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Document 62024CJ0068
Judgment of the Court (Sixth Chamber) of 1 August 2025.#European Commission v Kingdom of Belgium.#Case C-68/24.
Unionin tuomioistuimen tuomio (kuudes jaosto) 1.8.2025.
Euroopan komissio vastaan Belgian kuningaskunta.
Asia C-68/24.
Unionin tuomioistuimen tuomio (kuudes jaosto) 1.8.2025.
Euroopan komissio vastaan Belgian kuningaskunta.
Asia C-68/24.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2025:607
ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
1er août 2025 (*)
« Manquement d’État – Article 258 TFUE – Équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants – Directive (UE) 2019/1158 – Article 20, paragraphe 1 – Absence de transposition et de communication des mesures de transposition – Article 260, paragraphe 3, TFUE – Demande de condamnation au paiement d’une somme forfaitaire – Critères d’établissement du montant de la sanction »
Dans l’affaire C‑68/24,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 et de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, introduit le 30 janvier 2024,
Commission européenne, représentée par Mmes E. Schmidt et F. Van Schaik, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Royaume de Belgique, représenté par Mmes C. Jacob, C. Pochet et L. Van den Broeck, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. A. Kumin, président de chambre, M. F. Biltgen (rapporteur), président de la première chambre, et Mme I. Ziemele, juge,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :
– de constater que, en ayant omis d’adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019, concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil (JO 2019, L 188, p. 79), ou, en tout état de cause, en ayant omis de communiquer ces dispositions à la Commission, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2019/1158 ;
– de condamner le Royaume de Belgique à verser à la Commission une somme forfaitaire correspondant au plus élevé des deux montants suivants :
– un montant de 3 360 euros par jour multiplié par le nombre de jours de persistance de l’infraction intervenus entre le jour suivant l’expiration du délai de transposition de la directive 2019/1158 fixé par celle-ci et la date à laquelle l’infraction a pris fin ou, à défaut, le jour du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE ;
– une somme forfaitaire de 2 352 000 euros ;
– de déclarer que, si le manquement constaté au premier tiret persiste à la date du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire, le Royaume de Belgique est condamné à payer à la Commission une astreinte d’un montant de 15 120 euros par jour à compter de la date du prononcé de cet arrêt jusqu’à ce que cet État membre se conforme pleinement aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 2019/1158, et
– de condamner le Royaume de Belgique aux dépens.
Le cadre juridique
La directive 2019/1158
2 Les considérants 6, 11, 16, 34 et 36 de la directive 2019/1158 énoncent :
« (6) Les politiques relatives à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée devraient contribuer à la réalisation de l’égalité des sexes en encourageant la participation des femmes au marché du travail, le partage des responsabilités familiales à part égales entre les hommes et les femmes et la réduction des écarts de revenus et de salaire entre les hommes et les femmes. [...]
[...]
(11) Le cadre juridique actuel de l’Union [européenne] prévoit peu de dispositions incitant les hommes à assumer une part égale des responsabilités familiales. [...] Le déséquilibre entre hommes et femmes dans la conception des politiques en matière d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée accentue les stéréotypes liés au genre et les différences entre travail et soins apportés aux proches. [...] De plus, le recours par les pères aux modalités permettant de concilier vie professionnelle et vie privée telles que les congés ou les formules souples de travail s’est avéré avoir une incidence positive en réduisant la quantité relative de travail familial non rémunéré effectué par les femmes et en laissant aux femmes davantage de temps pour un emploi rémunéré.
[...]
(16) La présente directive fixe des exigences minimales en matière de congé de paternité, de congé parental et de congé d’aidant, ainsi qu’en matière de formules souples de travail pour les travailleurs qui sont parents ou les aidants. En facilitant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale pour ces parents et aidants, la présente directive devrait contribuer aux objectifs définis par le traité en matière d’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le marché du travail et d’égalité de traitement sur le lieu de travail, ainsi qu’en ce qui concerne la promotion d’un niveau d’emploi élevé dans l’Union.
[...]
(34) Afin d’encourager les travailleurs qui sont parents et les aidants à rester dans la population active, ces travailleurs devraient être en mesure d’adapter leurs horaires de travail à leurs besoins et préférences personnels. À cette fin, et pour répondre aux besoins des travailleurs, ils ont le droit de demander des formules souples de travail afin d’aménager leurs régimes de travail, y compris, dans la mesure du possible, par le recours au travail à distance, à des horaires de travail souples ou à une réduction du temps de travail, dans le but de s’occuper de leurs proches.
[...]
(36) Lorsqu’ils examinent les demandes de formules souples de travail, les employeurs devraient pouvoir tenir compte, entre autres, de la durée de la formule souple de travail demandée ainsi que de leurs ressources et de leur capacité opérationnelle à proposer ce type de formule. L’employeur devrait pouvoir décider d’accepter ou de refuser une demande de formule souple de travail soumise par un travailleur. Les circonstances spécifiques qui expliquent le besoin de formules de travail souples peuvent changer. C’est pourquoi les travailleurs devraient non seulement avoir le droit de revenir à leur régime de travail de départ à la fin d’une période déterminée d’un commun accord, mais aussi pouvoir demander à le faire plus tôt si un changement de circonstances le nécessite. »
3 L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », prévoit :
« La présente directive fixe des exigences minimales conçues pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les opportunités sur le marché du travail et le traitement au travail, en facilitant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale pour les travailleurs qui sont parents ou les aidants.
[...] »
4 L’article 6 de ladite directive, relatif au congé d’aidant, dispose :
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que chaque travailleur ait le droit de prendre cinq jours ouvrables de congé d’aidant par an. Les États membres peuvent déterminer des éléments supplémentaires concernant le champ d’application et les conditions du congé d’aidant conformément à la législation ou à la pratique nationales. Le recours à ce droit peut être subordonné à la présentation de justifications appropriées, conformément à la législation ou à la pratique nationales.
2. Les États membres peuvent accorder un congé d’aidant sur la base d’une période de référence autre qu’un an, par personne ayant besoin de soins ou d’aide, ou par événement. »
5 Aux termes de l’article 7 de la même directive :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que chaque travailleur ait le droit de s’absenter du travail pour raisons de force majeure liée à des raisons familiales urgentes en cas de maladie ou d’accident qui rend indispensable la présence immédiate du travailleur. Les États membres peuvent limiter le droit de chaque travailleur à l’absence pour raisons de force majeure à une certaine durée par année ou par événement, ou les deux. »
6 L’article 9 de la directive 2019/1158 prévoit :
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les travailleurs dont les enfants ont jusqu’à un âge défini, qui ne peut être inférieur à huit ans, ainsi que les aidants, aient le droit de demander des formules souples de travail dans le but de s’occuper de membres de leur famille. La durée de ces formules souples de travail peut faire l’objet d’une limitation raisonnable.
2. Les employeurs examinent les demandes de formules souples de travail visées au paragraphe 1 et y répondent dans un délai raisonnable, en tenant compte à la fois de leurs propres besoins et de ceux des travailleurs. Les employeurs justifient tout refus d’une telle demande ou tout report de ces formules.
