Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 32023H0681

Recommandation (UE) 2023/681 de la Commission du 8 décembre 2022 relative aux droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies faisant l’objet d’une détention provisoire ainsi qu’aux conditions matérielles de détention

C/2022/8987

JO L 86 du 24.3.2023, p. 44–57 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, GA, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

ELI: http://data.europa.eu/eli/reco/2023/681/oj

24.3.2023   

FR

Journal officiel de l’Union européenne

L 86/44


RECOMMANDATION (UE) 2023/681 DE LA COMMISSION

du 8 décembre 2022

relative aux droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies faisant l’objet d’une détention provisoire ainsi qu’aux conditions matérielles de détention

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 292,

considérant ce qui suit:

(1)

Conformément à l’article 2 du traité sur l’Union européenne, l’Union européenne est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’état de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Les articles 1er, 4 et 6 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après dénommée la «Charte») disposent que la dignité humaine est inviolable et doit être respectée et protégée, que nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et que toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Les articles 7 et 24 de la Charte consacrent le droit à la vie familiale et les droits de l’enfant. L’article 21 de la Charte dispose que nul ne peut faire l’objet d’une discrimination. Les articles 47 et 48 de la Charte reconnaissent le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, ainsi que la présomption d’innocence et les droits de la défense. L’article 52 de la Charte prévoit que toute limitation de l’exercice des droits fondamentaux reconnus dans cette même Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés ainsi que les principes de nécessité et de proportionnalité.

(2)

Les États membres sont déjà juridiquement liés par les instruments existants du Conseil de l’Europe relatifs aux droits de l’homme et à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, en particulier la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), ses protocoles, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants de 1987. Tous les États membres sont en outre parties à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

(3)

Un certain nombre d’instruments juridiquement non contraignants qui traitent plus précisément des droits des personnes privées de liberté doivent également être pris en considération, notamment: au niveau des Nations unies, l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (règles Nelson Mandela); les règles minima des Nations unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (règles de Tokyo); ainsi que, au niveau du Conseil de l’Europe, la recommandation Rec(2006)2-rev sur les règles pénitentiaires européennes; la recommandation Rec(2006)13 concernant la détention provisoire, les conditions dans lesquelles elle est exécutée et la mise en place de garanties contre les abus; la recommandation CM/Rec(2017)3 relative aux règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté; la recommandation CM/Rec(2014)4 relative à la surveillance électronique; la recommandation CM/Rec(2010)1 sur les règles du Conseil de l’Europe relatives à la probation; et le livre blanc sur le surpeuplement carcéral.

(4)

En outre, il existe d’autres instruments ciblant certains groupes de personnes privées de liberté, notamment: au niveau des Nations unies, les règles des Nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté et les règles des Nations unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (règles de Bangkok); la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CNUDE); ainsi que, au niveau du Conseil de l’Europe, la recommandation CM/Rec(2008)11 sur les règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures; la recommandation CM/Rec(2018)5 concernant les enfants de détenus; la recommandation CM/Rec(2012)12 relative aux détenus étrangers; ainsi que, au niveau international non gouvernemental, les principes sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre (principes de Jogjakarta), élaborés par la Commission internationale de juristes et le Service international pour les droits de l’homme.

(5)

La Cour de justice de l’Union européenne a reconnu, dans l’arrêt Aranyosi/Căldăraru et des arrêts ultérieurs (1), l’importance des conditions de détention dans le contexte de la reconnaissance mutuelle et de l’application de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil (2) relative au mandat d’arrêt européen. La Cour européenne des droits de l’homme s’est également prononcée sur l’incidence des mauvaises conditions de détention sur l’exécution du mandat d’arrêt européen (3).

(6)

Dans les conclusions du Conseil de décembre 2018 «Favoriser la reconnaissance mutuelle en renforçant la confiance mutuelle», les États membres étaient encouragés à recourir à des mesures autres que la détention afin de réduire la population de leurs centres de détention, favorisant ainsi l’objectif de réhabilitation sociale tout en tenant compte du fait que la confiance mutuelle est souvent compromise par de mauvaises conditions de détention et par le problème de la surpopulation carcérale (4).

(7)

Dans les conclusions du Conseil de décembre 2019 sur les mesures alternatives à la détention, les États membres se sont engagés à prendre plusieurs mesures dans le domaine de la détention à l’échelon national, telles que l’adoption de mesures alternatives à la détention (5).

(8)

Dans les conclusions du Conseil de juin 2019 concernant la prévention et la lutte contre la radicalisation dans les prisons et la gestion des délinquants terroristes et extrémistes violents après leur libération, les États membres se sont engagés à prendre d’urgence des mesures efficaces dans ce domaine (6).

(9)

Depuis plusieurs années, le Parlement européen exhorte la Commission à prendre des mesures pour résoudre la question des conditions matérielles de détention et à faire en sorte que la détention provisoire reste une mesure exceptionnelle, à laquelle il convient de recourir dans le respect de la présomption d’innocence. Cette demande a été réitérée dans le rapport du Parlement européen sur le mandat d’arrêt européen (7).

(10)

L’Agence des droits fondamentaux, à la demande de la Commission et avec le soutien financier de celle-ci, a mis au point une base de données sur les conditions de détention, qui a été publiée en décembre 2019 et qui est accessible au public (8). La base de données de l’Agence sur les conditions de détention pénale rassemble des informations sur les conditions de détention dans tous les États membres. S’appuyant sur les normes nationales, les normes de l’Union et les normes internationales, la jurisprudence et les rapports de suivi, elle fournit des informations sur certains aspects essentiels des conditions de détention, notamment la taille des cellules, les conditions sanitaires, l’accès aux soins de santé et la protection contre la violence.

(11)

Les statistiques disponibles sur le mandat d’arrêt européen montrent que, depuis 2016, les États membres ont refusé ou retardé son exécution pour des motifs liés à un risque réel de violation des droits fondamentaux dans près de 300 affaires, y compris sur la base de conditions matérielles inadéquates de détention (9).

(12)

Les autorités judiciaires nationales ont demandé des orientations plus concrètes sur la manière de traiter ces affaires. Les problèmes mis en évidence par les praticiens concernent le manque d’harmonisation, la dispersion et le manque de clarté des normes de détention dans l’ensemble de l’Union, autant d’obstacles à la coopération judiciaire en matière pénale (10).

