actuellement encadrés principalement par des conditions d’utilisation fixées par des entreprises et peuvent aussi échapper à la réglementation nationale ou régionale en étant déployés depuis l’extérieur de la juridiction électorale. L’inquiétude à propos de l’obligation de rendre compte et de la transparence des plateformes en ligne ajoute encore à la difficulté de faire respecter les règles. Les plateformes en ligne peuvent aussi bien exercer des activités de médias d’information qu’agir en tant que contrôleurs d’accès à des informations en ligne, tout en n’étant pas soumises aux mêmes règles nationales et normes professionnelles.
Renforcement de la résilience démocratique
Le présent plan d’action s’adresse aux institutions européennes, aux gouvernements et aux parlements nationaux−, à qui incombe au premier chef la responsabilité de veiller au bon fonctionnement de la démocratie−, ainsi qu’aux autres autorités nationales, aux partis politiques, aux médias, à la société civile et aux plateformes en ligne. Tout en respectant pleinement les compétences nationales, il définit un cadre d’action de l’UE renforcé et des mesures particulières afin de:
-promouvoir des élections libres et régulières et une participation démocratique forte;
-soutenir la liberté et l’indépendance des médias; et
-lutter contre la désinformation.
Une démocratie en bonne santé repose sur l’engagement des citoyens et sur une société civile active, non seulement en période électorale, mais aussi le reste du temps. Des citoyens engagés, informés et dotés de moyens d’agir sont la meilleure garantie de résilience de nos démocraties. Dans l’ensemble du plan d’action, l’importance de doter les citoyens et la société civile de moyens d’agir pour contrer les menaces est fortement mise en avant.
2PROTÉGER L’INTÉGRITÉ DES ÉLECTIONS ET PROMOUVOIR LA PARTICIPATION DÉMOCRATIQUE
Les taux de participation élevés enregistrés lors de récentes élections dans toute l’Union montrent que les citoyens restent confiants dans le pouvoir des urnes en tant qu’instrument leur permettant de faire entendre leur voix et de demander des comptes à leurs représentants. Dans le même temps, les médias sociaux sont une des voies utilisées pour tenter de manipuler l’opinion publique, de décourager la participation aux élections et de semer le doute sur l’intégrité des processus électoraux. Des tentatives d’ingérence étrangère ont également été recensées.
Le maintien de la démocratie nécessite une action plus ferme pour protéger les processus électoraux, préserver le débat démocratique ouvert et mettre à jour les garde-fous à la lumière des nouvelles réalités numériques. La démocratie suppose la diversité des pratiques participatives, l’engagement civique et le respect des normes démocratiques et de l’état de droit, tout au long du cycle électoral.
2.1Transparence de la publicité et des communications politiques
Le respect des règles traditionnelles liées aux campagnes politiques peut être particulièrement difficile dans un environnement en ligne. Les règles sont souvent difficiles à faire appliquer ou inefficaces en ligne, ou les autorités compétentes peuvent ne pas disposer des compétences ou des moyens d’agir à l’égard des activités en ligne. Le potentiel du caractère transfrontière des activités en ligne créé des possibilités, mais ajoute aussi à la difficulté, car les questions ayant trait aux élections sont en grande partie régies par des règles qui ne s’appliquent qu’au sein d’une juridiction particulière ou qui peuvent ne pas avoir été formulées d’une manière qui tienne compte de l’absence de frontières dans l’espace en ligne.
La nécessité d’accroître la transparence dans la publicité et la communication politiques et dans les activités commerciales qui les entourent se fait clairement sentir. Une application et un respect plus stricts des règles prévues par le règlement général sur la protection des données (RGPD) revêtent une importance capitale.
Les citoyens, la société civile et les autorités compétentes doivent être capables d’identifier clairement la source et la finalité de ce type de publicité. Dans l’environnement en ligne, il est souvent difficile de reconnaître du contenu politique sponsorisé et de le distinguer d’autres contenus politiques, ne serait-ce que parce qu’il peut souvent apparaître comme du contenu «organique» partagé ou créé par d’autres utilisateurs. Cela fait naître des incertitudes juridiques pour les prestataires de services et d’autres opérateurs, en particulier les intermédiaires en ligne, les sociétés de conseil politique et des sociétés connexes, mais aussi pour les partis politiques, les organisations de campagne, les candidats et, plus largement, le public et nuit à l’obligation de rendre compte et au contrôle.
Les nouvelles techniques utilisées par les intermédiaires/prestataires de services pour cibler la publicité sur la base d’informations à caractère personnel des utilisateurs permettent aux publicités politiques d’être amplifiées et adaptées aux profils particuliers d’une personne ou d’un groupe, souvent à leur insu. Les techniques de microciblage et de profilage comportemental peuvent se fonder sur des données obtenues de manière indue et être détournées pour faire passer des discours semant la division et exacerbant les clivages. Il devient de ce fait beaucoup plus difficile de demander des comptes aux responsables politiques pour la diffusion des messages et cela ouvre de nouvelles voies aux tentatives de manipulation de l’électorat. D’autres inquiétudes ont trait à la dissimulation ou à la représentation faussée d’informations essentielles telles que l’origine et l’intention des messages politiques, leurs sources et leur financement.
Pour s’attaquer à ces problèmes, en 2021, la Commission présentera une proposition législative sur la transparence du contenu politique sponsorisé. Cette proposition viendra en complément des règles applicables à la publicité en ligne prévues dans la future législation sur les services numériques, l’objectif étant de disposer de règles spécifiques suffisamment tôt avant les élections au Parlement européen de mai 2024. Elle ciblera les parraineurs de contenu payant et les canaux de production/distribution, notamment les plateformes en ligne, les annonceurs et les sociétés de conseil politique, en précisant leurs responsabilités respectives et en apportant une sécurité juridique. Elle garantira que les normes et les droits fondamentaux pertinents sont respectés avec la même efficacité en ligne et hors ligne. La Commission examinera par ailleurs si une approche ciblée est nécessaire en période électorale.
L’initiative déterminera quels acteurs et quel type de contenu sponsorisé entrent dans le champ d’application d’obligations plus strictes en matière de transparence. Elle soutiendra l’obligation de rendre des comptes et permettra le suivi et l’application des règles pertinentes, les audits et l’accès aux données à caractère non personnel, et facilitera le devoir de vigilance. La Commission examinera aussi la possibilité de limiter encore le microciblage et le profilage psychologique dans le contexte politique. Certaines obligations particulières pourraient être imposées de manière proportionnelle aux intermédiaires, prestataires de services de publicité et autres acteurs en ligne, en fonction de leur taille et de leur influence (par exemple en ce qui concerne l’étiquetage, l’archivage, la divulgation, la transparence du prix payé et les critères de ciblage et d’amplification). D’autres dispositions pourraient prévoir une collaboration particulière avec les autorités de contrôle et l’établissement de codes de corégulation et de normes professionnelles.
En s’appuyant sur les échanges interdisciplinaires entre les États membres dans le cadre du Réseau européen de coopération en matière d’élections établi en 2019 avant les élections au Parlement européen pour permettre des échanges concrets et pratiques sur un éventail de sujets pertinents pour garantir des élections libres et régulières, la législation proposée sera complétée par des mesures de soutien et des orientations destinées aux États membres et à d’autres acteurs, tels que les autorités compétentes et les partis politiques nationaux, en tenant compte des limites des compétences de l’UE dans ce domaine.
Actions
·Proposer, en 2021, une législation pour assurer une plus grande transparence dans le domaine du contenu sponsorisé dans un contexte politique («publicité politique»)
·Adopter des mesures de soutien et des orientations à l’intention des partis politiques et des États membres
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2.2Des règles plus claires sur le financement des partis politiques européens
Le financement des partis politiques européens est régi par le droit de l’Union Le rapport sur les élections au Parlement européen de 2019 soulignait la nécessité de renforcer certaines règles afin de prévenir toute ingérence extérieure, notamment en améliorant la transparence en ce qui concerne les sources de financement des partis politiques européens pour lutter contre les financements indirects provenant d’intérêts étrangers, alloués par l’intermédiaire de ressources nationales ou de dons privés. En 2021, la Commission proposera un réexamen de la législation relative au financement des partis politiques européens afin de traiter la question du financement de partis politiques européens à partir de sources extérieures à l’UE, de réviser les exigences en matière d’audit, de renforcer les liens entre le financement européen et les campagnes nationales et de faciliter la transparence et l’audit. L’objectif est que les nouvelles règles soient en place en temps voulu avant les élections au Parlement européen de mai 2024.