3. Lorsque les formules souples de travail visées au paragraphe 1 sont d’une durée limitée, le travailleur a le droit de revenir au régime de travail de départ à la fin de la période convenue. Le travailleur a aussi le droit de demander à revenir au régime de travail de départ avant la fin de la période convenue, dès lors qu’un changement de circonstances le justifie. L’employeur examine une demande visant à revenir plus tôt au régime de travail de départ et y répond, en tenant compte à la fois de ses propres besoins et de ceux du travailleur.
4. Les États membres peuvent subordonner le droit de demander des formules souples de travail à des périodes de travail ou à une exigence d’ancienneté, qui ne doivent pas dépasser six mois. En cas de contrats à durée déterminée successifs, au sens de la directive 1999/70/CE [du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43)], avec un même employeur, la somme de ces contrats est prise en considération aux fins du calcul de la période de référence. »
7 L’article 10, paragraphe 1, de la directive 2019/1158 est rédigé comme suit :
« Les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date de début du congé prévu aux articles 4, 5 et 6 ou de l’absence du travail prévue à l’article 7 sont maintenus jusqu’à la fin dudit congé ou de ladite absence du travail. À l’issue de ce congé ou de cette absence du travail, ces droits, y compris les changements découlant de la législation, des conventions collectives ou de la pratique nationale, s’appliquent. »
8 L’article 11 de cette directive prévoit :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire tout traitement moins favorable des travailleurs au motif qu’ils ont demandé ou ont pris un congé prévu aux articles 4, 5 et 6 ou se sont absentés du travail conformément à l’article 7 ou au motif qu’ils ont exercé les droits prévus à l’article 9. »
9 L’article 12 de ladite directive, relatif à la protection contre le licenciement et à la charge de la preuve, dispose :
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le licenciement de travailleurs et toutes mesures préparatoires en vue d’un licenciement au motif qu’ils ont demandé ou ont pris un congé prévu aux articles 4, 5 et 6 ou au motif qu’ils ont exercé le droit de demander une formule souple de travail visée à l’article 9.
2. Les travailleurs qui considèrent qu’ils ont été licenciés au motif qu’ils ont demandé ou ont pris un congé prévu aux articles 4, 5 et 6 ou au motif qu’ils ont exercé le droit de demander une formule souple de travail visée à l’article 9 peuvent demander à leur employeur de leur fournir les motifs dûment étayés de leur licenciement. En ce qui concerne le licenciement d’un travailleur qui a demandé ou a pris un congé prévu à l’article 4, 5 ou 6, l’employeur fournit les motifs du licenciement par écrit.
3. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, lorsque les travailleurs qui considèrent qu’ils ont été licenciés au motif qu’ils ont demandé ou pris un congé prévu aux articles 4, 5 et 6 établissent, devant une juridiction ou une autre autorité compétente, des faits laissant présumer qu’ils ont été licenciés pour de tels motifs, il incombe à l’employeur de prouver que le licenciement était fondé sur d’autres motifs.
[...] »
10 L’article 15 de la même directive énonce :
« Sans préjudice de la compétence des inspections du travail ou d’autres organismes qui font respecter les droits des travailleurs, parmi lesquels les partenaires sociaux, les États membres font en sorte que le ou les organismes désignés, en vertu de l’article 20 de la directive 2006/54/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204, p. 23)], pour promouvoir, analyser, surveiller et soutenir l’égalité de traitement de toutes les personnes, sans discrimination fondée sur le sexe, soient compétents pour les questions de discrimination qui relèvent de la présente directive. »
11 Conformément à l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2019/1158, les États membres doivent mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive au plus tard le 2 août 2022. Ils doivent en informer immédiatement la Commission. Conformément au paragraphe 3 de cet article, lorsque les États membres adoptent les dispositions visées aux paragraphes 1 et 2 dudit article, celles-ci contiennent une référence à ladite directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.
La communication de 2023
12 La communication de la Commission 2023/C 2/01, intitulée « Sanctions financières dans les procédures d’infraction » (JO 2023, C 2, p. 1, ci‑après la « communication de 2023 »), prévoit, à ses points 3 et 4, les règles relatives respectivement à l’« astreinte » et à la « somme forfaitaire ».
13 Le point 3.2 de cette communication, relatif à l’application du coefficient de gravité dans le cadre du calcul de l’astreinte journalière, dispose :
« Une infraction relative à [...] l’absence de communication de mesures de transposition d’une directive adoptée dans le cadre d’une procédure législative est toujours considérée comme grave. Afin d’adapter le montant de la sanction aux circonstances particulières de l’espèce, la Commission détermine le coefficient de gravité sur la base de deux paramètres : l’importance des règles de l’Union enfreintes ou non transposées et les effets de l’infraction sur des intérêts d’ordre général ou particulier.
[...] »
14 Le point 3.2.2 de ladite communication énonce :
« Pour les recours introduits en vertu de l’article 260, paragraphe 3, [TFUE], la Commission applique systématiquement un coefficient de gravité de 10 en cas de manquement complet à l’obligation de communiquer les mesures de transposition. Dans une Union fondée sur le respect de l’état de droit, toutes les directives législatives doivent être considérées comme étant d’une importance égale et doivent être intégralement transposées par les États membres dans les délais qui y sont fixés.
En cas de manquement partiel à l’obligation de communiquer les mesures de transposition, l’importance de la lacune de transposition doit être prise en considération lors de la fixation d’un coefficient de gravité qui sera inférieur à 10. En outre, les effets de l’infraction sur des intérêts d’ordre général ou particulier pourraient être pris en compte [...] »
15 Le point 3.4 de la communication de 2023, intitulé « Capacité de paiement de l’État membre », prévoit :
« [...]
Le niveau de sanction requis pour produire un effet dissuasif variera en fonction de la capacité de paiement des États membres. Cet effet dissuasif se reflète dans le facteur n. Il se définit comme une moyenne géométrique pondérée du produit intérieur brut (PIB) de l’État membre concerné par rapport à la moyenne des PIB des États membres, dont le poids est égal à deux, et de la population de l’État membre concerné par rapport à la moyenne de la population des États membres, dont le poids est égal à un. Cela représente la capacité de paiement de l’État membre concerné par rapport à la capacité de paiement des autres États membres :
[...]
La Commission a [...] décidé de revoir sa méthode de calcul du facteur n, qui repose désormais principalement sur le PIB des États membres et, à titre subsidiaire, sur leur population en tant que critère démographique permettant de maintenir un écart raisonnable entre les différents États membres. La prise en compte de la population des États membres pour un tiers du calcul du facteur n réduit dans une mesure raisonnable la variation des facteurs n des États membres en comparaison avec un calcul fondé uniquement sur le PIB des États membres. Elle ajoute également un élément de stabilité dans le calcul du facteur n, étant donné qu’il est peu probable que la population varie de manière significative sur une base annuelle. En revanche, le PIB d’un État membre est susceptible de connaître des fluctuations annuelles plus importantes, en particulier en période de crise économique. Dans le même temps, étant donné que le PIB de l’État membre représente encore deux tiers du calcul, il demeure le facteur prédominant aux fins de l’évaluation de sa capacité de paiement.