(13)

La moitié des États membres qui ont fourni à la Commission des statistiques sur leur population carcérale ont indiqué qu’ils faisaient face à un problème de surpopulation dans leurs centres de détention, avec un taux d’occupation supérieur à 100 %. Le recours trop fréquent ou inutile à la détention provisoire, tout comme la durée excessive de celle-ci, contribuent également au phénomène de surpopulation dans les centres de détention, ce qui entrave considérablement l’amélioration des conditions de détention.

(14)

Il existe des divergences profondes entre les États membres en ce qui concerne certains aspects importants de la détention provisoire, tels que le recours à cette dernière en dernier ressort et le réexamen des décisions de détention préventive (11). La durée maximale de la détention provisoire varie également d’un État membre à l’autre: elle oscille entre moins d’un an et plus de cinq ans (12). En 2020, la durée moyenne de la détention provisoire dans les différents États membres variait de deux à treize mois (13). Le nombre de personnes en détention provisoire par rapport à la population carcérale totale varie aussi considérablement d’un État membre à l’autre, allant de moins de 10 % à plus de 40 % (14). Des divergences aussi profondes semblent injustifiées dans un espace européen commun de liberté, de sécurité et de justice.

(15)

Des rapports récents du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe attirent l’attention sur la persistance de graves dysfonctionnements dans certains États membres, tels que le mauvais traitement, le caractère inapproprié des équipements ainsi que l’absence d’activités utiles et de soins de santé appropriés dans les centres de détention.

(16)

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme continue de trouver des États membres en violation de l’article 3 ou de l’article 5 de la CEDH dans le contexte de la détention.

(17)

Compte tenu du grand nombre de recommandations formulées par les organisations internationales dans le domaine de la détention pénale, il se peut que celles-ci ne soient pas toujours facilement accessibles aux différents juges et procureurs des États membres qui doivent évaluer les conditions de détention avant de prendre leurs décisions, que ce soit dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ou d’un mandat d’arrêt national.

(18)

Dans l’Union, et notamment dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice, des normes minimales propres à l’Union, applicables au système de détention de tous les États membres de la même façon, sont nécessaires pour renforcer la confiance mutuelle entre les États membres et faciliter la reconnaissance mutuelle des jugements et des décisions de justice.

(19)

Afin de renforcer la confiance des États membres dans leurs systèmes respectifs de justice pénale et, par conséquent, d’améliorer la reconnaissance mutuelle des décisions en matière pénale, six mesures relatives aux droits procéduraux dans le cadre des procédures pénales, à savoir les directives 2010/64/UE (15), 2012/13/UE (16), 2013/48/UE (17), (UE) 2016/343 (18), (UE) 2016/800 (19) et (UE) 2016/1919 (20) du Parlement européen et du Conseil, ainsi que la recommandation de la Commission du 27 novembre 2013 relative à des garanties procédurales en faveur des personnes vulnérables soupçonnées ou poursuivies dans le cadre des procédures pénales (21), ont notamment déjà été adoptées. Ces mesures visent à garantir le respect des droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales, y compris lorsque la détention provisoire est imposée. À cette fin, ces directives prévoient certaines garanties procédurales pour les suspects et les personnes poursuivies qui sont privés de liberté. La directive (UE) 2016/800 contient des dispositions spécifiques sur les conditions de détention provisoire des enfants, visant à préserver leur bien-être lorsqu’ils font l’objet d’une telle mesure coercitive. Il convient de compléter les normes relatives aux droits procéduraux établies dans ces directives et dans la recommandation de 2013, ainsi que, dans le cas de la directive (UE) 2016/800, les normes pertinentes relatives aux conditions matérielles de détention des enfants faisant l’objet d’une détention provisoire.

(20)

La Commission entend consolider et développer ces normes minimales, établies dans le cadre du Conseil de l’Europe, ainsi que dans la jurisprudence de la Cour de justice et de la Cour européenne des droits de l’homme. À cette fin, il est nécessaire de fournir une vue d’ensemble des normes minimales sélectionnées en matière de droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies faisant l’objet d’une détention provisoire et des conditions matérielles de détention dans les domaines prioritaires de la coopération judiciaire en matière pénale entre les États membres.

(21)

En ce qui concerne les droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies faisant l’objet d’une détention provisoire, les orientations contenues dans la présente recommandation devraient porter sur les principales normes relatives au recours à la détention provisoire en tant que mesure de dernier ressort et aux alternatives à la détention, aux motifs justifiant la détention provisoire, aux exigences relatives à la prise de décision par les autorités judiciaires, au réexamen périodique de la détention provisoire, à l’audition des suspects ou des personnes poursuivies en vue de la prise de décisions relatives à la détention provisoire, aux voies de recours effectives et au droit de recours, à la durée de la détention provisoire et à la reconnaissance du temps passé en détention provisoire sous la forme d’une réduction de la durée de la condamnation définitive.

(22)

En ce qui concerne les conditions matérielles de détention, des orientations devraient être fournies concernant les principales normes en matière de locaux de détention, de répartition des détenus, d’hygiène et d’assainissement, de nutrition, de régimes de détention au regard de l’exercice et des activités hors de la cellule, de travail et d’éducation, de soins de santé, de prévention de la violence et des mauvais traitements, de contacts avec le monde extérieur, d’accès à l’assistance juridique, de procédures de requête et de plainte, ainsi que d’inspection et de contrôle. En outre, il convient d’émettre des orientations sur la protection des droits des personnes pour lesquelles la privation de liberté constitue une situation de vulnérabilité particulière, telles que les femmes, les enfants, les personnes handicapées ou souffrant de graves problèmes de santé, les personnes LGBTIQ et les ressortissants étrangers, ainsi que sur la prévention de la radicalisation dans les prisons.

(23)

La détention provisoire devrait toujours être utilisée en tant que mesure de dernier ressort sur la base d’une évaluation au cas par cas. Un éventail le plus large possible de mesures moins restrictives autres que la détention (mesures alternatives) devrait être mis à disposition et utilisé dans la mesure du possible. Les États membres devraient également veiller à ce que les décisions de détention provisoire ne soient pas discriminatoires et ne soient pas automatiquement imposées aux suspects et aux personnes poursuivies en fonction de certaines caractéristiques, telles que la nationalité étrangère.