La Commission envisagera également de développer des outils logiciels en ligne destinés à contribuer à l’action de la société civile dans le domaine du financement politique et de la transparence financière, par exemple pour ce qui est de détecter et de dénoncer d’éventuelles fraudes et irrégularités apparaissant dans les comptes publiés des partis politiques.
Actions
·Présenter, en 2021, une proposition de révision du règlement (UE, Euratom) nº 1141/2014 relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes
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2.3Renforcement de la coopération au sein de l’UE pour garantir des élections libres et régulières
L’organisation des élections nationales est une compétence des États membres qui repose sur des normes internationales, certaines questions, comme la protection des données, étant régies par le cadre plus large du droit de l’UE. Une législation spécifique de l’UE régit les élections au Parlement européen et les droits de vote des citoyens mobiles de l’Union, tandis que la plupart des aspects ayant trait au processus électoral relèvent toujours du droit national. L’expérience acquise en amont des élections au Parlement européen de 2019 a montré à quel point une coordination et une coopération plus étroites aux niveaux national et de l’UE pouvaient apporter une contribution essentielle à cet égard.
La Commission proposera également un nouveau mécanisme opérationnel de l’UE destiné à soutenir la résilience des processus électoraux. Celui-ci sera organisé et coordonné par l’intermédiaire du réseau européen de coopération en matière d’élections et aura pour objet de soutenir le déploiement d’équipes communes d’experts et de favoriser les échanges sur des questions telles que la cybersécurité dans le cadre d’élections et les investigations en ligne, en coopération étroite avec le groupe de coopération pour la sécurité des réseaux et des systèmes d’information et le système d’alerte rapide de l’UE. La Commission continuera de faciliter une coopération accrue entre les autorités compétentes des États membres ayant pour objet de relever des défis spécifiques (en ce qui concerne, par exemple, les périodes électorales, l’observation des élections et l’existence d’un contrôle électoral indépendant et de voies de recours efficaces) et s’étendant à la surveillance (y compris en ligne), à l’identification des menaces, au renforcement des capacités, au fonctionnement des réseaux électoraux nationaux et à la collaboration avec le secteur privé. Les possibilités de soutien mutuel, y compris la création d’un forum en ligne, l’organisation de formations communes et la mise en commun de ressources, d’expertise et de capacités de surveillance en ligne, seront explorées. Le fait de qualifier d’infrastructures critiques les processus électoraux ou certains aspects de leur gestion pourrait rendre ces efforts plus efficaces. La Commission organisera une manifestation de haut niveau qui rassemblera différentes autorités afin de relever les défis liés aux processus électoraux et de donner aux citoyens des moyens de participer au processus démocratique en tant qu’électeurs et candidats.
Des mesures spécifiques seront prises au niveau de l’UE pour protéger les infrastructures électorales contre les cyberattaques. Dans ce contexte, le recueil sur la cybersécurité des technologies électorales sera mis à jour et des exercices pratiques supplémentaires seront organisés afin d’étudier la question des risques et de l’état de préparation, sur la base des travaux menés conjointement par le réseau européen de coopération en matière d’élections et le groupe de coopération pour la sécurité des réseaux et des systèmes d’information. La future stratégie de l’UE en matière de cybersécurité fournira un cadre transversal, assorti de propositions législatives visant à renforcer la sécurité des réseaux et des systèmes d’information et la protection des infrastructures critiques.
La Commission fera porter ses efforts sur le renforcement de la coopération entre les États membres et les autorités de régulation nationales en ce qui concerne la parité de traitement et l’équilibre de la couverture médiatique lors d’élections, étant donné que les médias traditionnels et les plateformes en ligne ne sont pas soumis aux mêmes obligations. La fourniture d’orientations supplémentaires dans ce domaine pourrait être facilitée au niveau de l’UE, en tirant également parti de l’expertise dont disposent les autorités nationales de régulation des médias appartenant au groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels (ERGA) et les organismes d’autorégulation des médias. Ces travaux feront également appel à l’expertise du réseau européen de coopération en matière d’élections, de l’ERGA et du système d’alerte rapide de l’UE. Il est particulièrement important de veiller au respect des normes d’intégrité journalistique et éditoriale dans le contexte électoral.
La Commission renforcera également la base de connaissances et étudiera les moyens d’aider les citoyens et les autorités électorales nationales à renforcer leur résilience face aux menaces qui pèsent sur le processus électoral. Il pourrait s’agir d’études, de projets pilotes, d’un soutien à l’éducation à la citoyenneté active et de services d’assistance ou de ressources partagées similaires.
Des solutions informatiques sont utilisées dans le cadre d’élections pour le décompte des voix et la transmission des résultats, ou encore (bien que ce soit rarement le cas dans l’UE) sous la forme de machines à voter électroniques ou de modalités de vote électronique. Si les États membres ont jusqu’à présent été traditionnellement réticents à généraliser davantage le recours à l’informatique dans le cadre du processus électoral, la pandémie de COVID-19 et la nécessité de la distanciation physique ont suscité un regain d’intérêt pour les solutions de vote électronique. La Commission élaborera un recueil de pratiques en matière de vote électronique, conjointement avec les États membres et en coopération étroite avec le Conseil de l’Europe, qui a déjà publié des orientations importantes dans ce domaine, y compris en ce qui concerne l’accessibilité pour les personnes handicapées et âgées.
La coopération et les échanges sur les questions électorales avec les pays situés dans le voisinage immédiat de l’UE et au-delà, ainsi qu’avec des organisations internationales telles que le Conseil de l’Europe, l’Unesco et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE seront renforcés grâce à un meilleur usage des structures existantes, afin de faciliter l’échange de bonnes pratiques et d’apporter un soutien pour relever des défis communs tels que la lutte contre les ingérences étrangères et la désinformation dans le contexte électoral. Des travaux sont déjà en cours avec les pays partenaires dans le cadre du soutien à la démocratie et par l’intermédiaire des missions d’observation électorale de l’UE, le mandat de ces dernières ayant été étendu à la surveillance des campagnes électorales en ligne, au suivi des médias sociaux et à la formulation de recommandations dans ce domaine. Afin que ces recommandations soient mises en œuvre de manière effective, il sera nécessaire de renforcer leur capacité à fournir une assistance technique concrète aux gouvernements et à la société civile pour la mise en place de cadres d’action, d’infrastructures sécurisées, de pouvoirs de régulation et d’instances de surveillance, ainsi qu’à partager l’expérience acquise en matière de détection, d’analyse et de lutte visant les menaces hybrides, y compris la désinformation.
Actions
·Mettre en place un nouveau mécanisme opérationnel conjoint et d’autres mesures de soutien, sur la base des travaux menés par le réseau européen de coopération en matière d’élections, afin de promouvoir la résilience des processus électoraux et de prendre des mesures concrètes supplémentaires visant à protéger les infrastructures électorales contre les menaces, y compris contre les cyberattaques
·La Commission organisera une manifestation de haut niveau qui rassemblera différentes autorités liées aux élections afin de relever les défis décrits dans le présent plan
·Renforcer la coopération en ce qui concerne la parité de traitement et l’équilibre de la couverture médiatique lors d’élections
·Élaborer un recueil de pratiques en matière de vote électronique
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2.4Promotion d’une mobilisation démocratique et d’une participation active dépassant le cadre des élections
Les efforts visant à soutenir le dynamisme de la société civile ainsi qu’à promouvoir et à renforcer la participation démocratique seront au cœur des travaux de la Commission dans de nombreux domaines, allant des politiques en matière de citoyenneté de l’Union, d’égalité et de non-discrimination, de jeunesse, d’éducation, de culture et de recherche jusqu’à l’utilisation des fonds de l’UE, tant dans l’Union que dans son voisinage.