[...] »
16 Le point 4.2 de cette communication précise la méthode de calcul de la somme forfaitaire comme suit :
« La somme forfaitaire est calculée d’une manière globalement similaire à la méthode de calcul de l’astreinte, à savoir :
– en multipliant un forfait par un coefficient de gravité ;
– en multipliant le résultat par le facteur n ;
– en multipliant le résultat par le nombre de jours de persistance de l’infraction [...]
[...] »
17 Le point 4.2.1 de ladite communication prévoit :
« Aux fins du calcul de la somme forfaitaire, le montant journalier doit être multiplié par le nombre de jours de persistance de l’infraction. Ce nombre de jours est défini comme suit :
[...]
– pour les recours introduits en vertu de l’article 260, paragraphe 3, [TFUE], il s’agit du nombre de jours compris entre le jour suivant l’expiration du délai de transposition fixé dans la directive concernée et la date à laquelle l’infraction prend fin ou, à défaut de régularisation, la date du prononcé de l’arrêt au titre de l’article 260 [TFUE].
[...] »
18 Aux termes du point 4.2.2 de la même communication :
« Pour le calcul de la somme forfaitaire, la Commission applique le même coefficient de gravité et le même facteur n fixe que pour le calcul de l’astreinte [...]
Le forfait de la somme forfaitaire est inférieur à celui des astreintes. [...]
Le forfait applicable à la somme forfaitaire est fixé au point 2 de l’annexe I.
[...] »
19 L’annexe I de la communication de 2023, intitulée « Données servant au calcul des sanctions financières proposées à la Cour », prévoit, à son point 2, que le forfait de la somme forfaitaire mentionné au point 4.2.2 de ladite communication est fixé à 1 000 euros par jour, ce qui correspond à un tiers du forfait de l’astreinte, et, à son point 3, que le facteur « n » pour le Royaume de Belgique est fixé à 0,84. Au point 5 de cette annexe I, il est précisé que la somme forfaitaire minimale fixée pour cet État membre s’élève à 2 352 000 euros.
La procédure précontentieuse
20 Le 20 septembre 2022, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure au Royaume de Belgique, lui reprochant de ne pas lui avoir communiqué en temps utile les mesures complètes de transposition dans le droit national de l’ensemble des dispositions de la directive 2019/1158. Dans leurs réponses parvenues à la Commission entre le 17 novembre 2022 et le 23 décembre 2022, différentes autorités belges ont informé cette institution que certaines modifications du droit national étaient encore nécessaires pour se conformer pleinement à cette directive.
21 Le 19 avril 2023, la Commission a adressé un avis motivé au Royaume de Belgique, par lequel elle l’invitait à se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive dans un délai de deux mois à compter de la réception dudit avis.
22 Dans sa réponse du 19 juin 2023, le Royaume de Belgique a reconnu que la transposition complète de la directive 2019/1158 n’avait pas encore eu lieu et a fourni à la Commission un aperçu des mesures qui devaient encore être prises pour se conformer pleinement à celle-ci. Notamment pour la Région flamande (Belgique), la transposition des dispositions de cette directive était encore en cours dans le secteur de l’éducation et de la formation. À cet égard, le Royaume de Belgique a, par une lettre du 7 décembre 2023, informé la Commission des mesures restant à prendre par la Région flamande.
23 Considérant que cet État membre ne s’était toujours pas conformé à ses obligations, la Commission a décidé, le 16 novembre 2023, de saisir la Cour du présent recours.
Les développements intervenus au cours de la procédure devant la Cour
24 Le 23 avril 2024, le Royaume de Belgique a informé la Commission que toutes les dispositions de la directive 2019/1158 avaient été transposées dans le droit belge.
25 Le 21 juin 2024, considérant que cet État membre avait achevé la transposition de cette directive, la Commission a indiqué, dans son mémoire en réplique, qu’elle se désistait de sa demande de lui infliger une astreinte, mais qu’elle maintenait sa demande de paiement de la somme forfaitaire minimale d’un montant de 2 352 000 euros, compte tenu de la durée de l’infraction de 629 jours.
Sur le recours
Sur le manquement au titre de l’article 258 TFUE
Argumentation des parties
26 La Commission rappelle que, aux termes de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, les États membres sont tenus d’adopter les dispositions nécessaires pour la transposition des directives dans leur système juridique national, dans les délais prescrits dans ces directives, et de lui communiquer immédiatement ces dispositions.
27 Cette institution précise que l’existence d’un manquement à ces obligations doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé qu’elle lui a adressé.
28 Or, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé ainsi qu’à la date de l’introduction du présent recours, le Royaume de Belgique, plus particulièrement la Région flamande, n’aurait pas encore pris toutes les mesures nécessaires pour transposer intégralement la directive 2019/1158 ou, en tout état de cause, ne les aurait pas communiquées à la Commission. Cette institution précise, à cet égard, que le Royaume de Belgique ne conteste pas le manquement reproché.
29 Selon le Royaume de Belgique, plusieurs circonstances auraient justifié le retard dans la transposition de la directive 2019/1158 dans le droit national. D’abord, étant donné que le domaine du droit du travail relèverait de la compétence réglementaire du gouvernement fédéral et que les réglementations spécifiques s’alignent généralement sur le droit fédéral, toutes les entités belges concernées auraient décidé d’attendre les projets de textes fédéraux relatifs à la transposition de cette directive. Ensuite, en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19, les partenaires sociaux auraient tardé à émettre leur avis concernant cette transposition. Enfin, le Departement Onderwijs en Vorming (ministère de l’enseignement et de la formation) du gouvernement flamand aurait été tributaire, quant à ladite transposition, de l’avis tardif du Conseil d’État (Belgique) relatif à la même transposition.
30 Dans son mémoire en réplique, la Commission indique que, même si, le 23 avril 2024, les autorités belges l’ont informée du fait que toutes les dispositions de la directive 2019/1158 avaient été transposées et qu’il y avait donc lieu de considérer que le Royaume de Belgique ait intégralement transposé cette dernière, il n’en demeure pas moins que le manquement reproché a persisté jusqu’à cette date, ce qu’aucun élément du dossier ne serait susceptible de remettre en cause.
31 La Commission rappelle, à cet égard, la jurisprudence selon laquelle un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier la non‑transposition d’une directive dans le délai qu’elle prévoit et indique, en outre, que des circonstances institutionnelles particulières ne sauraient être considérées comme étant des circonstances justifiant le manquement reproché, au sens de la jurisprudence de la Cour.
32 La pandémie de COVID-19 ne constituerait pas non plus une justification quant au retard dans la transposition de la directive 2019/1158.