(24)

Des conditions matérielles de détention adéquates sont essentielles pour préserver les droits et la dignité des personnes privées de liberté et pour prévenir les violations de l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (mauvais traitements).

(25)

Afin de garantir des normes de détention appropriées, les États membres devraient fournir à chaque détenu un minimum d’espace vital individuel, conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

(26)

Lorsque des personnes sont privées de liberté, elles sont particulièrement vulnérables à la violence et aux mauvais traitements ainsi qu’à l’isolement social. Afin de garantir leur sécurité et de faciliter leur réinsertion sociale, la répartition et la séparation des détenus devraient tenir compte des différences entre les régimes de détention ainsi que de la nécessité de protéger les détenus dans une situation de vulnérabilité particulière contre les abus.

(27)

Les régimes de détention ne devraient pas limiter indûment la liberté de circulation des détenus à l’intérieur du centre de détention ni leur accès à l’exercice, aux espaces extérieurs, aux activités utiles et aux interactions sociales, afin de leur permettre de préserver leur santé physique et mentale et de favoriser leur réinsertion sociale.

(28)

Les victimes de crimes commis en détention ont souvent un accès limité à la justice, malgré l’obligation pour les États de prévoir des voies de recours effectives en cas de violation de leurs droits. Conformément aux objectifs de la stratégie de l’UE relative aux droits des victimes (2020-2025), il est recommandé aux États membres de garantir des voies de recours effectives en cas de violation des droits des détenus, ainsi que des mesures de protection et de soutien. L’assistance juridique et les mécanismes de dépôt des requêtes et des plaintes devraient être facilement accessibles, confidentiels et efficaces.

(29)

Les États membres devraient tenir compte des besoins particuliers de certains groupes de détenus, notamment les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées ou souffrant de graves problèmes de santé, les personnes LGBTIQ, les personnes issues d’une minorité raciale ou ethnique et les ressortissants étrangers, dans toutes les décisions relatives à la détention de ces derniers. En particulier, lorsque le détenu est un enfant, son intérêt supérieur doit toujours être une considération primordiale.

(30)

En ce qui concerne les délinquants terroristes et extrémistes violents, les États membres devraient prendre des mesures efficaces pour prévenir la radicalisation dans les prisons et mettre en œuvre des stratégies de réhabilitation et de réinsertion, compte tenu du risque que posent les délinquants terroristes et extrémistes violents ou les délinquants radicalisés pendant leur incarcération et du fait qu’un certain nombre de ces délinquants seront libérés dans un bref délai.

(31)

La présente recommandation ne donne qu’une vue d’ensemble des normes sélectionnées et devrait être examinée à la lumière et sans préjudice des orientations plus détaillées fournies dans les normes du Conseil de l’Europe et de la jurisprudence de la Cour de justice et de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle est sans préjudice du droit de l’Union en vigueur ni de son évolution ultérieure. Elle est également sans préjudice de l’interprétation du droit de l’Union que la Cour de justice pourrait donner et qui ferait autorité.

(32)

La présente recommandation devrait également faciliter l’exécution des mandats d’arrêt européens au titre de la décision-cadre 2002/584/JAI, ainsi que la reconnaissance des jugements et l’exécution des peines au titre de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil (22) concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté.

(33)

La présente recommandation respecte et promeut les droits fondamentaux reconnus par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La présente recommandation vise en particulier à promouvoir le respect de la dignité humaine, le droit à la liberté, le droit à la vie familiale, les droits de l’enfant, le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, ainsi que la présomption d’innocence et les droits de la défense.

(34)

Dans la présente recommandation, les références aux mesures appropriées visant à garantir aux personnes handicapées un accès effectif à la justice devraient s’entendre à la lumière des droits et obligations découlant de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, à laquelle l’Union européenne et tous ses États membres sont parties. En outre, il convient de veiller à ce que les personnes handicapées, si elles sont privées de leur liberté dans le cadre d’une procédure pénale, aient droit, sur la base de l’égalité avec les autres, aux garanties prévues par le droit international des droits de l’homme et soient traitées conformément aux buts et principes de la Convention des Nation unies relative aux droits des personnes handicapées, y compris en bénéficiant d’aménagements raisonnables pour répondre à des besoins particuliers et en garantissant l’accessibilité,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE RECOMMANDATION:

OBJECTIF DE LA RECOMMANDATION

(1)

La présente recommandation définit des orientations à l’intention des États membres pour qu’ils prennent des mesures efficaces, appropriées et proportionnées visant à renforcer les droits de tous les suspects et personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales qui sont privés de liberté, qu’il s’agisse des droits procéduraux des personnes faisant l’objet d’une détention provisoire ou des conditions matérielles de détention, afin de garantir que les personnes privées de liberté sont traitées avec dignité, que leurs droits fondamentaux sont respectés et qu’elles ne sont privées de liberté qu’en dernier ressort.

(2)

La présente recommandation consolide les normes établies dans le cadre des stratégies existantes à l’échelon national, à l’échelon de l’Union et à l’échelon international en ce qui concerne les droits des personnes privées de liberté à l’issue de procédures pénales, qui revêtent une importance capitale dans le contexte de la coopération judiciaire en matière pénale entre les États membres.

(3)

Les États membres peuvent élargir les orientations définies dans la présente recommandation afin d’assurer un niveau de protection plus élevé. Ce niveau plus élevé de protection ne devrait pas constituer un obstacle à la reconnaissance mutuelle des décisions de justice que ces orientations visent à faciliter. Ce niveau de protection ne devrait jamais être inférieur aux normes établies par la Charte ou la CEDH, telles qu’elles sont interprétées par la jurisprudence de la Cour de justice et de la Cour européenne des droits de l’homme.

DÉFINITIONS

(4)

Aux fins de la présente recommandation, on entend par «détention provisoire» toute période de détention d’un suspect ou d’une personne poursuivie dans le cadre d’une procédure pénale ordonnée par une autorité judiciaire et antérieure à la condamnation. Elle ne devrait pas inclure la privation initiale de liberté imposée par la police ou les forces de l’ordre (ou par toute autre personne habilitée) en vue d’interroger ou de sécuriser le suspect ou la personne poursuivie jusqu’à ce qu’une décision de détention provisoire ait été prise.

(5)

Aux fins de la présente recommandation, on entend par «mesures alternatives» les mesures moins restrictives autres que la détention.