De nouvelles mesures ayant trait à la démocratie participative et délibérative ont été prises dans plusieurs États membres afin d’associer les citoyens à la prise de décisions et de leur donner les moyens d’agir sur des questions d’intérêt public. Le fait d’améliorer la transparence et d’associer les citoyens à l’élaboration des politiques et à la prise de décisions renforce la légitimité démocratique et la confiance dans la démocratie. Les initiatives dans ce domaine sont étroitement liées aux travaux visant à promouvoir les droits liés à la citoyenneté de l’Union, y compris les droits électoraux et la participation démocratique inclusive, qui seront détaillés dans le rapport 2020 de la Commission sur la citoyenneté de l’Union, et viennent compléter lesdits travaux.
La Commission continuera de promouvoir la démocratie participative et délibérative, à l’instar d’exemples tels que le pacte pour le climat, les futurs projets dédiés au pacte vert dans le cadre d’Horizon 2020 et les initiatives citoyennes européennes, ainsi que la participation des citoyens à l’évolution des politiques de l’UE et de la législation existante. Elle évalue également, dans son rapport annuel sur l’état de droit, le caractère inclusif du processus législatif et la participation de la société civile. La conférence sur l’avenir de l’Europe, un exercice paneuropéen de démocratie participative et délibérative, vise à permettre à des citoyens venus de toute l’UE de formuler des propositions quant à l’évolution future des politiques de l’UE La conférence servira de catalyseur à de nouvelles formes de participation publique aux niveaux européen, national, régional et local. En outre, les dialogues de nouvelle génération avec les citoyens favoriseront également des formes innovantes de participation et de délibération citoyenne, y compris au niveau transnational.
La Commission encourage les États membres à tirer le meilleur parti des fonds structurels et d’investissement pertinents de l’UE pour soutenir et renforcer les capacités de la société civile aux niveaux tant national que local et associer les organisations de la société civile à un partenariat avec les différents niveaux de l’administration publique, y compris en mettant en place une infrastructure de démocratie délibérative. Cela permettra d’améliorer la participation civique et la mobilisation publique en ce qui concerne la définition des priorités, y compris pour l’initiative Next Generation EU et ce, dans chaque État membre. Les outils développés à l’appui de la conférence sur l’avenir de l’Europe, tels que sa plateforme numérique multilingue, permettront aux citoyens et aux parties prenantes de présenter des propositions et d’organiser des débats au-delà de la durée même de la conférence.
La démocratie délibérative bénéficiera également d’un soutien au titre d’Horizon 2020 et de son successeur, le programme Horizon Europe, au moyen de la recherche, de l’innovation et du transfert de connaissances sur la manière dont elle fonctionne dans la pratique, sur les défis auxquels elle se heurte et sur les incidences qu’elle peut avoir. En outre, la Commission continuera de soutenir la recherche dans le but de mieux comprendre le mécontentement des citoyens à l’égard de la démocratie et la manière d’y remédier au moyen d’innovations démocratiques, y compris les initiatives de mobilisation civique et de démocratie délibérative. Le nouveau programme «Europe créative» offrira aux acteurs du secteur culturel et créatif de nouvelles possibilités d’activités professionnelles liées à la démocratie et à la participation civique. La Commission continuera également de promouvoir et de défendre la liberté des artistes de créer sans censure ni intimidation.
La Commission veillera également à l’intégration de la dimension de l’égalité dans les actions à tous les niveaux afin de promouvoir l’accès à la participation démocratique, en accord également avec les principes du socle européen des droits sociaux. Cela implique de garantir l’inclusivité et l’égalité dans la participation démocratique, ainsi que l’équilibre hommes-femmes dans la vie politique et la prise de décisions, et de prendre des mesures proactives pour lutter contre les attaques antidémocratiques et les discours de haine visant à dissuader les femmes, les personnes LGBTIQ et les groupes minoritaires d’être actifs dans le domaine politique. Une attention particulière sera accordée aux jeunes défavorisés, aux personnes issues d’un groupe racial ou ethnique minoritaire, aux personnes handicapées et aux personnes ou groupes ayant un faible niveau d’habileté numérique et d’adhésion au numérique (par exemple les ménages à faibles revenus sans accès facile à l’internet et les personnes âgées).
La promotion de la citoyenneté active chez les jeunes constitue un aspect important de la stratégie de l’UE en faveur de la jeunesse (2019-2027). Le dialogue de l’UE en faveur de la jeunesse sera renforcé par des activités de participation des jeunes dans le cadre d’Erasmus+ et du portail européen de la jeunesse. Le nouveau corps européen de solidarité offrira un large éventail de possibilités de mobilisation civique dans le cadre du soutien qu’il apportera aux communautés qui sont dans le besoin dans l’UE et ailleurs. Le programme «Droits et valeurs» financera des programmes d’études visant à promouvoir l’engagement civique, politique et démocratique des jeunes à l’appui des efforts déployés par les organisations de la société civile pour encourager et faciliter la participation active. Sur le plan extérieur, le programme d’éducation et de sensibilisation au développement contribue à la mobilisation active des jeunes face aux défis mondiaux et à la sensibilisation aux valeurs universelles.
Des efforts supplémentaires seront consacrés à la lutte contre les discours de haine en ligne, qui peuvent dissuader certaines personnes d’exprimer leur point de vue et de participer aux discussions en ligne. En 2021, la Commission proposera une initiative en vue de compléter la liste des infractions pénales de l’UE figurant à l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne afin d’y inclure les discours de haine, y compris ceux tenus en ligne. Les travaux menés dans le cadre du code de conduite sur la lutte contre les discours de haine illégaux se poursuivront également. Ces efforts contribueront également à renforcer la sécurité des journalistes (voir section 3.1). Lutter contre les contenus illicites en ligne tout en promouvant la liberté d’expression constitue l’un des objectifs principaux de la législation sur les services numériques.
Actions
·Encourager le recours aux fonds structurels de l’UE pour financer la société civile et renforcer les capacités et les infrastructures institutionnelles/administratives en faveur de la mobilisation civique délibérative et de la participation politique
·Utiliser les fonds et les possibilités dont dispose l’UE dans le cadre de la stratégie de l’UE en faveur de la jeunesse, de l’éducation à la citoyenneté, du programme «Europe créative» et du programme en faveur de l’égalité pour favoriser l’accès à la participation démocratique et renforcer la confiance dans la démocratie
·Lutter contre les discours de haine et promouvoir un débat public respectueux en ajoutant les crimes et les discours de haine à liste des infractions pénales de l’UE.
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3RENFORCER la liberté et le pluralisme des MÉDIAS
La liberté et le pluralisme des médias, consacrés dans la charte des droits fondamentaux, sont essentiels pour nos démocraties. L’existence de médias libres et pluralistes est capitale pour demander des comptes aux pouvoirs publics et aider les citoyens à prendre des décisions éclairées. En fournissant des informations fiables au public, les médias indépendants jouent un rôle important dans la lutte contre la désinformation et la manipulation du débat démocratique.
Les attaques, l’application abusive des lois sur la diffamation ainsi que d'autres formes d'intimidation et de pression, notamment de la part du grand banditisme, portent atteinte à l'environnement dans lequel les journalistes travaillent. Le secteur des médias est également confronté aux défis que constituent la transformation numérique et le rôle de contrôleurs d'accès joué par les plateformes dans la diffusion d'informations en ligne. La pandémie de COVID-19 a accentué ces tendances. Elle a entraîné d'importantes pertes publicitaires, en particulier pour les médias de petite taille et d'envergure locale.
De nouvelles violations de la liberté des médias ont été commises, parfois au nom de la lutte contre la désinformation en ligne. En 2020, pas moins de 90 pays au monde, y compris certains États membres de l'UE et certains pays du voisinage européen, ont imposé des restrictions à la liberté des médias en prenant la COVID-19 comme prétexte
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Il faut de toute évidence améliorer la sécurité en ligne et la sécurité physique des journalistes et leur fournir, ainsi qu’aux autres acteurs participant à la protection de l’intérêt public, des outils contre les recours abusifs. Une meilleure divulgation, au public, d'informations sur les propriétaires ou les personnes qui contrôlent les médias ainsi qu’une répartition transparente et équitable de la publicité d’État peuvent également protéger le pluralisme des médias.
Parallèlement au présent plan d’action pour la démocratie européenne, le plan d’action pour les médias et l’audiovisuel portera sur la viabilité financière du secteur des médias, contribuera à sa relance, saisira pleinement l’occasion offerte par la transformation numérique et continuera à soutenir le pluralisme des médias. Ces plans constituent une approche globale pour le secteur des médias et s'appuient sur les travaux du Parlement européen et du Conseil. Le plan d’action européen en faveur des droits de l’homme et de la démocratie fournit également des orientations concrètes pour les actions extérieures visant à soutenir la liberté et le pluralisme des médias dans le monde, et plus particulièrement la sécurité et la protection des journalistes.