33 Premièrement, elle ne pourrait avoir qu’une incidence indirecte et aurait tout au plus engendré des difficultés internes qui ne sauraient être invoquées comme étant une justification d’un tel retard.
34 Deuxièmement, d’autres États membres également concernés par cette pandémie auraient transposé la directive 2019/1158 dans le délai requis. La Commission rappelle à cet égard que les États membres disposaient de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur de cette directive pour la transposer dans leur droit national et que le Royaume de Belgique a disposé, du fait de la durée de la procédure précontentieuse, d’une période supplémentaire.
35 Dans son mémoire en duplique, le Royaume de Belgique réitère l’exposé des circonstances présentées dans son mémoire en défense pour justifier le retard dans la transposition de la directive 2019/1158.
Appréciation de la Cour
36 Aux termes de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2019/1158, les États membres devaient, au plus tard le 2 août 2022, mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci et en informer immédiatement la Commission.
37 Conformément à une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, les changements intervenus par la suite ne pouvant être pris en compte par la Cour [arrêt du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 45 et jurisprudence citée].
38 En l’espèce, dans l’avis motivé du 19 avril 2023, la Commission a invité le Royaume de Belgique à se conformer à ses obligations visées dans cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception dudit avis.
39 Or, le Royaume de Belgique a reconnu que, à l’expiration de ce délai, il n’avait toujours pas adopté toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2019/1158 et, partant, qu’il n’avait pas non plus communiqué ces dispositions à la Commission à l’expiration dudit délai.
40 Quant à la justification de ce retard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier une inobservation des obligations résultant du droit de l’Union, telle que l’absence de transposition d’une directive dans le délai imparti [arrêt du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 49 et jurisprudence citée].
41 En outre, aux termes de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2019/1158, le législateur de l’Union a considéré qu’un délai de transposition de trois ans était suffisant pour permettre aux États membres de se conformer à leurs obligations.
42 S’agissant de l’argument du Royaume de Belgique relatif à la pandémie de COVID-19, il suffit de rappeler que, même si la notion de « force majeure » ne présuppose pas une impossibilité absolue de se conformer aux obligations résultant du droit de l’Union, elle exige néanmoins que le manquement en cause soit dû à des circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées, une situation de force majeure ne pouvant en outre être invoquée que pour la période nécessaire pour remédier à ces difficultés [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 36].
43 Si une crise sanitaire d’une envergure telle que celle de la pandémie de COVID-19 est un événement étranger au Royaume de Belgique, anormal et imprévisible, il n’en demeure pas moins qu’il appartenait à cet État membre d’agir avec toute la diligence requise en informant en temps utile la Commission des difficultés rencontrées, à tout le moins avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé [voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 36].
44 Or, ainsi qu’il ressort du mémoire en défense, le Royaume de Belgique n’a transposé de manière complète la directive 2019/1158 que le 23 avril 2024, sans avoir fait état à la Commission, avant le dépôt de ce mémoire, des difficultés rencontrées en raison de la pandémie de COVID-19.
45 S’agissant des conséquences de cette pandémie, qui s’est déclarée au début de l’année 2020, il n’est pas établi, ni même allégué, qu’elles expliqueraient la totalité du retard avec lequel le Royaume de Belgique a transposé la directive 2019/1158, d’autant plus que d’autres États membres, également concernés par ladite pandémie, ont transposé cette directive dans le délai prescrit à l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2019/1158.
46 Dès lors, le Royaume de Belgique ne saurait invoquer utilement ces circonstances pour justifier l’absence de transposition complète de la directive 2019/1158 dans ce délai.
47 Par conséquent, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, adopté toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2019/1158 et, partant, en n’ayant pas communiqué ces dispositions à la Commission, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 20, paragraphe 1, de cette directive.
Sur la demande présentée au titre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE
Argumentation des parties
48 La Commission indique que la détermination du montant de la somme forfaitaire doit se fonder sur les critères fondamentaux que sont la gravité de l’infraction, sa durée et la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction pour éviter la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union.
49 S’agissant, premièrement, de la gravité de l’infraction, la Commission rappelle que le coefficient applicable en vertu de la communication de 2023 est compris entre un minimum de 1 et un maximum de 20 et indique que, partant du principe que toutes les directives législatives doivent être considérées comme étant d’une importance égale et doivent être intégralement transposées par les États membres dans les délais qui y sont fixés, ladite communication prévoit l’application systématique d’un coefficient de gravité de 10 en cas de manquement complet à l’obligation de communiquer les mesures de transposition d’une directive. Elle rappelle, à cet égard, que, en dehors des effets de l’infraction sur des intérêts d’ordre général ou particulier, en cas de manquement partiel à l’obligation de communiquer les mesures de transposition, l’importance des règles de l’Union visées par l’infraction devrait être prise en considération pour la fixation d’un coefficient de gravité inférieur à 10.
50 Quant à l’importance de la directive 2019/1158, la Commission rappelle, en substance, l’objet et les objectifs de celle-ci. S’agissant des conséquences du défaut de transposition de cette directive sur des intérêts d’ordre général ou particulier, elle fait valoir que, en l’absence de cette transposition, des éléments importants de ladite directive, qui vise à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée des parents et des aidants, ne seraient pas accessibles pour ceux qui travaillent en Région flamande, ce qui pénaliserait non seulement ces derniers, mais également les membres de la famille de ceux-ci nécessitant de l’aide, et nuirait donc à l’égalité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et leur traitement au travail.
51 Au vu de ces considérations, la Commission propose, en l’espèce, un coefficient de gravité de 4, en précisant que cette proposition ne tient pas compte des mesures de transposition qui lui ont été communiquées après qu’elle a décidé d’introduire le présent recours.
52 En ce qui concerne, deuxièmement, la durée de l’infraction, la Commission précise que celle-ci équivaut, s’agissant du calcul de la somme forfaitaire, au nombre de jours de persistance de l’infraction. Cette durée est calculée conformément au point 4.2.1 de la communication de 2023 et correspond au nombre de jours entre celui suivant l’expiration du délai de transposition de la directive 2019/1158, à savoir le 2 août 2022 et celui auquel l’infraction a pris fin, à savoir, en l’espèce, le 23 avril 2024.
53 Troisièmement, conformément au point 3 de l’annexe I de la communication de 2023, la Commission rappelle que le facteur « n » pour le Royaume de Belgique est de 0,84.
54 En conséquence, concernant le calcul de la somme forfaitaire, la Commission propose, conformément au point 4.2 de cette communication, de multiplier le montant de base de la somme forfaitaire, fixé au point 2 de l’annexe I de cette communication à 1 000 euros par jour, par le coefficient de gravité du manquement, qui est de 4 et par le facteur « n », qui est de 0,84, ce qui correspond au montant journalier de 3 360 euros, qui devrait être multiplié par le nombre de jours de persistance de l’infraction, conformément au point 4.2.1 de ladite communication. La Commission précise que le paiement de cette somme forfaitaire doit être imposé au Royaume de Belgique à condition que cette somme soit supérieure au montant de la somme forfaitaire minimale, fixée pour cet État membre à 2 352 000 euros, conformément au point 5 de l’annexe I de la même communication.