(6)

Aux fins de la présente recommandation, on entend par «détenus» les personnes privées de liberté en détention provisoire et les personnes condamnées purgeant une peine d’emprisonnement. Par «centre de détention», on entend tout établissement pénitentiaire ou autre destiné à la détention de détenus au sens de la présente recommandation.

(7)

Aux fins de la présente recommandation, on entend par «enfant» toute personne âgée de moins de 18 ans.

(8)

Aux fins de la présente recommandation, on entend par «jeune adulte» toute personne âgée de plus de 18 ans et de moins de 21 ans.

(9)

Aux fins de la présente recommandation, on entend par «personnes handicapées», conformément à l’article 1er de la Convention des Nation unies relative aux droits des personnes handicapées, les personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres.

PRINCIPES GÉNÉRAUX

(10)

Les États membres ne devraient recourir à la détention provisoire qu’en dernier ressort. Les mesures alternatives à la détention devraient être privilégiées, en particulier lorsque l’infraction n’est passible que d’une courte peine d’emprisonnement ou lorsque l’auteur de l’infraction est un enfant.

(11)

Les États membres devraient veiller à ce que les détenus soient traités avec respect et dignité et conformément à leurs obligations respectives en matière de droits de l’homme, notamment à l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants prévue à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

(12)

Les États membres sont encouragés à faire en sorte que la détention facilite la réinsertion sociale des détenus, en vue de prévenir la récidive.

(13)

Les États membres devraient appliquer la présente recommandation sans distinction aucune, notamment d’origine raciale ou ethnique, de couleur, de sexe, d’âge, de handicap, d’orientation sexuelle, de langue, de religion, d’opinions politiques ou autres, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de tout autre statut.

NORMES MINIMALES RELATIVES AUX DROITS PROCÉDURAUX DES SUSPECTS ET DES PERSONNES POURSUIVIES FAISANT L’OBJET D’UNE DÉTENTION PRÉVENTIVE

La détention provisoire à titre de mesure de dernier ressort et les alternatives à la détention

(14)

Les États membres ne devraient imposer la détention provisoire que lorsque cela est strictement nécessaire et à titre de mesure de dernier ressort, en tenant dûment compte des circonstances propres à chaque cas particulier. À cette fin, les États membres devraient, lorsque cela est possible, recourir à des mesures alternatives.

(15)

Les États membres devraient adopter une présomption en faveur de la libération. Les États membres devraient exiger des autorités nationales compétentes qu’elles supportent la charge de la preuve de démontrer la nécessité d’imposer la détention provisoire.

(16)

Afin d’éviter un recours abusif à la détention provisoire, les États membres devraient mettre à disposition l’éventail le plus large possible de mesures alternatives, incluant celles mentionnées dans la décision-cadre 2009/829/JAI du Conseil (23) concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu’alternative à la détention provisoire.

(17)

Parmi ces mesures pourraient figurer: a) l’engagement de comparaître devant une autorité judiciaire selon les modalités prescrites, de ne pas entraver la bonne marche de la justice et de ne pas adopter tel ou tel comportement, même si celui-ci est lié à une certaine profession ou à un certain poste; b) l’obligation de se présenter quotidiennement ou régulièrement devant une autorité judiciaire, la police ou une autre autorité; c) l’obligation d’accepter la surveillance d’une instance désignée par l’autorité judiciaire; d) l’obligation de se soumettre à une surveillance électronique; e) l’assignation à résidence, assortie ou non de conditions concernant les heures auxquelles il faut s’y g) l’interdiction de rencontrer certaines personnes sans autorisation; h) l’obligation de rendre son passeport ou d’autres pièces d’identité; et i) l’obligation de produire une caution financière ou autre pour garantir la bonne conduite de la personne durant le procès.

(18)

Les États membres devraient en outre exiger que, lorsqu’une caution financière est fixée comme condition préalable à la libération, le montant soit proportionnel aux moyens du suspect ou de la personne poursuivie.

Raisons plausibles de soupçonner et motifs de détention provisoire

(19)

Les États membres ne devraient imposer la détention provisoire que lorsqu’il y a des raisons plausibles, établies à la suite d’une évaluation minutieuse au cas par cas, de soupçonner que le suspect a commis l’infraction en question, et devraient restreindre les motifs juridiques de la détention provisoire: a) au risque de soustraction à la justice; b) au risque de récidive; c) au risque que le suspect ou la personne poursuivie entrave la bonne marche de la justice; ou d) au risque de menace pour l’ordre public.

(20)

Les États membres devraient veiller à ce que la détermination de tout risque soit fondée sur les circonstances particulières de l’espèce, mais aussi à ce qu’une attention particulière soit accordée: a) à la nature et à la gravité de l’infraction alléguée; b) à la peine susceptible d’être infligée dans l’éventualité d’une condamnation; c) à l’âge, à l’état de santé, à la personnalité, aux condamnations antérieures et à la situation personnelle et sociale du suspect, et en particulier à ses attaches sociales; et d) à la conduite du suspect, notamment la manière dont il a rempli les obligations qui ont pu lui être imposées lors de procédures pénales antérieures. Le fait que le suspect n’est pas ressortissant du pays où l’infraction est censée avoir été commise ou n’a aucun autre lien avec celui-ci, n’est pas, en soi, suffisant pour conclure qu’il y a risque de fuite.

(21)

Les États membres sont encouragés à imposer la détention provisoire uniquement pour les infractions passibles d’une peine privative de liberté minimale d’un an.

Motivation des décisions de détention provisoire

(22)

Les États membres devraient veiller à ce que toute décision prise par une autorité judiciaire d’imposer une détention provisoire, de prolonger une détention provisoire ou d’imposer des mesures alternatives soit dûment motivée et justifiée et se réfère à la situation spécifique du suspect ou de la personne poursuivie pour justifier sa détention. La personne concernée devrait recevoir une copie de la décision, qui devrait également indiquer les raisons pour lesquelles les alternatives à la détention provisoire ne sont pas jugées appropriées.

Réexamen périodique de la détention provisoire

(23)

Les États membres devraient veiller à ce que le bien-fondé des motifs pour lesquels un suspect ou une personne poursuivie est placé en détention provisoire fasse l’objet d’un réexamen périodique par une autorité judiciaire. Dès que les motifs de détention de la personne cessent d’exister, les États membres devraient s’assurer que le suspect ou la personne poursuivie est libéré sans retard injustifié.