3.1Sécurité des journalistes
D'après le rapport 2020 sur l’état de droit, les menaces physiques et en ligne ainsi que les attaques contre des journalistes sont en augmentation dans plusieurs États membres. Les campagnes de diffamation sont fréquentes; les intimidations en général et l'ingérence politique sont devenues monnaie courante. Ces dernières années, l’Europe a été le théâtre d’attaques brutales contre des médias libres, avec l’assassinat de journalistes, notamment Daphne Caruana Galizia à Malte ainsi que Jan Kuciak et sa fiancée Martina Kušnírová en Slovaquie. Ces assassinats ont comme point commun d'avoir été précédés de menaces physiques et juridiques envers les victimes. Le nombre de journalistes visés par des menaces, de plus en plus souvent au moyen d’outils en ligne, ne cesse d’augmenter. Les journalistes sont la cible de harcèlement, de discours de haine et de campagnes de diffamation, parfois même initiés par des acteurs politiques, en Europe et ailleurs. Les femmes journalistes sont particulièrement visées. Le rapport 2020 sur l’état de droit indiquait que cette pression a un «effet dissuasif» sur les journalistes. Elle peut conduire à l’autocensure et réduire l’espace dévolu au débat public sur des questions importantes.
Reconnaissant le préjudice que les menaces proférées contre des journalistes causent au fonctionnement de la société démocratique, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté, en avril 2016, une recommandation sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et d’autres acteurs du secteur des médias. Le Conseil de l’Europe a également mis en place une plateforme spécifique pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes grâce au suivi des alertes. Les pouvoirs publics ont le devoir de protéger la liberté d’expression et la sécurité des journalistes en créant un environnement légal sécurisant, en prenant au sérieux les menaces proférées contre des journalistes et en poursuivant vigoureusement les attaques commises. La sécurité des journalistes ayant toutefois continué à se détériorer comme en témoigne le nombre sans cesse croissant d’alertes enregistrées sur la plateforme, il est nécessaire d'améliorer la mise en œuvre de la recommandation.
Bien que la situation soit alarmante, un certain nombre de bonnes pratiques ont été élaborées dans plusieurs États membres. Parmi celles-ci figurent des initiatives transfrontières, comme le code de la liberté de la presse pour la police, qui est une initiative élaborée par des organisations de défense de la liberté des médias afin de favoriser le dialogue entre les forces de police et les acteurs du secteur des médias. La Commission est déterminée à faciliter l’échange et la diffusion de bonnes pratiques afin de promouvoir un espace plus sûr pour les journalistes dans l’ensemble de l’UE.
La Commission organisera un dialogue structuré associant les États membres et leurs autorités chargées de la régulation des médias, les représentants des journalistes, les organismes d’autorégulation (médias/conseils des médias) ainsi que la société civile, avec l’expertise du Conseil de l’Europe, de l’OSCE et de l’Unesco. Ce dialogue se déroulera dans le cadre du Forum européen des médias d’information que la Commission mettra en place pour renforcer la coopération avec les parties prenantes sur les questions en rapport avec les médias. Il est essentiel d’associer les autorités judiciaires, les autorités chargées des poursuites et les services répressifs des États membres pour lutter efficacement contre les menaces visant les journalistes et réduire l’impunité des auteurs.
En 2021, la Commission proposera une recommandation sur la sécurité des journalistes. Elle aura pour objectif d'aborder d'autres problèmes de sécurité, notamment ceux mis en évidence dans le rapport 2020 sur l’état de droit, de garantir une meilleure mise en œuvre, par les États membres, des normes figurant dans la recommandation du Conseil de l’Europe et d’attirer plus particulièrement l'attention sur les menaces contre des femmes journalistes.
Il est également essentiel de garantir un financement stable pour assurer un soutien aux journalistes. Ainsi, le projet pilote intitulé «Media Freedom Rapid Response» (mesures rapides en faveur de la liberté des médias) porte sur l’élaboration de mesures rapides et coordonnées face aux violations de la liberté de la presse et des médias, y compris la fourniture d'une aide juridique et d’un soutien pratique (par exemple, un abri) aux journalistes qui en ont besoin dans les États membres et les pays candidats.
L’UE promeut et soutient activement la sécurité des journalistes dans ses politiques et actions extérieures. Elle continuera à surveiller et à consolider l’environnement des médias à l’extérieur de l’UE, en mettant l’accent sur la promotion du pluralisme des médias indépendants et sur la sécurité des journalistes, et utilisera la diplomatie publique pour répondre aux menaces et aux entraves qui pèsent sur les journalistes. Le mécanisme de l’Union pour les défenseurs des droits de l’homme apporte une aide financière et juridique et s’occupe de transférer le lieu de résidence de centaines de journalistes chaque année. Ces actions se poursuivront, tout comme l'aide juridique aux journalistes et aux régies publicitaires, grâce à des programmes thématiques et bilatéraux, en particulier dans les cas de harcèlement judiciaire et d'application abusive de la législation en matière de cybersécurité.
Actions
·Recommandation sur la sécurité des journalistes en 2021 prenant en considération les nouvelles menaces en ligne auxquelles sont confrontées plus particulièrement les femmes journalistes
·Dialogue structuré mené dans le cadre du Forum européen des médias d’information avec les États membres, les parties prenantes et des organisations internationales pour élaborer et mettre en œuvre la recommandation
·Octroi d'un financement durable à des projets axés sur l’assistance juridique et pratique aux journalistes dans l’UE et ailleurs, y compris à la formation des journalistes en matière de sûreté et de cybersécurité et au soutien diplomatique
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3.2Combattre le recours abusif à des poursuites stratégiques contre la mobilisation publique (poursuites-bâillons)
Les poursuites stratégiques contre la mobilisation publique sont une forme particulière de harcèlement qui est de plus en plus utilisée contre des journalistes et d’autres personnes qui œuvrent en faveur de la protection de l’intérêt public. Il s’agit de poursuites infondées ou exagérées engagées par des organes de l’État, des sociétés commerciales ou des personnes puissantes contre des parties plus faibles qui expriment des critiques ou communiquent des messages dérangeants pour les plaideurs, sur une question d’intérêt public. Elles visent à censurer, à intimider et à faire taire les détracteurs en leur imposant le coût d’une défense en justice jusqu’à ce qu’ils renoncent à leurs critiques ou à leur opposition. Si les acteurs de la société civile peuvent être vulnérables à de tels agissements, la nature du travail des journalistes fait d’eux une cible privilégiée.
Il ressort d’une étude récente que les poursuites-bâillons sont de plus en plus utilisées dans de nombreux États membres, dans un environnement où les activités hostiles contre des journalistes sont en augmentation. Si la plupart d’entre elles aboutissent à des acquittements, elles suscitent néanmoins de vives inquiétudes, car elles peuvent interrompre le travail des journalistes et nuire à leur crédibilité. Compte tenu du déséquilibre des pouvoirs et des ressources, les poursuites-bâillons peuvent avoir des conséquences catastrophiques sur les ressources financières des victimes et exercer un effet dissuasif à leur égard, les décourageant ou les empêchant de poursuivre leur travail dans l’intérêt général. Les poursuites-bâillons s’accompagnent souvent de menaces à l’égard de l’intégrité physique des personnes qui en sont victimes. Daphne Caruana Galizia faisait l’objet de 47 actions en justice à Malte et à l’étranger lorsqu’elle a été assassinée.
Les poursuites-bâillons s’appuient sur le droit national, mais elles peuvent être plus complexes et plus coûteuses à défendre lorsqu’elles sont délibérément engagées dans un autre État ou territoire ou lorsqu’elles exploitent des différences entre le droit procédural national et le droit international privé. Elles ont souvent un caractère transfrontière. Le fait que les contenus médiatiques en ligne soient accessibles depuis n’importe quel pays ou territoire peut ouvrir la voie à une course aux tribunaux et entraver l’accès effectif à la justice et à la coopération judiciaire.