55 Dans son mémoire en défense, le Royaume de Belgique soutient que les conséquences de la transposition tardive de la directive 2019/1158 sur la population active en Belgique sont restées très limitées, en ce qui concerne tant leur portée que leur durée.
56 En premier lieu, la teneur de la réglementation belge serait déjà conforme sur de nombreux points aux exigences minimales imposées par la directive 2019/1158, de sorte qu’aucune transposition n’aurait été nécessaire sur ces points. Il découlerait de la jurisprudence de la Cour que la préexistence de certaines dispositions nationales conformes à la directive concernée permettrait de considérer que les conséquences du manquement sur les intérêts privés et publics ne sont pas aussi négatives que dans le cas d’une absence totale de transposition d’une directive. En outre, le fait que ces dispositions nationales n’aient pas été notifiées à la Commission n’aurait pas d’incidence sur ces intérêts.
57 En second lieu, les dispositions de la directive 2019/1158 qui devaient encore être transposées dans le droit belge l’auraient été par des mesures qui ont été adoptées sur l’ensemble du territoire du Royaume de Belgique avec un retard limité. En effet, les principales mesures de transposition adoptées dans le domaine du droit du travail seraient entrées en vigueur le 10 novembre 2022 et la convention collective établissant les formes souples de travail pour les travailleurs du secteur privé se trouvant sur l’ensemble du territoire serait entrée en vigueur le 1er octobre 2022. Par conséquent, la période pendant laquelle la plus grande partie des travailleurs en Belgique n’a pas bénéficié des modifications des règles du droit du travail en raison du retard dans la transposition de la directive 2019/1158 aurait été très courte. En ce qui concerne les dispositions de cette directive visant à lutter contre les discriminations, les principales mesures de transposition de celles-ci seraient entrées en vigueur le 19 janvier 2023, ce qui attesterait également de l’incidence limitée du retard dans la transposition de ladite directive dans ce domaine.
58 Les conséquences de la transposition tardive de la directive 2019/1158 par la Région flamande ne concerneraient, selon le Royaume de Belgique, que trois catégories de personnel statutaire. Ainsi, premièrement, le retard de transposition de cette directive n’aurait eu aucune conséquence sur les membres du personnel du secteur public. En effet, l’article 10 de la directive 2019/1158 aurait été transposé avec effet au 10 novembre 2022 et jusqu’à cette date aucun membre du personnel statutaire n’aurait été affecté par cette transposition tardive. Deuxièmement, les conséquences de ladite transposition tardive sur les membres du personnel des administrations locales et provinciales auraient été de facto inexistantes dans la mesure où le ministre compétent du gouvernement flamand avait enjoint aux administrations locales et provinciales de traiter, pendant la période comprise entre le 1er octobre 2023 et le 11 février 2024, les membres du personnel statutaire de la même manière que ceux du personnel contractuel, lesquels bénéficiaient déjà des droits prévus par la directive 2019/1158. Troisièmement, quant au personnel enseignant statutaire, seul un groupe réduit de ce personnel dont la proportion est inférieure à 1,7 % de l’effectif total dans l’enseignement serait concerné par les conséquences de la transposition tardive des seuls articles 6, 9 et 12 de la directive 2019/1158.
59 Le Royaume de Belgique considère également, en se référant à l’arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte) (C‑147/23, EU:C:2024:346), que la Cour n’est pas liée par les lignes directrices telles que celles contenues dans les communications de la Commission qui énonceraient, en tant que règles indicatives, des variables mathématiques. Un coefficient de gravité de 10 ne devrait pas être automatiquement appliqué par la Commission en cas d’absence de communication des mesures de transposition de la directive en cause, laquelle devrait toujours apprécier, dans chaque État membre, les conséquences effectives de l’infraction constatée sur les intérêts privés et publics en présence et en tenant compte d’éventuelles circonstances atténuantes ou aggravantes. La Commission, en appliquant un coefficient de gravité de 4, n’aurait pas correctement apprécié les conséquences de l’infraction sur les intérêts privés et publics. Cet État membre ajoute que sa coopération dans le processus de transposition de la directive 2019/1158 doit également être prise en compte en tant que circonstance atténuante et demande que soit dûment pris en considération le fait que les mesures de transposition de l’ensemble des dispositions de cette directive ont été notifiées à la Commission. Le Royaume de Belgique demande dès lors à la Cour de ne pas le condamner au paiement d’une somme forfaitaire ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de la somme forfaitaire proposé et de prendre en compte dans son calcul un coefficient de gravité de 1.
60 Dans son mémoire en réplique, la Commission affirme à nouveau que le montant de la somme forfaitaire proposé est proportionné et ne doit pas être réduit. En effet, d’abord, l’article 260, paragraphe 3, TFUE prévoirait la possibilité d’infliger des sanctions pécuniaires afin d’atteindre l’objectif consistant à inciter les États membres à mettre rapidement fin à une infraction, mais aussi à alléger et à accélérer la procédure visée à cette disposition. Ensuite, en l’espèce, le manquement reproché aurait incontestablement persisté pendant une longue période, à savoir du 3 août 2022 au 23 avril 2024. Enfin, les arguments du Royaume de Belgique relatifs à la gravité de l’infraction seraient inopérants, dès lors qu’une éventuelle réduction du coefficient de gravité n’aurait aucune incidence sur le montant de la somme forfaitaire minimale de 2 352 000 euros.
61 À titre surabondant, quant à la gravité du manquement reproché, la Commission observe, en rappelant ce qui avait déjà été exposé dans sa requête, que l’obligation d’adopter des mesures nationales en vue de la transposition complète d’une directive et l’obligation de communiquer ces mesures constituent des obligations essentielles des États membres afin d’assurer la pleine efficacité du droit de l’Union, et que le manquement à ces obligations doit, dès lors, être considéré comme étant d’une gravité certaine. À cet égard, elle souligne qu’un nombre important de dispositions de la directive 2019/1158, qui ont trait à la protection de l’une des valeurs fondamentales de l’Union, à savoir l’égalité entre les hommes et les femmes, n’aurait pas été transposé dans les délais impartis.