(24)

Les États membres devraient permettre que le réexamen périodique des décisions de détention provisoire soit entrepris à la demande du défendeur ou, d’office, par une autorité judiciaire.

(25)

Les États membres devraient, en principe, limiter l’intervalle entre les réexamens afin qu’il ne dépasse pas un mois, sauf dans les cas où le suspect ou la personne poursuivie dispose du droit de présenter, à tout moment, une demande de remise en liberté et de recevoir une décision concernant cette demande sans retard injustifié.

Audition du suspect ou de la personne poursuivie

(26)

Les États membres devraient veiller à ce qu’un suspect ou une personne poursuivie soit entendu, en personne ou par l’intermédiaire d’un représentant légal, dans le cadre d’une audition contradictoire devant l’autorité judiciaire compétente statuant sur la détention provisoire. Les États membres devraient veiller à ce que les décisions relatives à la détention provisoire soient prises sans retard injustifié.

(27)

Les États membres devraient respecter le droit du suspect ou de la personne poursuivie d’être jugé dans un délai raisonnable. Plus particulièrement, les États membres devraient veiller à ce que les affaires dans lesquelles la détention provisoire a été imposée soient traitées d’urgence et avec toute la diligence requise.

Voies de recours effectives et droit de recours

(28)

Les États membres devraient garantir que les suspects ou les personnes poursuivies qui sont privés de liberté ont accès à une procédure devant une juridiction compétente pour contrôler la légalité de leur détention et, le cas échéant, pour ordonner leur libération.

(29)

Les États membres devraient accorder aux suspects ou aux personnes poursuivies faisant l’objet d’une décision de détention provisoire le droit de recours contre une telle décision et les informer de ce droit lorsque la décision est prise.

Durée de la détention provisoire

(30)

Les États membres devraient s’assurer que la durée de la détention provisoire n’excède pas celle de la peine susceptible d’être prononcée pour l’infraction en question, et n’est pas disproportionnée par rapport à cette peine.

(31)

Les États membres devraient veiller à ce que la durée de la détention provisoire imposée ne porte pas atteinte au droit d’une personne détenue d’être jugée dans un délai raisonnable.

(32)

Les États membres devraient examiner en priorité les affaires dans lesquelles une personne fait l’objet d’une détention provisoire.

Déduction du temps passé en détention provisoire de la durée de la condamnation définitive

(33)

Les États membres devraient déduire toute période passée de détention provisoire avant la condamnation, y compris lorsqu’elle est exécutée dans le cadre de mesures alternatives, de la durée de toute peine d’emprisonnement prononcée par la suite.

NORMES MINIMALES RELATIVES AUX CONDITIONS MATÉRIELLES DE DÉTENTION

Locaux de détention

(34)

Les États membres devraient faire en sorte que chaque détenu dispose, dans le cas d’une cellule individuelle, d’une surface minimale d’au moins 6 m2 et, dans le cas d’une cellule collective, de 4 m2. Les États membres devraient veiller à ce que l’espace personnel dont dispose chaque détenu, y compris dans une cellule collective, soit égal ou supérieur à un minimum absolu de 3 m2 par détenu. Le fait que l’espace personnel dont dispose un détenu est inférieur à 3 m2 fait naître une forte présomption de violation de l’article 3 de la CEDH. Le calcul de l’espace disponible devrait inclure la surface occupée par le mobilier mais pas celle occupée par les sanitaires.

(35)

Les États membres devraient veiller à ce que toute réduction exceptionnelle de la surface égale ou supérieure à un minimum absolu de 3 m2 par détenu soit courte, occasionnelle, mineure et accompagnée, hors de la cellule, d’une liberté de circulation suffisante et d’activités appropriées. En outre, les États membres devraient veiller à ce que, dans de tels cas, l’établissement offre de manière générale des conditions de détention décentes et à ce que la personne concernée ne soit pas soumise à d’autres éléments considérés comme des circonstances aggravantes de mauvaises conditions de détention, tels que d’autres manquements aux exigences structurelles minimales applicables aux cellules ou aux installations sanitaires.

(36)

Les États membres devraient s’assurer que les détenus ont accès à la lumière naturelle et à l’air frais dans leurs cellules.

Répartition

(37)

Les États membres sont encouragés et, dans le cas des enfants, devraient veiller, à répartir les détenus, dans la mesure du possible, dans des centres de détention situés près de leur domicile ou dans d’autres lieux adaptés aux fins de leur réhabilitation sociale.

(38)

Les États membres devraient veiller à ce que les personnes placées en détention provisoire soient séparées des détenus condamnés. De même, les femmes devraient être séparées des hommes et les enfants ne devraient pas être détenus avec des adultes, à moins qu’il ne soit considéré dans l’intérêt supérieur de l’enfant de procéder de la sorte.

(39)

Lorsqu’un enfant placé en détention atteint l’âge de 18 ans, et, selon le cas, pour les jeunes adultes de moins de 21 ans, les États membres devraient prévoir la possibilité pour cette personne de poursuivre sa détention séparément des adultes si cela est justifié, compte tenu de sa situation personnelle, pour autant que cela soit compatible avec l’intérêt supérieur des enfants qui sont détenus avec cette personne.

Hygiène et conditions sanitaires

(40)

Les États membres devraient veiller à ce que les installations sanitaires soient accessibles à tout moment et à ce qu’elles préservent suffisamment l’intimité des détenus, notamment au moyen d’une séparation structurelle réelle des espaces de vie dans les cellules collectives.

(41)

Les États membres devraient mettre en place des mesures concrètes pour maintenir des normes d’hygiène satisfaisantes au moyen de la désinfection et de la fumigation. Les États membres devraient en outre veiller à ce que des produits d’hygiène de base, y compris des serviettes hygiéniques, soient fournis aux détenus et à ce que les cellules disposent de l’eau chaude et courante.

(42)

Les États membres devraient fournir aux détenus des vêtements et de la literie propres et convenables, ainsi que les moyens de les maintenir propres.

Alimentation

(43)

Les États membres devraient veiller à ce que la nourriture soit fournie en quantité et en qualité suffisantes pour répondre aux besoins nutritionnels des détenus et à ce que les aliments soient préparés et servis dans le respect des conditions d’hygiène. En outre, les États membres devraient veiller à ce que les détenus aient accès à tout moment à l’eau potable.