En 2021, la Commission présentera une initiative visant à protéger les journalistes et la société civile contre les poursuites-bâillons. Pour préparer ces travaux, la Commission mène actuellement une étude cartographique et mettra en place un groupe de réflexion technique afin de recueillir des informations sur le type d’aide ou d'assistance juridique qui pourrait être envisagée pour les victimes de poursuites-bâillons. Par ailleurs, un nouveau groupe d’experts réunissant des praticiens du droit, des journalistes, des universitaires et des membres de la société civile et d’organisations professionnelles verra le jour. L’objectif visé est de rassembler des compétences, de favoriser les échanges et de diffuser les bonnes pratiques en matière d’assistance juridique apportée à des journalistes et à d'autres intervenants faisant l'objet de poursuites-bâillons. Une formation judiciaire spécifique devrait en outre aider les juges à repérer les poursuites abusives et à utiliser les outils dont ils disposent pour y remédier. Les aspects transfrontières seront également examinés dans le cadre de l’évaluation, d’ici 2022, des règlements Rome II et Bruxelles I bis.
Actions
·Création d’un groupe d’experts sur les poursuites-bâillons au début de l’année 2021
·Présentation, fin 2021, d'une initiative visant à protéger les journalistes et la société civile contre les poursuites-bâillons
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3.3Coopération plus étroite en vue de l’élaboration et de la mise en œuvre de normes professionnelles
La transparence et le respect des normes et règles professionnelles sont essentiels pour garantir la confiance du public dans les médias. L’augmentation de la pression commerciale, et parfois politique, met à rude épreuve l’indépendance des médias et la capacité des journalistes à respecter les codes de conduite et les normes d’excellence.
Depuis 2019, la Commission cofinance un projet pilote sur les conseils des médias à l’ère numérique, qui vise à accroître la visibilité des organismes d’autorégulation des médias. La prochaine étape consistera, pour la Commission, à encourager une plus grande coopération entre les conseils nationaux des médias, les autres organismes d'autorégulation des médias, les autorités indépendantes de régulation des médias et les réseaux de journalistes. L’objectif sera de cerner plus clairement les défis à relever et d’élaborer des recommandations sur les mesures à prendre pour promouvoir des normes journalistiques dans l’UE.
Parallèlement, la Commission continuera de soutenir tant les initiatives d’autorégulation encourageant l’élaboration de normes professionnelles, y compris de chartes d’indépendance éditoriale, que les débats sur les difficultés auxquelles se heurtent les journalistes. En particulier, un soutien spécifique sera fourni sous la forme de subventions au titre du volet transsectoriel du programe «Europe créative», en faveur de partenariats collaboratifs entre médias d’information qui auront notamment pour objectif d’élaborer des normes rédactionnelles, de former des professionnels et d’échanger des bonnes pratiques.
Actions:
·Favoriser la coopération, au niveau de l’UE, entre les conseils nationaux des médias, les autres organismes d’autorégulation des médias, les organismes indépendants de régulation des médias et les réseaux de journalistes, et soutenir les initiatives menées dans le domaine des partenariats et des normes journalistiques
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3.4Mesures supplémentaires pour soutenir le pluralisme des médias
La transparence en matière de propriété des médias est essentielle pour évaluer la pluralité des marchés des médias. Le Conseil de l’Europe a souligné l’importance de la transparence pour permettre au public d’évaluer les informations et les opinions que diffusent les médias. La consultation publique menée sur le présent plan d’action a révélé un large soutien en faveur d’une obligation claire, pour tous les médias et toutes les entreprises médiatiques, de publier des informations détaillées sur l’identité de leurs propriétaires.
La directive révisée «Services de médias audiovisuels» (directive SMA) constitue une étape importante vers la mise en place de normes élevées en matière de transparence dans le secteur européen des médias, car elle encourage l’adoption de législations nationales exigeant une transparence en matière de propriété des fournisseurs de services de médias. Le délai de transposition de la directive par les États membres était fixé au 19 septembre 2020 et la transposition est en cours d’évaluation. Il ressort du rapport annuel 2020 sur l’état de droit que si certains États membres disposent d’ores et déjà de systèmes bien établis pour garantir la transparence en matière de propriétés des médias, d'autres ne les ont pas encore mis en place ou se heurtent à des obstacles à la divulgation publique de l’identité des propriétaires de médias.
Afin d’améliorer la compréhension des informations relatives à la propriété des médias et leur divulgation au public, la Commission cofinancera le nouvel Instrument de surveillance de la propriété des médias, un projet pilote visant à créer une base de données répertoriant ces informations et accessible au public, qu'elle compte étendre par la suite afin d’y inclure tous les États membres. S'appuyant sur les résultats de ce projet et sur la directive SMA révisée, le groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels pourrait élaborer de nouvelles orientations dans ce domaine.
Compte tenu des graves conséquences de la pandémie de COVID-19, la Commission invite les États membres à soutenir les médias d’une manière qui préserve et encourage leur indépendance, leur liberté et leur pluralisme. C’est avant tout aux États membres qu'il incombe de veiller à ce que le secteur des médias d’information continue de proposer des produits et des services promouvant le pluralisme de l’information, tout en affrontant la concurrence sur des marchés ouverts et efficaces. Les règles existantes en matière d’aides d’État précisent les conditions dans lesquelles les États membres peuvent accorder des aides publiques. Afin de faciliter le soutien apporté par les autorités nationales, le Conseil a invité la Commission à évaluer l’application des règles en matière d’aides d’État au secteur de la presse. La Commission évalue actuellement la nécessité d’une intervention appropriée. Par ailleurs, l’encadrement temporaire des aides d’État du 19 mars 2020 s’applique également aux mesures sectorielles, telles que les aides en faveur des secteurs de la presse, de la musique et de l’audiovisuel.
Le soutien financier de l’État par la publicité d’intérêt public peut être crucial, en particulier pour les médias sans but lucratif, les médias associatifs et d’autres formes de journalisme moins commerciales. Cependant, sans garanties appropriées pour protéger l’indépendance des médias, la publicité d’État peut être utilisée pour exercer une pression politique indirecte sur les médias. Des règles transparentes et des critères équitables pour l’attribution de marchés publics dans le domaine de la publicité peuvent atténuer les risques dans ce domaine. Il peut notamment être utile, à cet égard, de créer des registres de marchés accessibles au public, qui contiennent des informations sur les marchés attribués et leurs modifications (comme le préconisait la stratégie 2017 de la Commission en matière de marchés publics).
Par ailleurs, la Commission analysera les règles nationales existantes en matière de diversité et de concentration des médias afin de déterminer si et comment elles garantissent la pluralité des voix sur les marchés des médias numériques, en particulier à la lumière du rôle croissant des plateformes en ligne. Elle définira les options envisageables pour relever les défis dans ce domaine et continuer à soutenir la diversité des médias, en tenant compte des outils de concurrence et des règles sur la liberté d’établissement et la directive SMA révisée. Cette dernière permet aux États membres de prendre des mesures pour assurer la visibilité appropriée des services de médias audiovisuels d’intérêt général, l’objectif étant de garantir le pluralisme des médias, la liberté d’expression et la diversité culturelle. La Commission encouragera une approche commune en la matière, comme indiqué dans le plan d’action pour les médias et l’audiovisuel.
Actions:
·Mettre en place l’Instrument de surveillance de la propriété des médias et élaborer d'éventuelles orientations supplémentaires relatives à la transparence de la propriété des médias
·Encourager des mesures en faveur d’une répartition transparente et équitable de la publicité d’État
·Recenser les possibilités de soutien accru à la diversité des médias et favoriser une approche européenne en matière de visibilité donnée aux services de médias audiovisuels d’intérêt général
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4LUTTE CONTRE LA DÉSINFORMATION
Il importe d'opérer une distinction entre différents phénomènes communément appelés «désinformation» afin de permettre l’élaboration de mesures appropriées:
-on entend par «mésinformation» des contenus faux ou trompeurs transmis sans intention de nuire, même si leurs effets peuvent néanmoins être préjudiciables; c’est notamment le cas lorsque des personnes partagent de bonne foi de fausses informations avec des amis ou des membres de leur famille;
-on entend par «désinformation» des contenus faux ou trompeurs diffusés avec l’intention de tromper ou dans un but lucratif ou politique et susceptibles de causer un préjudice public;
-on entend par «opérations d'influence» les efforts coordonnés déployés par des acteurs nationaux ou étrangers pour influencer un public cible au moyen d’une série de moyens fallacieux, notamment la suppression de sources d’information indépendantes combinée à de la désinformation; et
-on entend par «ingérences étrangères dans l’espace de l’information» (qui ont souvent lieu dans le cadre d’une opération hybride plus large), des efforts coercitifs et trompeurs déployés par un acteur d’un État étranger ou des agents de celui-ci dans le but d’entraver la formation et l’expression libres de la volonté politique des individus.