62 À l’argument selon lequel une protection relativement satisfaisante était déjà offerte aux salariés avant la transposition de cette directive, la Commission rétorque que les mesures d’harmonisation adoptées par le législateur de l’Union doivent être transposées par les États membres dans leur droit national afin de ne pas affaiblir leur caractère contraignant et que la préexistence de mesures nationales dans les domaines couverts par ces mesures d’harmonisation ne saurait être considérée comme étant une circonstance atténuante pouvant donner lieu à des sanctions moins sévères en cas de non-respect du délai de transposition. Elle ajoute que, même si des règles de droit interne peuvent être considérées comme étant de nature à assurer une transposition partielle de la directive en cause, les États membres ne sont pas dispensés de l’obligation d’informer la Commission de l’existence de ces règles. En outre, la préexistence à l’adoption de la directive 2019/1158 de mesures nationales relatives au domaine couvert par celle-ci ne constituerait pas une circonstance atténuante, dès lors que, en tout état de cause, le Royaume de Belgique était tenu de transposer cette directive au plus tard le 2 août 2022. Ainsi, une simple pratique administrative, par nature modifiable au gré de l’administration et dépourvue d’une publicité adéquate, ne saurait être considérée comme constituant une exécution valable des obligations prévues par le traité. Le congé d’aidant et les formules souples de travail pour les travailleurs qui sont parents ou les aidants, visés par ladite directive, seraient d’une importance capitale, d’autant plus que la difficulté de concilier vie professionnelle et responsabilités familiales serait une cause importante de la sous-représentation des femmes sur le marché du travail.
63 Cette institution estime que, par sa proposition d’appliquer un coefficient de 4, elle s’était déjà montrée assez généreuse dans l’appréciation de la gravité de l’infraction. En effet, une exonération totale quant au paiement d’une somme forfaitaire ou une réduction du montant d’une telle somme, telles que réclamées par le Royaume de Belgique, ôterait au mécanisme de sanction prévu à l’article 260 TFUE tout effet utile et méconnaîtrait son objectif qui est d’assurer la pleine application du droit de l’Union.
64 La coopération entre le Royaume de Belgique et la Commission ne serait pas non plus constitutive d’une circonstance atténuante dès lors que le fait de communiquer les démarches démontrant l’intention de procéder rapidement à la transposition d’une directive n’est pas suffisant. Par ailleurs, le Royaume de Belgique n’aurait pas toujours correctement informé la Commission de l’état de la transposition de la directive 2019/1158 et n’aurait pas non plus communiqué les dispositions pertinentes de la législation nationale préexistante.
65 Quant à l’arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte) (C‑147/23, EU:C:2024:346), la Commission indique examiner actuellement les conséquences de cet arrêt et les éventuelles modifications à apporter à la méthode utilisée pour déterminer la capacité de paiement des États membres, telle que définie dans la communication de 2023. Dans l’attente de l’issue de cet examen, la Commission continuerait de jouer son rôle de gardienne des traités. Rappelant la large marge d’appréciation de la Cour pour déterminer le montant d’une sanction qu’elle estime approprié, la Commission réaffirme sa volonté de maintenir sa proposition quant au montant de la somme forfaitaire dont le calcul était fondé, antérieurement au prononcé de cet arrêt, sur la méthode définie dans la communication de 2023.
66 Dans son mémoire en duplique, le Royaume de Belgique souligne tout d’abord que la Cour peut infliger une somme forfaitaire d’un montant inférieur au montant minimal proposé par la Commission, compte tenu de l’incidence limitée de la transposition tardive de la directive 2019/1158. Une réduction de ce montant constituerait une réaction proportionnée de la Cour, sans pour autant porter atteinte au mécanisme de sanction, dès lors que le cadre législatif national préexistant à cette directive influencerait l’appréciation de la gravité du manquement reproché.
67 Le Royaume de Belgique ajoute que, en l’occurrence, tout a été mis en œuvre pour transposer au plus vite la directive 2019/1158 alors même que les travailleurs concernés jouissaient déjà d’une protection élevée.
68 Cet État membre soutient également que la Commission doit tenir compte du principe d’égalité consacré par la constitution belge garantissant un traitement égal entre les membres du personnel contractuel et les membres du personnel statutaire.
69 Quant au congé d’aidant ainsi qu’aux formules souples de travail pour les travailleurs qui sont parents ou les aidants, visés par la directive 2019/1158, le Royaume de Belgique soutient que les congés prévus par le droit belge, souvent d’une durée plus longue ou assortis du versement d’une indemnité, assurent une meilleure protection que ceux prévus par la directive 2019/1158.
70 Le Royaume de Belgique expose en outre que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, le personnel enseignant statutaire flamand n’a pas été privé pendant une période de 15 mois du bénéfice du congé d’aidant, étant donné qu’il est d’usage en Région flamande que, aux fins de son application, une nouvelle réglementation fasse l’objet d’une circulaire explicative avant sa publication officielle. Cet État membre ajoute que seule une infime partie de la population a été exclue du champ d’application de la directive 2019/1158 et que la prétendue incidence négative de cette exclusion sur la participation des femmes au marché de l’emploi doit donc être nuancée.
Appréciation de la Cour
71 Il convient de rappeler que l’article 260, paragraphe 3, premier alinéa, TFUE prévoit que, lorsque la Commission saisit la Cour d’un recours en vertu de l’article 258 TFUE, estimant que l’État membre concerné a manqué à son obligation de communiquer des mesures de transposition d’une directive adoptée conformément à une procédure législative, elle peut, lorsqu’elle le considère approprié, indiquer le montant d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte à payer par cet État membre, qu’elle estime adapté aux circonstances. Conformément à l’article 260, paragraphe 3, second alinéa, TFUE, si la Cour constate le manquement, elle peut infliger à l’État membre concerné le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte dans la limite du montant indiqué par la Commission, l’obligation de paiement prenant effet à la date fixée par la Cour dans son arrêt.
72 Dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 47 du présent arrêt, il est établi que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, le Royaume de Belgique n’avait ni adopté ni, partant, communiqué à la Commission toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la transposition dans son droit interne des dispositions de la directive 2019/1158, il y a lieu de considérer que ce manquement relève du champ d’application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE.
73 Par ailleurs, il convient de rappeler que l’objectif poursuivi par le mécanisme figurant à l’article 260, paragraphe 3, TFUE est non seulement d’inciter les États membres à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l’absence d’une telle disposition, aurait tendance à persister, mais également d’alléger et d’accélérer la procédure d’imposition de sanctions pécuniaires concernant les manquements à l’obligation de communication des dispositions nationales de transposition d’une directive adoptée conformément à la procédure législative [arrêt du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 80 et jurisprudence citée].
74 Afin d’atteindre cet objectif, l’article 260, paragraphe 3, TFUE prévoit l’imposition, notamment, d’une somme forfaitaire en tant que sanction pécuniaire.
75 La condamnation au paiement d’une somme forfaitaire repose sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations pesant sur l’État membre concerné à l’égard des intérêts privés et publics en présence, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période [arrêt du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 82 et jurisprudence citée].
76 À cet égard, la Commission motive la nature et le montant des sanctions pécuniaires sollicitées, en s’appuyant sur les lignes directrices qu’elle a adoptées, telles que celles contenues dans ses communications, qui, tout en ne liant pas la Cour, contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission [arrêt du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 83 et jurisprudence citée].
77 S’agissant de l’opportunité d’imposer une somme forfaitaire, il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union [arrêt du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 84 et jurisprudence citée].