(44)

Les États membres devraient permettre aux détenus de bénéficier d’un régime alimentaire tenant compte de leur âge, de leur handicap, de leur état de santé, de leur état physique, de leur religion, de leur culture et de la nature de leur travail.

Temps passé hors de la cellule et à l’extérieur

(45)

Les États membres devraient permettre aux détenus de faire de l’exercice en plein air pendant au moins une heure chaque jour et, à cette fin, fournir des installations et des équipements spacieux et appropriés.

(46)

Les États membres devraient permettre aux détenus de sortir de leur cellule pendant un délai raisonnable afin qu’ils s’adonnent à des activités professionnelles, éducatives et récréatives, dans la mesure où elles sont nécessaires pour assurer un niveau suffisant de contacts humains et sociaux. Afin de prévenir toute violation de l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, les États membres devraient veiller à ce que toute exception à cette règle, dans le cadre des régimes et des mesures de sécurité spéciaux, y compris l’isolement cellulaire, soit nécessaire et proportionnée.

Travail et éducation des détenus afin de favoriser leur réinsertion sociale

(47)

Les États membres devraient investir dans la réhabilitation sociale des détenus, en tenant compte de leurs besoins personnels. Pour ce faire, les États membres devraient s’efforcer de proposer des emplois rémunérés et utiles. Dans l’optique de favoriser la bonne réinsertion des détenus dans la société et sur le marché du travail, les États membres devraient privilégier les emplois incluant une formation professionnelle.

(48)

Afin d’aider les détenus à préparer leur libération et de faciliter leur réintégration dans la société, les États membres devraient veiller à ce que tous les détenus aient accès à des programmes éducatifs sûrs, inclusifs et accessibles (y compris à l’apprentissage à distance), qui répondent à leurs besoins personnels tout en tenant compte de leurs aspirations.

Soins de santé

(49)

Les États membres devraient veiller à ce que les détenus aient accès en temps utile à l’assistance médicale, y compris psychologique, dont ils ont besoin pour préserver leur santé physique et mentale. À cette fin, les États membres devraient s’assurer que les soins de santé dispensés dans les centres de détention répondent aux mêmes normes que ceux du système national de santé publique, y compris en ce qui concerne les traitements psychiatriques.

(50)

Les États membres devraient assurer un suivi médical régulier et promouvoir les programmes de vaccination et de dépistage médical portant notamment sur les maladies transmissibles (VIH, hépatite virale B et C, tuberculose et maladies sexuellement transmissibles) et non transmissibles (dépistage du cancer notamment), suivis d’un diagnostic et de la mise en place d’un traitement si nécessaire. Les programmes d’éducation sanitaire peuvent contribuer à améliorer les taux de dépistage et les connaissances en matière de santé. Les États membres devraient en particulier veiller à ce qu’une attention particulière soit accordée au traitement des détenus atteints de toxicomanie, à la prévention et aux soins des maladies infectieuses, à la santé mentale et à la prévention du suicide.

(51)

Les États membres devraient exiger qu’un examen médical soit effectué sans retard injustifié au début de toute période de privation de liberté et après tout transfert.

Prévention de la violence et des mauvais traitements

(52)

Les États membres devraient prendre toutes les mesures raisonnables pour garantir la sécurité des détenus et prévenir toute forme de torture ou de mauvais traitements. En particulier, les États membres devraient prendre toutes les mesures raisonnables pour veiller à ce que les détenus ne fassent l’objet d’aucune violence ni d’aucun mauvais traitement de la part du personnel du centre de détention et à ce qu’ils soient traités dans le respect de leur dignité. Les États membres devraient également exiger du personnel du centre de détention et de toutes les autorités compétentes qu’ils protègent les détenus contre la violence ou les mauvais traitements infligés par d’autres détenus.

(53)

Les États membres devraient s’assurer que le respect de ce devoir de diligence et que tout recours à la force par le personnel du centre de détention fassent l’objet d’un contrôle.

Contacts avec le monde extérieur

(54)

Les États membres devraient permettre aux détenus de recevoir la visite de leur famille et d’autres personnes, comme des représentants légaux, des travailleurs sociaux et des médecins. Les États membres devraient également permettre aux détenus de correspondre librement avec ces personnes par lettre et, aussi souvent que possible, par téléphone ou par d’autres formes de communication, y compris des moyens de communication alternatifs pour les personnes handicapées.

(55)

Les États membres devraient mettre à disposition des structures appropriées pour que les visites familiales aient lieu dans des conditions adaptées aux enfants, c’est-à-dire qu’elles soient compatibles avec les exigences de sécurité mais moins traumatisantes pour eux. Ces visites familiales devraient garantir le maintien de contacts réguliers et significatifs entre les membres de la famille.

(56)

Les États membres devraient envisager de permettre la communication par des moyens numériques, tels que les appels vidéo, afin, entre autres, que les détenus puissent entretenir des contacts avec leur famille, postuler à des emplois, suivre des cours de formation ou chercher un logement en vue de leur libération.

(57)

Les États membres devraient veiller à ce que, lorsqu’il est exceptionnellement interdit aux détenus de communiquer avec le monde extérieur, cette mesure restrictive soit strictement nécessaire et proportionnée et ne soit pas appliquée pendant une période prolongée.

Assistance juridique

(58)

Les États membres devraient garantir aux détenus l’accès effectif à un avocat.

(59)

Les États membres devraient respecter la confidentialité des rencontres et de toute autre forme de communication, y compris de la correspondance juridique, entre les détenus et leurs conseillers juridiques.

(60)

Les États membres devraient accorder aux détenus l’accès aux documents relatifs à leur procédure judiciaire ou leur permettre de les garder en leur possession.

Requêtes et plaintes

(61)

Les États membres devraient veiller à ce que tous les détenus soient clairement informés des règles applicables dans leur propre centre de détention.

(62)

Les États membres devraient faciliter l’accès effectif à la procédure permettant aux détenus de contester officiellement certains aspects de leur vie en détention. Plus particulièrement, les États membres devraient veiller à ce que les détenus puissent introduire librement, au moyen de mécanismes de traitement des plaintes internes et externes, des requêtes et des plaintes confidentielles relatives à leur traitement.