Les mesures à prendre pour réagir à chacun de ces phénomènes seront différentes en fonction de l’acteur concerné, du canal utilisé et de l’incidence du phénomène et devront respecter les droits fondamentaux et les normes démocratiques. Par exemple, la mésinformation, qui a lieu sans intention de tromper ou de causer un préjudice public et qui est sans but lucratif, peut être combattue essentiellement par une communication proactive, la fourniture d’informations fiables et la sensibilisation à la nécessité d’évaluer de manière critique les contenus et les sources. Pour lutter contre les autres phénomènes, dans lesquels l’intention de nuire est présente, une réaction plus ferme est nécessaire et nos capacités doivent être développées en permanence. Dans cette optique, et en s’appuyant sur les progrès accomplis, le présent plan d’action définit de nouvelles mesures pour lutter contre la désinformation, les ingérences étrangères et les opérations d’influence.
La réduction, dans l’environnement en ligne, des incitations qui permettent l’amplification de ces contenus constitue également un élément de réponse important. Les opérations d’influence et les ingérences étrangères appellent une réaction plus forte et bien coordonnée, faisant appel à d’autres instruments et approches. Dans ce contexte, les services de la Commission et le SEAE travailleront avec les États membres, la société civile et le secteur concerné à l’élaboration de définitions et de méthodologies communes plus précises afin de lutter contre les différentes catégories de désinformation et d’activités d’influence. Le Parlement européen a créé une commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation (INGE), qui peut également apporter sa contribution à cette thématique. L’UE continuera, par ailleurs, d’investir dans la recherche dans ce domaine et de renforcer ses activités de communication stratégique et de sensibilisation.
Dans le plan d’action conjoint de 2018 contre la désinformation, l’UE a exposé son approche à l'égard de la désinformation, en s’appuyant notamment sur l’expérience acquise par le groupe de travail du SEAE chargé de la communication stratégique dans le voisinage oriental (East Stratcom task force) dans sa lutte contre la campagne de désinformation menée par la Russie. Par la suite, des mesures spécifiques ont été prises pour lutter contre la vague de désinformation concernant la pandémie de COVID-19 et la mise au point d’un vaccin sûr et efficace. L’action de l’UE dans ce domaine sera solidement ancrée dans les valeurs et les principes européens et préservera pleinement la liberté d’expression. Les actions présentées ci-dessous visent à empêcher l’amplification des contenus préjudiciables à des fins de manipulation, en renforçant la transparence, en luttant contre les techniques de manipulation et en réduisant les incitations économiques à la propagation de la désinformation, ainsi qu’en introduisant un effet dissuasif par l’imposition de coûts à ceux qui participent à des opérations d’influence ou à des activités d’ingérence étrangère. Elles ne visent pas à empiéter sur le droit des citoyens à exprimer leur avis, ni à restreindre l’accès à des contenus légaux ou à limiter les garanties procédurales, y compris l’accès à un recours juridictionnel.
Il est essentiel de mettre en place un écosystème numérique plus transparent et plus responsable pour pouvoir évaluer la propagation, la portée et le degré de coordination des campagnes de désinformation. L’UE soutiendra le travail important accompli par les journalistes, les organisations de la société civile et les chercheurs en faveur du maintien d’un espace d’information sain et varié, notamment en ce qui concerne la vérification des faits.
4.1Renforcer la capacité de l’UE et de ses États membres à lutter contre la désinformation
Les opérations d'influence en ligne et hors ligne peuvent être effectuées à relativement faible coût et présenter des inconvénients restreints pour les personnes mal intentionnées qui en sont à l’origine, ce qui explique en partie leur prolifération. Des informations peuvent également être instrumentalisées par des acteurs étrangers. Ainsi, des acteurs étrangers et certains pays tiers (dont la Russie et la Chine
, en particulier) ont lancé dans l’UE, dans des pays voisins de celle-ci et dans le monde entier, des opérations d’influence et des campagnes de désinformation ciblées sur la COVID-19 visant à saper le débat démocratique, à exacerber la polarisation sociale et à améliorer leur propre image. Lorsque des acteurs étrangers recourent, à des fins de manipulation, à des tactiques visant à induire, à leur profit, les citoyens de l’UE en erreur, la menace qui pèse sur la démocratie appelle une réponse collective globale. Parallèlement, la menace de désinformation émanant d’acteurs nationaux prend également de l’ampleur.
Pour être en mesure d’apporter des réponses efficaces à la désinformation, qu’elle survienne de manière isolée ou s’inscrive dans le cadre d’une vaste opération d’influence ou d’une ingérence étrangère, il est indispensable, au préalable, d’en saisir parfaitement les enjeux. La désinformation sous forme de diffusion de contenus totalement faux n’est qu’une des techniques utilisées en l’espèce et on trouve aussi notamment la dénaturation d’informations, les actions visant à induire le public en erreur et les tactiques de manipulation que constituent, par exemple, le recours à de faux profils et à de faux engagements, de manière à amplifier artificiellement tel ou tel récit concernant des questions politiques particulières et à exploiter des divisions existantes au sein de la société.
Le nouvel inventaire des menaces plaide en faveur d’une coopération encore plus étroite au sein de l’UE avec les parties prenantes de la société civile, les universités et l’industrie privée, ainsi qu’avec des partenaires internationaux. Ce n’est qu’en mettant en commun les connaissances en matière de menaces hybrides dans différents secteurs (comme la désinformation, les cyberopérations et les ingérences dans les élections) que l’UE peut se faire une idée globale de l’ensemble des menaces auxquelles elle doit réagir de manière efficace, au premier rang desquelles les opérations de désinformation et d’influence. La stratégie de l’UE pour l’union de la sécurité met un accent particulier sur l’intégration systématique des considérations hybrides dans l'élaboration des politiques, afin de faire face au risque élevé d’attaques hybrides menées par des acteurs étatiques et non étatiques, au moyen d’une combinaison de cyberattaques, de dommages causés aux infrastructures critiques, de campagnes de désinformation et d’actions de radicalisation du discours politique.
La Commission et le haut représentant renforceront les structures de coopération dans ce domaine au sein de l’UE, ainsi qu’avec nos partenaires internationaux. Le système d'alerte rapide (SAR) continuera de coopérer avec des partenaires internationaux, tels que l’OTAN et le G7, mais les possibilités de nouer un dialogue avec d’autres organisations compétentes, telles que l’Agence de l’UE pour la cybersécurité (ENISA), l’Observatoire européen des médias numériques (EDMO) et Europol seront aussi étudiées, au besoin.
Outre le système d'alerte rapide, le réseau européen de coopération en matière d’élections s’emploie également à mettre au point des réponses efficaces à la désinformation, lorsqu’elle fait partie d’une menace hybride plus large, en soutenant la coopération entre États membres et en facilitant le dialogue avec des entités internationales telles que le Conseil de l’Europe et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE, dans le cadre de son approche globale en faveur d’élections libres et régulières en Europe. La coopération et la participation régulières à des réunions communes des structures concernées qui travaillent sur la désinformation leur permettront de tirer le meilleur parti de leurs vastes connaissances en élaborant une réponse pluridisciplinaire à la désinformation.
Les institutions de l’UE veilleront à renforcer leur coordination interne en matière de désinformation en se dotant d’un protocole d'action clair propre à rassembler rapidement leurs connaissances et leurs ressources pour faire face à des situations spécifiques, comme à la veille des élections au Parlement européen, par exemple. Il conviendrait à cet égard de suivre l’approche adoptée pour la COVID-19, où un système de coordination renforcée a été mis en place afin de relever les défis les plus ardus. Les États membres sont invités à investir davantage dans les réseaux en question et à veiller (aussi au niveau national) à la bonne coordination de ceux qui les représentent dans les différentes enceintes, de manière à garantir une coopération efficace et des réponses cohérentes et complètes.