78 En l’occurrence, il convient de considérer que, nonobstant le fait que le Royaume de Belgique a coopéré avec les services de la Commission au cours de la procédure précontentieuse, l’ensemble des éléments juridiques et factuels entourant le manquement constaté constitue un indicateur de ce que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union est de nature à requérir l’adoption d’une mesure dissuasive telle que l’imposition d’une somme forfaitaire. À cet égard, il convient de relever que, tant à l’expiration du délai prévu à l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2019/1158 qu’à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives permettant une transposition effective de cette directive n’avaient pas été communiquées à la Commission.
79 Cette appréciation n’est pas remise en cause par les arguments du Royaume de Belgique exposés aux points 55 à 59 du présent arrêt, selon lesquels les conséquences dudit manquement sur la population active en Belgique auraient été très limitées tant dans leur portée que dans leur durée, la teneur de la réglementation belge étant déjà conforme aux exigences minimales imposées par la directive 2019/1158 et le retard de la transposition de cette directive très limité dans le temps, de sorte qu’il y aurait lieu de ne pas infliger la somme forfaitaire proposée par la Commission, sinon de réduire son montant et de prendre en compte un facteur de gravité de 1.
80 En effet, il convient de rappeler que l’obligation d’adopter les mesures nationales pour assurer la transposition complète d’une directive et l’obligation de communiquer ces mesures à la Commission constituent des obligations essentielles des États membres afin d’assurer la pleine effectivité du droit de l’Union et que la communication des mesures de transposition ne saurait dès lors être considérée comme étant une question purement formelle [voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2024, Commission/Lettonie (Code des communications électroniques européen), C‑454/22, EU:C:2024:235, point 89].
81 Par ailleurs, si la circonstance que le manquement constaté au point 47 du présent arrêt n’a pas eu de conséquences négatives sur la population active en Belgique, à la supposer établie, pourrait être pertinente pour apprécier la gravité de ce manquement aux fins du calcul du montant de la somme forfaitaire, elle ne saurait, en revanche, l’être afin d’apprécier l’opportunité d’imposer une telle sanction [arrêt du 14 mars 2024, Commission/Lettonie (Code des communications électroniques européen), C‑454/22, EU:C:2024:235, point 88].
82 De même, l’argument du Royaume de Belgique selon lequel le retard pris dans la transposition de la directive 2019/1158 a été très limité dans le temps doit être écarté, dès lors qu’il est tenu compte du dépassement du délai de transposition d’une directive non pas lors de l’appréciation de l’opportunité d’imposer une sanction pécuniaire, mais dans le cadre de la détermination de la durée de l’infraction en vue de fixer le montant de la sanction à infliger.
83 En ce qui concerne le calcul du montant de la somme forfaitaire, il convient de rappeler que, en application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, seule la Cour est compétente pour infliger une sanction pécuniaire à un État membre. Toutefois, dans le cadre d’une procédure engagée sur le fondement de cette disposition, la Cour ne dispose que d’un pouvoir d’appréciation encadré, dès lors que, en cas de constat d’un manquement par cette dernière, les propositions de la Commission lient la Cour quant à la nature de la sanction pécuniaire qu’elle peut infliger et quant au montant maximal de la sanction qu’elle peut prononcer [arrêt du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 86 et jurisprudence citée].
84 Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière tel qu’encadré par les propositions de la Commission, il appartient à la Cour, ainsi qu’il a été rappelé au point 77 du présent arrêt, de fixer le montant de la somme forfaitaire au paiement de laquelle un État membre peut être condamné en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE de telle sorte qu’il soit, d’une part, adapté aux circonstances et, d’autre part, proportionné à l’infraction commise. Figurent notamment au rang des facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité du manquement constaté, la période durant laquelle celui-ci a persisté ainsi que la capacité de paiement de l’État membre en cause [arrêt du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 87 et jurisprudence citée].
85 Il convient également de rappeler, ainsi qu’il est mentionné au point 76 du présent arrêt, que, dans le cadre de ce pouvoir d’appréciation, des lignes directrices, telles que les communications de la Commission, ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission elle-même lorsque cette institution fait des propositions à la Cour [arrêt du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 88 et jurisprudence citée].
86 En l’occurrence, la Commission s’est fondée sur la communication de 2023 pour justifier sa demande tendant à la condamnation du Royaume de Belgique au paiement d’une somme forfaitaire, ainsi que pour fixer le montant de celle-ci.
87 En premier lieu, concernant la gravité du manquement constaté, il convient de rappeler que l’obligation d’adopter des dispositions pour assurer la transposition complète d’une directive et l’obligation de communiquer ces dispositions à la Commission constituent des obligations essentielles des États membres afin d’assurer la pleine effectivité du droit de l’Union, et que le manquement à ces obligations doit, dès lors, être considéré comme étant d’une gravité certaine [arrêt du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 92 et jurisprudence citée].
88 En l’occurrence, il y a lieu de souligner que la directive 2019/1158 est un instrument crucial du droit de l’Union en ce qu’elle établit, ainsi que l’énonce son article 1er, lu en combinaison avec les considérants 6, 11, 16, 34 et 36 de celle-ci, des exigences minimales conçues pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les opportunités sur le marché du travail et le traitement au travail, en facilitant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale pour les travailleurs qui sont parents ou les aidants. En effet, l’égalité entre les femmes et les hommes est un principe fondamental du droit de l’Union. Les politiques relatives à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée contribuent à la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes en encourageant la participation des femmes au marché du travail, le partage des responsabilités familiales à parts égales entre les hommes et les femmes et la réduction des écarts de revenus et de salaire entre les hommes et les femmes. Cette directive vise ainsi à renforcer le cadre juridique de l’Union et à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes en garantissant des exigences minimales en matière de congé de paternité, de congé parental et de congé d’aidant, ainsi qu’en matière de formules souples de travail pour les travailleurs qui sont parents ou les aidants.
89 Ainsi, l’absence de transposition complète de la directive 2019/1158 dans le délai imparti porte nécessairement atteinte au respect du droit de l’Union et à son application uniforme et effective, nuit à l’égalité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et leur traitement au travail et doit, par conséquent, être considérée comme étant d’une gravité certaine.
90 Cela étant, en application de la jurisprudence citée au point 84 du présent arrêt, aucun des arguments soulevés par le Royaume de Belgique ne saurait être pris en compte en tant que circonstance atténuante dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction.
91 Premièrement, doit être rejeté l’argument selon lequel l’absence de transposition dans le délai requis des dispositions de la directive 2019/1158 spécifiquement visées dans la requête et le mémoire en réplique de la Commission, dont seulement trois, à savoir celles relatives au congé d’aidant et aux formules souples de travail pour les travailleurs qui sont parents ou les aidants, prévues aux articles 6, 9 et 12 de cette directive, seraient des dispositions essentielles, n’aurait pas de conséquences substantielles sur les intérêts publics et privés, le Royaume de Belgique relevant à cet égard la préexistence de mesures nationales garantissant une protection satisfaisante des travailleurs salariés ainsi que les conséquences très limitées de cette absence de transposition, tant dans sa portée que dans sa durée, sur la population active dont seulement trois catégories de personnel statutaire en Région flamande seraient concernées.