(63)

Les États membres devraient s’assurer que les plaintes des détenus sont examinées rapidement et effectivement par une autorité ou un tribunal indépendant habilité à ordonner des mesures de redressement, en particulier des mesures visant à mettre fin à toute violation du droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants.

Mesures spéciales en faveur des femmes et des filles

(64)

Les États membres devraient tenir compte des besoins particuliers des femmes et des filles, entre autres aux niveaux physique, professionnel, social et psychologique, ainsi que des exigences en matière d’hygiène et de soins de santé, au moment de prendre des décisions affectant l’un ou l’autre aspect de leur détention.

(65)

Les États membres devraient autoriser les détenues à accoucher dans un hôpital situé en dehors du centre de détention. Cependant, si un enfant venait à naître dans l’établissement, les États membres devraient fournir toute l’assistance et les infrastructures nécessaires, soins de santé prénataux et postnataux appropriés compris, pour protéger le lien entre la mère et l’enfant et pour préserver leur bien-être physique et mental.

(66)

Les États membres devraient autoriser les détenues ayant des enfants en bas âge à les garder avec elles dans le centre de détention, dans la mesure où cette mesure est compatible avec l’intérêt supérieur de l’enfant. Les États membres devraient prévoir une infrastructure spéciale et prendre toutes les mesures raisonnables en faveur des enfants afin de garantir la santé et le bien-être des enfants concernés tout au long de l’exécution de la peine.

Mesures spéciales pour les ressortissants étrangers

(67)

Les États membres devraient veiller à ce que les ressortissants étrangers et les autres détenus ayant des besoins linguistiques particuliers qui sont privés de liberté aient un accès raisonnable à des services professionnels d’interprétation et à la traduction de documents écrits dans une langue qu’ils comprennent.

(68)

Les États membres devraient s’assurer que les ressortissants étrangers sont informés, sans délai injustifié, de leur droit de prendre contact avec le service diplomatique ou consulaire du pays dont ils ont la nationalité et de bénéficier de moyens raisonnables pour établir cette communication.

(69)

Les États membres devraient veiller à ce que des informations sur l’assistance juridique soient fournies.

(70)

Les États membres devraient veiller à ce que les ressortissants étrangers soient informés de la possibilité de demander que l’exécution de leur peine ou de leurs mesures de contrôle présentencielles soit transférée dans le pays dont ils ont la nationalité ou leur pays de résidence permanente, comme le prévoient la décision-cadre 2008/909/JAI et la décision-cadre 2009/829/JAI.

Mesures spéciales pour les enfants et les jeunes adultes

(71)

Les États membres devraient veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale dans toutes les questions liées à sa détention et à ce que ses droits et besoins spécifiques soient pris en compte au moment de prendre des décisions influençant un quelconque aspect de sa détention.

(72)

Pour les enfants, les États membres devraient mettre en place un régime de détention approprié et pluridisciplinaire, qui garantit et préserve leur santé et leur développement physique, mental et émotionnel, leur droit à l’éducation et à la formation, l’exercice effectif et régulier de leur droit à la vie familiale et leur accès à des programmes qui favorisent leur réinsertion dans la société.

(73)

Tout recours à des mesures disciplinaires, y compris à l’isolement cellulaire, à des contraintes ou à la force, devrait être subordonné à des considérations de nécessité et de proportionnalité strictes.

(74)

Lorsque cela est approprié, les États membres sont encouragés à appliquer le régime de détention des mineurs aux jeunes délinquants âgés de moins de 21 ans.

Mesures spéciales en faveur des personnes handicapées ou souffrant de maladies graves

(75)

Les États membres devraient veiller à ce que les personnes handicapées ou souffrant de maladies graves reçoivent des soins appropriés, comparables à ceux fournis par le système national de santé publique, et qui répondent à leurs besoins particuliers. Plus particulièrement, les États membres devraient s’assurer que les personnes atteintes de troubles de la santé mentale reçoivent des soins de la part de professionnels spécialisés, si nécessaire dans des établissements spécialisés ou des sections dédiées du centre de détention, sous surveillance médicale, et que la continuité des soins de santé soit assurée pour les détenus prêts à sortir de prison, le cas échéant.

(76)

En ce qui concerne les conditions matérielles de détention et les régimes de détention, les États membres devraient veiller tout particulièrement à répondre aux besoins des détenus handicapés ou souffrant de maladies graves et à garantir leur accessibilité. Cela devrait inclure la mise en place d’activités appropriées leur étant destinées.

Mesures spéciales visant à protéger les détenus ayant des besoins ou des vulnérabilités particuliers

(77)

Les États membres devraient veiller à ce que le placement en détention n’aggrave pas la marginalisation des personnes en raison de leur orientation sexuelle, de leur origine raciale ou ethnique ou de leurs convictions religieuses ou de tout autre motif.

(78)

Les États membres devraient prendre toutes les mesures raisonnables pour prévenir tout acte de violence ou tout autre mauvais traitement, tel que des abus physiques, mentaux ou sexuels, commis à l’encontre de personnes en raison de leur orientation sexuelle, de leur origine raciale ou ethnique, de leurs convictions religieuses ou de tout autre motif, de la part du personnel du centre de détention ou d’autres détenus. Les États membres devraient veiller à ce que des mesures de protection spéciales soient appliquées lorsqu’il existe un risque de tels actes de violence ou de mauvais traitements.

Inspections et contrôle

(79)

Les États membres devraient faciliter la réalisation, par une autorité indépendante, d’inspections régulières destinées à vérifier si les centres de détention sont gérés conformément aux exigences du droit national et international. Les États membres devraient en particulier accorder un accès sans entrave au Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et au réseau des mécanismes nationaux de prévention.

(80)

Les États membres devraient accorder l’accès aux centres de détention aux parlementaires nationaux et sont encouragés à accorder ce même accès aux députés au Parlement européen.

(81)

Les États membres devraient également envisager d’organiser des visites régulières dans les établissements et autres centres de détention destinées aux juges, aux procureurs et aux avocats de la défense, dans le cadre de leur formation judiciaire.

Mesures spécifiques visant à lutter contre la radicalisation dans les prisons

(82)

Les États membres sont encouragés à procéder à une évaluation initiale des risques afin de définir le régime de détention approprié applicable aux détenus soupçonnés ou condamnés pour des infractions terroristes et extrémistes violentes.