L’UE a constamment amélioré ses capacités à révéler les méthodes d’acteurs étrangers visant à influencer l’information et à en dénoncer les auteurs. Toutefois, face à l’évolution constante des menaces, l’UE doit recourir plus systématiquement à toute la panoplie d’outils dont elle dispose pour contrer les ingérences étrangères et les opérations d’influence et continuer à développer ces outils, notamment en infligeant des sanctions financières aux auteurs, dans le respect total des libertés et des droits fondamentaux. Parmi les moyens pouvant être utilisés à cet effet, on citera la désignation publique des techniques communément utilisées (afin de les rendre inopérantes) et l’imposition de sanctions en cas de récidive. Il convient de renforcer le dispositif de réaction. La Commission et le vice-président et haut représentant (VP/HR) étudieront les aspects conceptuels et juridiques de la conception d’instruments appropriés, en recherchant des synergies avec le cadre de l’UE pour une réponse diplomatique conjointe de l'UE face aux actes de cybermalveillance («boîte à outils cyberdiplomatique»).
L’UE continuera de soutenir les actions visant à renforcer la résilience dans les pays tiers, de manière à donner aux sociétés et aux gouvernements démocratiques les moyens de répondre aux menaces de désinformation émanant de l’extérieur et à les sensibiliser aux valeurs européennes et aux projets soutenus par l’UE, en particulier dans la région du voisinage de l’UE et celle concernée par l'élargissement. En font notamment partie les efforts destinés à diffuser plus efficacement les politiques et valeurs de l’Union, à améliorer l’environnement des médias, y compris le soutien en faveur d’une liberté et d’un pluralisme des médias accrus, ainsi qu’à renforcer la sensibilisation aux opérations de désinformation et d’influence et la résilience face à celles-ci.
Actions
·Étoffer la panoplie d’outils dont dispose l’UE pour contrer les ingérences étrangères et les opérations d’influence, à l’aide notamment de nouveaux instruments permettant d’infliger des sanctions financières aux auteurs, tout en renforçant les activités et les task-forces du SEAE en matière de communication stratégique
·Mettre en place un nouveau protocole pour consolider les structures de coopération existantes afin de lutter contre la désinformation, tant dans l’UE que sur la scène internationale
·Élaborer un cadre et une méthodologie communs pour recueillir systématiquement des éléments de preuve sur les ingérences étrangères et mettre en place un dialogue structurel avec la société civile, les acteurs du secteur privé et d’autres parties prenantes, afin de faire un point régulier sur l’état de la menace
·Augmenter le soutien au renforcement des capacités des autorités nationales, des médias indépendants et de la société civile dans les pays tiers afin de détecter la désinformation et les opérations d’ingérence étrangère et d’y faire face
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4.2Renforcer les obligations et la responsabilisation des plateformes en ligne
La place des informations échangées sur les plateformes de médias sociaux est devenue de plus en plus importante dans la consommation d’informations et le débat politique. Or, les plateformes en ligne peuvent être utilisées par des opérateurs mal intentionnés à des fins de dissémination et d’amplification de contenus erronés ou trompeurs, et elles ont été critiquées pour leur manque de transparence dans l’utilisation d’algorithmes de diffusion de contenu en ligne et pour avoir ciblé des utilisateurs sur la base de la masse de données à caractère personnel générées par l’activité en ligne.
Certains systèmes, tels que les algorithmes de classement et de recommandation, qui facilitent l’accès des citoyens à des informations pertinentes à leurs yeux, peuvent aussi être manipulés, en particulier par des actions coordonnées et non authentiques, afin de favoriser la diffusion à grande échelle de la désinformation sur les plateformes en ligne. Une inspection minutieuse de la part de la plateforme et une transparence effective à l’endroit des usagers et des chercheurs peuvent contribuer à mieux comprendre et combattre ce genre de menaces.
Ces problèmes et d’autres propres à la désinformation ont été recensés dans une évaluation récente du code de bonnes pratiques contre la désinformation (à laquelle les plateformes et d’autres parties prenantes ont participé sur une base volontaire). La Commission est d’avis qu’une approche plus solide basée sur des engagements clairs et soumise à des mécanismes de contrôle appropriés est nécessaire pour lutter plus efficacement contre la désinformation.
La législation sur les services numériques proposera un cadre horizontal pour la surveillance réglementaire, la reddition de comptes et la transparence de l’espace en ligne en réaction aux risques émergents. Elle proposera des règles pour garantir que les plateformes rendent davantage de comptes sur leurs actions en matière de modération des contenus, de publicité et de processus algorithmiques. De très grandes plateformes seront obligées d’évaluer les risques posés par leurs systèmes, non seulement en ce qui concerne les contenus et produits illégaux, mais aussi les risques systémiques pour la protection des intérêts publics et des droits fondamentaux, de la santé publique et de la sécurité. Dans ce contexte, les très grandes plateformes auront aussi besoin d’élaborer des outils de gestion des risques appropriés et de prendre des mesures visant à protéger l’intégrité de leurs services face à l’emploi de techniques de manipulation. La législation sur les services numériques dotera les utilisateurs de réelles possibilités de contester les décisions des plateformes en matière de suppression ou de signalement des contenus.
Elle mettra aussi en place un garde-fou en matière de corégulation pour les mesures devant être englobées dans un code de bonnes pratiques contre la désinformation révisé et renforcé. En se basant sur cette démarche de corégulation, la Commission orientera les efforts au moyen d’actions ciblées portant sur des questions propres à la désinformation reposant sur trois piliers:
·la Commission publiera des orientations, parallèlement à l’ouverture de discussions colégislatives concernant la législation sur les services numériques, énonçant comment les plateformes et d’autres parties prenantes devraient intensifier leurs mesures pour remédier aux lacunes recensées dans l’évaluation du code de bonnes pratiques contre la désinformation. Compte tenu du caractère sensible de ces questions, la Commission suivra une approche multipartite n’associant pas uniquement des plateformes, mais aussi d’autres parties prenantes, telles que des publicitaires, des médias, des représentants de la société civile, des vérificateurs de faits et des universités;
·par la suite, la Commission appellera les signataires et les groupes de parties prenantes concernés, y compris en concertation avec le groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels (ERGA), à renforcer le code de bonnes pratiques conformément à l’orientation;
·la Commission constituera également un cadre plus solide pour le suivi régulier du code de bonnes pratiques renforcé. Ce cadre s’appuiera sur l’expérience tirée de l’exercice de suivi de la désinformation liée à la COVID-19.
En outre, il importe de renforcer l’application du règlement général sur la protection des données (RGPD) à l’égard des plateformes en ligne et d’autres acteurs influençant la diffusion de la désinformation, conformément à l’orientation de septembre 2020 du comité européen de la protection des données.
Basé sur l’orientation publiée par la Commission, le code de bonnes pratiques renforcé visera à atteindre les objectifs suivants:
-surveiller les effets de la désinformation et l’efficacité des politiques des plateformes, sur la base d’un nouveau cadre méthodologique comprenant les principes de la définition des indicateurs de performance clés. Dans ce contexte, il convient de disposer en temps utile d’informations sur les politiques des plateformes et sur l’accès aux données pertinentes pour permettre, entre autres choses, de mesurer les progrès accomplis à l’aune des indicateurs de performance clés;
-soutenir la bonne visibilité des informations fiables d’intérêt public et maintenir une pluralité de points de vue: en élaborant des normes en matière de reddition des comptes (critères de référence créés conjointement) pour des systèmes de recommandation et de classement des contenus et en donnant aux utilisateurs un accès aux indicateurs de fiabilité des sources;
-réduire la monétisation de la désinformation liée à des contenus sponsorisés: en concertation avec les publicitaires, limiter la publicité engagée à caractère faux ou trompeur sur les plateformes en ligne ou sur les sites web de tierces parties, ainsi que le placement de publicité sur des sites web vecteurs de désinformation;
-intensifier la vérification des faits en mettant en place des normes et des procédures transparentes pour une collaboration ouverte et non discriminatoire entre vérificateurs de faits et plateformes, tout en renforçant la coopération;
-renforcer l’intégrité des services offerts par les plateformes en ligne en élaborant des mesures appropriées visant à limiter l’amplification artificielle des campagnes de désinformation;
-veiller à une divulgation efficace des données en matière de recherche sur la désinformation, en mettant au point un cadre conforme aux exigences réglementaires applicables et basé sur la participation de l’ensemble des parties prenantes (et à l’abri de toute ingérence politique). L’Observatoire européen des médias numériques (EDMO) peut faciliter l’élaboration d’un tel cadre. La Commission note que le RGPD n’empêche nullement, a priori et dans tous les domaines, la communication, à des chercheurs, de données à caractère personnel par des plateformes.