92 En effet, s’il est vrai que le Royaume de Belgique a, au cours de la phase écrite de la procédure devant la Cour, mis un terme au manquement qui lui était reproché, il n’en demeure pas moins que certaines dispositions de ladite directive n’avaient, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, toujours pas été transposées dans le droit national pour une partie du territoire du Royaume de Belgique.
93 À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 87 du présent arrêt, que l’obligation d’adopter les mesures de transposition d’une directive constitue une obligation essentielle. Or, la circonstance que certaines de ses dispositions ont déjà été transposées dans le droit national ne saurait être considérée comme étant une circonstance atténuante.
94 Deuxièmement, doit être rejeté l’argument selon lequel la teneur de la réglementation belge était déjà conforme sur de nombreux points aux exigences minimales imposées par la directive 2019/1158, de sorte qu’aucune transposition n’aurait été nécessaire sur ces points. En effet, un État membre ne saurait s’exonérer de son obligation de transposition en invoquant l’instauration de mesures qui ne relèvent pas de la directive ou qui dépassent les objectifs de celle-ci.
95 Il convient également de rappeler que si une directive prévoit expressément l’obligation pour les États membres d’assurer que les dispositions nécessaires pour sa mise en œuvre contiennent une référence à cette directive ou soient accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle, il est, en tout état de cause, nécessaire que les États membres adoptent un acte positif de transposition de la directive en cause [arrêt du 16 juillet 2020, Commission/Irlande (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑550/18, EU:C:2020:564, point 31 et jurisprudence citée].
96 Troisièmement, il y a lieu de rappeler qu’une obligation de coopération loyale avec la Commission incombe de toute manière aux États membres en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, ce qui implique que tout État membre est tenu de faciliter l’accomplissement par cette institution de sa mission consistant, conformément à l’article 17 TUE, à veiller, en tant que gardienne des traités, à l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour. Partant, seule une coopération avec la Commission se caractérisant par des démarches témoignant de l’intention de se conformer dans les plus brefs délais aux obligations découlant d’une directive peut être prise en compte en tant que circonstance atténuante dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction [arrêt du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 99 et jurisprudence citée].
97 En l’occurrence, il y a lieu de considérer que le Royaume de Belgique n’a pas fait preuve d’une célérité exemplaire en mettant 10 mois à compter de l’expiration du délai de deux mois prévu dans l’avis motivé et environ 21 mois à compter de l’expiration du délai fixé à l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2019/1158 pour se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.
98 En deuxième lieu, dans le cadre de l’appréciation de la durée de l’infraction, il importe de rappeler, que, en ce qui concerne le début de la période dont il convient de tenir compte pour fixer le montant de la somme forfaitaire, la date à retenir en vue de l’évaluation de la durée du manquement en cause est non pas celle de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission, mais la date à laquelle expire le délai de transposition prévu par la directive en question [arrêt du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 101 et jurisprudence citée].
99 Or, en l’occurrence, à l’expiration du délai de transposition prévu à l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2019/1158, à savoir le 2 août 2022, il est constant que le Royaume de Belgique n’avait pas adopté toutes les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nécessaires pour assurer une transposition spécifique et complète de cette directive dans le droit national et, partant, n’avait pas non plus communiqué ces dispositions à la Commission, contrairement à ce que prévoit cet article 20, paragraphe 1. Il s’ensuit que le manquement en cause, qui n’a pris fin que le 23 avril 2024, a persisté pendant plus d’un an et demi.
100 En troisième lieu, en ce qui concerne la capacité de paiement de l’État membre en cause, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, sans préjudice de la possibilité pour la Commission de proposer des sanctions financières fondées sur une pluralité de critères, en vue de permettre, notamment, de maintenir un écart raisonnable entre les divers États membres, il convient de prendre en compte le PIB de cet État en tant que facteur prédominant aux fins de l’appréciation de sa capacité de paiement et de la fixation de sanctions suffisamment dissuasives et proportionnées, afin de prévenir de manière effective la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union [arrêts du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 81, et du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 103].
101 À cet égard, la Cour a itérativement jugé qu’il convenait de prendre en compte l’évolution récente du PIB de l’État membre concerné, telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour [arrêts du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 82, et du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 104].
102 En l’occurrence, le facteur « n », représentant la capacité de paiement de l’État membre concerné par rapport à la capacité de paiement des autres États membres, appliqué par la Commission aux termes des points 3.4 et 4.2 de la communication de 2023, se définit comme étant une moyenne géométrique pondérée du PIB de l’État membre concerné par rapport à la moyenne des PIB des États membres, qui compte pour deux tiers du calcul du facteur « n », et de la population de l’État membre concerné par rapport à la moyenne de la population des États membres, qui compte pour un tiers du calcul du facteur « n », ainsi qu’il ressort de l’équation mentionnée au point 15 du présent arrêt. La Commission justifie cette méthode de calcul du facteur « n » à la fois par l’objectif de maintenir un écart raisonnable des facteurs « n » des États membres, en comparaison avec un calcul fondé uniquement sur le PIB des États membres, et par l’objectif de garantir une certaine stabilité dans le calcul du facteur « n », étant donné qu’il est peu probable que la population varie de manière significative sur une base annuelle [arrêts du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 83, et du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 105].
103 Toutefois, la Cour a jugé que la détermination de la capacité de paiement de l’État membre concerné ne saurait inclure, dans la méthode de calcul du facteur « n », la prise en compte d’un critère démographique selon les modalités prévues aux points 3.4 et 4.2 de la communication de 2023 [arrêts du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 86, et du 6 mars 2025, Commission/Allemagne (Directive lanceurs d’alerte), C‑149/23, EU:C:2025:145, point 106].
104 Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 100 du présent arrêt et à défaut d’un critère pertinent avancé par la Commission pour garantir une stabilité de calcul et maintenir un écart raisonnable des facteurs « n » des États membres, c’est en tenant compte de la moyenne du PIB du Royaume de Belgique des trois dernières années qu’il convient de fixer le montant de la somme forfaitaire.
105 Eu égard à ces considérations et au regard du pouvoir d’appréciation reconnu à la Cour par l’article 260, paragraphe 3, TFUE, lequel prévoit que celle-ci ne saurait, en ce qui concerne la somme forfaitaire, fixer un montant dépassant celui indiqué par la Commission, il y a lieu de considérer que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues à celle résultant de la violation de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2019/1158 et portant atteinte à la pleine effectivité du droit de l’Union requiert l’imposition d’une somme forfaitaire dont le montant doit être fixé à 2 352 000 euros.
Sur les dépens
106 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :
1) En ayant omis, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé de la Commission européenne, d’adopter l’ensemble des dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019, concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil, et, partant, en ayant omis de communiquer ces dispositions à la Commission, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2019/1158.
2) Le Royaume de Belgique est condamné à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire d’un montant de 2 352 000 euros.
3) Le Royaume de Belgique est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
Signatures
* Langue de procédure : le néerlandais.