(83)

Sur la base de cette évaluation des risques, ces détenus peuvent être regroupés dans une aile distincte réservée aux terroristes ou être dispersés dans la population carcérale générale. Dans ce dernier cas, les États membres devraient empêcher ces individus d’avoir des contacts directs avec des détenus dans une situation de vulnérabilité particulière.

(84)

Les États membres devraient veiller à ce que l’administration pénitentiaire procède régulièrement à des évaluations des risques supplémentaires (au début de la détention, pendant la détention et avant la libération des détenus soupçonnés ou condamnés pour des infractions terroristes et extrémistes violentes).

(85)

Les États membres sont encouragés à dispenser une formation générale de sensibilisation à l’ensemble du personnel, ainsi qu’une formation au personnel spécialisé, en vue de reconnaître les signes de radicalisation à un stade précoce. Les États membres devraient également envisager de désigner un nombre approprié d’aumôniers de prison bien formés et issus de différentes religions.

(86)

Les États membres devraient mettre en œuvre des mesures prévoyant la mise en place de programmes de réhabilitation, de déradicalisation et de désengagement en prison, en vue de la libération des détenus, ainsi que de programmes faisant suite à cette libération, afin de favoriser la réinsertion des détenus condamnés pour des infractions terroristes et extrémistes violentes.

SUIVI

(87)

Les États membres devraient informer la Commission du suivi de la présente recommandation dans un délai de 18 mois à compter de son adoption. Sur la base de ces informations, la Commission devrait suivre et évaluer les mesures prises par les États membres et présenter un rapport au Parlement européen et au Conseil dans les 24 mois suivant son adoption.

Fait à Bruxelles, le 8 décembre 2022.

Par la Commission

Didier REYNDERS

Membre de la Commission


(1)  Arrêt de la Cour de justice du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru, C-404/15 et C-659/15 PPU, ECLI:EU:C:2016:198. Arrêt de la Cour de justice du 25 juillet 2018, Generalstaatsanwaltschaft, C-220/18 PPU, ECLI:EU:C:2018:589, et du 15 octobre 2019, Dimitru-Tudor Dorobantu, C-128/18, ECLI:EU:C:2019:857.

(2)  Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO L 190 du 18.7.2002, p. 1).

(3)  Bivolaru et Moldovan c. France, arrêt du 25 mars 2021, 40324/16 et 12623/17.

(4)  https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-14540-2018-INIT/fr/pdf

(5)  https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-14075-2019-INIT/en/pdf

(6)  https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-9727-2019-INIT/fr/pdf

(7)  [2019/2207(INI)], tel qu’adopté le 20 janvier 2021.

(8)  Consultez le site https://fra.europa.eu/en/databases/criminal-detention

(9)  Période couverte: 2016-2019. Pour de plus amples informations, voir: https://ec.europa.eu/info/publications/replies-questionnaire-quantitative-information-practical-operation-european-arrest-warrant_fr

(10)  Neuvième série d’évaluations mutuelles et conclusions de la conférence de haut niveau sur le mandat d’arrêt européen, organisée par la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne en septembre 2020.

(11)  Voir DG Justice et consommateurs, Droits des suspects et des personnes poursuivies faisant l’objet d’une détention provisoire (étude préliminaire): rapport final, Office des publications de l’Union européenne, 2022, https://data.europa.eu/doi/10.2838/293366; DG Justice et consommateurs, Droits des suspects et des personnes poursuivies faisant l’objet d’une détention provisoire (étude préliminaire). Annexe 2, fiches pays, Office des publications de l’Union européenne, 2022, https://data.europa.eu/doi/10.2838/184080

(12)  Moins d’un an en Autriche, en Allemagne, au Danemark, en Estonie, en Lettonie, en Suède et en Slovaquie; entre un et deux ans en Bulgarie, en Grèce, en Lituanie, à Malte, en Pologne et au Portugal; entre deux et cinq ans en Tchéquie, en France, en Espagne, en Croatie et en Hongrie; plus de cinq ans en Italie et en Roumanie; pas de limite de temps en Belgique, à Chypre, en Finlande, en Irlande, au Luxembourg, aux Pays-Bas.

(13)  En 2020, d’un peu moins de 2 mois et demi à Malte à près de 13 mois en Slovénie. Moyenne par État membre: Autriche — 2,9 mois; Bulgarie — 6,5 mois; Tchéquie — 5,1 mois; Estonie — 4,7 mois; Finlande — 3,7 mois; Grèce — 11,5 mois; Hongrie — 12,3 mois; Irlande — 2,5 mois; Italie — 6,5 mois; Lituanie — 2,8 mois; Luxembourg — 5,2 mois; Malte — 2,4 mois; Pays-Bas — 3,7 mois; Portugal — 11 mois; Roumanie — 5,3 mois; Slovaquie — 3,9 mois; Slovénie — 12,9 mois; Espagne — 5,9 mois. Aucune donnée n’était disponible pour l’année 2020 pour la Belgique, le Danemark, la France, la Lettonie, la Pologne, l’Allemagne, la Croatie, Chypre et la Suède.

(14)  Moins de 10 % en Bulgarie, en Tchéquie et en Roumanie et plus de 45 % au Luxembourg en 2019.

(15)  Directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (JO L 280 du 26.10.2010, p. 1).

(16)  Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO L 142 du 1.6.2012, p. 1).

(17)  Directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires (JO L 294 du 6.11.2013, p. 1).

(18)  Directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO L 65 du 11.3.2016, p. 1).

(19)  Directive (UE) 2016/800 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales (JO L 132 du 21.5.2016, p. 1).

(20)  Directive (UE) 2016/1919 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 concernant l’aide juridictionnelle pour les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales et pour les personnes dont la remise est demandée dans le cadre des procédures relatives au mandat d’arrêt européen (JO L 297 du 4.11.2016, p. 1).

(21)   JO C 378 du 24.12.2013, p. 8.

(22)  Décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (JO L 327 du 5.12.2008, p. 27).

(23)  Décision-cadre 2009/829/JAI du Conseil du 23 octobre 2009 concernant l’application, entre les États membres de l’Union européenne, du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu’alternative à la détention provisoire (JO L 294 du 11.11.2009, p. 20).


Top