Actions
·Publier une orientation sur le renforcement du code de bonnes pratiques contre la désinformation (printemps 2021)
·Inviter les signataires du code de bonnes pratiques et ls groupes de parties prenantes à consolider le code conformément à l’orientation
·Élaborer un cadre permanent pour le suivi du code
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4.3Donner aux citoyens les moyens de prendre des décisions en connaissance de cause
Chacun a un rôle à jouer dans la lutte contre la désinformation et la mésinformation. L’éducation aux médias, notamment à la réflexion critique, constitue une capacité effective d’aider des citoyens de tous âges à s’y retrouver dans l’environnement médiatique, à identifier les différents types de médias et à connaître leur mode de fonctionnement, à se doter d’une compréhension critique des réseaux sociaux et à prendre des décisions en toute connaissance de cause. Les aptitudes d’éducation aux médias aident les citoyens à vérifier des informations avant de les partager, à comprendre qui se cache derrière et pourquoi ils en sont les destinataires, et à déterminer si elles sont crédibles. L’habileté numérique permet aux citoyens de participer à l’environnement en ligne avec sagesse et de manière sûre et éthique.
La lutte contre la désinformation et le recours aux discours haineux au moyen de l’éducation, de la formation et de la promotion de débats politiques ouverts est essentielle pour entraîner une participation effective à la société et aux processus démocratiques, et constitue une priorité importante du plan d’action en matière d’éducation numérique. Plus de 40 % des jeunes estiment que l’esprit critique, les médias et la démocratie sont des sujets qui ne sont pas «suffisamment enseignés» à l’école. Dans ce contexte, la promotion de l’éducation civique est capitale si l’on veut doter les jeunes des compétences sociales et civiques nécessaires leur permettant d’avoir une ouverture d’esprit et un esprit critique et de participer pleinement à nos sociétés diverses. Dans cette optique, le fait de garantir la liberté académique dans les établissements d’enseignement supérieur est également au centre de toutes les politiques en matière d'enseignement supérieur élaborées au niveau de l’UE.
La Commission déploiera des efforts accrus en vue de renforcer l’éducation aux médias sous différents angles et de continuer à soutenir les campagnes nationales d’éducation aux médias, dans le cadre d’une coopération avec l’Observatoire européen des médias numériques (EDMO) et le groupe d’experts sur l’éducation aux médias. La directive «Services de médias audiovisuels» révisée exige de la part des États membres qu’ils encouragent le développement d’aptitudes d’éducation aux médias. Elle oblige aussi les plateformes de partage de vidéos à élaborer des outils efficaces en matière d’éducation aux médias et à sensibiliser les utilisateurs à cet égard. Ces outils sont élaborés plus avant dans le cadre du plan d'action pour les médias et l’audiovisuel, qui prévoit que les citoyens soient dotés des compétences nécessaires pour comprendre pleinement les mécanismes qui régissent les interactions en ligne entre utilisateurs, y compris une panoplie d’outils d’éducation aux médias et des lignes directrices à l’intention des États membres.
La Commission soutiendra les projets d’éducation aux médias dans le cadre du volet transsectoriel du programme «Europe créative». Des projets d’éducation aux médias seront également soutenus au moyen de divers autres programmes associant des jeunes et des écoles (comme Erasmus+ et le corps européen de solidarité). En 2021, le thème prioritaire pour l’action de jumelage électronique (qui aide des écoles, des enseignants et des étudiants de toute l’UE à collaborer au moyen des nouvelles technologies) sera «éducation aux médias et désinformation». L’EDMO et la communauté multidisciplinaire qu’elle coordonne apporteront leur soutien aux campagnes nationales d’éducation aux médias visant à renforcer la capacité des citoyens à évaluer la qualité et la véracité des informations en ligne, y compris les citoyens aux besoins supplémentaires. Malgré l’action de ses pôles nationaux, l’EDMO recensera les problèmes particuliers auxquels il convient de remédier. La Commission intensifiera aussi ses efforts dans le cadre de la prochaine édition de la Semaine européenne de l’éducation aux médias. De plus, elle coopérera étroitement avec des organisations internationales comme l’UNESCO.
En outre, la Commission s’emploiera à élaborer des lignes directrices communes à l’intention des enseignants et du personnel éducatif pour favoriser l’habileté numérique et lutter contre la désinformation par l’éducation et la formation, comme indiqué dans le plan d’action en matière d’éducation numérique. Dans ce contexte, elle engagera un dialogue avec les multiples parties prenantes, y compris la société civile, les entreprises et opérateurs technologiques européens, les organismes de radiodiffusion, les journalistes, les représentants du groupe d’experts sur l’éducation aux médias, l’EDMO, les autorités nationales, les parents, les enseignants et les jeunes. Les lignes directrices iront de pair avec de nouvelles initiatives visant à concevoir des moyens innovants de lutte contre la désinformation, comme le «EUvsDisinfo hackathon».
La Commission soutiendra la participation des journalistes à des activités d’éducation aux médias, en particulier sous la forme d’initiatives «Back to School» («Retour à l’école»), en leur donnant ainsi l’occasion de parler à des élèves de leur métier et du rôle des médias.
L’appui à la société civile (financement compris) sera une composante essentielle de l’action contre la désinformation. La Commission soutiendra les initiatives visant à aider les acteurs de la société civile à participer au débat public. Elle aidera aussi à renforcer la coopération au niveau de la société civile européenne. Un soutien pourrait à cet égard être apporté par plusieurs programmes au cours de la nouvelle période de financement, en particulier la proposition de programme «Droits et valeurs» pour la période 2021-2027.
Actions
·Soutenir de nouveaux projets innovants en matière de lutte contre la désinformation dans le cadre de divers programmes de l’UE, notamment mis en place par des organisations de la société civile et des établissements d’enseignement supérieur, avec la participation de journalistes
·Accroître le soutien, financement compris, à toutes sortes d’initiatives, y compris des organisations de la société civile, visant à promouvoir l’éducation aux médias et à aider les citoyens à identifier les cas de désinformation, au sein de l’UE et au-delà
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5CONCLUSION
En juillet 2019, la présidente von der Leyen avait appelé à insuffler un nouvel élan à la démocratie européenne, à accorder davantage de poids aux Européens et à faire en sorte que l’Europe dans son ensemble fasse preuve d’une plus grande ambition pour ce qui est de nourrir, protéger et renforcer notre démocratie.
Mis ensemble, le présent plan d'action pour la démocratie européenne, le nouveau mécanisme de protection de l'état de droit, la nouvelle stratégie pour renforcer l’application de la Charte des droits fondamentaux dans l’UE, ainsi que l’ensemble des mesures prises pour promouvoir et protéger l’égalité dans l’ensemble de l’UE, seront déterminants pour donner un nouvel élan à la démocratie européenne, afin qu’elle soit à même de relever les défis et de tirer parti des avantages de l’ère numérique. L’engagement en faveur de la démocratie est aussi ancré dans l’action extérieure de l’UE et constitue un pilier essentiel des travaux qu’elle mène avec les pays en voie d’adhésion et les pays couverts par sa politique de voisinage.
La mise en œuvre échelonnée du train de mesures proposées dans le plan d’action renforcera la légitimité démocratique de l’Europe et l’aidera ainsi à relever les défis posés par les crises économique, climatique et sanitaire inédites auxquelles elle est confrontée, dans le strict respect de nos valeurs et principes communs. La Commission procédera à un réexamen de la mise en œuvre du plan d’action en 2023, soit un an avant les élections au Parlement européen, et s’interrogera alors sur le bien-fondé de l’adoption de mesures supplémentaires.
La Commission se réjouit d’ores et déjà de l’engagement plus poussé du Parlement européen et du Conseil, ainsi que du cercle élargi d’acteurs nationaux, publics et privés, au-delà des autorités publiques, dont le rôle sera déterminant dans la résilience de notre démocratie.